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La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie: la mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée

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par Audrey Dupont
Université Aix-Marseille - Anthropologie 2015
  

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I.1.2. Découpage administratif et gestion de l'espace maritime

Les Accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa par la suite ont joué un rôle important dans la reconnaissance du fait colonial et de la culture kanak et l'autorité dite « coutumière». Si les huit aires coutumières, les huit conseils coutumiers et le conseil consultatif coutumier du territoire datent de la loi référendaire du 9 novembre 1988 découlant des accords de Matignon, le statut coutumier est pleinement reconnu grâce à la loi organique de mars 1999, qui instaure le Sénat coutumier, place et lieu du conseil consultatif10. Les Accords de Nouméa ont donc davantage valorisé le patrimoine kanak, notamment par le rétablissement du nom des lieux en langues locales, l'enseignement des langues kanak, le retour des objets culturels et la redistribution des terres coutumières à travers l'Agence de Développement Rural et de l'Aménagement Foncier (ADRAF - Ibidem). Ce sont ces mêmes textes qui ont déterminé la composition et le mode de fonctionnement du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, ordonné par le Congrés, l'assemblée délibérante de Nouvelle Calédonie responsable de la gouvernance législative et administrative du pays. Ce gouvernement est l'organe exécutif de la collectivité de Nouvelle-Calédonie et participe de la gouvernance du territoire tout comme les autres institutions précédemment citées.

Ces accords ont également prévu le transfert et dans la répartition des compétences et le rééquilibrage économique et social, notamment par la création de relais administratifs intermédiaires entre le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie et la population. Il s'agit des trois provinces (cf. figure 2) : la Province Nord (PN - 50 487 habitants), la Province Sud (PS - 199 983 habitants) et la Province des Loyautés (18 297 habitants)11. Effectives depuis le début des années 2000, les Provinces possèdent, entre autres compétences, la responsabilité de la gestion du patrimoine naturel et environnemental ; et ce depuis la loi organique de 1999. Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie n'est donc pas directement en charge de la compétence environnementale.

Si la Province des îles Loyautés n'a pas encore rédigé un texte de loi de référence, les Provinces Sud et Nord ont voté leurs codes de l'environnement en 2008 et 2009, sous délibération du Congrés. Ces textes sont complétés et actualisés régulièrement afin de mieux compiler les règlementations déjà existantes et celles mises en place depuis la création de ces institutions. (Atlas de la Nouvelle-Calédonie, 2012). De plus, la PN et la PS ont des lignes politiques différentes, voire opposées. La participation effective de la population dans la prise

9 Définition de destin commun : http://fr.wikipedia.org/wiki/Destin_commun

10 Cf. http://www.senat-coutumier.nc/le-senat-coutumier/historique

Nous voulons aussi insister sur le fait que ce processus de reconnaissance de la culture kanak est toujours en cours aujourd'hui puisque les chefferies des aires coutumières se sont réunies le 12 avril dernier (2014) pour signer la charte du peuple Kanak sur le socle commun de leurs valeurs et des principes fondamentaux de leur civilisation. Cette chartre cherche à créer un « cadre juridique supérieur » assurant la pérennité de l'unité et de la souveraineté du Peuple Kanak (Bernard, 2014).

11 Chiffres du dernier recensement de 2014 : http://www.isee.nc/

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de décision et dans la mise en place des mesures de protection environnementale n'a pas la même importance d'une Province à une autre. Ce phénomène est notamment lié à la répartition socio-ethnique de la population : une grande majorité des habitants de la PN est kanak alors que la PS présente une grande mixité culturelle.

A la PS, la Direction de l'Environnement (la DENV) emploie environ une centaine de personnes pour organiser la gestion de l'environnement. Dans le récent service de l'« Évaluation environnementale » de la DENV, qui s'occupe aussi de la gestion des espaces marins, un expert en faune marine est chargé de suivre la mise en place de la conservation des espèces marines, dont le dugong (information tirée des entretiens). La Province Nord possède un pôle « Environnement et Ressources Naturelles » au sein de la Direction du Développement Économique et de l'Environnement (DDEE) et dans lequel s'insère la sous-direction des milieux et ressources aquatiques. Cette dernière a pour mission de coordonner l'action publique pour gérer les ressources marines, les aires protégées et valoriser le patrimoine naturel marin. Toutefois, la Zone Économique Exclusive (ZEE) reste la propriété de l'État français qui exerce des droits souverains en matière d'exploration et d'usages des ressources sur cette zone (Atlas de la Nouvelle-Calédonie, 2012).

Concernant le lagon calédonien, les Provinces ont contribué à la définition des statuts juridiques des aires marines protégées par la rédaction des Codes de l'Environnement de la Province Nord et Sud. Ces statuts juridiques ont la particularité d'être holistes puisqu'ils délimitent des espaces où la protection de l'eau, de la faune, de la flore, ainsi que du patrimoine historique et culturel attachés à ces lieux sont considérés. Ces aires se sont généralisées avec la Convention sur la Diversité Biologique de 1992 (CDB) et utilisent les catégories de protection définies par l'Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN)12. Aujourd'hui une trentaine d'aires marines protégées ont été créées en Province Nord et Sud, sur une surface cumulée de 4000 km2, et six sites répartis dans 4 collectivités ont été inscrits en 2008 sur la liste des biens naturels au patrimoine mondial de l'UNESCO. Ce « Bien » est reconnu par l'État français comme une aire marine protégées étendue et s'intègre aussi dans le Code de l'environnement français13.

Si cette inscription n'est pas une mesure de protection en soi, elle établit néanmoins un cadre législatif international et impose un modèle de gestion concertée. Jusque-là, la Nouvelle-Calédonie ne possédait pas ou peu d'association locale dédiée à la gestion de l'environnement (Atlas de Nouvelle-Calédonie, 2012). A la fin des années 1990-début 2000, les seuls acteurs non-institutionnels présents sur le territoire en matière de protection naturelle étaient les Organisations Non-Gouvernementales (ONG) internationales comme World Wildlife Funds (WWF). Ainsi, le classement au patrimoine mondial de ces 6 sites oblige les jeunes provinces à s'investir dans une nouvelle gouvernance basée sur des comités de gestions participatifs, sensés favoriser l'engagement et la prise en compte de la population dans la protection environnementale (Ibidem). Ils sont devenus aujourd'hui des acteurs régionaux importants, comme nous allons le constater plus loin avec le site de la Zone Côtière Ouest (ZCO), qui accueille un comité de gestion monté en association du même nom, ou encore les comités de gestion présents sur les aires marines de la Zone Côtière Nord et Est (ZCNE).

Afin de faire respecter la règlementation, les Provinces ont fondé des services de protection maritime et terrestre : la Brigade nature de la Province Nord et la Protection du lagon dans la Province Sud. Plus qu'un travail de surveillance, ces agents sont surtout chargés

12 http://fr.wikipedia.org/wiki/Aire_marine_prot%C3%A9g%C3%A9e

13 http://www.aires-marines.fr/LAgence/Organisation/Antennes/Antenne-Nouvelle-Caledonie

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de sensibiliser la population aux règles de pêche et de conduite en mer. De plus, depuis 2013, des agents assermentés des deux Provinces sont habilités à dresser des procès verbaux lorsqu'ils constatent des infractions commises par les pêcheurs et/ou plaisanciers.

Enfin, d'autres acteurs apportent un appui aux collectivités territoriales et au gouvernement calédonien dans la gestion de la ressource marine. C'est le cas de l'Agence des aires marines protégées (AAMP), établissement français public à caractère administratif dédié à la protection de parcs naturels marins, qui dépend du ministère français de l'Écologie, du Développement Durable et de l'Énergie. Une antenne dépendante du siège à Brest s'est implantée en juillet 2009 à Nouméa par la mutation de Lionel Gardes, chef de l'antenne et salarié permanent. À ce jour, la structure compte 4 personnes et emploie principalement son personnel venu de métropole en contrat de deux ans.

Dans le contexte particulier de la Nouvelle-Calédonie, toujours en processus de transfert de compétences suite à l'Accord de Matignon de 1988 et de l'Accord de Nouméa en 1998, l'implantation d'un établissement dépendant de l'État français n'est pas sans signification Cette dernière a pour mission de susciter l'adhésion des acteurs environnementaux calédoniens (gouvernement, Provinces, associations locales, ONG...) aux « Plans Nationaux », ainsi que de lancer des projets dans le but qu'ils soient récupérés par la suite par les structures locales. Les Plans Nationaux d'actions sont des « outils stratégiques qui visent à assurer le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable d'espèces menacées ou faisant l'objet d'un intérêt particulier »14. Ce dispositif est mis en place lorsque les mesures de protection d'un animal paraissent insuffisantes aux yeux des organes dépendant des institutions politiques nationales françaises.

Or, l'Agence des aires marines protégées (AAMP) est chargée de l'animation du Plan d'actions dugong Nouvelle-Calédonie 2010-2015, un projet de conservation du dugong basé sur la concertation des acteurs environnementaux du territoire, tels ceux précédemment cités, et sur la sensibilisation de la population aux enjeux liés à sa protection. Pour se faire, ils ont financé cette recherche en anthropologie afin de mieux cerner les relations entre les néo-calédoniens et l'animal, et de comprendre les perceptions locales des mesures de protection mises en place jusque là pour le protéger, comme nous l'expliquons dans la prochaine partie.

I.2. Présentation du Plan d'action dugong et de l'étude I.2.1. Présentation du Plan d'actions dugong 2010-2015

En Nouvelle-Calédonie, le dugong est une espèce menacée qui possède un statut particulier : celui d'espèce « emblématique ». Les acteurs environnementaux présents sur le territoire ont jugé nécessaire de mettre en place de nouvelles mesures de conservation de cet animal, au moment où les institutions assurant la gouvernance environnementale étaient encore récentes (2009-2010). Parmi les différentes stratégies pour améliorer sa protection, l'Agence nationale des aires protégées a mis en place dés 2010 un Plan d'actions dugong.

Le Plan d'actions dugong a été créé suite à des comptages des dugongs par survols aériens en 2003 et 2008 dans le cadre du programme ZoNéCo, mis en place par le Gouvernement Français et Calédonien dans l'objectif « de rassembler et de rendre accessibles les

14 Rapport du Ministère de l'Écologie et du Développement Durable, Plans Nationaux d'actions en faveur des espaces menacées. Objectifs et exemples d'actions, www.developpement-durable.gouv.fr

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informations nécessaires à l'inventaire, la valorisation et la gestion des ressources minérales et vivantes de la Zone Economique Exclusive de la Nouvelle-Calédonie »15. Ce comptage a notamment été encadré par Claire Garrigue, responsable scientifique de l'ONG de défense des grands mammifères marins « Opération Cétacés !s ! » et ayant mené une étude en biologie sur le dugong pour l'ORSTOM16 en 1994. Les résultats de ce comptage semblaient inquiétants quant à la pérennité de l'espèce.

Ce plan d'actions rassemble dans un Groupe de Travail Restreint (GTR) un certain nombre d'acteurs concernés par la protection de l'animal dont l'Agence des aires marines protégées (AAMP), le WWF - Nouvelle-Calédonie et l'IRD17 (qui ont tous trois financé une grande partie du stage), les Provinces Nord, Sud et des Îles Loyautés, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le Sénat Coutumier, l'État français et Opération Cétacés !s. Il compte aussi des partenariats « choisis » parmi les responsables de la sensibilisation environnementale du territoire (l'association Symbiose, le Rectorat de l'académie de Nouméa, le magasine l'OEil etc.) et des partenariats « de fait ». Par exemple, ils collaborent ponctuellement avec le comité de gestion environnemental de la ZCO (dans la région de Bourail-Poya) qui promeut la sensibilisation environnementale sur le terrain et qui est particulièrement sensible au sort du dugong.

Suivant le protocole définis par les Plans Nationaux d'actions de l'État français18, le Plan d'actions dugong est articulé selon trois volets : un volet connaissance, un volet sensibilisation et communication - qui cherche à faire connaître le dugong et les enjeux de sa conservation - et un volet gouvernance - pour construire des connaissances qui puissent être partagées à différentes échelles pour une meilleure protection. Au début du projet, plusieurs travaux dirigés par l'AAMP, dont une monographie du dugong réalisé à partir des informations tirés des campagnes de survols aériens et un rapport préliminaire de l'enquête régionale dugong de 2011, font état d'un réel manque de connaissances sur cette espèce en Nouvelle-Calédonie. Le volet connaissance cherche ainsi à compléter les connaissances initiales sur le statut de conservation, la biologie et l'écologie des dugongs de Nouvelle Calédonie via de nouveaux comptages, des travaux de génétique, des études sur les pressions et les aspects socio-économiques, en lien avec l'importance des dugongs dans la culture calédonienne, ainsi que des études permettant de mieux comprendre le comportement des dugongs et leur utilisation de l'habitat.

Ce stage s'insère dans le programme d'approfondissement des connaissances et devrait renseigner une thèse sur le dugong en biologie marine, conduite par un ancien consultant de l'AAMP, membre également d'Opération Cétacés !, qui a déterminé la marche à suivre concernant sa protection en Nouvelle-Calédonie. L'encadrement scientifique et pédagogique de l'étude été délégué à Catherine Sabinot, ethno-écologue et anthropologue à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et spécialiste des zones côtières. Elle a été associée au projet et travaille de concert avec l'AAMP afin de définir les besoins en matière d'approfondissement des connaissances. Elle a aussi négocié la stratégie d'encadrement du stage avec l'ancien responsable de l'animation du Plan d'actions dugong de l'AAMP,

15 Source ZoNéCo : http://www.zoneco.nc/Genese-et-objectifs-globaux - information tirée du mémoire appliqué de Marie Toussaint (2010).

16 ancien nom de l'IRD.

17 L'IRD ne faisait pas officiellement partie du GTR mais qui il y est souvent associé pour ses compétences scientifiques diverses.

18 Rapport du Ministère de l'Écologie et du Développement Durable, Plans Nationaux d'actions en faveur des espaces menacées. Objectifs et exemples d'actions, www.developpement-durable.gouv.fr

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remplacé un mois avant le début du stage. Ils ont rédigé ensemble l'offre de stage en spécifiant que l'étude était produite dans une logique de partage et de mise en commun des efforts pour la protection de l'espèce, qu'ils ont nommé « méthodologie partagée ».

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe