1.4. Les fonctions syntaxiques de la conjonctive pure
Le présent sous-titre a deux objectifs sous-jacents. Il
vise d'abord à préciser la notion de fonction syntaxique ; puis
à indiquer sommairement les fonctions de la subordonnée
étudiée relativement aux autres éléments de la
phrase. Dès lors, qu'est-ce qu'une fonction syntaxique et quelles sont
les fonctions de la phrase dépendante introduite par que ?
1.4.1. Une évaluation de la notion de fonction
(syntaxique) À en croire Ducrot et Todorov (1972 : 270-271),
du point de vue syntaxique, la totalité que
constitue la phrase n'est pas un pur agglomérat
d'éléments, un ensemble (au sens mathématique). [...]
Au contraire la syntaxe définit certaines relations entre les
éléments de la phrase et la totalité de la phrase,
relations telles que deux éléments distincts se trouvent la
plupart du temps dans une relation différente vis-à-vis de la
phrase totale (l'un est sujet, par exemple, l'autre est
complément).
Cette position indique que les éléments de la
phrase sont organisés et pris les uns par rapport
aux autres suivant les relations qui les lient.
On comprend, suivant les mots de Riegel et al. (2014 : 207),
que la fonction d'un mot ou d'un groupe de mots est le rôle que cet
élément joue dans la structure d'ensemble de la phrase où
il est employé. C'est pourquoi une fonction se définit toujours
en termes relationnels. Par exemple, dans la phrase : Le patron veut
te voir (TSTA : 118), l'article le a sa fonction en rapport avec
le nom patron, qui lui-même a une fonction en
référence au verbe veut voir, et le pronom te a
une fonction en relation avec le verbe.
Mais quelques problèmes subsistent qui méritent
d'être tout au moins soulevés à partir de cette
définition. Selon elle, tous les termes ont des fonctions les uns par
rapport aux autres ; pourtant, d'une part, le verbe, lui, n'a pas de fonction,
et d'autre part, il ne se définit par rapport à aucun autre
constituant (si l'on ne tient pas compte du plan morphologique). Cela constitue
un paradoxe à résoudre et à prendre en compte pour
parfaire la définition sus-énoncée.
Bien plus, la définition ci-dessus semble
incomplète. En disant qu'un mot a une fonction par rapport à
l'autre, elle occulte le fait que les mots-tête des groupes, pris
isolément, n'ont pas de fonction. C'est tout le groupe qui marque et
porte la fonction. Ainsi, dans l'exemple précédent, ce ne serait
pas tout à fait vrai de dire patron = sujet de `'veut voir» car,
c'est le patron qui est sujet. Maingueneau (1999 : 15) le précise en ces
termes : ce sont ces groupes qui sont concernés par les
traditionnelles « fonctions » syntaxiques : c'est le groupe nominal
dans son ensemble, et pas le nom seul, qui peut être sujet ; c'est
l'ensemble du groupe adjectival qui est épithète, et pas
l'adjectif seul. Au demeurant, cette définition de la fonction,
plus ou moins relativisable, trouve justification et tire ses limites dans son
origine, laquelle peut être située dans l'exercice d'analyse
grammaticale qui, pour peu qu'il résolve des problèmes en
grammaire, n'en reste pas moins sujet à caution.
La complétive est un constituant de niveau
supérieur obtenu par un mécanisme d'intégration
syntaxique. Il s'agit d'une nominalisation, à savoir une transformation
qui
Pour définir une fonction, il est d'usage d'avoir
recours à de multiples critères. Riegel et al. (Op. cit :
207-210) en énoncent six. Il s'agit d'abord des critères
positionnels, qui donnent la fonction d'un élément par rapport
à sa place dans la phrase. Ainsi, le sujet est par exemple canoniquement
antéposé au verbe. Ces critères intègrent
également le fait qu'un terme soit obligatoire ou facultatif : ainsi
distingue-t-on l'attribut de la mise en apposition ; l'adjectif attribut n'est
jamais effaçable, alors que l'on peut se passer d'une mise en
apposition.
Relevons en plus les critères morphosyntaxiques : ici
interviennent la forme de l'élément, et le
phénomène d'accord. Par ailleurs, sont pris en compte les
critères manipulatoires. Ils associent les fonctions à des
procédures de changement structurel. La fonction d'un
élément est obtenue à partir d'une
réécriture. Ainsi du complément d'agent et du
complément d'objet dans les transformations passive et active. Un autre
critère est le critère catégoriel, qui alloue des
fonctions spécifiques à certaines natures
d'éléments. C'est grâce à ce critère que l'on
définit les fonctions et natures prototypiques. C'est le cas de
l'adjectif dans le rôle d'attribut du sujet.
De même, on distingue les critères
interprétatifs, qui associent la fonction à un rôle
sémantique précis dans l'interprétation de la phrase. En
ce sens, le sujet est généralement un agent. Enfin, pour
définir une fonction syntaxique, une conjonction des critères
peut être convoquée. Pour une même fonction, on actualise
concomitamment plusieurs paramètres. Les critères
sus-répertoriés sont indicatifs, car les faits du discours sont
imprévisibles et fluctuants. Une même fonction peut par exemple
être actualisée par une infinité d'éléments
aux natures diverses, de même qu'il existe des phénomènes
de transcatégorisation. À partir de ce soubassement, on peut
d'ores et déjà se demander quelles sont les fonctions de la
complétive en Que dans la phrase.
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