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Gestion des déchets au regard de la législation haà¯tienne: enjeux et perspectives (cas d'étude pratique de la ville de Hinche)


par Jean Junior Duverny
Université d'État d'Haïti - Licence Sciences Juridiques 2021
  

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SECTION II

L'ÉVOLUTION HISTORIQUE DES DÉCHETS EN HAÏTI

Tout comme les civilisations occidentales, l'histoire des déchets solides en Haïti, en particulier dans la ville de Hinche, est écrite par des périodes d'avancées munies de longues périodes de régression.

2.1-L'histoire des déchets de 1950 à 1970

Les périodes allant de 1950 à 1970, appartiennent à ce que nous appelons, l'ère du tâtonnement en matière de législation spécifique à la gestion des déchets solides. En effet, l'analyse des données disponibles, révèle un état des lieux de la question de la gestion des déchets solides dans la législation haïtienne, reléguée à l'arrière-plan, n'ayant droit à aucun texte de loi qui lui soit spécifique43. Elle était au contraire noyée dans des textes de loi se rapportant à d'autres domaines tel l'Urbanisme par exemple. La Loi du 9 septembre 1918 relative à l'entreposage sur la voie publique des matériaux de construction qui est directement associé à la problématique des déchets pour des villes qui se développent sans aucun plan directeur pour la plupart. Il cite également le Décret-loi sur l'Urbanisme du 22 Juillet 1937, où les ordures ménagères ont été pour la première fois indirectement visées44.

Une avancée majeure, au cours de cette période de tâtonnement, peut cependant, être soulignée avec la parution en 1954 du code de l'Hygiène d'Assistance Publique et Sociale45 . Ce document regroupait les textes législatifs, décrets lois et arrêtés compris dans la période allant de 1870 et 1944 avec comme particularité, l'importance accordée à la salubrité des lieux de production des

43 Source : http://www.unesco.org/csi/pub/info/haiti3.htm consulté le 12 novembre 2008

44 Article 140 de la loi n° VII au chapitre II, relatif au « Régime des Eaux, de l'Irrigation et du Drainage des Eaux de Surface. Code de l'Hygiène d'Assistance Publique et Sociale de 1954 »

45 Ibid

40

déchets. La mention de certains interdits en rapport avec l'élimination des déchets, dans l'article 1402 en ces termes : « L'évacuation des eaux, de déchets, des installations industrielles et des maisons de résidence dans les cours d'eau naturels et dans les canaux d'irrigation et de drainage est formellement interdite »46. Cet interdit à l'analyse, semble déjà, nous renseigne sur certaines pratiques de rejets des déchets solides de la population à Port-au-Prince et dans les villes de province. Cette remarque, à priori, invite à questionner les pratiques des habitants ainsi que la disponibilité des moyens mis à leur disposition en vue de l'évacuation des déchets ménagers à l'époque.

A cet effet, les données dont nous disposons, permettent de remonter jusqu'aux années 60. Ces données relatent une réalité de propreté urbaine apparente, ne s'inscrivant pas dans une vision à long terme, qui relève d'une disposition autoritaire, organisée par le Ministère de la Santé Publique à travers le Service d'Hygiène et la Mairie. « Les camions du Service d'Hygiène sillonnaient les artères de la capitale pour collecter les ordures ménagères en faisant le porte-à-porte dans les quartiers résidentiels. Les officiers sanitaires étaient présents dans les villes de provinces et affichaient une image de propreté sans faille apparente. Des mesures très sévères étaient prises à l'encontre des contrevenants (coup de bâtons, arrestation, etc....). L'arrivée du camion était signalée par le son d'une cloche et la population avait pour obligation de présenter ses déchets bien conditionnés dans des paniers en osier ou tout autre récipient approprié » Cependant, poursuit l'auteur si « le problème semblait être résolu en amont, la réalité en aval était tout autre, car le code d'hygiène n'avait pas prévu de loi concernant la destination finale des déchets ». Cela signifie qu'aucune décharge officielle n'existait à l'époque. Les chauffeurs du service d'hygiène ou de la voirie nettoyaient effectivement les différentes artères de

46 Article 140 de la loi n° VII au chapitre II, relatif au « Régime des Eaux, de l'Irrigation et du Drainage des Eaux de Surface. Code de l'Hygiène d'Assistance Publique et Sociale de 1954

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l'agglomération, mais après ils déversaient les déchets un peu partout dans des espaces vides non bâtis de la ville47. Enfin au cours de cette période, l'accent était mis en particulier sur la salubrité de l'espace public.

2.2- Accroissement de l'exode rural (1971 - 1980)

Le service de collecte organisée par le Ministère de la Santé Publique à travers le Service d'Hygiène ne tardera pas afficher ses limites face à l'accroissement de l'exode rural vers le pays. En effet, depuis les années 1960, Haïti subit une dégradation sans précédent de son espace rural et de ses ressources naturelles. Celle-ci ne s'exprime pas seulement par une baisse de la productivité agricole mais aussi par une accélération des pertes en sol, les facteurs du milieu physique étant naturellement fragiles, 60% des terres cultivées sont situées en montagne sur des pentes très fortes (de 20 à 80%) et le régime des pluies souvent violentes favorise le ruissellement et l'érosion48. De plus, dans les années 70, la Peste Porcine Africaine décelée en République Dominicaine voisine, ne tarde pas à traverser la frontière. Sous la pression des Etats-Unis d'Amérique (USA), du Canada et du Mexique qui craignent pour leurs industries, on a procédé à l'abattage de tous les porcs de l'île. Ce sera la plus grande catastrophe du monde rural haïtien et qui rompra le fragile équilibre du système agraire de subsistance paysanne. A partir de ce moment, on assistera à une accélération de la faillite des exploitations agricoles avec des conséquences immédiates parmi lesquelles, l'accroissement accéléré de l'exode rural » Dans ce contexte, le paysan en quête d'un mieux-être se dirige désormais vers les centres urbains du pays en particulier dans l'agglomération du pays49.

47 Selon les données de l'unité de télédétection des systèmes d'informations géographiques (UTSIG)

48 Trottier S., Rodriguez E., 2006, op, cit, page 42

49 Ibid, page 43.

42

Par ailleurs, l'exode rural se verra accentué durant les premières années qui ont suivi l'avènement de François Duvalier au pouvoir en 1957. En effet, en vue d'établir un contrôle policier, le plus strict possible sur la population, et d'asseoir son pouvoir totalitaire et dictatorial, tous les ports des villes de l'intérieur avaient été fermés au commerce international50. Le port et l'aéroport de Port-au-Prince devaient désormais desservir le pays tout entier. La rotation du commerce s'en trouve accélérée et, avec elle, les migrations vers Port-au-Prince. François Duvalier construira Duvalier-Ville et la cité Simone-Ovide-Duvalier. Cette dernière étant destinée aux « déshérités de l'arrière-pays ». Ces différentes extensions de la ville invitaient à l'accueil dans Port-au-Prince des familles de fonctionnaires, de militaires, de partisans des gouvernements en place et aussi des chômeurs venus du monde rural dont l'économie agricole s'étiolait considérablement. Ses chômeurs voyaient en Haïti, l'opportunité de tenter leur chance à la recherche d'une embauche, édifiant des bidonvilles et s'installant dans les rues des villes de provinces incitant ainsi l'éclosion des premiers commerces marginaux informels.

Ainsi, ces nouveaux arrivants participent dans les villes, ils consomment, travaillent, et produisent également des déchets. Cette augmentation de la population, s'accompagne du bouleversement du fragile équilibre des infrastructures existantes, notamment le service de collecte des déchets ménagers et des industries.

2.3-Création d'un Service exclusivement dédié à la gestion des déchets solides (1981 - 1983) L'augmentation de la production de déchets ménagers liée à l'accroissement de la population par l'exode rural, jointe aux pratiques d'élimination des déchets collectés durant les années 60 et 70, n'a pas tardé à produire des impacts visibles sur l'environnement urbain du pays. En effet, lors des saisons pluvieuses, de fréquents cas d'inondation sont désormais enregistrés, les déchets

50 Malbranche S., 2000, op, cit, page 43.

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déversés un peu partout regagnent facilement les grandes artères des villes. Face à cette situation, la nécessité d'entreprendre des travaux de drainage des eaux pluviales s'est fait sentir et parallèlement celle de les protéger51. Ainsi, les études pour la construction du nouveau système de drainage des eaux pluviales de Port-au-Prince que dans les villes de provinces débutées en 1978 ont marqué un grand tournant dans le système de gestion des déchets ménagers. En effet, l'analyse de la situation ayant montré qu'il était absolument impossible de résoudre le problème de drainage des eaux pluviales sans tenir compte des tonnes de déchets déversées dans les ravines et les ouvrages de drainages, il a été décidé de diviser le projet de drainage en plusieurs sous projets dont l'un, avait pour tâche la mise en place d'un service de collecte de déchets solides52.

C'est dans ce contexte, qu'est apparue pour la première fois une loi-cadre régissant la gestion et l'élimination des déchets et la création d'un organisme public dédier exclusivement à la gestion des déchets solides. En effet, dès le Jeudi 12 Mars 1981, on pouvait lire dans le journal officiel de la République d'Haïti « le Moniteur », l'énoncé du Décret du 3 mars 1981 qui déclare en ses termes :

-« Considérant que l'explosion démographique au cours de la dernière décennie a créé surtout à Port-au-Prince et dans ses environs un état sanitaire relativement médiocre dont l'amélioration nécessite des mesures radicales ;

-Considérant que ces mesures radicales doivent correspondre à la mise sur pied d'une organisation de nettoiement des rues et espaces publics ainsi que de collecte et de traitement des

51 Selon les données de l'Unité de Télédétection des Systèmes d'Informations Géographiques (UTSIG) 2002, Cité soleil abrite

52 Benoît F., 1997, op cit, 44.

44

déchets urbains, d'une capacité, d'une autonomie et d'une viabilité suffisantes quelles que puissent être les circonstances ;

-Considérant que l'Etat a pour devoir d'assurer aux agglomérations urbaines et rurales des conditions décentes de salubrité, ce en vue de la préservation de leur santé et de l'accroissement de leur bien-être général, qu'à cet effet, il convient de prendre des mesures urgentes pour la protection de l'environnement et l'augmentation de la qualité de la vie en général.

-Il est créé un organisme public autonome ayant la personnalité juridique propre et jouissant de la capacité civile, dénommée « Service Métropolitain de Collecte des résidus Solides» ayant pour sigle (SMCRS) ayant pour tâche d'assurer la collecte et le traitement, des résidus urbains » [Art.1] »

Ainsi, le 3 mars 1981, reste dans l'histoire de la gestion des déchets solides en Haïti, notamment dans l'agglomération de Port-au-Prince, une date particulière. Cette dernière vient marquer, la rupture avec la longue période de tâtonnement (1950 - 1980) au cours de laquelle, la question de la gestion des déchets solides n'avait été régie par aucune loi spécifique53.

2.3.1-Mission du Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS)

Le SMCRS, se voit confier comme tâche d'après l'article 3 du présent décret d'assurer la collecte et le traitement conformément aux Lois et règlements en vigueur, des résidus urbains tels que : les Ordures Ménagères (OM), les déchets encombrants des ménages; les déchets des collectivités (restaurants, écoles, etc.) ; les déchets des commerçants, artisans et industriels qui par leurs quantités et leurs caractéristiques, sont susceptibles d'être collectés et traités par les mêmes procédés et dans les mêmes installations que les ordures ménagères.

53 Décret du 3 mars 1981, paru dans le journal officiel de la République d'Haïti `Le Moniteur N° 20. Jeudi 12 Mars 1981. In COHPEDA 1995, Haïti : Législation Environnementale, Compilation de textes légaux haïtiens sur l'environnement, pp 78-79

45

Désormais, le déchet a une définition dans la législation haïtienne, il est considéré au sens de l'article 1er « comme toute substance qu'elle que soit son état physique, tout matériau, tout résidu d'activité économique quelle qu'elle soit et de manière générale toute chose, ou bien meuble abandonné ou rejeté dans le milieu ambiant ». L'expression « gestion des déchets urbains », a sa définition dans le contexte haïtien, il s'agit de : « l'ensemble des opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement, transformation, voire récupération de matière ou d'énergie, ainsi que de dépôt ou de rejet dans le milieu ambiant dans les conditions propres à éviter les nuisances54. Cette définition à priori met en lumière l'ampleur de la tâche qui incombe à cette nouvelle institution. En effet, le SMCRS, dès sa création, se doit d'assurer l'organisation de l'ensemble des maillons de la filière.

La mission du SMCRS étant définie, il reste cependant un aspect important, sur lequel la législation ne s'est toujours pas prononcée lors de la promulgation du décret du 3 mars 1981 et qui constitue un handicap majeur à l'application de celui-ci. Il s'agit du périmètre d'intervention du nouveau service.

2.3.2-Le périmètre d'intervention affecté au nouveau service

Il a fallu attendre l'arrêté du 21 Avril 19835, soient deux ans après la création du SMCRS pour qu'on définisse ses limites d'intervention. L'article 1 de ce nouvel arrêté précise que : « Le périmètre dans lequel le Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides- SMCRS- exerce ses activités, correspond aux limites comprenant les communes de Carrefour, Port-au-Prince, Pétion-Ville et Delmas, Hinche et Mirebalais55 ».

54 Décret du 3 mars 1981, paru dans le journal officiel de la République d'Haïti `Le Moniteur N° 20. Jeudi 12 Mars 1981en son article 3.

55 Arrêté présidentiel du 21 avril 1983 délimitant la zone d'intervention du service Métropolitain de collecte des Résidus Solides (SMCRS) Le Moniteur N° 33 du Jeudi 19 Mai 1983.

46

D'après l'article 9 de la constitution de 1987, le territoire de la République d'Haïti est divisé en Département, Arrondissements, Communes, Quartiers et Sections Communales. Dans les faits et d'après le décret de 1982 portant sur le statut des Communes, chaque commune d'Haïti a sur son territoire une ville et ses banlieues, un ou des quartiers et des sections communales. Nous soulignons la ville de Hinche n'a pas de Statut légal particulier.

2.3.3-La question du traitement et de mise en décharge

D'après l'article 2 du décret du 3 Mars 1981, en son article 2; le terme correspond au traitement final ou dépôt sans nuisance dans le milieu ambiant. Ainsi pour la première fois, dans la législation haïtienne, est promulgué un arrêté présidentiel le 21 Avril 1983 déclarant `Truitier' comme zone de traitement et de mise en décharge. Cet arrêté a placé une portion de terrain, située au Nord de Port-au-Prince, sous le contrôle du Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS), pour le déversement des déchets : le site de « Truitier » section rurale des Varreux dans la commune de Delmas constitue l'unique décharge officiel de la Zone Métropolitaine de Port-au- Prince et les zones de provinces rien.

Seuls les déchets ci-après mentionnés devaient être acceptés à l'installation de mise en décharge

[Art. 3]:

1) les ordures ménagères proprement dites

2) les déchets volumineux ou encombrants d'origine ménagère

3) les déblais et gravats

4) les cendres et mâchefers refroidis

5) les déchets industriels banals

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Enfin, dès la promulgation de cet arrêté il a été formellement interdit conformément à l'article 6, les dépôts sauvages d'ordures ou de détritus de quelque nature que ce soit, ainsi que toute décharge brute d'ordures ménagères. Le brûlage à l'air libre et le chiffonnage de tout déchet sont également interdits sur tout le site de la décharge.

En résumé, le service officiel (SMCRS) de gestion des déchets solides a mis deux ans (1981 à 1983) pour être établi sur les plans législatifs et réglementaires. Le service, à partir de ce moment allait devoir faire ses preuves sur le terrain.

2.4-L'évolution d'une institution mort-née (1983-1995)

Tout service de gestion des déchets solides a pour principale vocation de rendre et de maintenir une ville propre. Il consiste à organiser la collecte des déchets solides produits par les ménages et les acheminer jusqu'à leur lieu de traitement. Le Service métropolitain de collecte des Résidus Solides justement a été conçu dans cette optique.

Cependant, ce service depuis sa mise en route en 1983 n'a jamais été en mesure d'assurer la collecte et le transport des déchets de la Zone métropolitaine de Port-au-Prince à 100 % et dans les villes de provinces. Il n'y qu'en 1987, ou le SMCRS a atteint le chiffre record de 60 % de taux de couverture du service de collecte. Mis à part cette année d'exception le taux de couverture du service rendu par le SMCRS varie entre 10 à 15 % avec des disparités entre quartiers riches et quartiers pauvres56. Par ailleurs, le conseil d'administration du SMCRS tel qu'établi par le décret du 3 Mars 1981 n'a jamais été constitué de fait et ne s'est jamais réuni. Le contrôle interne est également inexistant puisque les inspecteurs, superviseurs,... ne disposent pas de moyens pour assumer leur tâche.

56 Samper et al., 2006, op cité, page 45.

48

Enfin en 1995, le service était dans l'incapacité de fournir la moindre prestation à la population. Les 45 véhicules fournis par la France en 1985 sur financement de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) étaient pour la plupart hors d'usage, faute de budget d'entretien, de maîtrise de la technologie trop sophistiquée et d'une main d'oeuvre qualifiée.

2.5-Gestion des déchets ou opération de désencombrement (1995 - 2005)

Après 1995, il y eut une tentative de redynamisation du SMCRS. A cette occasion, le SMCRS a été jumelé avec un autre organisme dénommé Centre National des Equipements (CNE). Une amélioration a dû être constatée au moment du don par Taiwan de 92 véhicules en 1998, matériel qui avait été mis à la disposition du CNE. Soulignons toutefois le fait que l'existence de cette institution n'a jamais été consacrée par un texte de loi, un décret, ou un arrêté etc57.

En 2005 le SMCRS ne disposait que de 18 camions et trois engins de chantier en état de marche. Cette flotte est cependant peu fiable car les véhicules sont en mauvais état, donc susceptibles de tomber en panne.

Ainsi dans ce contexte de délabrement du SMCRS, le Ministère des Travaux Publics Transports et Communications (MTPTC), tente de rendre une partie du service. En effet, le Ministère, se charge de l'enlèvement des déchets, à partir du moment où la population les stocke dans des points d'accumulation, créés de façon tout à fait aléatoire. Ces points peuvent être situés n'importe où (coins des rues, marchés, etc.). Souvent l'opération de collecte des déchets ménagers s'effectue à chaque fois que les déchets entassés dans l'espace public deviennent des obstacles à la circulation, ou sujets de plaintes des riverains58.

57 Benoit F., 2000, op, cit, page 46.

58 Bras A. 2006. La gestion des déchets ménagers dans la région métropolitaine de Port-au-Prince : synthèse des pratiques actuelles et perspectives. Master SEIU, INSA de Lyon, 2006, 50 p.

49

2.5.1-Un cadre de vie insalubre : une des conséquences immédiatement visibles

Une simple observation du vécu quotidien à Hinche permet d'appréhender, la faiblesse du niveau de collecte des déchets ménagers et des industries dans l'ensemble des quartiers. En effet, la plupart des rues de Hinche, en particulier les quartiers précaires, affichent un spectacle désolant qui consiste en un paysage urbain marqué par des tas de détritus et un cadre de vie insalubre. Il semble, que le geste du rejet vise avant tout à exclure le déchet du logement59. Comme le souligne, il s'agit de « repousser l'encombrement plus que de le nettoyer ». De ce fait, on n'habite pas avec le déchet, mais on voisine avec lui, dans une relation espace privé propre - espace public sale60. Les images de la vacuité à Hinche ne sont pas toujours des images fonctionnelles ou esthétiques. Ces dépôts sauvages, établis sur des terrains fissurés, fracturés, karstifiés ou tout simplement perméables, pourraient favoriser l'accès direct des lixiviats aux eaux souterraines61. Or, le lessivage des ordures ménagères, des déjections humaines et animales ne constitue pas uniquement une source potentielle de contamination des eaux de ruissellement, mais aussi des eaux souterraines et du réseau de distribution d'eau potable62. La population dans ce contexte court un réel danger sur le plan sanitaire car, le réseau de distribution d'eau dans certains quartiers est vétuste, avec des conduites visibles sectionnées. La majorité des habitants à Hinche, tout niveau socio-économique confondu, profite des averses pour se débarrasser de leurs déchets solides. Si l'eau possède un potentiel de purification (on se lave), dans le contexte haïtien semble-t-il, elle a également un potentiel d'évacuation vers l'aval. Le déchet parait-il est encore inscrit dans une logique de circulation et non dans une logique de stockage et de traitement.

59 Vigarello G. 1985, op, cit, page 41.

60 Berdier C., 2002,op, cit, page 41.

61 Hiligsmann et al., 2002, op, cit, page 41

62 Bras A. et al., (2007). La gestion des déchets ménagers dans la région métropolitaine de Port-au-Prince : synthèse des pratiques actuelles et perspectives. Master SEIU, INSA de Lyon, 2006, 50 p.

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Cette pratique (je jette et l'eau évacue) vient se heurter au service moderne prônée et/ou en vigueur à l'époque actuelle un peu partout dans le monde où la question des déchets passe d'une logique de service public commandée par l'amont (Hygiène publique) à une logique d'environnement orientée par l'aval (impact sur le milieu naturel)63 .

2.5.2- Risques sanitaires et environnementaux

Cette pratique est à l'origine de risques sanitaires et environnementaux majeurs. En effet, les égouts souvent obstrués ne permettent pas l'évacuation des eaux pluviales et provoquent dans certains quartiers, soit l'engorgement du sol, soit de grandes masses d'eau stagnante qui favorisent la propagation de certaines maladies infectieuses. Par ailleurs, les quartiers spontanés, présentent une organisation, une densité, et une topographie (fortes pentes, terrains soumis aux inondations, aux glissements, etc.), qui les rendent inaccessibles aux matériels de collecte mécanisés des pays développés. Par conséquent, ces quartiers défavorisés sont très peu ou ne sont pas desservis par le service de collecte quand il fonctionne. Aussi, les déchets s'accumulent le long des trottoirs, aux intersections de certaines rues, dans des impasses. Des animaux domestiques en élevage libre, expression de la rencontre du mode de vie citadin avec les pratiques du monde rural, se nourrissent et prolifèrent au gré de la persistance des tas d'immondices.

Enfin, plus des effluents chargés en métaux lourds et en polluants organiques, générés par les installations industrielles qui y sont directement déversés64 , les premiers mètres du rivage sont couverts par des débris variés. De même les eaux peu profondes sont lourdes, grasses et encombrées de résidus de toutes sortes. A ces agressions visuelles, s'ajoutent les odeurs

63 Cité par Tini A. La gestion des déchets solides ménagers à Niamey au Niger : Essai pour une stratégie de Gestion durable INSA de Lyon, Thèse Géographie, aménagement, urbanisme, 2003, 302 p.

64 Joseph O. Etude du potentiel d'utilisation de résidus agricoles haïtiens pour le traitement par biosorption d'effluents pollués. INSA de Lyon , thèse SEIU, 2009, 204 p

51

nauséabondes. De part et d'autre, les récifs coralliens sont morts ou à peine discernables sous des eaux saturées de pollution. De part et d'autre, les récifs coralliens sont morts ou à peine discernables sous des eaux saturées de pollution. Ces quartiers littoraux génèrent donc de très graves pollutions marines avec des retombées sur l'ensemble de la ville. Dans les quartiers précaires proches du littoral en période de pluie, les eaux mêlées aux ordures débordent de leur lit et envahissent les maisons emportant meubles et effets personnels, mettant en péril la vie des habitants de quartiers. De là, on pourrait dire, n'a-t-il pas de cadre normatif, institutionnel de la gestion des déchets en Haïti.

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DEUXIÈME PARTIE

CADRE NORMATIF, INSTITUTIONNEL DE LA GESTION DES DÉCHETS EN HAÏTI ET LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS RECUEILLIS SUR LE TERRAIN

Ici la deuxième partie contient essentiellement deux chapitres : le premier chapitre porte sur le cadre normatif, institutionnel de la gestion des déchets en Haïti dans laquelle on réfléchit sur les différentes lois et les différentes institutions qui règlementent la gestion des déchets en Haïti. Le deuxième chapitre penche sur la présentation des données et de l'interprétation des résultats qui représentent un point fondamental dans la recherche scientifique visant à apporter un élément de réponse à un problème clairement identifié dans un domaine d'étude. Ce chapitre doit non seulement présenter le point de vue de chaque répondant vis-à-vis des questions posées tout au long du processus de la collecte des données sur le terrain. Mais il permet aussi de vérifier la nature de la relation existante entre ses objectifs, ses questions de recherches et les informations collectées par le biais des répondants. Dans le cadre de notre travail de recherche portant sur la gestion des déchets au regard de la législation haïtienne : Enjeux et perspectives (cas de la ville de Hinche). Nous allons présenter tour à tour la réponse de chaque répondant dans le but de faire ressortir ce qui est important comme information pouvant nous aider à rédiger la conclusion générale de notre travail et produire des recommandations.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote