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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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Conclusion

Somme toute, notre objectif tout au long de ce travail fut de montrer que la justice environnementale participative est une condition de possibilité de la durabilité. C'est donc à cette fin que nous sommes partis de la question: en quoi la justice environnementale participative est-elle une condition de possibilité de la durabilité ? Pour juguler cette question, nous avons projeté notre travail autour de trois axes fondamentaux.

Dans un premier temps, notre travail a consisté à rappeler les fondements du développement durable permettant de mieux cerner le contexte d'émergence de la durabilité et de ses enjeux. Il en est ressorti que les signes précurseurs de la durabilité, en tant que paradigme de développement, se regroupent en quatre faits complémentaires à savoir: une surexploitation de la nature conduisant à l'altération de la capacité de la planète à reproduire les conditions de son équilibre, le réchauffement de la planète et les inégalités environnementales. C'est dans ce contexte de crise écologique qu'émerge la durabilité comme la solution pouvant garantir un mieux être de l'homme en relation avec son écosystème, fondé sur le rapport Brundtland qui est son « acte de naissance ».

Les dérèglements de la biosphère qui se remarquent à travers la pollution de l'atmosphère, la destruction de la couche d'ozone, les pluies acides etc. sont les conséquences de comportements peu responsables de l'homme dans son espace de vie. C'est dans ce contexte que les réflexions critiques sur la consommation énergétique par exemple émergeront du constat qu'une fourniture énergétique toujours croissante basée essentiellement sur les énergies fossiles non renouvelables est impossible à cause de la capacité limitée de ces ressources. Cette demande toujours croissante en énergie non renouvelable accroît l'exploration des mines à la recherche du charbon et le creusage de nouvelles pompes à pétrole dont les conséquences sur l'environnement ne sont plus à démontrer. Quant aux autres ressources notamment l'eau douce, principal ingrédient de la vie de l'homme, elle n'est pas non plus épargnée par les pollutions posant un véritable problème de santé mondiale d'une part, et d'autre part un problème d'épuisement vu le gaspillage de cette ressource très prononcée de nos jours; l'épuisement des ressources minières inquiète également et plus encore le caractère non biodégradable des produits qui en sortent. Les villes, Symbole de la modernité, quant à elles attirent toujours et concentrent plus de la moitié de la population mondiale accentuant les inégalités environnementales; cette concentration n'est pas sans

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effets sur les écosystèmes qui sont détruits pour permettre l'installation de l'homme. Bref, la configuration actuelle de notre société a accentué l'effet des activités anthropiques sur l'environnement.

Cette conscience environnementale s'est construite progressivement et apparaît comme le couronnement d'un paradigme de développement amorcé depuis la Modernité; et c'est en reconsidérant les grands tournants de la science depuis la modernité que la transition vers la durabilité se perçoit mieux. Car, d'une part, la crise écologique tire son origine de l'esprit de la modernité; cet esprit de la modernité fait de l'idée de s'affranchir de toute sorte de tutelle aussi bien religieuse, familiale que politique. Cet affranchissement a conduit à la naissance du nouvel homme désormais autonome qui, fort de son autonomie peut désormais s'élancer dans l'exploration de son espace de vie par l'usage de la technique impliquant des conséquences insoupçonnées sur l'environnement.

En vue de pallier tous ces dérèglements environnementaux qui mettent en danger la pérennité de la vie sur terre, la durabilité est apparue comme une solution qui permettrait à coup sûr de rétablir l'équilibre aussi bien environnemental que social perdu. Force est alors de constater que malgré les dangers courus par notre planète à cause d'un rythme de développement en déphasage complet avec celui de la restauration de la nature, la durabilité peine à tenir ses promesses. Cette évidence nous a conduits à la seconde articulation de notre travail consacrée à l'évaluation critique de la durabilité.

D'après nos investigations, les difficultés qu'éprouve la durabilité sont dues aux contradictions qui lui sont inhérentes. Au concept unique de durabilité, sont associées plusieurs définitions selon les urgences des institutions et des nations conduisant à un manque de consensus et d'inefficacité dans l'action. Des institutions telles que l'UNESCO et la S.A.V (Stratégie pour l'Avenir de la Vie) ont des définitions du développement durable assez différentes et dépendantes des orientations de chacune. Quant à la déclaration de Rio adoptée par les représentants de 170 pays en 1992, le développement durable a une orientation plus généralisée. Le concept d'inégalité environnementale ne fait pas exception de ces rouages conceptuels également.

Ces contradictions définitionnelles sont renforcées par un désaccord d'ordre politique et économique entre les pays développés et les moins développés. Les BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine) qui sont aujourd'hui des pays émergents à grande influence mondiale, indexent notamment l'Europe et les Etats-Unis de s'être développés en polluant

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l'environnement, et trouvent dans la durabilité un moyen de plus pour les maintenir dans leur état de sous-développement. La conséquence d'une telle revendication est le rejet des clauses de la conférence de Rio et des Conférences des Parties (COP).

La troisième difficulté de la durabilité est d'ordre éthique et culturel. La divergence éthique et culturelle dans la mise en oeuvre du développement durable est non moins négligeable car elle pose le problème de choix entre la préservation de l'environnement et la croissance économique. La protection de l'environnement, implique une économie moins ambitieuse; or autant l'environnement dégradé a besoin d'un développement durable, nos sociétés, ont autant besoin d'une croissance économique pour assurer leur survie tout en sachant que les deux facettes de la médaille contiennent inéluctablement des conséquences moins bonnes tant pour l'environnement que pour les populations. Ce dilemme se pose également dans la gestion des inégalités environnementales où les politiques environnementales sont partagées entre une répartition équitable des qualités environnementales telles que les espaces verts et la réparation des dommages causés à l'environnement; une situation qui condamne les populations défavorisées à subir injustement les revers négatifs de la crise écologique.

Toutes ces contradictions de la durabilité laissent voir clairement le fossé entre l'idéal du développement durable et la complexité de l'espace sociétal et permettent de mieux comprendre pourquoi le PIB, indicateur conventionnel dont la croissance ne pourrait être effective sans effets négatifs sur l'environnement demeure en vigueur alors que le BNB, gage de la durabilité, demeure peu promu. Face à cette complexité de la durabilité, devrions-nous nous résigner face aux dégradations de plus en plus aigues de l'environnement?

Pour que le projet de la durabilité puisse advenir, il faudrait repenser la durabilité. Redéfinir le développement durable revient concrètement à une redéfinition du concept de développement. Face à la crise écologique considérée comme le couronnement de la modernité, repenser le développement revient à une redéfinition de ce concept; redéfinition qui consiste à privilégier la qualité de vie au détriment de la quantité de biens possédés; étalon qui fut et demeure la caractéristique des peuples dits primitifs qui s'efforcent de mieux vivre avec moins de biens dans le respect de l'environnement.

Repenser le développement revient aussi à reconsidérer notre gestion des déchets alors que la culture du jetable prend de l'ampleur d'où nous avons opté pour une approche capabilitaire de la résorption de la crise écologique; bien que le recyclage soit un pas dans

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cette logique, plutôt que de recycler nous participerions plus efficacement à la justice environnementale en réduisant notre consommation, ou encore en cultivant la réparation et la réutilisation. De là la notion de responsabilité prend tout son sens dans le processus de la participation; et la durabilité loin d'être un voeu pieux envers les générations futures, se trouvera renforcée par la responsabilité qui la rend désormais opératoire. Car:

Le développement durable n'est pas un concept opératoire pour faire face aux défis globaux auxquels doivent répondre les sept milliards d'êtres humains mais, au contraire, une déclinaison du conformisme, une manière de nous cacher, encore une fois, que nous sommes devant une « cascade de finitudes ». D. Bourg (2012, p.4):

Et dans un tel contexte la responsabilité demeure la seule issue possible. Cette responsabilité est partagée entre le pouvoir public d'une part et la population d'autre part. Désormais, tournés vers l'avenir et avec au coeur le souci des générations futures, l'efficacité des actions aussi bien individuelles que globales doit naître d'une meilleure coordination politique afin d'éviter les pièges soulevés plus haut. Tout comme H. Jonas (1990), C. Grino (2001, p. 63) note également: « le véritable domaine d'application de la notion de responsabilité ainsi remaniée est la sphère publique, et non la sphère privée », et cette responsabilité qui revient au politique dans ce contexte est celle de « la prévoyance ». La prévoyance du politique dans la construction d'une société justice, revient quant à elle à la sagesse comme le préconisait Platon dans le livre III de La République; ce que H. Jonas (1999, p.47) reprendra: « la prévoyance de l'homme politique consiste donc dans la sagesse et dans la mesure qu'il consacre au présent ».

Dans le contexte de la crise écologique qui est le nôtre, la responsabilité politique, de façon concrète renvoie d'abord à une prise de conscience de chaque Etat qu'il soit développé ou en voie de développement, de la menace réelle de l'environnement à cause de l'écart entre le rythme de restauration de l'environnement et celui des activités anthropiques de plus en plus polluantes. Tout ceci rejoint l'idée de l'urgence d'un droit cosmopolite de l'environnement tel que porté par la conférence de Stockholm (1972), l'Acte de l'Union Européenne (1985) et le traité de Rio (1992) qui stipulait dans son préambule qu'il faudrait instaurer un partenariat mondial sur une base nouvelle en reconnaissant que la terre, berceau de l'humanité, constitue un tout marqué par la complémentarité.

Du point de vue de la légalité, la légifération sur l'environnement doit tenir compte d'un certain équilibre notamment:

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Une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou écologiques qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente (...) a un moment où il est beaucoup question, et à juste titre, d'environnement et de cadre de vie, il faut éviter que des projets par ailleurs utiles viennent aggraver la pollution ou détruire une partie du patrimoine naturel et culturel du pays (M. Prieur, 2017, p.5).

Tout ceci doit être soutenu par l'engagement responsable des populations en faveur des valeurs écologiques et seule la vulgarisation du débat écologique permettrait de parvenir à cette fin; vulgarisation qui est aussi du devoir des politiques. Vulgarisation qui s'avère très importante pour la bonne marche de la justice environnementale participative. Et cette vulgarisation consistera à promouvoir les actions en phase avec la protection de l'environnement. D'où l'importance du troisième maillon complémentaire de l'engagement des politiques; celui-ci est la préservation de l'ordre public écologique qui se résume à la nécessité d' « assurer les objectifs d'ordre public que sont traditionnellement la sûreté, la tranquillité et la salubrité publique » (M. Prieur, 2017, p.8) par une police de l'environnement. Dans cet élan, non seulement les dégradations de la biosphère sont réparées, mais ces réparations sont aussi sujettes à la protection dans le but de minimiser les risques environnementaux et donc d'éradiquer les inégalités environnementales. Tel est l'équilibre que doivent rechercher les politiques. Mais ce droit reste jusqu'aujourd'hui non reconnu par nombre de pays comme le souligne toujours M. Prieur (2017). D'où la nécessité d'accroître la sensibilité écologique chez les populations.

Nous sommes donc désormais au coeur de la justice environnementale participative qui d'après C. Larrère (2017), implique une réflexion sur l'égalité tout en faisant attention à ne pas construire un égalitarisme réducteur et autoritaire.

La participation à la justice environnementale consiste finalement : « pour ceux qui réclament la justice environnementale, d'être en capacité effective de décider» (C. Larrère, 2017, p.26). Allant au-delà de la simple décision, ainsi qu'elle insiste, la participation est plus une réappropriation active d'espaces communs. Précisément:

Il ne suffit pas, pour éviter les inégalités environnementales, que dans les objectifs des éco-quartiers, il y ait la mixité sociale, ou que la restauration des quartiers défavorisés inclut un volet de restauration écologique (...) le modèle d'égalité pour confronter et corriger les inégalités environnementales n'est pas seulement à rechercher du côté d'une réduction de l'échelle des revenus ou des patrimoines, mais dans le développement des pratiques collectives et des usages communs.(C. Larrère, 2017, p.26).

La fin ultime de la participation, c'est l'implication disciplinée de l'individu dans la lutte pour son bien-être global dans un environnement sain. Dès lors nous passons du

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développement à la transition écologique dont le maitre mot est de « vivre mieux avec moins ». Sur le plan économique, la transition écologique nécessite la construction de nouvelles stratégies permettant d'arrêter la construction de la société sur la base d'une demande toujours croissante en énergie et en ressources. Ceci demande à avoir un autre indicateur du développement des peuples que le P11B ; D. Bourg (2012, p.7) écrit: « Cela ne veut pas dire que le P11B n'a plus aucun intérêt, mais qu'il ne peut plus être l'orient de toute politique publique »; M. Brezzi, L. de Mello et É. Laurent (2016, p.14) quant à eux: « il servira plutôt à mesurer pour comprendre, assurément, mais aussi et surtout mesurer pour changer ». Tout ceci, une fois encore, passe par la bonne volonté des politiques qui vont oeuvrer à cette fin.

Quant à l'aspect axiologique, il est question de changer nos habitudes par une discipline qui permettrait de vivre heureux en produisant et en consommant moins; en d'autres termes, il s'agit de la culture de la durabilité au quotidien. Mais une question demeure : une telle option est-elle possible?

De nos jours un modèle de développement durable fascine le monde entier et ce modèle est le Bhoutan qui malgré sa situation politico-économique très complexe, est un exemple démontrant la possibilité de la durabilité à l'échelle étatique. Et la condition de la mise en place effective de la durabilité dans ce pays est la participation.

Toutefois d'autres options autres que la participation sont possibles dans la logique de la revitalisation de la durabilité telles que: le renforcement de l'éducation en faveur de l'environnement, est aussi une option envisageable pour pallier la difficulté de la mise en oeuvre effective de la durabilité le tout couplée d'une implication profonde des politiques dans la régulation des inégalités environnementales. Mais l'exploration de toutes ces options nous obligerait à dépasser les limites que nous nous sommes fixées ici par notre problématique. Ceci étant, la justice environnementale participative nous paraît être une condition indispensable à l'efficacité de la durabilité. Une telle option doit permettre la consolidation de notre responsabilité envers notre environnement et envers les générations futures en leur garantissant ainsi leur droit à un environnement sain.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera