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Jeux d'argent et changement social a Yaounde

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par Badel ESSALA
Université de Yaoundé I - Master en sociologie 2018
  

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ABSTRACT

Gambling are old practices in human societies, and their expansion has been lasting since the industrial revolution that Europe experienced in the late XVIIIe century. Although, relatively new in Africa, this industry is now booming in Cameroonian cities. the study of gambling and social change has been motivated by the observations of the greatness that take this phenomenon in are cities thought its multiples manifestations. This research shows, the question of the becoming of the countries which expose their citizens to failure, to mechanisms of poverty and different forms of deviations. Therefore, the problem who emerge is that attributed to gambling by the social actors of the town of Yaoundé, taking fact of their participation to these games by many social variables which can be interpreted: it means those which attributes them the eclosion of a certain chance, or certain distraction. or furthermore, that which calls motivations which calls motivations which are deeper like that which animes the ignorant, desperate or lazy persons targeting a providential gain. The principal question of the research is knowing: which are the new behavior induct by the proliferation of gambling in Yaoundé? for the principal hypothesis, it says that: the proliferation of practices of gambling in the city of Yaoundé generated in the society, spirit of lucratively, search of easy money, and illusion of rapid enrichment. Two, analytical theories led to guide research which the matrix constructivist and the sociological dynamist and critic approach, we permitted to understand the modalities of which the individuals labored their mechanisms and scheme to construct a perspective in their social lives. these sturdies served as unprovability tester to guide the research on the field, or the choice of town. The collection of data then mobilized different techniques: direct observation, documentary research, semi directive discussion and the questionnaire. The results of these study put in relief, the representations in different stage practices at individuals while evaluating their impact on the Cameroonian society in general, and the youth, which has the tendency to research on ways to rapid gain. with consequence, the risk for these players to immerge in dependency, to germs delinquency? failure unsureness etc.

Keys words: Gambling, Social change.

INTRODUCTION

1 La capacité de chaque société à produire ses propres orientations sociales et culturelles à partir de son activité et de donner un sens à ses pratiques. TOURAINE, A. 1974, Pour la Sociologie, Paris, Seuil, p.59.

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1. Contexte justificatif du choix du thème

À partir de l'historicité1 ; caractéristique des sociétés humaines, les hommes ont toujours su modifier les matériaux ou les règles, donnant prétexte à leurs jeux ou paris. Ces réaménagements permanents dans leurs activités s'arriment aux « dynamiques sociales » G. BALANDIER (1986), qui se révèlent dans notre société engagée dans un élan de transformation de la vie publique, par un processus d'adaptation de nouvelles manières d'être, d'agir et de sentir à l'ère du temps. C'est ainsi que chaque jour qui passe, des mécanismes plus perfectionnés apparaissent et de façon graduelle, l'automatisation s'installe. Il en résulte des mutations profondes dans tous les domaines d'activités. Dans le rayon culturel par exemple, les pratiques ludiques ont subi une nette progression, les jeux de divertissement traditionnels tendent à la disparition ; seuls les jeux d'enfants semblent avoir gardé leur caractère désintéressé, tandis que les jeux d'adultes se sont scindés en deux catégories majeures : le sport dont « l'agôn » ou compétition est la qualité principale et les jeux d'argent rythmés par « 1'aléa », connaissent depuis quelques années un succès croissant R. CAILLOIS (1958).

Au Cameroun, depuis la libéralisation de l'économie et la publication du décret no 92/050/PM du 17 février 1992 portant régime des jeux, les métropoles ont vu sortir de terre une multitude d'opérateurs de jeux d'argent. Ceux-ci, dont l'offre est variée, semblent au fil du temps se mettre à hauteur de la demande dans un marché jusqu'alors officiellement couvert par la fameuse LONACAM, et ce, malgré les pratiques clandestines de jeux résumées sous le vocable de « ndjambo », même si la notion désigne aussi une forme officielle de jeux d'argent prônée par les sociétés de jeux. De la publication de ce décret à nos jours, il est largement constaté que les occasions de proposer le jeu sont légion. Dans une ville comme Yaoundé, l'on serait même tenté avec A. COTTA (1993), de parler d'un envahissement de la société par le jeu. C'est-à-dire une société où les individus de tout âge confondu participent à différents types de jeux, une société où la propension aux activités ludiques est perçue sous l'angle de la conséquence directe de la banalisation des jeux d'argent et de leur acceptation comme des formes de divertissement. Mieux encore, en s'accordant avec J-P. MARTIGNONI (2000 :195), « les jeux sont devenus un passe-temps populaire parmi les fonctionnaires, les jeunes ou les chômeurs ». C'est de cette manière que, ce qui semblait jusque-là être une

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réalité relativement stable, s'est progressivement transformé en questionnements, voire en un phénomène social.

« Jeux d'argent et changement social à Yaoundé » est le thème du présent travail. Élaborée autour du diptyque jeux d'argent et changement social, cette thématique renvoie à une nouvelle approche sociologique enrichissante, qui émerge de la quête d'une culture de gain d'argent sujet à plusieurs facteurs sociaux. Il s'agit d'une sorte de rénovation dans laquelle les jeux d'argent occupent une place de choix dans une société qui devient de plus en plus basée sur le plaisir, l'intérêt et l'immédiateté. Parce qu'en réalité, les thématiques du ludique au Cameroun d'une façon générale sont abordées sous l'angle de l'impact socioculturel des structures de loisir modernes dans les grandes métropoles. Rarement, les préoccupations de l'invention du quotidien sont abordées en relation avec les lieux ludiques, reléguant ainsi au second plan les phénomènes qui relèvent du « banal » et qui suscitent l'adhésion massive des individus aux modèles de « pratique de la ville » M. BERTRAND (1978).

Il est donc question dans ce travail, de parler des logiques de socialisation des jeux d'argent par les acteurs sociaux de la ville de Yaoundé, suivant 1'idée qu'il serait possible de prospérer voire de s'enrichir non pas en travaillant, mais en jouant. Et cela se produit lorsque les voies habituelles de promotion financière sont plus ou moins bloquées ou ne sont pas du tout aisées. Les jeux d'argent deviennent pour ainsi dire un phénomène social à partir duquel se construit une nouvelle forme d'urbanité au sein des populations de cette ville, d'autant qu'elles leur accordent une place importante dans sa dynamique quotidienne.

Cette étude a une ambition limitée. Elle ne cherche pas à faire la sociologie de « tout ce qui se passe dans la ville » Y. GRAFMEYER (1994 :5) ; au contraire, elle entend se focaliser sur le phénomène des jeux d'argent en tant que produit socioculturel, donnant l'illusion de combler un « manque à gagner ». Et dans le même temps, il est catalyseur du changement social qui, depuis l'école de Chicago, a toujours été un centre d'intérêt de la Sociologie urbaine.

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2. Problème de recherche

Les deux décennies qui ont suivi l'indépendance du Cameroun ont été marquées par la prospérité économique. À cette époque, le pays, « avec ses énormes potentialités naturelles (...), se situait au 5e rang mondial des producteurs de cacao et au 2e rang des exportateurs de café » C. MALLIAT (1996 :165). Plus encore, au milieu des années 1970, il accède au club des pays exportateurs de pétrole. C'est l'avènement de la crise économique au cours des années 1980 qui vient rompre cet équilibre. En effet, selon ABUI MAMA (1996 :168), « en 1985, le Cameroun subit une importante perte de recettes à cause de la chute brutale des coûts des produits de base » sur le marché international. Les dirigeants camerounais pourtant optimistes au début de la crise, sont par la suite contraints d'adhérer au programme d'ajustement structurel proposé par le Fond Monétaire International. Cependant, les conditionnalités imposées par cette institution vont entraîner des conséquences néfastes pour les populations. Entre autres, le désengagement de l'État dans plusieurs secteurs d'activités, la baisse des salaires dans la fonction publique, la privatisation de plusieurs sociétés avec pour corolaire la compression de bon nombre de travailleurs. La dévaluation du franc CFA et la flambée des prix des produits, même ceux dits de première nécessité sont venues accentuer la pauvreté au sein des ménages.

C'est dans ce contexte de récession économique que les jeux d'argent qui n'existaient que de façon timide vont proliférer dans les villes camerounaises et plus particulièrement à Yaoundé. Nous pouvons citer entre autres, la société Foot pool, qui exerçait dans les paris sportifs avant l'arrivée en 1994 du PMUC. Cette entreprise qui précède l'arrivée en 1998 de LOTELEC, va aussitôt s'imposer comme le principal opérateur des jeux d'argent en raison de sa puissance financière et managériale2. Si bien que dans la même période, on assiste à une multiplication des salles de jeux à l'instar de la chaîne « campéro » et des bars qui totalisent à la fin de l'année 1994 plus de 1900 machines à sous MOTAZE AKAM (1998 :7). Et à grand renfort de publicité, les promoteurs de ces différents jeux vont faire miroiter aux populations les opportunités de gagner beaucoup d'argent en misant des sommes minables. Faisant face à des conditions de vie de plus en plus difficiles, de nombreux yaoundéens vont succomber à ces opérations de charme pour devenir des adeptes des jeux d'argent.

2 Jeune Afrique., 2015, Les nouveaux maîtres du jeu, 56e année, no 2862 du 15 au 21 novembre, p.p. 24-33.

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Partant, le problème qui émerge de la présente étude relève du sens attribué à ces jeux par les acteurs sociaux de la ville de Yaoundé, en tenant compte du fait que leurs pratiques ludiques peuvent être influencées par plusieurs variables sociales qui s'interprètent. Il s'agit notamment de celles qui leur attribuent l'éclosion à une certaine chance, à une distraction, ou encore, de celles qui font appel à des motivations plus profondes comme celles qui animent les naïfs, les désespérés et les paresseux en quête d'argent. Tout au moins, il est question d'interroger l'émergence d'une nouvelle civilisation, d'un nouvel itinéraire qui, de plus en plus, semble être significatif de promotion financière chez les populations urbaines à travers un phénomène qui fait l'objet d'une étrange actualité dans la ville de Yaoundé.

3. Problématique

Le 11 novembre 1993, l'État du Cameroun a signé un protocole d'accord avec la société Pari Mutuel Urbain Camerounais. Ce texte était relatif au projet d'installation d'un réseau de collecte des paris sur les courses de chevaux sur l'ensemble du territoire national. Suite à ce contrat, le PMUC est arrivé au pays le 27 janvier 1994, quinze jours seulement après la dévaluation du franc CFA. Les responsables de cette entreprise étaient alors conscients du climat économique camerounais. Décrivant ce contexte de morosité, le Directeur Général du PMUC de l'époque déclarait lors de la réunion du 18 Mai 1996 avec les délégués du personnel que « le PMUC s'est installé au Cameroun dans un contexte de crise économique aigue ». Face à une population éprouvant de plus en plus des difficultés à gagner la vie par les créneaux ordinaires du travail, ces jeux vont donc apparaître comme un moyen de spéculations boursières et partant, d'amélioration des conditions de vie des individus en faisant miroiter le gain facile.

Outre les paris licites proposés par le PMUC et d'autres opérateurs, on observe paradoxalement un détournement de toutes sortes de jeux dans les quartiers populaires : le bonneteau ou « three cards », les dés, le damier, le Ludo etc., sont à leur tour érigés en des activités lucratives auxquelles les uns et les autres participent au point de ne plus se contrôler. Ils y consacrent temps et argent. Et pour mieux les accrocher, les promoteurs de ces jeux entretiennent l'illusion qui fait qu'avec la médiatisation des gains de quelques millions décrochés par certains, chaque joueur garde l'espoir que son tour arrivera un jour. Cette espérance de gain les incite alors à participer régulièrement à ces jeux et par là, à augmenter les sommes misées. Un phénomène qui n'est pas passé inaperçu à certains arbitres des faits sociaux.

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P. NDEDI PENDA, dans « L'ami du peuple », livraison no 001 du 8 octobre 1991, titrait dans sa une : interdits en 1978 par Ahidjo, la mafia revient au galop ! L'auteur écrit : « Selon les informations publiées par des confrères de « la lettre du continent », no 146 du 27 août 1991, les jeux de hasard interdits par Ahidjo en 1978 sont de retour ! Aujourd'hui, le milieu des gangsters est à nos portes et notre jeunesse sacrifiée à l'autel des sous ». D'après ce quotidien, cette interdiction visait entre autres à protéger la jeunesse de la drogue et de la perversion qui accompagnent souvent la pratique de ces jeux. En revanche, si les jeux d'argent se bâtissent une image d'attraction des acteurs qui partiraient de l'extrême pauvreté à la plus grande richesse ostentatoire, « on sait désormais que cette forme de jeux ne vise qu'à plumer davantage les camerounais » selon J.P. ONANA (2003 :3).

Cette observation est reprise par l'hebdomadaire « Aurore Plus » dans un article paru le 31 mars 2004, où en une de ce journal, on peut lire : Jeux de hasard, les escrocs ont envahi le Cameroun. Le journal poursuit en affirmant que « Lorsque les camerounais jouent pour perdre, les autorités ne contrôlent plus rien. Les escrocs notoires ont envahi la scène pour dépouiller davantage les camerounais ». Autant dire que, si ces jeux sont des lieux où l'on s'appauvrit parce que ça brasse beaucoup d'argent, ils apparaissent à V. NGA NDONGO, dans un entretien accordé au journal « Cameroon Tribune » paru le 27 août 2003, comme :

Des déviances, des pratiques marginales, occultes qui sont le fait d'initiation d'individus aux comportements douteux dans la société ; certains sont des lieux de blanchiment de l'argent sale, d'autres participent de l'exploitation de cette mentalité primitive résiduelle. V. NGA NDONGO (2003 : 18).

En réalité, nul ne saurait aujourd'hui douter du fait que la frénésie du jeu s'est emparée des camerounais. Ces derniers seraient prêts à miser tout à la vue de menus gains toujours incertains qu'on leur fait miroiter. C'est ainsi que les retombées de ces mises englouties au jeu, vont d'abord se ressentir au sein de leurs familles respectives : on assiste çà et là, à quelques ruptures dans les ménages, on a droit à quelques procès pour dettes impayées, on s'endette un peu plus, mais on garde l'espoir qu'au prochain tour, on aura bien sa chance. J.P. ONANA (idem), ajoute qu'à travers les jeux d'argent :

3 Lire ; V. NGA NDONGO, Violence, délinquance et insécurité à Yaoundé, (information générale), rapport d'étude, Yaoundé, 2000, p.7.

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Des fortunes ont fondu et des chefs de famille méchamment mordus par le virus du jeu, ont tout sacrifié pour l'illusion de la fortune. Des ménages se sont brisés et des familles disloquées du fait des paris qui font oublier jusqu'à la responsabilité du chef de famille.

Abondant dans le même sens, J.L. NDJOU'OU AKONO (1999 :134), va plus loin dans ses analyses. Pour ce chercheur, depuis que les jeux d'argent prolifèrent dans nos villes, « certains camerounais ont baissé les bras, se sont exclus du chantier de la construction nationale ». Une réalité qui laisse percevoir à quel point ces formes de pratiques ludiques traduisent l'émergence d'un relent de crédulité, de défaitisme et de paresse à l'endroit de ceux qui s'y adonnent.

Toutes ces constatations alarmistes qui présentent les jeux d'argent comme une pratique « dangereuse », loin de les discréditer, émettent des réserves quant aux dérives qu'ils pourraient engendrer sur le plan social. Cette appréhension a d'ailleurs fait l'objet de controverses entre les députés camerounais lors de l'amendement de l'article 44 du projet de loi de 2015 intitulé : « De la contribution du secteur des jeux à la solidarité et à l'action sanitaire et sociale ». L'hebdomadaire « La Nouvelle Expression » du 1er juillet 2015 rapporte que la loi en question fut qualifiée de « loi immorale » par une partie des députés. Celle-ci leur a paru imprécise, notamment en ce qui concerne la protection des mineurs, mais elle a été également vue comme un moyen de promotion de la feymania3. Ces observations nous situent donc au coeur de ce qui fonde la préoccupation de ce travail à savoir ; les conséquences qu'auraient le temps et l'argent que les uns et les autres consacrent à ces jeux.

Si l'analyse des discours sur les jeux d'argent atteste qu'au Cameroun, cette question reste un sujet épineux qui mérite d'être étudié sous ses formes les plus variées, elle ouvre ainsi la voie à plusieurs interrogations. En effet, le laxisme dont font preuve les pouvoirs publics en matière d'encadrement des pratiques de jeux d'argent ne rend-t-il pas l'État complice des coûts sociaux conséquents de la prolifération de ces formes de « loisirs » ? La société camerounaise, minée par les problèmes de sous-emploi ne contribue-t-elle pas au

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renforcement de la vulnérabilité des individus au « ndjambo » ? Quelle facture sociale la pratique de ces jeux impute-t-elle à la société urbaine à Yaoundé ?

Après avoir construit la problématique, il revient de poser un certain nombre de questions qui orienteront la recherche. Il s'agit de la question principale et des questions de recherche.

4. Questions de recherche

La construction d'un objet d'étude passe nécessairement par la conception d'un ensemble de questionnements. Point de départ de l'enquête, ces questions sont corrélées à des hypothèses qui participent à la délimitation du champ d'analyse.

4.1. Question principale

Pour M. BEAUD (1996), une question principale est une question qui sert de fil conducteur pour le chercheur. Elle doit être précise, cruciale et centrale par rapport au thème choisi. Cette question vise non seulement à décrire le phénomène à étudier, mais aussi à le faire comprendre. Dans le cadre de la présente étude, la question principale est la suivante :

Quels sont les nouveaux comportements induis par la prolifération des jeux d'argent à Yaoundé ?

De cette question principale, découlent trois questions de recherche.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein