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Un soin ordinaire en milieu extraordinaire


par Farid Mellal
Institut méditerranéen de formation en soins infirmiers  - Infirmier 2014
  

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2) Analyse et questionnements

Mon appréhension lors de cette situation de soins a concerné d'abord le lieu en lui-même : la prison. Le milieu carcéral répond à ses propres lois et fonctionnement internes. La vie en prison est gérée par l'administration pénitentiaire. A ce moment -là, c'est en tant que personne libre mais soumis à une réglementation que je ne connaissais pas encore que je devais évoluer. Le surveillant de l'unité m'avait expliqué rapidement et oralement, ce que je devais absolument respecter juste avant le soin. Il m'a fallu donc rapidement intégrer ces quelques règles de sécurité avant d'aborder mon premier « patient-détenu ».

Ma représentation de cet univers sans repère pour moi ne m'a pas rassuré. Je laissais la place à mon imaginaire, qui n'était pas forcément de nature à me permettre d'aborder le soin sereinement. Le lieu de soin était également différent par rapport à ce que j'ai pu voir dans mes stages précédents. L'unité de soin se situe en plein coeur de la prison dans des locaux assez exigüe où cohabitent trois univers différents qui parfois s'opposent. D'abord celui des détenus, qui trouvent en ce lieu un moment de liberté que certains ont pu m'exprimer, celui des surveillants dont la première des priorités est d'assurer la sécurité et l'intégrité des personnes travaillant au sein de l'UCSA et celui du monde soignant avec au centre de ses préoccupations le soin et le bien-être physique et moral des patients. Le soin peut-il s'effectuer dans les conditions les plus favorables lorsqu'autant d'univers se côtoient. Quel comportement adopté ?

Le surveillant m'avait également précisé le motif d'incarcération du patient, probablement pour m'inciter à plus de vigilance. On peut également s'interroger ici sur la notion d'éthique soignante. Peut-on prendre en charge dans sa globalité et avec professionnalisme une personne accusée de meurtre ? Lors de mon stage en psychiatrie, j'avais déjà pu côtoyer des détenus et cela ne m'a pas posé de difficulté car la prise en charge s'effectuée en milieu hospitalier sans présence de surveillant. Le soin est au coeur des priorités même si la vigilance était également de rigueur.

Ma discussion avec le surveillant a rapidement généré du stress et un sentiment d'angoisse face à la dangerosité potentielle d'un patient que je n'avais pas encore pris en charge. C'est déjà avec un sentiment de peur que j'aborde mon soin. Nous avons pu voir aux cours de l'UE 4.2 intitulés « soins relationnels » que le stress correspond à des réactions de l'organisme apparaissant dès que l'organisme est face à un changement de situation brutale. Le corps réagit contre ce qu'il ressent comme une agression ou une pression. Chaque personne réagit de façon personnelle et adaptée à un évènement qu'il considère comme traumatisant. En résumé ; le stress désigne à la fois la pression de l'environnement et la réaction de l'organisme à cette dernière. Cela se manifeste par de nombreux indicateurs, voir des signaux d'alarme qui viennent ainsi altérer notre bien-être.

Après avoir invité le patient à s'installer dans la salle de soins, il me fallait maintenant faire face en tant que soignant et réaliser mon soin sous le regard de mon tuteur. Une nouvelle fois, mon manque de connaissances sur ce qu'est un détenu m'a probablement conduit à des à priori et une perception négative de la personne que j'avais en face de moi. Cette vision a été confortée par la connaissance du motif d'incarcération. Avec le recul, je me dis que peu importe le motif d'emprisonnement, nous devons être présents en tant que soignant et permettre au détenu d'effectuer sa peine dans les meilleures conditions sanitaires et non pas de le juger une seconde fois. La relation avec M AB a d'abord été tendue, car celui-ci était déjà énervé au moment de prendre place sur le fauteuil pour la prise de sang. Il m'a d'abord fallu gagner sa confiance et nouer une relation. Je me suis donc présenté au patient en lui disant que j'étais étudiant infirmier. Dire mon statut était pour moi important, car cela participait à une vérité et une honnêteté que je devais à l'autre. J'ai dû mobilisé beaucoup d'outils relationnels vu lors des UE 4.2 et mis en pratique lors de mes différents stages notamment l'accueil et l'écoute active, le ton de ma voix calme, le respect. J'ai progressivement gagné la confiance du patient en lui parlant. Malgré les tutoiements du patient, j'ai opté pour le vouvoiement. Il s'agissait pour moi de me positionner en tant que professionnel répondant à un cadre précis celui du soin. Je pense que ce savoir-faire et être m'a permis de désamorcer une situation potentiellement violente. Cependant pour des raisons de sécurité, le patient ne devait pas savoir mon nom, aucun ne figure sur les blouses professionnelles. Le climat de confiance, fondamental pour la relation soignant-soigné, peut-il être instauré quand le détenu doit confier son intimité à quelqu'un dont il ne connait même pas le nom ou en présence d'une tierce personne ?

Au cours du soin, le patient se rend compte que ma main tremble un peu et me le fait remarquer. Le patient me renvoie à mon statut d'apprenant. Cette situation était loin d'être confortable pour moi. Cela m'a agacé, car je ne comprenais pas pourquoi ce stress face à une situation de soins ordinaire. Je me suis projeté dans l'échec en pensant que je n'allais jamais y arriver. Ma réaction immédiate a été de sourire et d'utiliser la fonction clown de l'infirmier comme mécanisme de défense afin de faire baisser cette surcharge d'émotivité qui m'a gagné. L'anticipation du soin et mon organisation initiale m'ont beaucoup rassurée. Je me suis dit qu'il n'y avait aucune raison que j'échoue. Je voulais réussir le soin pour ne pas décevoir mon tuteur qui m'observer et ne pas être en échec. Cela s'est d'ailleurs traduit par un sentiment de plaisir et de satisfaction une fois le prélèvement effectué. Le soin m'a cependant semblé plus long que d'habitude et j'avais l'impression d'avoir fournir un effort important au point de ressentir une légère fatigue. La présence de mon tuteur a permis une stratégie de coopération. Par son regard et ses paroles bienveillantes et le fait qu'il m'ait laissé poursuivre mon soin, cela m'a mis en confiance. J'étais cependant déçu d'avoir été hésitant et tremblant et de ne pas avoir fait preuve d'une meilleure maitrise.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand