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Contribution du programme cartographie participative dans la promotion des droits des communautés forestières en RDC


par Blaise Mudodosi Muhigwa
Chaire de l'UNESCO de l'université du Burundi - DESS en Droit de l'Homme et résolution pacifique des conflits 2008
  

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Section II. LES DROITS RECCONUS AUX COMMUNAUTES FORESTIERES DE LA RDC

Depuis plusieurs siècles, il était établi que les forêts de la RDC étaient habitées par des populations locales et autochtones. Ils y pratiquaient la chasse, la pêche, la cueillette et le ramassage, bref ce sont eux qui faisaient la « loi » dans ces forêts. Cependant, avec la domanialisation du sol, le souci de protéger l'environnement et d'exploiter les forêts, ces populations ont trouvé leurs droits réduits.

§1. Fondement du droit des communautés sur leur fonds

Les droits fonciers et les revendications territoriales des populations locales sont peut-être encrés dans la nuit de temps, avant la création des Etats-nations. Les demandes de ces populations sont étayées par la notion qu'elles ont un droit de regard spécial sur la terre, du fait que leur relation unique avec la terre est nécessaire à leur survie (...)14(*). Dans la conception negro-africaine, la terre n'est pas seulement un bien fonctionnel susceptible de fournir à son propriétaire certaines utilités économiques. La terre est sacrée parce qu'elle porte la demeure de ceux qui vivent et elle est le domicile des ancêtres morts avec lesquels elle se confond15(*). Ainsi dans la pensée traditionnelle authentique, la terre ne peut être aliénée ; car, qui parmi les vivants pourraient oser « vendre » la tombe des ancêtres et de surcroît à des étrangers ?

Selon MALEGREAU16(*), évoquant le collectivisme traditionnel comme fondement des droits fonciers des communautés locales, le droit foncier coutumier est un droit en relation constante avec l'homme pris individuellement ou inscrit dans un groupement bien déterminé où la primauté d'une volonté d'appropriation collective rend le fonds intangible et attaché au groupe, chaînon vital des morts, des vivants et des êtres à venir. D'où son inaliénabilité, son incessibilité, etc.En effet, les collectivités traditionnelles sont fondéessur certaines valeurs visées, entre autres, la perpétuité, la permanence et la cohésion du groupe.

Les résultats de nos recherches montrent qu'il existe des liens étroits entre certaines communautés avec certaines forêts, les animaux, les cours d'eau, etc. Chez les Basengele de la province forestière de Bandundu par exemple, certaines puissances et les forces magiques d'un individu n'auront d'effet que sur une étendue du territoire considérée comme le fief de celui-ci. C'est pourquoi, le déplacer de ce territoire, c'est le dépouiller decertaines forces17(*).

§2. Evolution législative des droits fonciers et forestiers congolais.

Juste après la création de l'EIC, l'Administrateur Général du Congo prit une ordonnance le 1 juillet 1885 qui reconnut trois sortes de terres18(*) :

- Les terres occupées par les autochtones, càd celles qu'ils occupaient à titre collectif ou individuel conformément à leurs pratiques traditionnelles notamment par l'agriculture extensive, le nomadisme, l'habitation. Ces terres furent soumises à la coutume.

- Les terres en possession des non indigènes (hollandais, portugais, anglais, etc.). Ceux-ci occupaient le sol en vertu des contrats passés avec les chefs indigènes. Ces contrats sur l'occupation des terres furent reconnus valables en exécution du décret du 22 août 1885. Les terres occupées furent enregistrées et soumises à la législation de l'Etat.

- Les terres vacantes formèrent le domaine de l'Etat et une partie de celui-ci constitua le domaine privé. Cette ordonnance de 1885 stipulait que « nul n'a le droit d'occuper les terres vacantes ni de déposséder les indigènes des terres qu'ils occupaient, les terres vacantes doivent être considérées comme appartenant à l'Etat ».

Dès l'origine de l'occupation, l'Etat semble avoir convoité les forêts congolaises ; car déjà en janvier 1882, le roi s'accapara le droit d'exploiter les forêts, les mines ; en fait, toutes sortes de richesse végétales ou minérales dont les indigènes ne se serviraient que pour leurs besoins personnels19(*).

Les forêts sont devenues la propriété de l'Etat par le décret du 17 octobre 1889.

A. Lors de la colonisation belge

La Charte coloniale avait reconnu, malgré sa discrimination raciale, des droits réels aux indigènes sur les terres qu'ils occupaient, cultivaient ou exploitaient. Un droit d'usage personnel s'étendaient en dehors de leurs terres.

Le 3 juin 1906, le Roi signa le décret selon lequel 20(*):

1. Sont terres occupées par les indigènes aux termes des dispositions précitées, les terres que les indigènes habitent, cultivent et exploitent d'une manière quelconque, conformément aux coutumes et aux usages locaux. Il sera vu sur place à la détermination et à la constatation officielle de la nature et de l'étendue du droit d'occupation des indigènes.

Cela étant, il était difficile de constater le droit d'occupation des plusieurs communautés forestières surtout pygmées ; car ils étaient nomades et/ou peut-être moins nombreux par rapport à l'étendue de toute la forêt. C'est pourquoi, il était difficile de constater effectivement la partie de la forêt habitée par ces communautés pour enfin confirmer la nature et l'étendue des leurs droits.

2. Le Gouverneur Général ou le Commissaire de district délégué à cette fin, en vue de tenir compte des modes de culture des indigènes et de les encourager à des nouvelles cultures, celles-ci sont autorisées quels que soient les droits d'occupation des indigènes, en vertu de l'article 1er ; d'attribuer à chaque village une superficie triple. Cette extension de terre sera indiquée au croquis.

3. Il sera fait, au moment de la délimitation des dites terres, un relevé des plantes en latex ou en arène qui existent ; ce relevé, comprenant tous les détails utiles, sera annexé au croquis en vue de constater la propriété des indigènes sur le caoutchouc provenant de ces terres. Il leur sera délivré par le chef de poste le plus voisin, un certificat d'origine des qualités récoltées.

4. En dehors de ces terres qui leur seront attribuées, les indigènes peuvent couper le bois destiné à leur usage personnel. Ils peuvent pêcher dans le fleuve, rivière, lac, étang et chasser dans les terres et des forêts domaniales.

La nouvelle législation forestière s'est inspirée de cette disposition en octroyant aux communautés vivant à l'intérieur ou à coté de la forêt le droit d'usage forestier dans les forêts classées, avec quelques exceptions21(*), et dans les concessions forestières22(*).

Signalons que jusqu'à la fin de la colonisation, le Congo connaissait un régime foncier fondé sur une discrimination raciale. Les européens, dans les circonscriptions urbaines et sur les terres rurales possédaient sur le fond qu'ils occupaient un droit de propriété, d'emphytéose ou de superficie régie par le code civil et, en conséquence, protégé par la Charte coloniale. Ils ne pouvaient être privés de leur droit foncier que pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

Les droits des autochtones sur le sol étaient en nature différente selon qu'ils habitaient les circonscriptions indigènes appelées terres indigènes régies par les coutumes. Les terres indigènes ne pouvaient être cédées qu'à la colonie seule.Dans les agglomérations urbaines, le congolais pouvait être titulaire d'un droit d'occupation précaire matérialisé par un livret de logeur ou un titre équivalent. Il s'agissait d'un droit révocable. En un mot, les congolais ne pouvaient accéder à la propriété immobilière individuelle23(*) que pour les immeubles construits par l'office des cités africaines ou construits avec des crédits du fonds d'avance.

B. Après la colonisation

Le régime foncier de l'après colonisation avait connu deux temps forts, à savoir ; la domanialisation et la conversion des droits de propriété foncière en concession.

1) Domanialisation des terres et forêts congolaises

Le régime foncier en RDC date du 20 juillet 1973 avec l'ordonnance loi n°073-023. Certaines dispositions contenues dans cette loi portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime de sûretés, tel que modifié et complétée par l'ordonnance loi n°80-008 du 18 janvier 1980 invoquent la domanialité publique des terres congolaises y compris, par ricochet, celles sur les quelles habitent les communautés locales et autochtones pygmées.

La disposition clé de la gestion du domaine foncier est l'article 53 du code foncier libellé de manière suivante : « le sol est la propriété exclusive et imprescriptible de l'Etat ». Autrement dit, d'abord le droit de propriété sur le sol en RDC n'a d'autre sujet que l'Etat. Ensuite ce droit s'étend sur toutes les terres du pays dans les limites de ses frontières et enfin la compétence de l'Etat en tant que propriétaire du sol est illimitée et inconditionnelle.

Le régime forestier en RDC, quant à lui, est porté par la loi n°0011-2002 du 29 août 2002 portant code forestier congolais. Cette loi précise clairement que le droit sur une terre ne confère pas automatiquement un droit sur la forêt qui s'y trouve et précise, en son article 7, que les forêts constituent la propriété de l'Etat. A cette règle existe une exception selon laquelle un titulaire d'un titre foncier régulièrement obtenu est propriétaire des forêts naturelles ou plantées qui se trouvent sur ses terres24(*). Ce principe de la domanialité des terres et des forêts congolaises est réaffirmé par la constitution actuelle à son article 9 qui stipule que l'Etat exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol, les eaux et les forêts (...).

Il découle de cette situation que toutes les terres, et par conséquent, les forêts sont devenues domaniales sans aucune exception. Ceci dans le but d'empêcher certaines puissances étrangères qui géraient, à leur profit, l'essentiel du potentiel économique du Congo et de permettre ainsi à l'Etat de procéder librement de son patrimoine, de ses ressources naturelles pour le bien de sa population25(*).

Etant donné que l'appropriation privative du sol n'a pas organisée, le législateur a procédé à une redéfinition restrictive des droits réels fonciers. Il ne peut être reconnu aux particuliers que les droits de jouissance appelée concession26(*). La concession perpétuelle ou ordinaire (emphytéose, la superficie, l'usage, la location et l'usufruit).

2) La conversion des droits de propriété en concession

En ce qui concerne le droit écrit, la loi foncière a stipulé un effet rétroactif. Tous les titulaires des droits fonciers régis par le code civil ont vu automatiquement leurs droits convertis en concession et ce, sans indemnisation27(*) : la conversion, pour le congolais, en droit de « concession perpétuelle », et, pour les étrangers, en un nouveau droit réel appelé « concession ordinaire ».

Les terres occupées par les communautés locales quant à elles (càd celles qu'elles habitent, cultivent ou exploitent de manière quelconque individuelle ou collective, conformément aux coutumes et aux usages locaux), deviennent, à partir de l'entrée en vigueur de cette loi, des terres domaniales28(*). Mais une ordonnance du Président de la République, ordonnance qui n'a jamais été prise jusqu'à ce jour, doit régler les droits de jouissance régulièrement acquis sur ces terres.Reconnaîtra-t-on ces droits aux communautés locales et autochtones ou individuellement aux membres de ces communautés ou aux deux à la fois ? Le droit de propriété collectif, ou individuel sera-t-il reconnu aux membres des populations intéressées sur les terres qu'elles occupent traditionnellement29(*) ?

Après avoir séparé la propriété foncière du droit de jouissance de fonds, la législation foncière et forestière en vigueur, basée sur le droit écrit et sur la coutume selon les situations, permet à l'Etat qui a une maîtrise totale du sol et de son environnement, de mener sa politique d'aménagement du territoire et (sa politique) de son environnement sans entrave. Cependant, elle ne sécurise pas véritablement les populations rurales, à cause de ce « vide »provoqué par l' absence de cette ordonnance destinée à régler les droits de jouissance, qui attend toujours d'être comblé.

* 14 Roger PLANT, Op cit., p.7

* 15 KALAMBAY LUMPUNGU, Droit Civil : Régime général des biens, vol.1, PUZ, 1989, p.62

* 16 G. MALEGRAU, Les droits fonciers coutumiers chez les indigènes du Congo : Essai d'interprétation juridique, inédit, 1974, p.135

* 17 TANDE BOKOTE, entretien du 26 avril 2008 à Bokote, District d'Inongo, Province de Bandundu.

* 18 T. MERLIER, Aperçu sur les régimes fonciers du Congo belge, Bruxelles, 1933, p.6 cité par KALAMBAY LUMPUNGU, Régime foncier immobilier, Kin, PUZ, 1985, p.16.

* 19 MUCHIZA BAYUNVANYE, Régime foncier face au système coutumier Shi de distribution des terres, TFC, CUB/Droit, 1999, p.22.

* 20 KALAMBAY LUMPUNGU, Régime foncier immobilier, Kin, PUZ, 1985, p.18

* 21 Article 38 et 40 du code forestier

* 22 Article 44 du code forestier.

* 23 Un droit de superficie consistant à jouir d'un fond appartenant à l'Etat et des disposer des constructions, bois, arbres et autres plantes qui y sont incorporés. La superficie ne peut être établie pour une durée excédant 25 ans

* 24 Article 8 du code forestier.

* 25 Exposé des motifs de la loi n°66-343 du 7 juin 1966 dite loi BAKAJIKA cité par MUDODOSI MUHIGWA B., La précarité des droits coutumiers des pygmées sur la forêt du PNKB face à la loi n°0011-2002 du 29 août 2002 portant code forestier congolais, mémoire, UOB/ Droit, 2005, p.38

* 26 Article 57 de la loi foncière.

* 27 Article 367 et 372 de la loi foncière.

* 28 Article 385 de la loi foncière.

* 29 Art 11 de la convention 107 de l'OIT

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon