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Lexique-grammaire et complétive de l'adjectif qualificatif.


par JoàƒÂ«l Cédric ANYOU ELANGA
Université de Yaoundé 1 - Master es lettres  2019
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I
*******
FACULTÉ DES ARTS LETTRES ET
SCIENCES HUMAINES
*******
DÉPARTEMENT DE FRANÇAIS
******
CENTRE DE RECHERCHE ET DE

FORMATION DOCTORALE EN
ARTS, LANGUES ET CULTURES

*********

UNITÉ DE RECHERCHE ET DE
FORMATION DOCTORALE EN
LANGUES ET LITTÉRATURE

 

THE UNIVERSITY OF YAOUNDÉ I
*******
FACULTY OF ARTS, LETTERS AND
HUMAN SCIENCES
*******
DEPARTMENT OF FRENCH
**********
POST GRADUATE SCHOOL FOR ARTS,
LANGUAGES AND CULTURES
*********
DOCTORAL RESEARCH UNIT FOR
LANGUAGES AND LITTERATURE

LEXIQUE-GRAMMAIRE ET COMPLÉTIVE DE L'ADJECTIF QUALIFICATIF

Mémoire présenté en vue de l'obtention d'un Master es lettres Spécialité : langue française

Option : grammaire et linguistique françaises

par

ANYOU ELANGA Joël Cédric
Licencié es lettres modernes françaises

Sous la direction de

Mme ONGUENE ESSONO Christine

Année académique 2018/2019

Maître de Conférences

DÉDICACE

IN MEMORIAM

NDONO YOBO COLETTE,

MATRIS MEAE ANIMA QUI IN PACE REQUIESCAT

REMERCIEMENTS

Que les personnes dont les suivent trouvent en ces mots l'expression de ma gratitude. Par leur générosité et leur soutien à plusieurs égards, elles m'ont permis de conduire à terme ce travail :

- Mme le professeur Onguene Essono Christine qui, pleine de bonté et de sollicitude à

mon égard, a dirigé ce travail.

- M. Éric Laporte, spécialiste du lexique-grammaire qui, généreusement, m'a fourni une

abondante et riche documentation.

- Mes camarades du GRECG dont le concours bienfaisant ne saurait être quantifié.

- Dr Eloundou Eloundou Venant, mon modèle, qui a su me tenir la main et m'initier à la

science, lui dont l'amitié m'a été totalement bénéfique.

- ma précieuse Mme Ndzomo Cléméntine, vis-à-vis de qui j'ai une dette inépuisable.

- Dr Bidjocka Pierrette Pulcherie et Mme Tchoungui akoa à la bonté maternelle

incommensurable.

- mon cher père inlassable ELANGA Anyou Dieudonné, ma très disponible soeur aînée

Eba Elanga Moline qui m'ont toujours encouragé et épaulé.

- mon bienveillant et large grand frère Manda Fils Arsène, ma prévenante grande soeur

Bessala Nadine.

- mon bon généreux et bienveillant papa Ricardo Ekomo, à qui je dois beaucoup.

- Mes frères Oyono Charles Stéphane et Mbida André-Marie

- les révérends Pères Edou Gabriel, Yoh Daniel, Voundi Abina,.

- la JAPE d'Obili, la session de la même paroisse.

- mes cinq filles du Staff technique : Moanang, Claire Ntsogo, Audrey Foguem,

Ossoubita, et L.-J Esso.

- Mes camarades de la FALSH qui, depuis 2013, ont su croire en leur délégué en

l'encourageant.

- Mlle Laapi Deboué Jenny Grâce qui m'a beaucoup soutenu.

- Mlles Nyangono Mba, Aboudi Paule Raîssa, Mengue Martine, Bete Gisèle et

Mendouga Olivia Diane.

- Mlle Stéphanie Mfoumou dont la présence est agréable.

LISTE D'ABRÉVIATIONS

Adj. : Adjectif qualificatif ? : peut se réécrire en, est substitué par.

Adv. : Adverbe V. sup : verbe support

SN : syntagme nominal P : phrase

GN : groupe nominal COD : complément d'objet direct

GA : groupe adjectival COI : complément d'objet indirect

SP : syntagme prépositionnel Que P : Complétive

SV : syntagme verbal Dét. : Déterminant

GV : groupe verbal # : diffère de..., est distinct de.

V : verbe I » O : translation substantivale du second degré

N : nom Nop : nom opérateur

TSTA : Trop de soleil tue l'amour Cop : copule, verbe être

LP : Le Procès * : énoncé agrammatical

SDI : Les Soleils des Indépendances PS : Phrase simple

Prép. : préposition PC : phrase complexe

Prop. : proposition SNO : sujet ; SN1 : complément

d'objet direct

?: énoncé à grammaticalité ou acceptabilité douteuse X('''') : énoncé dérivé

Trans. Dir : transitif direct Trans. Indir. : transitif indirect

Ellip. : Construction elliptique Nnhr : nom non humain restreint
VA, VOA : verbe attributif, verbe occasionnellement attributif Nhum : nom humain LP/X/X/XXXX : numéro et date de publication du journal Le point

VEA : verbe essentiellement attributif

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : la complémentation de l'adjectif qualificatif en français 42

Tableau 2 : liste et structures des Nop 73-74

Tableau 3 : adjectifs qualificatifs et compatibilité avec les structures 111

RÉSUMÉ

Keys words : Qualificative adjective, adjectival completive clause, lexicon-grammar, predicative construction.

Voici une description structurelle, distributionnelle et transformationnelle des structures de la complétive adjectivale. À l'aune du lexique-grammaire, théorie transformationnelle développée par Maurice Gross, l'étude montre que l'adjectif qualificatif est un terme prédicatif qui, comme le verbe, possède des compléments au rang desquels figure la complétive. Constatant que les contours de la classe de l'adjectif sont encore flous et qu'elle est hétérogène, le travail relève les schèmes de cette classe. Une analyse des autres complétives non-verbales, en l'occurrence la complétive du nom et la complétive de l'adverbe est faite. Il ressort que les complétives régies par les mots non conjugables sont extravalencielles et régulièrement effaçables. Elles donnent lieu à des transformations non encore répertoriées par la tradition. La complétive de l'adjectif apparaît sous deux formes, les constructions personnelles et les structures impersonnelles. Ces formes impliquent des contraintes modales, transformationnelles et sémantiques non seulement sur l'adjectif, mais aussi sur la complétive elle-même. Elle semble sélectionner une catégorie d'adjectifs qualificatifs.

Mots-clés : Adjectif qualificatif, complétive de l'adjectif, lexique-grammaire, construction, construction attributive.

ABSTRACT

The main aim of this work is to describe the different structures of the adjectival completive clause. The analysis is subtended by the lexicon-grammar, a transformational theory developed by Maurice Gross. The adjective class is heterogeneous. This category of elements raise property that the tradition had not already studied. The adjective completive clause is similar to the noun and adverb completive clauses. They are extravalencial. By manipulating twice with linguistics' operations, we obtain other structures. The adjectival completive clause has two structures: the personal and the impersonal. The adjectives involved in that structure seem to be selected. That observation leads us to other possibilities of studies based on lexicon-grammar.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

En grammaire française, le verbe, le nom, la préposition, l'adverbe et l'adjectif qualificatif font partie des têtes lexicales. En effet, ils sont dotés d'un contenu notionnel. En tant que constituant, l'adjectif qualificatif est généralement un adjoint dans la phrase. Selon Riegel et al. (2014 : 598), les adjectifs qualificatifs dépendent d'un autre terme de la phrase, généralement nominal ou pronominal, et leur fonction se définit selon la manière dont ils sont mis en relation avec cet élément. Au plan syntaxique, l'adjectif qualificatif peut être fourni en expansions ou en compléments. Un adjectif qualificatif peut ainsi régir des syntagmes prépositionnels, des adverbes, des infinitifs ou des subordonnées complétives. Étant donné que le mot complétive possède de nombreuses acceptions dans le métalangage linguistique, il convient de préciser dans quel sens nous l'emploierons dans ce travail.

La notion de complétive a un sens variant selon les grammaires. Comme le font remarquer Wagner et Pinchon (1972 : 559),

cette dénomination est employée de diverses façons par les grammairiens : certains l'appliquent à toutes les propositions qu'elles soient sujet, attribut, objet, complément circonstanciel ou qu'il s'agisse de propositions relatives [...], d'autres la réservent aux propositions qui jouent le rôle de sujet, d'objet, ou d'attribut (les conjonctives par que, les interrogatives indirectes, les infinitives).

En d'autres termes, il n'existe pas de consensus, les considérations heuristiques sont fluctuantes. Elles dépendent de chaque grammairien et des analyses menées. La même remarque est formulée par Riegel et al. (2014 : 823) en ces termes :

les propositions complétives sont des propositions qui se substituent, dans certains cas déterminés et selon certaines règles précises, à des groupes nominaux (GN) constituants du groupe verbal (GV), ou plus rarement au GN sujet, voire à des GN compléments de noms et d'adjectifs. On remarquera donc que toutes les complétives ne sont pas des compléments du verbe, pas plus que toutes les propositions subordonnées compléments ne sont des complétives : les deux termes ne sont pas synonymes.

Pour Wagner et Pinchon, les subordonnées sujets sont exclues de la dénomination de complétive alors qu'elles y sont incluses chez Riegel et al. Le présent travail adopte ce dernier point de vue, selon lequel les complétives constituent un grand ensemble qui intègre d'un côté les complétives introduites par que ou propositions conjonctives ; les infinitifs qui

ont pour fonction de compléter le verbe ; et enfin les propositions interrogatives indirectes voire les exclamatives. Le travail portera non pas sur toutes ces complétives, mais exclusivement sur la proposition conjonctive complétive. Par complétive, il faudra entendre une subordonnée introduite par que, conjonction de subordination. Elle est encore appelée « conjonctive pure » par Soutet.

En introduisant une complétive, l'adjectif qualificatif devient un terme opérateur. Pour Maingueneau (1999 : 100), les termes opérateurs sont des mots qui appellent une complétive ou un infinitif. Dans les énoncés ci-dessous, les adjectifs heureux, fiers et agréable sont donc des adjectifs à complément phrastique.

1.a. Mon père est heureux que son épouse soit de retour.

1.b. Les camerounais ont envahi les rues, tapant des casseroles, fiers qu'ils étaient d'avoir remporté la CAN.

1.c. Il est agréable que des frères demeurent dans l'harmonie.

Dans ces constructions opératrices, la complétive est un complément de l'adjectif recteur dont elle constitue un apport en information. Elle peut aussi être un sujet extraposé de la copule être.

La structure complétive adjectivale permet de relever trois faits. D'une part, elle est généralement actualisée dans une phrase attributive. Les unités verbales desdites phrases tournent donc toujours autour du verbe être et ses succédanées ou alors des verbes dits occasionnellement attributifs.

D'autre part, tous les adjectifs ne sont pas susceptibles d'y apparaître. Les adjectifs qualificatifs y apparaîssant semblent sélectionnés sur la base de la possibilité des structures syntaxiques données et, dans une certaine mesure, sur la base de leur profil sémantique. De ce point de vue, plusieurs classes ou sous-catégories d'adjectifs qualificatifs sont exclues. Par exemple, dans les énoncés 2.a et 2.b ci-dessous, les adjectifs qualificatifs immense et large, exprimant la proportion ou la dimension, ne peuvent pas régir la complétive. De même en 2.c et 2.d, l'adjectif qualificatif rouge, marquant la couleur, est exclu du rôle de régissant de la complétive.

2.a. * Il est immense que...

2.b. *La fenêtre est large que l'enfant entre

2.c. La pomme rouge que mes dents croquent

2.d. *Le sol est rouge que je cultive

En 2.a, 2.b et 2.d, les énoncés sont agrammaticaux. En 2.c par contre, la suite Que P est la réalisation non pas d'une complétive, mais d'une relative adjective dépendant du GN la pomme.

En troisième lieu, la construction à complétive adjectivale permet de s'interroger sur le statut du lien entre l'adjectif introducteur de la complétive et de l'unité verbale qui le précède. Ils donnent l'impression d'être disjoints. Voilà pourquoi l'adjectif est souvent analysé comme attribut du sujet ou de l'objet. Mais, à y regarder de près, les deux paraissent intriqués. Le postulat de leur disjonctif et de leur autonomie respective semble sujet à caution.

C'est au regard des constats effectués ci-dessus qu'est née l'idée d'une étude sur la complétive de l'adjectif. Dans un tarvail antérieur, Anyou Elanga (2018) a relevé, modestement à la suite de Riegel et al. (2014), de Pierrard (1979), de Dubois et Dubois-Charlier (1997) et de Boone (1996 et 2002), que ce ne sont pas tous les verbes qui introduisent des complétives. Seules certaines catégories morphosémantiques le font. Il a proposé, sans toutefois l'explorer, la même hypothèse pour l'adjectif qualificatif introducteur de la subordonnée complétive. C'est donc cette hypothèse qui ouvre les voies de la présente recherche. D'où le sujet intitulé Lexique-grammaire et complétive de l'adjectif.

Ce travail voudrait présenter le fonctionnement de la complétive adjectivale. Il a pour enjeu la mise en lumière des propriétés syntaxiques des structures dans lesquelles la complétive adjectivale est actualisée. Autrement dit, son intérêt majeur est la mise en lumière des structures de la complétive adjectivale, leur fonctionnement morphosyntaxique et les transformations auxquelles elles peuvent donner lieu. Dans la mesure du possible, il tente de clarifier le statut de la relation V+Adj dans la construction analysée.

Comme il vient d'être dit, ce ne sont pas tous les adjectifs qualificatifs qui apparaissent dans la structure attributive à complétive adjectivale. Pour une saisie complète du fonctionnement de cette classe de conjonctives complétives, une étude devrait non seulement mettre en lumière les constructions de cette complétive, mais aussi les contraintes de rection et les transformations de la conjonctive pure régie par l'adjectif.

Dès lors, pour une description grammaticale satisfaisante, quelles sont les structures de la complétive adjectivale et comment fonctionnent-elles aux plans syntaxique, distributionnel et transformationnel ?

Pour mieux être saisie et déployée, cette question centrale en appelle plusieurs autres. Comment la classe de l'adjectif qualificatif fonctionne-t-elle sur le plan morphosyntaxique ?

La complétive de l'adjectif fait partie des complétives non-verbales au même titre que la complétive du nom et la complétive de l'adverbe. On est par conséquent en droit de

Bien que redevable de son appareillage théorique à Zillig Harris d'après Laporte (1999 :3), le lexique-grammaire est une théorie linguistique et une méthode d'analyse de la

s'interroger sur leur configuration. De ce fait, les complétives non-verbales ont-elles des traits qui les discriminent de la complétive du verbe ?

Qu'est-ce qui caractérise la complétive de l'adjectif au plans syntaxique, structurel et transformationnel ?

En outre, dans la structure V+Adj+ Que P, la complétive dépend-elle exclusivement de l'adjectif qualificatif ou concomitamment du verbe et de l'adjectif ? Et dans cette suite, l'adjectif et le verbe sont-ils liés ou au contraire syntaxiquement indépendants l'un de l'autre ?

En guise d'hypothèse centrale, nous posons que les structures de la complétive adjectivale ont des propriétés morphosyntaxiques, distributionnelles et transformationnelles. Ces dernières conditionnent leur complémentation. Elles sont par ailleurs analogues aux autres complétives non-verbales sur certains aspects.

En hypothèses secondaires, notons d'abord que la classe de l'adjectif qualificatif, parce qu'elle est d'apparition récente en grammaire française selon Marquez (1998) et Lemaréchal (1992), présenterait encore des contours flous et se caractériserait par une hétérogénéité.

Nous pensons ensuite que contrairement à la complétive du verbe, les complétives non-verbales seraient des constituants intrasyntagmatiques non-essentiels dans certains contextes.

En outre, dans la construction V+Adj+ Que P, V+Adj formerit un tout, un prédicat complexe si V est exprimé par la copule être et ses succédanées sembler, reste, demeurer, etc. Dans ce cas, la complétive dépendra du nucléus formé par V+Adj. Par contre si V est syntaxiquement exprimé par un verbe occasionnellement attributif, le lien entre V et Adj semble relâché et tendrait vers une autonomie et chacun. Conséquemment, Que P serait le subordonné exclusif d'Adj.

La caractérisation syntaxique de l'adjectif et de la complétive qui en dépend est au coeur de notre entreprise. Et, pour sous-tendre nos démonstrations, nous avons convoqué le lexique-grammaire comme théorie de référence. Le lexique-grammaire est un modèle formel, une théorie syntaxique de nature transformationnelle.

langue qui doit son existence à Maurice Gross et son LADL (Laboratoire automatique documentaire linguistique). En effet, selon Vivès (1985 : 49),

un lexique-grammaire est une description des propriétés syntaxiques, distributionnelles et transformationnelles de certains items lexicaux (verbes, noms, adjectifs) dans les phrases simples d'une langue, c'est-à-dire celles dont la forme générale est sujet+verbe+ (compléments). Les descriptions sont présentées sous-forme de matrices binaires traitées informatiquement : l'axe horizontal correspond à l'entrée lexicale décrite (un verbe, un adjectif, un nom) et l'axe vertical à une phrase. La matrice indique par les signes « + » ou « - » si l'entrée lexicale peut se réaliser dans telle ou telle construction.

On comprend que le lexique-grammaire procède à l'étude de la distribution des unités lexicales prédicatives au double plan syntaxique et sémantique. Voilà pourquoi Amr Helmy (2003 :102) affirme que dans un lexique-grammaire, la sémantique est indissociable des mécanismes formels de la grammaire à travers lesquels se construit la prédication.

Pour mieux appréhender cette théorie, nous retiendrons le résumé que nous donne Laporte (1999 : 3-6). Pour cet auteur, on peut résumer le lexique-grammaire en trois points essentiels. Ladite théorie considère la phrase simple comme unité minimale d'étude du sens, parce que cette dernière déclenche systématiquement une intuition de sens et de jugement d'acceptabilité. En second lieu, ces phrases peuvent être formalisées de manière algébrique suivant le modèle N0 être propre. Cette suite montre que chaque schéma de phrase simple comporte un élément lexicalement spécifié, et qui en principe a un caractère prédicatif ; un, ou plusieurs actants ou argument peuvent s'y ajouter. Enfin, le lexique-grammaire est une théorie transformationnelle. Un schéma donné peut en effet produire d'autres par diverses transformations.

Contrairement à d'autres théories linguistiques centrées sur la prédominance du verbe ou celle du substantif, le lexique grammaire fait la part belle à toutes les têtes grammaticales. On peut dès lors comprendre Laporte (op. cit.) qui affirme :

L'élément central, en principe prédicatif d'un schéma de P, n'est pas forcément un verbe, mais comporte généralement une partie conjugable, par exemple le verbe être. Lorsque cette partie conjugable est un mot grammatical dont l'apport sémantique est limité, comme être, elle est qualifiée de support.

Le lexique grammaire-grammaire a aussi la particularité de concevoir la phrase comme un tissu de relations. Les principales relations intraphrastiques utilisées par la méthode du lexique-grammaire sont les relations de prédicat à argument. Les constituants

sont examinés les uns dans leur dépendance avec les autres. En réalité, comme le pense De Goia (2015 : 5),

en lexique-grammaire, on n'examine pas un verbe séparément du sujet ou de ses compléments éventuels, car aucune donnée linguistique n'est étrangère au contexte phraséologique où elle fonctionne : aucun mot de la langue n'a d'autonomie syntactico-sémantique, autrement dit, tout mot entre dans une phrase élémentaire

Le lexique-grammaire permet d'analyser différentes structures de phrases simples et de les classer. En rapport avec notre sujet, elle offre un double avantage. D'une part, elle autorise le traitement concomitant des structures au double plan syntaxique et sémantique. Précisons néanmoins que l'utilisation du plan sémantique dans la méthode du lexique-grammaire consiste surtout à être attentif aux différences de sens entre des phrases très voisines, par exemple, l'actif et le passif. Mais dans les résultats, les traits sémantiques sont peu formalisés. Ce faisant, elle aide à pallier l'éclectisme et à donner une constance méthodologique au travail. D'autre part, c'est une théorie d'un accès facile au plan formel et métalinguistique. Laporte (Op. cit. :7) pour ce faire que

le lexique-grammaire est a suffisamment de simplicité formelle et de netteté pour qu'on ait envisagé de construire des grammaires formelles, c'est-à-dire des grammaires dont le contenu informatif atteint celui requis en mathématiques ou en informatique. Le lexique-grammaire a une grande retenue dans la création de métalangage.

En dépit des avantages sus-relevés, il faut apporter une nuance relativement à la notion de phrase simple. Le lexique-grammaire utilise ce terme dans le sens de « phrase élémentaire ». Or, si la phrase élémentaire comporte des arguments phrastiques, ne devient-elle pas de fait une phrase complexe ?

Pour les lexicogrammairiens, la phrase simple est l'unité de base de l'analyse de la langue. De notre point de vue, on peut aussi analyser la phrase complexe à l'aune de cette théorie. La phrase complexe est aussi une phrase élémentaire. L'opposition traditionnelle entre phrase simple et phrase complexe est neutralisée.

Qu'elle soit simple ou complexe, la phrase a le même schéma structurant. Définissant par exemple la phrase complexe, Riegel et al. (2014 : 780) déclarent :

syntaxiquement, une phrase est complexe si elle possède globalement les attributs définitoires de la phrase [...] Elle comprend un constituant qui, ayant lui-même la structure d'une phrase (P?GN+GV), se trouve ainsi être en relation de dépendance ou d'association avec une autre structure de phrase.

Le constituant dont il est question dans le deuxième membre de cette définition est la traditionnelle proposition qui est, non plus un élément d'apparente autonomie et coupé de la réalité phrastique, mais un constituant inséré dans le schéma d'une phrase. La proposition est sentie soit comme un syntagme majeur de la phrase, soit comme un subordonné de l'un des syntagmes du schéma structurateur de la phrase. Elle est un membre enchâssé. Par conséquent, phrase simple = phrase complexe = SNO + V+ X, quel que soit le degré de complexification de l'énoncé. Nous aurons donc toujours un prédicat possédant un schéma d'actants. La complétive de l'adjectif sera une expansion du prédicat adjectival.

La syntaxe transformationnelle est une grammaire formelle issue du structuralisme qui, selon Dubois (1969 :7),

se donne pour tâche la description des règles qui constituent la langue. Il s'agit [...] de définir par la seule combinatoire interne un système abstrait, commun à l'ensemble des locuteurs et qui se réalise dans de multiples variantes individuelles, dans des actualisations infinies, mais qui, toutes, sont des manifestations d'une même structure.

Il y a plusieurs variantes de la syntaxe transformationnelle. La première, due à Zellig Harris, conserve les méthodes structuralistes et distributionalistes. Celle de Noam Chomsky, venue après, rejette ces méthodes au profit de l'intuition directe, c'est-à-dire la grammaire générative. Enfin, le lexique-grammaire, venu en troisième lieu, utilise systématiquement les méthodes structuralistes et distributionalistes. Nous exploiterons la dernière variante, le lexique-grammaire. Selon Dubois (1969 : 13-14),

tout sujet parlant une langue porte sur les phrases produites des jugements de grammaticalité ; en d'autres termes, il considère certaines phrases comme appartenant à la langue et il en rejette d'autres [...] Toute grammaire doit non seulement engendrer, c'est-à-dire expliciter toutes les phrases d'une langue, mais aussi ne pas engendrer les phrases jugées agrammaticales et fournir les éléments essentiels qui permettent de classer les phrases selon les degrés de grammaticalité.

La notion de grammaticalité est déjà présente chez Harris, avec un autre terme : acceptabilité au lieu de grammaticalité. Mais le concept est en réalité pratiquement le même. Dans notre l'analyse, nous utiliserons plus la notion de transformation et les opérations linguistiques. La manipulation de la phrase s'effectue par une série d'opérations. Pour Feuillard (2003 : 32), ce sont des procédures d'analyse explicites et objectives qui permettent de saisir le fonctionnement d'un élément et de faire ressortir ses propriétés. Relevons néanmoins qu'il y a une part d'objectivité dans l'application des opérations, mais il y a forcément une part de subjectivité dans l'appréciation de l'acceptabilité des formes

obtenues, et dans l'appréciation de la différence de sens qui accompagne l'application des opérations. Entre autres tests, nous emploierons la commutation, la pronominalisation, la permutation, le déplacement, la coordination, et l'effacement. À celles-là, on peut ajouter, selon Riegel (1984 :34-36), la transformation passive, l'extraction, l'interrogation. Appliquées aux énoncées, elles permettront de juger de leur grammaticalité et de leur acceptabilité. Relevons avec Feuillard (2003 :45) que ces

procédures sont à la fois solidaires et complémentaires, mais aucune d'elle n'a de valeur absolue : elles peuvent au sein d'une langue, concerner différents phénomènes et ne sont jamais applicables à tous les cas, d'où la nécessité de recourir à plusieurs d'entre elles, sans que cela n'entraîne un manque d'homogénéité.

En d'autres termes, pour plus de fiabilité dans les analyses, il faudrait capitaliser concomitamment diverses opérations.

Toutefois, contrairement à Dubois (1969 :16) qui pense que les transformations n'impliquent aucune addition ou modification de sens, nous envisageons des extensions et restrictions de sens. C'est un élément essentiel de la méthode du lexique grammaire. Gross (1975) l'a appelé une différence sémantique minimale. Dès lors qu'une phrase est transformée, elle n'est plus tout à fait la même. De ce fait, une phrase dotée d'une complétive adjectivale ne peut avoir la même interprétation qu'une transformation de son schéma en unipersonnel, au passif, etc. Pour un même prédicat adjectival, deux syntactifications dotées de deux modes, de deux prépositions ou d'une nominalisation ne peuvent avoir le même sens.

Les démonstrations de notre travail sont sous-tendues par un corpus de 380 énoncés comportant des complétives adjectivales en majorité et des complétives du nom et de l'adverbe pour des besoins de comparaison. Une des critiques qui pourrait peser sur ce corpus est son économie. À ce sujet, notre propos est, non pas d'étudier tous les adjectifs qualificatifs à complément phrastique du français chacun pris dans sa singularité, mais de ressortir les structures des complétives qui s'y trouvent et de décrire leur fonctionnement syntaxique et, dans la mesure du possibles les traits définitoires. Notre corpus se veut plus représentatif qu'exhaustif. En cela, il aurait été inabordable de les embrasser tous au risque de donner des descriptions ramassées. Il n'est donc pas question d'une étude statistiquement quantitative, mais qualitative. La présente étude est un tremplin, il s'agit des prolégomènes en vue de l'établissement d'un lexique-grammaire des adjectifs qualificatifs intégrant la complétive de l'adjectif.

Les énoncés ont manuellement été collectés dans un hebdomadaire français, Le Point et dans des romans. Ce sont Le vieux nègre et la médaille de Ferdinand Oyono, Ville cruelle d'Eza Boto, Les soleils des indépendances de Kourouma, Trop de soleil tue l'amour de Mongo Beti, et Le Procès de Kafka. L'hétérogénéité de ce corpus peut être jugée préjudiciable pour certains.

Nous pensons que, pour une étude qui vise une langue et non un style ou un genre littéraire, la diversité du corpus est un atout. Le corpus est en effet collecté dans des textes appartenant à des registres variés. Une fois encore, nous cherchions un matériau linguistique sur lequel faire reposer les analyses. Du moment où l'énoncé analysé est en langue française et que sa structure et sens sont correctes, peu importe la source. L'enjeu de notre corpus réside moins sur la source de l'occurrence que sur le statut grammatical de l'énoncé à analyser. Les occurrences sont des phrases complexes comportant une complétive liée à un adjectif qualificatif. Les adjectifs et leurs complétives ainsi relevés serviront d'illustrations à nos propos au fil des chapitres.

Le travail suit une progression en deux parties équilibrées de deux chapitres chacune. La première partie est centrée sur l'adjectif qualificatif. Les fondements de cette notion et son fonctionnement sont mis en lumière. Le premier chapitre, intitulé Historique de la notion de l'adjectif, dressera une histoire de la notion d'adjectif qualificatif en grammaire traditionnelle et en linguistique structurale. Les éléments constitutifs de cette classe syntaxique et son fonctionnement morphosyntaxique seront mis en exergue.

Le deuxième chapitre, consécutif au premier, traite de la typologie et de la complémentation des adjectifs en français.

La deuxième partie du travail est constituée des chapitres trois et quatre. Elle analyse la notion de complétive. Le troisième chapitre fait une étude différentielle et contrastive des complétives non-verbales. Intitulé Les complétives non-verbales : essai de syntaxe, ce chapitre compare les complétives du nom, celle de l'adverbe et celle de l'adjectif qualificatif du point de vue syntaxique et sémantique. Il sera question de voir ce qui leur est commun et ce qui peut les discriminer. En d'autres termes, on posera la problématique des traits inhérents à chaque structure de complétive non-verbale tout en testant l'hypothèse d'une certaine harmonie entre elles.

Le quatrième chapitre procède à une analyse des complétives adjectivales. Tel que l'annonce son titre, La complétive adjectivale : description morphosyntaxique et sémantique, ce chapitre dira présente les constructions de la complétive adjectivale, leurs propriétés transformationnelles et distributionnelles.

DIACHRONIE DE L'ADJECTIF EN FRANÇAIS

PREMIÈRE PARTIE

Les langues du monde s'organisent toutes en parties du discours. Selon Arrivé et al. (1986 :237),

l'expression « parties du discours » est la traduction littérale de l'expression latine correspondante « partes orationis », où « partes » serait plus exactement traduit par « éléments » et « orationis » par de la langue.

Les parties du discours sont des classes de mots. Ces dernières présentent un ensemble de caractéristiques discriminatoires les distinguant les unes des autres. La nomenclature grammaticale héritée du latin permet de distinguer neuf termes : le nom, le verbe, le pronom, l'article, la préposition, l'adverbe, la conjonction, l'interjection et l'adjectif.

En tant que partie du discours, l'adjectif n'existe pas dans toutes les langues et son occurrence n'y a pas la même longévité. D'après Lemaréchal (1992 : 223), l'adjectif qualificatif, en tant que catégorie linguistique, n'est pas universel : toutes les langues ne possèdent pas de partie du discours « adjectif ». Marquez (1998 :87) ajoute qu'à la différence des catégories des noms et des verbes, l'adjectif est une « partie du discours d'apparition récente dans la tradition occidentale. Contrairement aux autres classes de mots, l'apparition récente de l'adjectif implique qu'il soit un élément de la phrase dont la systématique n'est pas clairement définie.

D'une part, au plan étymologique, l'adjectif est tout mot qui s'ajoute au nom pour compléter sa référence ou pour le spécifier. En ce sens, les adjectifs sont les expansions du nom. Il s'agit des expansions de gauche et de celles de droite. En d'autres termes, l'adjectif désigne non seulement les actualisateurs ou spécifieurs du nom, mais aussi les complémenteurs.

D'autre part, et consécutivement à ce qui précède, la classe de l'adjectif contient des éléments hétérogènes quant à leur forme et à leur fonctionnement syntaxique. Les classifications qui en sont données ne permettent pas de saisir tous les contours de cet élément. Elles montrent qu'il y a adjectif et adjectif. Voilà pourquoi le terme adjectif est généralement suivi d'une expansion qualifiante à l'exemple d'adjectif qualificatif, d'adjectif déterminatif, ou d'adjectif numéral, etc. La tâche centrale de la présente partie est de donner

une description de l'adjectif qualificatif. Pour y parvenir, l'on isole l'adjectif qualificatif dans la classe de l'adjectif et l'on procède à une synthèse des travaux qui lui ont été consacrés.

Ainsi, nous nous interrogeons sur les propriétés linguistiques de l'adjectif qualificatif. En retraçant l'historique de ladite notion, nous nous demandons comment les grammaires françaises appréhendent cet élément. Quels sont les ensembles constitutifs de la classe et leurs traits définitoires ? Quelles sont les expansions de l'adjectif qualificatif à droite et les paradigmes qui en découlent ? Les lignes qui suivent présentent d'abord l'historique de la notion d'adjectif qualificatif dans les grammaires françaises. Elles donnent ensuite une typologie des adjectifs qualificatifs et leurs traits définitoires, avant de s'appesantir enfin sur la complémentation des adjectifs en français.

CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE DE LA NOTION DE
L'ADJECTIF

Les notions grammaticales connues aujourd'hui tirent leur source dans une longue tradition qui remonte parfois à l'Antiquité. En effet, la plupart des constituants et des fonctions grammaticales existantes ont été conceptualisées dans les périodes antérieures. Il en est ainsi du nom, de l'adverbe, du verbe, de la proposition, de l'attribut, du complément d'objet, etc. Aussi est-il important d'avoir recours aux théories ayant eu cours à ces différentes époques pour mieux saisir les faits modernes. Car, le discours grammatical passé et ses fondements peuvent déteindre sur les analyses actuelles. En linguistique, rien n'est isolé. Les ères d'étude se caractérisent par la continuité, les ruptures et les redécouvertes.

La notion de l'adjectif telle que nous la connaissons aujourd'hui a ainsi connu une évolution. Pour mieux la déployer dans le travail, il importe de (re) découvrir ses fondements et son analyse au fils du temps en grammaire. Il s'agit d'un travail diachronique. Selon Dubois et al. (1973 : 148), on caractérise de diachroniques des études, des recherches, une linguistique, dans la mesure où elles ont comme point de vue la diachronie, c'est-à-dire l'évolution des faits linguistiques.

De ce fait, le présent chapitre voudrait répondre à trois questions. D'une part, comment l'étude grammaticale des parties du discours a-t-elle été faite par les Anciens et quelle place y occupe l'adjectif ? Quelle évolution y a-t-il dans la saisie de cette espèce de mot au gré du temps ? Enfin, quels sont les propriétés de l'adjectif qui découlent de ces présentations ? L'analyse suit une progression bipartite. La première partie revient sur les fondements logico-sémantiques de l'adjectif. Elle passe en revue les développements grammaticaux de l'Antiquité jusqu'à Port-Royal et leurs retombées relativement à la saisie de l'adjectif en grammaire classique. La deuxième articulation quant à elle est consacrée à l'étude de l'adjectif en grammaire structurale.

1. LES FONDEMENTS LOGICO-SÉMANTIQUES DE L'ADJECTIF

Pour mieux comprendre la notion de l'adjectif de nos jours, il est nécessaire de retourner à l'activité grammaticale des siècles antérieurs. Son fonctionnement et plusieurs de ses propriétés y tirent leurs sources. En effet, selon Piron (2008 :1) en suivant ainsi les

méandres de la réflexion grammaticale sur la langue française, nous pourrons mieux comprendre l'origine des nomenclatures modernes, en particulier celle de la grammaire dite traditionnelle. Conséquemment, majoritairement historique, cette section du travail interroge l'activité sur le langage des anciens. Elle met par ailleurs en lumière la place de Port-Royal dans les études grammaticales et ses retombées dans les siècles de grammaire scolaire qui s'en suivent.

1.1. Le langage et les langues chez les Anciens : une réflexion extra ou périlinguistique

La grammaire, les débats sur le langage et les langues du monde existent depuis l'Antiquité. Mais, contrairement à leur orientation de nos jours, ils ont des préoccupations étrangères au fonctionnement interne de la langue. La problématique de la langue et du langage est liée au droit, à la politique, à la religion, à la pédagogie, à la logique et à la philosophie.

La période allant de l'Antiquité au XVIIe siècle a une réflexion dense sur le langage. Le cadre restreint de la présente étude ne saurait en faire un développement complet. Nous en donnons un aperçu succinct. Nous tirons profit des développements de Paveau et Sarfati (2003).

De l'Antiquité aux Lumières, la réflexion linguistique est secondaire et subsidiaire. Les philosophes et les légistes pratiquent l'étymologie sous sa forme embryonnaire en vue de la définition des mots et de la légitimation de leurs disciplines. Les philosophes animent un débat sur l'origine, le sens des mots et leur capacité à référer à la réalité pendant plusieurs siècles. La querelle entre Aristote et Platon est liée à l'origine des mots. Les deux philosophes se demandent en fait si le langage humain émane de la nature ou de la convention. Le Cratyle de Platon permet de mettre ne lumière les débats de cette époque. Platon soutient la thèse de la justesse naturelle des mots. Aristote par contre penche pour la thèse conventionnelle. La réflexion tourne donc globalement autour de l'articulation entre la pensée et le discours. Aristote oriente la réflexion dans une dimension plus empirique. Il propose de ce fait le premier découpage de langue en partie du discours.

Denys le Thrace est un auteur majeur de cette vaine. C'est lui qui, dans sa Tékhné gramatiké, propose un classement de huit parties du discours. Il recense le nom, le verbe, le participe, l'article, le pronom, la préposition, l'adverbe et la conjonction. On peut y lire la préfiguration de la nomenclature actuelle.

L'époque médiévale est dominée par le latin et les langues vernaculaires en France. L'Eglise impose et vulgarise l'usage du latin. Ce dernier doit servir à l'analyse de la Vulgate. Néanmoins, deux noms retiennent l'attention : Donat et Priscien. Contrairement aux autres grammairiens et pédagogues de l'époque, fascinés par le latin, ces deux auteurs préconisent l'usage des langues vernaculaires. Ils en esquissent des descriptions. Les débats liés à la langue, à son fonctionnement et à son usage restent sommeillant jusqu'aux XVIè et XVIIè siècles avec l'érection de Port-Royal.

1.2. Port-Royal : tournant décisif dans l'étude de l'adjectif

Pour bien appréhender la place de port royal en grammaire et relativement à l'étude de l'adjectif, il est nécessaire de présenter son soubassement théorique et la place de l'adjectif dans cette tendance grammaticale.

1.2.1. Port-Royal : logique, philosophie et universaux du langage en soubassement

Le XVIè et le XVIIè siècles constituent le classicisme de la grammaire. C'est à cette période que se développe une activité grammaticale plus orientée vers le fonctionnement interne de la langue. Sans être les seules, les petites écoles de Port-Royal sont les plus en vue. En réalité, à en croire Piron (2008 :1),

Le milieu intellectuel de l'époque classique marquera la réflexion grammaticale de deux tendances, l'une orientée vers la norme linguistique et une vision hiérarchisée de la société, l'autre vers un raisonnement philosophique sur la langue. Ces tendances trouvent leurs racines dans les réflexions tenues au cours des siècles passés (réflexions qui remontent jusqu'à l'Antiquité), mais s'enracinent également dans les pratiques pédagogiques qui ont cours au XVII siècle (notamment dans les petites écoles de Port-Royal).

La tendance normative commet plus des ouvrages pédagogiques et prescriptifs. Ils s'occupent du bien parler et du bien écrire. Les ouvrages marquants de cette époque sont la Grammaire et syntaxe francoise de Maupas (1607), la Grammaire Francoise Rapportee av Langage dv Temps d'Oudin (1632), les Remarqves sur la langve françoise de Vaugelas (1647), l'Essay d'une parfaite grammaire de la langue françoise de Chiflet (1659). Ces grammaires prônent le bel usage et l'idéal du parfait gentilhomme. Vaugelas exacerbe cette tendance du bon usage dans ses remarques.

La tendance philosophique quant à elle est représentée par Arnaud et Lancelot. Le Manifeste de leur réflexion est La grammaire générale et raisonnée. On se demande en quoi consiste leur réflexion, leur perception de l'adjectif et quelles sont leurs retombées.

Ainsi, dès le XVIIè siècle se trouve déjà posé la problématique labile de l'accord du participe et celui de l'indentification de sa classe syntaxique. Les auteurs suggèrent un

La réflexion d'Arnaud et Lancelot est d'essence philosophique et logique. C'est ce qui justifie le nom de grammaire raisonnée, à savoir une réflexion et une description de la langue à partir des principes logiques. Même s'ils travaillent sur la langue françoise, ils scrutent les principes communs à toutes les langues. Ils esquissent une classification des parties de la langue. L'adjectif en fait partie.

1.2.2. L'adjectifs au sein des noms à Port-Royal

Dans la grammaire raisonnée, l'adjectif est étudié dans la classe du nom. En effet, selon Arnaud et Lancelot, la classe du nom est un vaste ensemble. Il faut y distinguer les noms substantifs et les noms adjectifs.

Pour Arnaud et Lancelot (1660 : 119-126), les noms substantifs comprennent des noms communs et des noms propres. Ces mots portent sur des objets de nos pensées et sur leurs caractéristiques. Les objets représentent des substances. Elles peuvent subsister, c'est-à-dire exister seules. Exemple : table, chaise, terre.

Pour ces auteurs, au contraire,

un nom adjectif ne représente qu'une caractéristique (un accident, selon la terminologie de l'époque). Un tel mot ne peut exister seul dans le discours ; il doit s'adjoindre à un autre mot, d'où la dénomination de nom adjectif. En effet, des mots comme gentil ou intéressant ne trouvent leur sens que lorsqu'ils accompagnent un nom substantif, qu'ils permettent de préciser.

L'adjectif se définit par rapport au substantif. Il aide à lui donner un contenu référentiel clair. Même si la grammaire raisonnée aborde l'adjectif, la configuration de cette classe et ses propriétés paraissent flous. Une question moderne comme celle du participe s'y trouve néanmoins soulevée.

En tant que catégorie de la langue, le participe se trouve au confluent de plusieurs problèmes grammaticaux. Il pose la question de sa définition catégorielle, c'est-à-dire de sa classe syntaxique, celui de l'accord et des fonctions. Cette forme partage les traits du verbe, du nom et de l'adjectif. Arnaud et Lancelot en font une partie du discours à part entière. Parlant de l'accord du participe, Arnaud et Lancelot (1660 : 126) estiment que ce dernier s'accorde avec le relatif ou le nom substantif auquel il est lié.

accord du participe, et par extension des adjectifs, sur le modèle du nom substantif. Que peut-on retenir de Port-Royal au plan théorique et de l'analyse de l'adjectif ?

Pour Piron (2008 : 9)

L'apport majeur de la grammaire d'Arnauld et Lancelot réside dans la transposition de concepts philosophiques et logiques à la réflexion linguistique. Les mots, d'une part, sont scindés en deux supracatégories : dans l'une, ils renvoient aux « objets des pensées » (nom, article, pronom, participe, préposition et adverbe) ; dans l'autre, ils renvoient à « la forme & la manière de nos pensées » (verbe, conjonction et interjection) (Arnauld et Lancelot, 1660, p. 30). D'autre part, les auteurs posent comme postulat d'analyse linguistique les trois opérations de l'esprit que sont le fait de concevoir, de juger et de raisonner. Parmi elles, l'opération centrale est celle du jugement, exprimée au moyen du verbe. Juger consiste à « affirmer qu'une chose que nous concevons est telle ou n'est pas telle » (Arnauld et Lancelot, 1660, p. 28.).

En d'autres termes, la grammaire raisonnée augure l'analyse grammaticale et l'analyse logique. Elle préfigure déjà la plupart des fonctions des mots au sein de la phrase. Elle a corrélé la pensée à la langue et estime que parler une langue c'est émettre des jugements. Les jugements en question sont sous-tendus par des verbes. Or, les verbes véhiculent des propositions, dont chaque phrase correspond à une proposition.

L'adjectif est intriqué au nom. La distinction entre adjectif qualificatif et adjectif déterminatif n'est pas encore esquissée. Les propriétés de la classe et ses différentes ramifications ne sont pas encore connues.

Or, Selon WIGGERS (1997 : 263)

l'histoire de la pensée linguistique est faite non d'une accumulation longitudinale de savoirs exploités en continuité, mais d'une combinaison d'apports latéraux et de superpositions, qui ne se recouvrent jamais parfaitement, et qui véhiculent des contenus doctrinaux souvent disparates. Mais la pensée linguistique retrouve une unité dans la mémoire qu'elle s'est constituée de ces méandres et de ces interstices : mémoire sélective, et dont certaines parties ne sont guère activées à telle ou telle époque, mais une mémoire qui a modelé notre conception du langage, et notre idée de la façon/des façons dont on peut l'étudier.

Les développements de Port-Royal auront un rayonnement séculaire. Ils vont influencer toute la grammaire classique et les ouvrages scolaires. La perception de l'adjectif n'est pas en reste.

1.3. Port-Royal et grammaire traditionnelle : une perception identique de l'adjectif

Les positions d'Arnaud et Lancelot ont influencé les trois siècles qui les suivent. Elles se sont d'avantage senties dans les grammaires scolaires. Elles ont presque toutes la même option : l'adjectif est généralement rattaché au nom dans la plupart des présentations et des études qui lui sont consacrées. En effet, selon Riegel et al. (2014 :601),

au plan étymologique, adjectif vient du latin adjectivus et renvoie à ce qui s'ajoute au substantif, en fait tous les mots qui s'accordent avec le nom à l'intérieur du GN. Ces éléments censés « déterminer » chacun à sa façon le pivot nominal comprennent les expansions facultatives du nom que sont les adjectifs qualificatifs et relationnel ; mais aussi les déterminants.

En d'autres termes, par adjectif, il faut entendre tout adjoint du nom. Les mots en gras des énoncés ci-après sont des adjectifs, car ils s'ajoutent aux noms.

1.a. Meka était en avance sur le « bonjour du Seigneur », le premier rayon de soleil qui lui tombait habituellement dans la narine gauche, en s'infiltrant par l'un des trous du toit de raphia pourri et criblé de ciel (VNM :9)

1.b. Son corps long et maigre évoquait ces gigantesques serpents tout noirs que les femmes rencontrent parfois (VC : 7-8)

1.c. Ainsi rendons-nous la politique responsable de tous les désordres publics qui agitent la société (LP 05/04/02 :3)

Bien qu'hétérogènes dans leur substance et du point de vue de leur fonctionnement, tous ces éléments en gras participent à l'actualisation et à la référence du nom. Ils rentrent tous dans deux notions associées au nom : la détermination et la qualification. Il importe de les clarifier.

1.3.1. Détermination et qualification : paradigmes organisateurs de la classe de l'adjectif

La détermination et la caractérisation sont deux principes organisateurs de la classe de l'adjectif à partir de sa définition étymologique émise ci-dessus. Selon Dubois et al. (1973 :146), on appelle détermination la fonction assurée par la classe des déterminants et consistant à actualiser le nom, c'est-à-dire à lui donner la propriété de nom défini ou indéfini. Cette première notion permet donc d'isoler les adjectifs déterminatifs. Ces derniers comprennent outre les articles, les autres mots qui inscrivent le nom dans le discours. Les mots mis en exergue ci-dessous sont donc des adjectifs déterminatifs.

1.a'. Meka était en avance sur le « bonjour du Seigneur », le premier rayon de soleil qui lui tombait habituellement dans la narine gauche, en s'infiltrant par l'un des trous du toit de raphia pourri et criblé de ciel (VNM :9)

1.b'. Son corps long et maigre évoquait ces gigantesques serpents tout noirs que les femmes rencontrent parfois (VC :7-8)

1.c'. Ainsi rendons-nous la politique responsable de tous les désordres publics qui agitent la société (LP 05/04/02 :3)

Ici, le, la, les et un constituent des déterminants purs, alors que le premier, ces et tous rentrent dans les adjectifs déterminatifs.

La qualification est synonyme de caractérisation. Elle est une fonction sémantique de l'adjectif. Elle assigne au substantif une qualité ou une propriété. Pour Arrivé et al. (op. cit. : 96-97), la caractérisation consiste à énoncer les qualités (ou propriétés) d'un objet. Elle se manifeste généralement par des adjectifs ou des compléments prépositionnels. De fait, la caractérisation ne se confond pas avec la détermination. Il arrive cependant que la caractérisation d'un objet en permette l'identification. C'est d'elle que dérive la notion d'adjectif qualificatif. Est dit adjectif qualificatif, tout adjoint du nom qui sert à lui conférer une caractéristique. Les qualificatifs donnent des traits inhérents ou contextuels au nom. Ces propriétés relèvent de la quantité ou de la qualité. Dans les énoncés qui suivent, les mots mis gras sont des adjectifs qualificatifs.

1.a». Meka était en avance sur le « bonjour du Seigneur », le premier rayon de soleil qui lui tombait habituellement dans la narine gauche, en s'infiltrant par l'un des trous du toit de raphia pourri et criblé de ciel (VNM :9)

1.b». Son corps long et maigre évoquait ces gigantesques serpents tout noirs que les femmes rencontrent parfois (VC : 7-8)

1.c». Ainsi rendons-nous la politique responsable de tous les désordres publics qui agitent la société (LP 05/04/02 :3)

Chacun de ces mots marque une propriété ou une caractéristique. Gauche traduit la localisation spatiale, pourri et criblé traduisent l'état. Long, maigre et gigantesque expriment la dimension. Publics et responsable traitent du statut alors que noirs exprime la couleur.

La définition étymologique de l'adjectif et l'émergence des deux fonctions de détermination et de qualification influencera la plupart des grammaires. Ces dernières traitent de l'adjectif qualificatif à l'aune de cette bipartition. Les lignes qui suivent font une synthèse de la notion d'adjectif qualificatif dans les grammaires traditionnelles.

1.3.2. L'adjectif qualificatif dans les grammaires classiques

La présentation d'une unité linguistique et des propriétés qui en découlent sont tributaires de l'option épistémologique prise et du soubassement théorique. Il en est ainsi de la présentation de l'adjectif qualificatif. En tant que catégorie de la langue, cette espèce de mot a été étudiée. Avant de voir en quoi consiste cette présentation et ce qu'elle a de particulier, donnons un aperçu de la notion de grammaire classique.

1.3.2.1.La grammaire classique : bref aperçu

Il est courant d'opposer deux tendances de la grammaire : la grammaire traditionnelle et la grammaire linguistique. Par grammaire classique, il faut entendre, selon Arrivé et al. (1986 :298),

tout un corps de doctrine (conception de la description de la langue, règles, terminologie, conception de l'apprentissage) hérité de la deuxième moitié du XIXè siècle et globalement entériné par le modèle culturel qui a dominé la première moitié de ce siècle, avec quelques remises à jour périodiques qui n'ont guère affecté que des points et des détails.

Cette doctrine est d'essence philosophique et logique. La langue reflète la pensée dans cette doctrine. Pour comprendre la pensée, il faut découper la manière dont elle est disposée en jugements dans la langue. Ainsi, s'inspirant de la logique, les grammairiens traditionnels veulent faire une analyse détaillée de la langue. Ils aboutissent à des règles coercitives. C'est donc une grammaire normative, en tant qu'ensembles de règles prescriptives qui s'appliquent tant à l'oral qu'à l'écrit : dites ceci, ne dites pas cela, écrivez ceci, n'écrivez pas cela. La primauté est accordée aux grands écrivains de renom, considérés comme des modèles à imiter.

La grammaire traditionnelle a plusieurs objectifs. Il s'agit, d'après Poulin (1980 :22),

d'enseigner la grammaire pour enseigner la langue ; d'enseigner la grammaire pour apprendre à raisonner ; d'enseigner la grammaire au primaire pour préparer l'entrée au secondaire ; d'enseigner la grammaire pour doter l'enfant d'un moyen, d'un instrument au service de la compréhension et de l'expression.

Pour atteindre ces objectifs éminemment pédagogiques, deux exercices sont mis sur pied : l'analyse grammaticale et l'analyse logique. Selon Chevalier (1979 : 20),

Les exercices intitulés « analyse grammaticale (AG) » et « analyse logique (AL) » ont été [...] les deux piliers de l'apprentissage de la grammaire dans l'école française. L'AG définit la nature et la fonction des mots isolés, l'AL définit la nature et la fonction des propositions.

Onguene (2017 : 241) y insiste également. Pour cette auteure, le protocole de l'analyse grammaticale et celui de l'analyse logique sont les procédures majeures de découverte et de présentation des unités linguistiques en grammaire classique.

La méthodologie de la grammaire traditionnelle opère en trois mouvements : la définition ou la règle, l'observation des exemples littéraires et leur application. Pour Poulin (1980 :30), la grammaire traditionnelle a une méthode déductive, elle va de l'abstrait au concret, de la règle aux applications, du général au particulier, elle n'a aucune procédure de découverte, elle fait [sic] un recours continuel à la réflexion. La grammaire traditionnelle, héritière de la philosophie et de la logique, a été à l'origine d'une nomenclature grammaticale diversifiée : nom commun, proposition subordonnée, nom abstraits, COI, compléments circonstanciels, sujet réel, sujet apparent, sujet commun, etc. C'est à l'aune de ce soubassement théorique et méthodologique que les grammaires classiques, pour la plupart scolaires, présentent l'adjectif qualificatif.

1.3.2.2. L'adjectif qualificatif : des contours flous en grammaire classique

Les manuels de grammaire classique donnent une place centrale au mot. Concernant l'adjectif qualificatif, ils sont influencés par la bipartition détermination/qualification présentée ci-dessus. Il importe de donner un compte rendu de leur présentation de l'adjectif qualificatif.

Pour Dubois et al. (1961 :37), l'adjectif qualificatif est un mot variable, indiquant une qualité d'un être ou d'une chose (nom ou pronom). Il peut varier de forme selon son genre et son nombre. L'ouvrage insiste sur la place de l'adjectif qualificatif par rapport au nom auquel il se rapporte. On en retient que l'épithète peut se placer indifféremment avant ou après le nom auquel il se rapporte. La place de l'adjectif épithète obéit à un usage compliqué qui dépend en particulier du rythme de la phrase et du désir d'expressivité. Ces auteurs constatent également que l'adjectif qualificatif peut être transcatégorisé. Ce faisant, il est susceptible de connaitre un emploi adverbial ou prépositionnel.

Par ailleurs, l'adjectif qualificatif peut, selon les auteurs, avoir trois fonctions essentielles : épithète, attribut et mis en apposition. Pour Dubois et al (op.cit : 44),

l'adjectif qualificatif est épithète quand, placé à côté d'un nom nom dont il indique une qualité, il forme corps avec lui. L'adjectif qualificatif est attribut du sujet quand, relié au nom ou au pronom par le verbe, il exprime une qualité reconnue ou attribuée au sujet et qu'il ne fait pas corps avec ce sujet.

Tout comme le nom, l'adjectif peut être mis en apposition. Dans cette fonction, l'adjectif et le nom sont séparés par une ponctuation à l'écrit ou une pause à l'oral. Observons ces données liées à l'adjectif qualificatif dans les énoncés suivants.

2.a. Ô chaude, étouffante, presque pimentée, l'atmosphère de la case ! (SDI : 37)

2.b.

Parlant de l'attribut, Onguene (2001 :189-205) montre combien ardue est l'identification de cette fonction. Elle présente la complexité des mécanismes lexicaux qui

Ils collèrent leurs épaulent [...] par une prise irrésistible qui était le fruit d'un long entraînement (LP : 275)

2.c. Faut dire qu'Eddie se prend pour un intellectuel, sinon pour un fin lettré, bien que sa connaissance de la littérature française se borne pour le moment à une très relative imprégnation par les oeuvres complètes (TSTA :43)

2.d. Elle était craintive, circonspecte, comme une bête aux abois (VC : 81)

En 2.a., les adjectifs qualificatifs chaude, étouffante, presque pimentée sont apposé à atmosphère. Selon la définition de Dubois et al., ils indiquent la qualité de l'atmosphère. Dans l'énoncé 2.b., irrésistible et long sont respectivement épithète de prise et d'entraînement. Ils font corps avec le nom et ne sont par conséquent séparés par aucune pause. Il en est de même pour fin et relative en 2.c. Ils sont épithètes de lettré imprégnation. Craintive et circonspecte sont attributs du pronom elle dans l'énoncé 2.d.

Pour peu que le développement de Dubois et al. vaille la peine, nombreux de ses aspects sont sujets à caution. En effet, les données avancées pour définir l'adjectif qualificatif, unité linguistique, semblent seoir davantage à une réalité extralinguistique. Cette définition laisse croire que le qualificatif aurait un référent. Or, d'après Tomassone (1996 :268), l'adjectif qualificatif n'a en propre aucun référent ; il renvoie à une propriété du référent du nom dont il dépend, auquel il apporte un élément d'identification ou de caractérisation. Qu'est-ce qu'indiquer une qualité ? Tout adjectif qualificatif indique-t-il une qualité ? Par exemple, avec des énoncés tels que sacré type, vrai cauchemar, quelles sont les qualités indiquées par sacré et vrai ?

En outre, dire que l'adjectif peut varier de forme selon son genre et selon son nombre parait ignorer la dépendance de l'adjectif vis-à-vis du nom. L'adjectif est un subordonné du nom. Pour ce faire, il n'a pas d'existence propre indépendamment du nom. C'est le nom qui confère à l'adjectif ses marques de genre et de nombre. Tomassone (1996 : ibid) le relève en ces termes : certes l'adjectif qualificatif est un mot variable en genre et en nombre, mais il ne possède pas de genre propre : ses marques de genre et de nombre lui sont déterminées par le terme dont il dépend nécessairement.

Bien plus, la définition de l'adjectif qualificatif donnée ci-dessus aborde avec simplicité les fonctions mis en apposition et attribut.

entourent cette notion. En réalité, dire que l'adjectif attribut ne fait pas corps avec le sujet semble une posture peu soutenable. Dans la phrase 2.d. reprise ci-dessous, la suppression du sujet entraîne une agrammaticalité en 2.d». Supprimer l'adjectif change le sens de la phrase, car était revêt le sens de exister si l'adjectif est supprimé en 2.d.'. Cela montre que la connexion entre les deux est forte et que l'attribut et le sujet dont il dépend sont liés.

2.d. Elle était craintive, circonspecte, comme une bête aux abois (VC : 81) 2.d'. Elle était comme une bête aux abois

2.d''.*était comme une bête aux abois

L'apposition et l'épithète ne se distinguent nullement par la pause à l'oral ou le signe de ponctuation à l'écrit. En réalité, pour Feuillet (1984 :148-150), l'adjectif ne connait pas d'apposition. En fait, on devrait réserver le nom d'apposition aux groupes de même nature. L'adjectif ne peut connaitre l'apposition que comme fait syntaxique, mais jamais comme fonction. Ainsi, l'épithète et la pseudo apposition dont il est question ici constituent deux variantes de la qualification. L'épithète, à valeur sélective, correspond à ce que Feuillet nomme la qualification inhérente. L'adjectif s'attache au GN avant que celui-ci soit en connexion avec le procès. L'apposition, à valeur explicative, est une qualification incidente. Pour cette deuxième fonction, l'auteur propose de parler non pas de l'apposition, mais de l'élargissement. Constatant en définitive que toutes ces fonctions sont en distribution complémentaire, feuillet recommande que l'on parle « d'archifonction du GA ». Ces reproches peuvent s'appliquer à toutes les autres grammaires traditionnelles. En dépit des nuances que les unes et les autres apportent, la définition de l'adjectif reste constante, ses fonctions les mêmes.

Wagner et Pinchon (1962 :125 ; 147 ; 150) ne sont pas éloignés de la précédente conception. Ils définissent l'adjectif qualificatif à partir de son sens et de sa forme. Pour eux, les adjectifs (autres que les possessifs, les démonstratifs, les numéraux et les indéfinis) sont des mots qui servent à caractériser une personne, une chose sous le rapport de la qualité.

les adjectifs appartiennent à la classe des noms. Ce sont des mots d'espèce variable. Ils entrent dans la catégorie du genre et dans celle du nombre, mais n'en prennent les marques que d'après le genre et le nombre du terme principal auquel ils se rapportent.

Ils assignent donc à l'adjectif qualificatif deux fonctions, à savoir épithète et attribut. Parlant de la place de l'adjectif, les auteurs, comme Dubois et al., pensent que la place de l'adjectif épithète n'est pas déterminée par des règles ; elle s'explique dans chaque cas par

des raisons particulières qui tiennent au sens ou à l'effet de style qu'on recherche. Pour eux aussi, la classe de l'adjectif qualificatif peut varier en degré d'intensité et en degré de comparaison.

Deux points de leur étude nous rappellent une réminiscence de la classification grecque et latine, basée sur la morphologie flexionnelle. L'adjectif est situé dans la classe du nom. Dans la tradition gréco-latine. La classe du nom comprend noms se subdivisent en noms substantifs ou nomen substantivus et en noms adjectifs ou nomen adjectivus. Les nomen substantivus renvoient aux noms de la terminologie moderne et nomen adjectivus aux adjectifs. Cette tradition vient du fait que les noms et les adjectifs se déclinent de la même façon en grec et en latin. On les classait donc ensemble.

Wagner et Pinchon évoquent le statut prédicatif de l'adjectif qualificatif. Ce point est intéressant relativement à notre recherche. Ce statut prédicatif met en lumière le fait que l'adjectif peut aussi recevoir des expansions. Pour Wagner et Pinchon (op. cit. 560), les propositions conjonctives peuvent avoir pour support un adjectif ou une forme adjectivée du verbe. Par exemple, heureux que sa bonté daigna tout oublier ; C'est méchant et menteur, indigne qu'on le croie. Cette remarque, même si elle est brièvement faite dans le livre préfigure en quelque sorte notre travail. Elle met en lumière l'existence de la structure Adj+Que P. Les auteurs n'y insistent pas outre mesure. Le développement de Chevalier et al. est proche de ce dernier.

Chevalier et al. (1964 : 190-208) inscrivent l'adjectif qualificatif au sein de la classe du nom. Cette dernière se compose du substantif et de l'adjectif qualificatif. Ils suivent la tradition des Anciens qui ont subdivisé la classe du nomen en nomen substativus et nomen adjectivus. L'ouvrage de Chevalier et al. procèdent à une distinction entre substantif et adjectif. Les points essentiels à retenir sont que le substantif et l'adjectif ne se répartissent pas de la même façon entre deux genres et deux nombres. L'adjectif seul varie en degré. D'un point de vue des fonctions, seul le substantif désigne une substance (être, objet ou idée abstraite) munie de qualités constantes. L'adjectif qualificatif désigne une qualité attachée à une substance.

Comme les études précédentes, Chevalier et al. confèrent à l'adjectif trois fonctions par rapport au substantif. Il peut tour à tour être épithète, apposé ou attribut. Les définitions de ces fonctions sont identiques à celles données par Dubois et al. La place de l'adjectif épithète est aussi débattue. Chevalier et al. (1964 :204-205) concluent que des facteurs

variés interviennent pour déterminer la place de l'épithète, et se mêlent souvent de façon à défier les efforts d'analyse du grammairien. Trois principaux ressortent donc les facteurs syntaxiques, rythmiques et syntaxiques.

Bien qu'inscrite dans le même sillage, l'analyse de Grevisse (1980) est utile pour notre recherche. Pour Grevisse (1980 : 366), l'adjectif est un mot que l'on joint au nom pour exprimer une qualité de l'être ou de l'objet nommé ou pour introduire ce nom dans le discours. L'adjectif qualificatif est celui qui exprime une manière d'être, une qualité de l'être ou de l'objet par le nom auquel il est joint. On peut faire fi des degrés de signification de l'adjectif qualificatif développés par la plupart des grammaires traditionnelles et de la bipartition de la classe de l'adjectif en deux, à savoir, adjectif qualificatif et adjectif non qualificatif appelé traditionnellement « adjectifs déterminatifs ». Intéressons-nous à la complémentation de l'adjectif que suggère Grevisse.

Le bon usage laisse voir que l'adjectif qualificatif peut aussi être le support de d'autres constituants. De ce fait, selon Grevisse (1980 : 209-210), l'adjectif qualificatif ou le participe pris adjectivement peuvent être accompagnés d'un adjectif ou d'un adverbe, des compléments déterminatifs (nom, pronom, infinitif) ou d'une proposition introduite par que. Ces diverses possibilités de rection s'illustrent dans les énoncés 3 ci-dessous.

3.a. le politique lui-même est évidemment ébranlé (LP 05/04/02 :3) 3.b.Il est différent de son entourage (LP 05/04/02 :7)

3.c. Patrick Grossouvre a été convaincu de rompre le silence (LP 05/04/02 :9)

3.d. il est possible que j'ai déjà sa signature (LP :230)

Plusieurs constats se dégagent au terme de la présentation qui précède.

Les grammaires classiques semblent mêler des critères variés dans la présentation de l'adjectif qualificatif. Elles allient critère logique, sémantique et formel.

L'adjectif qualificatif est un mot. En ce sens, il est considéré dans son unicité. Son inscription en tant que constituant d'un groupe n'est pas révélée. La notion de groupe y est d'ailleurs absente. Seules la dépendance morphologique et sémantique de l'adjectif vis-à-vis du nom est perceptible.

L'impression d'une confusion entre qualification et détermination empêche une réelle distinction entre qualificatifs et déterminatifs. Le classement des adjectifs parait équivoque. La distinction entre qualificatifs et déterminatifs semble intuitive et subjective.

On se demande si la plupart de ces grammaires s'appuient véritablement sur la réalité linguistique.

En somme, la grammaire traditionnelle ne donne pas une saisie circonstanciée de la classe de l'adjectif qualificatif. Les contours de ce constituant demeurent flous. Peut-être évoluera-t-on avec les grammaires d'option structurale.

2. LES FONDEMENTS FORMELS DE L'ADJECTIF QUALIFICATIF EN GRAMMAIRE STRUCTURALE

Le parcours que nous faisons a un double enjeu. Il s'agit d'abord de découvrir la configuration de l'adjectif dans le temps, sa perception dans les différentes options épistémologiques de la linguistique française. Au-delà de cet objectif, nous voulons voir si une hypothèse a été émise sur la rection des propositions par l'adjectif qualificatif. Nous employons la rection au sens où l'entendent Arrivé et al. (1986 : 593), à savoir la relation qui s'établit entre deux constituants quand la présence de l'un-le terme régissant-est indispensable à la présence de l'autre - le terme régi. En d'autres termes, la rection est une relation e dépendance univoque entre deux termes, l'un subordonnant et l'autre subordonné. Dès lors, que peut-on sommairement entendre par grammaire structurale ? Comment l'adjectif qualificatif y est-il perçu ?

2.1. La grammaire ou linguistique structurale : bref aperçu

Par grammaire ou syntaxe structurale, il faut entendre l'intégration des retombées de la pensée saussurienne dans l'analyse de la langue. En effet, dès la deuxième moitié du XXè siècle, avec la publication du Cours de linguistique générale et des théorisations qui y sont faites, les études linguistiques connaissent un nouvel essor. La linguistique structurale propose le principe de l'immanence de la langue et du signe linguistique. La langue étant un système clos, son analyse devrait se limiter à la description des rapports d'opposition qui lient ses signes les uns aux autres sur les axes paradigmatique et syntagmatique.

Ainsi, la logique et la philosophie pour décrire la langue ne suffisent plus. Nombreuses sont les théories qui, d'obédience structurale et dotées d'un socle scientifique, influencent l'apprentissage de la grammaire. On y trouve le fonctionnalisme, le distributionnalisme, la syntaxe dépendancielle et la grammaire générative entre autres.

La syntaxe structurale est une grammaire où la scientificité est prouvée par un ensemble de tests opératoires. Elle cherche à éliminer les autres sources d'information jugées moins fiables. La grammaire traditionnelle proposait des définitions philosophique,

logique et sémantique des constituants, mettant en lumière la prééminence du mot en lui-même. Les fonctions s'y reconnaissaient par les questions Qui ? Quoi ? Comment ? Où ? C'est un cas où la grammaire traditionnelle utilisait des tests opératoires. En dépit des lacunes que présente ce test, il est adopté en linguistique structurale au même titre que l'extraction, la passivation, la commutation, etc.

Relativement à la méthodologie, la syntaxe structurale suit la voie inverse de la grammaire traditionnelle. D'après Poulin (1980 : 30), la grammaire nouvelle a trois étapes : manipulations, observations (de l'implicite à l'explicite), règle ou catégorisation. La syntaxe structurale est une méthode inductive, allant du concret à l'abstrait, du particulier au général, de la manipulation à la règle, de l'implicite à l'explicite, elle est une procédure de découverte.

Par ailleurs, la syntaxe structurale remplace l'AG et l'AL par des opérations linguistiques : la transformation, l'addition, la soustraction, la permutation et la substitution. Poulin (op. cit. 31) estime que ces cinq opérations constituent la pierre angulaire du renouveau de l'enseignement de la grammaire. Car ces manipulations permettent un enseignement plus concret et mieux adapté aux capacités de l'enfant. L'enfant sera amené à faire fonctionner les structures de la langue. On peut alors conclure que les objectifs sont tout autres.

La grammaire d'inspiration linguistique vise à ne plus de réciter la règle ou à apprendre la langue pour elle-même. Il s'agit désormais de manipuler les structures pour saisir le fonctionnement des éléments en contexte. L'objectif est donc de donner aux élèves des connaissances opérationnelles. Le mot n'est plus considéré dans son unicité : le groupe s'impose comme constituant. Les analyses se font en considérant la notion de groupe ou de syntagme. On étudie, non plus l'adjectif en lui-même, mais le groupe adjectival dans son ensemble, l'adjectif qualificatif étant une tête lexicale.

2.2. L'adjectif qualificatif : tête lexicale du GA en grammaire structurale

Dans la syntaxe dépendancielle de Tesnière, l'adjectif est le régissant du noeud adjectival. Selon Tesnière (1982 :181-188), par son aptitude à recevoir comme subordonnés les adverbes, l'adjectif s'apparente dans une certaine mesure au verbe. La plupart des adjectifs sont d'anciens participes, c'est-à-dire des formes d'origine verbale, et par conséquent susceptibles de comporter des circonstants. Par ailleurs, pour Tesnière, la phrase peut se réduire au seul noeud adjectival. Ce type de phrase est appelé phrase adjectivale. Elle

est entièrement régie par un adjectif. Le constat qui ressort de ce développement est que l'adjectif commence progressivement à être vu comme un prédicat.

Tesnière (Op. cit : 68-69) classe les adjectifs en deux espèces, à savoir les adjectifs attributifs et les adjectifs de rapport. Les adjectifs attributifs attribuent au substantif qu'ils déterminent une qualité ou une quantité. Les adjectifs de rapport indiquent que le substantif qu'ils déterminent est en rapport avec une personne ou une circonstance de temps ou de lieu. Bien que changeant de dénomination, cette classification est analogue à celle de la grammaire traditionnelle. L'auteur le reconnaît d'ailleurs en ces termes : les adjectifs de qualité particuliers sont ceux que la grammaire traditionnelle désigne ordinairement par les termes d'adjectifs qualificatifs. Les principaux sont ceux de qualité, de dimension, de couleur et d'ordre.

Ce qui est intéressant ici c'est cette tentative de catégorisation sémantique des adjectifs qualificatifs en paradigmes sémantiques. Ladite catégorisation pourrait nous aider à répondre à une de nos hypothèses de départ, à savoir que la catégorie sémantique à laquelle appartiendrait un adjectif qualificatif peut ou non le prédisposer à régir une complétive.

Toutefois, si Tesnière (op.cit. : 181) estime que l'adjectif n'a guère comme subordonné possible que l'adverbe, les développements possibles du noeud adjectival sont donc restreints ; On se demande si l'adjectif ne pourrait pas avoir des subordonnés autres que l'adverbe, au sens de Tesnière. Nous notons par exemple l'omission de la suite Adj+ Que P sur laquelle repose essentiellement notre travail.

Selon Maingueneau (1999 :77), le GA est une catégorie majeure mais « secondaire », car il dépend du nom, avec lequel sa tête, l'adjectif, s'accorde en genre et en nombre. À lui seul, un GA ne réfère à rien ; il contribue à la référence d'un GN. En la tête du GA se trouvent se trouvent l'adjectif qualificatif. Comme tout régissant, il appelle des compléments. Ce sont des GP, des infinitifs ou des complétives. Maingueneau n'étudie pas ces complétives régies par un Adjectif. Il postule à une hétérogénéité de la classe des adjectifs qualificatifs. Il la divise en trois sous-classes dont les qualificatifs purs, les relationnels et les antéposés. Nous reviendrons sur ces sous-classes infra.

Gardes-Tamine (1988 :120-121) met l'adjectif en relation avec le GN. Pour elle, les adjectifs constituent la deuxième catégorie d'éléments qui accompagnent le nom. Ils expriment des propriétés de ces éléments. Ils ne déterminent pas, ils caractérisent. Contrairement à Maingueneau, Gardes-Tamine, sur la base de critères sémantiques et syntaxiques, distingue plusieurs catégories d'adjectifs. On distingue ceux qui expriment une propriété intrinsèque, les adjectifs relationnels, les ordinaux et indéfinis et les participes.

Riegel et al. combinent les apports de la grammaire traditionnelle et les acquis de la linguistique contemporaine. Pour ces auteurs, l'adjectif est une partie élémentaire du discours. C'est un modifieur et caractérisant du nom. Il est variable en genre et en nombre et s'accorde avec le terme nominal qu'il modifie. Ils montrent que la classe de l'adjectif qualificatif est hétérogène. Elle comprend les adjectifs qualificatifs, les adjectifs relationnels et les adjectifs de troisième type.

De l'avis de Riegel et al (2014 :626-628), comme mot tête d'un GA, l'adjectif qualificatif est susceptible d'être complété par divers modifieurs. Il peut recevoir un adverbe, les compléments prépositionnels et les compléments propositionnels. Cette complémentation de l'adjectif est illustrée par les énoncés ci-dessous empruntés à Riegel et al.

4.a. Je suis content que vous soyez là

4.b. je suis content d'être là

4.c. je suis content de ce travail

Outre la possibilité de substitution entre les divers compléments du GN, les auteurs n'insistent pas sur la complémentation de l'adjectif. Ils ne caractérisent pas non plus les adjectifs recteurs de ces structures. Leur grammaire se rapproche de celle de Wilmet (1998 : 96) qui critique l'incohérence des approches traditionnelles lors de la classification des adjectifs qualificatifs et des adjectifs déterminatifs. En effet, certaines grammaires traditionnelles à l'instar de Dubois et al (1961), Chevalier et al. (1964), Dubois et Lagane (1973), Galichet (1970), Grevisse (1980) divisent la classe des adjectifs en adjectifs qualificatifs et en adjectifs non qualificatifs ou déterminatifs. Wilmet (Op. cit : 109) montre que des unités dites adjectifs déterminatifs fonctionnent comme les qualificatifs. Par conséquent, le terme supérieur d'adjectif désigne une classe de mots à laquelle s'agrègent, par transfert, des noms, des verbes, des pronoms, des adverbes.

Pour refondre cette classe, Wilmet (1997 : 96 et sq.) convoque trois paradigmes : quantification, caractérisation et quantification-caractérisation. Les adjectifs qualificatifs sont des caractérisants stricts directs. Pour Wilmet (1998 :188-190), les caractérisants déterminent (au sens étymologique de « fixer un terme ») l'extension du noyau N d'un syntagme nominal SN : (un) ballon et (un) ballon ROUGE, (le) globe et (le) globe TERRESTRE. Dans les caractérisants stricts directs, on a les adjectifs originels, les participes présents-adjectifs verbaux, les participes passés employés comme adjectifs, des noms, pronoms, adverbes et au moins une interjection transférée. Quelle conception les auteurs s'inscrivant dans le cadre du lexique-grammaire ont-ils de l'adjectif qualificatif ?

Chez ces derniers, la caractérisation de l'adjectif qualificatif se fait en termes sémantique et syntaxique.

Le lexique-grammaire est un cadre d'analyse développé par Gross (1975). Il est issu de la grammaire transformationnelle harrissienne. L'approche du lexique grammaire consiste essentiellement à recenser, sous forme de tables, un ensemble important de caractéristiques des prédicats, y compris les structures syntaxiques dans lesquelles ils peuvent apparaître. Il s'agit de la description des propriétés distributionnelles et transformationnelles des parties du discours prédicatives. Ce sont le verbe, le nom, l'adverbe et l'adjectif qualificatif. En effet, selon Laporte (1999 :3), un schéma de phrase simple comporte un élément lexicalement spécifié, et qui en principe a un caractère prédicatif ; plusieurs actants ou arguments peuvent s'y ajouter.

Le lexique-grammaire étudie plusieurs catégories d'adjectifs qualificatifs. Certaines études comme celle de Meunier (1981) portent sur les adjectifs prédicatifs. D'autres, à l'instar de Gross (1981), sont liées aux adjectifs en position d'argument d'un prédicat. Les dernières, à l'exemple de Giry-Schneider (2005), ont trait aux adjectifs qui ne sont ni l'un ni l'autre. Selon Meunier (1981), cité par Nuria Rodriguez (2000 : 68), Les adjectifs prédicables peuvent être actants de Npred (nom prédicatif). Dans le lexique grammaire, l'adjectif qualificatif s'étudie dans les trois configurations. Il peut être argument ou alors prédicat. Il faut donc distinguer l'adjectif comme argument de l'adjectif comme prédicat.

Selon Bonami (2007 :1) la notion d'argument est utilisée avec deux sens différents, respectivement syntaxique et sémantique. Plus généralement, on dira qu'une expression A est un argument sémantique d'une expression B si la valeur sémantique de A sert à remplir une place argumentale de la valeur sémantique de B. Au plan syntaxique, la notion d'argument se rapproche de celle de complément. Mais, elle ne saurait s'y réduire. Le débat sur cette notion est loin d'être tranché. Il dépasse largement le cadre de ce travail. Ainsi, quand il est un argument, l'adjectif qualificatif est régi par un nom. C'est ce dernier qui en détermine l'occurrence et la plupart des propriétés morphosyntaxiques. La relation dans ce cas se formaliserait comme suit Npred+Adj+X, ou Npred +X+ Adj. Dans cette formule, X représente un verbe ou un modifieur d'Adj.

L'adjectif qualificatif peut aussi être un prédicat. En tant que prédicats, selon Nuria Rodriguez (op. cit.), les adjectifs qualificatifs sélectionnent leurs structures argumentales, qui seront décrites à travers une représentation syntaxique. Dans une structure

prédicat/arguments, s'il y a plusieurs arguments, c'est le prédicat qui sélectionne chaque argument, c'est-à-dire que les possibilités qui peuvent apparaitre dans un argument dépendent du prédicat. Dans ce cas de figure, l'adjectif qualificatif conditionne et module l'apparition de ses compléments.

Parlant de la complémentation des adjectifs qualificatifs, Leger (2006 :19-21) pense qu'ils ont une complémentation phrastique. Pour elle, la réalisation syntaxique des compléments ainsi que leurs propriétés propres seraient entièrement ou partiellement prévisibles sur la base du sens des prédicats matrices. Autrement dit, le sens de tout adjectif requiert un type de complément. On se demande néanmoins si cet avis ne pourrait pas être évalué et nuancé.

Il y a des contre-exemples dans le cas des verbes. Certains synonymes n'ont pas les mêmes propriétés syntaxiques. Si les propriétés syntaxiques étaient prévisibles sur la base du sens, cela devrait être impossible. Comparons être mort et être décédé. C'est exactement le même sens. Mais la distribution du sujet n'est pas la même. On dit Mon cactus est mort ou Le moustique est mort, mais pas *Mon cactus est décédé ou *Le moustique est décédé. De même, savoir et connaitre ont exactement le même sens dans Luc sait l'âge de Marie et Luc connait l'âge de Marie. Ici la distribution du complément direct est différente. Luc sait que Marie a 17 ans, mais *Luc connait que Marie a 17 ans.

La complétive de l'adjectif relève de la complémentation phrastique. Leger (2006 :20), la complémentation phrastique réfère aux constructions qui comportent un prédicat et son sujet (qu'il soit lexicalement ou non), c'est-à-dire aux constructions complétives tensées et non tensées. Notre tâche consistera à déterminer la structure argumentale des adjectifs introducteurs de complétives et, si possible et dans une moindre mesure, les propriétés sémantiques de ces groupes de prédicats.

Que pouvons-nous retenir des grammaires modernes ci-dessus ? Y a-t-il avancée ? Si oui, en quel sens ? Les grammaires structurales mettent un accent sur la notion de groupe. L'adjectif qualificatif est le constituant central du groupe adjectival. Au-delà de sa connexion et de sa dépendance vis-à-vis d'un GN, les courants structuralistes et post-structuralistes relèvent régulièrement le caractère prédicatif de l'adjectif qualificatif. Ces grammaires insistent sur le fait que, dans son emploi argumental, l'adjectif qualificatif peut être régi par un N préd. Et dans son rôle prédicatif, il régit lui-même un ou plusieurs arguments.

Les grammaires structurales relèvent que la syntaxe de l'adjectif qualificatif est souvent associée à sa sémantique. Les structuralistes américains tels que Bloomfield ont systématisé les procédures de tests opératoires. Ils permettent d'étudier la syntaxe indépendamment des intuitions sémantiques. Dans ces tests, le sens intervient, mais seulement quand on évalue si l'application du test provoque un changement de sens. C'est la même procédure qui est adoptée dans le cadre du lexique-grammaire. En ce sens, selon Laporte (2018: 162),

The LG method is much about such practical techniques of elaborating the procedures of observation or the definition of features, in order to improve reproducibility. When you ask the right question, it is easier to agree on an answer. In practice, performers of LG work are trained to be systematically watchful of their own dubious or instable judgments, and to compare these judgments to those of their peers. This measurement of reproducibility is subjective, but peer controlled, in order that subjectivity does not affect the quality of the results.

En résumé, les procédures d'analyse en lexique-grammaire sont certes empreintes de subjectivité, mais l'emprise de cette dernière est moindre. En procédant rigoureusement aux tests et en posant la bonne question, on aboutit à des réponses satisfaisantes. Ces dernières mettent les études à l'abri d'analyses non reproductibles. Elles garantissent également aux descriptions une certaine rigueur. Les linguistes qui considèrent ces tests comme dépassés n'ont rien proposé de mieux pour s'assurer que leurs travaux aboutissent à des résultats fiables.

Même si les classifications structurales et les études syntaxiques dominent, le sens ne saurait être totalement exclu. En ce sens, de nombreuses études de l'adjectif qualificatif sont sémantiquement orientées. Le sens sert à délimiter le sujet de l'étude. On aura ainsi des études portant sur les adjectifs de couleur, les adjectifs spatiaux, ou des regroupements en classes d'objets. etc. Néanmoins, les travaux réalisés avec la méthode du lexique-grammaire aboutissent souvent à la constatation que la syntaxe n'est déterminée par la sémantique que de façon limitée et partielle. C'est le cas de l'étude de Guillet et Leclère (1992), travail consacré aux constructions transitives locatives en français. La classe des adjectifs qualificatifs est redistribuée en sous-classes. Tous ces paramètres concourent à donner à l'adjectif qualificatif le visage d'un constituant protéiforme. Ainsi, de la grammaire traditionnelle à la linguistique structurale, il y a eu des avancées dans la conception et la présentation de l'adjectif qualificatif. Au terme de ce parcours, on peut dresser un profil synthétique de ce constituant et citer ses différentes espèces ainsi que les critères de classification en paradigmes.

CHAPITRE DEUXIÈME

TYPOLOGIE ET COMPLÉMENTATION DE L'ADJECTIF EN FRANÇAIS

Le parcours théorique effectué au chapitre précédent permet de constater l'hétérogénéité de la classe de l'adjectif. Les éléments qui la composent ont un fonctionnement distinct. C'est en ce sens que Riegel et al. (2014 : 599) affirme qu'il y a adjectif et adjectifs. La grammaire traditionnelle ne s'occupait pas de la composition de la classe de l'adjectif. La grammaire structurale en fait l'élément central d'un syntagme. Or, dans cette classe, tous les éléments n'ont pas le même fonctionnement. Quand on traite d'adjectif, il y a lieu de concevoir des dissemblances. Partant de constat et tirant profit des retombées de l'analyse structurale, ce chapitre s'attèle donc à en montrer les particularités et l'hétérogénéité de la classe syntaxique de l'adjectif. Dans ce chapitre, nous chercherons la réponse à trois questions. Quels sont les ensembles constitutifs de la classe de l'adjectif qualificatif et leurs traits définitoires ? Qu'est-ce qui les distingue les uns d'avec les autres ? Parmi ces classes, quelles sont celles qui sont susceptibles de régir une complétive ? Pour y répondre, l'analyse obéit à un plan en deux articulations. La première pose la problématique des types d'adjectifs qualificatifs en français. La deuxième revient sur la complémentation de l'adjectif qualificatif en français.

1. LA QUESTION DE LA TYPOLOGIE DES ADJECTIFS QUALIFICATIFS EN FRANÇAIS MODERNE

La classe de l'adjectif qualificatif se divise en quatre sous-ensembles : les adjectifs qualificatifs simples, les adjectifs relationnels, les adjectifs inclassables ou de troisième type et les participes passés en emploi adjectival. Il convient de les présenter en vue de la détection de la sous-classe qui admet la complétive comme argument de gauche. Nous avons supposé que seul le premier sous-ensemble et le dernier sont susceptibles de recevoir une complémentation propositionnelle.

1.1. Les Adjectifs qualificatifs simples : une résistance aux critères d'identification Les adjectifs simples sont généralement dérivés des noms au plan morphologique. Ils sont aussi appelés radicaux. Ils peuvent tout de même recevoir des affixes. Les mots en gras dans les énoncés ci-après sont des adjectifs simples.

5.a. Mais puisque vous me le dites, c'est probablement exact (LP : 93)

5.b. Elsa a une grande supériorité sur vous (LP :147)

5.c. Il lui semblait que Tonga et lui se trouvaient dans deux pirogues différentes sur un fleuve immense dont le courant était rapide (VC : 125)

5.d. Les habitants de Tanga étaient veules, vains, trop gais, trop sensibles (VC :21)

5.e. Sa bouche s'était affaissée...ce qui faisait ressortir son nez aux narines tellement ouvertes qu'on y voyait la morve blanchâtre (VNM : 24)

Dans ces énoncés, certains adjectifs n'ont pas de désinence. C'est le cas d'exact, immense, et rapide. D'autres en sont pourvus, à l'instar de grande, différentes, ouvertes, gais, veules, et vains D'autres encore sont dotés d'affixes. Immense a le préfixe im-, sensibles renferme le suffixe -ible et blanchâtre a le suffixe -âtre. Au-delà de cette description formelle, on pourrait se demander quels sont leurs propriétés au plan syntaxique et sémantique.

En réalité, la plupart des grammaires affirment qu'il existe des sous-ensembles au sein de la classe de l'adjectif qualificatif. Seulement, décrivent-elles systématiquement les différences qui les séparent ? Riegel et al. (2014 : 597-626) s'y attellent. Quels critères distinctifs des adjectifs qualificatifs simples donnent-ils ?

Pour Riegel et al. (2014 : 626), Les adjectifs qualificatifs se distinguent nettement des deux autres types d'adjectifs qui ne fonctionnent que comme épithètes par au moins sept propriétés :

1. ils dénotent une caractéristique inhérente des termes auxquels ils se rapportent ;

2. ils sont aptes à la fonction prédicative, lorsqu'ils sont attributs et apposés ;

3. ils se pronominalisent par « le » invariable en position d'attribut du sujet, et, dans toutes leurs fonction par la proforme « tel(le) (s) » ;

4. comme épithète d'une forme pronominale, ils sont construits indirectement au moyen de la prép `'de» ;

5. ils ont régulièrement un correspondant nominal dont ils sont dérivés ou dont ils constituent la base dérivationnelle ;

6. sauf blocage sémantique, ils varient en degré et sont dits gradables ;

7. ils forment souvent la base d'un adverbe de manière en -ment paraphrasable par « de manière », « de façon -adj ».

1. Ils dénotent une caractéristique inhérente des termes auxquels ils se

rapportent. On se demande si cette propriété est totalement soutenable. Les propriétés des termes peuvent être ponctuelles, contextuelles ou afférentes. Dans les énoncés [5.] ci-dessus, exact, différentes, rapide, veules, vains, gais, sensibles ne dénotent pas des caractéristiques inhérentes. Au contraire, ce sont des situations contextuelles pouvant varier. Par ailleurs, comme nous le verrons infra, les autres classes d'adjectifs peuvent dénoter une inhérence.

En [5.c'], les épithètes immense et différentes n'admettent nullement la proforme tel(le)(s). Ils peuvent être remplacés par une périphrase, à savoir ainsi fait(e)(s). [5.c']

3. ils se pronominalisent par « le » invariable en position d'attribut du sujet, et, dans toutes leurs fonctions par la proforme « tel(le) (s) ». Plusieurs structures d'adjectifs attributs n'admettent pas la pronominalisation en le. Il s'agit précisément de l'attribut précédé d'un verbe occasionnellement attributif. On le retrouve dans les énoncés comme Le chef est entré furieux. On ne pourrait pas avoir la dérivée *Le chef l'est entré. Par ailleurs, dans les autres fonctions, la proforme telle n'est pas toujours admise. Considérons le cas de l'apposition dans la phrase suivantes : Les habitants du village, convaincus que la mort de leur concitoyen était le fait des occupants de la honda, commencèrent à les lapider (TSTA : 87). Le remplacement de l'adjectif convaincu par tel nous livre un énoncé agrammatical : Les habitants du village, tel, commencèrent à les lapider. La substitution de l'adjectif qualificatif par la proforme tel induit généralement une agrammaticalité. Selon les cas, on aura besoin d'une transformation de la phrase. Il convient de le visualiser à travers les phrases ci-dessous.

5.a'. Mais puisque vous me le dites, c'est probablement exact /* ce l'est probablement

5.c'. Il lui semblait que Tonga et lui se trouvaient dans deux pirogues différentes sur un fleuve immense dont le courant était rapide /

*. Il lui semblait que Tonga et lui se trouvaient dans deux pirogues deux pirogues sur un fleuve tel dont le courant l'était

5.d'. Les habitants de Tanga étaient veules, vains, trop gais, trop sensibles ?Les habitants de Tanga l'étaient

La règle de Riegel et al. ne prétend pas rentrer dans les détails de l'application de la pronominalisation. L'énoncé [5.a'] est agrammatical. Pour que la substitution de l'attribut du sujet exact par la proforme soit opérante et que la grammaticalité et l'acceptabilité de la phrase soient retrouvées, la phrase doit subir des modifications. C' doit être remplacé par son analogue ça. On aurait alors l'énoncé suivant : Mais puisque vous me le dites, ça l'est probablement. Si l'on veut maintenir c', on ne remplacera pas l'attribut du sujet par le, mais plutôt par la proforme ainsi. D'où l'énoncé suivant Mais puisque vous me le dites, c'est probablement ainsi. Nous pensons qu'au-delà de la proforme le de Riegel et al. la proforme générique ainsi peut de temps en temps servir de vicaire.

devient alors Il lui semblait que Tonga et lui se trouvaient dans deux pirogues ainsi faites sur un fleuve ainsi fait dont le courant était ainsi.

Pour maintenir la grammaticalité de la phrase et pour que la proforme le figure en [5d'], il faudrait une antéposition des adjectifs épithètes. C'est ladite antéposition qui justifierait et validerait le pronom le comme anaphorique des adjectifs qualificatifs. Autrement, il faudrait toujours avoir recours à ainsi. L'antéposition du pronom étant une propriété de la pronominalisation des adjectifs sous la forme le, nous dirons que la règle de Riegel et al. reste valide. Car, l'adjectif apparait toujours dans le contexte gauche (sa victoire est historique, son échec l'est aussi). De ce fait, bien qu'ayant des compléments, notre analyse ne met pas en défaut la règle énoncée par Riegel et al. Cette analyse est illustrée dans les reformulations suivantes.

5.d». Veules, vains, trop gais, trop sensibles, les habitants de Tanga l'étaient 5.d'''. Les habitants de Tanga étaient ainsi (faits)

Les limites et les nuances que nous venons de mettre en évidence découlent en fait de la complexité des opérations syntaxiques à appliquer. Pour des besoins d'économie, nous préférons nous limiter à ces deux critères analysés. Pour nous, les adjectifs qualificatifs simples sont difficiles à distinguer des autres. Les critères de reconnaissance émis sont insuffisants pour les caractériser systématiquement. Voilà pourquoi Marquez (1998 :87) affirme que

la classification des adjectifs pose de `'multiples problèmes à la constitution d'une classification « stable » (i.e. bien définie, dans le sens où les autres parties du discours : verbes et noms, présentent un contour morphosyntaxique « moins flou » que celui de l'adjectif).

La problématique de la définition globale de la classe de l'adjectif qualificatif dépassant largement le cadre restreint de la présente étude, nous préférons la renvoyer à des études ultérieures.

Les qualificatifs simples se caractérisent par le fait qu'ils relèvent de la qualification et d'identification d'un GN. Au-delà de leurs fonctions syntaxiques épithète, attribut et élargissement, les qualificatifs simples servent à retreindre l'extension et l'extensité d'un nom ou d'un pronom. Ils ont donc une valeur sélective ou restrictive, une valeur explicative et une valeur particularisante vis-à-vis du nom. Dans les lignes ci-dessus, mention a été faite des adjectifs relationnels. Pour les saisir, les grammaires les opposent aux qualificatifs simples. Il convient de voir ce qu'il en est réellement.

1.2. Les adjectifs relationnels : des contours à décrypter

D'après l'usage consacré, les adjectifs relationnels expriment une relation entre un adjectif et le nom dont il dérive. Selon Tamine (1988 :121), les adjectifs relationnels expriment donc non plus une propriété intrinsèque, mais une propriété relationnelle et peuvent être paraphrasables par un complément prépositionnel. C'est un critère sémantique qui fonde la distinction entre qualificatifs et relationnel.

C'est en prenant appui sur les principes de l'Ecole de Genève que l'on peut cerner la particularité des adjectifs relationnels. D'après Nuria Rodriguez (2000 :50),

les linguistes de l'Ecole de Genève opposent les termes d'inhérence et de relation. Les adjectifs relationnels expriment un rapport de relation ou de transitivité extrinsèque, tandis que les adjectifs qualificatifs expriment un rapport d'inhérence ou de transitivité intrinsèque.

En d'autres termes, les adjectifs relationnels dénotent une propriété afférente au référent nominal auquel ils sont adjoints. La propriété exprimée par l'adjectif est rattaché à un autre référent que renferme la structure de l'adjectif. Mais, une connexion est établie entre ce référent coalescent à l'adjectif et le nom dont dépend le relationnel.

Ces adjectifs ont six principales propriétés. Selon Monceaux (1997 : 39-40)

Ils ont en commun :

(a) la relation morphologique avec un nom, ce sont des adjectifs dénominaux;

(b) la capacité, dans certaines conditions particulières, de valoir pour un complément prépositionnel du nom recteur ;

(c) le fait de ne jamais être épithète antéposé ; l'antéposition peut servir également de critère de distinction entre deux formes homonymes;

(d) le fait d'être inusités comme attributs sauf dans des conditions particulières, les constructions attributives contraignent une interprétation sous-classificatrice, contrastive ou typique ;

(e) l'incompatibilité avec le degré, y compris pour les phrases en être recevant une interprétation contrastive, mais non pour les phrases en être à interprétation typique ;

(f) le refus de la nominalisation en avoir;

(g) ainsi que le refus, moins systématique, de la substantivation au moyen de l'article générique ;

La propriété [d], combinée avec [a], sert de définition des adjectifs relationnels, et la définition obtenue est beaucoup plus opératoire que celles de Tamine (1988) ou Rodriguez (2000) précédemment citées.

Les exemples ci-après le démontrent. Les mots en gras sont des adjectifs relationnels.

6.a. L'autre Tanga auquel les bâtiments administratifs tournaient le dos occupait le versant nord (VC :20)

6.b. Tanga commercial, Tanga de l'argent et du travail lucratif vidait l'autre Tanga de sa substance (VC :21)

6.c. Ils s'acquittaient de leurs fonctions diverses : rabatteurs, marmitons, main-d'oeuvre pénale (VC : 21)

Dans ces énoncés [5.], administratifs, commercial, et pénale sont respectivement issus de administration, commerce, et peine . Tous sont postposés aux noms dont ils dépendent.

Ces adjectifs ne varient pas en degré telles que le montrent les phrases ci-dessous.

6.a'. *L'autre Tanga auquel les bâtiments très / vraiment / véritablement / fort administratifs tournaient le dos occupait le versant nord

6.b'. *Tanga très / vraiment / véritablement / fort commercial,

6. c'. *Ils s'acquittaient de leurs fonctions...main-d'oeuvre très / vraiment / véritablement / fort pénale

Les adjectifs administratifs, commercial, et pénale n'acceptent pas d'être modifiés par un adverbe. L'adjectif mortel n'est un adjectif que morphologiquement. En effet, péché mortel est plutôt un nom composé, parce que mortel ne prend sens qu'avec péché. D'un point de vue syntaxique, mortel n'est donc pas un élément lexical.

En outre, la fonction attribut peut être assumée par certains de ces adjectifs. Les phrases sont soit tout à fait agrammaticales, soit d'acceptabilité variable. L'acceptabilité des énoncés conditionne les propriétés distributionnelles des structures Det+ Npred+ Cop/ Vattrib+ Adj rel. Nous prenons uniquement en compte de l'interdépendance entre le déterminant, le nom tête, la présence ou absence de modifieurs. L'absence de l'un de ces éléments, le choix d'un élément d'une nature différente peut considérablement agir sur l'agrammaticalité de l'énoncé. Par exemple l'insertion d'un type de déterminant précis réduit l'agrammaticalité de l'énoncé et accroit le sentiment d'acceptabilité dans certains contextes.

6.a. ?Les / Ces bâtiments sont/ restent / ont l'air/ paraissent / administratifs

6.b. ?Tanga est / reste / a l'air / parait commercial,

6.c. *La/ cette main-d'oeuvre est / reste / a l'air / parait pénale

Certaines de ces phrases sont presque acceptables, mais le critère de Monceaux est à interpréter plutôt comme une différence d'acceptabilité avec Ces bâtiments (sont + restent + ont l'air + paraissent) des bâtiments administratifs. On perçoit dans ces phrases l'interprétation sous-classificatrice ou typique mentionnée par Monceaux. Le test de la phrase copulative donne donc un résultat compatible avec l'hypothèse d'adjectifs relationnels.

Quand les relationnels sont toujours postposés au nom, les adjectifs qualificatifs dont la présentation suit sont toujours antéposés. Ce sont les adjectifs qualificatifs de type trois.

1.3. Les adjectifs qualificatifs de troisième type

Tous les adjectifs qualificatifs ne rentrent pas dans la bipartition adjectifs qualificatifs simples vs adjectifs relationnels. En effet, nombreux sont les adjectifs au comportement atypique. Pour Riegel et al. (2014 :599)

les adjectifs de ce type ne sont ni relationnels ni qualificatifs. Exclusivement épithètes et non gradables, ils sont généralement antéposés au nom qu'ils modifient et ils ne spécifient pas le sémantisme, mais modalisent, chacun à sa façon, le rapport du GN où ils figurent avec sa contrepartie référentielle.

Ces adjectifs sont encore appelés adjectifs situationnels. Schnedecker (2002 :3) indique que cette classe renferme les adjectifs situationnels de lieu (espace réel ou espace du discours), les situationnels de temps et les situationnels d'existence. Elle en donne une liste. Seulement, les contours de ces adjectifs ne sont pas connus. On y retrouve des adjectifs comme

futur, passé, pur, simple, même, autre , tel, pareil, certain, propre, seul, unique, simple, pur, franc, vrai, véritable, faux, plein, authentique, soi-disant, prétendu, vague, habituel, actuel, ancien, primitif, présent, passe, éternel, droit, gauche, haut, bas, avant, arrière, principal, moyen, propre, secret, passe, prochain, futur, ex, vieux, nouveau, amont, ouest, central, périphérique, préféré, favori, adore, chéri, suivant, précédent, récent, éventuel, principal, simple, principal, grand, vrai, seul, droit, actuel, ancien, grand, gauche, méchant.

Ces adjectifs ont reçu peu d'études systématiques. Relevons celles de Giry-Schneider 2005 et Laporte 2005. Ces adjectifs ont une extension sémantique différente de celle des qualificatifs et de celle des relationnels. Les relationnels établissent un rapport entre le nom et l'adjectif. Les qualificatifs simples caractérisent et indiquent une propriété intrinsèque du

référent désigné par le nom. Les adjectifs de la liste précédente ont la particularité de traduire la localisation dans le temps, l'espace ou l'ordre. Certains encore participent à l'évaluation de l'énoncé. Nous ne saurons leur consacrer plus de place dans le cadre restreint de ce travail. Les analyser et en produire une systématique dépasse largement les limites de ce travail. Il importe à présent de donner une vue des adjectifs-participes passés.

1.4. Le participe passé : entre adjectif et verbe

Selon Gross (1996 :16), les dictionnaires proposent souvent deux entrées concurrentes pour les participes passés. Il y aurait donc une forme adjectivale et une forme verbale. Mais l'auteur propose dans son article de considérer tous les participes passés comme des adjectifs, même dans les temps composés avec l'auxiliaire avoir. La distinction entre les deux usages n'est pas toujours évidente. Les deux formes ont en effet la capacité de varier en genre et en nombre. L'observation des phrases suivantes le montres. À partir de ces dernières, nous donnerons modestement des éléments susceptibles de discriminer les deux formes.

7.a. Sur le front sillonné de rides se lisait le regret d'une jeunesse ratée et à jamais enfuie (VC : 60)

7.b. Le conducteur...était affalé sur le marchepied123-123-

7.c.elle fonçait devant elle, la tête baissée (VNM :75)

7.d. Le monde est convaincu qu'il n'y aura pas d'attaque ce soir (LP 11/10/02 :60)

Les formes en gras dérivent toutes des verbes. Ce sont donc des déverbatifs issus respectivement de sillonner, rater, (s'en)fuir, (s') affaler, baisser et convaincre. Au plan morphologique, en dépit des flexions, ces formes sont parentes. Elles apportent une information qualifiante ou spécifiante au sémantisme d'un nom. Pourtant, les mêmes formes peuvent indifféremment être adjectif ou verbe. Comment savoir qu'ici nous avons affaire à l'emploi verbal et là à l'emploi adjectival ?

Pris comme adjectif, le participe passé est lié au nom dont il constitue une expansion. Il peut être épithète, attribut ou apposé. C'est le cas de sillonné, raté, affalé, enfuie, baissé et convaincu.

Par contre, en emploi verbal, le participe passé sert généralement à la conjugaison des verbes aux temps composés. Il peut introduire le passif. C'est le cas de sillonné en [7.b.]. Certaines de nos phrases donnent cette possibilité. On peut rétablir les actifs suivants : des rides sillonnaient son front, il ou elle avait raté sa jeunesse, quelque chose a convaincu le

Il ressort de ce parcours que la classe de l'adjectif qualificatif est dense et hétérogène. Les éléments qui la composent on de nombreuses différence au plan de la forme

monde qu'il n'y aura pas d'attaque ce soir. Dans le cas de sillonné et raté, il faut rétablir l'auxiliaire être pour obtenir le passif. On ne saurait cependant avoir l'énoncé suivant : *Le conducteur était affalé sur le marchepied par la fatigue. On construit difficilement une phrase à l'actif avec ce matériel lexical. Si l'on en construit une, elle devient agrammaticale. L'énoncé qui suit le montre : ?*La fatigue avait affalé le conducteur sur le marchepied.

Dans le contexte verbal, les deux usages se confondent. Employé avec l'auxiliaire être la forme participiale fonctionne comme un adjectif. Mais, de notre avis, la substitution permet de lever l'ambiguïté. Le participe peut être remplacé par un adjectif qualificatif simple en emploi adjectival et la phrase conserve sa grammaticalité. Si la substitution est impossible, s'il y a changement de sens et que la grammaticalité de la phrase est mise en question, nous conclurons qu'il s'agit d'un emploi verbal.

7.a'. Sur le front plein de rides se lisait le regret d'une jeunesse triste et à jamais fade (VC : 60)

7.b'. Le conducteur...était installé / coucher / assis ?beau sur le marchepied (VC : 123)

7.c'. Elle fonçait devant elle, la tête nue / chauve (VNM :75)

7.d'. Le monde est sûr / heureux qu'il n'y aura pas d'attaque ce soir (LP 11/10/02 :60)

Dans ces énoncés, [7.a', 7.c', et 7.d'] admettent l'adjectif qualificatif simple à la place de la forme participiale. Ces adjectifs qualificatifs caractérisent le nom. Nous concluons que ce sont des participes adjectivés. En conséquence, si un participe passé se révèle être un adjectif, il appartiendra à l'une des trois premières catégories définies.

En [7.c'], si l'on introduit un adjectif qualificatif simple, deux possibilités se présentent. Le sens de l'énoncé change ou alors sa grammaticalité est problématique. Dans la phrase, Le conducteur...était ?beau sur le marchepied, l'adjectif beau particularise et caractérise le GN le conducteur. Un glissement sémantique perceptible s'opère.

Notons aussi que son emploi verbal, le participe passé sera généralement remplacé par un verbe de sémantisme voisin. De ce fait, être affalé induit être assis, être couché, être installé, etc. Tous marquent l'adoption d'une station, l'adoption d'une posture.

et du sémantisme. Ces différences s'étendent également à la complémentation de l'adjectif qualificatif.

2. PROBLÉMATIQUE DE COMPLÉMENTATION DES ADJECTIFS QUALIFICATIFS EN FRANÇAIS MODERNE

En tant que tête lexicale d'un GA, l'adjectif qualificatif peut recevoir divers types de modifieurs. Un tri doit aussi être fait. En réalité, d'une part, tous les adjectifs qualificatifs ne reçoivent pas de compléments. D'autre part, certains exigent tel complément et excluent tel autre comme l'illustre cette série d'exemples :

8.a. Sans ralentir, ils pénétraient dans la ville, laissant un nuage de poussière triomphal flotter derrière eux, ou éclaboussaient hommes et choses de boue et de latérite rouge (VC :20)

8.b. Seulement, elle se soulageait seulement par une expiration forte et violente comme une explosion larvée (VC :112)

8.c. Visage clair, mais sec et tiré, un nez long de bec de calao, des yeux perdus sous des cils de chimpanzé, des oreilles décollées...la chéchia rouge, défraîchie, avec une bordure graisseuse et noir, le boubou de cotonnade grossière, rapiécé, Babou plongeait ses doigts intrépides dans ses haillons pour maîtriser des poux trop irrévérencieux (SDI :134)

8.d. Il était convaincu que ça ne serait pas de la tarte (TSTA : 200)

8.e. Mais k trouvait suspect qu'on ne voulût pas lui montrer les papiers (LP : 172)

Ces exemples nous donnent deux configurations. Nous avons d'abord des adjectifs qualificatifs qui n'admettent pas de complément. Ils n'acceptent ni complément nominal ni complément propositionnel. C'est le cas triomphal, rouge, tiré, rouge, noir. Hormis les usages métaphoriques, si on leur donne un complément, les phrases deviennent agrammaticales comme le montre l'énoncé [8.a'] ci-dessous.

8.a'. Sans ralentir, ils pénétraient dans la ville, laissant un nuage de poussière *triomphal à mourir / de qualité/ Que je vois flotter derrière eux, ou éclaboussaient hommes et choses de boue et de latérite *rouge de la maison / Que je devine / à vendre (VC : 20)

Nous distinguons par la suite des adjectifs susceptibles de se construire avec une expansion à droite. Il faut distinguer trois types d'expansion dans cette catégorie. Le complément peut être un GN introduit ou un infinitif. Dans ce cas de figure, on a les structures Adj+Prep+N et Adj+Prep+ inf.

Les structures Adj+Prep+N et Adj+Prep+ Inf. sélectionnent diverses prépositions. Certains adjectifs admettant un nom complément peuvent également régir une infinitive. Encore faut-il faire le tri entre les structures Adj+Prép+ N qui sont équivalentes à Adj+Prép+Inf et celles qui ne le sont pas. On doit également circonscrire les contours distributionnels de ces adjectifs et les propriétés transformationnelles de ces différentes structures. De tels objectifs transcendent largement les limites et les objectifs de notre présent travail.

Outre l'infinitif et le nom, l'adjectif qualificatif peut aussi sélectionner une proposition subordonnée conjonctive complétive. C'est l'autre structure ou construction opératrice. Elle se formalise sur le modèle Adj. + Que P. Elle est illustrée par les énoncés [8.a et 8.b].

8.d. Il était convaincu que ça ne serait pas de la tarte (TSTA : 200)

Les adjectifs relationnels semblent exclus de la rection de la complétive. Leur apparition dans la structure à complétive tensée est exclue comme le prouvent les énoncés ci-dessous.

8.d. *Il était administratif / Dominical que ça ne serait pas de la tarte (TSTA : 200)

Cette structure est au centre de notre travail. Le problème est de savoir quels sont les adjectifs qualificatifs susceptibles d'y entrer. Cette observation liminaire nous permet partiellement de dire que la classe 1, et la classe 4 des adjectifs qualificatifs peuvent y entrer. Mais tout n'y réside pas. En effet, ce sont leurs profils distributionnels et transformationnels qui mettront davantage la lumière sur cette structure. Nous donnons dans le tableau suivant un résumé de la complémentation de l'adjectif en français.

Illustrations

Structures

Types d'adjectifs Occurrents

Exemples

Adj. + 0

Type1 et 2

Les bâtiments sont confortables Le tableau est rond / vert

Adj. + Prép + N

Type 1, type3

Ces jeunes gens sont enclins aux plaisirs

Mes élèves sont aptes à la / en mathématiques ; ils sont / exempts de devoirs

Adj. + Prép + Inf.

Type 1, type3

Pierre a acheté une fleur belle à voir Ce bébé est bon à toucher

Adj. + Que + P

Type 1

Les enfants sont convaincus que leur mère arrive.

Tableau 1 : La complémentation de l'adjectif qualificatif en français

Ce tableau décrit les problèmes à résoudre sur la complémentation de l'adjectif. Non seulement la discrimination entre les types d'adjectifs entrant dans une structure est nécessaire mais la sélection des prépositions reste aussi un problème. Le profil des adjectifs est à construire au plan distributionnel et transformationnel. Car pour Gross, selon Wilmet (1998 :109), deux adjectifs quelconques n'ont pas le même ensemble de propriétés syntaxiques.

En définitive, cette partie a été consacrée à la définition de la classe de l'adjectif qualificatif en tant que partie du discours. Elle s'est également attelé à en donner une typologie et une étude de sa complémentation. Pour y parvenir, nous avons procédé à une étude de la notion d'adjectif dans les grammaires. Port-Royal en a émis une perception. Cette dernière mêle l'adjectif au nom. Il existe un nom substantif et un nom adjectif. Dans les grammaires traditionnelles, l'adjectif est saisi dans sa singularité en tant que mot. Il semble être isolé de son contexte. Pour le définir, la grammaire classique mêle les critères logique, formel et sémantique. Cela étant, on y obtient pas une définition satisfaisante de l'adjectif.

Dans les grammaires structurales, l'adjectif qualificatif est appréhendé à l'aune du groupe ou du syntagme dont il est la tête. Les propriétés distributionnelles en sont indiquées. Si la sémantique et la forme persistent dans la définition de ce constituant, l'accent est davantage mis sur la syntaxe de cette unité linguistique. L'adjectif est la tête du GA. La classe de l'adjectif qualificatif a donné de constater son hétérogénéité. Au total, nous pouvons distinguer trois sous-classes d'adjectifs qualificatifs. Ces dernières ont chacune un comportement et des spécificités.

En tant que tête du GA, l'adjectif qualificatif peut recevoir une complémentation. Les compléments de l'adjectif peuvent être un N, un infinitif ou une proposition subordonnée complétive. Dans ces diverses structures, il existe des contraintes distributionnelles et transformationnelles dont l'étude nécessite un autre cadre.

La complémentation propositionnelle sélectionne les adjectifs du premier et du quatrième type, à l'exclusion des adjectifs relationnels et des adjectifs situationnels. Ce constat est un préalable à l'étude qui nous concerne. Ainsi, bien qu'ayant déjà une idée des classes d'adjectifs suceptibles d'introduire Que P, il nous faut en savoir long sur la structure Adj+Que P. Dès lors, quelles sont les propriétés transformationnelles de la proposition complétive de l'adjectif ? Qu'a-t-elle de particulier par rapport aux autres complétives non verbales ? Comment ces dernières fonctionnent-elles globalement ? Peut-on leur trouver un dénominateur commun ou des constances ? Autant de questions sur lesquelles se pencheront les chapitres de la deuxième partie du travail.

DEUXIÈME PARTIE

DES COMPLÉTIVES NON-VERBALES À LA COMPLÉTIVE DE L'ADJECTIF

Le sujet de recherche du présent travail laisse entrevoir trois items majeurs : l'adjectif, la complétive et la complétive de l'adjectif. Cela suppose que pour mieux être compris et déblayé, ce thème exige que l'on table sur ces trois notions. Dans la partie précédente, une vue de l'adjectif a été donnée. Il convient à présent de s'intéresser non seulement à la notion de complétive, mais aussi à la complétive de l'adjectif.

En réalité, la complétive la plus connue est celle du verbe. La tradition grammaticale et le discours pédagogique ont concouru à la vulgariser. Or, l'adverbe, le nom et l'adjectif introduisent aussi des complétives. Celles-là non pas encore été suffisamment explorées. Nous les avons baptisées complétives non-verbales. Elles peuvent en effet révéler des faits grammaticaux dignes d'intérêt pour la compréhension de la subordination en général et la saisie des complétives en particulier.

Par ailleurs, les complétives non verbales sont un tremplin menant à la complétive adjectivale. En effet, contrairement au verbe, le nom, l'adverbe et l'adjectif qualificatif sont des mots non conjugables. Ils peuvent avoir des propriétés communes en ce concerne la complétive. Il apparait donc intéressant de saisir globalement leur fonctionnement afin de vérifier si la complétive de l'adjectif présente les mêmes traits.

Dès lors, les deux chapitres qui suivent interroge leur dynamique fonctionnelle et les contraintes diverses qu'elles entraînent. La notion de complétive est revisitée. La complétive du nom et ses problématiques sont posées et évaluées. La complétive de l'adverbe et son aporie sont esquissées. Enfin, la partie met en lumière, en les éprouvant, les complétives adjectivales. Autrement dit, l'analyse traite des différentes structures qui s'y trouvent, leurs possibilités de reformulation et le fonctionnement syntaxique auquel elles se prêtent.

LES COMPLÉTIVES NON-VERBALES : ESSAI DE SYNTAXE

CHAPITRE TROISIÈME

Selon ses régissants, la complétive se distingue en deux catégories : la complétive verbale et la complétive non verbale. La complétive verbale dépend d'un verbe. La complétive non-verbale est soumise à d'autres parties du discours. On y retrouve l'adjectif qualificatif, le nom et l'adverbe. Selon Bonard (2001 :203-204), le verbe est

une partie du discours qui exprime le temps. Cette propriété a pour corrélatif l'aptitude à exprimer non pas l'immuable et le permanent comme le font les noms et les adjectifs, mais tout ce qui surgit et disparait dans le temps [...] signifiés divers que les grammairiens modernes ont convenu de réunir sous le terme unique de procès [...]

Alors que les autres classes syntaxiques présentent généralement le statique, le verbe

déploie le dynamique, des procès. Il se conjugue, propriété qui le distingue
fondamentalement des autres classes syntaxiques. Pour Kanté Issa (2016 : 2),

la typologie des complétives est fondée sur la relation de prédication à l'oeuvre entre l'élément recteur et la complétive qu'elle gouverne. Les complétives peuvent donc être classées en cinq groupes : la complétive du verbe, la complétive du nom, la complétive de l'adjectif, la complétive de l'adverbe, et la complétive de la préposition.

La complétive du verbe a reçu plus d'intérêt en français et a été la plus vulgarisée. De ce fait, quand on parle de complétive, d'emblée c'est la structure V +Que P qui émerge à l'esprit. Parce que largement connue, cette structure n'intéressera pas la présente analyse ainsi que la complétive de la préposition de Kanté (2016) qui, elle aussi, rentre dans le grand ensemble des subordonnées circonstancielles.

Les complétives régies par d'autres mots sont peu connues. Si des études s'y consacrent, on est désireux de savoir à quelle systématique elles aboutissent.

Or, les complétives non-verbales présentent, elles aussi, de l'intérêt en tant que phénomènes grammaticaux dignes d'être analysés. Tel est le premier enjeu de ce chapitre. Par ailleurs, afin de mieux aborder la complétive de l'adjectif et les classes d'adjectifs opérateurs, il est nécessaire de saisir le fonctionnement des autres structures et des autres mots opérateurs non-verbaux. Les propriétés des uns ne pourraient-elles alors être corrélées

à celles des autres ? Mais, avant de traiter des complétives non-verbales tel que l'indique le titre du chapitre, il apparait intéressant de s'interroger sur la notion de complétive en elle-même.

Dès lors, qu'est-ce qu'une proposition subordonnée complétive et par quoi se caractérise-t-elle ? Qu'est-ce qui définit les complétives non-verbales au plan formel, distributionnel et transformationnel ? D'autre part, peut-on leur trouver un dénominateur commun ou des constantes ? Pour y répondre, nous suivrons une progression en trois parties. La première clarifiera la notion de complétive d'une part. D'autre part, elle en fournit un essai de diachronie. La deuxième partie du chapitre étudiera la complétive du nom dans ses structures en identifiant quelques problèmes qu'elle pose. La troisième sera consacrée à l'analyse de la complétive de l'adverbe. L'étude de la complétive adjectivale est renvoyée au chapitre 3. En réalité, sa présentation dans le présent chapitre aurait donné lieu à une répétition préjudiciable ; d'où le choix de surseoir son étude.

1. ESSAI DE DIACHRONIE DE L'ÉTUDE DE LA COMPLÉTIVE

La complétive, en tant que constituant de la phrase, a suivi un développement corolaire à celui de la phrase et son analyse a été influencée par les options prises en grammaire au gré du temps. L'évolution chronologique de la notion de complétive est envisagée sur deux ères grammaticales : en grammaire traditionnelle et en grammaire structurale. Il question de scruter comment chacune des périodes ainsi indiquée appréhende et analyse la complétive (la phrase complexe plus généralement).

1.1. Grammaire classique et analyse logique de la complétive

En rappel, telle que présentée au chapitre 1, la grammaire classique a concomitamment une essence philosophique et logique. Elle a également une plus-value pédagogique. De ce fait, son mode opératoire est influencé par ces courants et l'analyse de la phrase complexe subséquente le reflète. Nous présentons ci-dessous la démarche de la grammaire classique : l'analyse logique (AL) et son incidence sur la perception de la complétive.

1.1.1. Le protocole de l'AL

L'AL domine la sphère de la grammaire depuis plus de trois siècles. Elle est une méthodologie d'analyse de la phrase en propositions. Selon Onguene (2017 : 241), l'AL s'effectuait en cinq étapes. Il s'agit :

1. de repérer les verbes conjugués (et identifier le verbe principal comme indicateurs du nombre de propositions),

2. d'isoler la proposition principale et les propositions subordonnées

3. de définir chaque proposition en indiquant : sa nature (proposition subordonnée relative, ou complétive, ou circonstancielle),

4. de dégager le mot qui l'introduit (pronom relatif, conjonction de subordination, etc.),

5. de cerner sa fonction (complément de l'antécédent, COD, COI, complément circonstanciel.)

Pour les pédagogues d'antan et jusqu'à ces jours, cette procédure est destinée à « faciliter » aux apprenants la compréhension de la pensée. Le découpage est alors mécanique. Les propositions sont prises comme des membres de phrases indépendants de la dynamique phrastique. Soient les énoncés suivants :

1.a. K. lui expliqua que le procureur était en effet de ses amis (LP :286)

1.b. Il récita scrupuleusement les sourates qui éloignent les esprits dans la nuit (SDI : 119)

1.c. Quand il était enfin réapparu, Elisabeth [...] avait envoyé paître le vieux (TSTA

: 174

En respectant les cinq étapes (E) ci-dessus indiquées à l'énoncé (1.a.), l'on aurait

l'analyse suivante :

E1 : 2 verbes conjugués : expliqua (verbe principal) et était ;

E2 : K. lui expliqua / que le procureur était en effet de ses amis ;

E3 : K. lui expliqua (Prop. princ.) / que le procureur était en effet de ses amis (Prop. sub. Complétive) ;

E4 : introduite par que, conjonction de subordination :

E5 : COD de expliqua.

Le principe fondamental est qu'autant de verbes conjugués, autant de propositions. La proposition semble fonctionner comme un constituant doté d'une autonomie. La plupart des grammaires scolaires d'obédience classique vont adopter ce schème d'analyse. Elles l'appliquent à la phrase complexe, et partant à la complétive. Le parcours de quelques-unes permet de le constater.

1.1.2. La complétive dans quelques grammaires classiques

Analyse, brochure des Frères des écoles chrétiennes (1990 : 20-21), n'a pas de leçon intitulée la phrase ou la phrase complexe. Au contraire, la 41è leçon est titrée Analyse logique : la proposition, titre révélateur de la perspective dans laquelle s'inscrit l'analyse des propositions. La proposition est un groupe de mots réunis autour d'un verbe ayant un Sujet.

Dans une phrase, il y a autant de propositions que de verbes à mode personnel. Pour trouver une proposition on commence par trouver le VERBE, puis son SUJET et ses COMPLEMENTS. Dans ce manuel, la complétive s'identifie dans les subordonnées directe (leçon 47), indirecte (leçon 48) et sujet (leçon 49). Pour les Frères (1990 :23),

on a une subordonnée DIRECTE lorsque la subordonnée joue le rôle de compl. DIRECT du verbe de la principale. Elle commence par une CONJONCTION : on dit qu'elle est complétive [...] INDIRECTE lorsque la subordonnée joue le rôle de compl. INDIRECT du verbe de la principale [et] SUJET lorsque la subordonnée joue le rôle de sujet de la principale. (Verbe impersonnel).

Plusieurs remarques émergent. La complétive y est analysée comme un nom, suivant la méthode de l'AG. Par ailleurs, la complétive risque de se confondre avec les autres classes propositionnelles qui peuvent avoir les fonctions ainsi énumérées. Référence est faite aux relatives substantives, aux interrogatives indirectes, et aux infinitives. Bien plus, étant donné cette saisie fonctionnelle globale que le livre en donne, ses propriétés spécifiques n'apparaissent pas clairement, au-delà de la conjonction, trait morphologique qui est évoqué.

Grammont et Hamon (1951) s'inscrivent dans la même perspective. Le titre de leur ouvrage est évocateur : Analyse grammaticale et analyse logique, programmant ainsi les deux parties du livre. Grammont et Hamon (1951 :70), dans la section titrée la proposition dans la phrase, déclarent :

une proposition est un groupe de mots étroitement liés par le sens et renfermant un verbe. Ex. : Le bûcheron regagna sa chaumière ; Dans une phrase, c'est-à-dire une suite de propositions, il y a en principe autant de propositions que de verbes à un mode personnel : Ex. : Quand le soir arriva/ le paysan cessa son travail /et se dirigea vers la ferme / qu'il apercevait au loin. Cette phrase renferme 4 verbes, donc 4 propositions.

La complétive est étudiée comparativement à la relative. Il ressort que la complétive est rattachée à un verbe dont elle achève et complète le sens. Elle est un complément d'objet. On distingue deux sortes de subordonnées complétives : la subordonnée complétive par Que ; la subordonnée interrogative indirecte. La complétive par que dont nous traitons est susceptible d'apparaitre après les verbes qui expriment une opération de la pensée. On trouve la complétive par que après certains noms renfermant l'idée des verbes : dire, penser, etc.

Nous retenons que la complétive est analogue au nom. Cette proposition est étudiée en des termes sémantiques (elle achève et complète le sens) et morphologique (introduite par que, un verbe, un nom). Les mêmes observations peuvent être faites à la lecture de Dubois et al., Wagner et Pinchon et Grevisse.

Dubois et al. (1961 : 132 et sq) ont un chapitre titré La structure de la phrase. Pour peu que ce titre laisse entrevoir une description structurelle de la phrase, son contenu ne demeure pas moins fidèle à la logique classique. Pour les auteurs,

une phrase est faite de plusieurs propositions. Chaque proposition contient en général un verbe, un sujet, des compléments ou un attribut. Il y a autant de propositions dans une phrase que de verbes à un mode personnel (indicatif, conditionnel, subjonctif et impératif [...]. On appelle subordonnées complétives les subordonnées qui jouent le rôle de complément d'objet ou attribut de sujet du verbe principal. Elles peuvent être introduites par une conjonction.

Les complétives en Que peuvent être sujet, objet ou attribut. Les deux premières répondent respectivement aux questions qu'est-ce qui ? Quoi ? Les auteurs closent l'exposé sur la complétive par l'étude du mode dans cette dernière, d'où il ressort que la complétive peut être au subjonctif ou à l'indicatif.

Dans le chapitre Syntaxe Des Phrases Complexes, Wagner et Pinchon (1962 :548 et sq) étudient les subordonnées qu'ils nomment propositions dépendantes. Pour ces auteurs, la subordonnée se ramène, par analogie, à la fonction d'un terme équivalent dans une phrase simple. Les phrases dépendantes peuvent donc assumer la fonction sujet ou objet ou attribut ou de complément déterminatif. Wagner et Pinchon classent les propositions en fonction de leur morphologie, sur la base du mot introducteur. Les complétives sont introduites par la conjonction de subordination que. Il en existe plusieurs catégories. Dans la première catégorie dont on traite, la conjonction ne peut être remplacée par aucune autre conjonction ou locution conjonctive ; la proposition dépendante est dans un rapport étroit avec un terme de la principale : verbe, locution verbale, substantif, adjectif. Exemple : Tu penses qu'il viendra ; Il est souhaitable que tu reviennes sur tes pas.

Pour Wagner et Pinchon (1962 : 560), ces propositions peuvent avoir pour support un verbe, une locution, un adjectif, un substantif, et peuvent aussi n'avoir pas de support. Exemple : je sais que je serai sauvé. Le fait que Marie revienne m'attriste ; J'ai envie qu'on

m'instruise de la suite. Celles-ci peuvent être sujet, attributs, objets, ou compléments déterminatifs.

Grevisse (1980 et 1990) a une orientation traditionnelle. L'analyse des propositions qu'il fait est logique. L'auteur (1990 :52) part du postulat selon lequel, il y a, dans une phrase, autant de propositions qu'on trouve de verbes à un mode personnel, exprimés ou sous-entendus. Il est tourné vers une grammaire du mot où les parties du discours sont omniprésentes. Tous les autres faits s'apprécient à partir du fonctionnement des espèces de mots en phrase simple. C'est pourquoi, suivant Grevisse (Op. cit : 235),

on peut fonder une classification des propositions subordonnées sur les fonctions qu'elles remplissent dans la phrase. De même que, dans la phrase simple, les fonctions de sujet, d'attribut, d'apposition, de complément d'objet direct ou indirect, de complément circonstanciel, etc., peuvent être remplies par un mot (nom, pronom, adjectif), de même, dans la phrase composée, ces différentes fonctions peuvent être remplies par une proposition une proposition [...]

Dans la classification qui s'en suit, la complétive, par son analogie au nom, se retrouve disséminée au sein des subordonnées sujets, objets, attributs, compléments du nom, compléments de l'adjectif. Elle est introduite par une conjonction, que, une locution à ce que, de ce que, et les verbes qui la régissent sont des verbes d'opinions, de pensée, etc.

La perception de la complétive par la grammaire classique peut être esquissée à partir de ces six présentations. La complétive y est saisie par une série d'éléments éparses et son identification se fait sur la base de critères peu solides. La logique y est encore perceptible, d'où l'analyse logique qui persiste comme moyen de description de cette proposition. Nous pouvons aussi voir que dans la grammaire traditionnelle, la complétive est davantage connue sur les plans morphologique et sémantique : la plupart des grammaires reviennent sur le sens des verbes recteurs de complétives. Les fonctions de la complétives se détectent par le jeu des questions dont la pertinence est sujette à caution.

En clair, l'étude de la complétive en grammaire traditionnelle n'est systématique. À partir de son analyse logique et du manque de fondement épistémologique, la grammaire classique n'a pas réellement dressé un profil complet et satisfaisant de la complétive. Ce faisant, au plan pédagogique, cette situation est à l'origine de nombreux problèmes sur lesquels revient Onguene (2017). Constatant ses limites, et la fortune des courants structuralistes aidant, la grammaire et l'analyse de la phrase complexe (PC) se tournent vers

les nouveaux instruments qu'offre la linguistique. La PC quitte le cadre restreint des manuels pédagogiques pour gagner les descriptions et ouvrages de linguistique. D'autres analyses voient le jour.

1.2. Phrase complexe et complétive en linguistique structurale

La phrase complexe reçoit une analyse originale en linguistique structurale. Certes, même la grammaire traditionnelle voit, implicitement, une analogie entre phrase simple et phrase complexe. Cela se justifie par la propension des grammaires à transposer les fonctions de la première au sein de la deuxième.

Cette analogie est posée comme un axiome par les grammaires structurales. Définissant par exemple la phrase complexe, Riegel et al. (2014 : 780) déclarent que, syntaxiquement, une phrase est complexe si elle possède globalement les attributs définitoires de la phrase [...] Elle comprend un constituant qui, ayant lui-même la structure d'une phrase (P?GN+GV), se trouve ainsi être en relation de dépendance ou d'association avec une autre structure de phrase.

Le constituant dont il est question dans le deuxième membre de cette définition est la traditionnelle proposition qui est, non plus un élément d'apparente autonomie et coupé de la réalité phrastique, mais un constituant inséré dans le schéma d'une phrase.

Avec l'opération de substitution, un des tests caractéristiques de la linguistique structurale et l'émergence de la notion de syntagme, la proposition est sentie soit comme un syntagme majeur de la phrase, soit comme un subordonné de l'un des syntagmes du schéma structurateur de la phrase. Elle est un membre enchâssé.

Dans la perspective structurale, phrase simple = phrase complexe= SNO+ V+ X, quel que soit le degré de complexification de l'énoncé. La complétive et toutes les autres subordonnées sont donc réintégrées au sein des constituants qui les accueillent (verbe, GN, GA, etc.). Sans totalement abandonner l'héritage de la tradition notamment les fonctions et les têtes lexicales de la complétive, les modèles linguistiques en donne une formalisation et une terminologie souvent différente. Ne pouvant pas totalement rendre compte de la présentation de ces modèles dans le cadre restreint de travail, nous limiterons l'étude à une description morphologique et syntaxique de la complétive.

1.2.1. La morphologie de la complétive

Décrire la conjonctive complétive revient à la situer parmi les subordonnées et dans l'ensemble des complétives. Cela consiste par ailleurs à en préciser les traits morphologiques, ses caractéristiques rectionnelles.

1.2.1.1. La conjonctive pure : essai de clarification

L'appréhension de la complétive varie selon les grammaires. Cela empêche régulièrement le grammairien de lui donner une définition circonstanciée. Comme le font remarquer Wagner et Pinchon (1972 : 559),

cette dénomination est employée de diverses façons par les grammairiens : certains l'appliquent à toutes les propositions qu'elles soient sujet, attribut, objet, complément circonstanciel ou qu'il s'agisse de propositions relatives [...], d'autres la réservent aux propositions qui jouent le rôle de sujet, d'objet, ou d'attribut (les conjonctives par que, les interrogatives indirectes, les infinitives).

Il n'existe pas de consensus, les usages sont fluctuants. Ils dépendent de chaque grammairien et des analyses qu'il mène. La même remarque est formulée par Riegel et al. (2014 : 823) en ces termes :

les propositions complétives sont des propositions qui se substituent, dans certains cas déterminés et selon certaines règles précises, à des groupes nominaux (GN) constituants du groupe verbal (GV), ou plus rarement au GN sujet, voire à des GN compléments de noms et d'adjectifs. On remarquera donc que toutes les complétives ne sont pas des compléments du verbe, pas plus que toutes les propositions subordonnées compléments ne sont des complétives : les deux termes ne sont pas synonymes.

Pour Wagner et Pinchon les subordonnées sujets sont exclues de la dénomination de complétive. Elles y sont incluses chez Riegel et al. Le présent travail adopte ce dernier point de vue, selon lequel (Op.cit. : Ibid.) les complétives constituent un grand ensemble qui intègre d'un côté les complétives introduites par que ou propositions conjonctives ; les infinitifs qui ont pour fonction de compléter le verbe ; et enfin les propositions interrogatives indirectes voire les exclamatives. Le travail portera non pas sur toutes les complétives, mais exclusivement sur la proposition conjonctive complétive, à savoir la complétive introduite par que, encore appelée « conjonctive pure » par Soutet ou phrase-GN chez Maingueneau. Les énoncés suivants illustrent cette proposition :

2.a. c'est un pote, mais il ne faudrait quand même pas qu'il en vienne à se demander à juste titre si je ne suis pas en train de déménager (TSTA : 7-8).

2.b. Il n'admettait pas que Léni lui parlât de Block comme d'un absent (LP : 226)

Exemples :

2.c. J'ignore pourquoi ce vieux toubab-là veut que je te suive (TSTA :100)

Dans ces trois énoncés, les segments introduits par la conjonction que mis en gras sont tous des compléments d'objet directs des verbes qui les introduisent. La proposition complétive ainsi délimitée a des traits morphologiques qui lui sont propres.

1.2.1.2. L'introducteur de la conjonctive complétive

Les traits morphologiques de la conjonctive complétive renvoient à l'ensemble des marques qui, du point de vue de la forme, distinguent cette proposition des autres. Référence est faite à l'introducteur et à ses propriétés. Tamine (1988 :41), parlant de l'introducteur des conjonctives pures ou complétives, affirme qu'

elles sont introduites par la conjonction que, qui, comme toutes les conjonctions, n'a évidemment aucune fonction grammaticale dans la subordonnée, mais qui, de surcroît, n'a aucune valeur sémantique. Elle a comme seul rôle de relier la principale à la subordonnée.

Ainsi, dans les énoncés ci-après :

3. a. PTC, tu ne crois pas que tu vas un peu vite en besogne ? (TSTA : 29)

3.b. Le dernier des Doumbouya déclare qu'il était un ex-détenu politique ( SDI :189)

3.c. K. lui expliqua que le procureur était en effet un de ses amis (LP : 286)

Dans ces exemples, tous des constructions transitives directes, le morphème que enchâsse les complétives : « tu vas un peu vite en besogne », « il était un ex-détenu politique », « le procureur était en effet un de ses amis » dans les principales : « PTC, tu ne crois pas », « Le dernier des Doumbouya déclare », et « K. lui expliqua ». Il n'y a pas de fonction grammaticale. Il assure uniquement la liaison des deux propositions. Sa présence est obligatoire, en sorte que sa suppression entraine une agrammaticalité des phrases.

Dans les constructions transitives indirectes où la complétive suit l'une des prépositions à, de, en. Elle est introduite par à ce que, de ce que, en ce que. Pour Chevalier et al. (1964 : 114),

la langue classique construisait couramment avec que des verbes dont l'objet, infinitif ou substantif, était précédé de À ou DE : je me passerai bien que vous les approuviez E...] Mais dans l'usage de plus en plus courant, on trouve ces verbes suivis de À CE QUE ou de DE CE QUE : Je consentis avec empressement à ce qu'il réduisit en poudre Murillo.

4. a. Je veillerai à ce qu'il en soit ainsi (LP :93)

4. b. Mon oncle tenait à ce que je vous charge de me représenter (LP :233)

4. c. Je vais m'informer de ce qu'il viendra réellement (SDI :122)

La conjonction de subordination qui introduit la complétive semble un mot de liaison sans contenu notionnel ni fonction grammaticale, contrairement au pronom relatif de la subordonnée relative qui, lui, a une fonction et une valeur anaphorique vis-à-vis de son antécédent (il le représente). On peut aussi l'opposer au pronom interrogatif ou à l'adverbe interrogatif dans le cas de l'interrogation indirecte. Ces derniers enchâsseurs ont, eux aussi, une valeur sémantique. Les pronoms renvoient selon les cas à l'humain ou non, les adverbes, quant à eux, évoquent une circonstance. La complétive se distingue à cet effet des autres subordonnées non seulement par les propriétés de son mot introducteur, mais aussi par les mots qui la régissent et les fonctions qu'elle peut occuper au sein la phrase, ce qui va maintenant être examiné.

1.3. Essai de syntaxe de la complétive

Envisager une syntaxe de la complétive revient à traiter d'une part des têtes lexicales avec lesquelles elle peut entrer en relation, mais aussi d'en esquisser une typologie d'autre part avant d'aboutir à ses fonctions au bout du compte.

1.3.1. Rection de la conjonctive complétive et typologie

Comme tout constituant de la phrase, la complétive obéit à des lois d'organisation qui précisent sa place, l'élément qui la précède et qui peut la suivre ainsi que ses fonctions. En effet dans chaque phrase, il existe un tissu de liens hiérarchiques entre les constituants. Du niveau intrasyntagmatique au niveau suprasyntagmatique, certains termes soumettent d'autres à leur dépendance. Le but de cette section est de rendre compte des mots qui introduisent la complétive afin d'en déduire une typologie.

La rection est, selon Dubois et al. (1973 : 407),

la propriété qu'a un verbe d'être accompagné d'un complément dont le mode d'introduction est déterminé [...] On parle aussi de rection pour les prépositions lorsque l'on considère que la préposition régit (gouverne) le cas qui est celui du syntagme qui suit.

Cette notion peut être étendue à toutes les classes syntaxiques susceptibles de gouverner la complétive. L'appréhension de Dubois et al. paraît restrictive puisque la rection implique, de notre point de vue, toutes les têtes lexicales majeures de la langue française, si l'on entend par « rection » le fait qu'un terme X détermine l'apparition et / ou le

choix d'un terme Y au sein de la phrase. Le nom est recteur de l'adjectif qualificatif, ce dernier régit l'adverbe à son tour. Le verbe régit son sujet et ses compléments, l'adverbe régit un autre adverbe. À ce titre, toutes les parties du discours autonomes de la langue sont dotées d'un schéma actantiel, c'est-à-dire des positions syntaxiques qu'elles ouvrent et la nature des constituants qui les occupent. Il s'agit de déterminer quels sont les mots-têtes ou les syntagmes recteurs de la complétive. En d'autres termes, on s'interroge sur les supports de la conjonctive en que.

La réponse à cette question varie selon les grammairiens, des grammaires d'obédience classique aux approches structurales, car tous ne recensent pas les mêmes éléments. Par ailleurs, ils ne trouvent pas pertinents tous les termes qui sont potentiellement les régissants de complétives. Ainsi, Dubois et Lagane (1973) recensent quatre possibilités de supports : le verbe, les suites impersonnelles, le nom et l'adjectif qualificatif. Tomassone (1996) ne considère que le verbe, la locution verbale et le nom comme des introducteurs de la complétive. Chez Soutet (1989), les complétives peuvent s'introduire dans le SV, le SN, et le SA. Wagner et Pinchon (1962) corroborent cette pensée et soutiennent que la complétive a pour régissants le verbe et les locutions y afférentes, l'adjectif et le substantif. La même perspective est suivie par Tamine (1988).

Riegel et al. (Op. cit) ainsi que Grevisse (1980) recensent les complétives introduites par le verbe et ses locutions, par l'adjectif, par le nom, et Grevisse (1990) y ajoute l'adverbe. Chevalier et al. (Op. cit) pensent que la complétive se rapporte au verbe, à l'adjectif, au nom et à l'adverbe. Maingueneau (1999), parlant des constructions opératrices, postule que la complétive a comme supports le verbe, le nom et l'adjectif. Hava Bat-Zeev Shyldkrot (2008) traite des complétives introduites par la préposition.

En conclusion, traditionnellement, cinq éléments sont susceptibles de régir la complétive. Il s'agit du verbe ou de la locution verbale, du nom ou du GN, de l'adjectif qualificatif, de l'adverbe et de la préposition. Ces catégories s'illustrent respectivement dans les énoncés ci-après :

5.a. Je vous fais remarquer que mon client [...] compte de plus dans ce pays (TSTA : 36)

5.b. Le fait que K. restait assis tranquillement au chevet de Me Huld lui parut assez rassurant (LP :237)

5.c. Je l'ignore, répondit le forban, étonné qu'on accordât une importance à ce freluquet (TSTA :171)

5.d. Rien [...] simplement que tu raisonnes bien (TSTA : 62)

5.e. Disons que c'est à peu près ça. Sauf que je ne raque rien moi (TSTA : 40)

Il paraît toutefois curieux que certains grammairiens et linguistes rangent le nom parmi les recteurs possibles de la complétive et ne signalent pas le pronom. En réalité, ce dernier est susceptible d'occuper la place d'un nom. Il en est de même du présentatif dont Riegel et al. (2104 :75) disent qu'il peut être suivi d'une complétive. Ces deux structures sont pourtant aussi attestées dans l'usage :

6.a. La certitude qu'on me piège est évidente (TSTA :75)

6.b. Voilà que la tête t'abandonne (LP :131)

De fait, en parlant de la certitude dans le premier énoncé, on peut bien dire, avec un pronom démonstratif apposé : 6.a'. La certitude, celle qu'on me piège est évidente, ce qui permet, en tenant compte du présentatif, d'ajouter le pronom à la liste des catégories susceptibles d'introduire une complétive, relevant ainsi le nombre de recteurs à sept. C'est de cette répartition que découle la typologie de la conjonctive complétive

1.3.2. Essai de typologisation des conjonctives pures Avec Kanté Issa (2016 : 2), on dira que :

la typologie des complétives est fondée sur la relation de prédication à l'oeuvre entre l'élément recteur et la complétive qu'elle gouverne. Les complétives peuvent donc être classées en cinq groupes : la complétive du verbe, la complétive du nom, la complétive de l'adjectif, la complétive de l'adverbe, et la complétive de la préposition.

Autrement dit, pour classer les complétives, l'on doit tenir compte de la relation qui lie la proposition à l'élément qui l'introduit. À partir du nombre de termes recteurs, une typologie peut être déduite, tant cette dernière en est tributaire. Les différentes classes de complétives ont chacune un fonctionnement spécifique et des contraintes qu'elles impliquent qui sera dévoilé dans l'étude qui leur est respectivement consacrée ci-dessous. Pour l'heure, il convient de s'interroger sur les fonctions de cette subordonnée.

1.4. Les fonctions syntaxiques de la conjonctive pure

Le présent sous-titre a deux objectifs sous-jacents. Il vise d'abord à préciser la notion de fonction syntaxique ; puis à indiquer sommairement les fonctions de la subordonnée étudiée relativement aux autres éléments de la phrase. Dès lors, qu'est-ce qu'une fonction syntaxique et quelles sont les fonctions de la phrase dépendante introduite par que ?

1.4.1. Une évaluation de la notion de fonction (syntaxique) À en croire Ducrot et Todorov (1972 : 270-271),

du point de vue syntaxique, la totalité que constitue la phrase n'est pas un pur agglomérat d'éléments, un ensemble (au sens mathématique). [...] Au contraire la syntaxe définit certaines relations entre les éléments de la phrase et la totalité de la phrase, relations telles que deux éléments distincts se trouvent la plupart du temps dans une relation différente vis-à-vis de la phrase totale (l'un est sujet, par exemple, l'autre est complément).

Cette position indique que les éléments de la phrase sont organisés et pris les uns par rapport

aux autres suivant les relations qui les lient.

On comprend, suivant les mots de Riegel et al. (2014 : 207), que la fonction d'un mot ou d'un groupe de mots est le rôle que cet élément joue dans la structure d'ensemble de la phrase où il est employé. C'est pourquoi une fonction se définit toujours en termes relationnels. Par exemple, dans la phrase : Le patron veut te voir (TSTA : 118), l'article le a sa fonction en rapport avec le nom patron, qui lui-même a une fonction en référence au verbe veut voir, et le pronom te a une fonction en relation avec le verbe.

Mais quelques problèmes subsistent qui méritent d'être tout au moins soulevés à partir de cette définition. Selon elle, tous les termes ont des fonctions les uns par rapport aux autres ; pourtant, d'une part, le verbe, lui, n'a pas de fonction, et d'autre part, il ne se définit par rapport à aucun autre constituant (si l'on ne tient pas compte du plan morphologique). Cela constitue un paradoxe à résoudre et à prendre en compte pour parfaire la définition sus-énoncée.

Bien plus, la définition ci-dessus semble incomplète. En disant qu'un mot a une fonction par rapport à l'autre, elle occulte le fait que les mots-tête des groupes, pris isolément, n'ont pas de fonction. C'est tout le groupe qui marque et porte la fonction. Ainsi, dans l'exemple précédent, ce ne serait pas tout à fait vrai de dire patron = sujet de `'veut voir» car, c'est le patron qui est sujet. Maingueneau (1999 : 15) le précise en ces termes : ce sont ces groupes qui sont concernés par les traditionnelles « fonctions » syntaxiques : c'est le groupe nominal dans son ensemble, et pas le nom seul, qui peut être sujet ; c'est l'ensemble du groupe adjectival qui est épithète, et pas l'adjectif seul. Au demeurant, cette définition de la fonction, plus ou moins relativisable, trouve justification et tire ses limites dans son origine, laquelle peut être située dans l'exercice d'analyse grammaticale qui, pour peu qu'il résolve des problèmes en grammaire, n'en reste pas moins sujet à caution.

La complétive est un constituant de niveau supérieur obtenu par un mécanisme d'intégration syntaxique. Il s'agit d'une nominalisation, à savoir une transformation qui

Pour définir une fonction, il est d'usage d'avoir recours à de multiples critères. Riegel et al. (Op. cit : 207-210) en énoncent six. Il s'agit d'abord des critères positionnels, qui donnent la fonction d'un élément par rapport à sa place dans la phrase. Ainsi, le sujet est par exemple canoniquement antéposé au verbe. Ces critères intègrent également le fait qu'un terme soit obligatoire ou facultatif : ainsi distingue-t-on l'attribut de la mise en apposition ; l'adjectif attribut n'est jamais effaçable, alors que l'on peut se passer d'une mise en apposition.

Relevons en plus les critères morphosyntaxiques : ici interviennent la forme de l'élément, et le phénomène d'accord. Par ailleurs, sont pris en compte les critères manipulatoires. Ils associent les fonctions à des procédures de changement structurel. La fonction d'un élément est obtenue à partir d'une réécriture. Ainsi du complément d'agent et du complément d'objet dans les transformations passive et active. Un autre critère est le critère catégoriel, qui alloue des fonctions spécifiques à certaines natures d'éléments. C'est grâce à ce critère que l'on définit les fonctions et natures prototypiques. C'est le cas de l'adjectif dans le rôle d'attribut du sujet.

De même, on distingue les critères interprétatifs, qui associent la fonction à un rôle sémantique précis dans l'interprétation de la phrase. En ce sens, le sujet est généralement un agent. Enfin, pour définir une fonction syntaxique, une conjonction des critères peut être convoquée. Pour une même fonction, on actualise concomitamment plusieurs paramètres. Les critères sus-répertoriés sont indicatifs, car les faits du discours sont imprévisibles et fluctuants. Une même fonction peut par exemple être actualisée par une infinité d'éléments aux natures diverses, de même qu'il existe des phénomènes de transcatégorisation. À partir de ce soubassement, on peut d'ores et déjà se demander quelles sont les fonctions de la complétive en Que dans la phrase.

1.4.2. La complétive en Que dans ses liens

La phrase complétive en Que a plusieurs usages. Ses fonctions se déduisent de la relation qu'elle noue avec son régissant. Pour mieux en parler, il nous revient au préalable de dire à quel type de constituant l'on a affaire et quels sont ses différents contours.

1.4.2.1. La complétive : un constituant du second degré

convertit une phrase en un syntagme nominal et qui l'enchâsse dans une autre phrase dite matrice. Pour Escriva (2002 : 30),

la subordination est une nominalisation fonctionnelle (par opposition à la nominalisation morphologique du nom de langue) si l'on considère qu'elle consiste à intégrer une phrase de syntaxe verbale à une autre phrase (de syntaxe nominale ou verbale) dont elle devient un constituant et par rapport à laquelle elle est en position d'élément régi au même titre que le serait un nom ou un syntagme nominal.

En d'autres mots, la conjonctive complétive est issue de la transformation d'une phrase en mot-complexe et de son intégration dans une autre phrase. Et selon Pierrard (1987 :35), nous avons affaire à un nom en plusieurs mots déduit d'une nominalisation externe. La notion de nominalisation va du principe que l'on a deux phrases indépendantes qui donnent deux informations. Suite à leur mise en commun par l'entremise de l'opérateur de la nominalisation externe, la conjonction " universelle" Que, l'une est logée sous l'autre et y joue le rôle de constituant. Soient les phrases : Marie est une femme vertueuse ; Le seigneur l'a su

18. a. (Marie est une femme vertueuse + Le seigneur l'a su) Que ? Le seigneur a su que Marie est une femme vertueuse.

Dans l'approche dépendancielle, le même phénomène se nomme la translation du second degré. Pour Tesnière (1982 : 546-556), la complétive traditionnelle est un cas de translation du second degré I O. Il s'agit du cas où une proposition indépendante, dont le centre est un verbe, se trouve transférée en substantif subordonné au verbe d'une proposition régissante, dont elle devient ainsi un élément simple. [Dans ce cas], la proposition subordonnée joue le rôle d'un second actant, c'est-à-dire de ce que la terminologie traditionnelle appelle complément d'objet. Le caractère substantif du verbe transféré en substantif par translation secondaire ressort à l'évidence de ce qu'il peut éventuellement être joncté avec un véritable substantif.

Ainsi de L'enfant de Paul clame qu'il n'a rien fait ? L'enfant de Paul clame son innocence et qu'il n'a rien à voir avec cette histoire. Il ressort de ce fait que la complétive est un nom du discours. En tant que tel, la plupart des propriétés du nom de langue lui sont dévolues. Il en va ainsi des positions et des fonctions.

1.4.2.2. Groupement des fonctions de la complétive en Que

Les fonctions de la complétive dans la plupart des grammaires sont analogues à celles du nom. Cette répartition part du fait que la conjonctive pure équivaut au nom. Mais à la réalité, s'il est vrai que la complétive obéit à ce parallélisme, il reste tout de même que dans certains de ses usages, il est difficile de déduire une fonction, soit qu'elle est ambiguë, soit qu'elle n'en présente pas. Il s'agit donc dans ce développement de présenter d'une part les fonctions classiques, et d'autre part, soulever les cas fluctuants où une indécision peut planer.

1.4.2.2.1. Les fonctions classiques de la conjonctive pure

Par fonctions classiques, l'on entend les fonctions connues, attestées, répertoriées et vulgarisées par le discours scientifique et les manuels. Dans cette logique, peuvent être sujet d'un verbe, complément d'objet, complément de l'adjectif ou du nom, attribut du sujet ou de l'objet et complément de l'adverbe. Ces fonctions sont respectivement illustrées par les complétives des énoncés suivants :

19.a. Il était déjà arrivé que l'avocat me sonnât dans la nuit (LP :227)

19.b. Un soir, Eddie déclara qu'il était venu dîner (TSTA :54)

19.c. Je rentre chez moi et je m'aperçois que j'avais oublié d'acheter des cigarettes (TSTA :150)

19.d. M. le fondé de pouvoir sera heureux que nous l'en soulagions (LP : 169)

19.e. Le but de la vie est que naisse un rejeton (SDI :76)

19.f. Heureusement que je suis un vieux fauve (SDI :111)

Ainsi se présente globalement la conjonctive complétive dans les usages classiques et dans les livres de grammaire scolaire et théorique. Toutefois, certains usages, qui sont abordés ci-dessous, posent problème. Avec ceux-là, il est difficile de décider de la fonction de la subordonnée. Il s'agit entre autres des cas où un verbe intransitif est employé avec la complétive, les emplois dans certaines structures elliptiques construites avec une complétive. Avec de telles occurrences, il convient de pondérer et d'étendre les considérations.

1.4.2.2.2. La complétive par que et usages non classiques

À voir les fonctions précédemment présentées, tout problème relatif à la fonction de la complétive parait résolu. Pourtant, il existe des occurrences de la complétive pour lesquels soit il est difficile d'affecter une fonction. Un paradoxe par rapport au fait communément

admis, à savoir que tous les éléments d'une phrase y ont une fonction. Ainsi des occurrences suivantes :

20. a. Comment ça se fait que tu n'aies pas encore une Mercédès alors ? (TSTA : 40)

20. b. Vivement que ça pète (TSTA : 218)

20. c. Sans hésiter, Élisabeth répondit que, pour rien au monde, elle

n'abandonnerait son pays (TSTA : 93).

Ces exemples présentent une difficulté à décider de la fonction de la complétive. Pour le premier, se faire se construit en principe sans complément, il est en quelque sorte intransitif. Or il est ici suivi d'une complétive dont la fonction se livre difficilement, d'autant que les tests révélant un COD ne s'appliquent pas à elle : si l'on pose la traditionnelle question qu'est-ce que (en dépit de sa désuétude) ou si l'on pronominalise, on obtient des suites agrammaticales :

20.a'. * qu'est-ce que comment ça se fait ? 20.a» * comment qu'est-ce que ça se fait ? 20.a.''' *comment ça le se fait

La substitution avec un groupe nominal change le sens : 20.a.'''' comment ça se fait le manque de Mercédès ?

On a le sens « d'expliquez-moi ce qui occasionne ou justifie que les Mercédès manquent ». Il en va de même de la transformation passive qui, elle non plus, n'y est pas opérationnelle car la suite qui en dériverait est peu naturelle et agrammaticale :

20. a'''''. *Le manque de Mercédès se fait comment par ?

Le deuxième exemple, vivement que ça pète, est tout aussi embarrassant quant à la fonction de la complétive. S'il est vrai que sur le paradigme la complétive commute avec un GN : vivement l'explosion, le problème réside sur sa fonction et son acceptabilité. Va-t-on dire que la complétive est complément de l'adverbe ? Pour en décider, il faudrait retourner au contexte et procéder soit à une réécriture, soit à une interprétation de l'énoncé originel pour postuler que la phrase serait : [Je souhaite / Je veux, etc] vivement que ça pète. Dans ce cas, on prendra la complétive pour un COD du verbe elliptique. Mais, encore une fois, un locuteur peut actualiser la phrase sans ces verbes initiaux dans des tours exclamatifs marqués d'expressivité, ce qui rend floue la fonction de la complétive.

Enfin, dans l'énoncé [20.c], c'est le verbe recteur de la complétive qui pose problème. Ce verbe est prioritairement destiné à la rection d'un COI. Or, dans l'occurrence, la complétive, que, pour rien au monde, elle n'abandonnerait son pays ne répond pas aux propriétés du COI. Le complément d'objet indirect est complément essentiel du verbe, relativement immobile, non effaçable, lié au verbe par une Prép., susceptible d'être pronominalisé par en, lui, y.

Par ailleurs, le verbe a déjà son sujet ; et donc, si l'on postule que la complétive est COD, il faudrait qu'elle réponde aux propriétés de ce constituant. Or, si elle est pronominalisée ou si elle commute avec un GN, l'acceptabilité de la phrase est mise en question : ? Élisabeth répondit la vérité ; ? Élisabeth le répondit. Cette complétive peut être supprimée sans grande incidence sur l'intelligibilité de la phrase : Sans hésiter, Élisabeth répondit. Le COD lui, n'est pas effaçable (ou l'est très peu) dans la structure transitive directe. Si l'on a enfin recours à la passivation, on se rend compte que la structure n'est pas disposée à une transformation passive. On obtient un résultat peu naturel : ?? Que pour rien au monde, elle n'abandonnerait son pays fut répondu par Elisabeth. Quelle est donc sa fonction ?

La solution se trouve peut-être dans la commutation de la complétive avec un adverbe ou un GP bien que ce ne soient pas des classes équivalentes. En le faisant, la structure demeure correcte et intelligible. La complétive n'assumerait-elle pas de ce fait des fonctions adverbiales ? En témoigne le résultat de la substitution par un adverbe ou un SP :

20.c'. Sans hésiter, Élisabeth répondit péremptoirement / de cette manière / sentencieusement / ainsi.

Auquel cas, elle devient complément adverbial du verbe, bien que ces deux fonctions ne soient pas équivalentes et que la cooccurrence des deux soit possible. Ces trois cas démontrent que la complétive peut se prêter à des usages variés, insoupçonnés ou inattendus. Dès lors, contrairement aux analyses traditionnelles, qui fixent des fonctions précises à certains constituants, nous postulons que ce constituant peut assumer les fonctions qui ne lui étaient pas échues par la tradition.

Les analyses précédentes ont présenté le fonctionnement global de la conjonctive complétive ainsi que les problèmes qu'elle soulève. Il ressort que, globalement, cette subordonnée a un fonctionnement parallèle à celui du groupe nominal avec lequel elle est

interchangeable. Si plusieurs complétives existent, seule la complétive du verbe a longtemps retenu l'attention. Or, les complétives non-verbales apparaissent également dignes d'intérêt. Elles semblent regorger de nombreux faits pertinents pour l'analyse et la saisie de la phrase complexe. La présentation ci-dessous concernera les complétives du nom et de l'adverbe.

2. LA COMPLÉTIVE DU NOM : ESSAI D'ANALYSE SYNTAXIQUE

Comme beaucoup d'autres classes syntaxiques, le nom reçoit une complémentation. Il peut être complété par un adjectif, par un groupe prépositionnel ou par une proposition. La structure correspondante est N+X. Quand il est une proposition, l'élément X peut être une relative ou une complétive, cas dont nous traitons. La complétive du nom pose des problèmes qui suscitent des questionnements : quelles sont les principales structures de la suite SN+Que P ? Quelles sont les propriétés distributionnelles des noms opérateurs (désormais Nop) ? N'induit-elle pas des contraintes ? Telles sont les questions auxquelles nous allons répondre dans cette section.

2.1. Les structures de la complétive nominale

Kanté (2016) étudie la complétive du nom et analyse les contraintes inhérentes à cette classe de proposition. Selon lui (2016 :8), le nom recteur est l'élément caractéristique. Il joue un rôle syntaxique et sémantique prépondérant dans la construction de la complétive. De ce fait, en se fondant sur la structure lexico-syntaxique au sein de laquelle le nom recteur régit la complétive, nous pouvons distinguer huit types ou structures de complétives du nom.

Nous n'entrerons pas dans le détail de cette classification. Nous citerons les principales structures recensées par l'auteur, nous les exemplifierons avant d'en relever les défauts et de proposer une classification allégée. Les structures de complétives nominales que donne Kanté (2016 : 3-8) sont :

1. la complétive du nom sujet, dont la structure est SN que P

2. la complétive nominale à verbe support, Vsup SN Que P

3. la complétive du nom objet, V+SN Que P.

4. la complétive nominale à structure présentative, il y avoir! voilà ! Voici+SN Que

5. la complétive nominale extraposée, C'est SN Que

6. la complétive nominale prépositionnelle, Prép SN Que P

7. la complétive attribut du nom sujet, SN être Que P

8. et la complétive du nom « discontinue », SN+V Que P

Ces diverses structures sont respectivement illustrées par les énoncés ci-dessous.

1. Le fait que K. restait assis tranquillement au chevet de MeHuld lui parut assez rassurant (LP : 237)

2. K. regardait ses pieds et en venait à la conclusion que cette belle façon de se mouvoir ne pouvait plus appartenir à la basse existence (LP :301)

3. Cette bizarrerie consiste en ceci que Léni trouve très beaux presque tous les accusés (LP :230)

4. C'est pour moi le signe que le communisme est bel et bien mort (LP 07/03/03 :89)

5. C'est une horreur qu'il soit obligé de demander justice (Kanté : 7)

6. Elle m'avait pris de l'argent sous prétexte que son argent de poche est fini (ibid)

7. Le but de la vie est que naisse un rejeton (SDI : 76)

8. L'idée lui vint aussitôt qu'il n'eût pas dû parler ainsi à haute voix (LP : 24)

Certains de ces structures rentrent dans le régime du verbe et d'autres la structure du SN-sujet. On se demande de ce fait pourquoi l'auteur préfère les éclater. La classification ainsi obtenu semble émiettée. En effet, toutes les complétives de ces structures dépendent certes d'un SN, du moins, d'un nom prédicatif (désormais Npred). Mais, ne peut-on pas les regrouper en deux ensembles selon la place du Nop dans la structure globale de la phrase ? En d'autres termes, la démultiplication des structures de Kanté ne peut-elle pas se résumer à deux cas de figures ? En segmentant la phrase en ses deux pôles majeurs, on peut avoir des complétives nominales intégrées au SN-sujet et des complétives nominales intégrées au SV tel que nous les présentons infra.

2.1.1. Les complétives nominales intégrées au SN-sujet

Les complétives de ce groupes se trouvent au sein su SN sujet. Quelle que soit leur structure, le dénominateur commun est de rentrer dans la syntaxe du SN-sujet de la phrase. Ce SN a donc une structure étendue. La complétive est une expansion directe du nom. Elle peut également en dépendre dans un rapport de prédication quand elle est en position d'attribut. D'où l'existence de deux cas, à savoir, les complétives compléments du nom et les complétives attributs du N0 sujet.

2.1.1.1. La structure SN0 Que P

La structure SNO Que P désigne une complétive du faisant partie intégrante du sujet de la phrase quand on fait son analyse en constituants immédiats. Dans la complétive du nom sujet, la relation entre le nom et Que P la complétive peut être directe ou indirecte. Les deux peuvent être dans le même environnement syntaxique. La complétive peut aussi être délocalisée dans un contexte autre syntagmatique.

2.a. le fait que K restait assis tranquillement au chevet de Me Huld lui parait assez rassurant (LP :237)

2.b. S'imposa la conviction que la vie concrète était le référent (LP11/10/02 :29)

2.c. La conscience que si le bien absolu était inatteignable...se manifesta (LP11/10/02 :31)

2.d. L'idée lui vint aussitôt qu'il n'eût pas dû parler ainsi à haute voix (LP : 24)

Dans ces exemples, les complétives de [2.a à 2.c.] sont directement liés aux N0 fait, conviction, et conscience. Elles fonctionnent comme des compléments du nom. Evouna (2015) ne partage pas cet avis. Il postule, à partir de la grammaire dérivationnelle, une unité formelle de toute les complétives. Autrement dit, pour lui, toutes les complétives ont une parenté génétique. Cette dernière peut être reconstruite par le schème corrélatif. Il s'agit, selon Muller (1996 :5), de l'ensemble tel + que permettant de démontrer une origine commune entre les subordonnées complétives et les QU-.

En appliquant le schème corrélatif de Muller (1996) à ces énoncés, Evouna (2015 :5354) conclut que la fonction primaire de la phrase complétive est sujet. L'élément donné comme support, lui, en est attribut. L'application du schème corrélatif aux énoncés [2.a à 2.c.] permet d'aboutir aux reformulations ci-dessous.

2.a'. * Le fait que K restait assis tranquillement au chevet de Me Huld lui parait tel qu'assez rassurant

2.b'. * La conviction que la vie concrète était le référent telle qu'il s'imposa

2.c'. ? la conscience que si le bien absolu était inatteignable...telle qu'elle se manifesta

Cette analyse d'Evouna avec un regard suscite des questions : d'une part, l'application du schème corrélatif est-elle toujours productive ? Le résultat nous démontre que non. En effet, les phrases dérivées sont soit agrammaticales, soit d'acceptabilité réduite. Par ailleurs, si la complétive est réellement sujet comme le pense Evouna, ne devrait-elle pas réagir favorablement à l'extraction au moyen du présentatif discontinu c'est...qui sans schème corrélatif ? L'application de cette opération livre un résultat inadmissible.

2.a''. *C'est que K restait assis tranquillement au chevet de Me Huld qui lui parait le fait assez rassurant

2.b''. C'est la conviction que la vie concrète était le référent qui s'imposa

2.c''. ? C'est que si le bien absolu était la conscience inatteignable... qui se manifesta

En outre, la pronominalisation du couple N0+Que P se fait en bloc. Toute la suite peut être remplacée par un SN ou un pronom. Le résultat ne confirme-t-il pas que ce couple est un syntagme où N0 est le régissant et Que P un subordonné ?

2.a'''. Ce garçon / il lui parait assez rassurant 2.b'''. La vérité / cette fille élégante s'imposa

2.c'''. Le seigneur / Paul le charpentier se manifesta

Un autre argument favorable à l'hypothèse du complément du nom est la possibilité de remplacer Que P par un adjectif qualificatif ou un complément déterminatif.

2.a''''. le fait de dormir / indiscutable lui parait assez rassurant

2.b''''. S'imposa la conviction de son père / commune 2.c''''. La conscience pure / de sa culpabilité se manifesta

En [2.d.], par emphase, la complétive qu'il n'eût pas dû parler ainsi à haute voix est syntaxiquement éloignée de son régissant, l'idée. La dépendance syntaxique n'est pas moins évidente.

2.1.1.2. N0+ être/ V attributif Que P

Le schéma N0+ être/ V attributif Que P renvoie à une construction attributive ayant une complétive. Dans ce schéma, N0 est le sujet, être la copule et Que P la complétive attribut du sujet. Cette dernière est lié au N0 par la copule être ou un autre verbe attributif. La relation est donc indirecte. Elle est illustrée par les exemples ci-après.

3.a. La meilleure façon de calmer cette impatience sera que nous laissiez là (LP : 97)

3.b. Le fait est que je me suis souvent demandé ce qu'elle faisait de son argent (TSTA : 160)

3.c. Sa morale avait été que survie et probité étaient inconciliables (TSTA : 173)

3.d. le but de la vie est que naisse un rejeton (SDI :76)

Le statut de copule d'être est sujet à caution. En effet, en [3.b], ce statut est contestable. Le fait est que P est figé. En conséquence, cet énoncé peut être exclu de l'analyse des complétives attributs. S'il en est ainsi avec le NOp le fait, on se demande si les autres noms opérateurs sont, eux aussi, des structures figées. Si oui, quel est le degré de figement de chacun ?

Toutes les complétives du nom liées au SN-sujet sélectionnent l'indicatif, le conditionnel ou le subjonctif.

4. a. La conscience que si le bien absolu était inatteignable se manifesta

4. b. L'idée qu'il faudrait le vérifier s'est imposée

Nous verrons si la même contrainte agit avec les complétives du nom présentes dans le SV. 2.1.2. Les complétives du nom liées au GV

La complétive du nom peut se retrouver dans la structure du SV. Deux principaux cas de figure sont à distinguer ici. Nous avons d'une part les énoncés où SN postverbal est parti intégrante du prédicat. On a affaire ici à des verbes supports et à des prédicats complexes. Ici, Que P dépend de la forme complexe V+SN. Nous devons également envisager le cas où SN est à analyser comme un argument de V. Là, Que P dépendra exclusivement de SN1.Pour mieux les visualiser, il importe de les présenter ci-dessous.

2.1.2.1. La suite V-SN + Que P

La structure V-SN + Que P est une forme complexe intégrant une complétive. V est un verbe, SN un groupe nominal intimement lié à ce verbe et Que P désigne complétive. Cette dernière dépend du prédicat complexe constitué par V-SN comme dans les énoncés suivants :

5.a. J'ai le sentiment que ni nos dirigeants politiques ni la plupart des PDG de nos grandes entreprises n'ont pris la mesure par la faute (LP :58)

5.b. J'ai la conviction que l'homme politique agira avec la force (LP11/10/02 :34)

5.c. Nous sommes en effet partis du postulat que une bonne école était celle qui formait des individus ouverts (LP03/01/03 :68)

La dépendance de Que P à V-SN est prouvée par le test de l'effacement. En effet, la suppression des prédicats complexes ai le sentiment, ai la conviction et sommes partis du postulat donne lieu à des énoncés agrammaticaux.

5. a'. J'ai le sentiment que ni nos dirigeants politiques ni la plupart des PDG de nos grandes entreprises n'ont pris la mesure par la faute

5.b'. J'ai la conviction que l'homme politique agira avec la force

5.c'. Nous sommes en effet partis du postulat qu' une bonne école était celle qui formait des individus ouverts

Le fait que la complétive Que P ne puisse fonctionner indépendamment montre qu'elle dépend de ces formes complexes. À quoi réfère donc la notion de verbe support ?

Selon Riegel et al. (2014 :415-416),

on appelle verbes supports des verbes comme faire, donner, mettre, etc. qui, à côté de leurs emplois ordinaires, se combinent avec un syntagme prédicatif, nom, adjectif ou GP, pour construire une forme complexe fonctionnellement équivalente à un verbe [...]

Riegel et al. veulent dire que le verbe support et la forme prédicative forment un prédicat unique. Autrement dit, les verbes supports sont associés à une autre partie du discours. Par exemple, avoir est associé au SN le sentiment pour donner la forme avoir le sentiment de même que partir est associé à postulat pour avoir partir du postulat. Les deux forment une expression qui peut être paraphrasable et leur glose correspond souvent à un verbe plein. Avoir le sentiment peut ainsi se réécrire sentir, partir du postulat correspond à postuler. Mais toutes les expressions à verbe support ne donnent pas toujours lieu à un verbe plein. Si avoir le désir, être désireux, équivalent à désirer, avoir du courage et être courageux n'équivalent à aucun verbe.

Le verbe support ne possède aucune propriété d'un prédicat, notamment il n'a pas de schéma d'arguments. Autrement dit, au contraire d'un verbe plein, le verbe support ne sélectionne ni son sujet ni ses compléments. Dans des unités telles que faire le résumé de, faire l'éloge de, faire don, ce sont les substantifs résumé, éloge, don, et non le verbe support faire, qui déterminent le nombre de compléments dans les schémas « X fait le résumé de Y », « X fait l'éloge/don de Y à Z », et qui sélectionnent quels substantifs peuvent apparaitre dans les positions X, Y et Z.

La complétive dépend des verbes supports dans beaucoup de cas comme le montrent les énoncés ci-dessous :

5.a. J'ai le sentiment que ni nos dirigeants politiques ni la plupart des PDG de nos grandes entreprises n'ont pris la mesure par la faute

5.b. J'ai la conviction que l'homme politique agira avec la force

5.c. Nous sommes en effet partis du postulat qu'une bonne école était celle qui formait des individus ouverts

5.d. l'ancien premier ministre a exprimé le souhait que le dialogue soit maintenu

Ai le sentiment, ai la conviction, sommes partis du postulat et a exprimé le souhait représentent les suites V-SN. La complétive correspond au segment postposé à cette forme complexe. Les suites V-SN peuvent se paraphraser en un V parent au plan sémantique en dépit des différences sémantiques qui naissent du passage de V-SN à V On aurait donc les dérivés suivants :

5.a'. Je sens que ni nos dirigeants politiques ni la plupart des PDG de nos grandes entreprises n'ont pris la mesure par la faute

5.b'. Je suis convaincu que l'homme politique agira avec la force

5.c'. Nous postulons qu'une bonne école était celle qui formait des individus ouverts

5.d'. l'ancien premier ministre a souhaité que le dialogue soit maintenu

En restituant le verbe de sémantisme voisin quand il existe, on obtient une complétive du verbe. Selon Kanté (op cit : 4), la structure constitue un prédicat complexe dans lequel le verbe et le nom forment une unité sémantique dont la complétive n'est que l'argument. C'est une construction argumentale. Autrement dit, V-SN forme un couple. Kanté a raison, mais cela n'empêche pas que pour certaines opérations syntaxiques comme le passif, la complétive fasse partie du groupe nominal. C'est le cas dans la phrase suivante : Le ministère a fait le postulat que l'école doit apprendre à penser / Le postulat que l'école doit apprendre à penser a été fait par le ministère. Contrairement à Kanté qui classe cette construction dans les complétives du nom, nous la considérons comme une complétive du verbe même si, parfois, la paraphrase par un verbe est impossible.

2.1.2.2. La configuration V+ SN+ Que P

La structure V+ SN+ Que P est analogue à la précédente. Il s'agit d'une phrase dans laquelle la complétive du nom est intégrée au SV. V est le verbe, SN1 le COD de ce verbe et Que P la complétive. SN est un complément de V.

6.a. le lobby pro-armes a réussi à imposer le fait que, pour être commercialisée librement, une arme de guerre devait avoir deux caractéristiques militaires supprimées (LP01/11/02)

6.b. Certains parlementaires soulignent le fait qu'aucun des sénateurs n'a été élu sous la bannière UMP (LP11/10/02 :27)

6.c. Le principe de précaution c'est garder à l'esprit l'idée que « science sans conscience n'est que ruine de l'âme » (LP 03/01/03 :24)

6.d. La politique a été conçue avec l'idée que le public devait l'emporter sur le privé (LP11/10/02)

Les SN sont COD des V pour les énoncés de [6.a.] à [6.c]. En effet, la pronominalisation des SN permet de le montrer. Les SN sont remplacés par le pronom le, proforme qui permet généralement d'identifier le COD.

6.a'. le lobby pro-armes a réussi à l imposer

6.b'. Certains parlementaires le soulignent

6.c'. Le principe de précaution c'est la garder à l'esprit

Le SN peut aussi être un complément interne du verbe. C'est le cas dans l'énoncé [6.d.]. Dans cet énoncé, le SN est pronominalisé en elle après la préposition avec. Ce résultat montre que le SN est un circonstanciel comme le montre l dérivée ci-dessous :

6.d'. La politique a été conçue avec elle

Une propriété importante de ces structures mérite d'être relevée. La suite V+SN Que P peut être réécrite en V + Que par effacement de SN. Il y a des similitudes entre les deux structures. En ce sens, selon Gross (1975 :52), nous observons une forte corrélation entre N0=Nnr et N0=Que P et N0= le fait Que P. À l'exception de quelques verbes et adjectifs, les propositions N0= Que P et N0=le fait Que P vont de pair. Elles sont alors sémantiquement équivalentes.

Pour l'auteur, les phrases ayant des sujets appartenant à la classe des noms non restreints (Nnr), celles ayant pour sujet une complétive et celles qui possèdent un SN opérateur comme sujet sont semblables. En d'autres mots, la suite V+le fait que P peut souvent se réécrire en V+Que P. Les réécritures ci-dessous le prouvent.

6.a». le lobby pro-armes a réussi à imposer le fait que, pour être commercialisée librement, une arme de guerre devait avoir deux caractéristiques militaires supprimées

6.b». Certains parlementaires soulignent le fait qu'aucun des sénateurs n'a été élu sous la bannière UMP

6.c». Le principe de précaution c'est garder à l'esprit l'idée que « science sans conscience n'est que ruine de l'âme »

6.d». *L a politique a été conçue avec l'idée que le public devait l'emporter sur le privé

Le SN, bien que COD, est donc effaçable c'est-à-dire facultatif. Mais le dernier énoncé n'accepte pas la transformation par réduction suite à l'effacement de SN. Cette transformation offre deux conclusions.

D'une part, toutes les constructions V+SN+Que P ne se réduisent pas en V+Que P. D'autre part, des contraintes sur le mode de la complétive émergent. Tous ces paramètres ouvrent des perspectives de recherche intéressantes. Il serait par exemple utile de faire un tri pour savoir quelles structures admettent la transformation et quels N1op y entrent. Il est également souhaitable que soient connues les contraintes qui découlent de cette transformation. Seulement, pour le moment, cette entreprise va au-delà de notre travail. Toutefois, s'il n'est pas possible de dresser le profil complet de tous les N0 et tous les N1, ne peut-on pas au moins en donner une liste représentative ?

2.2. Les Nop : une catégorie restreinte

Par Nop, nous entendons les noms opérateurs. Ces derniers désignent des noms suceptibles de se construire avec une complétive selon Maingueneau (1999 : 99). Il serait inutile de souligner que tous les noms ne sont pas aptes à introduire une complétive. Il semble de même illusoire d'espérer aboutir à une systématique les concernant dans ce travail tant la tâche est exigeante. Nous nous limitons à un aperçu. Nous nous demanderons donc quels sont les Nop et quelles propriétés génériques les définissent.

D'après Riegel et al. (Passim : 827), certains noms, correspondant généralement pour la forme et le sens à des verbes [...] ou à des adjectifs eux-mêmes pourvus d'une construction complétive, ont la possibilité d'avoir pour compléments des propositions conjonctives introduites par Que. Autrement dit, la conjonctive est une des expansions du nom. Les noms dont il est question font partie de la catégorie des noms dits opérateurs. Leur prototype est le SN le fait.

Comme le souligne Gross (1975 :52), le N sous-jacent à la complétive pourra être différent de fait. D'autres substantifs ont des propriétés formelles leur permettant de constituer des sources éventuelles pour les complétives, ce sont les substantifs opérateurs Nop entrant dans les GN (le + la) Nop (Que P de V). Le corpus constitué compte cent huit (108) énoncés ayant des complétives du nom. Ces énoncés nous offrent vingt-huit Nop et un Pronom op, soit vingt-neuf unités nominales opératrices. Ce sont temps, conviction, fait, idée, raison, bizarrerie, sentiment, conclusion, preuve, moins, damnation, impression, démonstration, évidence, signal, conclusion, souhait et ceci. En voici quelques illustrations en [7] :

7.a. K. regardait ses pieds et en venait à la conclusion que cette belle façon de se mouvoir ne pouvait plus appartenir à la basse existence (LP :301)

7.b. Cette bizarrerie consiste en ceci que Léni trouve très beaux presque tous les accusés (LP :230)

7.c. Il est temps qu'ils nous foutent définitivement la paix ici (TSTA :47)

7.d. Il éprouvait assez souvent la conviction que c'était précisément maintenant qu'il pouvait se mesurer sans crainte avec le directeur adjoint (LP :293)

7.f. L'idée lui vint aussitôt qu'il n'eût pas dû parler ainsi à haute voix (LP :24)

7.g. Ce sourire éveilla chez K. le sentiment qu'il s'agissait de découvrir des contradictions (LP :194)

Les noms qui s'y trouvent, fait, certitude, hypothèse, conviction, preuve, signe, impression, croyance, sentiment, conscience, évidence, raison, souhait, postulat, ont deux caractéristiques générales.

Comment ne pas souligner qu'ils sont pour la plupart des déverbaux ? Selon les noms, nous aurons les dérivations suivantes : fait < faire, sentiment < sentir, souhait < souhaiter, preuve < prouver, signe < signifier ou signaler, postulat < postuler, etc. Les noms opérateurs fonctionnent donc comme les verbes dont ils sont issus. Il s'établit une corrélation entre les deux classes. La comparaison entre la classe du verbe et celle du nom donne donc d'envisager une équivalence entre les deux. Le principe de la comparaison des formes du lexique-grammaire est similaire, mais les formes comparées sont des phrases et non plus des mots. Gross (1975 :32) le résume en ces termes :

lorsque nous effectuons des comparaisons de sens [entre des phrases] ou entre deux interprétations de la phrases, nous dirons que nous procédons à des évaluations différentielles de sens. Les intuitions différentielles de sens ont un caractère opératoire satisfaisant. La comparaison de phrases voisines par leur forme (éventuellement voisines à des transformations près) pourrait mettre en évidence des éléments minimaux.

L'élément minimal est la différence sémantique entre la suite SNop + Que P et la suite Vop+Que P. D'autres éléments minimaux peuvent se révéler par une étude plus détaillée. Notre hypothèse est que les Nop se rapprochent plus de l'abstrait. La complétive du nom serait la marque de l'éloignement du concret au profit de l'abstrait. Voilà peut-être pourquoi elle ne se construirait pas avec les noms indiquant une localisation dans l'espace, le culinaire ou ceux liés au domaine agricole.

Dans cette série, il est temps que est une expression figée. En effet, selon Dubois et al. (1973 :214), le figement est le processus linguistique qui, d'un syntagme dont les éléments sont libres, fait un syntagme dont les éléments ne peuvent être dissociés. Ainsi, on pourrait adopter deux perspectives d'analyse pour il est temps que. La première évite de considérer Que P comme une complétive. Et dans la deuxième éventualité, on considère Que P comme une complétive incorporée au SN Op figé. Le tableau qui suit, construit par nos soins, donne une liste de noms opérateurs et indique les structures qu'ils acceptent.

SN op

SN0+QueP+V

V-SN+ Que P

V+SN1+Que P

N0+ être/ V attributif Que P

Le fait

+

-

+

+

L'idée

+

+

+

+

La certitude

+

+

+

+

l'hypothèse

+

+

+

+

La conviction

+

+

-

+

La preuve

+

+

+

+

Le signe

+

+

+

+

Le doute

-

+

-

-

L'impression

+

+

-

+

La croyance

-

+

-

+

Le sentiment

+

+

+

+

La crainte

+

+

-

+

Le prétexte

-

+

+

+

La conscience

-

-

+

-

La démonstration

+

+

+

+

L'évidence

+

-

+

+

Le signal

+

+

+

+

La conclusion

+

+

+

+

temps

+

+

-

-

le mieux

+

-

-

+

Le moins

+

-

-

+

La raison

+

+

+

+

Le souhait

+

+

+

+

Le postulat

+

+

+

+

Le but

-

-

-

+

La façon

+

-

-

-

La morale

+

-

+

-

Tableau 2 : Liste et structures des Nop

Ce tableau montre la fréquence des Nop de notre corpus ainsi que les structures dans lesquelles il rentre.

En somme, la complétive du nom est un constituant extravalenciel. Son apparition dans un contexte n'est nullement conditionnée par le verbe. Sa configuration dépend non pas du verbe, mais d'un actant du verbe. C'est ce dernier qui régit Que P. De ce fait, nous sommes amené à dire que la complétive du nom est intrasyntagmatique. Elle s'incorpore soit à un élément du SN-sujet, soit à un constituant du GV. Cette hypothèse, reconnaissons-le, à l'heure actuelle, mérite encore d'être débattue en profondeur. Elle est par ailleurs un élément généralement non essentiel. Elle peut être effacée lorsqu'elle rentre dans la structure du SV. Le N1 prédicatif opérateur est alors lié à une unité verbale avec laquelle il forme un prédicat complexe. La complétive du nom, qu'elle soit adnominale ou adverbale, est toujours postposé à la tête lexicale dont elle dépend. Elle ne se trouve donc pas en principe en position initiale. Sa place est médiane.

Intégré dans la structure du SN1, la complétive du nom est essentielle. Sa suppression entraine généralement soit une agrammaticalité, soit une extension de sens. Soulignons aussi qu'en ajustant le déterminant, la phrase redevient acceptable et il n'y a pas dès lors de différence de sens inattendue. Les noms opérateurs sont non-humain, N-hum. Ces substantifs sont restreints. D'où l'annotation Nr. De ce fait, il serait difficile d'y voir apparaître un nom propre. De même, ce ne sont pas tous les pronoms qui y figurent. L'observation globale n'y prédisposent que les démonstratifs ceci / cela.

Au plan de la restriction modale, le nom recteur sélectionne toujours le mode de la subordonnée. Certains admettent l'indicatif et d'autres le subjonctif. Les conditions et les contextes de ces choix sont à définir. Une définition des opérateurs en fonction de leur combinatoire est tout aussi souhaitable. Le régime de détermination des Nop reste à clarifier. On se demandera par exemple pourquoi le déterminant défini a une prééminence dans cette structure. La question de la modification du Nop est aussi intéressante.

Autant de pistes que nous n'ouvrons pas pour le moment compte tenu des exigences de mensuration et d'économie liées à notre recherche. On peut d'ores et déjà se demander si ces propriétés peuvent être corrélées à la complétive de l'adverbe. Autrement dit, les deux classes de complétives sont non-verbales. Pour cela, compte tenu des propriétés de la complétive du nom ci-dessus, on se demande si la complétive de l'adverbe dont la présentation suit peut donner des résultats différents.

3. SYNTAXE DE LA COMPLÉTIVE ADVERBIALE

L'adverbe fait partie des mots-dits opérateurs. Ces unités linguistiques sont capables de gouverner des complétives à leur droite. Wilmet (1998 :567) pense que ces complétives sont des compléments de l'adverbe, et les adverbes eux-mêmes sont des compléments circonstanciels de l'énonciation. Les adverbes et les complétives qu'ils introduisent sont illustrées ci-dessous :

8.a. Heureusement que le cinéma a été inventé un siècle plus tard (LP28/02/03)

8.b. Bien sûr que tu en as envie (LP01/11/02)

8.c. Peut-être qu'il va bientôt mourir (VB :27)

Les mots en gras, à savoir heureusement, bien-sûr et peut-être, sont les adverbes. La suite introduite par que à la droite de ces adverbes est la complétive. La dépendance entre l'adverbe et la complétive est prouvée par le test de l'effacement. En effet, la complétive de chacune de ces phrases ne peut exister en l'absence de l'adverbe. Dès lors, la suppression de l'adverbe génère un énoncé agrammatical comme le montrent les dérivés suivants:

8.a'. *Heureusement que le cinéma a été inventé un siècle plus tard (LP28/02/03)

8.b'. *Bien sûr que tu en as envie (LP01/11/02)

8.c'. *Peut être qu'il va bientôt mourir (VB : 27)

Parler d'une complétive de l'adverbe est mal perçu aux yeux de certains théoriciens. Ils estiment en réalité que cette construction ne devrait nullement recevoir une telle interprétation. Pour eux, l'adverbe ne régit pas de complétive, il est un simple ajout du

discours, un élément adventice et fondamentalement accidentel qui n'a pas une grande incidence sur le schéma de la phrase.

Pour Bacha (1998 : 26-27),

si l'on peut effectivement établir un parallélisme entre l'adverbe en -ment et l'adjectif correspondant pour heureusement, ce n'est pas le cas pour bien sûr, peut- être ou sans doute. De plus, les adverbes en -ment eux-mêmes ne sont pas tous sémantiquement équivalents à la phrase impersonnelle comportant l'adjectif apparenté (// est certain que Paul est venu comporte un degré de certitude plus grand que Certainement, Paul est venu, et la mise en équivalence elle-même n'est pas toujours possible (on ne dirait pas *// est infaillible que Pierre arrive en retard comme on dit Pierre arrive infailliblement en retard).

Goose et Grevisse dans Le Bon Usage (1993) les appellent des «sous-phrases» ou des «pseudo-propositions» et précisent qu'elles apparaissent surtout dans la langue familière. Wilmet (1997 :556-557), lui, parle de sous-phrase complétive», «complément de l'adverbe», parallèle, donc, au «complément de l'adjectif» de type : tout heureuse (triste, fière, confuse...) que Pierre ne chante pas, Marie a promis sa venue. Si l'on abrège cette présentation des points de vue, l'on est à mesure de dire que le débat n'est pas tranché. Pour des besoins de réalisme et compte tenu des occurrences attestées de cette construction, l'analyse suivra les positions de Kanté (2016), Gatoone (2012), Wilmet (1997) et Bacha (1998) : il existe une complétive de l'adverbe, c'est une construction attestée, problématique quant à son analyse et qui mérite encore d'être élucidée.

Les phrases ayant une complétive de l'adverbe posent donc de nombreux problèmes à l'analyse. Le statut de phrase des énoncés qui les intègrent est-il réellement soutenable ? Quel est la fonction de Que P dans les suites Adv + Que P ? Ne peut-on pas les saisir comme des structures dérivées ? Si oui, quelles pourraient être leurs structures profondes ? Par ailleurs, toutes les complétives adverbiales admettent-elles cette source ? Le problème de la liste des adverbes opérateurs et de leurs propriétés distributionnelles est également à débattre. Autant de questions qui interpellent les grammairiens.

Convenons-en, toutes ces questions ne sauraient recevoir un traitement satisfaisant dans cette modeste analyse. Il leur faut des études moins générales que celle-ci. Nous tenterons de nous prononcer sur quelques-unes d'entre elles.

3.1. La suite Adv + Que P : une connexion en question

La structure de complétive de l'adverbe est problématique. En effet, cette construction ne devrait nullement recevoir une interprétation de phrase complétive. Selon

Wilmet (op cit), cette complétive est un complément de l'adverbe. La complétive étant donc complément l'adverbe, on se demande si cela ne suppose pas que l'adverbe soit un support et la complétive un apport d'information aux plans syntaxique et sémantique. Or, l'analyse du lien entre l'adverbe et la subordonnée qui est prétendument son apport révèle une autre réalité.

9.a. Heureusement que je suis un vieux fauve (SDI :111)

9.b. Bien sûr qu'elle l'était à sa façon (LP05/04/02 :52)

9.c. Peut-être que je réussis une vie ratée ( LP11/10/02)

9.d. Sûrement qu'ils attendraient le soir pour manger son bouc (VB :91)

Dans ces énoncés, les adverbes heureusement, peut-être, bien-sûr, sûrement ont à leur droite une complétive comme illustré ci-dessus. Cette complétive dépend-elle réellement de l'adverbe ? Le lien entre les deux est-il celui qui unit la complétive à ses régissants ?

Répondre à l'affirmative à ces questions serait nier une observation évidente. Le lien entre les deux est lâche. Ils peuvent apparaitre l'un sans l'autre. La complétive peut être effacée comme le montrent les dérivés ci-dessous.

9.a'. Heureusement

9.b'. Bien sûr

9.c'. Peut-être

9.d'. Sûrement

En emploi absolu, ces énoncés constitueraient contextuellement des réponses à des questions. Ils peuvent aussi être des exclamations.

Par ailleurs, la dislocation par extraction ou emphatisation de la phrase nous permet de dissocier l'adverbe de la complétive, avec effacement du Que. Dans le même contexte, l'adverbe est mobile. N'est-il même pas effaçable ? Commençons par illustrer la possibilité de dislocation de la phrase.

9.a». Heureusement, que je suis un vieux fauve

9.b». Bien sûr !, qu'elle l'était à sa façon

9.c». Peut-être, que je réussis une vie ratée

9.d». Sûrement qu'ils attendraient le soir pour manger son bouc

Voyons aussi comment l'adverbe peut être supprimé et tirons les conclusions qui en découlent à partir des énoncés ci-dessous.

9.a'''. Heureusement que je suis un vieux fauve 9.b'''. Bien sûr qu'elle l'était à sa façon

9.c'''. Peut être que je réussis une vie ratée

9.d'''. Sûrement qu'ils attendraient le soir pour manger son bouc

Leeman (1982 : 62), remettait déjà en doute le statut de cette structure. Pour elle, on peut évidemment s'interroger sur le statut réel de cette «complétive ». Au regard des démonstrations faites ci-dessus, ne peut-on pas conclure que l'adverbe ne régit pas de complétive dans ces structures ? La pseudo-complétive n'y est-elle pas en réalité la partie prédicative de tout l'énoncé ? Autrement dit, l'essentiel de l'information de ces énoncés n'est-il pas donné par le segment de phrase introduit par que ? On peut se demander si l'adverbe n'y est pas un élément adventice et fondamentalement accidentel sans incidence syntaxique sur la structure.

L'adverbe, initialement considéré comme support de la suite, apparait comme un simple constituant facultatif. On peut s'en passer. Cet élément est en fait un connecteur discursif. Il a pour rôle de renforcer la charge énonciative du message en le modalisant. L'adverbe semble faire un tout avec le morphème que. En effaçant donc le complexe adverbe + conjonction, le reste de la phrase reste sans problème. L'énoncé obtenu reste grammaticale et prédicatif tel que le montrent ces dérivés :

9. a''''. Heureusement que je suis un vieux fauve

9. b''''. Bien sûr qu'elle l'était à sa façon

9. c''''. Peut être que je réussis une vie ratée

9. d''''. Sûrement qu'ils attendraient le soir pour manger son bouc

Par conséquent, contrairement à Wilmet (op.cit.), ne peut-on pas conclure que nous avons affaire ici à une proposition indépendante ? Si la structure est ainsi revue, quelle peut être la fonction de Que ? Quel poste Adv occupe-t-il réellement ?

3.2. La suite Adv Que P et ses fonctions syntaxiques

Les mots ou les groupes de mots d'une phrase sont liés par des rapports de subordination. Cette subordination induit l'existence des fonctions syntaxiques. Il n'est pas inutile de rappeler ce qu'est une fonction syntaxique. Cette dernière désigne un type de rapport précis existant entre deux termes de la phrase. Il s'agit précisément de la relation entre un terme subordonnant et son subordonné. Nous avons indiqué ci-dessus que la phrase ayant une complétive de l'adverbe comporte deux termes, à savoir l'adverbe Adv. et la complétive Que P. En tant que constituants d'une phrase, ils doivent irrémédiablement et respectivement être dotés de fonctions. De ce fait, quelles sont les fonctions syntaxiques des deux éléments structurant la suite Adv Que P ? Telle est la question à laquelle nous tenterons

de répondre ici. Wilmet (1998 :567) estime que ces complétives sont des compléments de l'adverbe. Il ajoute que les adverbes sont des compléments circonstanciels de l'énonciation dans cette structure. On s'interroge non seulement sur sa terminologie, mais aussi sur la réalité des faits observés, c'est-à-dire le fonctionnement syntaxique réel fonctionnement des deux constituants.

Dans le couple tête lexicale et complément, l'existence syntaxique du complément est liée à la présence de la tête. L'effacement de la tête lexicale déchoit le plus souvent le complément de toute existence. Dans une phrase donnée, la tête lexicale est la condition d'existence de tout complément. Ce dernier n'a donc généralement pas d'existence indépendamment du régissant dont il dépend. Par exemple, l'effacement du verbe dans une construction transitive directe prive le COD de toute existence. De même, dans le GN sujet élargi, on ne saurait effacer le nom central sans que cela ne déteigne sur le complément du nom.

Ainsi, si la pseudo complétive était complément de l'adverbe, aurions-nous toujours une phrase grammaticalement correcte après effacement de l'adverbe ?

10.a'''. Heureusement que je suis un vieux fauve

10.b'''. Bien sûr qu'elle l'était à sa façon

10.c'''. Peut être que je réussis une vie ratée

10.d'''. Sûrement qu'ils attendraient le soir pour manger son bouc

Or, la proposition fonctionne sans adverbe. Il semble même qu'il n'y ait pas de lien entre les deux. Nous avons précédemment établi qu'il s'agit d'une proposition indépendante sur laquelle l'adverbe agit en modalisateur. Ne devrait-on pas conclure qu'en tant que proposition indépendante, cette séquence n'a pas de fonction ? Elle serait donc un tout prédicatif. Qu'en est-il de l'adverbe ?

Contrairement à ce que pensait les analyses grammaticales, l'adverbe ne régit pas la complétive dans la suite Adv QUE P. Nous ne savons pas réellement à quoi réfère l'expression compléments circonstanciels de l'énonciation que Wilmet emploie pour traiter de la fonction de l'adverbe dans la suite syntaxique étudiée. Cette terminologie ne nous semble pas adaptée. La définition de la fonction de l'adverbe passe par la mise en lumière de ses propriétés au sein de la structure étudiée.

Nous savons déjà que l'adverbe y est suppressible. Nous vérifions ci-dessus sa portée et sa mobilité.

11. a». /Heureusement/, je suis /Heureusement/ un vieux fauve, /Heureusement/,

11.b». /Bien sûr !/, elle l'était /Bien sûr / à sa façon, /Bien sûr

11.c». Peut-être, / je réussis/ peut-être/ une vie ratée, /Peut-être /

11.d». /Sûrement/ ils attendraient /sûrement/ le soir pour manger son bouc, /sûrement/.

Dans toutes ces phrases, l'adverbe peut occuper indifféremment n'importe quelle place au sein de la phrase. Par ailleurs, il porte sur tout l'énoncé, pas sur une partie de ce dernier. Il se comporte donc comme un circonstant. Le terme complément de phrase ne sied-il donc pas ? Nous disons qu'il sied, mais davantage dans la construction sans complétive. N'est-il pas plus acceptable que celui proposé par Wilmet ? Au-delà de ces fonctions, nous porterons l'attention sur la structure dont serait issue Adv Que P.

3.3. La suite Adv Que P et sa structure profonde

Certains énoncés présentent des structures en surface. Ces structures de surface masquent généralement des phrases en structures profondes. Par moult opérations, la structure profonde d'un énoncé peut être révélée. Un soupçon pèse sur la suite Adv Que P. La phrase Adv Que P semble issue par dérivation d'une autre structure. Le Goffic et Wilmet proposent que l'analyse de ce type de phrase se fasse par la paraphrase adjectivale « IL est ADJ. QUE P ». En procédant à cette analyse, les auteurs recommandent de considérer QUE P comme sujet réel de « est ADJ » et donc à retourner aux suites impersonnelles. On s'interroge néanmoins sur l'étendue de cette dérivation. D'autres questions naissent de cette description de Wilmet et Le Goffic : quelles sont les structures dont dérivent les phrases Adv Que P ? Par ailleurs, toutes les complétives adverbiales admettent-elles réellement cette source ? Vu que les auteurs se fondent sur la morphologie de l'adverbe pour postuler à cette source dérivationnelle, on se demande par la même occasion si tous les adverbes donnent la possibilité d'une dérivation.

Pour Le Goffic (1993 : 522), l'adverbe heureusement est le prédicat (non verbal) de la complétive. Elle est analysée comme son sujet : «Heureusement que P = «heureusement [est, il y a] que P» (paraphrases : Heureusement, P ; // est heureux que P)». Observons le fonctionnement de la complétive adverbiale dans les énoncés ci-dessous

12. a. Heureusement que vous êtes arrivés à temps.

12.b. Sûrement que cet homme agité a commis un forfait.

12.c. Bien-sûr que je le regretterai toute la vie.

12.d. Sans doute que ma vie changera après ce torrent de malheurs que je traverse.

En procédant à la dérivation, les énoncés permettent de donner les résultats ci-après.

12.a'. *Il est heureux que vous êtes arrivés à temps / *il y a..../ Heureusement, que vous êtes arrivés à temps

12.b'. Il est sûr que cet homme agité a commis un forfait / sûrement, que cet homme agité a commis un forfait

12.c'. Bien-sûr, que je le regretterai toute la vie./ * ?Il est que je le regretterai toute la vie

12.d'. Sans doute, que ma vie changera après ce torrent de malheurs que je traverse / Il n'y a pas de doute que ma vie changera après ce torrent de malheurs que je traverse/ Il est indubitable que ma vie changera après ce torrent de malheurs.

Ces dérivés permettent de nuancer l'hypothèse de la dérivation de cette structure. En effet, tous les adverbes introduisant une complétive ne sont pas des adverbes en -ment, c'est-à-dire généralement issus des adjectifs qualificatifs. De ce fait, il n'est pas toujours possible d'obtenir la paraphrase adjectivale. C'est le cas dans l'énoncé 12.c et dans la phrase 12.d.

Quand le retour à la structure adjective est possible, il faut tenir compte de la concordance modo temporelle. Car un glissement sémantique considérable se produit comme le montrera la phrase ci-après.

13.a. Heureusement que je suis un vieux fauve 13.a'. Il est heureux que je sois un vieux fauve 13.a». *je suis heureux que je sois un vieux fauve 13.a'''. ? Que je sois un vieux fauve est heureux

Dans les énoncés dérivés de la périphrase, le morphème il est souvent asémantique. Il pallie la vacuité sémantique et syntaxique du poste sujet en construction unipersonnelle. En [13.a.'], il est un véritable pronom personnel. Il représente un être humain ayant des traits masculin. Les deux dernières dérivées sont agrammaticales.

En somme, avec cette réécriture, la dérivation fonctionne dans certains cas. Elle s'avère inopérante dans d'autres. Bacha (1998 : 26-27) nous permet de conclure que

si l'on peut effectivement établir un parallélisme entre l'adverbe en -ment et l'adjectif correspondant pour heureusement, ce n'est pas le cas pour bien sûr, peut- être ou sans doute. De plus, les adverbes en -ment eux-mêmes ne sont pas tous sémantiquement équivalents à la phrase impersonnelle comportant l'adjectif apparenté (// est certain que Paul est venu comporte un degré de certitude plus grand que Certainement, Paul est venu, et la mise en équivalence elle-même n'est

pas toujours possible (on ne dirait pas *// est infaillible que Pierre arrive en retard comme on dit Pierre arrive infailliblement en retard).

Les possibilités et les contraintes ne sont pas les mêmes dans toutes ces constructions. Chacune implique des mécanismes syntaxiques qu'une étude plus approfondie pourrait mettre en lumière. La question qui nous intéresse est de savoir quels sont les adverbes rentrant dans la structure Adv Que P.

3.4. Adv Que P : une classe restreinte d'adverbes associés

Nous avons pu démontrer ci-dessus que l'adverbe ne régit pas la complétive dans la structure Adv que P. Les deux sont indépendants au plan structural, bien que l'ordre linéaire horizontal les lie. La conséquence de cette analyse est de ne plus considérer l'adverbe comme un opérateur. Nous verrons dans cette structure une association de l'adverbe à la proposition indépendante. Le morphème Que y est une béquille. De ce fait, au lieu de dire adverbe opérateur, nous parlerons d'adverbe associé. Deux questions retiennent l'attention ici. D'une part, quels sont les adverbes susceptibles d'être associés à une complétive ? Qu'est-ce qui les caractérise ?

Ce ne sont pas tous les adverbes qui intègrent la structure Adv. Que P. Nous maintenons notre hypothèse selon laquelle la catégorie sémantique à laquelle un mot appartient détermine ses possibilités et connexions syntaxiques. Ainsi, nous pouvons prudemment dire que les adverbes liés à l'expression du temps, de la dimension et de l'intensité entre autres n'introduisent pas associés aux complétives. Les énoncés qui suivent sont de notre cru. Ils montrent les blocages sémantiques et syntaxiques pesant sur les catégories d'adverbes précédemment énumérées. On ne peut donc pas avoir des énoncés comme ceux qui se trouvent infra.

14.a. *dernièrement/ récemment que Pierre est venu

14.b. *Immensément/ longuement que notre maison est construite

14.c. *Extrêmement que nous soyons attentifs

Comme le dit Bacha (2012 : 28), il y a une difficulté à déterminer la liste des adverbes susceptibles d'être associés à une complétive. Toutefois, difficile ne veut pas dire impossible. La méthode du lexique-grammaire permet de s'attaquer à cette difficulté. Il existe au moins une étude de ce type. Elle aborde cette construction dans le cas des adverbes en -ment : Molinier et Levrier (2000). Les adverbes les plus attestés dans cette configuration sont entre autres : assurément, heureusement, probablement, sûrement, vraisemblablement, apparemment, évidemment, naturellement, peut-être, bien sûr, sans doute.

Nous relèverons les traits généraux de cette classe restreinte d'adverbes. Les adverbes modaux apparaissent donc ainsi comme les plus à même d'entrer dans cette construction. Il faut adjoindre et retenir temporairement cet argument de Bacha (2012 : 31) : ce sont les adverbes orientés positivement qui acceptent l'introduction d'une complétive, ce qui expliquerait que d'autres adverbes, également perçus comme possédant une orientation positive, soient susceptibles de rejoindre le paradigme. Jusque-là, la notion d'adverbe orienté positivement reste vague. Il serait utile de procéder à un travail d'une triple exigence. Circonscrire avec des traits définitoires de cet ensemble est nécessaire. Il faudrait procéder à des regroupements par structures parentes. Enfin, nous gagnerons à étudier la structure argumentale de chaque adverbe associé.

Faut-il continuer de parler d'une complétive de l'adverbe ? Peut-on encore légitimer le terme d'adverbe opérateur ? Le développement qui précède permet de dire non. La structure ainsi nommée ne procède pas de la subordination. Il s'agit d'une phrase indépendante sur laquelle porte un jugement, une évaluation exprimée par un adverbe. L'adverbe est, non pas dépendant de la proposition, mais associé à cette dernière au moyen du morphème Que, une béquille syntaxique. L'adverbe ne régit pas la complétive. En conséquence, il n'est pas un opérateur. Le statut de subordonnée de cette phrase semble remis en cause. Elle n'en présente pas les propriétés. Il importe de revoir globalement cette structure.

Au terme de ce chapitre, que pouvons-nous retenir des deux complétives non-verbales étudiées ?

Elles paraissent toutes deux extravalencielles. En d'autres termes, elles ne rentrent pas dans le schéma des arguments du verbe. Postposées à leur recteur, elles induisent des transformations de divers ordres. Elles sont introduites par des parties du discours qui ne se conjuguent pas.

La complétive nominale se rapproche de la complétive du verbe. Les Nop sont en réalité issus pour la plupart des verbes. Ainsi, il semble s'établir une analogie entre les complétives du nom et les complétives du verbe. V-SN+Que P et V+Que+P semblent ainsi être équivalents. Les conditions de cette équivalence restent à définir d'une manière circonstanciée. Les Nop sont variés et induisent des propriétés différentes.

La complétive de l'adverbe n'en est pas une. Il s'agit d'une structure intégrant une proposition indépendante. Au lieu d'y voir une complétive, nous préférons parler d'une phrase à adverbe associé. Cette dernière est modalisée au moyen de l'adverbe. En tant qu'unité indépendante, la proposition n'y a pas de fonction syntaxique. L'adverbe porte sur toute la phrase. En tant que circonstant, il peut se placer à diverses postions dans la phrase. C'est donc un complément de phrase. Contrairement à la complétive du nom qui a une variété de structures, la phrase à adverbe associé n'a qu'une seule structure, à savoir Adv+Que P. Antéposé à la proposition indépendante, l'adverbe est régulièrement en position initiale. Cette phrase peut donner lieu à plusieurs réécritures dérivationnelles sur la forme Il est Adj+Que P, Il y a +SN Que P et (Adv., Que P), (Que P, Adv.) ou simplement se réduire en P.

On peut également se demander si les dérivés possibles ci-dessus présentent les mêmes possibilités distributionnelles et sémantiques que la phrase à adverbe associé. Dans les structures Adv Que P, la nature de l'adverbe est sélectionnée et conditionnée. Les catégories sémantiques de ces adverbes et leurs contours morphosyntaxiques restent à définir. Au bout du compte, les complétives non-verbales posent des problèmes dignes d'être analysés à la juste mesure et dans des études spécifiques. Leurs contours ne sont pas totalement découverts. Tout comme le nom et le verbe, l'adjectif qualificatif est suivi d'une phrase complétive. Cette dernière est classée parmi les complétives non-verbales. Le nom, l'adjectif et l'adverbe sont généralement en interrelation. L'adjectif est rattaché au nom, l'adverbe modifie l'adjectif qualificatif. On se demande donc si les propriétés de la complétive du nom et celles de la phrase à adverbe associé peuvent être corrélées à la complétive de l'adjectif qualificatif. En d'autres termes, comment se présente la complétive adjectivale ? La complétive de l'adjectif fonctionne-t-elle comme ses parentes qui viennent d'être analysées ? Ses prédicats induisent-ils aussi des contraintes ? Nous tenterons de donner des réponses à ces questions au chapitre 4.

CHAPITRE QUATRIÈME

LA COMPLÉTIVE ADJECTIVALE : DESCRIPTION MORPHOSYNTAXIQUE ET SÉMANTIQUE

Nous avons annoncé plus haut un corpus constitué de complétives du nom, de l'adverbe et de l'adjectif. Les deux premières ont été étudiées au chapitre précédent. La complétive de l'adjectif est l'objet du présent chapitre qui essaiera d'en saisir la singularité. En effet, en tant que principal objet du travail, elle mérite un traitement à part.

Au chapitre premier, nous avons vu qu'au-delà de l'adverbe, l'adjectif qualificatif reçoit quatre types de compléments en français : la complémentation zéro, la complémentation par l'infinitif ou par un N au moyen d'une préposition et la complémentation phrastique. Ces structures sont respectivement illustrées par les énoncés suivants : a) Il est noir; b) c'est beau à voir ; c) la route est pleine de cailloux et d) je suis heureux que tu sois là. Noir est construit sans complément, beau est suivi de l'infinitif voir. L'adjectif pleine, comme le précédent, est lié à un N, cailloux, au moyen de la préposition. Dans le dernier segment, heureux est suivi de la complétive que tu sois là.

Selon Léger (2006 :21), la complémentation phrastique réfère aux constructions qui comportent un prédicat et son sujet (qu'il soit lexicalement réalisé ou non), c'est-à-dire aux constructions complétives tensées et non tensées. Dans sa définition de la complémentation phrastique, Léger inclut les complétives non tensées, autrement dit les infinitives. Notre propos n'est pas de les étudier. Nous traiterons d'un volet de la complémentation phrastique, à savoir des complétives tensées, c'est-à-dire celles introduites par Que et ayant un mode fini.

La complétive adjectivale se présente globalement sous le schéma V+ Adj Que dans notre corpus. V représente un verbe, Adj l'unité adjectivale et Que P la complétive. Les énoncés ci-après le montrent :

1.a. Ils sont convaincus que ses conséquences sur le bien commun n'intéressent pas (LP05/04/02)

1.b. K restait étonné qu'on le renvoyât et qu'on le laissât seul dans sa chambre (LP :32)

1.c. On trouve normal que les jeunes gens jettent leur gourme (LP01/11/02

Dans ces énoncés, nous avons les verbes sont, restait et trouve, les adjectifs convaincus, étonné et normal suivis de la complétive. Pour peu qu'il soit régulier, ce schéma global est loin d'être simple. Il donne non seulement lieu à des contours variés, mais l'élément V lui-même est divers tel que nous le verrons infra. Par ailleurs, l'autonomie et l'existence de ce type de complétive sont sujettes à caution aux yeux de certains linguistes. Pour ces quelques raisons et beaucoup d'autres à découvrir dans le corps du chapitre, la complétive de l'adjectif apparait intéressante, digne d'être analysée et explorée.

On se demande à cet effet s'il existe réellement une complétive de l'adjectif. Les arguments militant en sa faveur et ceux pourraient légitimer sa remise en question méritent

d'être soulevés. Le chapitre interroge les structures Adj+Que P et leur
caractéristiques. Nous soulevons enfin la problématique du lien entre la complétive et l'Adj. Nous tenterons de savoir si la complétive est lié à l'adjectif seul ou concomitamment au verbe et à l'adjectif. Enfin, nous cherchons à savoir si le verbe et l'adjectif sont coalescents au point de les considérer comme un prédicat complexe ou s'ils sont au contraire indépendants à tel point qu'on puisse les dissocier. Ce chapitre constitue une description des énoncés à complétives adjectivales contenus dans notre corpus. Pour parvenir à des résultats acceptables, nous suivrons une progression en trois parties. La première partie pose le problème la structure de la complétive adjectivale. La deuxième étudie les structures de complétives adjectives présentes dans notre corpus. La troisième partie étudiera la nature du lien entre l'adjectif et le verbe qui le précède afin de savoir s'ils sont liés ou non.

1. LA COMPLÉTIVE ADJECTIVALE : UNE STRUCTURE EN QUESTION La complétive adjectivale est régie par un adjectif qualificatif dans un énoncé attributif. Selon Riegel (1993 : 9), une structure attributive renvoie à une construction dans laquelle l'adjectif apparaît voué à la caractérisation et à la description des référents déjà constitués comme tels, c'est-à-dire catégorisés et identifiés par d'autres moyens linguistiques. Autrement dit, la structure attributive est une phrase qui relève les traits d'un référent. Le schéma de la complétive adjectivale qui s'y trouve est V+Adj+Que P. La proposition subordonnée complétive y est précédée d'un adjectif qualificatif. Les exemples ci-après l'illustrent :

1.a. Ils sont convaincus que ses conséquences sur le bien commun n'intéressent pas (LP05/04/02)

1.b. K restait étonné qu'on le renvoyât et qu'on le laissât seul dans sa chambre (LP :32)

1.c. On trouve normal que les jeunes gens jettent leur gourme (LP01/11/02)

Dans ces énoncés, les adjectifs qualificatifs convaincus, étonné et normal sont respectivement précédés des verbes sont, restait et trouve. Ils sont chacun suivis d'une complétive à droite. La tradition grammaticale voit en ces complétives des compléments de l'adjectif. Ces trois phrases induisent les structures être+Adj+Que P, rester +Adj+Que P et Trouver +Adj+Que P.

Or, pour des études récentes à l'instar d'Evouna (2015), cette complétive n'est pas liée à l'adjectif. Par conséquent, il n'existerait pas de complétive adjectivale. Il est utile de s'interroger sur ce qu'il en est réellement : existe-t-il ou non une complétive de l'adjectif ? La complétive dépend-elle de l'adjectif ? Si oui, quelle est sa véritable fonction ?

1.1. Adj Que P : une complétive nominale en structure profonde ?

Selon Evouna (2015 : 52-53), la structure Adj + Que P n'intègre pas une complétive adjectivale. Il n'existerait pas de complétive adjectivale, pas plus qu'il n'existerait de complément de l'adjectif de nature propositionnelle. En effet, dire que la complétive est régie par l'adjectif revient à considérer la proposition comme un apport et l'adjectif comme un support.

Pour Evouna (op cit), il est certes vrai que la complétive est un complément dans cette structure. Mais de quel constituant est-elle l'argument ? L'auteur pense que des éléments ont été effacés en surface dans la structure de ces énoncés. Il postule la disparition d'un antécédent nominal. Cet antécédent effacé est réalisé sous la forme d'un SN opérateur. Quelques Nop ont été étudiés au chapitre précédent. Il peut s'agir du SN opérateur prototypique le fait ou des autres, à savoir l'idée, l'impression, le sentiment, l'hypothèse, etc. La structure V + Adj + Que P correspond donc à V + Adj + le SN op Que P. Cette hypothèse s'illustre par les énoncés ci-dessous.

2.a. Il était à peu près certain que la culture ne jouerait aucun rôle dans le duel de la présidentielle (LP05/04/02)

2.b. J'ai été étonné que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin (LP11/10/02)

2.c. Furieux que Moose donne l'impression de ne pas le prendre assez au sérieux, Muhammad téléphone le 21 à la police (LP01/11/02)

En leur adjoignant l'antécédent nominal, nous obtenons les dérivées suivantes.

2.a'. Il était à peu près certain du fait que la culture ne jouerait aucun rôle dans le duel de la présidentielle.

2.b'. J'ai été étonné du fait que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin.

2.c'. Furieux du fait que Moose donne l'impression de ne pas le prendre assez au sérieux, Muhammad téléphone le 21 à la police.

Au regard de cette possibilité de réinsertion de l'antécédent nominal, la complétive de l'adjectif apparait comme une réalisation pure et simple de la complétive du nom. Le même phénomène est observé avec beaucoup de verbes à complétive : Luc persuade Anne /du fait /que c'est vrai et Luc déplore /le fait / que ce soit vrai. Le complément reste un complément du verbe. Nous souhaitons savoir si la relation entre la complétive et l'antécédent nominal est la même. Nous voulons questionner la fonction de la complétive et de celle de son antécédent nominal.

Le recours à la structure profonde de la phrase et la réinsertion du SN opérateur induisent une redistribution des fonctions de QUE P et celle du SN. Pour le prouver, Evouna recommande l'usage du schème corrélatif tel qu'appliqué dans les énoncés ci-après.

2.a». *Que la culture ne jouerait aucun rôle dans le duel de la présidentielle est le fait tel qu'il Il était à peu près certain.

2.b». *Que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin est l'idée tel que j'en ai été étonné.

2.c». *Que Moose donne l'impression de ne pas le prendre assez au sérieux est le sentiment tel que furieux, Muhammad téléphone le 21 à la police.

La complétive apparaît, non plus comme complément de l'adjectif, mais comme sujet dans cette phrase. Sans schème corrélatif, comme en [2'], c'est l'antécédent SN op qui assume le rôle du complément de l'adjectif. En appliquant le schème à la phrase, ce SN passe au poste attribut de la complétive sujet.

Si on admet cette argumentation d'Evouna (2015 : 53), on est en droit de conclure

qu'

il n'existe aucun rapport direct ni explicite entre l'adjectif et la subordonnée. Ce rapport, de type attributif, implique plutôt `'l'antécédent» et la complétive. En profondeur, une complétive dans le rôle fonctionnel de « complément de l'adjectif » joue le rôle du sujet. À l'observation, ce rôle (complément de l'adjectif) est celui de l'antécédent souvent effacé en surface (fait).

La structure Adj + Que P est-elle donc à analyser exclusivement comme complétive nominale ? Il semble donc possible que la complétive de l'adjectif n'existe pas réellement. Si l'on ne considère que la position d'Evouna, on répondrait négativement. Cette position mérite qu'on s'y attarde et la réalité des faits doit être observée. En réalité, l'argumentation transformationnelle d'Evouna est valable et soutenable mais elle est

susceptible d'être nuancée. On se demande si toutes les structures V + Adj + Que P ont une structure profonde nominale. Sinon, on s'interroge sur ce qui justifie que certaines ne donnent pas lieu à cette origine nominale. Par ailleurs, on voudrait voir si le sens de la phrase est le même dans les structures V + Adj + Que et V + Adj + le SN op Que P.s

1.2. La réécriture V + Adj + SN Op Que P : une source nominale en question

Selon Wilmet (1998 :566), les fonctions qui sont accessibles aux complétives sont : le sujet (dont le « réel », le complément de l'adjectif, le complément de l'adverbe, l'objet premier et l'objet second. En effet, les fonctions syntaxiques se décident à partir des relations existant ente les mots d'une phrase. Ainsi, si le complément d'objet se définit par rapport au verbe, on se demande ce qu'il en est du complément de l'adjectif sous la forme propositionnelle.

Au paragraphe précédent, nous avons vu, avec Evouna (op cit), qu'il s'agissait en profondeur d'un sujet. Or, si Wilmet parle de complément de l'adjectif, ne doit-on pas comprendre que la complétive de ce contexte se définit par rapport à l'adjectif ? En d'autres termes, l'adjectif qualificatif ne la régit-il pas ? Pour y répondre, il convient d'analyser la dépendance entre l'adjectif qualificatif et la complétive dans la structure attributive Adj + Que P. Mais au préalable, on voudrait davantage comprendre ce que c'est que la dépendance et ce que sont des éléments dépendants.

Pour Dubois et al. (1963 :140), en linguistique structurale, on appelle morphèmes dépendants des morphèmes tels que leur occurrence dépend de l'occurrence d'un autre morphème dans une construction donnée et tels qu'un changement affectant le premier implique un changement affectant l'autre. Appliquant cette définition aux constituants de la phrase, nous dirons que des constituants dépendants ne peuvent fonctionner l'un indépendamment de l'autre. L'effacement de l'un induit alors généralement une agrammaticalité de toute la structure. Si la complétive de la structure Adj + Que P dépend d'un antécédent ellipsé, comme le pense Evouna, ne devrait-elle pas apparaitre seule dans cette structure ? Autrement dit, si, comme le dit Evouna (ibid.), il n'existe aucun rapport direct ni explicite entre l'adjectif et la subordonnée, la structure ne devrait-elle pas conserver son acceptabilité avec l'effacement l'adjectif qualificatif ? Seulement, la complétive peut-elle résister à l'effacement de l'adjectif qualificatif qui le précède ? Pour y répondre, il convient d'analyser quelques énoncés.

3.a.

L'analyse des mêmes énoncés avec restitution de l'antécédent permet d'aboutir à des résultats similaires. Restituons les antécédents comme le postule Evouna (2015).

Il reste persuadé que la version officielle a retenu sa responsabilité latente (LP28/02/03)

3.b. Il n'était pas mécontent qu'elle se mette à pleurer (VC :201)

3.c. Je trouverais regrettable que les socialistes traversent une période de plus (Lp18/04/03)

3.d. Il est donc inutile que tu me donnes la parole (VB : 40)

3.a'. Il reste persuadé que la version officielle a retenu sa responsabilité latente

3.b'. *Il n'était pas mécontent qu'elle se mette à pleurer

3.c'. Je trouverais regrettable que les socialistes traversent une période de plus

3.d'. *Il est donc inutile que tu me donnes la parole

L'effacement de l'adjectif qualificatif entraîne un certain nombre de constats. L'adjectif qualificatif effacé, certaines phrases deviennent agrammaticales. C'est le cas des dérivés [3.b' et 3.d']. Les structures de ces énoncés deviennent incomplètes et nécessitent un élément. Elles ont donc un poste vacant si l'on supprime l'adjectif qualificatif.

L'autre possibilité est que la phrase connaisse une extension ou une rupture de sens. Le sens obtenu n'a plus rien à voir avec le prédicat de la phrase de départ. En [3.a'], l'effacement de l'adjectif change le sens de la phrase. Dans l'énoncé initial, un locuteur décrit l'état de conviction d'un individu. Il décrit son jugement sur un fait. L'énoncé dérivé donne un sens autre c'est le constat d'un locuteur qui est exprimé. Dans l'énoncé source, reste est un verbe occasionnellement attributif. Par contre, dans la dérivée, reste veut dire. En conclusion, selon que l'adjectif qualificatif est effacé ou maintenu, l'énoncé sera constatif ou descriptif. Dans l'énoncé attributif un locuteur-descripteur asserte quelque chose sur l'état d'un individu. Avec la suppression de l'adjectif qualificatif, le locuteur donne son avis sur une situation.

La bipartition de l'énoncé en dictum / modus de Bally peut nous aider à mieux analyser le troisième énoncé. Le dictum est l'énoncé, le modus la modalité. En [3.c'], l'énoncé garde certes son acceptabilité, mais, il s'y produit une rupture sémantique. En [3.c], un jugement évaluatif dépréciatif est porté sur l'action des socialistes. Par contre, la phrase dérivée est une orientation évaluative neutre.

3.a». Il reste persuadé du fait que la version officielle a retenu sa responsabilité latente

3.b». Il n'était pas mécontent de la possibilité qu'elle se mette à pleurer

3.c». Je trouverais regrettable l'idée que les socialistes traversent une période de plus

3.d». *Il est donc inutile l'hypothèse que tu me donnes la parole

Dans ces énoncés, il est impossible de supprimer l'adjectif qualificatif, sauf en [3.d''], par reconstruction de la phrase. On ne saurait avoir certains des énoncés dérivés suivants :

3.a». *Il reste persuadé du fait que la version officielle a retenu sa responsabilité latente

3.b». *Il n'était pas mécontent de la possibilité qu'elle se mette à pleurer

3.c». Je trouverais regrettable l'idée que les socialistes traversent une période de plus

3.d». *Il est donc inutile l'hypothèse que tu me donnes la parole

Les énoncés deviennent inacceptables pour les uns, en l'occurrence [3.a'', 3.b'', 3.d'']. D'autres connaissent une rupture sémantique. La phrase [3.d''] peut néanmoins retrouver une forme normale si l'on antépose le SN op. On dira L'hypothèse que tu me donnes la parole est donc (inutile). La suppression de l'adjectif, contrairement à celle du SN, pèse donc plus sur la grammaticalité de la phrase. L'adjectif se montre d'un plus grand poids que le SN antécédent ellipsé.

Que pourrait-on alors conclure et retenir de ce développement ?

Si la complétive de l'adjectif peut effectivement donner lieu à une réécriture nominale, cette possibilité ne doit pas annihiler la place de l'adjectif au sein de cette structure. La suppression de l'adjectif est très restreinte alors que celle de l'antécédent nominal ellipsé va de soi. Elle est toujours possible. La complétive fonctionne sans cet antécédent nominal de structure profonde. Or, si l'on supprime l'adjectif, non seulement la complétive n'a plus sa raison d'être, mais aussi le sens et la grammaticalité de l'énonce deviennent problématiques.

Conséquemment, on pourrait conclure que la relation entre SN (antécédent de structure profonde) et Que P est apparente. La sélection du mode de la complétive par l'adjectif, et non par le nom opérateur le prouve. Au regard de la soudure et de la dépendance entre Adj et Que P, l'adjectif qualificatif apparait comme le véritable régissant de Que P. L'hypothèse de la transformation nominale n'est pas totalement satisfaisante. Nous pouvons-nous pas conclure avec Riegel et al. (2014 :828) qu'il existe également des adjectifs qui ont la

propriété d'avoir une complétive comme complément. Par conséquent, la complétive de l'adjectif existe, le complément de l'adjectif sous forme propositionnelle aussi.

La complétive de l'adjectif pose également des problèmes au plan structurel. Avant d'analyser les adjectifs introducteurs de la complétive, il est nécessaire de savoir dans quelles structures ils rentrent. Il nous semble que la structure au sein de laquelle Adj + Que P se trouve pourait jouer sur l'adjectif qualificatif. Dès lors, quelles sont les structures de la complétive adjectivale ? Par quoi se caractérisent-elles aux plans distributionnel et transformationnel ?

2. STRUCTURES DE LA COMPLÉTIVE ADJECTIVALE

Cette partie du travail voudrait répondre à deux questions : celles des types de structures propres aux adjectifs introducteurs de complétives et celle de leurs traits distinctifs aux plans distributionnel, transformationnel et sémantique.

Selon Dubois et al. (1963 :455), le concept de structure, si l'on se réfère à la diversité des structuralismes, est difficile à définir. Sans entrer dans le détail des considérations liées à sa complexité, nous appréhendons cette notion dans son acception syntaxique. Par structure, nous entendons une construction de phrase. Ainsi perçue, la notion de structure amène à nous approprier la définition de la construction de phrase proposée par Le Goffic et MC Combe Bride (1975 :14).

Par construction de phrase, nous entendons des structures (types de phrases) N+V+N+ à N ou N + être +adj + Que P. Dans la seconde phrase, l'élément pivot est l'adjectif : la structure indiquée n'est possible qu'avec un nombre restreint d'adjectifs. Étudier les constructions de phrases possibles, c'est donc voir quelles sont les constructions possibles pour des éléments pivots : verbes et adjectifs essentiellement. Étant donné par exemple un verbe, quelles sont ses constructions possibles ? Étant donné une construction, quels sont les verbes pour lesquels elle est possible ?

L'élément pivot de notre étude est l'adjectif qualificatif. Dans ce chapitre, rechercherons ses constructions types en tant que pivot. Ainsi, étant donné par exemple un [adjectif qualificatif], quelles sont ses constructions possibles ?

Les adjectifs introducteurs de complétives du français apparaissent dans deux structures. Il s'agit de la construction personnelle et de la construction « impersonnelle ». Il convient d'analyser leur fonctionnement et leurs propriétés.

2.1. Adjectifs introducteurs de complétives et constructions personnelles

L'analyse des constructions personnelles passe par la mise en lumière de leurs propriétés syntaxiques et des sous-classes qui les composent au plan formel. Nous pensons que l'adjectif qualificatif introducteur d'une complétive conditionne sa forme. Car, en effet, selon Kanté (2016 :11), les propriétés sémantiques des prédicats sont déterminantes dans la rection des complétives. Plusieurs questions sont soulevées à ce titre : quelle est la structure argumentale des constructions personnelles ? Quelle est la place du prédicat adjectival dans la sélection du mode ? À quelles autres constructions peuvent-elles donner lieu par réécriture ?

2.1.1. Structure argumentale et mode des constructions personnelles

Les constructions personnelles sont des structures de phrases construites sur le modèle N0 V + Adj Que P. Elles se trouvent illustrées dans les énoncés qui suivent.

4.a. Ils sont convaincus que ses conséquences sur le bien commun n'intéressent pas (LP05/04/02 :69)

4.b. Marcel Dassault a toujours été persuadé que Serge était le bon poulain pour lui succéder (LP01/11/02 :57)

4.c. J'ai été très étonné que toute référence aux Arméniens soit totalement exclue (LP03/01/03 :104)

4.d. Je suis certain qu'il reste toujours des tonnes d'arsenic planquées sous ma maison (LP28/02/03 :57)

Les tournures personnelles ci-dessus montrent des adjectifs ayant deux arguments. Elles ont un sujet et une affirmation. En [4.a] par exemple, le sujet c'est ils et l'affirmation est que ses conséquences sur le bien commun n'intéressent pas. Notre corpus rejoint l'idée de Léger (2006 : 170). Parlant des adjectifs qui expriment des jugements de valeur de vérité, comme certain, elle affirme : dans les tournures personnelles, l'adjectif sélectionne deux arguments : l'un étant un être doté d'une faculté cognitive lui permettant de porter des jugements de valeur, de vérité ; et l'autre une « proposition ». Dans toutes les phrases précédentes, l'adjectif qualificatif dénote un état mental d'un sujet.

Si l'on fait fi des emplois métaphoriques, le sujet semble généralement avoir le trait [+hum], [+activité intellectuelle] dans notre corpus. Les sujets Marcel Dassault, j' et je, réfèrent tous à des individus, à des sujets capables de porter un jugement. La structure argumentale de la complétive adjectivale devient alors N0hum + V + Adj + Que P.

En fonction du prédicat adjectival qui les régit, les complétives des tournures personnelles sélectionnent deux modes, l'indicatif ou le subjonctif. Observons à ce sujet le fonctionnement des phrases ci-après.

4.a'. Ils sont convaincus que ses conséquences sur le bien commun ne font pas consensus /

*Ils sont convaincus que ses conséquences sur le bien commun ne fassent pas consensus

4.b'. Marcel Dassault a toujours été persuadé que Serge était le bon poulain pour /lui succéder

*Marcel Dassault a toujours été persuadé que Serge fût le bon poulain pour lui succéder

4.c'. J'ai été très étonné que toute référence aux Arméniens soit totalement exclue /
*J'ai été très étonné que toute référence aux Arméniens est/ a été totalement exclue

4.d'. Je suis certain qu'il y a toujours des tonnes d'arsenic planquées sous ma maison/

*Je suis certain qu'il y ait toujours des tonnes d'arsenic planquées sous ma maison

Le changement de mode agit sur l'acceptabilité de la phrase. Les acceptabilités sont relativement nettes. Dans ces énoncés, les adjectifs qualificatifs refusent le mode subjonctif dans leur structure. Ils sont compatibles avec l'indicatif.

Ainsi, tout comme le verbe, l'adjectif qualificatif, en tant que régissant d'une complétive, sélectionne le mode de cette dernière. Certains adjectifs sont dévolus à l'indicatif alors que d'autres s'accommodent du subjonctif.

Plusieurs questions se posent à partir du développement qui précède : quels sont les adjectifs qualificatifs compatibles avec l'indicatif ? Quels sont ceux qui admettent le subjonctif ? La bipartition Adj subj/ Adj Ind est-elle stricte ou gradable et fonction des constructions ? Par ailleurs, peut-on envisager une classification des adjectifs introducteurs de complétives à l'aune du mode qu'ils sélectionnent ? La tâche est possible mais son étendue dépasse le cadre de notre travail.

Au plan formel, nous pouvons distinguer trois configurations de la complétive adjectivale dans les constructions personnelles. Ce sont être+ Adj Que P, Verbe attrib +Adj Que P et Verbe occas. Attrib + Adj Que P. Il s'agit donc des phrases attributives dans lesquelles on retrouve la copule être, ses succédanés ou substituts et les verbes occasionnellement attributifs. Il convient de les analyser respectivement.

2.1.2. Verbes attributifs et sous-structures des constructions personnelles L'expression verbe attributif est générique et englobe des verbes aux propriétés syntaxiques variées. Qu'est-ce qu'un verbe attributif ? Selon Leeman (1996 :192),

à partir de l'hypothèse que être est le verbe attributif typique, on admettra qu'un verbe est attributif lorsque d'une part, il commute avec être, mais d'autre part de telle sorte que l'attribut présumé ne soit ni supprimable, ni déplaçable, ni détachable.

Bien que contestable sur certains points, cette définition est retenue comme point de départ de notre analyse. Elle sera revue au fil des développements subséquents.

L'ensemble des verbes attributifs regroupe deux catégories de verbes. D'une part, il y a des verbes qui, comme la copule être et ses succédanées, sont dits essentiellement attributifs (VEA) et des verbes occasionnellement attributifs (VOA). Quelle différence existe-t-il entre les deux classes ? Comment la complétive adjectivale s'y comporte-t-elle ?

L'essentiel du travail consistera à mettre en lumière la structure formelle de l'énoncé, la réaction de la complétive aux tests de l'effacement et à celui du détachement ainsi que la sélection du mode. Nous mettrons également en lumière les possibles transformations de la complétive. Comme la complétive du nom et celle de l'adverbe, l'enjeu des tests est de vérifier si la complétive de l'adjectif est accessoire dans notre corpus.

2.1.2.1. Verbes essentiellement attributifs et constructions personnelles Selon Lauwers et Tobback (2010 :79-80),

le verbe essentiellement attributif (ou copule) est tout d'abord un verbe qui se construit avec un attribut du sujet essentiel ou nucléaire. Un attribut nucléaire ne peut être omis, ne pas être déplacé ni détaché ; et s'il peut être supprimé, il s'ensuit généralement une modification du sens du verbe. Le rapport sémantique établi par le verbe entre le sujet et l'attribut attribue une caractéristique à un référent qui de ce fait apparait comme consubstantielle.

Un verbe de construction essentiellement attributive a donc à sa droite un attribut essentiel, non effaçable et non mobile. Ce type de verbes est illustré dans les exemples qui suivent.

5.a. Je suis si contente que la guerre soit finie (LP18/04/03 :19)

5.b. Ils sont soulagés que tout cela soit fini (LP 18/04/03 :18)

5.c. M. le Fondé de pouvoir sera heureux que nous l'en soulagions (LP :169)

5.d. Il reste persuadé que la version officielle a retenu sa responsabilité latente (LP28/02/03 :32)

Supprimons les GA attributs des sujets et voyons comment les phrases réagissent à ce test.

5. a'. Je suis si contente que la guerre soit finie

5. b'. Ils sont soulagés que tout cela soit fini

5. c'. M. le Fondé de pouvoir sera heureux que nous l'en soulagions

5. d'. Il reste persuadé que la version officielle a retenu sa responsabilité latente

On remarque en effet que le GA ne peut pas être supprimé dans ces phrases. La suppression du GA entraîne une rupture sémantique nette de la phrase. La phrase peut aussi devenir agrammaticale. Ainsi, dans les énoncés [5.a., 5.b.] et [5.c.], le verbe être, dans ses différentes déclinaisons, a le sens de se trouver dans un état. L'énoncé [5.d.] veut dire être de façon permanente dans un état.

Avec la suppression du GA attribut du sujet, nous aboutissons à des sens différents. Le verbe être prend son sens existentiel et philosophique. Reste ne veut plus dire demeurer, persister dans un état, mais demeurer dans un lieu. La phrase de départ peut se formaliser selon qu'il suit : N0 humm + V attrib + Adj Que P.

Il est judicieux de se demander quel est le statut de la complétive dans cette configuration. Pour le visualiser, testons l'effacement et le détachement à lumière des exemples ci-après.

6.a. Je suis certain qu'il m'a assez volé (VB : 27)

6.b. J'ai toujours été certaine que le bon Dieu était bien de l'autre côté (VNM : 29)

6.c. J'ai été étonné que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin (LP11/10/02)

En supprimant la complétive, on obtient des phrases correctes, ou très elliptiques mais presque acceptables.

6.a' Je suis certain qu'il m'a assez volé

6.b'. J'ai toujours été certaine que le bon Dieu était bien de l'autre côté

6.c'. J'ai été étonné que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin

En des situations énonciatives précises, ces phrases sont interprétables. Au-delà de cette effaçabilité, nous remarquons qu'il y a possibilité d'insérer un élément adventice, l'adverbe ou un autre circonstant, entre la complétive et le reste de la phrase.

6.a» Je suis certain, ces jours-ci, qu'il m'a assez volé

6.b». J'ai toujours été certaine, croyez-moi, que le bon Dieu était bien de l'autre côté

6.c». J'ai été étonné, sérieusement, que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin

Au plan transformationnel, la complétive peut être remplacée par un infinitif précédé d'une préposition. Un groupe nominal peut également y apparaître en lieu et place de la complétive. La complétive de l'adjectif, au même titre que la complétive du verbe dans certains contextes, est donc équivalente à un infinitif et au nom. Les phrases ci-dessous le montrent.

6. a''' Je suis certain de son vol/ de construire

6. b''' J'ai toujours été certaine de mon ascension/ de progresser 6. c'''. J'ai été étonné de leur incrédulité/ d'échouer de temps à autre

Cela illustre la logique classique des équivalences selon laquelle la complétive correspond à un nom. On pourrait également corréler cette propriété transformationnelle à la position d'Evouna (op cit), à savoir qu'il existe une unité formelle entre les complétives. L'adjectif introducteur de la complétive des constructions personnelles est généralement attribut du sujet. Il a donc une fonction prédicative. Peut-on en dire autant des structures intégrant des verbes occasionnellement attributifs ?

2.1.2.2. Verbes occasionnellement attributifs et constructions personnelles

Les verbes occasionnellement attributifs (VOA) se distinguent des verbes essentiellement attributifs (VEA) par deux propriétés syntaxiques essentielles. Il s'agit de la réaction du groupe adjectival attribut du sujet ou de l'objet à l'effacement et à la pronominalisation. Selon Riegel (1981 : 23-24),

l'effacement de l'adjectif attribut est la propriété syntaxique fondamentale qui caractérise les verbes occasionnellement attributifs (rentrer/ finir, se lever / vivre/ partir. Seuls les attributs du sujet précédés d'un verbe essentiellement attributif sont pronominalisables. Si le verbe est occasionnellement attributif, la substitution de la forme pronominale l', le à l'adjectif attribut rend la construction agrammaticale.

À partir de cette explication, nous comprenons que, par nature, les verbes dits occasionnellement attributifs se prêtent à d'autres types de constructions. Il est question des constructions transitives, intransitives ou unipersonnelles. Notre corpus contient trois verbes occasionnellement attributifs, à savoir juger, trouver et se sentir. Ils sont représentés dans les énoncés ci-dessous :

7.a. Mais K trouvait suspect qu'on ne voulût pas lui montrer les papiers (LP : 172)

7.b. Jacques Chirac avait jugé inconvenant qu'on utilisât le 49-3 (LP14/03/03)

7.c. Il se sentait convaincu qu'ils étaient de son avis (LP : 78)

7.d. Je trouve très sain qu'on puisse débattre d'un média (LP07/03/03)

Avant d'analyser ce type de phrase, il convient de s'interroger sur les statuts respectifs de la complétive et de l'adjectif qualificatif. Deux points essentiels retiennent notre attention, à savoir la fonction syntaxique de Que P et celle d'Adj ainsi que leurs régissants respectifs. En effet, on se demande d'une part quelles sont les fonctions syntaxiques de Que P et d'Adj. D'autre part, il est utile de savoir si Que P est régi par Adj ou par V occas attrib.

Commençons par un constat. Contrairement au VEA où l'adjectif est toujours attribut du sujet, dans la structure à VOA, l'adjectif qualificatif est attribut de l'objet. Selon Maingueneau (1999 : 84),

l'attribut de l'objet est une relation qui, à l'intérieur d'un même GV, lie un GN ou un GA à un complément d'objet. On parle d' «attribut de l'objet » parce que la relation sémantique entre le GN objet et le terme attribut est de même nature que celle entre le GN sujet et l'attribut.

Selon Riegel et al. (2014 : 430), le GV dans lequel l'AO apparait se formalise comme suit GV? V+N1+X. N1 représente le GN directement régi par le verbe et X un troisième constituant dit attribut du CO. Cette structure est présente dans l'énoncé [7.a] repris ci-dessous.

7.a. Mais K trouvait suspect qu'on ne voulût pas lui montrer les papiers (LP : 172)

En [7.a], le GV se réécrit : GV? trouvait + suspect + qu'on ne voulut pas lui montrer les papiers. Suspect est attribut de la complétive. Cette dernière est COD du verbe trouvait.

En tant qu'attribut du COD (désormais AO), l'adjectif suspect répond à la double propriété définissant l'AO. Ce dernier, selon Riegel et al. (Op. cit.), n'est pas un constituant interne du GN postverbal ; il entretient avec le CO N1 le même rapport qu'un AS avec le sujet dans la phrase correspondante N1-être-X.

Étant donné que la complétive Que P est SN1 (COD) et que l'adjectif est AO, on se demande le traitement à réserver aux P attributives actualisées pas un VOA. Il s'agit de savoir si elles doivent être exclues du cadre de la complétive adjectivale ou si une extension de ce cadre est envisageable.

La deuxième possibilité nous attire davantage. Une extension de la notion de complétive adjectivale est envisageable. L'argument est la conservation du sens de la phrase adjectivale quand on l'enchâsse dans la complétive objet de trouver. Une complétive adjectivale est d'abord une proposition régie par un adjectif qualificatif. Elle rentre ensuite dans une construction attributive. Autrement dit, c'est une proposition que l'on retrouve dans une phrase pourvue d'un verbe attributif comme noyau central. La complétive adjectivale sera enfin une proposition qui, introduite par le morphème Que, conjonction de subordination, est directement ou indirectement liée à l'adjectif qualificatif dans sa fonction

prédicative. Conséquemment, la structure de la complétive adjectivale avec VOA semble avoir toute sa place dans le présent cadre.

Considérons les énoncés [7] repris ci-dessous.

7.a. Mais K trouvait suspect qu'on ne voulût pas lui montrer les papiers (LP : 172)

7.b. Jacques Chirac avait jugé inconvenant qu'on utilisât le 49-3 (LP14/03/03)

7.c. Il se sentait convaincu qu'ils étaient de son avis (LP : 78)

7.d. Je trouve très sain qu'on puisse débattre d'un média (LP07/03/03)

Dans ces phrases, l'adjectif qualificatif ne peut pas être pronominalisé. La pronominalisation de l'adjectif au moyen de l' ou de le dans ces énoncés entraine une agrammaticalité. Les énoncés [7.a' et 7.b'] le montrent.

7.a'. *Mais suspect, K le trouvait qu'on ne voulût pas lui montrer les papiers

7.a'. *Mais suspect qu'on ne voulût pas lui montrer les papiers, K le trouvait

7.b'. *Inconvenant, Jacques Chirac l'avait jugé qu'on utilisât le 49-3

7.b'. *Inconvenant qu'on utilisât le 49-3, Jacques Chirac l'avait jugé

Le fait que la pronominalisation ne s'applique pas à GA montre que trouvait et avait jugé sont des verbes à élargissement attributif. Ils entrent dans une construction attributive dans ce contexte.

Si la pronominalisation du GA est impossible, son effacement, lui, est soit sujet à caution soit impossible. L'énoncé [7.d'] ci-dessous nous permet de l'observer.

7.d' ?Je trouve très sain qu'on puisse débattre d'un média

La suppression du GA très sain entraine une contrainte modale. La proposition principale je trouve appelle le mode indicatif. On s'attend à un énoncé comme Je trouve qu'on peut débattre d'un média. L'indicatif y est naturel, alors que le subjonctif est bizarre. Autant dire que c'est la présence du GA qui conditionnait et induisait le subjonctif.

Que peut-on retenir du verbe occasionnellement attributif trouver dans les complétives adjectivales ? Dans V + Adj + Que P, le mode de la complétive dépend de l'Adj. Le hasard peut faire que ce soit le même que le mode de la complétive du V. C'est le cas avec évident : Luc trouve évident que la température (a + ait) monté.

On pourrait par ailleurs se demander si c'est l'adjectif qualificatif sain seul qui sélectionne le subjonctif ou si d'autres adjectifs peuvent le faire. En d'autres termes, une classification des adjectifs qualificatifs à l'aune du mode verbal qu'ils sélectionnent est envisageable. Il serait aussi utile de savoir si tous les adjectifs qualificatifs entrant dans la

structure attributive étudiée sélectionnent leur mode. Si oui, quel serait la distribution des modes appropriés à chacun. Voilà d'autres questions méritant peut-être un traitement approprié. Au-delà de ces complétives en structures personnelles dont le schéma est V + Adj + Que P, notre corpus regorge d'autres énoncés à complétives adjectivales. Elles sont certes de structures personnelles, mais elles n'impliquent pas nécessairement de verbe avant l'adjectif qualificatif. Il convient de les présenter ci-dessous.

2.2. Les structures personnelles adnominales et elliptiques

Les autres structures de complétives adjectivales peuvent se répartir en deux sous-groupes. Ce sont les complétives adjectivales liées à un adjectif qualificatif apposé à un GN et les structures elliptiques. Leur présentation est destinée à montrer, d'une part, que la complétive adjectivale n'implique pas toujours de verbe attributif. D'autre part, ces énoncés attestent de ce que le statut attributif d'une phrase peut être tributaire de la seule présence d'un adjectif prédicatif.

2.2.1. Les complétives adjectivales adnominales

Les grammaires traditionnelles reconnaissent unanimement à l'adjectif qualificatif trois fonctions, à savoir l'épithète, l'apposition et l'attribut. Comme le pense Feuillet (1984 :148), ces grammaires sont toutes d'accord pour reconnaître les trois fonctions. Mais, elles ne montrent pas en quoi la fonction « épithète » se distingue de la fonction « apposition », si ce n'est par la pause (ou la virgule), ni en quoi l'apposition se distingue réellement de l'attribut. Les complétives adjectivales adnominales dépendent d'un adjectif qualificatif en position d'élargissement selon Feuillet (op. Cit.), c'est-à-dire mis en apposition. Cet adjectif qualificatif dépend d'un GN généralement sujet. Sa structure est donc SN0 + Adj + Que P. SNO peut se présenter sous la forme minimale ou sous la forme étendue. Les exemples ci-après illustrent ce type de complétives adjectivales.

8. a. Les habitants du village commencèrent à les lapider, convaincus que la mort de leur concitoyen était le fait des occupants de la Honda (TSTA : 87)

8. b. Je l'ignore, répondit le forban étonné qu'on accordât une importance à ce freluquet (TSTA : 171)

8. c. Eddie avait un moment tâté de la musique de Jazz, convaincu qu'il suffisait d'être noir dans cette spécialité pour y briller (TSTA : 43)

Les parties de phrases mises en gras représentent les adjectifs qualificatifs et les complétives qu'ils introduisent. Les adjectifs convaincus et étonné sont respectivement apposés à les habitants du village, le forban et Eddie. Ces SN sont sujets.

Ainsi, on peut restituer le verbe. Dans cette structure, l'ensemble formé par l'adjectif et la complétive peut commuter avec une circonstancielle. En effet, pour Wagner et Pinchon

Ces phrases admettent le subjonctif et l'indicatif. Les adjectifs qualificatifs supports des complétives sont mobiles. Ils peuvent se placer de part et d'autre de la phrase. Les dérivés [8.a'] ci-dessous le montrent.

8. a'. Convaincus que la mort de leur concitoyen était le fait des occupants de la Honda, les habitants du village commencèrent à les lapider.

8. a». Les habitants du village, Convaincus que la mort de leur concitoyen était le fait des occupants de la Honda, commencèrent à les lapider.

Leur dépendance vis-à-vis du GN sujet reste néanmoins perceptible quelle que soit leur position. L'effacement du GN les ôte à l'ensemble ADJ + Que P toute signification. La phrase devient agrammaticale et incompréhensible si l'on efface le GN sujet. C'est le résultat que nous livrent les dérivés ci-dessous.

8.b'. *Je l'ignore, répondit étonné qu'on accordât une importance à ce freluquet

8.c'. *avait un moment tâté de la musique de Jazz, convaincu qu'il suffisait d'être noir dans cette spécialité pour y briller)

Il faut toujours à l'ensemble ADJ + Que P un support nominal. Il peut être un GN ou un pronom. C'est ce dernier qui lui confère une référence, un signifié. Cela est en accord avec la position de Riegel (1993 :5,7 et 9). Pour lui,

L'adjectif est une classe de mots à la morphologie certes bien différenciée, mais essentiellement vouée à la dénotation des propriétés, fonctionnant comme des termes descriptifs et dépendant d'un support syntaxique et sémantique [...]. L'adjectif est sous la dépendance d'un autre terme de la phrase, généralement nominal ou pronominal, et sa fonction se définit selon la manière dont il est mis en relation avec cet élément régisseur. [...] Le propre de l'adjectif, c'est de ne pas être incident à lui-même, mais à un support dont il n'emporte pas la prévision concrète.

Dans les structures adnominales, bien que le verbe attributif soit absent, nous pouvons le restituer en surface. L'ensemble Adj + Que P peut ainsi correspondre à une circonstancielle de cause et à une participiale. On peut les réécrire par les paraphrases suivantes : Parce que + être + Adj. / Comme + SNO + être + Adj Que P ou étant + Adj Que P. En les appliquant aux phrases précédentes, nous obtenons les dérivés ci-après :

8. a. Les habitants du village commencèrent à les lapider, étant / Comme/ parce qu'ils étaient convaincus que la mort de leur concitoyen était le fait des occupants de la Honda

8. b. Je l'ignore, répondit le forban comme il était / parce qu'il était / étant étonné qu'on accordât une importance à ce freluquet

8. c. Eddie avait un moment tâté de la musique de Jazz, comme il était / parce qu'il était/ étant convaincu qu'il suffisait d'être noir dans cette spécialité pour y briller

(1962 :573), l'adjectif qualificatif mis en apposition, pour le sens, équivaut à une proposition subordonnée causale, concessive, temporelle. On peut conclure que la complétive adjectivale adnominale exprime des circonstances. De ce fait, nous postulons pour un effacement des limites entre les classes de propositions. Les subordonnées de nature diverses (relatives, circonstancielles et complétives) peuvent s'équivaloir les unes avec les autres. Les structures elliptiques peuvent aussi donner lieu à ces reformulations.

2.2.2. Complétives adjectivales des suites elliptiques

La complétive adjectivale apparaît dans des structures elliptiques. Ces dernières présentent une configuration particulière. Pour s'en persuader, il importe de les observer dans la présentation qui suit.

Pour Bergez et al. (2008 :77), l'ellipse désigne en général toute suppression dans un discours ou un récit. On peut distinguer deux sortes d'ellipses : l'ellipse grammaticale et l'ellipse narrative. L'ellipse grammaticale en question réfère à la suppression de termes qu'exigerait normalement une phrase pour être complète. Pour diverses raisons, il arrive que le locuteur supprime des segments de son énoncé. C'est ce qui se produit avec certaines structures à complétives adjectivales de notre corpus. Ils sont tous construits sous la forme sûr Que P ou Pour sûr Que P comme le montrent les exemples [9] :

9.a. Sûr que c'est pas un pays comme les autres ici (TSTA :126)

9.b. Sûr qu'il l'avait déjà vue avant de la rencontrer (VC :206)

9.c. Sûr qu'il avait moyen (VNM :184)

9.d. Sûr que tu peux encore beaucoup de choses (VNM :182)

9.e. Pour sûr qu'il n'a rien (VNM : 30)

Dans ces énoncés, la plupart des sujets et des verbes attributifs ont été supprimés. Seule une partie du discours, un « adjectif » à valeur prédicative, et la complétive initiée par elle sont restées. Quel est le statut grammatical du mot sûr ? Quelles pourraient être les propriétés syntaxiques de la suite Sûr Que P ?

La suppression du sujet et du verbe permet de mettre en question la nature grammaticale du mot introduisant la complétive dans ces énoncés. D'emblée, signalons qu'il ne s'agit plus d'un adjectif qualificatif. Avec l'ellipse, ce mot devient un adverbe. Le test de substitution permet de nous en convaincre.

9.a'. Heureusement que ce n'est pas un pays comme les autres ici

9.b'. Sûrement qu'il l'avait déjà vue avant de la rencontrer

9.c'. Certainement qu'il avait moyen

9.d'. Peut-être que tu peux encore beaucoup de choses

9.e'. Heureusement qu'il n'a rien

Les complétives de ces structures elliptiques sont supprimables. Elles n'admettent que l'indicatif, le subjonctif y est exclu.

Ces énoncés s'assimilent donc à des complétives adverbiales. Seraient-ce donc de fausses complétives adjectivales ? Ne permettent-elles pas d'illustrer l'unité formelle et dérivationnelle des complétives dont parle Evouna (2015) ? Les deux hypothèses sont soutenables. Si l'on considère la première hypothèse, on appliquerait à ces phrases l'analyse faite des complétives adverbiales au chapitre précédent. En d'autres termes, la suite sûr que serait un « adverbe complexe ». La prédication reposerait donc réellement sur la proposition qui suit cet ensemble complexe. Par ailleurs, l'on pourrait à appliquer à ces phrases des dérivés du modèle Il est + Adj Que P ou alors C'est + Adj Que P. On aboutirait alors aux mêmes résultats et aux mêmes réserves que nous avons faites sur les adverbes associés au complétives. (Voir supra Chap. 2, section 2). Le segment Adv+Que y est supprimable et sa suppression donne une proposition indépendante. Cette conclusion est illustré par les énoncés ci-après :

9.a». Heureusement que ce n'est pas un pays comme les autres ici

9.b». Sûrement qu'il l'avait déjà vue avant de la rencontrer

9.c». Certainement qu'il avait moyen

9.d». Peut être que tu peux encore beaucoup de choses

9.e». Heureusement qu'il n'a rien

Nous constatons donc que la suite Adv+Que P est supprimable. La phrase reste correcte en dépit de l'effacement de cette forme. Adv+Que P semble par ailleurs une forme figée. La complétive de l'adverbe serait une proposition indépendante sur laquelle on porte un jugement affectif ou évaluatif. La forme figée Adv+Que semble un modalisateur propositionnel.

L'hypothèse de l'unité formelle et dérivationnelle des complétives se trouve vérifiée dans la première hypothèse. Les complétives adverbiales et les adjectivales s'équivalent donc dans certaines configurations. Le cadre de ces équivalences et leurs modalités restent à préciser. On devra donc chercher les contextes dans lesquels les deux sous-classes de complétives s'équivalent et interroger les changements qui s'opèrent. Les contraintes dérivationnelles et transformationnelles qui naissent selon que l'on dérive une structure de l'autre doivent être définies Autant de questions qui méritent une attention. Seulement, compte tenu de notre objectif principalement centré sur les adjectifs qualificatifs introducteurs de complétives, nous préférons surseoir à cette problématique pour le moment.

En somme, notre corpus montre que les complétives adjectivales apparaissent dans les phrases attributives. Le verbe être, les verbes attributifs et les verbes occasionnellement

attributifs sont souvent les socles sur lesquels l'adjectif qualificatif s'appuie. Ce dernier est en relation avec la complétive lorsqu'il est attribut du sujet, attribut de l'objet ou mis en apposition. Les complétives ainsi définies apparaissent donc dans le SV et dans le SN0. Dans ce dernier, elles s'apparentent à des circonstancielles. Cela nous permet de rejoindre l'hypothèse d'Evouna (2015 : iv) selon qui derrière leur diversité de surface se profile une unité catégorielle profonde des phrases complétives qui se manifeste à divers niveaux structurel et fonctionnel. Cette unité se manifeste également dans la possibilité de dériver une sous-classe de complétive de l'autre. Nous l'avons vu dans les suites elliptiques.

En début de chapitre, nous avons annoncé un corpus de complétives adjectivales réparties en deux groupes, à savoir les structures personnelles et les structures unipersonnelles. Les énoncés à structures personnelles étant étudiés, il importe à présent de nous consacrer à la deuxième partie du corpus.

2.3. Complétives adjectivales et constructions impersonnelles

La tradition grammaticale consacre le nom de construction ou tournure impersonnelle à des énoncés construits obligatoirement avec le morphème il.

Pour Riegel et al. (2014 : 744), on appelle verbes impersonnels les verbes qui ne s'emploient qu'à la troisième personne du masculin singulier. Pour la grande majorité, il s'agit des verbes météorologiques. Par contre, il y a construction impersonnelle lorsqu'un verbe à conjugaison et à construction pleine se trouve structurellement mis à la troisième personne du masculin singulier sans variation possible. Le verbe dans ce contexte est doté d'un il dont la substance sémantique est indéterminée et dont la morphologie est immuable. Il ne connait pas de variation. On peut à ce titre comprendre le questionnement de Bonnard (2001 : 244) :

le pronom il dans ces phrases désigne-t-il un `'hors-moi» (atmosphère, nuages, ciel) tenu pour siège ou pour cause du phénomène ? Comme il ne peut, en tout cas, représenter un nom antécédent f...] ni recevoir une épithète détachée, le plus sûr est de le tenir pour un élément morphologique indissociable du verbe conjugué, marque de la tournure impersonnelle.

En d'autres termes, pour reconnaitre une tournure impersonnelle, on se fie au pronom il. Ce dernier n'a pas d'autonomie. Les constructions les plus représentatives du corpus sont bâties sur sembler, arriver, pouvoir, faire, (ap) paraitre, et quelques autres verbes. Construites avec un adjectif, ces tournures admettent une complétive. Elles soulèvent des interrogations : quelle est leur structure argumentale ? Comment la question du mode peut-elle y être traitée et à quelles transformations peuvent-elles se prêter ?

2.3.1. Structure argumentale de la suite unipersonnelle

La structure argumentale d'un énoncé réfère au nombre d'argument que son prédicat de base actualise dans une construction. Selon Lefeuvre (2012 :8-9), les nominalisations prédicatives gardent une organisation argumentale quel que soit leur contexte d'usage. Nous pouvons appliquer cette remarque aux suites attributives unipersonnelles. Elles se présentent sous le schéma général suivant : IL + V + Adj + Que P. C'est le cas dans les énoncés ci-après :

10.a. Il est évident que l'approche de Jacques Chirac a été influencée par les leçons d'Ailes (LP05/04/02 :27)

10.b. Il est nécessaire pour y parvenir que l'accusé et son auxiliaire restent en contact avec la justice (LP :202)

10.c. N'est-il pas vrai que je vous salue ? (TSTA : 168)

Dans [10.a], le morphème il ne réfère à rien, il n'a pas de contenu référentiel. Il n'y a donc réellement que, d'une part, le prédicat, formé du verbe et de l'adjectif prédicatif, et d'autre part l'argument, qui n'est constitué que de la proposition. Or, la structure argumentale d'un énoncé est l'ensemble des arguments dont est pourvu un prédicat. Donc, contrairement aux constructions personnelles, les tournures unipersonnelles sont monoargumentales dans notre corpus. Dans certaines constructions impersonnelles, l'adjectif dénote la vériconditionnalité d'une proposition. En [10.a.] et [10.c], l'adjectif qualificatif assigne sa propriété à la proposition seule. Il n'y a pas une autre entité qui en soit dénotée. C'est différent dans [10.b]. Nécessaire ne qualifie pas la valeur de vérité de la proposition, et admet un argument supplémentaire, l'infinitive en pour, qui peut commuter avec un complément en à :

Il est nécessaire au succès de l'opération que l'accusé et son auxiliaire restent en contact avec la justice

Le fait que ces deux compléments en pour et en à s'excluent mutuellement permet de les analyser comme deux manifestations d'un même argument, et non comme des circonstants :

*Il est nécessaire au succès de l'opération pour y parvenir que l'accusé et son auxiliaire restent en contact avec la justice

Notre corpus comporte cent cinquante (150) énoncés impersonnels. Comme ce sont des phrases attributives avec des adjectifs prédicatifs, nous les avons réparties en trois sous-groupes. Les structures unipersonnelles avec être, celles dotées des succédanées de être. Les

constructions dotées d'un VOA n'y sont pas actualisées. Leur observation permettra de mettre en lumière les particularités des structures impersonnelles.

2.3.2. La structure il est Adj Que P

La structure Il est Adj Que P est le prototype des phrases attributives unipersonnelles. Nous partageons le point de vue de Feuillet (1984 :145) pour qui être est un verbe normal, à part entière. Il est le centre, très peu marqué sémantiquement d'un système d'oppositions axiales. Lesdites oppositions s'établissent entre être et ses variantes modales, à savoir devenir, rester, paraitre, sembler, passer pour. Les adjectifs vrai, possible, probable, exact, rare, beau, nécessaire, indéniable, naturel, impossible, bon, naturel, inutile, étrange, imaginable, regrettable et certain, entre autres en constituent les illustrations. Ne pouvant pas totalement les reproduire, nous produisons ci-dessous des exemples. Une liste des adjectifs y entrant dans le cadre restreint de notre corpus sera fournie en fin de chapitre.

11.a. Il est probable que cette rencontre se serait prolongée et aurait connu des sommets d'émotion encore plus vertigineux (TSTA : 75)

11.b. Il n'était pas imaginable qu'on allât prêcher maintenant (LP : 257)

11.c. Il est rare qu'aux Invalides se trouvent des madrigaux (LP 11/10/02 : 8)

11.d. il est donc inutile que tu me donnes la parole (VB :40)

Dans ces énoncés, le verbe être est suivi d'un adjectif qualificatif recteur de complétive. La position extraposée de la complétive signifie qu'elle est complément de l'adjectif en surface, mais que ces complétives sont en réalité des sujets réels. Pour des raisons de cadence, c'est-à-dire rythmiques, elles ont été extraposées :

Que tu me donnes la parole est donc inutile

Pour pallier la vacuité du poste de sujet, le morphème grammatical il, fondamentalement préverbal, a été mis à leur place. Le test de l'extraction permet de le visualiser dans les deux dérivés ci-dessous :

11.a'. C'est que cette rencontre se serait prolongée et aurait connu des sommets d'émotion encore plus vertigineux qui est probable

11.b'. C'est qu'on allât prêcher maintenant qui n'était pas imaginable

Le présentatif discontinu C'est...qui s'applique à la complétive. Or, il est la forme aidant généralement à détecter la fonction sujet. Comme il s'applique à la complétive, nous en déduisons que cette dernière est un sujet de l'ensemble être + adj.

Cette sous-classe de structure le conditionnel et le subjonctif. L'indicatif est absent de notre corpus. La sélection d'un mode reste liée à chaque prédicat adjectival. Par exemple, en [11.a], il est possible de combiner le prédicat probable avec l'indicatif. On rencontre des

énoncés tels que il est probable qu'il sera élu. On pourrait se demander quelles contraintes président à l'élection des modes dans les complétives unipersonnelles à verbe être.

Au plan transformationnel, la structure Il est Adj. Que P peut se réduire en Adj. Que P tout court. Nous obtenons ainsi les énoncés ci-après :

11. c'. Rare qu'aux Invalides se trouvent des madrigaux 11. d'. Inutile que tu me donnes la parole

À partir de cette reformulation, ces dernières se rapprochent des structures à attributs de l'objet. Car, après transformation, on peut facilement dire Je trouve inutile que tu me donnes la parole, J'estime/ je trouve rare qu'aux Invalides se trouvent des madrigaux. Nous n'oublions pas de rappeler qu'à cette position initiale et dans cet emploi absolu, l'adjectif qualificatif est susceptible de commuter avec un adverbe. D'où l'analogie entre Adv + Que P et Adj + Que P.

Un infinitif peut apparaitre à la place de la complétive. La complétive commute naturellement avec l'infinitif. L'infinitif est précédé d'une préposition de dans la majeure partie des occurrences. C'est ce que nous montrent les phrases suivantes :

11.a. Il est probable de voir

11.b. Il n'était pas imaginable de prêcher

11.c. Il est rare d'imaginer / de trouver des enfants

11.d. il est donc inutile de donner

Du point de vue sémantique et modal, les adjectifs de cette structure dans notre corpus sont subjectifs. Ils relèvent de la classe des mots que Kerbrat Orrechioni (2009 :79134) nomme les subjectivèmes évaluatifs et affectifs. Ils marquent à chaque fois une attitude de l'énonciateur vis-à-vis de son énoncé, traduisant son doute, sa certitude, ses souhaits, son appréciation méliorative, etc. Outre la structure impersonnelle, il existe des verbes pleins, ayant des attributs du sujet ou de l'objet qui sont recteurs de complétives.

2.3.3. La suite Il V attrib. Adj. Que P

Les verbes attributifs apparaissant dans cette tournure sont paraître, sembler, devenir et demeurer, illustrés par les énoncés ci-dessous :

12.a. Il lui parait impossible que tous ces malheurs ne tombassent pas, qu'ils ne vinssent pas (SDI :154)

12.b. Il demeurait bien connu que les dirigeants des Soleils des Indépendances consultaient très souvent le marabout (SDI : 156)

12.c. Il ne semblait pas exclu que son mari se représente en 2007 (LP18/04/03 :7)

12.d. Il paraissait inconcevable que Jésus ait eu des frères (LP18/04/03)

12.e. Lorsqu'il devint clair que les gardes territoriaux ne laisseraient arrêter par aucune considération, ce fut la débandade (VC : 166)

Hormis le fait que leur sujet est dépourvu de substance référentielle, ces énoncés se rapprochent des structures personnelles analogues. La complétive y est le sujet de la phrase. L'adjectif qualificatif fonctionne comme un attribut du sujet dans tous ces énoncés. On peut toujours y remplacer le verbe par être, avec le changement de sens prévisible.

Au terme de ce parcours, nous avons analysé les structures personnelles et les tournures unipersonnelles. Elles ont des contraintes et sont susceptibles de connaitre des réécritures et des réductions. Elles sont de structures argumentales différentes. Ce ne sont pas les seuls problèmes posés par la complétive de l'adjectif. Cette dernière pose aussi la question du lien entre V et Adj. Sont-ils indépendants ou interdépendants ?

3. DYNAMIQUE DES CONNEXIONS DANS LA SUITE V+ADJ+QUE P

Le statut du GV attributif et le traitement qui lui est réservé sont loin de faire l'unanimité. Pour certains, le complexe formé par V + Adj est un tout solidaire. Le verbe attributif qui s'y trouve apparait de ce fait comme une copule. Il serait donc un auxiliaire, un instrument. À l'opposé, d'autres estiment que V est non pas comme un mot de liaison, mais un verbe doté d'une autonomie et d'une valence. Le problème de la rection de la complétive y est consécutif. On se demande si la complétive dépend exclusivement d'Adj. ou concomitamment du verbe et de l'adjectif dans les suites V + Adj + Que P. Dans ces structures, on voudrait savoir si le verbe et l'adjectif sont coalescents au point de les considérer comme un prédicat complexe ou s'ils sont au contraire indépendants à tel point qu'on puisse les dissocier. Ces deux questions, solidaires et complémentaires, méritent grande une attention.

3.1. V + Adj : un prédicat complexe ?

L'ensemble V + Adj est considéré comme prédicat complexe par des linguistes. Ces derniers se fondent sur l'observation de la dynamique fonctionnelle et relationnelle des deux éléments qui composent ce complexe. Selon Onguene (2001 : 193-194),

lorsqu'en français l'élément attribut s'associe à être, les deux unités font corps et constituent un nucléus, centre structural régissant le reste de l'énoncé. L'auxiliaire attributif assure dans le nucléus une fonction structurale ; en cela, il devient un outil grammatical, un verbe vidé de son sens originel, tandis que l'auxilié assure une fonction sémantique par le contenu de l'attribut.

En d'autres termes, l'association être + Adj. Que P est coalescente. Et pour reprendre Onguene (op. cit : 198), le verbe être y apparaît comme pur lien, auxiliaire, instrument de prédication, mot de liaison, unité sans âme propre, mot postiche. Il importe d'observer ce fonctionnement dans les énoncés suivants :

13.a. J'ai été étonné que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin (LP11/10/02 :31)

13.b. Je suis persuadé qu'au bout de l'explication nous pourrons prendre congé (LP : 36)

13.d. Tu es sûr que je t'ai demandé ton avis (TSTA : 133)

13.e. Je suis heureux qu'on m'ait donné ainsi ces deux messieurs (LP : 276)

Si l'on supprime l'un des éléments du binôme être + adj, nous obtenons un énoncé agrammatical. Procédons par exemple à l'effacement de l'adjectif qualificatif et observons le résultat.

13.a'. *J'ai été étonné que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin

13.b'. *Je suis persuadé qu'au bout de l'explication nous pourrons prendre congé

13.d'. *Tu es sûr que je t'ai demandé ton avis

13.e'. *Je suis heureux qu'on m'ait donné ainsi ces deux messieurs

Le verbe être ne peut pas être dissocié de l'adjectif. Que l'on efface l'adjectif ou le verbe, nous aboutissons au même résultat. En leur appliquant le test de la négation, la portée de la négation se centre non pas sur le verbe seul ou sur l'adjectif exclusivement, mais sur l'ensemble formé par les deux ainsi que le montrent ces deux dérivés :

13.a. Je n''ai pas été étonné que vous n'accordiez pas plus de place à Darwin

13.b. Je ne suis pas persuadé qu'au bout de l'explication nous pourrons prendre congé

13.d. Tu n'es es pas sûr que je t'ai demandé ton avis

13.e. Je ne suis pas heureux qu'on m'ait donné ainsi ces deux messieurs

Ces deux tests montrent que la suite être + Adj. forme un complexe. Les deux forment un noyau indissociable. Si l'on s'y limite, on croirait que la structure attributive est simple. Il n'en est pas ainsi.

Nous constatons que cette considération n'est valable que pour l'attribut du sujet nucléaire, c'est-à-dire celui introduit par être. Elle est adéquate pour les constructions personnelles. Or, ci-dessus, nous avons étudié diverses structures de complétives adjectivales. Le verbe n'est pas toujours être. Il est quelques fois un substitut de la copule être et d'autres fois un VOA. Dès lors, en quittant le paradigme du verbe être pour les autres verbes attributifs, on peut obtenir une analyse différente. Autrement dit, on se demande si les

succédanées du verbe être et les VOA peuvent être dissociés de l'adjectif et s'ils sont aussi des auxiliaires, des unités sans âme.

Contrairement à être qui est neutre sémantiquement, ses substituts sont sémantiquement marqués. Feuillet (1984 :145-146) affirme :

Il n'est pas exact de prétendre que « être » est vide de sens : il est le centre, très peu sémantiquement marqué d'un système d'oppositions axiales [...] L'inconvénient de traiter « être » comme une copule et non comme un verbe « normal » est qu'il faut en ce cas distinguer plusieurs verbes « être » : un verbe absolu (sens exister) ; un verbe adjectal (où être équivaut à se trouver) ; un verbe objectal (commute avec appartenir) et une copule (qui commute avec d'autres copules à valeur prédicatives).

Ainsi, avec ou sans adjectif prédicatif, devenir, paraitre, rester, sembler, passer pour gardent un sème qui les particularise. Par exemple, devenir signifie entrer dans un état ; rester renvoie à la persistance d'un état.

14. a. Il apparaissait inconcevable que Jésus ait eu des frères (Lp18/04/03)

14. b. il ne semblait pas exclu que son mari se représente en 2007 (LP18/04/03 :7)
14. c. Il lui parut impossible que tous ces malheurs ne tombassent pas (SDI ; 154)

Nous pouvons en déduire que V et Adj sont indépendants. Ils ne sont pas soudés comme avec le verbe être. V + Adj serait donc un prédicat complexe dans les énoncés attributifs avec être. On pourrait parler d'unité verbale complexe ou d'adjectif complexe. En d'autres mots, on aimerait savoir lequel de l'adjectif et du verbe a de la prééminence sur l'autre. Quoi qu'il en soit, l'adjectif et le verbe se tiennent. Comme le pense Onguene (2001 :197), être apparait comme un élément de surface en forte cohésion avec un élément au contenu notionnel plus stable. D'où la réécriture transformationniste : GV attrib. ? Cop + {SN, SA, SP}. Par conséquent, il conviendrait de ne plus analyser l'adjectif comme attribut du sujet dans les structures actualisant être. On pourrait intégrer l'adjectif qualificatif au prédicat de la même manière que les SN des locutions verbales telles que avoir faim, faire connaissance, rendre hommage, faire long feu, tenir tête.

Par contre, avec les autres verbes attributifs, la fusion entre les deux est éclatée. L'adjectif peut donc naturellement être analysé comme attribut du sujet ou de l'objet. Dans ce contexte, nous ne saurons parler de prédicat complexe. Nous avons le verbe attributif et l'adjectif qualificatif. Cette répartition opère dans les structures personnelles et dans les structures unipersonnelles. Cette analyse permet donc de revoir la question de la dépendance de la subordonnée adjectivale.

3.2. Que P : subordonnée de V-Adj ou d'Adj. ?

En fonction de la structure dans laquelle elle est incluse, la complétive sera régie soit par l'adjectif seul, soit par le prédicat complexe. Deux possibilités s'offrent à nous. Dans les structures incluant être, la complétive sera complément de l'ensemble être + adj. On se demanderait quelle est la nature de ce complément, c'est-à-dire s'il est un complément d'attribution pour les structures personnelles et le sujet de ce verbe complexe pour les structures unipersonnelles.

Dans les phrases actualisant un VEA ou un VOA, la complétive dépendra soit de l'adjectif, soit du verbe seul. Quand elle dépend de l'adjectif, elle conserve sa traditionnelle fonction de complément de l'adjectif. Lorsqu'elle est régie par le verbe, elle en devient un SN0, et l'adjectif est là pour porter un jugement ou une modalisation sur le contenu de ce SN1. Dans le développement qui précède, nous avons vu que des adjectifs rentraient dans les structures personnelles, d'autres dans les structures impersonnelles. Il est nécessaire de visualiser concrètement ce dont il s'agit et d'illustrer les adjectifs de notre corpus qui rentrent dans l'une ou l'autre structure.

3.3. Adjectifs qualificatifs et compatibilité aux structures

Partons d'une observation empirique. Certains adjectifs rentrent dans les constructions personnelles, d'autres se retrouvent dans les tournures unipersonnelles. D'autres encore se prêtent aux deux types de constructions. Selon Leger (2006 : 38), les adjectifs qualificatifs se distinguent par la possibilité d'apparaître à la fois dans les constructions impersonnelles et les tournures personnelles. La plupart des adjectifs n'admettent pas cette « alternance ». La majorité des adjectifs sont uniquement permis soit dans les constructions impersonnelles, soit dans les tournures personnelles. Notre corpus a des adjectifs qualificatifs des deux constructions. Loin d'étudier leur possibilité d'apparaître dans l'une ou l'autre et avec tel ou tel autre verbe, nous voulons en donner une liste. C'est ce à quoi nous procédons ci-dessous.

Structures

Constructions personnelles

Tournures unipersonnelles

Être Adj

Convaincu (20),

Remarquable (02), nécessaire (03),

Que P

heureux,

Sûr (16), persuadé, certain

vrai (65)

naturel (03), clair (05), normal (04), Rare

 

(07),

assuré, heureux (04), consterné, (mé)content (05), soulagés, étonné (05),

étonnant (03), certain (05), Sûr (04),

Beau, heureux (02), (im)possible (12)

bon (02), évident (04),

 

persuadé (11) Surpris (02),

indéniable,

légitime, inutile (04), visible, inouï, probable (05), Regrettable, visible, plausible,

incontestable, invraisemblable,

VEA Adj Que P

Convaincu, persuadé

Impossible, exclu, inconcevable, clair, connu

VOA Adj Que P

Suspect, malsain, sain, regrettable, Certain, nécessaire, normal (04) inconvenant, préférable, naturel,

convaincu,

 

(ellipse

et SN Adj Que

P)

Furieux, sûr (16), étonné, Convaincu (02), persuadé

 

Tableau 3 : Adjectifs qualificatifs et compatibilité avec les structures

Le tableau ci-dessus donne une vue globale des adjectifs de notre corpus. Ces derniers peuvent se prêter à des constructions précises. Ils sont une cinquantaine. Certains ont une fréquence élevée, car ils ont en plusieurs dizaines d'occurrences. C'est le cas de clair, vrai, (im) possible, persuadé, convaincu et sûr. D'autres, bien qu'ils aient un nombre réduit d'occurrences, n'en demeurent pas moins présents.

De ces cinquante adjectifs qualificatifs, il en est qui rentrent simultanément dans les deux types de constructions. D'autres choisissent soit la tournure personnelle, soit la construction impersonnelle. Cela suscite d'autres questions. On s'interroge sur la possibilité d'élaboration d'une distribution exhaustive de ces adjectifs suivant la possibilité d'intégrer telle ou telle structure. Cette question génère une autre : qu'est-ce qui, aux plans morphosyntaxique et distributionnel, prédispose certains à se construire dans les deux structures et quelles contraintes l'empêcheraient à d'autres ? Les réponses à ces interrogations peuvent certes être envisagées. Mais le cadre et l'orientation actuelle de notre recherche en reste peu adaptés.

En définitive, ce chapitre était consacré à la complétive de l'adjectif, objet principal de notre travail. La présentation de nos énoncés à complétive adjectivale a été faite. Ce corpus répondait à trois principales questions : savoir ce qu'est une complétive de l'adjectif, mettre en lumière ses différentes structures et essayer de les caractériser au plan distributionnel et transformationnel. Le chapitre envisageait de statuer sur les liens unissant V Attrib à Adj. On s'est demandé si le verbe et l'adjectif de cette structure ont fusionné en un nucléus ou s'ils étaient parfois dissociables. Cette question de la fusion a induit celle de la rection de la complétive. Il était question de déterminer son support : dépend-elle du complexe formé par V-Adj, de V ou d'Adj.

À cet effet, des tests linguistiques ont été mis à contribution, à savoir la substitution, l'extraction, l'effacement et la pronominalisation entre autres. La compatibilité avec un mode et la réécriture des énoncés ont également servi l'analyse.

Au terme de ce parcours, il ressort que la définition de la complétive de l'adjectif est dynamique. Elle réfère d'abord à une subordonnée liée à l'adjectif ou à un prédicat complexe au moyen de la conjonction de subordination que. Une complétive adjectivale est donc une proposition syntaxiquement liée à un adjectif qualificatif. Elle rentre ensuite dans une construction attributive. Autrement dit, c'est une proposition que l'on retrouve dans une phrase pourvue d'un verbe attributif comme noyau central. La complétive adjectivale sera enfin une proposition qui, introduite par le morphème Que, est directement ou indirectement liée à l'adjectif qualificatif dans sa fonction prédicative. En d'autres termes, nous avons proposé qu'il y ait complétive adjectivale dès lors que ce dernier la régit.

Par ailleurs, bien que les différences entre les structures personnelles et impersonnelles soient nombreuses et non encore systématisées, nous pensons que la sélection du mode, la structure argumentale, les réécritures et réductions possibles, les équivalences et les sous-classes de verbes attributifs offrent des perspectives prometteuses pour cette entreprise.

Au regard des résultats consécutifs aux analyses, nous sommes régulièrement revenu sur la possibilité de substitution de la complétive adjectivale par d'autres types de subordonnées. Ce fut le cas des circonstancielles, des participiales et des complétives du nom, de l'adverbe et du verbe. Ce constat nous conforte de plus en plus dans l'hypothèse d'une unité formelle voire fonctionnelle entre les complétives. Nonobstant le labeur déjà entrepris, nous pensons que cette problématique mérite que l'on lui consacre toujours une attention.

Que dire des adjectifs intégrés aux structures attributives ? Le corpus a permis de mettre en lumière cinquante. Ils se répartissent dans les deux structures fondamentales de la complétive adjectivale. Certains ont la possibilité d'apparaître dans les deux types de structures, d'autres non. Rappelons au passage que tous les adjectifs n'entrent pas dans la phrase attributive à complétive.

Ils semblent présenter des propriétés distributionnelles et transformationnelles au sein de ces énoncés. Ainsi, au-delà de la complétive elle-même, nous pouvons d'ores et déjà nous demander les caractéristiques de ces adjectifs. En début de travail, l'hypothèse émise l'hypothèse était que la catégorie sémantique d'un adjectif qualificatif pourrait expliquer son fonctionnement syntaxique.

La structure syntaxique dans laquelle entre un adjectif qualificatif lui confère un fonctionnement syntaxique. Au bout du compte, plusieurs interrogations méritent une grande attention : quelles sont les propriétés morphosyntaxiques et sémantiques des adjectifs qualificatifs sus-relevés ? Quels critères peuvent être choisis pour leur dresser des tables suivant la méthode du lexique grammaire initiée par Gross ? Autant de questions qui nécessitent une étude appropriée.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le projet initial de cette étude était de parvenir à la description des structures de la complétive adjectivale et de mettre en lumière les possibilités distributionnelles et transformationnelles possibles de cette sous-espèce de subordonnée. Pour y parvenir, il nous a paru opportun de revisiter des prérequis.

Nous sommes ainsi parti de la problématique de la définition de la classe de l'adjectif qualificatif. Elle a entraîné la question de la saisie des verbes attributifs et de la fonction attribut. La logique argumentative a conduit l'étude à la (re) découverte des autres complétives non-verbales. Nous avons ainsi tablé sur la complétive du nom et celle de l'adverbe pour tester l'hypothèse d'une harmonie structurelle et fonctionnelle des complétives introduites par des prédicats non conjugables. Le contact avec un objet épistémologique hétéroclite auquel on applique un cadre théorique exigeant a posé des écueils à l'analyse. Il fallait choisir entre la tentation de l'éclectisme pour la rapidité des analyses ou la fidélité au cadre du lexique-grammaire pour plus de rigueur.

La subordination, bien qu'étudiée depuis des siècles, demeure un secteur dans lequel il reste beaucoup de matière. La complétive est une proposition introduite par divers éléments recteurs à savoir le verbe, le nom et son corollaire le pronom, l'adjectif qualificatif, l'adverbe, la préposition et le présentatif. Elle est liée à la principale par la conjonction de subordination que, morphème grammaticale sans fonction syntaxique, sans valeur anaphorique ni substance sémantique. La fonction de la complétive peut être difficile à détecter dans certains contextes telles les suites elliptiques et les verbes dont le régime actanctiel n'est pas totalement réalisé.

Nous avons constaté que la phrase simple a le même schéma structurel que la phrase complexe, d'où une similitude dans le fonctionnement et la saisie des subordonnées.. Cela permet d'envisager ce qu'Onguene (2017 :251) nomme la syntaxe unitaire. Au plan didactique, c'est une démarche qui enseigne la phrase en montrant que des conjonctives complétives en PC (phrase complexe) partagent avec le nom ou le GN en PS (phrase simple) les mêmes fonctions ; que certaines relatives révèlent le même comportement que l'adjectif

qualificatif vis-à-vis du nom et les subordonnées circonstancielles, le même fonctionnement que l'adverbe. En clair, l'analyse montre que syntaxiquement la phrase est une ; qu'elle soit simple, non simple ou plus complexe.

La phrase complexe et la subordination sont donc un couloir d'analyse complexe. Elles génèrent des controverses. La phrase complexe ne fait pas toujours de consensus. Rousseau (2005 : 297) estime, par exemple, que

La subordination est le secteur de la grammaire où règnent encore beaucoup de préventions, d'idées fausses ou préconçues, souvent préfabriquées par les schèmes simplistes de la pensée.

Contrairement à la complétive du verbe, les complétives non-verbales dont fait partie la complétive de l'adjectif n'ont pas encore suscité un grand engouement de la part des chercheurs.

Or, elles présentent des faits syntaxiques dignes d'intérêt. La relation entre le prédicat et les arguments y est pertinente. Les contraintes de la détermination du nom, de la sélection du mode s'y meuvent et suscite des problématiques. La question de l'unité structurelle et fonctionnelle des complétives posée par Evouna (2015) s'y trouve. L'originalité de notre analyse réside non seulement dans le choix de l'objet d'étude mais également dans le cadre théorique qui lui est appliqué. Le lexique-grammaire est également une théorie moins vulgarisée dans notre milieu. Il offre un champ de recherche peu connu. Nous nous inscrivons donc à la suite de De Gioia (2015 :1). Parlant du lexique grammaire, elle affirme : Nous nous adressons plus spécifiquement aux jeunes doctorants et docteurs qui sont en quête d'un parcours de recherche, pour leur indiquer un chemin peu connu mais toujours prometteur. L'une des innovations du travail consiste donc dans son inscription dans une théorie en progression et dans un champ neuf et partiellement exploré. S'intéresser à la complétive de l'adjectif implique une redéfinition de la place et du statut de certains constituants, notamment l'adjectif qualificatif, la copule, les autres verbes attributifs et la complétive elle-même. Que peut-on retenir de cette analyse ?

Le travail, en sa première partie, montre que la classe syntaxique de l'adjectif est loin d'être systématisée. C'est une classe hétérogène aux contours encore flous. Plusieurs schèmes et sous-classes se trouvent compilés à l'intérieur de cette classe. Parlant de la complémentation de l'adjectif qualificatif, il reste à discriminer les types d'adjectifs du point de vue de leur fonctionnement et leur potentiel de rection, c'est-à-dire leur capacité à

Les principaux prédicats sont le nom, l'adjectif qualificatif et l'adverbe. C'est à ce niveau que l'intérêt du lexique-grammaire apparait plus poignant. Cette théorie, considère que tous

gouverner une complétive. Le gouvernement est pris au sens générativiste. Leur profil est à construire au plan distributionnel et transformationnel. Car pour Gross, cité par Wilmet (1998 :109), deux adjectifs quelconques n'ont pas le même ensemble de propriétés syntaxiques. Le travail n'a pas abordé les pro-adjectifs, à savoir tous les constituants phrastiques qui, par translation, peuvent syntaxiquement assumer un rôle dévolu à l'adjectif qualificatif.

Pour le moment, nous retenons qu'il existe trois sous-classes d'adjectifs qualificatifs. Ces dernières ont chacune un comportement et des spécificités. Dans ces sous-classes, le participe passé et le participe présent posent encore de sérieux problèmes à l'analyse. Leur emploi adjectival et leur emploi verbal restent mêlés. Une telle problématique constituerait une piste de recherche prometteuse. Les compléments de l'adjectif peuvent être un N, un infinitif ou une proposition subordonnée complétive. Dans ces diverses structures, il existe des contraintes distributionnelles et transformationnelles dont l'étude nécessite un autre cadre.

La complémentation propositionnelle sélectionne les adjectifs du premier et du quatrième type, à l'exclusion des adjectifs relationnels et des adjectifs situationnels.

Pour mieux saisir le fonctionnement de la complétive adjectivale, nous avons présenté les autres complétives non-verbales. La description morphosyntaxique de la complétive du nom et celle de l'adverbe était un tremplin pour tester l'hypothèse de l'existence des constantes entre les complétives averbales, lesquelles traits communs les distingueraient de la complétive du verbe. On pourrait se demander ce qu'il en ressort.

Les complétives non-verbales apparaissent toutes extravalencielles. En d'autres termes, elles ne rentrent pas dans le schéma des arguments du verbe. Elles entrent toutes dans des phrases prédicatives. La prédication est donc un fait caractéristique des complétives non-verbales. Elles apparaissent toutes dans une structure mettant en lumière la relation prédicat et argument(s). Selon Evouna (2010 : 65)

Le prédicat représente le noyau lexical que la visée communicative amène le locuteur à choisir parmi les possibilités lexicales, sémantiques, syntaxiques, énonciatives et autres rhétoriques de la langue, puis à les utiliser pour mettre en relation un état de chose ; le second, l'argument, s'étend comme le ou les choix partiellement prédéterminés par le noyau ou prédicat.

les autres mots prédicatifs se syntactifient comme le verbe. Ils ont un schéma d'arguments comme le verbe.

Postposées à leur recteur, les complétives non-verbales induisent des transformations de divers ordres.

La complétive nominale se rapproche de la complétive du verbe. Les Nop sont, pour la plupart, issus pour la plupart des verbes. Ainsi, il semble s'établir une analogie entre les complétives du nom et les complétives du verbe. Néanmoins, les conditions de cette équivalence restent à définir d'une manière circonstanciée. Les Nop sont variés et induisent des propriétés différentes.

Au demeurant, la complétive de l'adverbe n'en est pas une. Il s'agit d'une structure intégrant une proposition indépendante. Nous avons proposé d'y voir une phrase à adverbe associé. Cette dernière est modalisée au moyen de l'adverbe. En tant qu'unité indépendante, la proposition n'y a pas de fonction syntaxique. L'adverbe porte sur toute la phrase. En tant que circonstant, il peut se placer à diverses postions dans la phrase. C'est donc un complément de phrase. Contrairement à la complétive du nom qui a une variété de structures, la phrase à adverbe associé n'a qu'une seule structure, à savoir Adv+Que P. Antéposé à la proposition indépendante, l'adverbe est régulièrement en position initiale. Cette phrase peut donner lieu à plusieurs réécritures dérivationnelles sur la forme Il est Adj+Que P, Il y a +SN Que P et (Adv., Que P), (Que P, Adv.) ou simplement se réduire en P.

On peut également se demander si les dérivés possibles ci-dessus présentent les mêmes possibilités distributionnelles et sémantiques que la phrase à adverbe associé. Dans les structures Adv Que P, la nature de l'adverbe est sélectionnée et conditionné. Les catégories sémantiques de ces adverbes et leurs contours morphosyntaxiques demeurent inconnus. Au bout du compte, les complétives non-verbales posent des problèmes dignes d'être analysés à leur juste mesure et dans des études spécifiques. Leurs contours ne sont pas totalement découverts. Certaines de ces propriétés peuvent être corrélées à la complétive de l'adjectif, objet central de l'analyse.

La définition de la complétive de l'adjectif est dynamique. Elle réfère d'abord à une subordonnée liée à l'adjectif ou à un prédicat complexe au moyen du morphème que, conjonction de subordination. Elle est une proposition syntaxiquement liée à un adjectif

En dernier analyse, notre étude est une étape d'un projet plus étendu, construire un lexique grammaire des adjectifs prédicatifs introducteurs des complétives. Pour y parvenir, il

qualificatif. Elle rentre ensuite dans une construction attributive. Autrement dit, c'est une proposition que l'on retrouve dans une phrase pourvue d'un verbe attributif comme noyau central. La complétive adjectivale sera enfin une proposition qui, introduite par le morphème Que, est directement ou indirectement liée à l'adjectif qualificatif dans sa fonction prédicative. La complétive de l'adjectif se présente sous deux formes dans notre corpus, la structure personnelle et la structure impersonnelles. Bien que les différences entre les structures personnelles et impersonnelles soient nombreuses et non encore systématisées, nous pensons que la sélection du mode, la structure argumentale, les réécritures et réductions possibles, les équivalences et les sous-classes de verbes attributifs offrent des perspectives prometteuses pour cette entreprise.

Cette complétive est susceptible d'être remplacée par d'autres types de subordonnées. Ce sont les circonstancielles, les participiales et des complétives du nom, de l'adverbe et du verbe. Cela a conforté l'hypothèse d'une unité formelle voire fonctionnelle entre les complétives. Nonobstant le labeur déjà entrepris par Evouna (2015), nous pensons que cette problématique mérite toujours une attention. Que dire des adjectifs intégrés aux structures attributives ?

Certains rentrent simultanément dans les deux types de constructions. D'autres choisissent soit la tournure personnelle, soit la construction impersonnelle. Cela suscite d'autres questions. Peut-on envisager une distribution exhaustive de ces adjectifs suivant la possibilité d'intégrer telle ou telle structure ? Qu'est-ce qui au plan morphosyntaxique et distributionnel prédispose certains à se construire dans les deux structures et quelles contraintes l'empêcheraient à d'autres ?

Les adjectifs qualificatifs prédicatifs semblent présenter des propriétés distributionnelles et transformationnelles au sein de ces énoncés. Au-delà de la complétive elle-même, nous pouvons d'ores et déjà nous demander ce qui caractérise réellement ces adjectifs. Nous avons également postulé que la structure syntaxique dans laquelle entre un adjectif qualificatif lui confère un fonctionnement syntaxique. Quelles sont les propriétés morphosyntaxiques et sémantiques des adjectifs qualificatifs sus-relevés ? Quels critères peuvent être choisis pour leur dresser des tables suivant la méthode du lexique grammaire initiée par Gross ?

fallait donc au préalable décrire la structure qui intègre les adjectifs dont il est question. C'est à ce titre que nous avons intitulé le mémoire Lexique-grammaire et complétive de l'adjectif. Cette logique est en adéquation avec les principes de notre cadre théorique. Pour monter un lexique grammaire, il faut maîtriser la structure qui intègre le prédicat ciblé. Avant d'aboutir aux tables telles que les conçoivent Gross (1975), Gross et Vivès (1986) et Talone (2009), il est important de saisir le fonctionnement de la structure. La structure déteint sur le prédicat et ses arguments. Autrement dit, les informations d'une table du lexique-grammaire dépendent du prédicat et de toute sa construction. Par ailleurs, pour rester dans l'esprit du LADL, on a besoin d'un traitement informatique des données structurelles obtenues. Il est donc à envisager en perspective une autre étude qui pourrait s'intituler Lexique-grammaire des adjectifs recteurs de complétives. Pour être menée, il faudrait que les logiciels fussent acquis et que les modèles de constructions des tables soient choisis et mieux spécifier. En outre, au-delà la langue française, le lexique-grammaire des parties du discours de nos langues nationales peuvent être envisagés. Des travaux sur le lexique-grammaire des noms, des adjectifs, des verbes, des adverbes, des locutions ou des expressions figées en èwondo, en mbo'o, en bulu, en bayangam, en bamoun, en bamougoum, en basa, etc sont possibles. Que dire des lexiques-grammaires comparés entre nos langues et les langues européennes ? L'aspect didactique n'est pas à exclure. On pourrait s'interroger sur la manière de didactiser les principaux prédicats du français ou ceux de nos langues à l'aune des principes et des résultats des études liées au lexique-grammaire. En définitive, la moisson est donc abondante.

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TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACE i

REMERCIEMENTS ii

LISTE D'ABRÉVIATIONS iii

LISTE DES TABLEAUX iv

RÉSUMÉ v

ABSTRACT v

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE 11

DIACHRONIE DE L'ADJECTIF EN FRANÇAIS 11

CHAPITRE PREMIER 13

HISTORIQUE DE LA NOTION DE L'ADJECTIF 13

1. LES FONDEMENTS LOGICO-SÉMANTIQUES DE L'ADJECTIF 13

1.1. Le langage et les langues chez les Anciens : une réflexion extra ou périlinguistique 14

1.2. Port-Royal : tournant décisif dans l'étude de l'adjectif 15

1.2.1. Port-Royal : logique, philosophie et universaux du langage en soubassement 15

1.2.2. L'adjectifs au sein des noms à Port-Royal 16

1.3. Port-Royal et grammaire traditionnelle : une perception identique de l'adjectif 18

1.3.1. Détermination et qualification : paradigmes organisateurs de la classe de l'adjectif 18

1.3.2. L'adjectif qualificatif dans les grammaires classiques 20

1.3.2.1. La grammaire classique : bref aperçu 20

1.3.2.2. L'adjectif qualificatif : des contours flous en grammaire classique 21

2. LES FONDEMENTS FORMELS DE L'ADJECTIF QUALIFICATIF EN GRAMMAIRE

STRUCTURALE 26

2.1. La grammaire ou linguistique structurale : bref aperçu 26

2.2. L'adjectif qualificatif : tête lexicale du GA en grammaire structurale 27

CHAPITRE DEUXIÈME 33

TYPOLOGIE ET COMPLÉMENTATION DE L'ADJECTIF EN FRANÇAIS 33

1. LA QUESTION DE LA TYPOLOGIE DES ADJECTIFS QUALIFICATIFS EN

FRANÇAIS MODERNE 33

1.1. Les Adjectifs qualificatifs simples : une résistance aux critères d'identification 33

1.2. Les adjectifs relationnels : des contours à décrypter 37

1.3. Les adjectifs qualificatifs de troisième type 39

1.4. Le participe passé : entre adjectif et verbe 40

2. PROBLÉMATIQUE DE COMPLÉMENTATION DES ADJECTIFS QUALIFICATIFS

EN FRANÇAIS MODERNE 42

DEUXIÈME PARTIE 46

DES COMPLÉTIVES NON-VERBALES À LA COMPLÉTIVE DE L'ADJECTIF 46

CHAPITRE TROISIÈME 47

LES COMPLÉTIVES NON-VERBALES : ESSAI DE SYNTAXE 47

1. ESSAI DE DIACHRONIE DE L'ÉTUDE DE LA COMPLÉTIVE 48

1.1. Grammaire classique et analyse logique de la complétive 48

1.1.1. Le protocole de l'AL 48

1.1.2. La complétive dans quelques grammaires classiques 49

1.2. Phrase complexe et complétive en linguistique structurale 53

1.2.1. La morphologie de la complétive 54

1.2.1.1. La conjonctive pure : essai de clarification 54

1.2.1.2. L'introducteur de la conjonctive complétive 55

1.3. Essai de syntaxe de la complétive 56

1.3.1. Rection de la conjonctive complétive et typologie 56

1.3.2. Essai de typologisation des conjonctives pures 58

1.4. Les fonctions syntaxiques de la conjonctive pure 58

1.4.1. Une évaluation de la notion de fonction (syntaxique) 59

1.4.2. La complétive en Que dans ses liens 60

1.4.2.1. La complétive : un constituant du second degré 60

1.4.2.2. Groupement des fonctions de la complétive en Que 62

1.4.2.2.1. Les fonctions classiques de la conjonctive pure 62

1.4.2.2.2. La complétive par que et usages non classiques 62

2. LA COMPLÉTIVE DU NOM : ESSAI D'ANALYSE SYNTAXIQUE 65

2.1. Les structures de la complétive nominale 65

2.1. 1. Les complétives nominales intégrées au SN-sujet 66

2.1.1.1. La structure SN0 Que P 66

2.1.1.2. N0+ être/ V attributif Que P 68

2.1.2. Les complétives du nom liées au GV 68

2.1.2.1. La suite V-SN + Que P 69

2.1.2.2. La configuration V+ SN+ Que P 71

2.2. Les Nop : une catégorie restreinte 72

3. SYNTAXE DE LA COMPLÉTIVE ADVERBIALE 76

3.1. La suite Adv + Que P : une connexion en question 77

3.2. La suite Adv Que P et ses fonctions syntaxiques 79

3.3. La suite Adv Que P et sa structure profonde 81

CHAPITRE QUATRIÈME 86

LA COMPLÉTIVE ADJECTIVALE : DESCRIPTION MORPHOSYNTAXIQUE ET

SÉMANTIQUE 86

1. LA COMPLÉTIVE ADJECTIVALE : UNE STRUCTURE EN QUESTION 87

1.1. Adj Que P : une complétive nominale en structure profonde ' 88

1.2. La réécriture V + Adj + SN Op Que P : une source nominale en question 90

2. STRUCTURES DE LA COMPLÉTIVE ADJECTIVALE 93

2.1. Adjectifs introducteurs de complétives et constructions personnelles 94

2.1.1. Structure argumentale et mode des constructions personnelles 94

2.1.2. Verbes attributifs et sous-structures des constructions personnelles 95

2.1.2.1. Verbes essentiellement attributifs et constructions personnelles 96

2.1.2.2. Verbes occasionnellement attributifs et constructions personnelles 98

2.2. Les structures personnelles adnominales et elliptiques 101

2.2.1. Les complétives adjectivales adnominales 101

2.3. Complétives adjectivales et constructions impersonnelles 105

2.3.1. Structure argumentale de la suite unipersonnelle 106

2.3.2. La structure il est Adj Que P 107

2.3.3. La suite Il V attrib. Adj. Que P 108

3. DYNAMIQUE DES CONNEXIONS DANS LA SUITE V+ADJ+QUE P 109

3.1. V + Adj : un prédicat complexe ' 109

3.2. Que P : subordonnée de V-Adj ou d'Adj. ' 112

3.3. Adjectifs qualificatifs et compatibilité aux structures 112

CONCLUSION GÉNÉRALE 116

BIBLIOGRAPHIE 122

TABLE DES MATIÈRES 134






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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore