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Vers une gouvernance participative de l'eau? la réponse aux crises hydriques dans l'état brésilien du Cearà¡


par Izabela Damasceno Pimenta
Université Grenoble-Alpes - Master 2 Économie du Développement - Gouvernance des Organisations pour le Développement International 2020
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES FACULTÉ D'ÉCONOMIE

Master 2 Économie du développement

Parcours «GODI - EPD»

(Gouvernance des Organisations pour le Développement International)

MÉMOIRE

VERS UNE GOUVERNANCE PARTICIPATIVE DE L'EAU?
LA RÉPONSE AUX CRISES HYDRIQUES DANS L'ÉTAT
BRÉSILIEN DU CEARÁ

Enseignant responsable: FIGUIÈRE Catherine

DAMASCENO PIMENTA Izabela

2

La Faculté d'Économie de l'Université Grenoble Alpes n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires des candidats au Master; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

Le mémoire est un essai d'application des méthodes et outils acquis au cours de la formation. Il ne saurait donc être considéré comme un travail achevé auquel la Faculté conférerait un label de qualité qui l'engagerait.

Ce travail est considéré a priori comme un document confidentiel qui ne saurait être diffusé qu'avec le double accord de son auteur et, le cas échéant, de l'organisme de stage.

3

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont, directement ou indirectement, contribué pour la réalisation de ce travail.

D'abord, je remercie Mme. Catherine Figuière, ma directrice de mémoire, Maître de conférences à la Faculté d'Économie de l'Université Grenoble-Alpes, de m'avoir encadré, orienté et conseillé au cours de ces derniers mois. Je tiens aussi à remercier M. Pierre-Louis Mayaux, chercheur du CIRAD à l'UMR G-EAU, mon tuteur de stage, pour les conseils et les discussions fructueuses. Un grand merci à tous les deux, qui m'ont guidé pendant tous les processus de construction de ce travail.

Je voudrais encore remercier M. Eric Sabourin, chercheur du CIRAD, pour sa disponibilité et sa bienveillance envers mes questionnements. Merci également à toute l'équipe impliquée dans le Projet Sertões, en France et au Brésil, pour les échanges qui ont énormément contribué à alimenter mes réflexions. Je remercie particulièrement les collègues Mariana Rios et Hela Gasmi, qui ont partagé leurs expériences de terrain dans le Ceará, et Lucas Amorim, très souvent avec moi pendant les entretiens réalisés et dont les réflexions m'ont apporté des inspirations pour ce travail. Merci également à Marina Hohl, de s'être mise à disposition pour d'éventuelles corrections et relectures.

J'adresse également mes remerciements à toute l'équipe pédagogique de la Faculté d'Économie de Grenoble responsable de ma formation.

Enfin, je voudrais remercier mes parents, Patrícia et Túlio pour leur soutien constant et leurs encouragements.

SOMMAIRE

4

INTRODUCTION 9

CHAPITRE I - Quels attributs de la gouvernance vers un accès à l'eau plus

démocratique? Base théorique et méthodologique du présent travail 13

CHAPITRE II - Contextualisant les différents niveaux territoriaux et les paradigmes

de l'action publique de réponse aux crises hydriques 38

CHAPITRE III - Quelle gouvernance de l'eau dans le Ceará? 39

CONCLUSION 60

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 62

ANNEXES 69

TABLE DES MATIÈRES 81

RÉSUMÉ 82

LISTE DES FIGURES

Figure 1 - Carte politique du Brésil: les 27 unités fédérales et les 5 grandes Régions Figure 2 - le Semi-aride Brésilien

Figure 3 - Carte du Brésil identifiant l'État du Ceará

Figure 4 - Schéma de l'évolution juridique-institutionnelle de la gestion de l'eau dans le Ceará

Figure 5 - La structure du SIGERH-Ceará

LISTE DES TABLEAUX

5

Tableau 1: Indicateurs du développement durable au Brésil

LISTE DES ACRONYMES

- CAGECE - Companhia de Água e Esgoto do Ceará / Compagnie d'Eau et d'Égouts du Ceará

- CBH - Comitês de Bacia Hidrográfica / Comités de Bassin Hydrographique

- CNRH - Conselho Nacional de Recursos Hídricos / Conseil National des Ressources Hydriques

- COGERH - Companhia de Gestão dos Recursos Hídricos / Compagnie de Gestion des Ressources Hydriques

- COMIRH - Comitê Estadual de Recursos Hídricos / Comité d'État des ressources hydriques

- CONERH - Conselho Estadual de Recursos Hídricos / Conseil d'État des ressources hydriques

- DNOCS - Departamento Nacional de Obras Contra as Secas / Département National des Travaux contre la Sécheresse

- FETRAECE - Federação dos Trabalhadores Rurais Agricultores e Agricultoras Familiares do Estado do Ceará / Fédération des travailleurs ruraux et des agriculteurs familiaux du Ceará

- FUNCAP - Fundação Cearense de Apoio ao Desenvolvimento Científico e Tecnológico / Fondation d'Appui au Développement Scientifique et Technologique du Ceará

- FUNCEME - Fundação Cearense de Meteorologia e Recursos Hídricos / Fondation Cearense de Météorologie et Ressources Hydriques

- IFOCS - Inspetoria Federal de Obras Contra a Seca / Direction Fédéral de Travaux contre les Sécheresses

- IOCS - Inspetoria de Obras Contra a Seca / Direction de Travaux contre les Sécheresses

6

- MST - Movimento Sem-Terra / Mouvement Sans-Terre

7

- PERH - Política Estadual de Recursos Hídricos / Politique de l'État pour les ressources hydriques

- PNRH - Política Nacional dos Recursos Hídricos / Politique Nationale des Ressources Hydriques

- SDA - Secretaria do Desenvolvimento Agrário / Secrétariat du Développement Agraire - SEAGRI - Secretaria de Agricultura Irrigada / Secrétariat de l'agriculture irriguée - SEMA - Secretaria do Meio-Ambiente / Secrétariat de l'Environnement

- SEMACE - Superintendência Estadual do Meio Ambiente / Direction de l'État pour l'environnement

- SIGERH - Sistema Integrado de Gestão dos Recursos Hídricos / Système Intégré de Gestion des Ressources Hydriques

- SINGREH - Sistema Nacional de Gestão dos Recursos Hídricos / Système National de Gestion des Ressources Hydriques

- SNSH/MDR - Secretaria Nacional da Segurança Hídrica do Ministério do Desenvolvimento Regional / Secrétariat National de la Sécurité Hydrique du Ministère du Développement Régional

- SOEC - Superintendência de Obras do Estado do Ceará / Direction des travaux de l'État du Ceará

- SOHIDRA - Superintendência de Obras Hidráulicas / Direction des travaux hydrauliques

- SRH - Secretaria de Recursos Hídricos / Sécretariat des Ressources Hydriques

- SRHU/MMA - Secretaria de Recursos Hídricos e Ambiente Urbano do Ministério do Meio Ambiente / Secrétariat des Ressources Hydriques et de l'Espace Urbain du Ministère de l'Environnement

- SUDEC - Superintendência do Desenvolvimento do Estado do Ceará / Direction pour le développement du Ceará

- SUDENE - Superintendência do Desenvolvimento do Nordeste / Direction pour le Développement du Nordeste

8

- UFC - Universidade Federal do Ceará / Université Fédérale du Ceará

9

INTRODUCTION

Les enjeux humains, sanitaires et sociaux qui dérivent des problèmes liés à l'eau sont considérables, particulièrement pour les pays en développement (Makkaoui et Dubois, 2010). Cela d'autant plus si l'on considère que la situation de pénurie au centre de la crise hydrique découle de questions de pouvoir, pauvreté et inégalités, et non pas d'une question de disponibilité physique tout simplement (Jimenez et al., 2020). Ainsi, l'accès à l'eau devient un droit individuel, collectif, civil et politique, ainsi que social, économique et culturel, nécessaire pour la réalisation des autres droits de l'homme (Belaidi, 2010).

À propos de la gestion de cette ressource, l'intégration des piliers sociaux, économiques et environnementaux sous l'égide du concept de développement durable à partir des années 1970's requiert progressivement des nouveaux cadres de décision, faisant appel au concept de «gouvernance» (Brodhag, 1999 dans Figuière et Rocca, 2012). Ce concept concerne les processus de prise et de mise en place de décisions, ainsi que l'interaction entre structures, procédures et traditions qui y sont sous-jacentes (Graham et al., 2003 dans Jimenez et al., 2020). La nature de la gouvernance détermine ainsi la façon dont le pouvoir et les responsabilités sont exercés, dont les décisions sont prises et dont les citoyens et d'autres parties prenantes sont engagés (Graham et al., 2003 dans Jimenez et al., 2020). Il ne s'agit donc pas d'un concept étranger aux considérations en termes de dynamiques historiques, de pouvoir et de participation dans les modalités de mise en place d'un développement durable. C'est dans ce cadre intellectuel et théorique général que ce travail s'intéressera à la gouvernance de l'eau dans le Ceará, un État brésilien localisé dans la zone semi-aride de la région Nordeste du Brésil.

Le Brésil est aujourd'hui marqué par des tendances de démantèlement des politiques publiques et d'institutions responsables pour le développement rural durable sur plusieurs volets (Sabourin et al., 2020), ce qui pourra avoir un impact sur la gestion et sur l'état des ressources naturelles au pays. Par ailleurs, il reste très marqué par des contradictions sociales et des fortes inégalités, dont les inégalités régionales sont encore critiques. Parmi les régions brésiliennes, c'est justement dans la région Nordeste, celle ayant l'IDH le plus bas et l'Indice de Gini le plus élevé (IPEA, 2016; Barros, 2020), qui se trouve la zone semi-aride la plus peuplée de la planète, comme discuté dans le deuxième Chapitre. Cette zone semi-aride abrite la plus grande concentration de

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population rurale au Brésil (Baptista et Campos, 2017). Son bilan hydrique négatif soumet cette population à des crises hydriques importantes (Lemos et al., 2020), et qui sont susceptibles de s'aggraver suite aux phénomènes liés aux changements climatiques (Lima e Rocha Magalhães, 2008).

Enfin, le Ceará est justement l'État brésilien qui présente le plus grand pourcentage de municipalités officiellement reconnues comme partie du Semi-aride: 175 des 184 municipalités de l'État (soit 95% d'elles) (Lemos et al., 2020). Historiquement marqué par une distribution très inégale de l'eau, le Ceará a vécu des nombreuses crises de pénurie hydrique, lesquelles ont entraîné des collapses dans la production économique dans l'État, de manière que le risque hydrologique devient un risque systémique de par son importance et son potentiel multisectoriel (Ceará 2050, 2018). Ce cadre général justifie ainsi l'intérêt d'étudier les mécanismes de gestion et de gouvernance de l'eau dans le Ceará, où la distribution hydrique, les enjeux de la production agricole et les dynamiques sociales de domination s'entremêlent de manière étroite (Burte et al, 2013).

Ce travail s'insère dans le cadre d'un stage au CIRAD - Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, auprès du projet de recherche-action de nom Sertões1. Soutenu financièrement par l'AFD pour une durée de trois ans, et porté par le Cirad en partenariat avec la Fondation de météorologie et ressources hydriques de l'État du Ceará (FUNCEME), ce projet promeut des échanges entre de nombreux acteurs, des agriculteurs aux gouverneurs, autour de l'usage du territoire et de ses ressources. L'objectif est ainsi de co-construire de nouveaux modes de gouvernance locale de l'eau et des zones rurales, tout en identifiant les leviers d'une transition agroécologique (CIRAD, 2021).

Plus spécifiquement, le présent travail est étroitement lié au Produit 3 du Projet Sertões, lequel correspond à un rapport d'analyse des politiques publiques et des systèmes de gouvernance dans les secteurs de l'eau et de l'agriculture dans l'État du Ceará. En termes généraux, il vise à construire une vision partagée sur la trajectoire des politiques publiques et de la gouvernance, en particulier dans les secteurs de l'eau et de l'agriculture. Cela afin d'aider les parties prenantes à renforcer les processus sous-jacents à une gouvernance efficace des ressources en question, qui soit inclusive et jouisse d'une large

1 Sustentabilidade e Resiliência hídrica e Territorial nos sertões nordestinos («Durabilité et résilience hydrique et territoriale dans les Sertões du Nordeste»).

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légitimité. À cette fin, l'objectif spécifique du produit est de comprendre les instruments et les paradigmes mobilisés dans la gestion de ces ressources, tenant compte des particularités socio-économiques de l'État. La méthodologie pour la production de ce rapport, dont les détails schématiques se trouvent dans l'Annexe 1, repose fortement sur une revue bibliographique, mais aussi sur des entretiens semi-directives avec des acteurs-clés des deux secteurs de l'État du Ceará et sur des espaces de discussion et de partage avec les différents acteurs.

Dans le processus d'adaptation de ce qui sera développé dans le cadre du Produit 3 du Projet Sertões vers le présent Mémoire de Master 2 en Économie du Développement, le focus sera mis sur le secteur de l'eau, afin de permettre un approfondissement théorique autour de la gestion et de la gouvernance de cette ressource. Cela est d'autant plus pertinent que si on considère que les ressources en eau se trouvent en amont des systèmes agricoles. En tout cas, l'analyse des mécanismes de gouvernance de l'eau permettront un regard, de manière subsidiaire, à ses relations avec le secteur agricole.

Plus spécifiquement, on se concentrera ici à tester si les mécanismes de la gouvernance de l'eau dans le Ceará favorisent la participation et la démocratisation des processus de décision autour de cette ressource. Cela car on le considère un potentiel élément de promotion d'un accès plus démocratique à l'eau, et ainsi d'une possible recomposition des relations sociales et économiques, notamment dans les zones rurales de l'État. L'hypothèse c'est que la gouvernance actuelle combine des éléments de démocratisation de la participation, avec des éléments historiques qui y sont opposés - une forte sectorisation des discussions, un contrôle encore très centralisé de la part de l'État et une prépondérance des intérêts des acteurs plus puissants économiquement. Ainsi, on se propose de construire un diagnostic de la gouvernance de l'eau dans l'État du Ceará, soulignant ses acquis et ses faiblesses en termes de participation. L'objectif plus large est celui d'apporter des réflexions sur la gouvernance de l'eau sur un territoire marqué par des conditions climatiques adverses et par une structure sociétale marquée par des fortes inégalités.

Pour ce faire, on partira, dans un premier chapitre (I), d'une revue de littérature sur la gouvernance de l'eau, et les attributs pertinents pour promouvoir un accès plus démocratique à cette ressource. Ensuite, le deuxième chapitre (II) fera un état des lieux du contexte économique et social plus large qui englobent - et dans une certaine mesure

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influencent - l'objet de cette étude. On analysera ainsi les indicateurs de développement du Brésil, du Nordeste et du Ceará, ainsi que l'évolution des paradigmes de l'action publique dans le Nordeste Semi-aride en général. Finalement, au troisième chapitre (III), on procédera à un diagnostic de la gouvernance de l'eau dans le Ceará, à partir de l'analyse de la structure organisationnelle de gestion de cette ressource mise en place dans l'État, ainsi que d'une grille d'analyse issue de la littérature de base présentée au premier chapitre.

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CHAPITRE I - Quels attributs de la gouvernance vers un accès à l'eau plus démocratique? Base théorique et méthodologique du présent travail

On entame le présent travail à partir d'une revue de littérature portant sur la gouvernance des ressources naturelles, et plus spécifiquement de l'eau. Cela afin de repérer des contributions utiles pour la construction d'une grille d'analyse cohérente pour étudier la gouvernance de l'eau dans l'État du Ceará, thème central de ce travail. Suite à la revue de littérature, on procédera, dans ce chapitre, à une présentation plus détaillée de la construction méthodologique de cette étude. Ce Premier Chapitre consistera ainsi en un exercice intellectuel de construction des bases théorique et méthodologique qui encadreront la présente analyse.

1.1. Revue de littérature sur la gouvernance de l'eau

La problématique de l'usage excessif, de la dégradation et de la durabilité des ressources naturelles a gagné de l'espace dans la littérature avec la publication, en 1968, de l'article de Hardin sur la «Tragédie des Communs» (The tragedy of the Commons) (Pereira Cysne, 2012, p. 35). Il soutient que l'intérêt individuel des usagers les amènerait à une surexploitation des ressources communes, ayant comme conséquence la dégradation environnementale. Face à cela, les propositions de Hardin envisageaient la privatisation ou la centralisation de la gestion par l'État. Son travail a introduit la question environnementale dans les discussions sur la gestion des ressources naturelles (Pereira Cysne, 2012), d'où son importance. Ensuite, dans les années 1970's on assiste à l'intégration des piliers sociaux, économiques et environnementaux sous l'égide du nouveau concept de développement durable, faisant appel à des nouveaux cadres de décision dans la gestion des ressources, lesquels on rassemble sous le concept de «gouvernance», thème central du présent travail (Brodhag, 1999 dans Figuière et Rocca, 2012).

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La gouvernance est d'abord un terme qui qualifie les processus de prise et de mise en place de décisions (Graham et al., 2003 dans Jimenez et al., 2020). Il est donc un concept polysémique dont l'usage récent renvoie à l'idée de dépassement du rôle de l'État comme résultat de l'intensification de la mondialisation: les théories standards de la fin du XXème siècle préconisaient le retrait de l'État, au profit de l'exercice accru du pouvoir par des nouveaux acteurs (Figuière et Rocca, 2012). En tout cas, au-delà des théories standards, la gouvernance présuppose, de manière générale, une pluralité hétérogène d'acteurs. Pour Graham et al., 2003 (dans Jimenez et al., 2020), la gouvernance concerne la nature de l'interaction entre structures, procédures et traditions qui déterminent la façon dont le pouvoir et les responsabilités sont exercées, dont les décisions sont prises et dont les citoyens et d'autres parties prenantes sont engagés dans la gestion d'une ressource. Ainsi, ce concept englobe les situations rassemblant une multiplicité de parties prenantes, et qualifie les configurations de leurs relations (Scheng, 2008), tout en tenant compte de l'existence de fonctions, d'attributs et de valeurs, individuels ou collectifs, en jeu (Jimenez et al., 2020). Cette conceptualisation initiale conduit à des discussions théoriques qui sélectionnent les critères les plus pertinents pour une gouvernance adaptée au milieu dans lequel elle est mise en place.

Selon Scheng (n.d.), une analyse de la gouvernance doit tout d'abord focaliser les acteurs formel ou informellement engagés dans la prise et mise en place des décisions, ainsi que les structures formelles et informelles existantes. Figuière et Rocca (2012), à leur tour, mettent l'accent sur les types d'acteurs qui y sont engagés; les problèmes auxquels elle vise à répondre; le niveau pertinent pour sa mise en place; et sa capacité de garantir l'intérêt général2 - celui-ci compris en un sens d'émancipation des intérêts particuliers. Aussi, selon Baron (2003 dans Figuière et Rocca, 2012 p. 9), le concept de gouvernance doit intégrer la notion de pouvoir afin d'apporter une véritable valeur ajoutée à l'analyse.

Dans un contexte d'intensification du processus de mondialisation à la fin du XXème siècle, l'analyse des caractéristiques et attributs de la gouvernance ont évolué

2 L'assimilation de l'État en tant qu'un acteur parmi d'autres, apporte une potentielle complexification dans le processus de définition de l'intérêt général, auparavant monopolisé par cet acteur (Denis, 2008 dans Figuière et Rocca, 2012 p. 17). Cela s'articule avec le constat de Chevalier (1985 dans Figuière et Rocca, 2012, pp. 17-18) selon lequel une telle gouvernance s'articule avec une légitimité issue de la base (ce qu'on pourrait appeller «bottom-up»), imposant donc la participation effective au travers de l'adhésion et du rôle actif des toutes parties engagées.

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d'approches stato-centriques et hiérarchiques vers un paradigme de «bonne gouvernance», lequel a été, pour la première fois, défini par le rapport «Governance and Development» de la Banque Mondiale (1992 apud Jimenez et al., 2020). Il soutenait la retraite de l'État à partir de la privatisation et des réformes du service civil comme moyen de promouvoir l'efficience dans les services publics et la compétition (Williams et Young, 1994 dans Ekundayo, 2017). Pour la Banque Mondiale, les indicateurs de bonne gouvernance rassemblent: «voice» et «accountability»; stabilité politique; absence de violence; effectivité du gouvernement; qualité régulatoire; état de droit; contrôle et niveau de corruption (Scheng, 2008).

Il faut considérer que les pays en développement, intégrés de manière périphérique au capitalisme mondial, ont souvent été sous une forte influence des agents internationaux tels que la Banque Mondiale (Makkaoui et Dubois, 2010). Ainsi, ces derniers ont directement influencé l'adoption des modèles de gouvernance des ressources hydriques, préconisant, souvent, de partenariats publics-privés (Flores, 2006; Martins 2013 dans Mendonça Morais, 2018). Cependant, Estache et al. (2003) montrent que ceux-ci, appliqués dans le secteur de l'eau, ont bien produit des gains d'efficacité pour les gouvernements et les opérateurs, mais n'ont jamais bénéficié aux usagers. Ils ont ainsi été à l'origine de fortes critiques sur le degré de compatibilité de la logique de l'action publique (orientée vers le développement des sociétés) avec celle des interventions privées (orientée vers la maximisation des profits) (Makkaoui et Dubois, 2010).

Aussi, cette approche de bonne gouvernance semble ignorer le fait que les différents acteurs n'ont souvent pas la même capacité à participer (Figuière et Rocca, 2012, p. 18), de manière que parler de participation tout simplement ne suffit pas. Les inégalités en termes de pouvoir et de ressources sont souvent massives à l'intérieur même des communautés des usagers de l'eau, pouvant créer des entraves à un résultat véritablement consensuel et pacifique, pouvant demander un arbitrage de la part du pouvoir public (Barone et Mayaux, 2019). Bref, les échecs du paradigme de gouvernance préconisé par la Banque Mondial à la fin du XXème siècle ont montré le besoin d'une démarche participative qui focalise une véritable association de la part de la société civile dans le cadre de la redéfinition des relations entre l'État et le secteur privé (Makkaoui et Dubois, 2010).

À ce propos, on peut considérer les idées d' Elinor Ostrom (1990) comme une troisième voie entre les idées de Hardin et le paradigme mis en avant par la Banque

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Mondiale, c'est-à-dire, un chemin entre une régulation par l'État et une régulation par le marché (Barone et Mayaux, 2019). Cette auteure soutenait la capacité des individus de coopérer en faveur d'un objectif commun, afin de surmonter le dilemme des communs, tout en dépassant une intervention coercitive de la part de l'État (Ostrom, 1990). Plus récemment, dans un effort scientifique de rassembler les principales théories sur la gouvernance des ressources naturelles répondant à un paradigme qui reconnaît, entre autres, l'importance de l'action collective, Cox et al (2016) ont identifié les critères analytiques les plus reconnus par cette littérature. Même si ces critères sont très divers au sein des différentes théories, certains ont été identifiés comme très présentes dans les différents domaines d'étude qui s'intéressent à la gouvernance des ressources naturelles, telles que: la Tendance de Condition des Communs (Common Condition Trend); l'action collective; l'observance3; le niveau de correspondance et ajustement socio-écologique (Social-Ecological Fit) entre institutions et systèmes; la résilience des écosystèmes; les instruments des politiques adoptées; et le degré de centralisation, cette dernière ayant la plus grande variabilité dans ses résultats d'impact sur la gouvernance (Cox et al, 2016).

En ce qui concerne particulièrement cette dernière, Scheng (2008) explique qu'une décentralisation, en soi, n'améliore pas forcément la gouvernance, mais elle peut améliorer le partenariat entre gouvernement et société civile, ce qui pourrait, à son tour, impacter positivement la gouvernance. Par ailleurs, la décentralisation a tendance à favoriser l'adaptation des politiques aux réalités locales (OCDE, 2015). Selon l'OCDE (2015), il existe actuellement une plus grande reconnaissance que, lors d'une tendance de décentralisation, un processus de décision ascendante («bottom-up») et inclusif est fondamental pour le développement de politiques efficaces dans le secteur de l'eau, même si un tel processus génère très souvent des défis en termes de formation et de coordination dans la prestation des services publics. Déjà Ostrom (1990) avait démontré, dans le cas des nappes d'eaux souterraines et des réservoirs pour l'eau d'irrigation, que l'élaboration d'arrangements de délibération et de négociation directement par les acteurs concernés pourrait conduire à des meilleurs résultats de gestion (Barone et Mayaux, 2019).

Encore à ce sujet, Makkaoui et Dubois (2010) argumentent que le principe central de la participation est dual: d'une part, la participation dans les décisions favorise leur

3 Il faut noter que l'observance, au contraire de la variable «action collective», présuppose que les acteurs sont de simples récepteurs des politiques environnementales, alors que l'action collective les conçoit en tant que coproducteurs de ces politiques.

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appropriation et leur acceptation par les différents acteurs, ce qui favorise la réalisation effective des objectifs fixés; d'autre part, elle entraîne une amélioration de la qualité de la base informationnelle, et ainsi des modalités de compréhension du problème. L'idée centrale c'est que les démarches participatives valorisent l'échange d'informations, la négociation, le compromis et les engagements volontaires (Makkaoui et Dubois, 2010). Tout cela produirait du capital social, lequel limiterait les risques de comportements opportunistes dans la gestion durable des ressources (Wade, 1988 ; Ostrom, 1990 ; Baland et Platteau, 1996 dans Makkaoui et Dubois, 2010). Par ailleurs, de telles démarches produisent des réseaux, valeurs et convictions communes facilitant la coopération et limitant les coûts de transaction (Makkaoui et Dubois, 2010).

Cependant, ces mêmes auteurs rappellent également les risques de détournement des approches participatives, en cas d'inadaptation au contexte appliqué (Van den Hove, 2001 dans Makkaoui et Dubois, 2010). Ainsi, la mise en place de procédures participatives, en soi, ne garantit pas forcément la réalisation des objectifs attendus et ne mène pas forcément aux meilleures solutions (Makkaoui et Dubois, 2010). Aussi, elles peuvent complexifier le processus décisionnel. À ce propos, Gutiérrez (2006 dans Mendonça Morais, 2018) soutient que, pour obtenir une décision véritablement participative et démocratique, il est nécessaire de garantir une base technique solide - comprenant la connaissance des facteurs techniques, mais aussi la prise en compte de la capacité technique des participants et de leurs niveaux d'engagement.

En ce qui concerne la gouvernance de l'eau, spécifiquement, il est important de noter que les situations de pénurie hydrique découlent de questions de pouvoir, pauvreté et inégalités, et non pas seulement d'une question de disponibilité physique (Jimenez et al., 2020). Selon Ménard et al. (2018 apud Jimenez et al., 2020), les interactions entre les parties prenantes pour l'accès à l'eau peuvent résulter en accaparement de ces ressources par les élites («elite capture»), en opportunisme de tiers et en corruption. C'est à partir de cette conception fondamentale qu'on regarde les processus de participation dans la gouvernance des ressources hydriques.

Jimenez et al (2020) considèrent que les principales fonctions d'une gouvernance de ressources en eau sont (I) de construction politique et stratégique; (II) de coordination (multi niveau, multi secteurs et multi parties); (III) de planification et préparation; (IV) de financement; (V) de structuration des arrangements de gestion (management arrangements); (VI) de suivi, évaluation et apprentissage; (VII) de régulation; et (VIII)

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de développement de capacités. Elle viserait, ainsi, à la production de 4 ordres de résultats: (I) création de conditions pour une initiative de gouvernance (accorder des objectifs, le niveau d'engagement, etc); (II) production d'un changement de comportement des usagers et des institutions-clé (y inclus de la forme dans laquelle ceux-ci interagissent); (III) production de changements désirés dans les conditions sociétales et environnementales; et, enfin (IV), production d'un système socio-écologique dans lequel les conditions désirées sont promues (de manière durable et soutenable) (Jimenez et al., 2020). Ainsi, pour atteindre ces fonctions spécifiques, la gouvernance de l'eau doit comprendre les attributs suivants: une approche multiniveaux, participation, délibération, inclusion, accountability, transparence, un processus de décision basé sur l'évidence, efficience, impartialité et état de droit, capacité adaptative (Jimenez et al., 2020).

Pour l'OCDE (2015), la gouvernance est bonne si elle permets de résoudre les principaux défis de l'eau combinant des processus de coordination ascendants («bottom-up») et descendants («top-down») et promouvant des relations constructives entre l'État et la société, dans le but de répondre aux réelles nécessités de chaque territoire. Pour cela, elle doit éviter des coûts de transaction injustifiés (OCDE, 2015). Dans ce cas, la gouvernance doit obéir à trois dimensions: (I) efficacité, (II) efficience et (III) confiance et compromis. Le Programme Mondial pour l'Évaluation des Ressources en Eau des Nations Unies (2020), à son tour, préconise une participation adéquate du public, afin de renforcer les capacités d'adaptation à plusieurs niveaux, d'éviter les pièges institutionnels et de focaliser la réduction des risques pour les groupes socialement vulnérables, passant par une gestion intégrée des ressources en eau (GIRE).

Suite à la présentation des discussions théoriques autour du concept de gouvernance et ses attributs, notamment ceux liés à une idée de participation, on réalisera ensuite une sélection des critères décrits ci-dessus pour la construction d'une grille d'analyse spécifique pour le présent travail, laquelle composera sa base méthodologique.

1.2. Construction de la base méthodologique

Partant de l'idée que la gouvernance vise à répondre à un problème d'action collective précis (Figuière et Rocca, 2012) et présente des fonctions spécifiques (Jimenez et al., 2020), on identifie la distribution historiquement très inégale de l'eau (ALEC, 2008; Cortez et al., 2017; Ramos Vianna et al., 2006) comme un des problèmes centraux auxquels la gouvernance de cette ressource doit faire face dans l'État du Ceará. C'est à

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partir de cette problématique spécifique qu'on identifie les critères pertinents pour la présente analyse de la gouvernance. On considère par ailleurs la pertinence d'une analyse historique, dans la mesure où le territoire est en lui-même «un construit social, produit d'une histoire» (Laganier et al., 2002 dans Figuière et Rocca, 2012, p. 15). Ainsi, la conception de gouvernance adoptée dans le cadre de ce travail se présente, tel que proposé par Figuière et Rocca (2012), comme un vecteur d'endogénéisation des dynamiques historiques et de pouvoir dans les modalités de mise en place d'une gestion durable des ressources.

On partira donc d'une analyse historique du contexte sociétal du Nordeste Semi-aride et du Ceará, principales échelles territoriales pour ce travail, tout en expliquant les paradigmes de l'action publique qui ont marqué l'histoire de cette région: ceux-ci sont utils dans la compréhension des composantes de la gouvernance actuelle de l'eau. Selon Marinho Alves da Silva (2003), chacun des paradigmes sont liés à des visions de monde qui orientent les connaissances et les pratiques des acteurs sociaux, façonnant l'action publique dans ces territoires. Ces différentes perspectives et images historiquement construites sélectionnent les problèmes, les accents spécifiques, et indiquent les formes valides d'intervention, influençant ainsi les propositions de développement du Semi-aride brésilien (Marinho Alves da Silva, 2003).

Compte tenu du cadre social du Brésil, et plus spécifiquement du Nordeste Semi-aride et de l'État du Ceará, marqués par des inégalités importantes qui réverbèrent dans l'accès aux services et aux ressources en eau, le présent travail cherchera à focaliser les attributs pertinents dans la construction d'une gouvernance plus ouverte à la participation, et qui se propose plus démocratique. Un tel modèle de gouvernance est ici interprétée selon le regard de Makkaoui et Dubois (2010), explicité dans le sous-chapitre précédent, pour lesquels la participation dans les décisions promeut des nouvelles modalités de compréhension du problème, la coopération et le compromis, de manière à favoriser une réponse effective aux objectifs fixés pour la gestion durable des ressources.

Sachant que les effets d'une décentralisation sont en soi un objet de discussion dans la littérature sur la gouvernance, comme le montre le chapitre précédent, ce travail cherche à appréhender les aspects de la décentralisation et de la participation dans les mécanismes de gouvernance de l'eau mis en place dans le Ceará. On considère également que les différents attributs de la gouvernance sont liés les uns aux autres (Jimenez et al., 2020), de manière qu'on focalise ici ceux qui renforcent l'idée de participation et de

20

démocratisation des décisions, évitant les risques de détournement et d'inadaptation décrits par Makkaoui et Dubois (2010), afin de répondre à la problématique identifiée dans l'objet de cette étude.

Pour ce faire, on partira de la grille analytique suivante:

Cette grille d'analyse rassemblant les attributs «participative», «intégrée», «multi-niveaux» et «transparente» a été construite à partir des contributions des idées analysées lors de la revue de littérature, émanant de travaux tels que Barone et Mayaux (2019), Cox et al. (2016), Figuière et Rocca (2012), Jimenez et al. (2020), Makkaoui et Dubois (2010), Mendonça Morais (2018) et OCDE (2015). Il est important de souligner que ces travaux conçoivent l'importance des aspects historiques et sociaux derrière les questions de l'accès et de l'usage de l'eau dans l'évaluation de la gouvernance, en phase avec la base épistémologique décrite ci-dessus.

Ainsi, l'attribut «participative» est construit à partir des contributions notamment des travaux de Figuière et Rocca (2012), de Barone et Mayaux (2019), de Cox et al. (2016), de Jimenez et al. (2020) et de Mendonça Morais (2018). Ceux-ci soulignent l'importance des types d'acteurs engagés, de leurs rapports de pouvoir, de la réunion des conditions pour une véritable participation - comme un niveau adéquat d'informations - et ainsi de leur capacité à participer (Figuière et Rocca, 2012; Barone et Mayaux, 2019;

21

Jimenez et al., 2020; Mendonça Morais, 2018). On considère la pertinence d'une participation dans la construction des décisions ayant attrait à l'eau par les différentes parties prenantes, au lieu d'avoir des secteurs de la société se comportant comme des simples bénéficiaires des décisions prises (Cox et al., 2016).

L'attribut «transparente» émane du travail de Jimenez et al. (2020), mais est aussi reconnu en tant que principe majeur pour la gouvernance de l'eau par les Nations Unies et par l'OCDE, ainsi que par la littérature sur la résilience dans les systèmes socio-écologiques (Jimenez et al., 2020). Selon ces auteurs, la transparence est fondamentale pour créer de la confiance dans des relations entre différentes parties prenantes, évitant que l'information soit manipulée pour renforcer les positions de groupes spécifiques. Comme a été vu, la construction de confiance est préconisée par l'OCDE (2015) comme une des trois dimensions de la gouvernance.

L'attribut multi-niveaux est à son tour préconisé par l'OCDE (2015), dans le but de promouvoir une gestion à des échelles appropriées aux conditions territoriales: il s'agit d'une gestion multi-niveaux en termes de types de parties prenantes (horizontale), mais aussi des différents niveaux de gouvernement (verticale). Jimenez et al (2020) préconisent également une gouvernance multi-niveaux reliant cet attribut à une tendance de décentralisation de la gouvernance.

Enfin, l'attribut «intégrée» vise à répondre aux défis en termes de coordination (Jimenez et al., 2020), qu'un mécanisme de décision participatif et décentralisé peut apporter, comme indiqué par l'OCDE (2015). Il s'agirait d'assurer que les différents espaces de délibération se communiquent et soient coordonnés, afin que la démarche participative puisse effectivement produire les gains liés à l'échange d'information et à la création de réseaux, valeurs et convictions communes aux différentes parties prenantes, tel que décrit par Makkaoui et Dubois (2010), tout en évitant les pièges institutionnels (Programme Mondial pour l'Évaluation des Ressources en Eau des Nations Unies, 2020)

Pour cette analyse, on s'appuiera:

(I) majoritairement, sur une recherche documentaire rassemblant des sites et des rapports gouvernementaux dans lesquels figurent les structures organisationnelles pertinentes pour la gestion des ressources hydriques dans l'État, ainsi que des articles académiques qui focalisent la logique d'action, les objectifs - explicites et implicites - les effets et résultats des structures mises en place;

22

(II) à titre d'appui et d'approfondissement par rapport aux informations apportées par la bibliographie, sur des entretiens avec des agents liés aux organisations de l'État ou à des mouvements et organisations sociales, de manière à appréhender leur perception sur les conditions de participation et de dialogue entre les diverses parties prenantes.

Concernant ce deuxième élément méthodologique, ont été réalisés neuf entretiens avec des agents liés aux structures suivantes: le Mouvement des Sans-Terres (MST); le Comité de Bassin de l'Acaraú; le Secrétariat Exécutif de l'Agrobusiness du Secrétariat du Développement et du Travail - SEDET; l'Institut SISAR (Système Intégré d'Assainissement Rural); la Fédération des travailleurs ruraux et des agriculteurs familiaux du Ceará - FETRAECE; la Direction des Travaux Hydrauliques - SOHIDRA; le Secrétariat du Développement Agraire - SDA; de la Compagnie de Gestion des Ressources Hydriques - COGERH; et du Secrétariat des Ressources Hydriques - SRH.

Les agents interviewés font partie d'une liste non-exhaustive de parties pertinentes pour la compréhension des mécanismes de gouvernance de l'eau et rassemblent: (I) des agents liés à des organismes de l'État qui font partie du SIGERH, ainsi que (II) des représentants de mouvements sociaux ou d'organisations impliquées dans les grands thèmes du développement rural, qui n'ont pas forcément un accès direct aux espaces de délibération du SIGERH. Ces entretiens permettent ainsi d'avoir des perceptions diverses sur le fonctionnement et les systèmes de coordination du SIGERH, et de comprendre dans quelle mesure des acteurs non-étatiques actifs dans les espaces ruraux de l'État se sentent intégrés (ou pas) dans la gouvernance de l'eau.

Ces entretiens ont été réalisés selon la méthode semi-directive, ainsi appelée vu que les thèmes de l'entretien sont sélectionnés et annoncés au préalable (Combessie, 2007). Ces entretiens se sont ainsi basés sur un guide d'entretien adapté, divisé dans les sections suivantes: (I) évolution institutionnelle (ou création et évolution du mouvement, le cas échéant), fonctions, mission, structure organisationnelle, budget, profil des fonctionnaires (en termes de formation et lien contractuel); (II) leur perception sur l'évolution de la gestion (et de l'accès à l'eau, pour les mouvements sociaux) à partir des jalons identifiés lors de la recherche documentaire; (III) la nature de sa participation au sein du CONERH (ou des organismes collégiens qui le composent, tels que le COMIRH ou les Comités de Bassin, pour ceux qui ne sont pas directement représentés auprès du premier); (IV) et d'éventuels liens ou mécanismes de dialogues avec d'autres/les organisations de l'État, intéressés à la gestion de l'eau.

23

Bien que les entretiens ont reposé sur un guide de questions plus générales, de manière à apporter une compréhension plus large du fonctionnement des diverses organisations engagées dans le thème de l'eau et de sa gestion, le traitement de ces entretiens pour le présent travail focalise les éléments reliés à la grille d'analyse présentée ci-dessus. Selon Combessie (2007b), face à des informations diverses, on a besoin d'établir que chercher, de mobiliser un sens qui les relie à partir d'une hypothèse ou problématique. Ainsi, les principales informations exploitées ici sont celles qui rapportent comment les différents acteurs conçoivent la participation, la transparence des mécanismes et la coordination des différents espaces et niveaux de délibération.

Un tableau de synthèse sur les observations réalisées à partir des entretiens est visible sur l'Annexe 2 de ce travail. Certaines de ces observations balisent les analyses du Chapitre 3, dans lequel on croise les résultats de la recherche empirique avec les fondements théoriques discutés dans le sous-chapitre précédent (1.1).

Enfin, la structure institutionnelle et le modèle de gouvernance en vigueur dans le Ceará dialogue certainement avec les les contours institutionnels fédéraux et leurs mécanismes d'action, d'où l'intérêt d'entamer la présente étude à partir d'une compréhension du cadre institutionnel brésilien et de l'historique de l'action publique fédérale sur la région, pouvant impacter le contexte majeur dans l'État. C'est sur cela que se penchera le Chapitre suivant, afin de fonder l'analyse de la gouvernance qui viendra ensuite.

24

CHAPITRE II - Contextualisant les différents niveaux territoriaux et les paradigmes de l'action publique de réponse aux crises hydriques

Afin de mieux comprendre les éléments qui potentiellement interagissent dans la formation d'un modèle donné de gouvernance dans le Ceará, on présentera ici le contexte plus large du modèle de développement brésilien, passant par le contexte général du Nordeste Semi-aride et débouchant sur les indicateurs de développement de l'État du Ceará.

2.1. Indicateurs du développement aux différents niveaux d'analyse et un état des lieux du secteur hydrique au Brésil

Cinquième pays au monde en extension territoriale4, le Brésil présente une

population estimée de plus de 213 millions d'habitants (IBGE, 2021b). Son PIB monte à

7,4 mille milliards de Reais (environ 1,36 mille milliards de dollars US) (IBGE, 2020),

de manière que le Brésil était la 9ème économie au monde en 2019 (Banque Mondiale,

n.d.). D'autre part, son indice de développement humain (IDH) cette même année était de

0,765, plaçant le Brésil en 84ème position mondiale à cet égard5, combiné à un coefficient

de Gini de 53,3, (Human Developments Report, n.d.), ce qui indique un niveau

d'inégalités sociales parmi les plus élevés au monde (Rios et Sena, 2020). Ce contexte

d'inégalités peut être aggravé par la conjoncture économique du pays, avec une trajectoire

de recul du PIB (-4,1% en 2020) (IBGE, 2021), laquelle a servi à justifier des tendances

récentes de démantèlement de politiques publiques environnementales et de

développement social (Sabourin et al., 2020).

Dans les aspects physique et environnemental, le Brésil est classé comme l'un des

17 pays mega-diverses, et comprend des écosystèmes uniques au monde (CEPAL, 2018).

Cependant, le processus de dégradation de la végétation originale, en partie lié aux

développements de son activité agricole, a entraîné la désertification de 15,7% de son

territoire, problème qui affectait 31,6 millions de personnes, soit 18,6% de sa population

en 2018 (CEPAL, 2018). En plus, le Brésil compte 27% de zones dégradées sur son

territoire (Human Development Report, n.d.). Tout cela impacte négativement la

4 Avec une aire de 8.514.876,599 km2 (PNUD, n.d.).

5 Trajectoire de l'IDH brésilien entre 1990 et 2019 visible sur l'Annexe 4.

25

résilience notamment des économies rurales les plus vulnérables, retro alimentant les

processus liés à la pauvreté et à la vulnérabilité (CEPAL, 2018).

On observe ci-dessous un tableau avec des indicateurs importants pour

appréhender le cadre général du Brésil en termes de développement durable en 2019:

Tableau 1: Indicateurs du développement durable au Brésil

Indicateur Valeur pour Moyenne

le Brésil mondiale

Moyenne des
pays en
développement

Valeur pour
l'Amérique

latine et

Caraïbes

Espérance de vie à la naissance (années)

75,9

72,8

71,3

75,6

Années de scolarisation escomptées

15,4

12,7

12,2

14,6

PNB per capita (ppa constant 2017)

14263

16734

10583

14812

IDH

0,765

0,735

n.d.

n.d.

Indice de Développement de Genre

0,993

0,943

0,919

0,978

Pourcentage (%) de la population en

situation de pauvreté multidimensionnelle (moyenne entre 2008 et 2019)

3,8

n.d

22

7,2

Pourcentage (%) de la population employée (âge à partir de 15 ans)

56,2

57,4

57,4

59

Quantité (tonnes) moyenne d'émissions de dioxyde de carbone par habitant (donnée relative à 2018)

2,2

4,6

3,4

2,8

Quantité (kg) moyenne d'émissions de

dioxyde de carbone par unité (1 US$) du PIB

0,15

0,26

0,31

0,18

Pourcentage (%) des zones forestières sur le total du territoire (donnée de 2016)

58,9

31,2

27,1

46,2

Pourcentage (%) de diminution des zones forestières

Pourcentage (%) de prélèvements d'eau douce sur le total des eaux renouvelables (moyenne sur la période 2007-2017)

Taux de mortalité attribué à l'eau insalubre et aux conditions des services d'assainissement et hygiène (per 100.000)

Dégradation des ressources naturelles en pourcentage (%) du PNB (moyenne sur la période 2015-2018)

Taux de population urbaine (%)

Diminution moyenne par an de la valeur de l'IDH suite aux inégalités, en pourcentage (%) (moyenne sur la période 2010-2019)

9,9

3

6,4

9,6

0,8

7,7

8,5

1,5

1

11,7

14

1,7

2,6

1,3

2,4

2,8

86,8

55,6

50,9

80,7

0,7

n.d.

n.d.

n.d.

26

Source: À partir de Human Development Report, n.d.

On observe que le Brésil dispose d'une taille économique robuste reposant sur un

territoire vaste et abondant en ressources naturelles, mais dont le modèle de

développement n'a pas été capable de combler les inégalités et apporte très souvent des

problèmes environnementaux.

Comme principales lacunes pour la réalisation du

développement durable au Brésil, ont été identifiées par une commission de la Société Civile («Grupo de Trabalho da Sociedade Civil para a Agenda 2030 do Desenvolvimento Sustentável») justement les inégalités régionales (CTPMI, 2019). À ce propos, il faut tenir en compte que les régions Nord et notamment Nordest restent les moins développées dans des thèmes pertinents tels que revenu, santé, éducation et accès à des services publics, ce qui suggère l'existence de différents profils de développement durable dans le pays, régionalement différenciés (CTPMI, 2019).

27

Figure 1 - Carte politique du Brésil: les 27 unités fédérales et les 5 grandes Régions

Source: IBGE Educa, n.d. (Code couleur: Nord - vert; Nordeste - jaune)

Par ailleurs, c'est justement dans la région Nordeste du Brésil, celle ayant l'IDH le plus bas parmi les régions brésiliennes6 et l'Indice de Gini le plus élevé7 (IPEA, 2016; Barros, 2020), qui se trouve une des trois grandes zones semi-arides de l'Amérique du Sud. Jusqu'en 2017, cette zone comptait une aire de 982.566 km2, correspondant à 18,2% du territoire brésilien et 53% de la région Nordeste (Baptista et Campos, 2017). Le semi-aride s'étend par 10 États brésiliens8, comprenant au total 1.262 municipalités au pays (Ministério da Integração Nacional, 2017). Elle représente par ailleurs l'aire semi-aride la plus peuplée de la planète, avec environ 22 millions d'habitants en 2017, et abrite la plus grande concentration de population rurale au Brésil (Baptista et Campos, 2017). Son bilan hydrique négatif soumet donc une population considérable à des crises hydriques importantes (Lemos et al., 2020), lesquelles sont évidemment susceptibles de s'aggraver suite aux phénomènes liés aux changements climatiques.

6 0,663 lors de la dernière mesure, en 2016 (IPEA, 2016).

7 0,559 en 2020, contre 0,467 dans la région Sud, 0,537 dans la région Nord, 0,527 pour le Sudest et environ 0,506 pour le Centre-Ouest en 2020. Par ailleurs, le Nordest est la seule région à avoir vu l'indice d'inégalité monter en 2020 (Barros, 2020).

8 Ces États sont le Maranhão, Ceará, Rio Grande do Norte, Pernambuco, Paraíba, Sergipe, Bahia, Piaui, Alagoas et Minas Gerais, dont 9 de la région Nordeste, et un (le Minas Gerais) de la région Sud-est, de manière qu'environ 89,5% de l'extension du Semiaride se trouve sur le Nordeste (IBGE, 2018).

28

Figure 2 - le Semi-aride Brésilien

Source: IBGE, 2018.

En ce qui concerne le secteur des ressources hydriques, l'OCDE (2015 dans IPEA, 2019a) souligne que le Brésil présente encore des difficultés pour garantir les usages durables de l'eau dans ses diverses régions. En termes des spécificités de la gestion, il faut retenir que la nature juridique des eaux dans ce pays est celle d'un bien public, où l'État devient non pas son propriétaire, mais son gestionnaire (Aith et Robarth, 2015). Même si le gouvernement central a encore la prépondérance sur la réglementation de l'eau au pays, aujourd'hui on observe une décentralisation fédérative importante pour la régulation et l'exploitation de cette ressource, notamment vers le niveau des états (Aith et Robarth, 2015). Aussi, le fondement de son Système National de Gestion9 sont les bassins hydrographiques, tout en prévoyant des instances de participation sociale (Conseil National de Ressources Hydriques - CNRH et Comités de Bassins versants fédéraux) (Aith et Robarth, 2015). Cependant, le statut juridique de l'eau au Brésil reste très complexe et fragmenté, ce qui rend plus difficile la gestion de cette ressource d'un côté,

9 Le Système National de Gestion des Ressources Hydriques (SINGREH) correspond à l'ensemble des organismes et des instances collégiales qui conçoivent et mettent en oeuvre la Politique Nationale des Ressources Hydriques. Voir sa structure dans l'Annexe 3

29

et la compréhension et mise en conformité avec les normes de l'autre (Aith et Robarth, 2015). En plus, la culture en termes d'organisation politique et institutionnelle pour la gestion de l'eau au Brésil reste encore très sectorielle, ce qui impose des difficultés d'intégration et de consolidation d'un système efficace (ALEC, 2008).

Aussi, tandis que les régions Sud, Sud-Est et Centre-Ouest présentent des indices proches de l'universalisation de l'approvisionnement d'eau (respectivement 89,7%, 91,3% et 90,1%), les régions Nord et Nordeste en restent encore assez loin (57,5% et 73,3%, respectivement) (IBGE, 2018 dans IPEA, 2019a). Un autre défis, c'est que 30% du volume de l'eau disponible au Brésil se trouve dans la région Nord, où la demande est la moins importante, alors que des aires des régions Nordeste et Sud ont vécu des stress hydriques importants (ANA, 2018 dans IPEA, 2019a). Ce cadre a donc le potentiel de générer des conflits pour l'eau, entre secteurs et usagers du pays (IPEA, 2019a).

Il faut noter par ailleurs que l'occurrence de désastres naturels et de phénomènes de sécheresse au Brésil sont en train d'augmenter, si on observe la série entre 2003 et 2018 (S2ID/Sedec/MDR, 2019 dans IPEA, 2019b). Évidemment, cette situation touche plus intensément les populations pauvres et vulnérables, ce qui accentue les défis liés aux inégalités au pays. Encore une fois, le Nordeste est la région la plus affectée par les désastres naturels, notamment ceux liés aux sécheresses (IPEA, 2019b). L'augmentation de ces phénomènes climatiques extrêmes est associée aux changements mondiaux du climat (Marengo, n.d. dans IPEA, 2019b).

Enfin, parmis les États brésiliens dans lesquels se trouve le Semi-aride, le Ceará est celui qui présente le plus grand pourcentage de municipalités reconnues officiellement par le Gouvernement Fédéral brésilien comme faisant partie de ce régime climatique: 175 des 184 municipalités de l'État (soit 95% d'elles) intègrent le Semi-aride brésilien (Lemos et al., 2020). Cet état a une population estimée de 9.187.103 en 2020 , étant donc le 8ème état le plus peuplé au Brésil. Son territoire de 148.894,442 km2, lui donne la position de 17ème unité fédérative en extension territoriale (IBGE, n.d.b). Son PIB a été mesuré en 155.904 milliards de Reais en 2020, 12ème plus élevé parmi les unités fédératives (IBGE, n.d.c.). En ce qui concerne son IDH, le Ceará montre des fragilités importantes: 17ème parmi les 27 unités fédératives brésiliennes, avec un IDH de 0,682 en 2010 (IBGE, n.d.). Il a par contre vécu une évolution considérable dès les années 1990 et depuis les années

30

2000 (présentant des valeurs d'IDH de 0,405 et 0,541, quand il occupait la 20ème et 16ème positions, respectivement, parmi les 27 unités fédératives) (IBGE, n.d.).

Figure 3 - Carte du Brésil identifiant l'État du Ceará

Source: IBGE (n.d.b).

Compte tenu de sa position géographique, avec la plupart de son territoire sur le Semi-aride, le Ceará est historiquement caractérisé par de graves crises de sécheresse (Lima e Rocha Magalhães, 2008). Cette situation a marqué les cycles de développement de l'État10 (Ceará 2050, 2018), imposant des impacts socio-économiques importants et faisant appel à des stratégies permanentes de coexistence avec ses conditionnalités. Les premiers locaux affectés sont justement les petites communautés rurales, compte tenu d'un manque ou d'une insuffisance de sources hydriques de capacité pluriannuelle (Cortez et al., 2017). Cela démontre, encore une fois, une plus grande fragilité des espaces ruraux, notamment si on considère la prédominance d'activités agricoles qui, détenant très souvent un niveau technologique faible, restent exclusivement dépendantes de la

10 À ce propos, il reste important de noter que les phénomènes de sécheresses représentent un élément qui ralentit la croissance économique du Ceará, comme vérifié par la Sudene et l'IPECE (Ramos Vianna et al., 2006).

31

pluviométrie (Lemos et al., 2020). En effet, entre 2010 et 2016, le Ceará a vécu ce qui peut être considéré la période de sécheresse la plus sévère des derniers 100 ans, laquelle a coïncidé avec une crise économique, politique et sociale au Brésil, exacerbant ses effets (Cortez et al., 2017). C'est dans cette perspective que les investissements en infrastructure de captation et stockage d'eau, ainsi qu'une préoccupation accrue avec la gestion des usages de l'eau demeurent centrales et devront dicter le «modus vivendi» dans cet État (Ramos Vianna et al., 2006).

Le modèle de développement du Ceará est encore marqué par une distribution très inégale de l'eau11 et se caractérise par une absence (ou une introduction très tardive) de politiques intégrées et permanentes de lutte contre cette situation (ALEC, 2008). En plus, ses structures foncière et sociétale sont caractérisées par des relations historiques de domination clientéliste (Lemos et al., 2020; Buckley, 2010; Burte et al., 2013). C'est dans ce sens qu'on contextualise le modèle de développement du Ceará dans celui du Brésil, lequel n'a pas été capable d'éradiquer l'exclusion sociale, ni d'analyser les complexités de son Semi-aride de manière systématique et intégrée (Mendes, 2018). Ces dynamiques et les réponses historiques à ses complexités seront mieux abordées dans le sous-chapitre suivant, et seront importantes pour comprendre les mécanismes de gouvernance de l'eau, selon les référentiels théoriques sélectionnés pour le présent travail.

2.2. L'évolution des paradigmes d'action publique sur le Nordeste Semi-aride

Le problème des sécheresses identifié dans la région du Nordeste Semi-aride n'est pas exactement lié à un manque de pluie, mais plutôt à son irrégularité dans le temps et l'espace (Rocha Queiroz e Falcão Sobrinho, 2019). Dans cette partie, on analysera comment ont été traitées les complexités du Semi-aride par le pouvoir publique, afin d'appréhender comment a évolué l'orientation de l'intervention publique sur cette zone, y inclut la nature de ses institutions.

11 En 2008, environ 3 millions des plus de 8 millions de personnes vivant dans cet État n'avaient pas accès à l'eau potable, et plus de 5 millions n'étaient pas servis par les services d'assainissement (ALEC, 2008).

32

Tout d'abord, pour mieu comprendre les enjeux de la région, il faut noter que le Semi-aride reste remarquablement caractérisé par les formes de son occupation depuis la colonisation portugaise (1530-1822), lesquelles comprennent (I) l'expansion de l'élevage en tant qu'activité économique majeure dans la région et (II) le système de «sesmarias»12 de distribution des terres, dont les résultats sont souvent associés à la forte et persistante concentration foncière (Andrade, 1980 dans IICA, 2013). L'élevage extensif exigeait des grandes dimensions, et est devenu la base productive des grandes propriétés rurales («latifúndios») et du pouvoir de leurs propriétaires - appelés «coroneis» (Correia de Andrade, 1999; Ribeiro, 1995; Ab'Saber, 2003 dans Marinho Alves da Silva, 2003).

L'agriculture est devenue un autre axe de l'économie du sertão, même si limitée à des aires spécifiques - normalement à des altitudes plus élevées, qui recevaient plus de pluie (Souza et al., 1992 dans Buckley, 2010). Par contre, l'élevage extensive diminuait la viabilité de l'agriculture dans une grande partie du Semi-aride car dans les périodes de sécheresses le bétail était conduit aux marges des rivières - justement les zones les plus fertiles - dommageant des parcelles de sol cultivable (Buckley, 2010). Ainsi, la rareté de l'eau a pendant longtemps rendu difficile une agriculture commerciale de grande échelle dans des vastes aires de la zone semi-aride (Buckley, 2010). Aussi, le modèle d'occupation depuis le XVII siècle, à l'absence d'infrastructures hydrauliques et de routes, a formé une société assez vulnérable aux sécheresses (Martins de Sousa et Vidal de Oliveira, 2015).

D'autre part, les grandes propriétés se fondaient sur le travail forcé, l'esclavage au Brésil n'étant abolie qu'en 1888. À ce moment, les esclaves libérés ont passé à des systèmes de métayage, payant leur «bail» avec leur production et leur main d'oeuvre. Progressivement, s'est formé une masse de paysans sans terres dans la région, qui subsistait à partir d'une combinaison de production à petite échelle pour subsistance, du travail dans les schémas de métayage, et d'autres configurations dépourvues de mécanismes contractuels rassurants et de capital personnel. Ces groupes restaient, ainsi, particulièrement vulnérables aux fluctuations d'ordre climatique dans la région (Buckley, 2010). Les grands propriétaires, à leur tour, restaient relativement protégés de l'impact

12 Le système des sesmarias était un des types de concession de terres appliqué par les colonisateurs portugais, dans le but de stimuler la production agricole à partir de l'allocation des terres non cultivées à des nouveaux propriétaires, à condition de les améliorer et rendre productives, sous peine d'avoir le droit d'accès annulé si cette conditionnalité n'est pas respectée (Pedroza, 2020).

33

économique des sécheresses, compte tenu des récoltes excédentaires, qui pourraient être commercialisées à des prix plus élevés lors des périodes de crise (Buckley, 2010).

Ces paysans ont depuis été maintenus dans une relation de dépendance vis-à-vis des grands propriétaires, lesquels étaient en mesure de conditionner leur accès à des ressources comme la terre et l'eau ou à offrir de la «protection» à des groupes plus vulnérables (Forman, 1979 dans IICA, 2013) comme l'affirme Ribeiro (1995, p. 348 dans Marinho Alves da Silva, 2003):

«entre le pouvoir fédéral et la population en situation de vulnérabilité, s'interpose la condition de pouvoir des coroneis, lesquels contrôlent tous les aspects de la vie dans le sertão: non pas seulement les terres et le bétail, mais aussi les positions de pouvoir et les opportunités de travail y inclus auprès de l'état» (Ribeiro, 1995, p. 348 dans Marinho Alves da Silva, 2003).

Ce cadre général aurait façonné la société rurale du sertão jusqu'à ces jours et démontre que le système politique et la structure sociale en vigueur dans cette zone sont au moins aussi importants que la composante climatique pour comprendre l'impact des sécheresses sur les populations du Semi-aride (Buckley, 2010).

Le cadre de misère qui s'aggrave pendant les périodes prolongées de sécheresse est donc interprété en tant qu'une expression des formes historiques d'occupation des espaces et de l'utilisation des ressources. Aujourd'hui, environ 1,5 million de familles agricultrices (28,82% de toute l'agriculture familiale au Brésil) occupe seulement 4,2% des terres cultivables du Semi-aride, alors que les grandes propriétés détiennent 38% des terres (Asa Brasil, n.d.). Par ailleurs, données de 2010 montraient que 59,1% des brésiliens en situation d'extrême pauvreté vivaient au Nordeste, et parmi ceux-ci, 52,5% dans les zones rurales de la région (IBGE, 2010 dans Asa Brasil, n.d.).

Cependant, les sécheresses dans la région n'ont été traitées comme une question nationale qu'à partir de la sécheresse de 1877, laquelle a provoqué une mortalité importante13. À ce moment, les pertes dans les troupeaux ont touché directement les

13 La Grande Sécheresse de 1877-1879 est considérée par Martins de Sousa et Vidal de Oliveira (2015), comme le pire désastre social déjà abattu sur la société brésilienne.

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intérêts économiques des grands propriétaires, lesquels se sont mobilisés pour réclamer des ressources publiques d'aide contre les sécheresses. Cependant, ces ressources ont bénéficié d'avantage cette élite et ses activités économiques, de manière que la littérature a dénommée ces pratiques «industrie de la sécheresse» («indústria da seca») (Marinho Alves da Silva, 2003). Selon Buckley (2010), attribuer les crises hydriques en termes strictement climatiques peut être interprété en tant qu'une stratégie politique pour obtenir de l'aide fédérale, sans confronter les déséquilibres sociaux dans la région.

On parle ainsi en termes d'une instrumentalisation politique de la sécheresse, laquelle a façonné les formes particulières d'intervention publique dans le Semi-aride. Au début du XXème siècle, on assiste à la création du DNOCS14 - Département National de Travaux Contre les Sécheresses, désormais un élément central de la stratégie publique pour le Nordeste Semi-aride. Ses ingénieurs ne mettaient pas en discussion la structure d'inégalités sociales qui amplifiaient les effets des sécheresses sur les populations locales. Leur attention était plutôt dirigée vers le caractère obsolète des infrastructures hydrologiques, agricoles et de transports, c'est-à-dire, aux composantes d'ordre technique seules (Buckley, 2010). Sa stratégie primordiale au XXème siècle était ainsi de retenir l'eau de la pluie afin de rendre possible son usage tout au long de l'année et a donc guidé la construction de politiques publiques fortement orientées vers la construction de grands barrages dans le Semi-aride (Araújo Santos, 2019; Buckley, 2010). Il s'agit de ce que la littérature sur le sujet appelle la «solution hydraulique". Bref, les actions gouvernementales d'intervention dans cette réalité ont été construites, à l'époque, sur la base des caractéristiques suivantes: le caractère d'urgence, fragmenté et discontinu, alimentant l'industrie de la sécheresse (Marinho Alves da Silva, 2003).

À ce propos, Marcel Bursztyn (1985 dans Araújo Santos, 2019) souligne que le DNOCS a joué un rôle important dans la continuité des relations typiques du compromis entre les élites nordestines et l'État, vu que celui-ci assurait, du point de vue économique, l'hégémonie des groupes locaux. Cela car, très souvent, les structures hydrauliques étaient construites sur les grandes propriétés privées, et peu parmis elles étaient effectivement liées à des réseaux d'irrigation qui pourraient intensifier la production agricole (Buckley, 2010). Parallèlement, la distribution d'eau aux populations paysannes est demeurée très

14 Crée en 1909 sous la dénomination de IOCS (Direction de Travaux Contre les Sécheresses), et ensuite dénominée IFOCS avant de gagner son acronyme actuel DNOCS (voir chapitre suivant).

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insatisfaisante, de manière que celles-ci sont restées assez dépendantes des camions-citernes («caminhões-pipas») (Silva 2006 dans Araújo Santos, 2019). Ainsi, une telle logique d'action publique rendait possible la pérennité des élevages des grands propriétaires, au même temps que maintenait un stock de main d'oeuvre disponible et dépendant des élites locales. En même temps, à partir de la construction des réseaux de routes secondaires, l'État soutenait la circulation de la production de marché (Bursztyn, 1985 dans Araújo Santos, 2019).

Ce processus a ainsi entraîné une concentration hydrique et un effet politiquement immobilisateur (Araújo Santos, 2019; Buckley, 2010). L'économiste brésilien Celso Furtado (1961, 1959 dans Buckley, 2010) argumentait dans les années 50 qu'une telle logique détournait l'attention des agents de développement des défis plus fondamentaux dans le Nordeste, c'est-à-dire, l'organisation politique et sociale. Selon Marinho Alves da Silva (2003), cette logique d'action fait partie d'un modèle de développement fondé sur le progrès technique et sur la domination de la nature, affichant la croissance économique et l'accumulation capitaliste en tant que ses finalités ultimes. Pour cet auteur, ce paradigme d'action publique conçoit le Semi-aride à partir d'une perspective utilitariste d'occupation et d'exploitation de ses ressources: la sécheresse en devient l'entrave, et doit donc être combattue.

Cependant, il reste intéressant de tenir en compte l'observation faite par Martins de Sousa et Vidal de Oliveira (2015), qu'avant la création du DNOCS, la construction des barrages se faisait à partir de connaissances empiriques tout simplement, et à l'absence d'études préliminaires. Depuis la création de cet organisme, par contre, ces études ont progressivement été réalisées de manière systématique, contribuant au renforcement de la politique et représentant une base pour des politiques ultérieures (Martins de Sousa et Vidal de Oliveira, 2015). Campos (2014), à son tour, argumente que la création d'institutions fédérales - DNOCS inclus - a représenté un avancement dans la quête de solutions pour la problématique des sécheresses. Il aperçoit par ailleurs une séparation entre les concepts de solution hydraulique, et de «phase hydraulique de la solution», ce dernier faisant référence à une politique d'ampliation de l'offre d'eau, comme une étape nécessaire, même si insuffisante, pour répondre à la problématique des sécheresses. Il considère que l'action du DNOCS à la première moitié du XXème siècle peut être appréhendée comme une phase hydraulique de la solution (Campos, 2014).

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D'autre part, c'était encore dans la première moitié du XXème siècle qu'ont progressivement émergé des regards critiques sur les causes structurelles et les conséquences de la misère régionale (Marinho Alves da Silva, 2003). Comme exemples, on peut citer le Groupe de Travail pour le Développement du Nordeste (GTDN), coordonné par l'économiste brésilien Celso Furtado, lequel a introduit des discussions autour des standards démographiques, des fragilités de la production de subsistance, de la transformation de l'agriculture régionale et du réaménagement territorial (Marinho Alves da Silva, 2003 et Silva, 2006 dans Martins de Sousa et Vidal de Oliveira, 2015). Ensuite, le véritable élan n'est venu qu'à la fin de la dictature militaire au pays, en 1985. On cite ainsi la constitution de la Fédération du Semi-aride («Articulação do Semiárido») (ASA)15 par une cinquantaine d'ONGs à la fin des années 1990.

Celles-ci ont, conjointement avec des groupes d'assistance technique, des mouvements sociaux, des associations, syndicats et groupes religieux, réclamé la création et la diffusion de technologies et de pratiques alternatives pour faire face de manière décentralisée à l'enjeu des sécheresses (Araújo Santos, 2019). Leur perspective valorise les saveurs locals et la centralité des populations en tant qu'acteurs de leurs propres histoires. C'est ainsi qu'émerge un référentiel fort pour la redéfinition de l'action publique dirigée aux populations du Nordeste Semi-aride: l'articulation des organisations existantes et le partage de connaissances sur les expériences acquises localement ont formé la base pour des solutions en termes de gestion et de gouvernance des ressources (Araújo Santos, 2019). Ses délibérations indiquaient aussi la nécessité de changements profonds de la politique agraire et agricole de la région, ainsi que des structures de domination qui sont renforcées lors des sécheresses (Silva et al., 2011 dans Araújo Santos, 2019).

En 1999, la ASA a publié, lors de la Troisième Session de la Conférence des Parties des Nations Unies de la Convention de Lutte contre la Désertification (COP 3), la Déclaration du Semi-aride, affirmant que c'est possible une coexistence avec les conditions du Semi-Aride brésilien, en particulier les sécheresses, tout en présentant une série de propositions fondées sur deux principes: celui de la conservation, usage durable et recomposition environnementale des ressources naturelles; et celui de la fin du

15 L'ASA réunit environ 700 organisations non gouvernementales, mouvements sociaux et des groupes religieux très actifs dans le Semi-aride (ASA, 2001 dans Marinho Alves da Silva, 2003).

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monopole de l'accès à la terre, à l'eau et aux autres moyens de production (Marinho Alves da Silva, 2003). Ce document est considéré un document de rupture avec la philosophie et les actions de la lutte contre la sécheresse, dans la mesure où il indique des mesures structurantes pour le développement durable dans la région, y inclus la formulation d'un programme pour la construction d'un million de cisternes à portée des familles du Semi-aride (Asa Brasil, n.d.b.; Rocha Queiroz et Falcão Sobrinho, 2019).

Dans le cas spécifique du Ceará, au-délà de ces technologies sociales des citernes en béton construites par la population, viennent s'ajouter comme stratégie pour Vivre avec le Semi-aride des projets de lutte contre la pauvreté, de formation des agriculteurs locaux, d'inclusion des pratiques agroécologiques, d'éducation environnementale, parmis d'autres (Martins de Sousa et Vidal de Oliveira, 2015). Par contre, Martins de Sousa et Vidal de Oliveira (2015) considèrent que quelques-unes de ces actions sont localisées et palliatives, alors insuffisantes pour produire et reproduire des nouvelles formes de connaissance.

De manière générale, la perspective de vivre avec le Semi-aride présuppose un comportement proactif en face des phénomènes naturels, profitant de manière durable de ses potentialités pour la satisfaction des besoins humains. Elle exige donc un processus culturel, d'éducation, d'apprentissage sur l'environnement, de perception de la complexité du Semi-aride. Il ne s'agit donc pas d'un processus exogène, protagonisé par des groupes extérieurs (Marinho Alves da Silva, 2003). Surtout, «vivre avec le Semi-aride» présuppose l'amélioration de la qualité de vie des populations locales, ce qui exige une articulation entre les initiatives de gestion environnementale avec les initiatives sociales, qui vont bien au-delà des programmes à caractère d'urgence (Marinho Alves da Silva, 2003). Ces considérations sont bien en phase avec le constat central de ce travail: celui de la nécessité d'une gouvernance de l'eau promotrice d'une démocratisation de l'accès à cette ressource. Il reste ainsi à savoir si la structure institutionnelle mise en place pour la gouvernance de l'eau dans le Ceará se compatibilise et, plus que cela, promeut une telle perspective de vivre avec le Semi-Aride.

Cependant, avant de procéder à l'analyse du système de gouvernance de l'eau dans le Ceará, il faut signaler que les paradigmes de lutte contre la sécheresse et de vivre avec le Semi-aride, même si présentés comme des idées antagonistes, coexistent dans l'action publique, puisque le pouvoir publique absorbe et exprime des intérêts antagonistes au sein

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de la société (Araújo Santos, 2019). Comme exemple concret au Brésil, on cite l'intensification de la relation de l'État avec l'ASA lors de l'ascension de Luiz Inácio Lula da Silva à la présidence de la République en 2003, établissant un partenariat direct pour la promotion des idées mises en avant par ce collectif. Cependant, cela n'implique pas une acceptation totale, de la part du gouvernement Lula, du modèle de politique publique proposé par l'ASA: la perspective de la solution hydraulique, qui a orienté les projets développementistes fortement critiqués par l'ASA, est aussi représentée dans la gestion de ce président, illustré notamment par le projet de transposition du fleuve São Francisco. En tout cas, on ne peut pas dire que ces deux paradigmes ont été appliqués séparément et dans des moments différents: il y a eu des moments où ses éléments ont été discutés et/ou adoptés en parallèle (Martins de Sousa et Vidal de Oliveira, 2015).

Aussi, le fait que la lutte contre la sécheresse soit considérée représentative d'un modèle de développement obsolète cache possiblement des nuances, celles-ci mises en avant par Campos (2014). Cet auteur affirme que la «phase hydraulique de la solution», comme discuté ci-dessus, a été la base pour le développement des sociétés et ont permis l'avancement de la connaissance sur les pratiques de gestion des stocks d'eau (Campos, 2014). Par ailleurs, Martins de Sousa et Vidal de Oliveira (2015) rappellent que les actions pour vivre avec le Semi-aride, même si cruciales pour modifier les situations de pénuries qui se rétro-alimentent de la structure sociétale, n'arrivent pour l'instant à résoudre de manière satisfaisante la problématique, car ils ne comptent pas suffisamment de incentives et des ressources financières.

Dans ce cadre majeur d'action publique dans le Nordeste Semi-aride, il reste ainsi à placer et à analyser l'action publique au niveau de l'État du Ceará. Cet État est souvent présenté dans la scène brésilienne en tant qu'expression de la transformation de la structure traditionnelle de pouvoir, notamment pour ce qui est de la gestion de l'eau (Sousa Monte, 2008). L'analyse qui se poursuivra aidera ainsi à retrouver l'influence de ces paradigmes dans les mécanismes qui ont été construits pour la gouvernance de l'eau, et quels sont les effets observés à ce jour sur la capacité de participation et de démocratisation des décisions entourant cette ressource.

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CHAPITRE III - Quelle gouvernance de l'eau dans le Ceará?

On procède ici à l'analyse de l'évolution du système institutionnel et des instruments de gestion de l'eau qui fondent le modèle actuel de gouvernance de cette ressource. Une fois connue la structure de ce système, on réalisera l'analyse de la gouvernance à partir de la grille retenue dans le premier Chapitre.

3.1. Le système de gestion de l'eau dans le Ceará: institutions et instruments

Le modèle actuel de gestion des ressources en eau du Ceará est le résultat d'un long processus de lutte contre les sécheresses et de débat politique. Comme on a vu dans le sous-chapitre précédent, la politique de l'eau dans la région du Nordeste Semi-aride - ainsi que dans l'État du Ceará, plus spécifiquement (ALEC, 2008) - est née de manière associée à la rareté quantitative des ressources en eau. La proposition de la solution hydraulique a donc persisté dans la première moitié du XXème siècle, et a permis le transfert d'eau de la saison humide à la saison sèche et des années humides aux années sèches. En tout état de cause, il convient de noter que les investissements nécessaires à la mise en oeuvre de la solution hydraulique ont été alloués de manière éparse et souvent comme une réponse politique à un épisode de sécheresse (ALEC, 2008).

On peut attribuer la mise en place du cadre institutionnel du secteur hydrique au Ceará au gouvernement César Cals, avec la création, par la loi n° 9.498 du 20 juillet 1971, de la Direction des travaux de l'État du Ceará (SOEC). Celle-ci avait comme attribution, entre autres, la construction de barrages et de puits. À cette même année, la Compagnie des eaux et des égouts du Ceará (CAGECE) a été créée (Soares Rocha et al., 2011). En 1972, la Fondation Cearense de Météorologie et Pluies Artificielles (actuelle FUNCEME) a été créée dans le but de promouvoir des études météorologiques spécialisées et intensives (IPECE, 2014).

À son tour, le cadre technico-juridique de l'actuel système institutionnel des ressources hydriques en vigueur dans l'État a vu le jour en 1983. Suite à une période de cinq ans de déficit pluviométrique au Ceará (1979-1983), le gouvernement a créé un groupe de travail composé de représentants de plusieurs institutions travaillant sur les ressources en eau, afin de formuler une nouvelle politique publique en la matière. Pour la

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première fois, ces institutions se sont engagées à discuter et à identifier ensembles des stratégies d'action pérennes, tout en tenant compte des bassins hydrographiques (Plan stratégique des ressources hydriques du Ceará, 2009). De cette réflexion collective est né le Conseil d'État des ressources hydriques - CONERH (IPECE, 2014). Il est interprété que la création du CONERH a été motivée par l'observation, de la part du gouvernement de l'État, de la multiplicité d'institutions travaillant sur les ressources en eau, avec des liens administratifs divers et de manière non coordonnée (Peixoto, 1990 apud Soares Rocha et al., 2011).

En 1987, lors de l'ascension de Tasso Jereissati (1987-1991) au Gouvernement, s'est produite la rupture politique qui a permis de renouveler le discours et l'approche de traitement des effets de la sécheresse ainsi que des ressources hydriques de l'État, représentant un changement de paradigme dans la conduite des politiques publiques sur le sujet. Désormais, l'action Étatique affirme ouvertement sa priorité de concevoir les politiques publiques pour le secteur au profit d'une meilleure distribution sociale des résultats économiques (Ramos Vianna et al., 2006). Cependant, il n'y avait pas encore d'idée claire en termes du modèle de gestion de l'eau à adopter. Il visait en tout cas à discipliner et à rationaliser l'utilisation des ressources en eau, ainsi qu'à équilibrer l'offre et la demande en eau afin d'assurer leur durabilité (Ramos Vianna et al., 2006). Deux aspects de ce plan méritent d'être soulignés : (I) l'intérêt d'élargir l'accès des petits producteurs aux terres productives et, en même temps, d'augmenter l'extension de la zone irriguée dans l'État, ce qui aurait certainement un impact sur la demande en eau ; et (II) la critique adressée à la politique de l'eau dominante au Ceará jusqu'alors, très marquée par les interventions d'urgence et d'assistance, ainsi que par la logique de la solution hydraulique (Ramos Vianna et al., 2006). Ainsi, son plan gouvernemental souligne l'importance des solutions intégrées, structurelles et permanentes, une idée qui viendrait fonder les politiques et institutions de gestion des ressources en eau.

À partir de 1987, l'État du Ceará a commencé à mettre en place une structure institutionnelle pour les ressources en eau, dont les institutions sont encore actives aujourd'hui: le Secrétariat des ressources en eau du Ceará (SRH), désormais le noyau organisateur du système de ressources hydriques, et la Direction des travaux hydrauliques (SOHIDRA16). En outre, l'ancienne Fondation Cearense pour la météorologie et les pluies

16 Celle-ci a absorbé les fontions de la SOEC.

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artificielles - FUNCEME a reçu sa dénomination actuelle (Fondation Cearense de Météorologie et Ressources Hydriques) et a été placée sous le SRH (ANA, 2019). Désormais, la FUNCEME se consacre davantage au thème des ressources hydriques, en réalisant la tâche de produire des données sur le stock et le volume des barrages: une attribution fondamentale en termes de gestion des ressources hydriques (Ramos Vianna et al., 2006). La création de ces organismes, notamment le SRH, a amplifié l'espace de participation du personnel technico-scientifique à l'élaboration et à l'exécution de la politique des ressources hydriques de l'État (Ramos Vianna et al., 2006).

Au cours de la même période, la promulgation d'une nouvelle Constitution pour l'État du Ceará, en 1989, à la suite de la Constitution fédérale brésilienne de 1988, définit les aspects et objectifs de la gestion des ressources hydriques de l'État qui guident le système actuel, comme transcrit ci-dessous :

"Art. 326. (...) §1° La gestion des ressources en eau doit : I - favoriser l'utilisation multiple des eaux et réduire leurs effets négatifs ; II - être décentralisée, participative et intégrée par rapport aux autres ressources naturelles ; III - adopter le bassin hydrographique comme base et considérer le cycle hydrologique, dans toutes ses phases" (Constitution de l'Etat de Ceará, 1989).

Cependant, l'appareil d'État n'avait toujours pas de vision claire de la nécessité d'une gestion intégrée de l'eau, celle-ci restant limitée à des actions visant à augmenter l'approvisionnement. Aussi, le SRH était alors fortement axé sur une utilisation sectorielle spécifique : l'irrigation. Ce panorama ne changera qu'avec le Plan de l'État des Ressources Hydriques - PERH (1991) et la Loi de l'État sur les Ressources Hydriques (1992) (Soares Rocha et al., 2011). Le PERH est devenu, à l'époque, l'étude technique la plus importante déjà consolidée au Ceará, représentant un instrument incontournable pour la planification sectorielle de l'eau et constituant la base du modèle actuel de gestion des ressources en eau de l'État. Le plan susmentionné s'est également inspiré d'expériences internationales,

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le modèle français17 ayant une influence prépondérante sur la formation des principes du modèle de ressources en eau cearenses.

Le PEHR a donc contribué à la vérification du déséquilibre spatial en termes de capacité de stockage d'eau dans l'État, lequel entravait la mise en oeuvre harmonieuse des entreprises agricoles, industrielles et urbaines. Cette observation a implicitement suggéré l'idée de transposition de bassins (Ramos Vianna et al., 2006). Sous l'influence de l'environnement créé par le PERH, on peut percevoir dans le plan gouvernemental susmentionné quelques fragments d'une nouvelle politique des ressources hydriques. Celle-ci comprend désormais la valorisation de l'eau, à partir de la planification et de la compatibilité du potentiel et de la disponibilité de l'eau avec les besoins actuels et futurs, ainsi que l'objectif d'articulation entre tous les niveaux de l'administration publique. En outre, trois nouveaux aspects émergent du discours politique, visibles dans ce Plan de gouvernement : (i) l'apparition d'une (nouvelle) rationalité dans le traitement du problème de l'eau ; (ii) l'établissement d'une hiérarchie de priorités au sein de la structure des usagers, dont l'objectif principal devient la satisfaction des besoins humains ; et (iii) la proposition d'augmenter la capacité de stockage de l'eau de manière décentralisée, dans le cadre du concept de bassins hydrographiques (Ramos Vianna et al., 2006). Ainsi, une politique de gestion commence à émerger, en plus de la politique préexistante d'augmentation de l'offre d'eau (Ramos Vianna et al., 2006).

En 1992 entre en vigueur la loi de l'État pour les ressources hydriques (Loi 11.996/1992), laquelle conçoit l'eau comme une ressource limitée ayant une valeur économique, et crée la Politique de l'État de Ressources Hydriques (ANA, 2019). Cette dernière a institué (i) en tant qu'instruments de gestion des ressources en eau l'octroi de droits d'utilisation, la redevance et le partage des coûts des travaux ; (ii) le Plan de l'État des Ressources Hydriques; (iii) le Système Intégré de Gestion des Ressources Hydriques (SIGERH) ; et (iv) les collèges de coordination et de participation - à savoir les Comités des Bassins Hydrographiques, le CONERH et le Comité de Ressources Hydriques - COMIRH, ce dernier en tant qu'organisme de conseil technique du CONERH. Puis, en

17 Le modèle français de gestion de l'eau en France se fonde sur le bassin hydrographique en tant qu'unité territoriale de la gestion, sur l'implication d'une multiplicité d'acteurs et d'échelles politiques et administratives produisant ses propres règles (l'Europe, la France, les bassins hydrographiques, les régions, les départements et les communes françaises), ainsi que sur les agences de l'eau et les comités de bassin (Braga et Argollo Ferrão, 2015).

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1993, est créée la Compagnie de gestion des ressources hydriques (COGERH) (ANA, 2019), qui répond également au besoin, dans le cadre du SIGERH, d'un organisme spécialisé dans la gestion indépendante des infrastructures et de l'utilisation de l'eau (Ramos Vianna et al., 2006).

Parallèlement, l'augmentation de la capacité de stockage et d'approvisionnement d'eau s'est poursuivie avec la construction de barrages, de canaux, et d'autres infrastructures. Les études technico-scientifiques ont également été approfondies, servant à mettre à jour le PERH (Ramos Vianna et al., 2006). En tout cas, depuis la loi d'État sur les Ressources Hydriques, le gouvernement du Ceará a promulgué une série de lois et de décrets visant à compléter le modèle de gestion, dont la liste figure à l'Annexe 5. Parmi les principaux décrets de l'époque, citons ceux qui réglementent la redevance de l'utilisation de l'eau et la mise en oeuvre des Comités des Bassins (Ramos Vianna et al., 2006).

Par ailleurs, l'État a établi un partenariat avec la Banque Mondiale pour la question de l'eau dès 1994, ce qui a contribué à façonner le système de gestion des ressources hydriques dans l'État (Sousa Monte, 2008). Cet engagement de la Banque Mondiale a introduit le contrôle des instruments de gestion, la réforme institutionnelle, la modernisation des procédures administratives, et a exigé une amélioration de la capacité technique des ressources humaines dans le système de gestion de l'eau (Sousa Monte, 2008). Selon Sousa Monte (2008), tout cela est lié à une idée de «Ceará moderne» et de «modernité hydrique».

Un autre développement institutionnel important a été la séparation définitive de la fonction d'irrigation par rapport au SRH. À cette fin, le 31 décembre 1998, le gouvernement a créé le Secrétariat de l'agriculture irriguée (SEAGRI, lequel deviendrait plus tard l'actuel Secrétariat du développement agraire - SDA) (Ramos Vianna et al., 2006). Cette évolution institutionnelle est pertinente dans le sens où elle met fin au biais vers l'irrigation au sein du SRH, adaptant le système au paradigme de gestion selon lequel l'organisme qui gère l'eau ne peut pas, en même temps, faire usage de cette ressource (Ramos Vianna et al., 2006).

En résumé, on peut comprendre l'évolution juridique-institutionnelle de la gestion de l'eau dans le Ceará selon le schéma suivant:

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Figure 4 - Schéma de l'évolution juridique-institutionnelle de la gestion de l'eau dans le Ceará

Source: À partir de Aith et Rothbarth, 2015; ALEC, 2008; Buckley, 2010; Campos,
2014; Lemos et al., 2020; Soares Rocha et al., 2011; Nys et al., 2016.

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Enfin, la structure organisationnelle du SIGERH a alors été définie en trois systèmes : le système de gestion (organismes responsables de la planification, de l'administration et de la réglementation) ; le système d'exécution (organismes responsables de l'approvisionnement, de l'utilisation et de la conservation) et les systèmes connexes (organismes responsables de la planification et de la coordination générale, des incitations fiscales et économiques, de la science et de la technologie, de la défense civile et de l'environnement). Il y a aussi les organes représentatifs des usagers de l'eau et de la société civile organisée, puisqu'au cours de cette période ont été mis en fonctionnement le CONERH, les 12 comités de bassins hydrographiques et 68 commissions d'usagers et de gestionnaires de barrages, organes collégiaux qui, dans leur ensemble, sont chargés de la gestion participative des ressources hydriques (ANA, 2019). Ainsi, sous une forme simplifiée, la structure est la suivante :

Figure 5 - La structure du SIGERH-Ceará

Source: À partir de Ceará, 2009

Passons maintenant à l'explication des principales institutions représentées dans l'organigramme.

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- Le CONERH, directement subordonnée au gouverneur, est un organisme de coordination, de délibération collective et à caractère normatif, dont l'objectif est de (I) promouvoir l'articulation institutionnelle et communautaire ; (II) négocier et clarifier les politiques d'utilisation, d'approvisionnement et de préservation des ressources en eau ;

(III) promouvoir l'articulation entre les organismes Étatiques, fédéraux et municipaux ; et

(IV) délibérer sur les questions liées aux ressources en eau (IPECE, 2014). Outre les institutions Étatiques, il réunit également des institutions fédérales, telles que le DNOCS.

- Le SRH, en tant qu'organisme de gestion du SIGERH, est chargé de (I) promouvoir l'utilisation rationnelle et intégrée des ressources en eau de l'État ; (II) coordonner, gérer et rendre opérationnels les études, la recherche, les programmes, les projets, les travaux, les produits et les services liés aux ressources en eau ; et (III) promouvoir la coordination des agences et entités de l'État travaillant dans le secteur de l'eau avec les agences et entités fédérales et municipales (SRH, n.d.).

- La FUNCEME, qui est liée au SRH depuis 1987 (avec une interruption entre 1993 et 1997, lorsqu'elle était liée à ce qui était alors le Secrétariat d'État à la science et à la technologie), est une institution de R&D en météorologie, ressources en eau et environnement qui s'est consacrée à des études sur les modifications artificielles du temps, afin de trouver des solutions aux graves sécheresses qui frappent le Ceará - ce qui permet également de contribuer à la recherche de solutions dans d'autres États de la région Nordeste (FUNCEME, n.d.). En 1988, la FUNCEME a absorbé une partie des activités de la Direction pour le développement du Ceará (SUDEC), aujourd'hui disparue (Soares Rocha et al., 2011).

- La SOHIDRA est une autarcie également liée au SRH, chargée (I) de la collecte et de l'organisation d'informations concernant le bilan hydrique ; (II) de l'exécution d'études et projets qui visent à l'utilisation des eaux souterraines et de surface; (III) de l'exécution de travaux et de services d'ingénierie hydraulique ; (IV) de la gestion des systèmes et de l'utilisation socio-économique des zones d'influence des bassins hydrauliques publics ; et (V) de la réalisation d'études, de projets et de la mise en oeuvre des systèmes d'irrigation de l'État. Elle a gagné de l'importance, notamment entre 1995 et 2006, en tant qu'agence d'exécution des travaux hydrauliques (SOHIDRA, n.d.). Suite à la construction de barrages, de conduites d'eau et de systèmes d'irrigation par la

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SOHIDRA, ces ouvrages sont transférés à la COGERH, à la CAGECE ou au SDA pour être gérés.

- La COGERH, organisme d'Administration Publique Indirecte lié au SRH, a pour fonction de gérer l'approvisionnement des ressources en eau du domaine de l'État, afin de mettre en équation les questions relatives à leur utilisation et à leur contrôle. Cette fonction implique (I) le suivi et la redevance de l'utilisation des ressources en eau ; (II) la formation et le conseil aux comités de bassin hydrographique ; (III) l'exploitation et l'entretien des réservoirs publics ; (IV) la réalisation d'études liées à la gestion des ressources en eau ; (V) l'opérationnalisation de la gestion participative des ressources en eau à travers la définition participative de l'exploitation des réservoirs publics. Il est important de noter que le jalon du processus d'opérationnalisation d'une gestion participative au Ceará pourrait être défini à partir de la création de la COGERH. Cela car c'était cet organisme qui a commencé le travail de mobilisation et de soutien de l'organisation des usagers de l'eau, afin qu'ils puissent participer à la gestion de cette ressource (Soares Rocha et al., 2011). Enfin, il convient de noter que la loi fédérale sur les ressources en eau a créé les agences d'eau, une entité qui n'était pas prévue dans la législation sur les ressources en eau du Ceará, de sorte que la COGERH a occupé ce vide et assumé les fonctions que la législation nationale prévoit pour ces agences (Soares Rocha et al., 2011).

- Les Comités de Bassin Hydrographique sont définis par la loi de l'État n° 14.844 comme "entités régionales de gestion des ressources en eau avec des fonctions consultatives et délibératives, agissant dans les bassins, sous-bassins ou régions hydrographiques", liés au Conseil d'État des Ressources en Eau - CONERH. Ils sont considérés comme l'instance la plus importante de participation et d'intégration de la planification et des actions dans le domaine des ressources hydriques (SRH, n.d.b). C'est dans le cadre des comités de bassin que sont définies, de manière participative et démocratique, la quantité et la période pendant laquelle l'eau sera mise à disposition pour ses différents usages, à travers le processus d'allocation négociée de l'eau (Cortez et al., 2017). Afin de mettre en pratique le processus de gestion participative des bassins versants (Soares Rocha et al., 2011), sa composition présente la distribution et le pourcentage de participation suivants : usagers (30%) ; société civile (30%) ; pouvoir public municipal (20%) ; pouvoir public Étatique/fédéral (20%) (SRH, n.d.b). Tous les membres ont le droit de vote et peuvent se présenter aux postes du conseil

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d'administration (président, vice-président et secrétaire général, avec des mandats de deux ans) (SRH, n.d.b).

Le processus de constitution des Comités de Bassins Hydrographiques (CBH) a été mené depuis 1993 par la COGERH, à travers une équipe d'organisation d'usagers, comprenant la formation de conseils de gestion des systèmes hydriques, et la constitution de règles d'utilisation et de préservation d'une source déterminée (Gouvernement de l'Etat de Ceará, 2006). Ainsi, l'organisation de comités dans l'État, bien que prévue dans la loi d'État sur les ressources hydriques de 1992, n'a effectivement commencé qu'en 1994, avec l'entrée du personnel technique de la COGERH (Governo do Estado, 2006). Au Ceará, les ressources collectées ne sont pas gérées par les comités et ceux-ci ne participent pas à la planification de leur utilisation, ce qui diffère de ce que prévoit la loi fédérale 9433/97 (Mendonça Morais et al., 2018).

- Les Directions des Bassins ont l'objectif de réaliser les actions de gestion et d'appui à l'organisation des usagers d'eau dans les bassins de manière décentralisée, tel que préconisé par la COGERH. Ainsi, à partir de 1997, a été mise en place la première Direction de Bassin, celle des bassins du Baixo et Médio Jaguaribe. Aujourd'hui existent 8 Directions de Bassins dans l'État, lesquelles réalisent d'actions importantes pour le maintien et le suivi des systèmes hydriques gérés par la COGERH (Ceará, 2018).

- Les commissions de gestion des systèmes hydriques sont des organismes de bassin liés aux comités de bassin hydrographique. Elles sont composées d'usagers de l'eau, de représentants de la société civile organisée et de représentants des pouvoirs publics, avec une plénière et un secrétariat dans sa structure, et agissent uniquement dans le cadre du système d'eau qui fonctionne de manière isolée (COGERH, 2015).

- La SEMACE - Direction de l'État pour l'environnement, ne fait pas partie du SIGERH directement, mais reste pertinente dans les discussions pour la gestion des ressources en eau (Soares Rocha et al., 2011). Liée à la SEMA (Secrétariat de l'environnement) (SEMACE, n.d.), c'est l'organisme chargé de garantir la qualité et la protection des ressources en eau (Soares Rocha et al, 2011).

- Finalement, le COMIRH est le Comité d'État des ressources hydriques, un organisme collégié consultatif, composé de techniciens des institutions Étatiques de

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ressources hydriques, et ayant pour objectif d'analyser les questions liées au thème d'un point de vue technique (Soares Rocha et al, 2011).

Enfin, la loi de l'État n° 14.844, du 28 décembre 2010, a établi les instruments de gestion suivants : octroi du droit d'utilisation des ressources hydriques et exécution de travaux et/ou de services hydriques ; redevance de l'utilisation des ressources hydriques ; plans de ressources hydriques ; Fonds de l'État pour les Ressources Hydriques ; classification des masses d'eau en classes d'utilisation prépondérantes ; surveillance des ressources hydriques. Il convient toutefois de noter que cette dernière n'est pas présente dans la politique nationale sur les ressources hydriques (Ramos Vianna et al., 2006). Parmi ceux-ci, méritent quelques observations succinctes les instruments d'octroi et de redevance.

L'octroi est conditionné aux priorités d'utilisation établies dans les plans de ressources en eau et doit respecter la classification de la masse d'eau, étant accordé par le SRH, en accord avec l'avis de la COGERH (Ramos Vianna et al., 2006). Les permis d'utilisation de l'eau ne seront pas accordés dans les cas suivants : i) rejet de déchets solides, de déchets radioactifs, de métaux lourds et d'autres déchets toxiques dangereux dans l'eau ; et ii) rejet de polluants dans les eaux souterraines (Aragão Martins de Araújo, 2012). Il convient de noter que, lors d'un entretien avec un agent du SRH le 19 mai 2021, il a été rapporté que quelque 2 000 à 3 000 demandes d'octroi sont reçues par an, dont "la grande majorité" est acceptée, étant, "dans les rites sommaires, presque une simple formalité".

Au Ceará, la redevance de l'utilisation de l'eau, cruciale pour le fonctionnement autonome des comités de bassin, a été instituée par la loi 11.996/92 et réglementée par le décret 24.264/96, la COGERH étant l'agence responsable de sa mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne l'établissement des prix. Ramos Vianna et al. (2006) ont soutenu que le critère de définition de la valeur est assez subjectif, ou des fois presque symbolique, et qu'il ne touche pas encore tous les segments d'utilisateurs - notamment les agriculteurs.

Enfin, au-delà des instruments prévus par la loi, dans la pratique il existe un septième, qui n'est pas formellement institutionnalisé, mais qui reste central pour la définition de la façon dont les ressources sont distribuées: il s'agit de l'allocation négociée

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de l'eau, un mécanisme très spécifique de la réalité cearense. Lors de la mobilisation des usagers par la COGERH, tel que décrit ci-dessus, la situation critique des barrages d'Orós et de Banabuiú demandait un plan d'urgence pour la répartition de l'eau (Álvares da Silva et al., n.d.). C'était à cette occasion qu'a été mise en place un processus participatif de délibération, aujourd'hui connu sous le nom d'allocation négociée de l'eau. Celui-ci peut être compris comme l'ensemble des processus et instruments de délibération autour du partage des ressources en eau, envisageant les meilleures scénarios en termes de développement économique, de protection de l'environnement et d'utilisation rationnelle de la ressource. Les conseils d'usagers et les comités de bassin hydrographique, sous la supervision des organes de gestion, discutent, négocient et définissent les volumes d'eau qu'il est prévu de consommer tout au long de l'année et les risques qu'ils sont prêts à prendre (Lopes et Freitas, 2007 apud Spolidorio, 2017).

L'allocation négociée de l'eau est promue annuellement, toujours après la saison des pluies au Ceará, car ce n'est qu'après cette période qu'il est possible de définir la disponibilité en eau de chaque barrage, en fonction de la recharge en eau reçue (Álvares da Silva et al., n.d.). Des séminaires sont organisés au cours desquels la situation actuelle (offre relevée par la COGERH) et les projections sont présentées, la demande est évaluée, le débit à libérer est défini, et un comité d'usagers de l'eau est formé pour suivre l'opération. Cependant, Aragão Martins de Araújo (2012), souligne que les informations climatiques ne sont pas prises en compte comme une limitation dans les projections de scénarios, base des discussions pour le processus d'allocation négociée de l'eau.

Les délibérations ont lieu dans le cadre de réunions impliquant les différentes parties prenantes (usagers, membres des comités de bassin, chambres techniques, société civile, etc.), où sont prises les décisions concernant l'allocation de l'eau dans l'État. Ces délibérations sont consignées dans des procès-verbaux signés par les participants, constituant un document de référence officiel pour l'exploitation des barrages (Álvares da Silva et al., n.d.). Enfin, ces décisions sont suivies par la COGERH et par les membres des comités de bassin, de sorte qu'en cas de débit insuffisant pour répondre à la demande, ces entités communiquent et établissent un accord avec un nouveau débit d'approvisionnement.

La COGERH procède également à une évaluation préliminaire de la procédure afin de vérifier si ce qui est fait permet de résoudre efficacement le problème identifié, et

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d'apporter les ajustements nécessaires (Aragão Martins de Araújo, 2012). Les informations obtenues révèlent que dans les 10 bassins versants qui utilisent les comités de bassin pour la prise de décision sur l'allocation, il existe des procédures standard qui sont suivies ainsi que des procédures uniques, inhérentes à chaque bassin (Aragão Martins de Araújo, 2012).

Dans l'État du Ceará, ce processus d'allocation négociée est réalisé à la fois pour les barrages isolés (généralement des barrages de taille moyenne qui imprègnent une vallée spécifique de manière isolée, avec une portée localisée) et pour les systèmes stratégiques (grandes vallées imprégnées par un groupe de barrages).

3.2. Analyse du degré de participation dans la gouvernance de l'eau dans le Ceará: un diagnostic

À partir de cette exposition des lignes majeures du système de gestion de l'eau dans le Ceará, on reprend la grille d'attributs formulée au sous-chapitre 1.2., afin d'appréhender les formes de participation dans la gouvernance de l'eau dans l'État du Ceará.

Attribut 1: Participative

La Loi des Ressources Hydriques de l'État (11.996/1992) a institué les collèges de coordination et de participation au sein du SIGERH, à savoir le COMIRH, le CONERH et les Comités de Bassin Hydrographiques, lesquels comprennent la participation des organismes de l'État (SRH, notamment), des municipes et du gouvernement fédéral, ainsi que des utilisateurs, publiques et privés, des universités et institutions de recherche et de la société civile de manière générale (Loi 11.996, 1992).

Le COMIRH est présidé par un agent du SRH, ayant comme participants des représentants de fondations de planification, de technologie et de recherche de l'État du Ceará, ainsi que de la Compagnie Énergétique, des Entreprises de Recherche, d'Extension Rurale et de Développement Agricole, de la Compagnie d'eau et assainissement (CAGECE), des Directions d'Environnement et de développement urbain de l'État, de la

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FUNCEME et de la SOHIDRA. Dans la plupart, ce sont ainsi des organismes de l'État ou des entreprises de capital mixtes avec une forte participation de l'État.

Le CONERH, dont le Secrétariat Exécutif est dirigé par le Directeur du Département de Gestion du SRH, rassemble encore d'autres secrétariats de l'État (d'Infrastructure, de S&T, de Planification, de l'Éducation, du Développement Agricole, de l'Agrobusiness et de l'industrie, et de l'environnement), un seul représentant pour tous les (douze) Comités de Bassin Hydrographique, le DNOCS, le syndicat des travailleurs du secteur de l'eau, une organisation civile de ressources hydriques, deux représentants d'institutions d'éducation supérieure et recherche, quatre représentants des usagers (dont les secteurs de l'agrobusiness et de l'industrie) (SRH, n.d.)

En ce qui concerne la seule représentation pour les douze Comités de Bassins, un membre du Comité de Bassin de l'Acaraú, interviewé le 02 juin 2021, rappelle que cette représentation n'a été approuvée que très récemment. Elle interprète ainsi le CONERH comme une instance marquée par un contrôle très fort de la part de l'État, et pose des questionnements sur la véritable place des Comités de Bassins - considérés officiellement la base du système de gestion de l'eau - dans la gouvernance effective de cette ressource. Ce questionnement est central lorsqu'on discute la nature de la participation dans la gouvernance de l'eau dans le Ceará, vu que c'est dans le cadre des Comités de Bassins que sont définies la quantité et la période pendant laquelle l'eau sera mise à disposition pour ses différents usages, à travers du processus d'allocation négociée de l'eau (Cortez et al., 2017). Dans ces structures, les usagers et la société civile ont plus de représentants que le pouvoir public (60% contre 40%, respectivement) (Cortez et al., 2017). Ces comités sont ainsi considérés comme l'instance de délibération participative et démocratique par excellence du système. Un autre agent interviewé, rattaché au SRH, associe directement l'approfondissement de l'idée d'une gestion plus démocratique et participative au processus de constitution des CBHs.

Encore à ce propos, le processus d'allocation négociée de l'eau mérite un regard attentif de par son caractère très spécifique au modèle cearense, et l'importance que ce mécanisme a gagné, même s'il n'est pas officiellement prévu. La littérature montre une évolution positive de l'allocation négociée de l'eau, illustrée par la réduction du flux de libération d'eau d'un des barrages entre 1994 et 2000, même si les zones irriguées et les zones urbaines ont augmenté leur consommation dans la période (Álvares da Silva et al.,

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n.d.). Depuis, le nombre de réservoirs gérés par le modèle participatif a augmenté progressivement au début des années 2000 : en 2002, le total était d'environ 64 réservoirs, contre 96 en 2005, permettant la pérennisation de 2.247 km (Álvares da Silva et al., n.d.). On peut envisager ici une indication de partage d'objectifs et de construction d'une approche plus coopérative entre les différents acteurs.

En ce qui concerne les réunions au sein des Comités de bassins, les agents de la COGERH interviewés le 10 juin 2021 ont rapporté que ces rencontres sont ouvertes au public en général, lequel ne peut pas délibérer directement, mais peut assister aux discussions. À propos de la sensibilisation du public par rapport à l'importance de ces processus, les interviewés ont affirmé que les réunions sont largement diffusées au public - par voie d'émissions à la radio, par exemple. Cependant, le membre interviewée du Comité de Bassin de l'Acaraú a affirmé qu'il n'y a pas un fort degré de sensibilisation du public par rapport à l'intérêt de ces réunions. Cette divergence indique, au moins, que les éventuels instruments de sensibilisation du public sont insuffisants.

D'autre part, c'est remarquable le fait que, à l'absence des Agences d'Eau, ce soit la COGERH l'organisme responsable de fixer et de recevoir les valeurs relatives à la redevance pour l'usage de l'eau dans tous les bassins hydrographiques. Comme on a vu, les Comités de bassins ne participent pas à la planification de l'utilisation des ressources financières provenantes de la redevance, ce qui crée une situation de dépendance des comités vis-à-vis de la COGERH, pour rappel, un organisme d'Administration Publique indirecte, majoritairement contrôlé par l'État. On considère ici que cette situation peut limiter la capacité de délibération et de prise de décision autonome de la part des Comités, par rapport au contrôle de l'État. Par ailleurs, c'était justement la COGERH la responsable de la formation des comités et de la mobilisation et organisation des usagers de l'eau, composant le processus d'allocation négociée de l'eau.

Finalement, en ce qui concerne l'accès de l'agriculture familiale et des familles des zones rurales du Ceará Semi-aride à l'eau, le membre du MST (Mouvement des Sans-Terres) interviewé affirme que leurs demandes ont de l'espace plutôt au sein du Secrétariat du Développement Agricole - SDA, organisme de l'État membre du CONERH. En ce qui concerne leur capacité de participer aux décisions, il a affirmé qu'ils arrivent à participer davantage dans des échelles municipales et communautaires, l'accès aux sphères plus «macro» (comme au niveau de l'État) restant encore très limité. Ainsi,

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on peut penser que leur représentation au sein du CONERH, instance principale de délibération collective pour la gestion de l'eau, se fait de manière prioritairement tutellée, notamment par le SDA. Le membre de la FETRAECE, à son tour, a affirmé qu'il y a une présence forte des syndicats des travailleurs ruraux dans plusieurs instances, mais qu'ils ne sont pas toujours entendus. Pour rappel, les familles et petits agriculteurs de la zone rurale du Ceará représentent une population considérable de sa zone semi-aride, comme montré dans le sous-chapitre 2.1. Par ailleurs, une préoccupation commune par rapport à l'accès des familles rurales à l'eau provenante des grands projets hydrauliques plus récents peut dénoter une manque de participation de ces groupes dans les processus de décision entourant ces structures. Ce manque de confiance peut aussi être relié à l'attribut suivant, celui de la transparence des processus.

Attribut 2: Transparente

Au-delà de la loi et des instruments de planification tels que le PNRH, lesquels définissent les paramètres de la gestion de l'eau, les règles d'utilisation et de préservation des sources d'eau sont formulées dans un contexte de mobilisation des usagers, ce qui tend à indiquer des procédures avec un degré de transparence pour les parties prenantes. Par ailleurs, les décisions prises lors de l'allocation négociée de l'eau sont consignées dans un document de référence officiel, ce qui constitue un registre formel des décisions et des orientations des participants.

Cependant, quelques thèmes spécifiques de la gestion de l'eau sont passibles d'être moins diffusés au public en général. Un possible exemple c'est le processus de décision concernant la distribution de l'eau des grandes transpositions, comme cité ci-dessus. D'autres possibles points de faiblesses par rapport au degré de transparence des processus et mécanismes de la gouvernance ont été indiqués lors de l'entretien avec le membre du Comité de Bassin de l'Acaraú. Le premier est le fait que les comités de bassins n'ont pas un accès direct à l'information concernant le nombre de permis d'usage octroyés dans leurs respectifs bassins, un élément important dans la compréhension des possibles évolutions en termes de disponibilité de l'eau. Cette information est centralisée par la COGERH, et les comités doivent la solliciter. Selon la personne interviewée, cette procédure a déjà fait l'objet de questionnement de la part des comités de bassins au niveau du CONERH, mais la situation n'a jamais changé.

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Le deuxième est le fait que les usagers ne sont pas suffisamment sensibilisés par rapport au rôle de la redevance, de manière que quelques secteurs (notamment l'agriculture) sont encore très résistants à l'accepter et à soutenir effectivement cet aspect du modèle cearense de gestion. Cela peut affaiblir le potentiel d'amélioration de la gouvernance à partir de la participation, décrit par Makkaoui et Dubois (2010) au sous-chapitre 1.1., selon lesquels la participation améliore la qualité de la base informationnelle, favorise l'appropriation et l'acceptation des décisions, valorise le compromis et les engagements volontaires, limitant les risques de comportements opportunistes et promouvant la coopération (Makkaoui et Dubois, 2010).

Attribut 3: Multi-niveaux

Comme identifié à partir de la recherche documentaire - et aussi des entretiens -, les décisions prises lors de l'allocation négociée de l'eau sont suivies par la COGERH, de manière que si des changements de conjoncture ou un débit insuffisant sont identifiés, le processus est repris pour l'établissement d'un nouvel accord qui puisse être effectif. D'autre part, la COGERH réalise une évaluation préliminaire de la décision des CBHs, afin de vérifier si ce qui a été retenu est en phase avec une possible résolution efficace du problème identifié. Cela peut être interprété comme un mécanisme favorisant que la décision soit effective, mais aussi comme un mécanisme de contrôle et de forte présence de la part de l'État, représenté par l'action de la COGERH, c'est-à-dire, une forte présence d'une approche «top-down», tel que décrit par l'OCDE (2015).

Dans ce même sens, selon ce qui a été rapporté par le membre du Comité de l'Acaraú interviewé, les résolutions des CBH sont soumises au CONERH pour validation, ce qui dénote aussi une prépondérance de la sphère de l'État sur le niveau des bassins pour la prise de décision. Cela surtout dans la mesure où le CONERH s'est déjà positionné contrairement à des décisions des CBHs, comme décrit à l'occasion de l'entretien: lorsque des comités ont présenté des décisions d'allocation de l'eau qui mettaient en tension l'approvisionnement de la région métropolitaine de la capitale de l'État, Fortaleza, le CONERH a déterminé une décision en contraire, favorisant cette dernière. À partir de ce même entretien, a été appris que, à d'autres occasions, les CBH qui ont été sollicités à renforcer l'approvisionnement de la région métropolitaine de Fortaleza ont conditionné cette libération à des actions de sensibilisation de la population

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de la capitale sur un usage rationnel de l'eau, et sur sa provenance des bassins de la zone semi-aride. Cependant, rien n'a été fait dans ce sens.

Cela démontre que la décision, même si prise dans un processus considéré démocratique et participatif au niveau des bassins (l'allocation négociée de l'eau), peut impacter négativement les intérêts d'autres parties prenantes dans l'État. Une prise de décision multi-niveaux peut servir à coordonner ces intérêts, mais elle peut aussi s'avérer autoritaire à un certain niveau. Dans les cas décrit, on peut encore identifier une potentielle prépondérance de l'approche top-down.

À propos des conflits d'intérêt entre la région métropolitaine de Fortaleza par rapport à d'autres bassins, il reste intéressant de noter l'importance croissante du Port du Pecém pour l'écoulement de la production du secteur de l'agrobusiness et de l'élevage. Ce port se localise justement à la région métropolitaine mentionnée, et représente un élément important de la demande d'eau dans cette zone. Les interviewés du MST ont affirmé une opposition frontale à ce que l'eau des nouvelles structures hydriques de l'État soit destinée au Port du Pecém, au détriment des petits agriculteurs et des familles plus vulnérables de la zone rurale. Cependant, la valeur de la redevance provenant du Port de Pecém est incontournable pour le système des Comités de Bassins entretenu par la COGERH, selon rapporté par l'agent de cette compagnie interviewé. Ainsi, on peut penser que le système de redevance actuel a tendance à renforcer le rôle de la COGERH sur les Comités de Bassins, ce qu'on interprète ici comme un élément qui rétro-alimente le manque d'autonomie de ces derniers et, possiblement, la prépondérance des intérêts d'un territoire spécifique - le Port du Pecém/Région Métropolitaine de Fortaleza - sur les besoins de la zone Semi-aride.

Selon Sousa Monte (2008), cette dynamique illustrée par la centralité du Port du Pecém renvoie à la création d'une structure institutionnelle orientée vers la matérialisation de la modernisation hydrique, celle-ci fondée dans une certaine mesure sur l'engagement de l'État du Ceará avec la Banque Mondiale. Cela impose des configurations et de caractères spécifiques et dessine une nouvelle configuration territoriale dans l'État du Ceará, transformant son espace géographique dans l'espace de la rationalité technique au service d'intérêts privés. Son interprétation est que la sécheresse est encore instrumentalisée, non plus par l'industrie de la sécheresse, mais comme justification pour l'accumulation d'eau pour bénéficier l'industrie, (y inclues

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agro-industries) en tant que réponse pour le développement (Sousa Monte, 2008). Elle affirme que le processus de modernisation a ainsi été créé de façon incomplète ou accaparé par des intérêts spécifiques (Sousa Monte, 2008). Cette observation apporte des éléments intéressants pour analyser plus en détail d'éventuelles tendances dans les décisions prises par le CONERH - représentation d'un niveau plus «macro», en contraposition aux niveaux plus locaux de décision.

Attribut 4: Intégrée

Le CONERH est justement l'instance de délibération collective et ainsi de coordination et articulation entre les différents espaces de communication et de négociation pour la gestion de l'eau. Par ailleurs, le processus d'allocation négociée de l'eau, très caractéristique de l'État du Ceará, représente un important mécanisme rassemblant les différentes parties prenantes, y incluant les usagers, les membres des comités de bassin, les chambres techniques et la société civile de manière générale.

Il est intéressant de noter que leurs délibérations sont basées sur les études techniques fournies par la COGERH. Cet organisme peut d'ailleurs être considéré comme un élément intégrateur du système, vu qu'il (I) entretien le système des comités des bassins, distribuant les ressources financières provenantes de la redevance et organisant leurs réunions, y inclues celles du forum des présidents des bassins; (II) fournit des informations techniques de base pour la prise de décision et réalise un diagnostic des bassins; (III) mobilise les ressources et connaissances nécessaires pour la construction des plans des bassins; (IV) appuie la constitution des chambres techniques rassemblant des représentants d'un secteur spécifique, afin de coordonner leur action face au CONERH - comme c'est l'exemple de la chambre technique pour le secteur agricole (cité lors de l'entretien avec représentant de la SEDET, exposé dans l'Annexe 2). Ainsi, elle fournit un travail de base afin de viabiliser le fonctionnement et l'articulation des pièces du système. Il s'agit, évidemment, d'un agent d'articulation très représentatif de l'État, car partie de l'administration publique indirecte.

Enfin, au-delà d'une intégration des niveaux verticaux de la gouvernance, on peut penser à une intégration horizontale, entre différents secteurs qui font l'usage de l'eau par exemple. À ce propos, on note, d'après les entretiens avec membres de la SEDET, de la SDA et de la FETRAECE, une tendance de sectorisation, déjà entre les segments de

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l'agrobusiness et de l'agriculture familiale, sachant que le secteur de l'agriculture est un de ceux qui exercent le plus de pression sur le SIGERH. À ce propos, on peut reprendre l'observation de l'ALEC (2008), de la culture politique et institutionnelle fragmentée et sectorielle au Brésil de manière générale, d'où l'importance d'un système qui promeut un dialogue effectif entre les différentes parties.

Avec ces éléments, on procède à quelques conclusions générales. Tout d'abord, on remarque qu'en 2006 le propre gouvernement de l'État du Ceará (2006) avait évalué que la gestion participative dans l'État n'avait pas encore été consolidée et appropriée par la société. Les défis identifiés vont de la faible participation de certains segments au discrédit d'autres impliqués dans ce modèle de gestion, ce qui apporte des limites au fonctionnement du SIGERH. Dans cette optique, le gouvernement de l'État a cherché à donner la priorité au renforcement des comités dans l'exercice correct de leurs fonctions, en tant que stratégie pour le système dans son ensemble. À cette fin, un processus de planification stratégique des comités de bassins hydrographiques a été réalisé (Governo do Estado do Ceará, 2006).

Cependant, à partir de la présente analyse, basée sur une recherche documentaire et sur des entretiens avec des diverses parties prenantes dans la gestion de l'eau dans l'État, on vérifie que des telles limitations persistent à des certains degrés, et que le processus de renforcement des comités de bassins n'est pas abouti, présentant toujours de limitations considérables liées à un manque d'autonomie par rapport à la COGERH, mais aussi, quelques fois, à un manque d'effectivité de leurs décisions face aux délibérations du CONERH.

Ainsi, il reste clair que des organismes de délibération et de représentation ont été créés et renforcés au fil des années, rassemblant aussi les usagers et des différents groupes de la société civile. On interprète ce processus dans une orientation vers le changement de la logique des rapports sociétaux décrits au Chapitre 2 et vers le développement des mécanismes pour Vivre avec le Semi-aride, associé aux transformations dans les rapports politiques et à la plus grande perméabilité du système par les groupes de la société civile dans le contexte de la redémocratisation du pays (tel que décrit dans le sous-chapitre 2.2.). Au cours de la décennie passée, l'État proposait, par exemple, une politique pour vivre

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avec le Semiaride, produit de deux années de recherche et de discussions interinstitutionnelles, afin de combattre les inégalités entre la zone semi-aride et le reste de l'État (Gurjão, 2019). Cependant, on a observé avec cette analyse que le processus n'est pas encore abouti.

À ce propos, il reste à améliorer en termes d'espaces d'expression directe pour les représentants des segments les plus vulnérables de la société, tels que les mouvements sociaux, dont les demandes semblent être encore absorbées et tutellées par un secrétariat spécifique au sein du CONERH (le SDA). Aussi, la priorité donnée à l'approvisionnement de la région métropolitaine de Fortaleza, justifiée par l'usage prioritaire (usage humaine), peut aussi être en partie lié au Port du Pecém, stratégique pour l'économie de l'État. Cela reste un point d'attention, à vérifier si des telles orientations ont le potentiel de dégrader l'accessibilité des familles de la zone rurale semi-aride à l'eau. Enfin, il est crucial que les Comités de Bassins Hydrographiques continuent à être renforcés, de manière à combler leurs limitations en termes d'autonomie, de participation à l'application des ressources provenantes de la redevance et d'effectivité de leurs décisions. On considère ces éléments pertinents pour l'amélioration du processus participatif et, possiblement, pour la poursuite du processus de démocratisation de l'accès à l'eau, fortement entamé dans l'État depuis quelques décennies.

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CONCLUSION

Comme on l'a vu dans le sous-chapitre 3.1., la gestion de l'eau dans l'État du Ceará se propose décentralisée, participative et intégrée, tel qu'énoncé par la Constitution de l'État. Une telle orientation est présente dans les instruments de la politique hydrique, et dans des institutions qui ont été construites à partir des années 1980's. Le système hydrique en étude dans ce travail est compris dans son ensemble, comme partie d'une réalité complexe, déterminée par les formes d'occupation territoriale, par l'appropriation des ressources naturelles, par les relations sociales et économiques historiquement établies, par les types d'utilisation de l'eau, par les formes organisationnelles et institutionnelles, entre autres. Ainsi, la conception de gouvernance adoptée dans cette étude a endogénéisé les dynamiques historiques, de pouvoir, de participation et des échelles territoriales dans la construction de ses mécanismes, comme préconisé par les bases théoriques décrites au Chapitre 1.

À partir d'une recherche documentaire et des entretiens avec des parties prenantes de la gouvernance de l'eau dans le Ceará, les résultats de ce travail indiquent des limitations en termes d'une gouvernance participative et démocratique, en partie liées à une nécessité de renforcement du rôle et de l'autonomie des comités de bassins hydrographiques, mais aussi à la capacité des groupes les plus vulnérables de se faire entendre aux niveaux plus «macro» de prise de décision, le CONERH, dont l'action reste encore très marquée par un contrôle fort de la part de l'État, et qui a la prérogative de valider - ou pas - les décisions des CBHs. Aussi, des épisodes de conflits par l'eau, illustrés dans le Chapitre 3, dénotent encore une force des intérêts particuliers liés à un paradigme modernisateur (et conservateur) de développement. Par ailleurs, l'équilibre entre l'observance des décisions des différents CBH avec la coordination des besoins des différents territoires exige la construction d'approches et de démarches partagées. Ainsi, si on regarde l'hypothèse de base pour ce travail, laquelle attribuait les limitations de la gouvernance à la sectorisation des discussions, à un contrôle encore assez fort de la part de l'État et à une prépondérance des intérêts des acteurs plus puissants économiquement, on peut dire que ces élément sont encore présents - à différents dégrés - et en jeu dans l'État, même si moins qu'au passé.

61

Beaucoup d'avancements ont été identifiés à compter des années 1980's. On interprète ce processus dans une orientation vers le changement de la logique des rapports sociétaux de domination, notamment dans la zone rurale Semi-aride de l'État. D'autre part, la réponse technique reste très présente et nécessaire pour la réponse aux contraintes d'ordre climatique imposées à cette zone, quelques fois mettant en avant des intérêts industriels, y inclus d'ordre privé. On observe donc la coexistence des deux paradigmes de l'action publique décrits dans le Chapitre 2: la lutte contre la sécheresse et le vivre avec le Semi-aride, façonnant ainsi les acquis et les limitations de la gouvernance actuelle de l'eau dans cet État.

Enfin, compte tenu du contexte social et historique qui marque la réalité du Ceará et du Semi-Aride, ce travail a focalisé les mécanismes de participation dans la gouvernance de l'eau. Cependant, au-delà d'une analyse générale de la participation, une étude critique de quelques composantes spécifiques de la gestion, tels que le système actuel de redevance et d'octroi de permis d'usage, se font pertinents pour comprendre la base de la gouvernance actuelle et appréhender jusqu'à quel point celle-ci est capable de favoriser un développement plus durable et inclusif dans le Ceará.

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69

ANNEXES

Annexe 1 - Schéma méthodologique pour le rapport du Produit 3 - Projet Sertões

débat et partage de ce qui a été accompli

Construction du rapport

2. Espaces pour des discussions collectives entre les partenaires engagés dans le Produit 3 (une trentaine, associant chercheurs et représentants institutionnels)

Concepts

Interactions avec la structure sociétale et les divers intérêts

Paradigmes

Priorité pour les 50 dernières
années (création de nombreuses
institutions au début des années
1970)

programmes publics, rapports

officiels, production académique, documents des donateurs internationaux et

sources médiatiques

Usages sociologiques comprehensifs : perceptions et représentations des différents acteurs

Fins informatives et narratives : reconstitution des trajectoires

3. Entretiens semi-directives

Sur les actions publiques passées, mais surtout sur les actions plus récentes et peu documentées

Entretiens semi-structurés avec des représentants des principales institutions impliquées dans la gestion des ressources en eau et les politiques agricoles (au moins

quinze).

1. Revue bibliographique
(principal élément
méthodologique)

 
 

des représentants de toutes les
institutions impliquées dans les
ressources en eau et
l'agriculture au niveau de l'État
et, éventuellement, des
municipalités

 
 
 

Atelier(s) pour discuter de la première version du rapport

 
 
 

représentants des mouvements
sociaux

 
 
 
 
 
 
 
 

Mouvement des
Sans-Terres (MST)

Nom de

l'organisation de l'acteur interviewé

- Leurs demandes en termes d'accès à l'eau ont de l'espace plutôt au sein du SDA, lequel est, à son tour, membre du CONERH.

- Ont amélioré leur accès à des politiques publiques notamment à partir des années 1980/1990's, suite à des actions revendicatives, mais considèrent qu'un mieux dialogue avec l'État ne vient qu'en 1991, avec le gouvernement Ciro Gomes, quand le SDA s'est ouvert aux mouvements sociaux et à leur participation dans la formulation des politiques de développement rural. Ils reconnaissent que les partis de gauche ont aussi joué un rôle important dans cette ouverture

- En ce qui concerne la gestion de l'eau, le MST arrive à participer des discussions dans quelques Comités de Bassins, ou aux niveaux municipal et communautaire, rapportant des difficultés pour accéder à d'autres espaces ou échelles de délibération.

- Leur représentation auprès des organismes qui composent directement le SIGERH ne se fait que dans quelques Comités

de Bassins.

- Affirment participer de quelques chambres techniques

Participation

OBSERVATIONS PAR THÈME

- dénoncent des dépenses excessives et des forts impacts environnementaux ou sociaux (le déplacement forcé de communautés locales) autour des grands projets pour augmenter l'offre d'eau (les transpositions par exemple); et expriment une doute par rapport à la destination de l'eau provenant de ces travaux hydrauliques (elle sera distribué aux populations locales ou pas?). Selon eux, toutes ces dimensions ne sont pas assez claires

Transparence des mécanismes

Coordination des
espaces et niveaux de
délibération

70

Annexe 2 - Synthèse des observations faites à partir des entretiens

Comité de Bassin
de l'Acaraú

71

- Manque de participation des comités dans les délibérations autour des mécanismes d'octroi des droits d'usage. Par ailleurs, la détermination de la valeur de la redevance est discutée par la COGERH avec les organismes de gestion et coordination (à savoir SRH et CONERH), mais les Comités sont encore une fois exclus de ces délibérations. L'interviewé indique cela comme une fragilité du système de gestion.

- Les CBH ont gagné une représentation auprès du CONERH seulement très récemment, et, il faut le remarquer, il s'agit d'une seule représentation pour tous les comités, qui sont assez divers en termes de problématiques et besoins.

- Les CBH ont, aujourd'hui, un taux fixe de participation pour les communautés traditionnelles de l'État. Ces acteurs exercent beaucoup de pression sur l'État autour des questions environnementales. Cette participation est plus ou moins forte selon le comité.

- Considère que les capacitations pour les CBH, préconisées par le système de gestion, sont très techniques, et amène donc à une dépolitisation

- Dans les territoires ruraux, les communautés qui ne sont pas organisées en associations demeurent sans représentation face au système de gestion de l'eau.

- Le DNOCS est encore un membre originaire de tous les CBHs

- Affirme qu'il n'y a pas un fort degré de sensibilisation du public par rapport à l'intérêt et l'importance des réunions d'allocation négociée de l'eau, de manière que le public en général n'y participe pas systématiquement. L'organisme responsable pour cette sensibilisation est la COGERH, les CBH y participent très peu. Ainsi, ce qui est discuté dans les CBH's «reste dans le CBH seulement».

- Considère que les usagers ne sont pas suffisamment sensibilisés par rapport au rôle de la redevance, de manière que quelques secteurs (notamment l'agriculture) sont encore très résistants à l'accepter et à soutenir effectivement cet aspect du modèle cearense de gestion

- Les comités de bassins n'ont pas un accès direct à l'information concernant le nombre de permis d'usage octroyés dans leurs respectifs bassins. Cette information est centralisée par la COGERH, et les comités doivent la solliciter. Cette procédure a déjà fait l'objet de questionnements de la part des comités de bassins au niveau du CONERH, mais la situation n'a jamais

changé.

- A été rapporté un niveau de connaissance très faible des CBHs par rapport aux aires irriguées. Par contre, le groupe des irrigants est parmi ceux qui font plus de pression sur le système de gestion de l'eau.

- Les décisions des CBHs sont officialisées sous forme d'une résolution, lesquelles sont soumises à la validation du CONERH: seulement après la décision pourra être effectivement adoptée. Sachant que le CONERH est présidé par le SRH, il reste clair que le contrôle de l'État sur le système de gestion de l'eau est assez fort. Par ailleurs, le CONERH a déjà fait preuve d'un contrôle assez autoritaire vis-à-vis des CBHs: lorsque ceux-ci ont présenté des décisions d'allocation de l'eau qui mettaient en tension l'approvisionnement de la région métropolitaine de la capitale de l'État, Fortaleza, le CONERH a déterminé une décision en contraire, favorisant cette dernière.

- Les CBHs sont très divers et particuliers en termes de problématiques et de dynamiques politico-sociales. Aussi en termes économiques, car il y en a quelques-uns qui sont excédentaires (notamment celui de la Région Métropolitaine de Fortaleza), alors que tous les autres sont déficitaires. C'est ce

déséquilibre qui amène la COGERH à centraliser cette partie de la gestion et distribuer les ressources: s'il existait une séparation, il est bien possible que quelques comités ne seraient pas en mesure de tenir leur fonctionnement par manque de ressources financières. Cependant, à cause de ce système, elle affirme que les CBHs se considèrent sans autonomie.

- Encore comme espace de délibération il y a le forum des présidents des comités, représentant un espace plus «résistant» par rapport au contrôle de l'État, et où les participants s'articulent pour faire plus de pression sur le CONERH. Cependant, cette instance aussi est organisée par la COGERH (y inclus en termes de ressources financières). Même si le CONERH invalide des fois les décisions des CBHs,

72

il est mis sous forte pression par ces derniers. Le même est vrai pour les commissions de gestion des systèmes hydriques, dont les dynamiques de réunions sont encore très dépendantes de la COGERH. Son observation est que la structure du système rend les instances participatives très dépendantes de l'État.

- A été rapporté un manque d'intégration entre les politiques des divers secteurs ayant attrait à la question de l'eau: comme exemple, le Secrétariat Exécutif de l'Agrobusiness a formulé un projet d'irrigation sans que les CBH's des bassins impliquaient participent des discussions.

- A été observée une difficulté d'intégrer les informations climatiques produites par la FUNCEME dans les délibération des CBHs. Seulement les informations produites par la COGERH sont véritablement prises en compte.

- Le diagnostic des bassins au niveau des CBHs afin de créer les Plans de Bassin sont aujourd'hui guidé conjointement par l'Université Fédérale du Ceará mais notamment par la COGERH

73

Sécrétariat
Exécutif de
l'Agribusiness/
Sécrétariat du
Dévéloppement et
du Travail
(SEDET)

 

Pas d'observations spécifiques

Pas d'observations spécifiques

- Avec la création récente du Secrétariat Exécutif de l'Agrobusiness au sein de la SEDET, la perception c'est que le dialogue avec l'État s'intensifie. Selon lui, cette tendance fait partie de l'objectif de l'actuel gouverneur de l'État d'augmenter le PIB agricole au Ceará.

- A été rapportée la création d'une Chambre Technique présidée par le Secrétaire exécutif de l'Agrobusiness, et rassemblant les organismes impliqués dans la gestion de l'eau tels que le SRH, la FUNCEME et la COGERH, ainsi que le forum des présidents des CBH. Cette chambre centralise les demandes du secteur agricole afin de mieux mobiliser leur capacité de négociation au sein du CONERH. Le secteur de l'agriculture familiale a déjà effectué ses demandés auprès de cette chambre technique.

Institut SISAR - Système Intégré d'Assainissement Rural

- S'agissant d'un modèle de gestion partagée de l'assainissement dans des zones rurales, le SISAR effectue une capacitation sociale, afin d'habiliter la population à réaliser les activités de gestion du réseau: pour l'interviewé, il s'agit d'un travail de renforcement de la citoyenneté pour la population rurale.

- La CAGECE rend un fort appui technique, social et administratif au SISAR. Ainsi, même si le SISAR est une association de droit privée, il reçoit un fort appui de l'État.

Fédération des travailleurs ruraux et des agriculteurs familiaux du Ceará

(FETRAECE)

74

- Affirme que la FETRAECE a eu un rôle majeur, conjointement avec l'ASA, le MST et les organisations du réseau d'extension rural (reliées à l'État), dans la construction du paradigme d'action pour vivre avec le Semi-aride.

- Démontre une préoccupation avec la destination des structures hydrauliques plus récentes: se questionne si la population rurale va en recevoir les bénéfices ou si elle va en être exclue.

- Rapporte des conflits entre les secteur de l'agrobusiness et celui de l'agriculture familiale, affirmant que celle-ci est, plus que le premier, amenée à adopter des pratiques de rationnement de l'usage de l'eau. Il s'agit de deux secteurs qui ont des types de relations différentes avec l'État.

- Il rapporte une plus grande ouverture de la part du gouvernement de l'État pour négocier avec les mouvements sociaux, notamment à partir des années 1990's. Ainsi, la FETRAECE assume un rôle de stimuler le gouvernement à penser des politiques publiques favorables au travailleurs ruraux

- A été rapporté que dans tous les 12 CBHs les syndicats sont présents. Ils sont très souvent présents au CONERH aussi. L'interviewé considère le système assez démocratique, même s'il reconnaît que des fois il ne sont pas entendus.

- Les puits d'accès à l'eau construit par la FETRAECE ou par le gouvernement pour la population rurale sont gérés par des associations de la population locale.

- La FETRAECE a une relation institutionnelle avec plusieurs secrétariats de l'État, y inclus avec le SRH, avec qui elle a des conventions.

Pas d'observations spécifiques

SOHIDRA

Secrétariat du
Développement
Agricole

- Rapporte une relation de partenariat importante avec les mouvements sociaux, comprenant des réunions fréquentes et ouvertes, afin de discuter le déroulement des actions et les besoins spécifiques

Pas d'observations spécifiques

- Le SDA fait l'intermédiation entre entités locales et la sphère fédérale pour la mise en place de technologies sociales d'accès à l'eau pour la population rurale. Pour cela, elle a un registre des informations concernant chaque municipalité de l'État, qui lui permet d'en sélectionner les prioritaires. L'exécution de ces projets et la sélection des familles bénéficiaires restent dans les mains des entités locales, notamment.

- Le SDA a des cellules responsables pour des thèmes exclusivement liés à l'eau. Toutes les technologies sociales d'accès à l'eau sont sous la responsabilité du SDA. Ces cellules n'ont pas toujours une

communication directe avec le SRH.

75

- Suite aux décisions d'allocation au sein des CBHs, sont réalisées les réunions de suivi des flux accordés. Dans ce cadre, la COGERH apporte du support technique, mais ce sont plutôt les usagers qui délibèrent.

- Les interviewés affirment que la COGERH réalisent une invitation pour les membres du CBH lors de la convocation pour les réunions, mais aussi à toute la société, de manière générale (invitation à des associations, coopératives, mouvements sociaux, ainsi que des émissions via radio).

- La communauté technique et scientifique délibère auparavant avec les techniciens de la COGERH, et apportent les résultats de leurs discussions aux réunions des CBHs. Il existe ainsi trois niveaux de délibérations au sein des CBHs: les discussions techniques et scientifiques préliminaires; des discussions plus larges dans la session plénière du Comité; et les discussions encore plus larges dans le cadre de grands séminaires.

- Auparavant, la FUNCEME ne faisait pas partie directement du SIGERH. Une fois qu'elle est inclue dans ce système, on aperçoit une intégration plus forte entre SRH, COGERH et FUNCEME.

- 3% des ressources des redevances, centralisées par la COGERH, sont transférées au système

- Nécessité d'approfondir la logique d'une planification claire dans les plans des bassins, et promouvoir son absorption par les membres des comités

COGERH

76

- Affirment travailler en partenariat avec l'Université Fédérale du Ceará (UFC) et la Fondation Cearense d'Appui au Développement (FUNCAP) sur les 12 plans de bassins à élaborer ou réviser. Affirmer réaliser également un travail de sensibilisation des participants des CBHs.

- La COGERH a construit un indicateur de participation sociale dans la gestion des ressources hydriques, lequel est suivi par le gouvernement, à partir de forums de suivi, depuis 2003/2004. En 2019, cet indicateur a été de 73% de gestion participative. Les interviewés n'ont pas su expliquer la construction de cet indicateur.

- Intéressant de noter que la valeur de la redevance provenant du Port de Pecém est incontournable pour le système des Comités de Bassins

entretenu par la COGERH, et est donc très importante pour le maintien de tout le système de gestion par CBHs.

Secrétariat des
Ressources
Hydriques

- Le SRH travaille avec un appui fort de la COGERH, à partir d'analyses quantitatives et qualitatives des corps hydriques, y inclus pour le système d'octroi de droits d'usage.

- Il attribue les valeurs de participation dans la gestion de l'eau à la présence de la coopération allemande dans les années 1980. Mais le DNOCS était encore très présent à cette époque et très résistant à cette idée. En tout cas, le modèle participative gagne de la force dans les années 1990's avec le début de la constitution des CBHs

- Il conçoit le SRH comme la «tête» qui créé les directives et coordonne le système, dont l'exécution reste avec la SOHIDRA, la COGERH et la FUNCEME.

77

- Conçoit la politique des ressources hydriques aujourd'hui plus orientée vers la promotion de la participation que vers une logique de sanctions.

- Dans la construction des Plans de Ressources Hydriques de l'État, c'est le CONERH, présidé justement par le SRH, qui construit l'ordre du jour et ainsi qui mène les processus de discussions.

- Affirme que le SRH se relatione beaucoup avec les Directions de Bassins, notamment pour l'analyse des droits d'usage octroyés et pour la fiscalisation: le dialogue est fluide à cet égard. Il affirme que le même est vrai pour le Secrétariat Exécutif des comités: le dialogue est récurrent notamment au niveau du Forum des présidents des CBHs.

- Reconnaît une sectorisation forte entre les politiques environnementales et de ressources hydriques dans l'État, et que ces deux systèmes pourraient dialoguer et se coordonner plus. L'approximation de la SEMACE par rapport au SIGERH peut aider dans une certaine mesure dans cette coordination.

Annexe 3 - Structure du SINGREH

78

Source: À partir de Governo do Brasil, n.d. (mis à jour)

Annexe 4 - Trajectoire de l'IDH brésilien entre 1990 et 2020

Source: Human Developments Report, n.d.

79

Annexe 5 - Liste des instruments juridiques qui ont servi à compléter le système de gestion de l'eau dans l'État du Ceará

a) Loi n° 11.996 du 24 juillet 1992 : prévoit la politique de l'État en matière de ressources hydriques. Cette loi a été instituée :

- Octroi du droit d'utiliser les ressources en eau ;

- Tarification de l'utilisation des ressources hydroélectriques ;

- Le partage des coûts des travaux d'infrastructures hydrauliques ;

- Le Plan d'Etat des Ressources Hydriques (PERH) ;

- Les conseils de coordination et de participation (comités) ;

- Le système de gestion intégrée des ressources hydriques (SIGERH)

- Le Fonds d'État pour les ressources hydroélectriques (FUNORH)

b) Loi n° 12.217, du 18 novembre 1993 : a créé la Compagnie de gestion des ressources hydriques du Ceará (COGERH)

c) Décret n° 22.485 du 20 avril 1993 : approuve le règlement du Département des ressources hydriques.

d) Décret n° 23.038, du 1er février 1994 : approuve le règlement du Comité d'État des ressources hydriques (COMIRH).

e) Décret n. ° 23.039, du 1er février 1994 : approuve le règlement interne du Conseil national des ressources hydriques (CONERH).

f) Décret n° 23.047, du 3 février 1994 : régit le Fonds national des ressources hydriques (FUNORH).

g) Décret n° 23.067, du 11 février 1994 : crée le système de subventions pour l'utilisation de l'eau.

h) Décret n° 25.391, du 1er mars 1999 : crée les comités des sous-bassins hydrographiques du Baixo et du Médio Jaguaribe.

i) Décret n° 26435 du 30 octobre 2001 : crée le Comité du sous-bassin de Banabuiú

j) Décret n. 26.462 du 11 décembre 2001 : crée le Système Intégré de Gestion des Ressources Hydriques (SIGERH), concernant les Comités de Bassin Hydrographique - CBHs

k) Décret n° 26603 du 14 mai 2003 : création des comités de sous-bassin hydrographique de l'Alto Jaguaribe et du fleuve Salgado.

l) Décret n° 26902 du 16 janvier 2003 : crée le Comité des bassins hydrographiques de la région métropolitaine de Fortaleza - CBH-RMF

m) Décret n° 27.647, du 07 décembre 2004 : crée le Comité du bassin hydrographique d'Acaraú - CBH-ACARAÚ.

80

Source : Ramos Viana et al., 2006.

81

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 3

SOMMAIRE 4

LISTE DES FIGURES 5

LISTE DES TABLEAUX 5

LISTE DES ACRONYMES 6

INTRODUCTION 9

CHAPITRE I - Quels attributs de la gouvernance vers un accès à l'eau plus

démocratique? Base théorique et méthodologique du présent travail 13

1.1. Revue de littérature sur la gouvernance de l'eau 13

1.2. Construction de la base méthodologique 18

CHAPITRE II - Contextualisant les différents niveaux territoriaux et les paradigmes

de l'action publique de réponse aux crises hydriques 38

2.1. Indicateurs du développement aux différents niveaux d'analyse et un état

des lieux du secteur hydrique au Brésil 24

2.2. L'évolution des paradigmes d'action publique sur le Nordeste Semi-aride

31

CHAPITRE III - Quelle gouvernance de l'eau dans le Ceará? 39

3.1. Le système de gestion de l'eau dans le Ceará: institutions et instruments 39

3.2. Analyse du degré de participation dans la gouvernance de l'eau dans le

Ceará: un diagnostic 51

CONCLUSION 60

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 62

ANNEXES 69

TABLE DES MATIÈRES 81

RÉSUMÉ 82

82

RÉSUMÉ

Historiquement marqué par une distribution inégale de l'eau, l'État brésilien du Ceará a la plupart de son territoire sur la zone semi-aride la plus peuplée de la planète. Cet État a vécu des nombreuses crises de pénurie hydrique, dans lesquelles le risque hydrologique devient un risque systémique de par son importance et son potentiel multisectorial. C'est dans ce cadre général qu'on se propose, dans ce travail, de tester si les mécanismes de la gouvernance de l'eau dans le Ceará favorisent la participation et la démocratisation des processus de décision autour de cette ressource, ceux-ci pouvant être considérées comme des éléments de promotion d'un accès plus démocratique à l'eau, et ainsi d'une possible recomposition des relations sociales et économiques, notamment dans les zones rurales de l'État. L'objectif est ainsi de construire un diagnostic de la gouvernance de l'eau dans l'État du Ceará, soulignant ses acquis et ses faiblesses en termes de participation. La présente analyse débouche sur le constat d'un modèle hybride de gouvernance, combinant des éléments de deux différents paradigmes de réponse aux crises hydriques dans l'État.

MOTS-CLÉS

Brésil, Ceará, Nordeste, Semi-aride, Ressources Hydriques, Gouvernance, Participation

ABSTRACT

Historically marked by an unequal distribution of water, the Brazilian State of Ceará has most of its territory in the Brazilian Semi-Arid, the most populated semi-arid zone of the planet. Thus, this state has experienced numerous crises of water scarcity, in which the hydrological risk becomes a systemic risk due to its importance and multisectoral potential. Within this general framework, this work proposes to test if the mechanisms of water governance in Ceará favor the participation and democratization of the decision-making processes around this resource, considering these features as a

potential element for promoting a more democratic access to water, and thus a possible re-composition of social and economic relations, especially in the rural areas of the state. The objective here is to analyze water governance in the state of Ceará, highlighting its achievements and weaknesses in terms of participation. This analysis leads to the finding of a hybrid model of governance, combining elements of two different paradigms of response to water crises in the state.

KEYWORDS

83

Brazil, Ceará, Nordeste, Semi-arid, Water resources, Governance, Participation






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote