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D'une motricité subie à  une motricité agi : le soin psychomoteur comme soutien à  l'élaboration d'une motricité intentionnelle chez l'enfant porteur d'autisme


par Juliette Landeau
Université Claude Bernard Lyon 1 - ISTR - D.E. Psychomotricien 2022
  

Disponible en mode multipage

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LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

Creative commons : Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0)

http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

UNIVERSITÉ CLAUDE-BERNARD LYON 1

INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE LA RÉADAPTATION

Directeur de l'Institut des Sciences et Techniques de la Réadaptation
Professeur Jacques LUAUTE

D'une motricité subie à une motricité agie

Le soin psychomoteur comme soutien à l'élaboration d'une motricité
intentionnelle chez l'enfant porteur d'autisme

Mémoire présenté pour l'obtention
du Diplôme d'État de Psychomotricien

Par: Juliette LANDEAU

Juin 2022 (Session 1)

N° 1716

Directrice du Département Psychomotricité
Mme Tiphaine VONSENSEY

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

UNIVERSITÉ CLAUDE-BERNARD LYON 1

INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE LA RÉADAPTATION

Directeur de l'Institut des Sciences et Techniques de la Réadaptation
Professeur Jacques LUAUTE

D'une motricité subie à une motricité agie

Le soin psychomoteur comme soutien à l'élaboration d'une motricité
intentionnelle chez l'enfant porteur d'autisme

Mémoire présenté pour l'obtention
du Diplôme d'État de Psychomotricien

Par: Juliette LANDEAU

Juin 2022 (Session 1)

N° 1716

Directrice du Département Psychomotricité
Mme Tiphaine VONSENSEY

UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD LYON 1

Président

Pr. FLEURY Frédéric

Président du Conseil Académique Pr. BEN HADID Hamda

Vice-président CA Pr. REVEL Didier

Secteur Santé:

U.F.R. de Médecine Lyon Est Doyen Pr. RODE Gille

U.F.R de Médecine et de maïeutique - Lyon-Sud Charles Mérieux

Doyenne Pr. BURILLON Carole

Comité de Coordination des Etudes Médicales (C.C.E.M.)

Président Pr. COCHAT Pierre Vice-président relations hospitalo-

universitaires

Pr. MORNEX Jean-François

Vice-président Santé

Pr. HONNORAT Jérôme

Directeur Général des Services M. ROLLAND Pierre

U.F.R d'Odontologie

Directrice Pr. MAURIN Jean-Christophe

Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques

Directeur Pr. DUSSART Claude

Institut des Sciences et Techniques de la Réadaptation (I.S.T.R.)

Directeur Pr. LUAUTE Jacques

Secteur Sciences et Technologies:

U.F.R. Biosciences

Directrice Mme GIESELER Kathrin

U.F.R. Faculté des Sciences Directeur M. ANDRIOLETTI Bruno

Département de Génie électrique et des procédés

Administrateur provisoire Mme FERRIGNO Rosaria

Département Informatique Administrateur provisoire M SHARIAT Behzad

Département Mécanique Administrateur provisoire M BUFFAT Marc

POLYTECH LYON

Directeur M. PERRIN Emmanuel

U.F.R. de Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (S.T.A.P.S.)

Directeur M. BODET Guillaume

Institut Universitaire de Technologie Lyon 1 (IUT)

Directeur M. VITON Christophe

Institut des Sciences Financières et d'Assurance (I.S.F.A.)

Directeur M. LEBOISNE Nicolas

Observatoire de Lyon

Directrice Mme DANIEL Isabelle

Institut National Supérieur du Professorat et de l'Education (INSPé)

Directeur M. Pierre CHAREYRON

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INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE LA RÉADAPTATION

Directeur ISTR : Dr Jacques LUAUTE

DÉPARTEMENT PSYCHOMOTRICITÉ

Directrice du département
Mme Tiphaine VONSENSEY
Psychomotricienne, cadre de santé

Coordinateurs pédagogiques
M. Bastien MORIN
Psychomotricien

M. Raphaël VONSENSEY
Psychomotricien

Mme Aurore JUILLARD
Psychomotricienne

Responsables des stages
Mme Christiane TANCRAY
Mme Charlène DUNOD
Psychomotriciennes

Secrétariat de scolarité

LANDEAU

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Mme Lynda ABDELMOUMNAOUI

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

REMERCIEMENTS

Un grand merci à tous les maîtres de stages qui m'ont accompagnée au cours de ces
années en psychomotricité. Vous avez su m'accompagner dans la construction de mon
identité de future psychomotricienne, avec écoute et bienveillance.

Je remercie Audrey Maire pour son accompagnement dans la rédaction de ce mémoire.

Merci à mes camarades de promotion, qui ont tous grandi à mes côtés durant ces trois

années.

Un grand merci à mes amies de toujours, Marine et Chloé, toujours présentes pour moi
malgré la distance.

Je tiens à remercier notre ancienne camarade Esther, devenue une grande amie, merci de
toujours être là et de m'avoir permis d'évoluer en tant que personne à tes côtés.

Merci aussi à Amélie, avec qui j'ai partagé tant de choses durant ces années d'études.
Merci d'être une personne sur qui je peux compter dans les moments de stress comme de

joie.

Enfin, merci à ma famille, à mes parents et à mon frère de toujours croire en moi et
soutenir mes projets quoiqu'il en coûte.

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

SOMMAIRE

LEXIQUE

INTRODUCTION 1

PARTIE THÉORIQUE 3

1. Les Troubles du Spectre de l'Autisme (TSA) 3

1.1. Généralités 3

1.1.1. Définitions 3

1.1.2. Les TSA et leurs comorbidités 4

1.2. Troubles psychomoteurs dans les TSA 4

1.2.1. Développement sensori-moteur 4

1.2.2. Développement cognitif 5

1.2.3. La dimension socio-communicative 6

1.3. La prise en soins des TSA 7

2. La sensorialité 9

2.1. Fonctionnement normal des sens 9

2.1.1. Le développement sensoriel 9

2.1.2. La perception 9

2.1.3. Les sens comme base des apprentissages 10

2.2. Fonctionnement sensoriel chez la personne avec TSA 11

2.2.1. Les manifestations sensorielles 11

2.2.2. Les expériences sensorielles 12

2.2.3. Moyens d'adaptation 15

2.3. Les stéréotypies et autostimulations 15

2.3.1. Définitions 15

2.3.2. Origine des stéréotypies 16

2.3.3. Impact des stéréotypies sur le fonctionnement de la personne 18

3. L'intentionnalité dans le mouvement, ou le passage du mouvement au

geste 19

3.1. Les bases du mouvement 19

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

3.1.1. De la posture aux praxies 19

3.1.2. Les espaces du mouvement 20

3.2. Les processus de représentation 21

3.2.1. Tout commence dans l'interaction 21

3.2.2. Appropriation du corps 22

PARTIE CLINIQUE 23

1. Présentation de la structure 23

1.1. L'institution 23

1.1.1. Les professionnels 23

1.1.2. Les locaux 24

1.2. Déroulé d'une journée type à l'IME 24

2. Présentation de Jamil 25

2.1. Anamnèse 25

2.2. Contexte du soin 25

2.3. Première rencontre 26

3. Les séances de psychomotricité 27

3.1. Une agitation psychomotrice marquée 27

3.1.1. Première séance : incapacité à rester immobile 27

3.1.2. Seconde séance : besoin sensoriel important ? 30

3.1.3. Troisième séance : une perturbation du cadre 31

3.1.4. Quatrième séance : mise en danger 33

3.1.5. Cinquième et sixième séance : mise en place d'une routine 34

3.2. Le profil sensoriel, une entrée dans le monde de Jamil 35

3.3. Modification des conduites 37

3.3.1. Septième séance : recherche d'attention 37

3.3.2. Huitième séance : une fatigue qui modifie l'agitation 39

3.3.3. Neuvième séance : du corps à l'objet 40

3.3.4. Dixième séance : apporter de la variation 41

3.3.5. Onzième séance : réussir à s'apaiser et à se rencontrer 42

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

4. Synthèse des séances avec Jamil 43

PARTIE THÉORICO-CLINIQUE 44

1. Une motricité subie 44

1.1. Instabilité 44

1.1.1. Un monde instable, et recherche de stabilité 44

1.1.2. Aspect stéréotypique du mouvement 45

1.1.3. Déséquilibre sensori-tonique 46

2. Une psychomotricité en mouvement 48

2.1. Naissance d'une intention 48

2.1.1. L'intention du psychomotricien 48

2.2. Apaisement moteur 49

2.2.1. Structuration temporelle 49

2.2.2. Structuration spatiale 50

2.2.3. Sécurité qui mène à l'apaisement 51

2.3. Début de symbolisation 52

2.3.1. Des expériences qui font trace 52

2.3.2. Déplacer l'attention sur le geste 55

2.3.3. Geste symbolisé 55

CONCLUSION 56

BIBLIOGRAPHIE

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

LEXIQUE

ABA : Applied Behavior Analysis ou Analyse Appliquée du Comportement

ANESM : Agence Nationale de l'Évaluation et de la qualité des établissements et services

Sociaux et Médico-sociaux

CIM-11 : Classification Internationale des Maladies, onzième édition

CPS-R : Checklist du Profil Sensoriel - Révisé

DSM-5 : Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux, cinquième édition

HAS : Haute Autorité de Santé

IME : Institut Médico-Éducatif

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

PPA : Projet Personnalisé d'Accompagnement

SESSAD : Service d'Éducation Spéciale et de Soins À Domicile

TDAH : Trouble Déficitaire de l'Attention avec ou sans Hyperactivité

TDI : Trouble du Développement Intellectuel

TEACCH : Treatment and Education of Autistic Children and related Communication

Handicapped ou Traitement et Éducation des Enfants avec Autisme et autres Handicaps

de la Communication

TND : Trouble du Neuro Développement

TSA : Trouble du Spectre de l'Autisme

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

INTRODUCTION

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

INTRODUCTION

Toujours intéressée par le travail du corps et le soin, mon projet initial après le lycée était de devenir kinésithérapeute. Mon parcours m'a ensuite amenée à découvrir la psychomotricité, jusqu'alors inconnue pour moi. La psychomotricité dans ses aspects corporels, mais aussi psychiques et relationnels m'a tout de suite intéressée.

C'est par une rencontre avec une enfant en cabinet libéral, en deuxième année de psychomotricité, que naît mon intérêt pour la clinique des Troubles du Spectre de l'Autisme (TSA). Tout particulièrement, c'est la question des sens qui m'interpelle. Dans sa motricité ainsi que dans la relation, les éléments sensoriels semblent prendre une place importante pour cette jeune fille, dans des comportements de recherche ou d'évitement des stimuli. À quoi ressemble le monde dans lequel cette enfant vit ? À quel point sa perception de l'environnement diffère-t-elle de la mienne ? Comment puis-je parvenir à sentir au travers de ses sens à elle, et ainsi comprendre ce qu'elle vit ? Est-ce au moins possible de comprendre, quand je suis moi-même imprégnée de mon vécu sensoriel ?

Ainsi, la question de la perception sensorielle atypique dans les TSA et de ses conséquences sur la psychomotricité des personnes autistes suscite chez moi un vif intérêt. Cette ouverture sur les sens me fait prendre conscience de leur importance dans la psychomotricité de tout individu.

Cette envie de comprendre, d'explorer le fonctionnement sensoriel me pousse à chercher un stage dans la clinique de l'autisme pour ma troisième année de psychomotricité. Au cours de ce stage, j'observe beaucoup de comportements liés aux sens chez les enfants que je rencontre. Jamil, un enfant que j'apprends à connaitre au sein d'un groupe psychomoteur, m'interpelle tout particulièrement : sa motricité semble être au service de sa sensorialité. Si le corps n'est qu'un moyen de satisfaction sensorielle, quelle relation au monde est-il possible de construire ?

L'image que me renvoient ces mouvements d'autostimulation est celle d'un corps prisonnier de ses besoins sensoriels, d'une motricité esclave de ces contraintes. Mais alors, comment l'approche psychomotrice peut-elle permettre à un enfant avec un TSA qui s'enferme dans des autostimulations sensorielles de retrouver une intentionnalité dans le mouvement ?

Afin de répondre à mon questionnement et à l'aide de références théoriques, j'expliquerai dans un premier temps ce que sont les TSA ainsi que les troubles psychomoteurs souvent

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rencontrés dans ces troubles. J'aborderai dans une seconde partie le développement sensoriel normal puis le fonctionnement sensoriel spécifique des TSA, en expliquant ce que sont les stéréotypies et autostimulations. Enfin, j'aborderai la construction du geste intentionnel dans le développement normal de l'enfant.

Dans un second temps, je présenterai ma clinique auprès de Jamil, de façon chronologique, afin de comprendre l'évolution progressive observée en séances. J'accompagnerai mes observations de mes ressentis et des différentes hypothèses qui en sont issues.

Enfin, je mettrai en lien les éléments théoriques à ma clinique pour tenter de répondre à ma problématique.

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LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

PARTIE THÉORIQUE

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)

PARTIE THÉORIQUE

1. Les Troubles du Spectre de l'Autisme (TSA)

1.1. Généralités 1.1.1. Définitions

La multiplicité des définitions de l'autisme rend bien compte de la diversité des manifestations cliniques de ce trouble. Je me baserai dans cet écrit sur deux classifications pour expliquer cette pathologie.

Le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux, cinquième édition (DSM-5), introduit le Trouble du Spectre de l'Autisme (TSA) (American Psychiatric Association, 2015). Le terme de « spectre » illustrant la grande variabilité des handicaps d'un individu à l'autre. Le DSM-5 considère une dyade symptomatique dans le diagnostic de TSA consistant en un déficit de communication sociale ainsi que des comportements restreints et répétitifs. Les déficits de communication sociale sont divisés en trois critères : des troubles dans la réciprocité socio-émotionnelle, dans les conduites non verbales à visée communicative et dans l'entretien et la compréhension des relations. Quatre critères sont repérés dans les agissements restreints : des discours et mouvements stéréotypés, une intolérance aux changements, des intérêts restreints et des particularités sensorielles.

Les TSA sont considérés comme Troubles du Neuro Développement (TND) : ils se manifestent pendant la période du développement.

L'impact sur le fonctionnement du sujet ainsi que l'exclusion d'un retard global de développement ou d'un handicap intellectuel pouvant mieux expliquer les symptômes sont aussi des éléments à prendre en compte (American Psychiatric Association, 2015).

En janvier 2022, la CIM-11, onzième édition de la Classification Internationale des Maladies publiée initialement en 2019 (OMS, 2022) est entrée en vigueur. La définition de l'autisme dans cette nouvelle édition de la CIM reprend les termes de trouble neurodéveloppemental et de trouble du spectre de l'autisme. On y retrouve la dyade symptomatique décrite dans le DSM-5.

Par souci de clarté, je désignerai dans cet écrit les personnes avec TSA « personnes autistes ».

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1.1.2. Les TSA et leurs comorbidités

Nous l'avons mentionné, l'autisme est aujourd'hui considéré comme un spectre. La variabilité interindividuelle des troubles peut s'expliquer par la différence d'intensité des symptômes, mais aussi par la possible association avec d'autres handicaps.

Pour être au plus proche des besoins de la personne autiste, il est donc important de rechercher et spécifier les comorbidités. On peut identifier des comorbidités développementales et psychiatriques (Toureille, 2019). Parmi les affections développementales, on distingue la déficience intellectuelle ou le Trouble du Développement Intellectuel (TDI), introduit dans le DSM-5 (American Psychiatric Association, 2015). Le TDI correspond à un déficit des capacités mentales qui altère les compétences d'adaptation et d'autonomie. On peut aussi observer des troubles du langage chez les personnes autistes, ainsi que divers désordres moteurs (Toureille, 2019). Le Trouble Déficitaire de l'Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) est souvent associé au TSA. On retrouve dans les comorbidités psychiatriques des troubles anxieux, la dépression ainsi que la schizophrénie.

Il est également fréquent qu'une épilepsie soit associée à un TSA (Amiet et al., 2010). Celle-ci est importante à repérer, car elle peut être une cause de troubles du comportement. Les TSA sont parfois reliés à des maladies génétiques tels que le syndrome de l'X fragile ou la trisomie 21 (Toureille, 2019). Tous ces éléments vont entrer en compte dans la prise en soins des personnes autistes.

1.2. Troubles psychomoteurs dans les TSA 1.2.1. Développement sensori-moteur

Comme énoncé précédemment, les personnes autistes peuvent présenter des particularités sensorielles. Nous l'aborderons plus tard, mais les aspects sensoriels et moteurs sont étroitement liés dans le développement de l'enfant. Il semble donc cohérent que des troubles moteurs puissent être retrouvés chez ces individus.

Bien que les problématiques motrices puissent être variées en fonction des comorbidités, on repère dans les TSA des éléments de développement récurrents. On peut observer assez tôt des problématiques de régulation du tonus, avec une hypotonie de fond (Paquet, 2019; Réveillé et al., 2018). Joly (2010) mentionne aussi des alternances entre des états d'hypotonicité et d'hypertonicité. Ces troubles vont être marqués dans la relation, avec des discordances dans l'ajustement tonico-émotionnel.

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Sur le plan postural, les enfants avec TSA peuvent présenter des stratégies de compensation pour maintenir leur équilibre (Paquet, 2019; Réveillé et al., 2018). En plus de l'aspect tonique, leurs difficultés sur le plan sensoriel peuvent affecter leur contrôle postural.

L'étude de la marche chez de jeunes enfants autistes montre des particularités dans celle-ci, avec notamment une diminution d'amplitude dans les mouvements (Paquet, 2019). Cette baisse d'amplitude permettrait de maintenir un équilibre dans le mouvement. La marche est dans l'ensemble moins fluide et moins bien orientée. Ces difficultés diminuent au cours de la croissance des enfants.

La motricité globale et la motricité fine sont, elles aussi, souvent impactées (Paquet, 2019). Des coordinations et une dextérité manuelle déficitaires peuvent influer sur les apprentissages et doivent donc être prises en compte. Encore une fois, les capacités motrices peuvent être perturbées par des problématiques sensorielles.

Joly (2010) précise que les aspects relationnels de la motricité sont perturbés, avec notamment des difficultés dans la reproduction de gestes et l'imitation. Les activités motrices sont souvent autocentrées et les jeux demandant d'être en relation sont peu investis. Le corps va aussi pouvoir être utilisé dans des mouvements répétitifs et stéréotypés (Paquet, 2019). De plus, Joly (2010) décrit une motricité duelle, avec des moments de forte agitation opposés à des moments de ralentissement moteur.

L'appréhension de l'espace et du temps se retrouve souvent déficitaire elle aussi (Joly, 2010). Des études montrent que la latéralisation chez les sujets TSA est sujette à des perturbations, pouvant être en lien avec le langage (Paquet, 2019).

Enfin, Joly (2010) explique que, plus que les difficultés ou capacités repérées individuellement dans chaque item psychomoteur, c'est la notion d'équilibre entre ces items qui importe. En effet, on peut repérer une certaine dysharmonie dans les compétences des personnes autistes.

1.2.2. Développement cognitif

La sensorialité et la motricité sont liées entre elles, mais elles sont aussi en lien avec le développement cognitif. Les personnes autistes présentent un fonctionnement cognitif singulier. Là encore, on observe une grande diversité des niveaux cognitifs, allant de la déficience intellectuelle sévère à un haut potentiel intellectuel.

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Les personnes autistes présentent souvent des particularités dans le traitement perceptif, en lien avec leur sensorialité (Gillet, 2019). Elles vont avoir tendance à percevoir les détails de leur environnement, sans parvenir à en faire une représentation globale.

Outre les ressources cognitives en tant que telles, c'est leur utilisation dans la réalisation d'activités au quotidien qui importe (Plumet, 2019). Ce sont les fonctions exécutives qui permettent la mise en oeuvre des capacités de l'individu. Elles permettent la planification et l'exécution d'actions et de raisonnements, mais aussi l'adaptation de ceux-ci aux situations. La notion de flexibilité est donc importante dans ce processus qui nécessite de bonnes capacités dans plusieurs domaines.

En effet, pour aboutir à une activité finalisée, avec un but, la perception, l'attention, l'inhibition motrice et cognitive, la planification et la mémoire de travail sont essentielles. Chez les personnes autistes, certains de ces domaines sont impactés. Des études ont montré que chez les jeunes enfants avec TSA l'inhibition motrice est difficile à acquérir, ces difficultés se normalisent cependant au cours du développement. On sait aussi que les personnes autistes peuvent avoir tendance à adhérer à des rituels, à résister aux changements, rendant difficile l'accès à de nouveaux apprentissages, mais aussi l'adaptation d'une même action dans un environnement différent (Plumet, 2019; Réveillé et al., 2018).

Ce manque de flexibilité est lié à un problème dans l'inhibition de l'action apprise, mais aussi à des difficultés dans la généralisation d'un fonctionnement d'un contexte à un autre. Dans les environnements multisensoriels, la tendance à la focalisation sur les détails empêche la personne de comprendre le contexte dans lequel elle se trouve (Gillet, 2019). Ce processus de généralisation des informations en un tout ayant un sens est appelé la cohérence centrale.

L'aspect sensoriel peut aussi influer sur l'action, des éléments de l'environnement pouvant jouer un rôle de distracteur. La question de l'intérêt d'une action ou de son inhibition entre aussi en compte, les intérêts sociaux ne sont par exemple pas toujours compris par les personnes autistes (Plumet, 2019).

1.2.3. La dimension socio-communicative

La question de la communication sociale est un des critères de diagnostic des TSA. En effet, les enfants avec un TSA présentent souvent dès les premiers mois des dysfonctionnements dans la communication non verbale (Garrigou, 2019; Réveillé et al., 2018). Les auteurs le remarquent notamment au niveau du regard, avec peu de contacts

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visuels, mais aussi dans les réactions aux stimuli. Le bébé va montrer peu de réponses à la voix humaine et des expressions faciales et vocales pauvres. Plus tard, les gestes de communication comme l'attention conjointe ou le pointer du doigt sont souvent incompris et rarement utilisés dans une dimension sociale (Garrigou, 2019; Réveillé et al., 2018). Les enfants autistes présentent peu de comportements d'imitation, et vont avoir du mal à se mettre à la place de l'autre, à comprendre ce qu'autrui peut ressentir.

L'apparition du langage chez ces enfants est souvent retardée, et peut prendre des formes atypiques, comme les écholalies (Garrigou, 2019; Réveillé et al., 2018). Les écholalies sont des répétitions de mots ou de phrases de façon immédiate ou différée (Garrigou, 2019). Elles sont souvent inadaptées au contexte et ne varient pas dans leur ton ou leur forme. Dans les cas de déficience intellectuelle importante, elles peuvent être la seule manifestation langagière de l'enfant. Les écholalies, mêmes inadaptées au contexte, peuvent avoir une fonction de communication pour le sujet.

1.3. La prise en soins des TSA

Nous l'avons compris, les TSA regroupent des situations cliniques très diverses, avec un fonctionnement cognitif et sensori-moteur spécifique. La prise en soins nécessaire pour répondre à ces troubles est donc elle-même caractéristique. Pour encadrer l'intervention auprès des personnes autistes, la Haute Autorité de Santé (HAS) et l'Agence Nationale de l'Évaluation et de la qualité des établissements et services Sociaux et Médico-sociaux (ANESM) ont mis au point des recommandations de bonnes pratiques (HAS & ANESM, 2012).

Plusieurs points sont abordés dans ces recommandations. Tout d'abord, il est primordial d'évaluer les capacités et les besoins des individus initialement, puis de manière régulière afin d'ajuster au mieux les interventions proposées à tout moment. Ces interventions devront alors être individualisées et appliquées dans une approche globale et coordonnée entre les professionnels, mais aussi avec les familles. Il est essentiel que la prise en soins soit mise en place de façon précoce.

Des approches d'interventions ont été développées dans les établissements afin de répondre aux besoins des sujets (Le Menn-Tripi & Zupranski, 2019). Ces démarches peuvent être éducatives, développementales ou comportementales et se complètent entre elles. Elles prennent en compte la structuration de l'environnement, la notion de co-construction des soins avec les familles et l'intensité des soins, le tout dans un but de généralisation des apprentissages.

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Le modèle d'intervention précoce de Denver est une méthode développementale et comportementale. Elle s'adresse à des enfants d'âge scolaire, et développe des objectifs à court terme. Chaque activité proposée présente plusieurs objectifs et se base sur le principe que le jeu et la relation développent la motivation sociale.

Le dispositif de Traitement et Éducation des Enfants avec Autisme et autres Handicaps de la Communication (TEACCH) est un modèle éducatif. C'est une forme d'éducation structurée qui permet d'encourager les apprentissages et l'autonomie en adaptant l'environnement et les consignes proposées. Ces aménagements peuvent prendre la forme de supports visuels, d'une structuration de l'espace et du temps... Des séances en vis-à-vis avec la personne permettent de développer les compétences émergentes, d'où la nécessité d'une évaluation préalable (Le Menn-Tripi & Zupranski, 2019).

Une autre méthode plébiscitée est celle de l'Analyse Appliquée du Comportement (ABA). C'est un modèle d'intervention comportemental. Il consiste en une analyse des comportements, de ce qu'il se passe avant et après ceux-ci, de ce que l'individu en retire, afin d'encourager les bons agissements et de diminuer les comportements problèmes. Un temps progressif d'apprentissage des bons comportements est proposé, souvent avec un système de renforçateur pour jouer sur la motivation du sujet. L'objectif sera de diminuer les renforçateurs avec le temps pour autonomiser l'individu. Le lien avec l'intervenant doit être un lien de confiance, un temps de pairing est donc proposé en amont des apprentissages pour créer la relation (Le Menn-Tripi & Zupranski, 2019).

Ces méthodes sont généralement utilisées de façon complémentaire dans les structures accueillant des personnes autistes. Elles prennent en compte un des objectifs essentiels de la prise en soin des personnes autistes : l'autonomie (HAS & ANESM, 2012). L'autonomie, c'est avoir conscience de ses actions, et pouvoir les mettre en oeuvre librement et de façon adaptée à l'environnement (Orjubin, 2022).

De plus, l'évaluation et la prise en soins des troubles sensoriels sont prises en compte dans les recommandations de la HAS ainsi que dans ces méthodes (HAS & ANESM, 2012). Cela montre bien que la question sensorielle prend une place importante dans la prise en soins de la personne autiste.

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2. La sensorialité

2.1. Fonctionnement normal des sens 2.1.1. Le développement sensoriel

Avant d'aborder les particularités sensorielles dans les TSA, comprendre le fonctionnement sensoriel normal est essentiel.

Les sens sont présents dès la vie foetale et se développent un à un : tout d'abord le sens tactile, puis l'équilibration qui comprend la proprioception et le sens vestibulaire, puis la gustation et l'olfaction, ensuite l'audition et enfin la vision (Degenne et al., 2019). Les organes des sens sont les yeux pour la vision, les oreilles pour l'audition, le nez et la bouche pour l'olfaction et la gustation, la peau pour le sens tactile, des récepteurs internes pour la proprioception et l'oreille interne pour le sens vestibulaire (Bogdashina, 2012/2020). Les récepteurs tactiles peuvent recevoir des informations de toucher léger, de pression, de température et de douleur, ils sont répartis différemment en fonction des zones du corps. Les récepteurs proprioceptifs se trouvent au niveau des muscles, des tendons et des articulations et permettent de connaitre la position de son corps dans l'espace (Bogdashina, 2012/2020). Ces organes reçoivent les stimuli de l'environnement interne ou externe par des récepteurs, qui le transforment en message nerveux. Ce message circule jusqu'au système nerveux central qui les identifie, les assemble et les interprète dans des aires cérébrales spécifiques.

Des études ont montré que le fonctionnement sensoriel est multimodal, c'est-à-dire que les différents sens sont en interaction (Degenne et al., 2019).

2.1.2. La perception

Au début de sa vie, le bébé ne perçoit le monde que par contrastes et par comparaisons (Livoir-Petersen, 2008). Il ressent simultanément les différents sens, ainsi que les stimuli internes et externes à son corps. Alors qu'il perçoit son environnement, il éprouve aussi les modifications tonico-émotionnelles que cela lui fait vivre. Bullinger (2007b) explique qu'on observe toujours des réactions tonico-posturales lors de la perception de flux sensoriels.

Ces réactions sont à la base du sentiment de soi qui sert de référence dans l'intégration sensorielle (Livoir-Petersen, 2008).

La perception, c'est le processus de réception, d'interprétation et de compréhension des informations sensorielles (Bogdashina, 2012/2020). Ce processus se déroule en plusieurs étapes. Nous avons tout d'abord l'étape de la sensation, c'est un stade de qualification du

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stimulus, dans son intensité, sa durée, etc. Il n'a pas encore de sens. C'est une phase où la perception est littérale et objective. Puis les aires cérébrales spécialisées traitent les informations sensorielles reçues, et les associent en un tout multimodal qui permet une identification de l'objet. C'est la phase d'interprétation. Enfin, l'objet identifié va pouvoir être associé et comparé aux représentations mentales, pour accéder à un concept d'utilisation de cet objet par exemple.

Le premier apprentissage du bébé est la discrimination des stimuli, c'est-à-dire l'identification et la caractérisation des informations sensorielles reçues (Bogdashina, 2012/2020). Ensuite vient le développement de l'attention aux stimuli, la sélection des informations pertinentes de l'environnement, aussi appelée modulation. Enfin, le bébé sera capable d'économiser sa prise d'information au minimum nécessaire pour sa compréhension. Cette dernière capacité permet une économie d'énergie dans l'analyse de l'environnement, facilite la mémorisation et permet d'être disponible à d'autres éléments d'apprentissage par exemple.

Grâce à la multiplicité des expériences et à la mémorisation des éléments sensoriels de son milieu, l'enfant aura accès à l'anticipation. Bogdashina (2012/2020) ajoute que la perception du monde est toujours teintée de subjectivité, elle dépend des expériences sensorielles déjà vécues, de l'intérêt porté à certains aspects de l'environnement, etc.

2.1.3. Les sens comme base des apprentissages

« Tout ce que nous connaissons du monde et de nous-même nous vient de nos sens. » (Bogdashina, 2012/2020, p. 54)

Le bébé perçoit donc son environnement très tôt, mais il devra encore développer ses capacités de reconnaissance, de traitement et de filtrage des stimuli sensoriels internes et externes (Degenne et al., 2019). Cette capacité à traiter et donner un sens aux informations sensorielles sert de base au développement moteur, social et cognitif. Livoir-Petersen (2008) explique que la multiplication des vécus sensoriels permet une habituation à ceux-ci, et ainsi une connaissance de plus en plus variée du monde et des objets.

La pyramide des apprentissages formulée par Williams et Shellenberger en 1996 place les sens comme base pour toutes les sphères de développement (cité par Degenne et al., 2019). En effet, les sens et leur intégration influencent le langage, la motricité, les comportements sociaux et la cognition par leur présence dans chacun de ces domaines. Avant de pouvoir être acteur dans son quotidien, le sujet doit pouvoir comprendre son

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environnement grâce aux informations sensorielles qu'il reçoit. Les sens vont alors participer aux apprentissages ainsi qu'à la régulation des émotions et des comportements.

2.2. Fonctionnement sensoriel chez la personne avec TSA

Nous l'avons abordé, la question sensorielle est présente dans beaucoup d'aspects du développement des personnes autistes. Certaines difficultés motrices et cognitives peuvent être liées à leur fonctionnement sensoriel atypique.

2.2.1. Les manifestations sensorielles

Les symptômes sensori-moteurs dans les TSA apparaissent très tôt, dès les premiers mois de vie du bébé (Degenne et al., 2019). On le remarque sur le plan visuel et auditif, avec généralement peu de contacts oculaires et des réactions atypiques aux sons. Les systèmes proprioceptifs et vestibulaires sont aussi impactés, cela se traduit par de mauvais ajustements toniques et posturaux, une tendance à rester statique.

Les perturbations sensorielles sont présentes dans la majorité des TSA, mais la diversité de leurs manifestations rend difficile l'élaboration d'un profil type. On peut cependant dégager certains éléments souvent présents (Degenne et al., 2019). Il est à préciser que ce ne sont pas les organes sensoriels en eux-mêmes qui dysfonctionnent, mais c'est l'intégration des informations perceptives qui se fait de façon atypique (Gorgy, 2014).

Sur le plan visuel, les personnes autistes vont principalement traiter les informations de manière locale (Degenne et al., 2019). Elles vont s'intéresser à des détails, et ainsi manquer de globalité dans leur perception visuelle. Nous pouvons mettre cela en lien avec leur traitement cognitif et leurs difficultés à créer des représentations globales, certainement impactés par cette donnée sensorielle. La perception visuelle est souvent dominante par rapport aux autres sens chez les personnes autistes. Gorgy (2014) ajoute aussi que la luminosité et l'intérêt pour les détails perturbent le traitement des visages et donc les interactions sociales.

Le sens tactile est lui aussi souvent perturbé et cela va impacter certaines activités du quotidien comme l'habillage, la toilette, etc. (Degenne et al., 2019) La question de la perception de la douleur et de la température se pose aussi souvent dans la clinique de l'autisme. Selon Gorgy (2014), les réactions au toucher peuvent influer sur l'attention et les interactions sociales, notamment avec la dimension affective du toucher qui est mal perçue.

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Au niveau de l'audition, Gorgy (2014) explique que les aires cérébrales liées à l'audition sont sous-activées, cela perturbe l'intégration du langage et provoque des réactions d'évitement ou de recherche sensorielle. On remarque souvent une sous-réaction à la voix humaine, et des problèmes de filtrage des sons (Degenne et al., 2019).

Sur les plans olfactif et gustatif, une hypersélectivité, des besoins de tout sentir, des troubles de discrimination gustative peuvent être observés. L'alimentation est donc un point important à interroger chez les sujets TSA, d'autant plus que l'aspect tactile intervient aussi dans celle-ci.

Des particularités dans le contrôle postural, des maladresses ou encore des perturbations de l'équilibre peuvent être en lien avec des traitements proprioceptif et vestibulaire dysfonctionnant (Degenne et al., 2019).

Les sens fonctionnant de façon multimodale, il n'y a généralement pas qu'une seule modalité sensorielle touchée dans les TSA. L'intégration multimodale des informations sensorielles est perturbée, notamment dans la connexion entre les modalités sensorielles qui se fait avec un temps de latence (Gorgy, 2014). Le trop-plein d'informations sensorielles peut aussi conduire à une saturation. Les conséquences sur la vie quotidienne et sur les apprentissages vont donc être multiples. Ces particularités du traitement sensoriel vont empêcher l'expression des capacités du sujet, le rendre moins disponible aux interactions sociales, voire provoquer l'apparition de comportements dits « problèmes » (Degenne et al., 2019). Ces comportements peuvent prendre la forme d'agressivité, de troubles attentionnels, de stéréotypies, etc.

2.2.2. Les expériences sensorielles

Les personnes autistes ont une perception du monde différente de la nôtre. Leurs expériences sensorielles présentent des caractéristiques que nous allons tenter d'expliquer. Un premier degré de perception souvent observé dans les TSA est la perception littérale, c'est-à-dire sans interprétation (Bogdashina, 2012/2020). Le stimulus sensoriel ne prend pas sens, il n'est pas compris et reste au stade de la sensation. Dans le fonctionnement sensoriel typique, le cerveau anticipe et interprète ce qu'il perçoit avant même de l'avoir analysé en détail. Cette anticipation n'est pas réalisée dans la perception littérale.

Les personnes autistes ont souvent des problèmes dans le filtrage sensoriel (Bogdashina, 2012/2020). Ils ne distinguent pas les stimuli proches ou lointains, importants ou non. Ils perçoivent tout sans aucun filtre, chaque pièce ou situation constituant alors un tout de sensations. Le cerveau n'est pas capable de traiter une quantité si élevée d'informations et

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va ainsi fragmenter les perceptions sans signification particulière. Un objet va être identifié grâce à une petite quantité d'informations, un seul détail. Si ce détail change, il faut réapprendre à identifier l'objet. Un même objet peut même être divisé en plusieurs pièces séparées qui ne se lient pas entre elles (Bogdashina, 2012/2020).

Des difficultés dans le filtrage des informations signifient que quand un petit élément change, c'est le tout qui change, provoquant de la confusion chez la personne. En effet, la situation est similaire, familière, mais différente en même temps. La plupart du temps, les gros changements sont plus faciles à vivre pour la personne autiste, car ils constituent alors une situation complètement différente, nouvelle, qui ne crée pas de confusion (Bogdashina, 2012/2020). Cela mène à des associations d'évènements particulières, par exemple, si un jour un verre a été cassé et que le tapis du salon était bleu, alors à chaque fois que le tapis est bleu un verre doit se casser. On remarque dans ce cas une rigidité de la pensée, et un manque de généralisation. S'il y a une différence de contexte, ce n'est plus la même situation et la personne ne sait plus quoi faire. La création de routines et de rituels permet alors aux personnes autistes de se rassurer et de maintenir une continuité dans un monde trop changeant (Bogdashina, 2012/2020).

On remarque chez certaines personnes autistes un manque d'accoutumance aux sensations, celles-ci restent présentes même après que la stimulation initiale est arrêtée. C'est ce qu'on appelle l'effet de rémanence (Bogdashina, 2012/2020).

La perception peut aussi être déformée, distordue. La personne, pour équilibrer ses perceptions, pourra adopter des comportements nous paraissant étranges comme tourner en rond, sauter...

Un retard de traitement et un temps de latence de la réponse sont généralement observés dans les TSA. En effet, les processus de perception peuvent être différés, empêchant la généralisation d'informations. Réitérer la consigne, modifier l'élément va alors demander de recommencer le processus de traitement (Bogdashina, 2012/2020).

Les modalités sensorielles fonctionnent parfois en hypersensibilité ou en hyposensibilité. L'hypersensibilité c'est que le seuil de perception est bas, c'est-à-dire qu'il faut peu de stimulations, une faible intensité pour que la personne discerne les stimuli (Bogdashina, 2012/2020). La personne perçoit des éléments que nous ne percevons pas, comme des particules fines sur le plan visuel, des fréquences sonores sur le plan auditif, etc. L'hypersensibilité peut aller jusqu'à la douleur, les personnes autistes expliquent que les sensations sont parfois impossibles à supporter (Bogdashina, 2012/2020). L'anticipation du stimulus dérangeant provoque parfois un comportement problème comme la

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destruction de l'objet qui provoque la douleur. La question de la prévisibilité du stimulus est donc importante à intégrer dans nos soins. À l'inverse, la personne autiste peut développer des fascinations pour certains stimuli, ce qui lui permet de se couper du reste du monde. Le plaisir qu'elle en retire la rend cependant dépendante de cette stimulation (Bogdashina, 2012/2020).

L'hyposensibilité c'est quand le seuil de perception est haut. Il faut beaucoup de stimulations, une intensité importante pour que celles-ci soient perçues (Bogdashina, 2012/2020). Il est alors nécessaire de s'appuyer sur d'autres modalités sensorielles pour appréhender l'environnement.

Ces hyposensibilités et hypersensibilités s'observent en fonction des sens, mais aussi en fonction des différentes stimulations. Par exemple, une stimulation sonore peut être en hypersensibilité tandis qu'une autre est en hyposensibilité. Elles conduisent souvent à la mise en place de comportements de fuite ou de recherche de stimuli, allant parfois jusqu'à l'automutilation. Il est important de comprendre la fonction de ces comportements et de proposer des solutions plus adaptées avant de tenter de les supprimer (Bogdashina, 2012/2020).

Des incohérences de perception ne sont pas rares dans les TSA, lorsqu'une sensation est une fois en hypersensibilité et une autre en hyposensibilité, ou fluctue entre la normalité et l'une de ces sensibilités (Bogdashina, 2012/2020). Cette fluctuation dépend notamment de l'état d'excitation sensorielle initiale de la personne.

On remarque fréquemment un état de surcharge sensorielle chez les personnes autistes, en lien avec les expériences sensorielles présentées (Bogdashina, 2012/2020). Cette surcharge provoque des hypersensibilités, une incapacité à traiter les informations sensorielles, des comportements stéréotypés... Une sensation qui d'habitude n'est pas dérangeante peut donc le devenir lorsque la personne est en surcharge.

L'incapacité à traiter les informations se traduit par une fermeture sensorielle, ou une agnosie sensorielle temporaire (Bogdashina, 2012/2020). La fermeture correspond à un arrêt de traitement des informations provenant d'une ou plusieurs modalités sensorielles, ou un arrêt de la capacité à répondre aux sollicitations. Le traitement multimodal ne se fait plus et la personne se retire dans son monde, coupe les interactions sociales. L'agnosie sensorielle correspond à un retour temporaire à un mode de perception littéral, la personne ne peut plus mettre de sens sur ce qu'elle perçoit (Bogdashina, 2012/2020).

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2.2.3. Moyens d'adaptation

Des moyens inconscients d'adaptation à ces expériences sensorielles s'observent dans la façon dont les personnes autistes appréhendent le monde. Souvent, les personnes autistes fonctionnent en monotraitement, c'est-à-dire que pour préserver leur énergie et éviter la surcharge, elles ne traitent qu'un sens à la fois. Cela implique une perte des informations provenant des autres sens (Bogdashina, 2012/2020).

L'évitement de contacts trop directs avec leur environnement est aussi un moyen de se protéger de la surcharge. Effectivement, la perception directe pour chaque canal sensoriel est généralement hypersensible. Les personnes autistes fonctionnent donc avec une perception périphérique, plus facile à gérer au quotidien. Cela explique en partie leurs difficultés à regarder les personnes dans les yeux, ce contact est trop direct (Bogdashina, 2012/2020).

Les personnes autistes compensent parfois le défaut d'une modalité sensorielle par l'utilisation des autres sens. Cela conduit par exemple à l'appui sur l'olfaction pour découvrir les objets ou les personnes chez certains (Bogdashina, 2012/2020).

Des fonctionnements en résonnance sont remarquables chez les personnes autistes. La personne se perd dans les caractéristiques de l'objet, les fusionne à elle-même, et ressent les émotions de l'autre sans comprendre son origine. On appelle cela l'échoémotion (Bogdashina, 2012/2020).

2.3. Les stéréotypies et autostimulations 2.3.1. Définitions

Nous allons ici revenir sur l'un des critères de diagnostic des TSA : les comportements restreints, répétitifs et stéréotypés. Tout d'abord, il semble important d'expliquer ce qu'est un comportement stéréotypé. Les stéréotypies sont très fréquentes dans les TSA, mais difficiles à définir (Gorgy, 2018). En effet, la multiplicité de leur expression et le manque de connaissances sur les mécanismes physiopathologiques à leur origine rendent difficile le processus de définition. De plus, de nombreux termes différents sont utilisés pour les qualifier : persévérations, compulsions, comportements répétés... Les avis sur leur classification divergent aussi beaucoup.

On peut cependant les définir comme des conduites répétées, rythmées qui n'ont pas de sens apparent, sur un mode d'expression vocal ou moteur (Albaret, 2018; D'Ignazzio, 2019; Gorgy, 2018). Leur forme et leur intensité ne varient pas ou très peu.

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Ces comportements sont suppressibles (Gorgy, 2018) et sont à différencier des tics moteurs qui sont plus courts et variables, des rituels dans les troubles obsessionnels compulsifs ou de crises d'épilepsie (Albaret, 2018).

On distingue deux types de stéréotypies, celles dites primaires qui sont présentes dans le développement normal de l'enfant, et celles dites secondaires qui sont liées à des troubles (Albaret, 2018). Les stéréotypies primaires sont une manifestation corporelle des processus de développement neurologiques. Leur intensité est plus faible et elles ne persistent pas au-delà de 3 ans. Les stéréotypies secondaires sont pathologiques, intenses et persistantes. Leur degré de sévérité est souvent relié à un quotient intellectuel bas.

Dans les TSA, leur apparition est précoce (D'Ignazzio, 2019). On distingue plusieurs types d'expression des stéréotypies (Albaret, 2018; D'Ignazzio, 2019; Gorgy, 2018). Elles peuvent être motrices et toucher différentes parties du corps, dans des mouvements simples ou complexes, avec ou sans objet, de motricité fine ou globale (D'Ignazzio, 2019; Gorgy, 2018). Les autostimulations sensorielles, avec une recherche de sensations et de plaisir, sont aussi une forme de stéréotypie. Les aspects moteurs et sensoriels sont difficilement séparables, c'est pourquoi on trouvera souvent le terme d'autostimulations pour évoquer des stéréotypies (Gorgy, 2018).

Les stéréotypies peuvent être cognitives, et s'exprimer par des rituels ou un contrôle de l'environnement comme les alignements d'objets, ou encore verbales (D'Ignazzio, 2019).

2.3.2. Origine des stéréotypies

Plusieurs hypothèses de compréhension des stéréotypies ont été élaborées. Bullinger écrit en 2006 que les stéréotypies auraient pour fonction de maintenir l'organisation sensori-tonique (cité par D'Ignazzio, 2019). Cette hypothèse est appuyée par McBride et Parker en 2015, qui expliquent les stéréotypies comme moyen de gestion du stress (cité par Albaret, 2018). Elles seraient aussi un moyen de régulation du niveau de vigilance et de l'attention (Albaret, 2018; D'Ignazzio, 2019).

Si l'on considère l'aspect sensoriel des stéréotypies, celles-ci peuvent constituer un moyen de réponse aux hyposensibilités ou hypersensibilités dans une recherche ou un évitement de stimulations (D'Ignazzio, 2019; Gorgy, 2018). Elles persisteraient car le plaisir retiré de ces autostimulations renforcerait le comportement, allant jusqu'à le rendre addictif, mais aussi car il ne s'inscrit pas dans un processus d'habituation, et ne prend alors pas sens (Gorgy, 2018).

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Gorgy (2018) classe ces stéréotypies comme sensori-motrices, elles peuvent à terme disparaître pour laisser place à des actions fonctionnelles.

Gorgy (2018) explique que les stéréotypies peuvent apparaître en réponse à des dysfonctionnements des organes sensoriels. Le comportement stéréotypé aurait alors pour fonction de tenter de rétablir le système perceptif. Ces stéréotypies sont dites perceptivo-motrices.

Selon Gorgy (2014), le traitement perceptif des informations précède le traitement émotionnel, qui lui-même précède le traitement cognitif. Dans les TSA, le défaut de perception va engendrer une réaction émotionnelle qui va alors perturber la réponse motrice et comportementale. Si l'on suit ce principe, la perception d'une douleur va aussi pouvoir activer une réponse motrice spécifique, d'où l'importance d'une recherche de cause somatique aux stéréotypies.

Des troubles dans le fonctionnement cognitif peuvent aussi provoquer l'apparition de stéréotypies (Gorgy, 2018). En effet, la personne ayant des troubles des fonctions exécutives va peiner à structurer son action et donc rester dans des mouvements qu'elle connait. Le manque de flexibilité et la gestion attentionnelle vont aussi altérer l'accès à de nouveaux schèmes moteurs. Les stéréotypies d'origine cognitive sont dites cognitivo-motrices.

L'environnement peut avoir un effet sur les comportements répétés dans sa façon de répondre aux stéréotypies (D'Ignazzio, 2019). En effet, celles-ci peuvent aussi avoir une fonction de recherche attentionnelle ou d'évitement de certaines situations. La réponse à ces comportements va conditionner la répétition de ceux-ci ou non : si l'élément voulu est obtenu, la personne va systématiser le comportement pour l'avoir à nouveau.

Étant donné que l'on observe des stéréotypies dans la croissance normale de l'enfant, il semble important de ne pas ignorer la dimension développementale de celles-ci. Si elles incarnent des étapes du développement neurologique normal, elles peuvent en effet marquer un dérèglement dans celui-ci (Albaret, 2018).

Nous pouvons remarquer que les stéréotypies peuvent avoir de multiples explications, ce qui rend leur compréhension difficile. Pour comprendre l'origine et la fonction d'une stéréotypie, il est donc important de garder une approche bio-psycho-sociale et de chercher à la comprendre de façon multifactorielle (D'Ignazzio, 2019).

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2.3.3. Impact des stéréotypies sur le fonctionnement de la personne

Les stéréotypies peuvent être considérées comme une forme d'adaptation au milieu, car elles répondent généralement à des perturbations internes ou externes (D'Ignazzio, 2019). Pour déterminer quand agir sur une stéréotypie il est nécessaire de comprendre si celle-ci est organisante pour la personne, c'est-à-dire si elle permet de réguler sa sensorialité ou ses émotions, ou si elle est envahissante, c'est-à-dire si elle perturbe l'interaction ou l'attention de la personne.

Des échelles ont été mises en place pour l'évaluation des stéréotypies, elles permettent de mieux les appréhender et d'intervenir en cas de nécessité (Albaret, 2018; D'Ignazzio, 2019).

Nous allons agir sur les stéréotypies quand elles restreignent le répertoire moteur de la personne ou lorsqu'elles perturbent les apprentissages. Si l'intégrité physique de l'individu est menacée par la stéréotypie et que celle-ci tend à devenir une automutilation, il est impératif d'intervenir. L'aspect social peut être un motif d'action si le comportement paraît inadapté ou impressionnant (D'Ignazzio, 2019).

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3. L'intentionnalité dans le mouvement, ou le passage du mouvement au geste

Nous allons expliquer comment l'enfant parvient, sur la base de ses perceptions sensorielles, à une instrumentalisation de son corps, ou comment il passe d'un organisme à un corps. Bullinger (2007a) définit l'organisme et le corps comme deux éléments différents. L'organisme représente les fonctions corporelles biologiques, il est l'objet, tandis que le corps est la résultante des interactions de l'organisme avec son milieu, il est représentation.

3.1. Les bases du mouvement 3.1.1. De la posture aux praxies

Obéji (2020) présente la posture comme étant à la source du mouvement. En effet, la posture prépare le mouvement, sert de point de départ à celui-ci. Le maintien postural se fait grâce au tonus, et notamment au tonus axial. Un bon tonus axial libère les membres pour l'action, les retient dans un espace contrôlé et place la tête à la commande du reste du corps.

À partir de cette posture stable, le mouvement peut prendre naissance. Démarrer une action, c'est un équilibre entre l'activation de certaines chaînes musculaires et l'inhibition d'autres (Obéji, 2020).

Pour que le mouvement soit perçu dans le corps, il doit produire et avoir pour objectif une variation (Douchin, 2014, cité par Obéji, 2020). Le changement est en effet un aspect fondamental du mouvement. Il peut sembler paradoxal que le mouvement soit changement, mais nécessite une stabilité importante à sa réalisation.

Pour accéder à un nouveau geste, il faut alors oser créer un changement, aller vers une forme d'inconnu. « C'est ainsi que l'on peut considérer que ce n'est pas tant l'acte moteur qui fait le geste que l'intention, le désir qui l'anime. » (Obéji, 2020, p. 65).

Le terme de praxie désigne une action orientée dans l'espace dans le but d'interagir avec le milieu (Obéji, 2020), soit le passage d'un aspect sensori-moteur à un aspect symbolique du mouvement (Orjubin, 2022).

Une action orientée implique une analyse de l'environnement pour répondre au but fixé (Obéji, 2020). L'action dépend alors de nombreux facteurs : la maîtrise du geste dans ses dimensions spatiales et temporelles, un objectif que le geste permettra d'atteindre et la prise en compte des contraintes du milieu, qui peuvent évoluer au cours même du geste. Il

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est alors important que l'image corporelle soit stable pour servir de repère dans l'engagement d'une action.

De plus, la notion de rythmicité du geste, de son esthétisme vient apporter un intérêt et un plaisir à celui-ci, motivant ainsi les apprentissages (Obéji, 2020). Cela représente la dimension sociale du geste.

3.1.2. Les espaces du mouvement

La question des espaces est cruciale dans le développement du geste (Obéji, 2020). On distingue plusieurs notions d'espace au cours du développement. Au départ, c'est l'espace des déplacements qui se construit, c'est-à-dire l'organisation générale de l'espace, se situer dans celui-ci et pouvoir l'explorer.

Cette exploration est conditionnée par l'intérêt que va porter l'enfant aux objets : « Il est nécessaire de donner l'envie, la sécurité, de partager l'expérience, afin que l'enfant oriente ses perceptions sur ces objets parce qu'investi par d'autres. » (Obéji, 2020, p. 57)

L'exploration dépend aussi du sentiment de sécurité interne de l'enfant (Dugravier & Barbey-Mintz, 2015). Il se construit par le biais du système d'attachement à un adulte, créé par l'accumulation d'interactions avec celui-ci. Plus le lien d'attachement est sécure, plus l'enfant ose explorer un environnement inconnu. Les réactions émotionnelles provoquées par le milieu seront aussi mieux maîtrisées.

Puis l'espace des objets se développe, avec un repérage des différents objets du milieu (Obéji, 2020). La visualisation d'un espace nécessite de s'appuyer sur sa mémoire sensori-motrice, sur les mouvements du corps nécessaires pour s'y rendre, et implique donc d'avoir déjà pu l'explorer (Poincaré, 1917, cité par Obéji, 2020).

Enfin, l'espace des limites est maîtrisé, l'enfant fait la différence entre l'intérieur et l'extérieur, le soi et le non-soi (Obéji, 2020). Penser les espaces dans le geste, c'est aussi penser à celui du corps. Plusieurs noms existent pour représenter cet espace, comme le schéma corporel, l'image du corps, l'espace corporel, espace du soi... La construction de cet espace se fait par l'exploration sensorielle, par la perception de stimuli internes et externes. L'image du corps se construit alors que la perception sensorielle passe d'un fonctionnement monomodal à multimodal, et permet de délimiter l'intérieur et l'extérieur de celui-ci.

Le dialogue tonique participe à l'intégration du corps comme unité différenciée de son environnement (Livoir-Petersen, 2008). Le processus de construction de l'espace du corps est permis par le milieu humain ainsi que par la répétition des expériences (Obéji, 2020).

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Si l'image du corps n'est pas stable, les mouvements vont avoir pour rôle un maintien constant de celle-ci, allant à l'encontre de l'instrumentation du geste (Bullinger, 2007a).

3.2. Les processus de représentation 3.2.1. Tout commence dans l'interaction

Les processus de représentation commencent dans l'interaction entre l'organisme et son milieu (Bullinger, 2007a). Les caractéristiques stables de l'organisme et celles de l'environnement permettent une cohérence dans leurs échanges. Ainsi, l'équilibre sensori-tonique de l'organisme est indispensable à l'interaction. Cette cohérence et cet équilibre sont essentiels pour que les échanges entre l'organisme et son milieu donnent lieu à l'activité psychique. En effet, ils sont ce qui permet d'interagir sans se désorganiser et à terme de modifier ses conduites.

Piaget, en 1936, décrit trois niveaux de connaissance des objets (cité par Bullinger, 2007a). Le premier correspond à une connaissance dans l'interaction, et permet l'habituation à des signaux sensoriels perçus dans cette interaction.

Le second niveau de connaissance des objets correspond à la connaissance du geste sensori-moteur, dans ses aspects de vitesse, de force, qui peut alors être anticipé et répété. La représentation est alors centrée sur le mouvement et ses caractéristiques.

Enfin, ce sont les objets et l'espace qui sont représentés grâce à la trace du geste, à ses effets. La représentation ne dépend plus du mouvement, elle est déplacée sur l'effet de celui-ci. Le geste peut alors être planifié dans une perspective de modification du milieu et devenir action instrumentale.

L'activité psychique se construit grâce à la répétition et à la régularité des expériences sensorielles (Bullinger, 2007a). Au départ, le traitement des signaux sensoriels se fait sur la base du tout ou rien, d'alerte et d'orientation dans ce qu'on appelle la boucle archaïque. Le développement de la perception, développé précédemment, donne accès à une instrumentalisation progressive du geste.

La répétition des expériences sensorielles permet de les mémoriser et de les comparer, et à terme de les symboliser. Pour Obéji (2020), mémoriser et comparer les expériences implique que celles-ci aient fait trace et qu'elles trouvent un écho entre elles, qu'elles se généralisent et ne dépendent plus d'un contexte strict. D'un geste réalisé uniquement en réponse à l'environnement, le sujet va pouvoir passer à un geste d'instrumentation actif. L'anticipation repose alors sur la stabilisation des processus d'activation et d'inhibition musculaire, mais aussi sur la capacité à mémoriser et comparer les expériences entre elles.

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3.2.2. Appropriation du corps

Un équilibre psychocorporel est essentiel dans les processus d'élaboration des représentations (Obéji, 2020). Passer d'un mouvement purement sensori-moteur à une action symbolique nécessite en effet de pouvoir se sentir maître de son corps (Orjubin, 2022). Ce sentiment constitue la première étape au développement de l'autonomie. Maîtriser son corps, c'est se le représenter comme un objet à part entière de l'environnement, être soi-même acteur dans son milieu.

La seconde étape à la constitution de l'autonomie est l'appropriation de ses capacités psychomotrices en les adaptant au contexte temporel, spatial et social.

Le milieu humain joue un rôle crucial dans le passage de la boucle archaïque, système d'alerte aux stimuli, à la boucle cognitive (Bullinger, 2007a). Effectivement, grâce au dialogue tonique, le milieu humain donne accès à une régulation des états toniques engendrés par la perception des flux sensoriels. Livoir-Petersen (2008) décrit trois rôles du milieu humain dans la réorganisation tonico-émotionnelle du bébé. Ceux-ci sont de faire cesser ce qui a désorganisé le bébé, de le rassurer en lui apportant des éléments familiers et de montrer de l'empathie par le biais du dialogue tonique.

L'équilibre tonique nécessaire à l'interaction est alors maintenu et prend du sens dans celle-ci (Bullinger, 2007a). La boucle cognitive est constituée par l'apparition des représentations. Celles-ci offrent de nouveaux moyens de régulation tonique, d'anticipation et de compréhension du monde, et permettent de se détacher de l'environnement immédiat (Bullinger, 2007b).

Ainsi, de nouveaux gestes peuvent être mis en place, les conduites sont transformées.

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PARTIE CLINIQUE

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PARTIE CLINIQUE

1. Présentation de la structure

1.1. L'institution

En stage au sein d'un Pôle TSA départemental, je suis présente les mardis matin dans l'Institut Médico-Éducatif (IME) du Pôle. Les après-midi sont dédiés à un travail d'équipe mobile et de bilans psychomoteurs. Le patient dont je vais présenter le cas étant pris en soins à l'IME, je centrerai cet écrit sur mon expérience dans cet établissement.

1.1.1. Les professionnels

C'est un IME qui prend en soins des enfants avec un TSA de six à douze ans, avec TDI léger à modéré. L'IME fonctionne sur un système d'internat séquentiel avec un accueil des enfants de neuf heures à seize heures la journée, et de certains enfants quelques nuits dans la semaine. On y trouve trois unités de cinq à huit enfants, accompagnés de trois à cinq professionnels de l'éducation. L'équipe du quotidien est composée d'éducateurs spécialisés et de moniteurs-éducateurs. En parallèle, une psychologue et une psychomotricienne sont présentes en tant que professionnelles ressources. Elles proposent des bilans ou des observations sur le quotidien lorsqu'un besoin est identifié. La psychomotricienne anime aussi des groupes thérapeutiques pour les jeunes de l'IME.

Une coordinatrice de parcours supervise les suivis de chaque enfant et s'assure que les professionnels suivent les recommandations de bonnes pratiques. Chaque enfant a un éducateur référent qui sera l'interlocuteur privilégié pour les parents et les professionnels qui interviennent dans le soin de cet enfant.

Les objectifs de cette structure sont d'accueillir les jeunes avec TSA et leur apporter un maximum d'autonomie au quotidien grâce à des dispositifs d'éducation structurée.

À leur entrée, les enfants disposent de bilans et un Projet Personnalisé d'Accompagnement (PPA) est mis en place avec les équipes et les parents. Ce PPA est renouvelé chaque année en fonction de l'évolution de l'enfant et de ses troubles. On y détermine un objectif à l'année, décomposé en sous-objectifs évaluables, en déterminant donc des moyens d'évaluation objectifs.

La psychomotricienne intervient sur tout le Pôle, sur le Service d'Éducation Spéciale et de Soins à Domicile (SESSAD), l'IME, l'équipe mobile... Elle n'est donc pas à temps plein au

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sein de l'IME. Elle n'y fait que des prises en soins groupales afin d'apporter la psychomotricité à un maximum d'enfants sur le temps du mardi matin.

1.1.2. Les locaux

Les locaux sont aménagés en trois unités, dans lesquelles on trouve une salle à manger, une salle commune, une salle de loisirs, une salle d'apaisement sans aucun mobilier, une salle de vis-à-vis ainsi que des sanitaires et douches. Deux unités se partagent le rez-de-chaussée, tandis que la dernière unité est au deuxième étage. Une salle de psychomotricité et une salle multisensorielle sont partagées entre les trois unités et se trouvent au premier étage, avec les bureaux administratifs et la salle de classe.

La salle de psychomotricité est une grande salle, aussi utilisée pour les activités sportives. On y trouve au fond quatre agrès sportifs, comme des vélos elliptiques et agrès de marche. Une table avec deux chaises est installée pour les activités au bureau, un grand miroir est fixé au mur, suivi par un petit mur d'escalade et un espalier, et des chaises sont placées le long du mur adjacent. Au plafond est attaché un système de fixation pour la balançoire que l'on installe parfois, au centre de la pièce.

Une porte donne accès à un placard où est rangé le matériel de psychomotricité.

1.2. Déroulé d'une journée type à l'IME

Tous les matins de la semaine, les enfants arrivent à l'IME autour de neuf heures, pour la plupart en taxi. Un temps d'accueil leur est proposé dans leurs unités respectives. Là, ils sont libres jusqu'à leur première activité. Les enfants, dans leur journée, vont avoir des temps scolaires avec l'enseignante, des temps de vis-à-vis avec leur éducateur-référent, ou des temps d'activités plus ludiques parfois. Des sorties à la piscine sont aussi organisées dans la semaine. Des temps de récréation sont proposés en milieu de matinée et après le repas du midi.

L'établissement suit les méthodes TEACCH et ABA, et présente donc un environnement neutre, avec des pictogrammes et indications pour favoriser l'autonomie des enfants. Des schémas journaliers sont en place pour les enfants qui ont les capacités de les comprendre, avec des pictogrammes qui correspondent aux différentes activités et actions du jour. Les vis-à-vis peuvent servir à apprendre les pictogrammes, le fonctionnement d'un schéma, etc.

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2. Présentation de Jamil 2.1. Anamnèse

Je vais aborder le cas d'un jeune patient, que je nommerai Jamil, né en juillet 2014, il a donc sept ans et demi. On retrouve peu d'informations dans son dossier informatisé, et la présence limitée de la psychomotricienne au sein de l'IME ne permet pas de compléter les informations manquantes. Ma recherche d'informations supplémentaires auprès des équipes a été parasitée par le manque de temps d'échanges possibles. Je présenterai ici les quelques informations d'anamnèse que j'ai été en mesure de récupérer.

Jamil a deux soeurs, une plus jeune et une plus âgée, et ses parents sont séparés. Il a grandi dans un climat familial violent, son père est incarcéré depuis un an.

Le diagnostic de TSA est posé tardivement pour Jamil, autour de ses trois ans. La mère de Jamil observe notamment chez lui des problèmes de communication vers ses deux ans et demi et consulte à cette période. À la suite du diagnostic, Jamil n'est pas immédiatement pris en soin dans un établissement spécialisé et continue de vivre à son domicile. Il arrive à l'IME fin 2020, autour de ses six ans et demi. Je n'ai pas d'informations concernant d'éventuels suivis pendant la période entre le diagnostic et l'entrée à l'IME, mais il semble qu'il n'y avait pas de psychomotricité.

Le PPA de Jamil élaboré pour l'année est de pouvoir exprimer sa douleur et la localiser. Jamil peut en effet se mettre en danger et se faire mal. Selon la mère de Jamil, sa réaction à la douleur est souvent atypique.

Jamil n'a pas encore réalisé de bilan psychomoteur à mon arrivée, il est prévu qu'il en réalise un vers la fin de l'année. Son projet au sein du groupe est de pouvoir se poser et suivre les consignes sur un temps défini de la séance : sur le parcours psychomoteur. Cela s'inscrit dans la continuité de son PPA : afin de pouvoir prendre conscience de ce qu'il se passe dans son corps, il est nécessaire qu'il puisse s'apaiser sur le plan moteur.

2.2. Contexte du soin

Il n'y avait précédemment pas de psychomotricienne sur l'IME, Jamil ne disposait donc pas de suivi psychomoteur. La psychomotricienne arrive en novembre et j'arrive deux semaines après elle sur l'établissement.

Une éducatrice organise un groupe moteur avec quatre enfants de son unité, elle se trouve en difficulté à le mener et demande l'aide de la psychomotricienne. Cette dernière et moi-même nous sommes donc intégrées au groupe à sa demande afin de le coanimer. Ce

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groupe n'avait jusqu'alors pas d'objectifs formulés, ni de structure particulière, les enfants avaient accès libre au matériel qu'ils préféraient. La psychomotricienne observe deux séances du groupe avant mon arrivée afin de déterminer des objectifs et une structuration de séance. Notre arrivée marque alors un changement, la séance est structurée en différents temps : temps d'accueil, échauffements par des déplacements dans la pièce, parcours psychomoteur, temps sensoriel libre puis temps calme. Ces temps sont signifiés sur un schéma avec des pictogrammes.

Durant les séances de psychomotricité, je prends rapidement une place active dans l'accompagnement des jeunes sur les activités.

2.3. Première rencontre

Je rencontre Jamil pour la première fois au sein de son unité à l'IME, sur le temps d'accueil puis sur un temps de goûter juste avant de descendre en séance de psychomotricité. Jamil est un enfant d'origine arabe, il a le teint hâlé et les yeux marrons, ses cheveux sont sombres et légèrement bouclés. Il est plutôt fin, et a les traits du visage assez doux. Jamil semble plein d'énergie et difficile à poser. Il ne parle pas, mais peut produire des sons comme des cris lorsqu'il s'ennuie ou qu'il est dans l'excitation.

Jamil comprend bien le langage oral lorsque les phrases sont simples, il ne présente pas de déficience intellectuelle marquée. Il dispose d'un classeur avec différents pictogrammes qu'il peut prendre et montrer aux professionnels pour formuler des demandes. Jamil se saisit bien de cet outil pendant les temps de repas par exemple, où il est capable de demander un fruit ou du pain.

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3. Les séances de psychomotricité

3.1. Une agitation psychomotrice marquée

3.1.1. Première séance : incapacité à rester immobile

Lors de la première séance où j'assiste au groupe, nous expliquons aux enfants la nouvelle structuration de la séance et plaçons le schéma au mur. À chaque étape nous prenons le temps de montrer le pictogramme qui correspond.

Le premier pictogramme correspond à l'action de retirer ces chaussures. C'est une action qui était déjà réalisée en début de groupe, elle est donc bien intégrée par Jamil et les autres enfants.

Après avoir retiré ses chaussures, Jamil se dirige seul vers le placard pour aller chercher la balançoire. Il avait pour habitude d'utiliser cette balançoire sur le temps de groupe lorsque la monitrice-éducatrice l'animait seule. Nous lui indiquons que non, ce n'est pas encore le moment pour la balançoire, mais qu'il pourra l'avoir plus tard en fin de séance, comme récompense. Il accepte de ne pas avoir la balançoire, mais ne parviens pas à rester en place. Il court dans la pièce, avec un tonus élevé et grimpe sur l'espalier. Son agilité me surprend, il semble réaliser les mouvements de manière automatique, avec une bonne dissociation des membres et une maîtrise de son équilibre. Cependant, il ne semble pas réellement présent à ce qu'il fait. Lorsqu'il redescend, il saute, se jette presque au sol. Cela me surprend encore une fois, et j'éprouve une volonté d'aller le rattraper, comme s'il allait se faire mal. Il se réceptionne pourtant correctement sur ses deux jambes, malgré un impact assez fort qui le pousse à les plier. Tout cela se déroule très rapidement, Jamil me semble plein d'énergie et je me sens presque dépassée par sa vitesse.

Le temps suivant est un temps d'accueil, où nous nous passons une balle les uns aux autres en nous disant bonjour. Jamil a du mal à se calmer sur ce temps, son agitation est très présente : il court dans la pièce, sautille et escalade des agrès. Son tonus est encore une fois très élevé, dans ce qui semble un trop plein d'énergie. Il pousse aussi quelques cris d'excitation. Lorsqu'il a la balle dans les mains et qu'on lui demande de la donner à un autre enfant, il la lui jette sans vraiment regarder la direction de son geste. Son regard est porté sur son objectif suivant : l'espalier, vers lequel il se dirige au moment même où il lâche le ballon.

Puis nous entamons des échauffements, qui consistent en des déplacements dans la pièce : course, quatre pattes, ramper... Courir avec Jamil est possible et amène encore une fois de

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l'excitation, qui est ensuite difficile à contenir. Il va s'échapper alors que je suis avec lui pour l'accompagner et filer très vite à l'autre bout de la pièce, vers l'espalier, qu'il escalade encore une fois. Je lui dis de descendre, et le ramène assez aisément à l'activité en cours. Les déplacements au sol sont plus difficiles à réaliser, j'essaie de lui montrer, de le guider au sol, mais il ne le fait pas. Je me demande alors si c'est une question de compréhension ou d'envie, d'intérêt qu'il ne trouve pas dans le fait d'aller au sol. À ce moment, Jamil s'échappe à nouveau pour aller grimper sur les agrès, chercher à nouveau de la hauteur. Il me paraît alors insaisissable, comme s'il me « glissait » entre les mains, qu'il était impossible de le garder présent avec nous.

Nous prenons ensuite le temps d'installer un parcours psychomoteur. Ce temps de transition permet à Jamil de grimper à sa guise, sous notre surveillance. Je ressens cependant le besoin de toujours le surveiller. En effet, il est capable de se mettre en danger en escaladant les agrès, dans des positions de déséquilibre. Ce besoin d'être toujours vigilante à ce qu'il fait est présent durant toute la séance, alors que je le rencontre à peine.

Il vient ensuite s'intéresser au matériel que nous sortons et nous aider à l'installer. Nous installons une poutre en mousse, des barres à enjamber, des plaques sensorielles au sol, un tunnel ainsi qu'une planche d'équilibre. Jamil semble aimer nous aider à installer le matériel. Je porte alors sur lui un autre regard, son agitation laisse place à un enfant curieux. Il aide à placer les barres dans les plots, mais se trouve en difficulté pour les placer correctement dans les trous, car son regard n'est pas fixé sur ce qu'il fait. Cependant, pour la première fois de la séance je me sens « avec » lui, et non plus « autour » de lui.

Il est difficile de faire suivre le parcours à Jamil, il va commencer puis partir au milieu du parcours pour aller grimper sur l'espalier à nouveau. Nous le ramenons au parcours, pour qu'il le finisse, et aussitôt finit il retourne escalader les agrès. J'observe à chaque fois que lorsqu'il doit redescendre il ne prête pas attention à la présence d'un autre objet, d'une personne en dessous de lui, il se lâche afin de retrouver le sol.

Durant le parcours, Jamil parvient à aller au sol dans le tunnel, et s'y déplace à quatre pattes. Je suis étonnée, lui qui ne va pas au sol lors des déplacements accepte de le faire quand l'objectif est de traverser le tunnel. Je me questionne alors, la nature contenante du tunnel a-t-elle aidée à ce qu'il accepte de se déplacer au sol, ce qu'il n'a pas l'habitude de faire ? Ou la présence d'un but, traverser, le motive-t-elle à accepter un déplacement qui n'a d'habitude pas de sens, d'utilité pour lui ?

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Nous rangeons ensuite le matériel du parcours et sortons des éléments pour le temps sensoriel libre. Jamil nous aide encore une fois à ranger le matériel et montre de bonnes capacités de mémorisation : il est capable de replacer les objets dans le placard au bon endroit, sans que nous ayons à le lui indiquer. Sur ce temps sensoriel, Jamil demande à utiliser la balançoire, il la prend par lui-même et la place en dessous de la fixation, puis essaie de la soulever pour l'accrocher, mais n'atteint pas la hauteur de la fixation. C'est une balançoire à assise circulaire en tissu épais avec trois points d'attache qui se rejoignent en une fixation en haut. Une fois la balançoire attachée, j'observe Jamil se jeter dedans sans aucune considération pour son environnement ou du danger possible pour lui-même ou les autres. Il se balance très fort, très haut et ferme les yeux et place sa tête en arrière.

Ses comportements d'escalade que j'ai observés pendant la séance, mis en lien avec ce balancement durant le temps sensoriel, me questionnent sur un éventuel besoin de sensations vestibulaires chez Jamil. Il semble apprécier et rechercher les stimulations vestibulaires fortes.

Nous éteignons ensuite les lumières et jouons une comptine sur un téléphone afin de proposer aux enfants un temps calme. La comptine offre une enveloppe sonore et la baisse de luminosité permet de réduire les stimulations visuelles, offrant un espace d'apaisement sensoriel. La psychomotricienne, la monitrice-éducatrice et moi-même restons très disponibles durant ce moment. Nous offrons des stimulations tactiles avec des balles à picots ou un appui dos pour les enfants qui le veulent. Jamil apprécie la baisse de luminosité, mais il ne se pose pas dans cet espace, même avec les stimulations tactiles qui lui sont proposées. Il continue ses comportements d'escalade, de course et pousse même des cris qui semblent liés à une excitation.

À l'issue de cette séance, je m'interroge sur l'agitation que j'observe chez Jamil. Il me semble que l'immobilité lui est très difficile à atteindre, et que dans son mouvement il recherche une certaine hauteur et des éléments sensoriels vestibulaires. Son tonus axial est élevé, comme dans une recherche de grandissement et peut-être de sensations proprioceptives. Revenir au sol est difficile pour lui, malgré nos encouragements et nos démonstrations. Je fais l'hypothèse que revenir au sol n'apporte pas les sensations proprioceptives et vestibulaires que Jamil recherche, il n'y trouve donc pas d'intérêt. En effet, Jamil semble apprécier le déséquilibre, ce qu'un déplacement au sol apporte peu.

Ces comportements d'escalade et de course semblent le couper du monde et des conséquences de ses actions, Jamil est peu présent au groupe et aux activités qu'il réalise. Je l'observe, mais nos regards ne se croisent pas, il est absorbé par ses sensations. La relation avec Jamil ne semble pas trouver d'attache.

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Il est malgré tout relativement aisé de le ramener à l'action présente, lorsqu'on lui donne la consigne de descendre il le fait. Néanmoins, son besoin d'escalader revient rapidement et nous le « perdons » à nouveau. Ces conduites me paraissent très envahissantes au cours de la séance.

Je me demande alors si cette agitation est influencée par le changement que nous apportons au groupe, autant par la présence de deux nouveaux adultes que par le changement du dispositif. Cette agitation, proche d'une hyperactivité, me pose aussi une question sur l'éventuelle présence d'un TDAH associé. Après vérification auprès de la psychomotricienne, le diagnostic de Jamil n'inclut pas de TDAH.

L'aspect sensoriel me paraît dès le début assez présent dans le fonctionnement de Jamil et me questionne. Un profil sensoriel serait pour moi important à réaliser pour tenter de comprendre ce qu'il se joue pour lui.

Je me questionne aussi sur l'état de vigilance qu'il me fait vivre, mon attention semble accaparée par Jamil. Est-ce alors un moyen pour lui d'attirer, de maintenir l'attention sur lui ?

3.1.2. Seconde séance : besoin sensoriel important ?

La structure de cette seconde séance est la même que la semaine précédente, et se déroule plus aisément que la précédente, car déjà expérimentée par les enfants, mais aussi par nous-mêmes. Le cadre est plus facile à tenir auprès de Jamil et des autres enfants du groupe. Jamil est moins agité et accepte plus facilement les propositions d'activités. Sur le temps d'accueil, il continue de se déplacer et grimper, mais peut prendre la balle et la relancer à un autre enfant. Encore une fois, son regard n'est pas porté sur ce qu'il fait, bien que le geste ait été juste dans sa direction et sa force.

Durant les déplacements dans la pièce ensuite, Jamil court, mais ne va encore pas au sol. Les enfants de ce groupe vont tous peu au sol, alors nous décidons de placer dans le parcours des barres pour qu'ils passent en dessous à la place des barres à enjamber. Le reste du parcours reste le même, afin qu'ils s'habituent à celui-ci. Nous apporterons de la nouveauté plus tard, quand le cadre de la séance sera mieux intégré.

Lorsqu'il faut passer en dessous des barres, Jamil est capable de ramper. Ses mouvements sont alors moins précis et agiles que lorsqu'il escalade le mobilier, mais la dissociation des membres est bien présente. Encore une fois, il est difficile de le maintenir dans l'activité : une fois les barres passées, Jamil se met debout et court jusqu'aux agrès. Je suis obligée de le suivre et de le ramener au parcours afin qu'il le finisse, il est important qu'il distingue

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les moments de « travail » et les moments où il peut faire ce qu'il veut. Je me questionne à nouveau sur la fonction de cette fuite, est-ce purement une recherche de stimulations sensorielles qu'il ne peut réprimer ? Ou est-ce aussi un moyen de fuir une activité qu'il ne veut pas faire et qui pourrait le mettre en difficultés sur le plan sensori-moteur ?

Je me questionne aussi sur la pertinence de ce qui est proposé, s'il ne peut se passer d'informations sensorielles vestibulaires et proprioceptives fortes, comment peut-il réaliser un parcours entier qui en contient peu ? Le temps sensoriel libre où il peut se stimuler comme il le souhaite se déroule en fin de séance, comment tenir jusqu'à ce moment, alors même que le besoin est là, maintenant ? De façon plus générale, comment l'amener à une conscience du corps comme entité et non plus comme objet de satisfaction sensorielle ?

Durant le temps sensoriel libre ensuite, nous installons un ballon d'équilibre, constitué d'un demi-ballon fixé à une plateforme ronde et rigide. Nous le posons sur le côté planche, afin que le dôme du ballon serve de surface sur laquelle rebondir ou tenir en équilibre. Jamil s'y intéresse, il saute dessus en tenant les mains de la psychomotricienne. Son attention se porte ensuite sur une corde que nous avons attachée sur la fixation de la balançoire, il grimpe dessus, s'y balance. Il change rapidement d'intérêt pour se diriger vers l'espalier, qu'il escalade et sur lequel il se place en cochon pendu, les yeux fermés. Il se coince le pied dans une barre de l'espalier, et semble ne plus savoir comment s'en sortir. Il pousse des gémissements de plainte et essaie de tirer sur son pied pour le sortir du barreau, mais n'y parvient pas. Je perçois à ce moment de la peur chez Jamil, son tonus est élevé. Quand la psychomotricienne s'approche pour l'aider à descendre, elle pose sa main sur son ventre pour servir de soutien. Il dépose alors tout son poids sur sa main, et lâche complètement l'espalier. Sitôt qu'un appui humain lui est proposé, Jamil s'en sert comme support à son corps tout entier.

Pour finir, nous entamons le temps calme, toujours dans les mêmes conditions que la première séance. Encore une fois, il est impossible pour Jamil de se poser sur ce temps, il éprouve encore le besoin de bouger, toujours dans les mêmes mouvements d'ascension.

3.1.3. Troisième séance : une perturbation du cadre

À l'issue de ces premières séances, nous remarquons chez les enfants des difficultés à être présents aux activités proposées. Il semble qu'ils aient du mal à comprendre que le temps sensori-moteur libre arrive à la fin, et sont très envahis par des éléments sensoriels pendant les ateliers. Cette réflexion nous amène à déplacer ce temps libre en début de

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séance, après le temps d'accueil, afin de leur permettre de se « remplir » d'éléments sensoriels et ainsi être plus accessibles à nos propositions ensuite.

Une grève fait que la monitrice-éducatrice doit rester sur l'unité pour combler un manque d'effectif. La psychomotricienne et moi-même emmenons deux enfants du groupe afin de leur proposer une séance. Après le temps d'accueil qui se déroule plutôt aisément, nous proposons aux deux enfants, dont Jamil fait partie, un temps sensoriel libre. Jamil choisit encore une fois d'utiliser la balançoire, dans laquelle il se balance très fort, en fermant les yeux et en plaçant sa tête en arrière.

La psychomotricienne et moi-même profitons de ce temps sensoriel pour réorganiser la salle, ce qui attire l'attention des enfants sur les agrès, que nous déplaçons. Ils viennent alors les utiliser pour se stimuler, en observer les mécanismes, les utiliser.

Le temps de déplacements que nous proposons par la suite se déroule comme habituellement, il est difficile de faire en sorte que Jamil se déplace au sol. Puis, nous commençons à installer le matériel pour le parcours psychomoteur. Jamil refuse que nous sortions le matériel et cherche à le ranger par lui-même. Il refuse ensuite de faire le parcours et s'évertue à le ranger. Il pleure lorsque nous lui indiquons que ce n'est pas le moment de ranger, qu'il doit laisser le matériel à sa place. Ce comportement de rangement me questionne. Est-ce un moyen pour Jamil de nous montrer qu'il ne veut pas continuer la séance ? Nous avons sur cette séance perturbé le cadre : il manque les autres enfants ainsi que la monitrice-éducatrice, et nous plaçons le temps sensoriel en début de séance et non plus à la fin. Est-ce alors un moyen de garder un contrôle, une maîtrise alors que le cadre n'est plus connu ? Cette séance est la troisième où la psychomotricienne et moi-même intervenons, et la cinquième où la psychomotricienne est présente. Jamil ne nous a peut-être pas encore intégrées comme personnes de confiance et l'absence de la monitrice-éducatrice le laisserait alors sans repères stables.

Ma réflexion se porte aussi sur un aspect sensoriel, Jamil a déjà pu montrer une sensibilité à la lumière pendant les séances. Il se frotte parfois les yeux en fin de séance, mais surtout va éteindre les lumières, et refuse qu'elles soient allumées de nouveau. L'autre enfant présent à cette séance présente le comportement inverse, il cherche à allumer les lumières. S'instaure alors un va-et-vient autour de l'interrupteur, difficile à endiguer. Sur le plan visuel donc, Jamil semble montrer une certaine sensibilité. Le matériel qui compose le parcours est très coloré : des barres et plots de toutes les couleurs, un tunnel bleu, des plaques sensorielles colorées elles aussi. La lumière de la salle provient du plafond et est plutôt forte, même si elle est diffuse. Le seul moyen de tamiser un peu la lumière est de

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n'allumer que la moitié des luminaires. Tout cela est très stimulant visuellement et il n'est pas impossible que Jamil ne supporte pas de subir toutes ces informations sensorielles. Son comportement de rangement pourrait donc être lié à une sensibilité douloureuse aux stimuli visuels.

Sur le temps calme en fin de séance, Jamil semble s'apaiser et ne pleure plus. L'obscurité l'aide à se calmer, bien que son agitation reste présente. Il reprend ses conduites d'escalade, et se coupe encore une fois du monde.

3.1.4. Quatrième séance : mise en danger

La séance qui suit se déroule avec beaucoup d'agitation chez Jamil. S'il escaladait déjà beaucoup le mobilier lors des séances précédentes, cela est encore plus marqué lors de celle-ci. Jamil est très actif et nous peinons à le maintenir sur les activités. Plus que d'habitude, Jamil se met en danger en grimpant sur les agrès, l'espalier, en prenant des positions d'équilibre instable, il lâche par exemple les mains, ne tient que sur un pied, se jette sur le mobilier.

Sur le temps sensoriel, que nous avons décidé de maintenir en début de séance, Jamil utilise la balançoire et se jette dedans, la fait monter très haut en ne prenant pas en compte d'autres enfants qu'il pourrait blesser ou de sa propre sécurité. Nous ne parvenons pas à lui faire réaliser le parcours, et encore moins à l'aider à se poser pendant le temps calme, durant lequel il pousse des cris en courant notamment.

L'après-midi qui suit, nous apprenons qu'au cours d'une promenade, Jamil a chuté du haut du toboggan d'une structure pour enfant. Il était toujours dans des comportements d'escalade et de mise en danger et la chute lui a causé de se casser les incisives supérieures. Les professionnels nous rapportent que Jamil a réagi très fort à la vue du sang, et probablement à la frayeur de la chute, en hurlant et pleurant. Ils identifient difficilement si la réaction est due à une douleur ressentie ou non.

Après cet évènement, je ressens une inquiétude vis-à-vis de cet enfant. Je me demande comment l'aider à contrôler son besoin de sensations vestibulaires, à lui faire comprendre les situations de danger dans lesquelles il se place. J'ai l'impression que son besoin sensoriel n'est jamais rassasié, qu'il a toujours besoin de plus, et je me sens impuissante face à cela.

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3.1.5. Cinquième et sixième séance : mise en place d'une routine

Les séances suivantes se ressemblent, les conduites d'escalade et de course de Jamil sont toujours présentes, répétées et leur forme ne change pas. Le cadre de la séance semble compris par Jamil, et plutôt bien intégré, mais il est toujours difficile de lui faire réaliser une activité du début à la fin.

La sixième séance se déroule en deux temps, car il manque des professionnels sur les unités, la monitrice-éducatrice ne peut pas nous accompagner. Dans un premier temps, nous accueillons sur le groupe Jamil et l'enfant avec qui il avait déjà partagé une séance, puis dans un second temps nous accueillons les deux autres enfants du groupe. Jamil ne se montre pas plus perturbé par ce changement du cadre, peut-être parce que cette configuration a déjà eu lieu, et que la psychomotricienne et moi sommes mieux intégrées par ces enfants. Jamil accepte de réaliser les activités de déplacements et de parcours aisément, même si cela est parasité par ses échappées vers l'espalier ou les agrès. Je suis surprise de le voir continuer à escalader l'espalier et se balancer toujours aussi fort alors qu'avant les vacances de Noël, Jamil a fait une chute effrayante. Il ne montre pas d'appréhension, ce qui me questionne sur ce qui fait trace chez cet enfant. Depuis mon arrivée, Jamil montre des conduites d'escalade pendant les séances, son besoin de grimper semble toujours le même. C'est comme s'il était impossible à satisfaire sur le plan sensoriel. Est-ce alors que son besoin est trop grand pour parvenir à en atteindre la satisfaction ? Ou est-ce parce que les expériences ne font pas trace, et que tout « repart à zéro » à chaque fois qu'il descend ?

En prêtant plus attention à ces moments où Jamil escalade le mobilier ou se place en cochon pendu les yeux fermés sur l'espalier, je remarque que plus rien d'autre ne semble exister pour lui. C'est comme s'il n'y avait plus que lui, ses sensations, et que les autres enfants, les professionnelles et tout autre élément de la pièce disparaissaient. En nous manifestant verbalement, en lui demandant de descendre et de réaliser l'activité, nous sommes de nouveau présentes, pour un court moment.

Ce sentiment de ne plus exister aux yeux de Jamil me fait presque violence, quand je le réalise, comme si je cessais réellement d'exister. C'est comme si son regard, son attention conditionnait ma présence, et qu'en l'absence de celle-ci je n'étais plus. Comme je l'ai déjà mentionné, la constante vigilance qu'il provoque chez l'autre en se mettant facilement en danger lui permettrait peut-être d'exister au travers de cette attention. Ainsi, mon sentiment serait un miroir de ce processus : tout comme il n'est plus sans le regard de l'autre sur lui, je n'existe plus sans son regard à lui.

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3.2. Le profil sensoriel, une entrée dans le monde de Jamil

Un profil sensoriel est réalisé en février, à partir de la Checklist du Profil Sensoriel - Révisé (CPS-R) de Bogdashina (2012/2020). Un entretien, auquel je n'ai pas pu assister, est réalisé avec la mère de Jamil pour répondre aux diverses questions du profil.

Il en ressort d'importantes particularités sensorielles ayant un fort impact sur sa relation à l'environnement. Sur le sens visuel, Jamil perçoit tous les détails de son environnement, mais parvient à filtrer et sélectionner les détails pertinents afin de comprendre le contexte. Jamil est facilement distrait et peut atteindre des moments de surcharge aux stimuli visuels.

Il montre aussi des comportements de recherche de stimulations visuelles comme les lumières, les couleurs ou les reflets, liés à une hyposensibilité. Ces comportements peuvent parfois s'apparenter à une fascination. Cependant, Jamil présente une sensibilité douloureuse à certains stimuli comme la lumière des néons ou certaines couleurs spécifiques (rose, légumes verts). Ces états d'hyposensibilité et d'hypersensibilité fluctuent en fonction de son état de fatigue. J'ai en effet pu observer que les lumières pouvaient être difficiles à supporter en séances, particulièrement lorsqu'il est fatigué.

Lorsqu'il atteint un état de surcharge sensorielle, Jamil ne traite plus les informations visuelles qui lui parviennent et va compenser par un autre sens. Jamil va d'ailleurs parfois explorer les objets grâce à l'odorat, au toucher plutôt qu'à la vision. Sa recherche de stimulations vestibulaires serait-elle un moyen de compenser, de fuir les sensations visuelles désagréables ?

Jamil présente une très bonne mémoire visuelle et est capable de bien analyser les informations lorsque les stimuli ne sont pas trop envahissants.

Sur le plan auditif, Jamil perçoit aussi tous les sons sans arriver à les filtrer, sa perception est alors fragmentée. Il ne traite que le dernier mot d'une phrase par exemple, cela est à prendre en compte dans les consignes données. Sa perception de la voix est aussi retardée, il peut montrer un temps de latence après une consigne.

Jamil est hypersensible aux stimuli auditifs faibles et aigus et peut y réagir de façon exacerbée, tandis que d'autres sons sont perçus de manière hyposensible. Il va alors rechercher ces sons plutôt forts, comme les vibrations, la musique ou le son de sa voix, ce qui peut devenir envahissant dans son quotidien. Parfois, Jamil ne semble plus traiter l'information auditive et compenser par l'utilisation de la vue.

Le toucher chez Jamil est aussi impacté, il montre des difficultés à distinguer les stimuli d'intensités différentes. Il ressent aussi les sensations tactiles plus longtemps, c'est l'effet

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de rémanence. Jamil est hypersensible au toucher léger, et peut présenter une sensibilité douloureuse à certains tissus ainsi qu'à des aliments. Il est capable néanmoins de s'accoutumer à certains vêtements lorsqu'il trouve un intérêt fort dans une activité. Jamil apprécie les textures douces et lisses et développe une fascination pour celles-ci.

On remarque aussi une hyposensibilité pour le toucher profond, Jamil demande parfois qu'on le serre très fort dans les bras et aime les pressions fortes. Une hyposensibilité à la température est aussi remarquée, avec une recherche de forte chaleur à la douche ou dans l'alimentation pouvant le mettre en danger.

Sur le plan tactile, la question de la douleur est aussi perturbée chez Jamil. En effet, il réagit fortement à la vue d'une blessure ou du sang, mais une fois le sang enlevé ou caché il passe à autre chose. Il ne semble pas ressentir vraiment la douleur, et est capable de se frapper lui-même en cas de frustration ou colère.

L'olfaction chez Jamil est moins impactée. Il présente une hypersensibilité aux stimuli, et semble sentir des odeurs que les autres ne sentent pas. Cette sensibilité peut aller jusqu'à la douleur pour Jamil, et provoquer des nausées. À l'inverse, certaines odeurs fortes et sucrées entrainent une fascination chez lui. On remarque aussi une hyposensibilité à certaines sensations, avec des comportements de recherche des odeurs, il se sent et sent les autres, les objets. Jamil montre un besoin de compenser le manque de fiabilité de cette modalité sensorielle par l'utilisation des autres sens, comme la vision et le toucher. Par exemple, une bougie qui sent le gâteau va provoquer de la confusion chez lui et il aura besoin d'explorer l'objet avec d'autres sens pour l'identifier.

Sur le plan gustatif, Jamil présente aussi des hypersensibilités et hyposensibilités en fonction des sensations, avec un besoin de vérification des aliments par la vue et l'odorat. Certains goûts provoquent une sensibilité douloureuse, comme les légumes verts et les médicaments, tandis que les goûts sucrés provoquent une fascination. On remarque une fluctuation entre les hypersensibilités et hyposensibilités, un même aliment peut être apprécié ou non selon son aspect, s'il est dans son assiette ou dans celle d'un autre, ou selon la période.

La proprioception chez Jamil est aussi impactée, il perçoit les stimuli de manière prolongée et fragmentée entre les parties du corps. Jamil a une perception déformée de son corps, malgré son agilité, il montre des difficultés à réaliser des mouvements précis et coordonnés et mesurer la force de ses gestes. On observe des éléments d'hyposensibilité, il manque de conscience de son corps dans l'espace, et d'hypersensibilité, il marche sur la pointe des pieds par moments, sautille. Un élément important qui ressort beaucoup au

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quotidien est la fascination pour certains mouvements du corps, il aime les activités très stimulantes et cherche des postures et mouvements complexes à réaliser.

Cela pourrait expliquer la constante mise en mouvement de Jamil, ainsi que son tonus élevé, qui lui permettrait ainsi de ressentir la totalité de son corps.

Enfin, sur le plan vestibulaire, Jamil présente une perception déformée, il n'a pas conscience de la hauteur et du danger que cela peut représenter. Il est capable de grimper sur le toit du domicile, sur les étagères, les meubles... On observe une importante hyposensibilité, il a besoin de beaucoup de sensations vestibulaires pour ressentir cette modalité sensorielle. Il recherche énormément les mouvements et la hauteur, ce qui va jusqu'à une fascination qui peut le mettre en danger. Lorsqu'il est pris dans ces stimulations, il semble se couper du reste du monde pour ne traiter que ces stimuli.

Jamil présente donc des particularités pour chaque modalité sensorielle, et développe des stratégies de compensation en vérifiant chaque information sensorielle par d'autres sens pour comprendre ce qu'il perçoit. Les informations de l'extérieur semblent instables et difficiles à traiter pour lui. On pourrait alors interpréter son besoin d'être en mouvement et de grimper comme un moyen de garder une sécurité interne en stimulant ses sens intéroceptifs. Jamil n'a cependant pas conscience du danger dans lequel il se place et de ce qu'il pourrait lui arriver, en lien avec ses difficultés dans le traitement de la douleur. En effet, s'il perçoit la douleur de façon atypique, il est difficile qu'il intègre celle-ci comme possible conséquence de ses actions et développe la prudence adéquate.

3.3. Modification des conduites

3.3.1. Septième séance : recherche d'attention

Cette séance semble marquer un changement dans la fonction des conduites d'escalade chez Jamil. La séance débute toujours par le temps d'accueil, durant lequel Jamil participe de mieux en mieux, bien qu'encore parasité par son besoin d'aller courir ou escalader dans la salle. Je note cependant un élément important : lorsqu'il est en haut de l'espalier ou des agrès, il cherche notre regard. Habituellement, le monde extérieur semble disparaître pour Jamil dans ces moments. Lors de cette séance, son regard est porté sur nous, dans ce qui ressemble à une attente. Si je vais le chercher pour lui demander de descendre, il le fait puis court dans la pièce pour aller escalader à un autre endroit. Encore une fois, il cherche le regard, la réaction. L'attention qui lui est portée semble le satisfaire.

À ce moment, je me sens perdue sur la réaction à avoir. Je sais que si je lui donne cette attention le risque est qu'il généralise le fait de grimper comme un moyen de l'obtenir. Or,

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ces conduites d'escalade perturbent son attention aux activités qu'on lui propose et empêchent une continuité de s'installer dans celles-ci. L'objectif est alors de diminuer ces comportements tout en trouvant un moyen de répondre à ses besoins sensoriels et attentionnels de façon plus adaptée. D'un autre côté, cette recherche d'attention marque une forme d'intentionnalité envers nous, que je ressens comme un appel.

Sur le temps d'accueil, Jamil a compris que la consigne est de donner et non de lancer la balle à l'autre, et y parvient de façon ajustée. Son regard n'est cependant pas encore porté sur son action. Après avoir donné la balle, il retourne escalader et cherche à nouveau l'attention, que nous ne pouvons lui donner à ce moment, car nous sommes occupées avec les autres enfants sur l'activité d'accueil. Jamil reste en haut de l'espalier et nous regarde, jusqu'à ce que l'une d'entre nous réponde à son appel silencieux.

Le temps sensoriel est toujours un moment que Jamil apprécie. Il choisit toujours d'utiliser la balançoire et commence à accepter de la partager avec un autre enfant. Nous lui exprimons qu'il est temps de laisser la balançoire à un autre enfant du groupe et après s'être stimulé encore un peu il en descend. Les lieux pour se stimuler sur le plan vestibulaire ne manquent pas pour Jamil, il court et escalade encore les agrès et l'espalier. Il me paraît cependant moins extrême dans ses moments de stimulation vestibulaire : il se balance moins fort sur la balançoire, ne place pas sa tête en arrière, son excitation est moins forte. Peut-être que ce jour-là Jamil a moins besoin de ces sensations que lors d'autres séances.

Sur le temps de déplacements dans la salle, Jamil court, mais ne va toujours pas au sol. Le temps de parcours psychomoteur est, quant à lui, moins entrecoupé par les besoins d'escalade de Jamil. Précédemment, durant un parcours, il pouvait partir quatre à cinq fois, il ne le fait que deux fois ce jour-ci.

Durant le temps calme, il ne parvient cependant pas à se poser, et montre encore une certaine agitation.

Globalement sur la séance, Jamil grimpe toujours autant, mais il le fait à des moments plus adaptés, principalement entre les activités. Ces conduites semblent aussi porter une fonction différente : si précédemment j'y voyais principalement un besoin sensoriel, sur cette séance c'est le besoin d'attention qui semble primer. Je me questionne sur l'apparition de cette intention envers nous, sur ce qui a permis ce changement. Est-ce que son besoin de sensations est plus faible qu'à l'habitude, lui permettant d'être plus

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disponible à la relation ? Est-ce que l'intégration du cadre et des acteurs du groupe lui permet de se sentir plus en confiance et de tenter une approche envers nous ?

3.3.2. Huitième séance : une fatigue qui modifie l'agitation

Le profil sensoriel de Jamil nous permet de mieux comprendre la façon dont Jamil peut appréhender son environnement. Son besoin de sensations intéroceptives, qui lui permettent de maintenir une stabilité qu'il ne trouve pas dans son milieu, est alors important à prendre en compte. Nous décidons d'intégrer l'espalier dans le parcours psychomoteur, ce qui lui permet alors de trouver un intérêt supplémentaire dans cette activité. Jusqu'ici, l'élément apportant des sensations vestibulaires les plus fortes dans le parcours était la planche d'équilibre. L'espalier permet à Jamil de mieux combler son besoin de hauteur. Cette étape se fait à la fin du parcours et sert de motivateur à Jamil. S'il arrive à parcourir toutes les autres étapes, il gagne le droit de monter sur l'espalier. Intégrer l'espalier au parcours permet d'encadrer son utilisation pour Jamil, et de le vivre autrement qu'à l'habitude. Cela permet aussi aux autres enfants du groupe d'expérimenter des mouvements nouveaux ou peu connus.

En début de séance, Jamil est sur la balançoire pour le temps sensoriel. Nous avons mis un peu de temps à l'installer et cela semble l'avoir frustré. Il se balance et prend des postures étranges sur la balançoire, avec la tête en arrière. Jamil bouge sur la balançoire, se tortille presque, et pleure. Les segments de son corps paraissent rigidifiés, par rapport à d'habitude où ses mouvements me semblaient fluides. Cela exprime peut-être un besoin de sensations proprioceptives plus fort qu'à l'accoutumée chez Jamil. J'éprouve des difficultés à comprendre ce qu'il se passe à ce moment pour Jamil.

Au cours de la séance, Jamil recherche encore beaucoup l'attention et va même se jeter sur nous pour qu'on le prenne dans les bras. Alors qu'il est sur un agrès et que je m'approche pour lui demander de descendre, il s'agrippe à moi pour que je le porte. Depuis le matin, il semble fatigué et se frotte souvent les yeux. Dans mes bras, il cache son visage contre moi, comme pour se cacher de la lumière. Il semble aussi sentir mon odeur, renifler mes cheveux. J'accepte de le garder contre moi un instant, et le serre très fort pour lui apporter des sensations tactiles profondes. Il semble apprécier, mais lorsque je lui indique que ce moment est fini, qu'il doit descendre, je peine à me détacher de lui. En effet, il me serre très fort avec ses jambes et refuse de me lâcher. Je parviens finalement à le faire descendre en insistant un peu, après l'avoir serré très fort une nouvelle fois. Il fait de même avec la psychomotricienne quelques instants plus tard. Avec elle, il se penche en arrière pour

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chercher des sensations vestibulaires, elle tourne sur elle-même pour renforcer les sensations, ce qu'il semble apprécier. Je vois un sourire sur son visage, il a les yeux fermés et le tonus dans le haut de son corps est très bas. Jamil semble avoir relâché complètement le haut de son corps en arrière, et se maintient fermement avec les jambes autour de la taille de la psychomotricienne. Plus tard dans la séance, il reproduit cela avec moi, et je trouve très difficile de porter tout son poids qu'il lâche complètement. Même dans mes bras, Jamil est difficile à tenir, comme insaisissable.

Jamil me surprend en réalisant le parcours psychomoteur sans trop de difficultés à rester concentré. Nous réalisons plusieurs fois le parcours et, entre chaque tour, Jamil tente de grimper dans les bras des professionnelles ou de moi-même. Il cherche aussi à éteindre la lumière qui semble le déranger, et pleure lorsqu'on la rallume.

Le temps calme en fin de séance est le bienvenu pour Jamil, qui se calme dans l'obscurité. Pour la première fois, Jamil parvient à rester quelques instants assis contre la psychomotricienne qui le serre alors fort dans ses bras. Les sensations tactiles profondes semblent être un élément qui permet de calmer et poser Jamil. Néanmoins, cela ne dure pas très longtemps et il part de nouveau escalader les agrès après avoir profité du temps contre la psychomotricienne.

3.3.3. Neuvième séance : du corps à l'objet

Lors de cette séance, la monitrice-éducatrice n'est pas présente en raison d'une journée pédagogique. Nous réduisons donc le groupe à trois enfants, dont Jamil fait partie.

Le temps d'accueil du début de séance se déroule de mieux en mieux avec les enfants et Jamil commence à être plus présent à ce qu'il fait. Cette fois, en donnant le ballon à son camarade, il porte le regard sur le ballon qui passe de ses mains à celles d'un autre. Son action est aboutie, c'est-à-dire qu'il attend que la balle ait été reçue avant de porter son intérêt sur d'autres éléments de la pièce. Il continue cependant d'escalader les agrès, dans ce qui semble encore être une recherche d'attention. J'essaie alors de porter mon attention sur lui dans des moments plus propices, non pas lorsqu'il escalade pour éviter qu'il associe le fait de grimper à une réaction de notre part, mais lorsqu'il réalise bien les consignes qu'on lui demande.

Sur le temps sensoriel, Jamil profite toujours de la balançoire et a intégré qu'il devait la partager avec un autre enfant. Lorsqu'il accepte de descendre de la balançoire et de laisser la place, nous le félicitons. Les déplacements avec Jamil sont toujours similaires, il parvient à courir, mais il est difficile de l'amener au sol.

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Un temps d'installation du matériel pour le parcours est nécessaire, et Jamil se dirige vers le placard à ce moment. Il y trouve des briques en carton, qu'il commence alors à placer les unes sur les autres pour en faire une tour. Voyant qu'il cherche à la rendre toujours plus haute, je ne peux m'empêcher de faire le parallèle entre cette recherche de hauteur avec les briques et la recherche de hauteur dans son propre corps lorsqu'il escalade le mobilier. Il n'a, à cet instant, pas choisi de chercher la hauteur et le déséquilibre corporellement, mais par le biais d'objets. Cela m'interroge sur la trace qu'ont laissée ses expériences d'escalade, pour pouvoir être représentées sur l'objet et non plus dans un aspect sensori-moteur.

Je me questionne aussi sur ce que j'identifie jusqu'alors comme une recherche de hauteur. Au travers de son tonus et de ses mouvements, Jamil ne cherche-t-il pas à expérimenter sa propre axialité ?

Puis, pendant le temps de parcours, Jamil le réalise sans trop s'échapper pour aller grimper. Sur l'espalier en fin de parcours, Jamil me surprend, il descend de façon plus contrôlée qu'à l'habitude. Même si son mouvement est toujours un peu précipité et grossier, il place le pied sur un barreau en dessous et saute alors de moins haut. Lorsqu'il a fini le parcours et que notre attention se porte vers un autre enfant, Jamil court et escalade les agrès. Il attend une réaction de notre part. Sans cette réaction, il redescend par lui-même, encore une fois en plaçant les pieds un à un sur les barreaux avant de sauter, et vient nous chercher plus près, en tentant de ranger le parcours par exemple.

Sur le temps calme, Jamil se calme encore une fois quelques instants. Assise au sol, je le serre fort contre moi, dans des stimulations tactiles profondes. Il se sépare ensuite de moi pour aller utiliser un agrès de marche, chercher de la stimulation vestibulaire. Ses pulsions à grimper se réduisent, ou du moins sont plus contrôlables, prennent moins de place. Je rencontre petit à petit cet enfant qui devient de plus en plus présent à ces actions.

3.3.4. Dixième séance : apporter de la variation

Nous commençons cette séance comme à l'habitude, avec le temps d'accueil. Celui-ci se déroule très bien pour Jamil, qui donne encore une fois le ballon à un autre enfant en portant son regard sur son action. Le temps sensoriel se déroule aussi très bien, mais je remarque que Jamil se frotte beaucoup les yeux.

Nous décidons à cette séance de changer un peu le parcours, car le parcours précédent est bien intégré pour les enfants. Modifier ce parcours permet d'apporter de la nouveauté, de la variation et éviter de toujours rester dans la même configuration. Nous plaçons alors à

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la place des cercles sensoriels au sol des petites plateformes surélevées à différentes hauteurs, et nous déplaçons certains ateliers du parcours pour modifier sa structure.

Les plateformes attirent l'attention des enfants, ils semblent beaucoup les apprécier. Jamil cherche à monter sur ces plots en dehors du contexte du parcours. Il joue à passer d'un plot à l'autre, en tenant sur un seul pied, en déséquilibre. Il montre peu de comportements d'escalade durant la séance, j'imagine que son besoin de se stimuler est moins présent. Jamil vient vers la psychomotricienne, la monitrice-éducatrice et moi-même et demande à être serré très fort dans les bras. Je le serre alors contre moi et le porte. Il s'accroche fortement à moi avec les jambes et semble ne pas vouloir descendre. Jamil joue alors avec mes cheveux, m'observe un peu et sourit. Ce moment est très fort pour moi, j'ai l'impression de vraiment partager un instant avec Jamil.

3.3.5. Onzième séance : réussir à s'apaiser et à se rencontrer

La monitrice-éducatrice n'est pas présente à cette séance, mais la psychomotricienne et moi-même prenons, malgré tout, les quatre enfants du groupe. Globalement sur cette séance, Jamil se montre très calme. Ses conduites d'escalade ne sont plus aussi envahissantes et nous parvenons à réaliser le parcours plusieurs fois sans que Jamil ne parte sur l'espalier ou les agrès. Il grimpe encore sur le mobilier durant les temps de transition entre les activités, mais je ne ressens plus cette agitation irrépressible du départ. Jamil semble plus posé, plus présent à son corps et à ses mouvements. Son tonus est aussi moins élevé, son corps moins tendu.

Sur le temps calme de fin de séance, Jamil est capable de rester dans les bras de la psychomotricienne plus longtemps que les fois précédentes avant de partir escalader un agrès. Cependant, il revient auprès de la psychomotricienne ensuite et retrouve le calme. Cette séance se termine alors tout en douceur, dans un calme général assez inédit.

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4. Synthèse des séances avec Jamil

Au cours des séances, j'observe donc que Jamil a de bonnes capacités motrices globales, une certaine agilité et un bon équilibre. Son tonus est globalement élevé, et augmente lors de moments d'excitation. Cette motricité globale est cependant mobilisée au service de ce qui semble être un fort besoin de sensations vestibulaires et proprioceptives. Jamil est alors constamment en mouvement et ne peut rester dans l'immobilité. Il se balance très fort sur la balançoire, se place dans des positions instables sur les agrès et l'espalier... Il paraît être en recherche d'un déséquilibre constant, toujours à la limite entre la stabilité et la chute, sans réelle conscience du danger. Jamil investit l'espace dans une recherche continuelle de hauteur. Ainsi, les espaces qui lui permettent de trouver cette hauteur sont surinvestis, au détriment des espaces plus proches du sol.

Son attention est happée par ses besoins sensoriels et il porte peu de regards sur ce qu'il fait. Jamil semble d'ailleurs peu présent à ce qu'il est en train de réaliser, il se coupe presque du monde extérieur.

Il est alors difficile de réaliser des activités avec Jamil, car celles-ci sont parasitées par son besoin de stimulations. Le profil sensoriel de Jamil nous montre que cette recherche de sensations pourrait être un moyen pour lui de trouver une stabilité interne.

Les séances avec Jamil se suivent et se ressemblent, sa motricité est toujours dirigée vers une recherche vestibulaire. Ses mouvements pour escalader sont toujours les mêmes, et une routine s'installe.

Puis, au fil des séances, les conduites d'escalade de Jamil prennent une autre fonction. Alors qu'auparavant l'aspect sensoriel primait, que le monde extérieur cessait presque d'exister, Jamil commence à chercher notre regard et notre attention. Une intention, dirigée sur nous, est née dans sa motricité.

Ces moments d'escalade sont cependant de moins en moins envahissants dans les activités, et se placent sur les temps de transition entre celles-ci. Jamil commence à porter plus d'attention à ce qu'il fait, il regarde l'autre quand il échange le ballon, s'applique mieux à redescendre sur l'espalier. L'agitation des débuts s'estompe et Jamil devient plus présent à ses gestes. Enfin, j'ai le sentiment de le rencontrer.

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PARTIE THÉORICO-CLINIQUE

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PARTIE THÉORICO-CLINIQUE

Nous l'avons vu, les conduites de Jamil au départ très envahies par l'aspect sensoriel ont pu évoluer vers des gestes plus habités. Ainsi, nous pouvons nous demander comment l'approche psychomotrice peut-elle permettre à un enfant avec TSA s'enfermant dans des autostimulations sensorielles de retrouver une intentionnalité dans le mouvement ?

Par le biais des références théoriques abordées en première partie, et en lien avec ma clinique auprès de Jamil, je vais tenter de répondre à ce questionnement.

1. Une motricité subie

« L'acte effectué sous la contrainte, que celle-ci soit externe ou interne, perd ses qualités inhérentes aux gestes, pour ne demeurer qu'une simple manifestation motrice » (Obéji, 2020, p. 65)

1.1. Instabilité

1.1.1. Un monde instable, et recherche de stabilité

Le traitement des sens chez Jamil est grandement impacté, comme le montre son profil sensoriel. Avec des difficultés à filtrer et sélectionner les informations sensorielles pertinentes, Jamil ne peut les réguler efficacement. Comme l'explique Bogdashina (2012/2020), pour les personnes autistes, un même objet ou une même personne peuvent être identifiés par un seul détail. Si celui-ci disparaît, l'objet n'est plus le même. Le monde extérieur en devient alors très changeant, non fiable. Pour Jamil, les sens de la vue, de l'ouïe, du toucher, de l'odorat et du goût peuvent tous être source de confusion. Il a besoin de compenser chaque modalité sensorielle par les autres, qui ne sont pas toujours fiables elles aussi.

Nous l'avons abordé, une stabilité sensori-tonique est nécessaire à l'élaboration du mouvement (Bullinger, 2007a; Obéji, 2020). Or, l'équilibre sensoriel chez Jamil n'est pas atteint, ce qui peut impacter son équilibre tonique. Mais alors, comment trouver la stabilité nécessaire à l'appropriation de sa motricité ?

Livoir-Petersen (2008) explique que dans son développement, lorsque l'environnement interne ou externe est trop instable, le bébé se repose sur une source sensorielle extérieure prévisible ou sur son environnement corporel interne. Pour Jamil, le recours à des

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stimulations proprioceptives et vestibulaires, qui sont des sensations internes, aurait cette fonction stabilisante. Cependant, pour l'enfant « l'agrippement à des sources sensorielles le laisse dépendant de celles-ci » (Livoir-Petersen, 2008, p. 53). Jamil semble en effet très dépendant de ses explorations sensorielles, il ne peut réprimer son besoin d'aller escalader, chercher de la hauteur et de l'instabilité corporelle. Son incapacité à se stabiliser sur le plan moteur, ou ce que j'ai pu nommer comme étant de l'agitation, fait écho à l'instabilité du monde qu'il perçoit. Il est d'ailleurs paradoxal que Jamil stabilise son vécu du monde en cherchant des positions d'équilibre instable.

Selon Bullinger (2007a), la recherche de stimuli sensoriels a pour fonction de maintenir l'image du corps, lorsque celle-ci n'est pas stable. Pour Jamil, quelle image de lui-même peut-il construire quand il doit constamment être en alerte et gérer l'instabilité du monde qui l'entoure ? Ces manifestations motrices d'escalade seraient alors un moyen de maintenir une perception corporelle pour Jamil. De plus, le sentiment de vigilance que provoque Jamil chez l'autre en se plaçant dans des positions dangereuses pourrait être un moyen de maintenir cette image de lui-même au travers du regard de l'autre. En effet, l'attention que je lui porte durant les séances fait que je l'investis beaucoup psychiquement, il semble prendre une place plus importante que d'autres enfants plus discrets dans le groupe.

De plus, Jamil a grandi dans un environnement familial instable, ce qui a pu perturber l'élaboration d'un sentiment de sécurité interne lié à l'attachement à ses figures parentales (Dugravier & Barbey-Mintz, 2015). Son besoin de s'accrocher à des ressources sensorielles internes peut être en lien avec un besoin de garder une sécurité interne qu'il ne trouve pas dans la relation.

1.1.2. Aspect stéréotypique du mouvement

L'aspect répétitif des mouvements d'escalade chez Jamil, autant dans leur forme que dans leur intensité qui varie très peu, m'évoque les stéréotypies. Ces manifestations sensori-motrices représentent pour Jamil un moyen de répondre à un besoin sensoriel, mais peut-être aussi à un stress que la nature changeante de l'environnement lui apporte.

Nous l'avons abordé, le mouvement constitue systématiquement un changement (Obéji, 2020). S'accrocher à des mouvements connus et répétitifs est aussi un moyen d'éviter la nouveauté. Cela permet de ne pas aller vers l'inconnu, vers un changement qui serait difficile à gérer et imprévisible.

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De plus, le plaisir que Jamil semble ressentir dans ces conduites le maintient dans celles-ci. Gorgy (2018) explique que ces comportements répétés ne permettent pas d'habituation, et ainsi pas de représentation.

Selon la classification proposée par Gorgy (2018), cette stéréotypie entre dans la catégorie des stéréotypies sensori-motrices, par son aspect d'autostimulation. Cependant, l'évitement du changement, de la nouveauté dans le geste peut être associée à un trouble des fonctions exécutives, et ainsi à des stéréotypies cognitivo-motrices. Pour Jamil l'aspect sensoriel semble dominer l'aspect cognitif dans ses comportements stéréotypés, mais je ne peux écarter complètement cette catégorie de stéréotypie. Aucun examen médical n'indique des problématiques au niveau des organes sensoriels de Jamil, je ne classe donc pas la stéréotypie comme perceptivo-motrice, bien qu'un trouble encore inconnu puisse exister.

Nous voyons bien ici la difficulté à classer et à comprendre les stéréotypies que mentionne Gorgy (2018). En fonction du regard porté sur la stéréotypie, mais aussi en fonction du moment où celle-ci est réalisée, elle peut être classée dans une catégorie ou dans une autre. En effet, ce même comportement d'escalade chez Jamil dans un autre contexte peut prendre une fonction différente, avoir des causes et des conséquences différentes.

D'Ignazzio (2019) explique l'importance d'analyser l'impact des stéréotypies sur le fonctionnement de la personne pour agir sur celles-ci ou non. Pour Jamil, la stéréotypie lui permet de réguler sa sensorialité, mais elle le coupe aussi de la relation, restreint son répertoire moteur, perturbe son attention... Nous pouvons donc la considérer comme envahissante et il semble nécessaire de trouver un moyen de réduire ses conduites d'escalade. Cependant, il est important de prendre en compte la fonction observée de ces comportements et d'y trouver un substitut plus acceptable, moins envahissant. Si l'on supprime simplement le comportement, un autre qui aura la même fonction se développera. En psychomotricité, la connaissance de ces mécanismes permet d'adapter notre réponse.

1.1.3. Déséquilibre sensori-tonique

Nous l'avons abordé, la motricité de Jamil est d'abord au service de ses besoins sensoriels. Ses mouvements d'escalade répondent à une contrainte, une nécessité de maintenir son environnement stable. Selon Bullinger (2007a), l'équilibre sensori-tonique est essentiel pour que l'organisme interagisse avec son environnement et devienne corps. Pour Jamil, l'équilibre sensoriel est très impacté, et son tonus est généralement élevé.

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Lorsque je porte Jamil pendant certaines séances, je remarque que son tonus est peu modifié, ne s'adapte pas dans le dialogue tonique. Les difficultés d'ajustement tonique sont un des éléments psychomoteurs que l'on observe dans les TSA et constituent une première barrière dans le développement des personnes autistes (Joly, 2010; Paquet, 2019; Réveillé et al., 2018). Lorsque Jamil se lâche complètement sur la main de la psychomotricienne alors qu'elle l'aide à descendre de l'espalier, son tonus s'effondre. Dans les bras, alors qu'il maintient un certain tonus dans ses jambes pour s'accrocher à nous, il est capable de jeter son buste en arrière en lâchant tout son poids, son tonus s'effondre. Plus rien ne tient dans le haut de son corps, c'est à nous de le porter et de le rassembler.

Nous l'avons mentionné, le milieu humain joue un rôle important dans la régulation tonique (Bullinger, 2007a). Or, les troubles dans la relation et la communication sont un des critères de diagnostic de TSA. Jamil est non verbal, et prend peu en compte les personnes qui l'entourent au quotidien. L'autre prend alors une place particulière pour lui, il ne s'appuie pas sur autrui pour mettre un sens à ce qu'il vit.

L'interaction avec son environnement, quand elle est présente, est peu adaptée corporellement. Ainsi, la première étape de connaissance des objets, la connaissance dans l'interaction (Piaget, 1936, cité par Bullinger, 2007a), est déjà impactée chez Jamil.

Tandis que la régulation tonique ne se fait pas, le passage de la boucle archaïque du traitement sensoriel, l'alerte, à la boucle cognitive, la représentation, ne peut se faire non plus. La répétition des comportements moteurs d'escalade chez Jamil ne lui permet pas de les signifier, de s'en détacher. Non représentés, ces mouvements ne sont perçus que dans leur effet sensoriel interne, et non dans un effet sur l'extérieur, dans un effet du geste.

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2. Une psychomotricité en mouvement 2.1. Naissance d'une intention

Les mouvements stéréotypés de Jamil semblent évoluer d'une fonction essentiellement sensorielle à une recherche volontaire d'attention. Le terme de volontaire me paraît ici important à noter. En effet, les comportements de Jamil appellent déjà une importante attention sur lui, dans un processus qui semble inconscient. Lorsque Jamil commence à chercher notre regard, à attendre notre réaction, la demande d'attention est alors volontaire. Dans ces regards, cette attente, il y a une intention.

Lorsque Jamil parvient, dans le temps d'accueil, à donner le ballon à ses camarades, dans un geste dirigé vers lui et non plus dans un simple « lâcher » du ballon dans sa direction, c'est un début de conscience de l'autre et de soi.

Quels éléments du suivi psychomoteur ont permis l'apparition de cette intention ?

2.1.1. L'intention du psychomotricien

Nous savons que le milieu humain, dans l'interaction avec l'enfant, met du sens à ses expériences (Bullinger, 2007a). Ainsi, au travers du dialogue tonico-émotionnel, mais aussi du regard, l'adulte donne une valeur aux vécus de l'enfant. En séances avec Jamil, lorsqu'il escalade l'espalier ou les agrès et se place dans des postures instables, voire dangereuses, mon attention et mon regard se dirigent sur lui. J'identifie dans ce comportement un moyen de maintenir l'attention de l'autre, d'exister au travers du regard de l'autre, en plus des éventuelles raisons sensorielles.

Mon propre comportement s'adapte alors dans la relation. J'ajuste la distance à laquelle je me place par rapport à Jamil, en répondant ou non à ces appels d'attention. Dans les temps où Jamil escalade l'espalier par exemple, je reste présente à une distance lui permettant de continuer ce qu'il fait jusqu'à ce qu'il redescende, tout en étant garante de sa sécurité. Mon regard se porte sur lui, sur ce qu'il fait. Ainsi, je crée un espace relationnel dans ces moments d'escalade où Jamil efface habituellement le monde qui l'entoure.

Cet espace relationnel, tout au long des séances, permet ainsi de différencier l'intérieur et l'extérieur du corps (Bullinger, 2007a). C'est grâce à nos différentes réactions face à ces comportements que Jamil peut intégrer qu'il est lui-même différent de nous. En signifiant verbalement et corporellement ce qu'il expérimente, nous alimentons sa représentation de lui-même. Signifier les expériences de l'enfant passe donc par le dialogue tonico-

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émotionnel, mais aussi par le regard et l'investissement psychique et physique envers l'enfant qui sont en jeu dans la relation (Orjubin, 2022).

Orjubin (2022) explique que c'est la réponse du milieu qui donne un sens au vécu. En interprétant les conduites de Jamil comme une sorte d'appel inconscient, je leur donne ainsi cette valeur de message. Dans mon regard, dans l'attention que je lui porte, ainsi dans ce que je peux exprimer corporellement, je lui transmets la portée messagère de son comportement. Progressivement, alors que les expériences s'accumulent, Jamil peut s'approprier cette valeur de message que j'associe à ses conduites, pour en faire une valeur messagère intentionnelle. Le travail en psychomotricité permet une modification des conduites chez Jamil, la naissance d'une intention envers l'autre, signifiant une ébauche de représentation de soi et de l'autre, dans un processus de différenciation.

2.2. Apaisement moteur

Petit à petit, Jamil semble s'apaiser, ses comportements stéréotypés sont moins envahissants dans les séances. Alors qu'au départ il s'échappe régulièrement pendant les activités proposées, il commence à pouvoir rester de plus en plus longtemps concentré sur celles-ci. Ses conduites d'escalade sont toujours présentes, mais à des moments plus adaptés.

Lors des moments de temps calme, il est capable de rester plusieurs minutes immobile au sol avant de courir et escalader à nouveau. Il parvient même à revenir auprès de la psychomotricienne après son temps d'escalade. Cet apaisement se retrouve aussi dans son tonus qui baisse de façon adaptée.

2.2.1. Structuration temporelle

La mise en place d'une structuration de la séance, selon le principe de la méthode TEACCH, permet de garder un cadre de séance stable (Le Menn-Tripi & Zupranski, 2019). Au fur et à mesure que les séances se déroulent, cette structuration temporelle s'inscrit comme fonctionnement normal. La première séance avec Jamil est difficile, il a du mal à comprendre les différents temps que nous mettons en place. Petit à petit, malgré ses conduites stéréotypées qui interfèrent avec les activités, le cadre temporel de la séance est plus facile à maintenir. Un rythme est créé et chaque temps est mieux respecté.

Ces activités sont représentées par des pictogrammes qui permettent d'intégrer visuellement les temps proposés, et de les anticiper. La stabilité et la prévisibilité qui en découlent sont des éléments essentiels pour les personnes autistes. Dans un monde

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sensoriel souvent imprévisible, cela apporte une sécurité : « c'est ainsi que cela va se passer, je sais à quoi m'attendre ». Progressivement, la stabilité temporelle et la répétition permettent une habituation, qui donne accès à des représentations (Bullinger, 2007a).

La modulation du rythme des séances par le psychomotricien prend une grande place dans les processus de représentation (Orjubin, 2022), en particulier dans la clinique de l'autisme. Pour Jamil, la structuration du temps semble progressivement prendre du sens, il parvient de plus en plus à rester présent sur les activités. Il repère chacun des temps et sait qu'après avoir fini son parcours psychomoteur par exemple, il peut aller escalader. Son besoin de stimulations, bien que toujours présent, peut être contenu jusqu'à la fin du parcours.

2.2.2. Structuration spatiale

En plus de la structuration temporelle, la structuration de l'espace permet aussi une stabilité. En effet, l'environnement de la salle reste toujours le même et est plutôt neutre. De plus, les activités proposées servent de support à l'exploration de l'espace. Nous proposons une utilisation très variée de l'espace de la salle au travers des déplacements, du parcours, du temps sensoriel et du temps calme. L'espace global de la salle est exploré par les déplacements, le parcours offre une expérimentation de l'espace du sol, des côtés, du dessus, du dedans, mais aussi de la hauteur. Le temps sensoriel sert de lien avec l'espace plus interne du corps, les enfants peuvent s'y stimuler comme ils le souhaitent. Enfin, le temps calme donne accès à l'espace du sol, mais aussi de la relation.

L'espace se construit d'abord par les déplacements, puis par la connaissance des objets et enfin par la délimitation entre l'intérieur et l'extérieur de soi (Obéji, 2020). Le cadre spatial que nous offrons permet alors aux enfants de reprendre le développement des notions spatiales, dans un contexte sécure et adapté. En psychomotricité, la salle constitue un espace d'expérimentation corporelle, qui donne accès à la représentation (Orjubin, 2022).

L'exploration de l'espace par les enfants dépend du sentiment de sécurité interne qu'ils ressentent, qui se construit grâce à la présence de l'autre (Dugravier & Barbey-Mintz, 2015). La première absence de la monitrice-éducatrice me fait réaliser l'importance d'un repère humain identifié et stable pour Jamil. En effet, il connait alors très peu la psychomotricienne et moi-même, ce qui semble le perturber. Il ne semble pas trouver en nous des repères. Plus tard, alors que Jamil paraît mieux nous avoir intégrées, la modification des personnes qui l'accompagnent ne le perturbe plus autant. La confiance et

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la sécurité dans la relation sont donc essentielles à l'établissement d'une stabilité dans la séance.

Ces repères spatiaux, temporels et relationnels permettent de créer un environnement propice aux expériences corporelles. Repérer le temps et l'espace est essentiel pour les personnes autistes, qui présentent des difficultés dans l'appréhension de ces notions (Joly, 2010). Pour Orjubin (2022), l'enfant qui n'a pas encore accès aux représentations s'appuie sur le cadre et le thérapeute qui l'étayent dans sa psychomotricité. La structuration du temps, de l'espace et l'accompagnement du psychomotricien sont alors essentiels dans l'intégration de son identité psychomotrice.

De plus, la connaissance des stéréotypies nous permet d'y répondre de manière adaptée, d'en chercher les causes, les conséquences, par l'utilisation de l'analyse des comportements ABA (Le Menn-Tripi & Zupranski, 2019). Ainsi nous adaptons nos réactions et l'environnement en fonction de ces connaissances.

2.2.3. Sécurité qui mène à l'apaisement

Pour Jamil, la sécurité que la structuration des séances apporte est essentielle car sa perception sensorielle du monde est instable et incertaine. Dans un espace fixe et sécurisé, il peut alors se séparer de la fonction d'alerte de ses sens. De la boucle archaïque du traitement sensoriel, il peut ainsi passer à la boucle cognitive qui ouvre aux représentations (Bullinger, 2007a).

Cela permet à Jamil de passer de comportements envahissants de recherche sensorielle vestibulaire à un apaisement sensoriel et corporel. Ainsi, j'observe des comportements sensoriels plus variés dans les séances récentes que dans les séances de départ : Jamil vient sentir mon odeur, observer mon visage quand il est dans mes bras ou demander des sensations tactiles profondes. Maintenant que l'environnement est stable, Jamil n'a plus besoin de mobiliser ses sens intéroceptifs dans une recherche de sécurité interne et peut à nouveau explorer le monde avec ses autres sens.

C'est alors que Jamil peut s'ouvrir au monde, se rendre présent à ce qu'il fait et s'apaiser dans sa motricité.

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2.3. Début de symbolisation

Alors que les mouvements d'escalade de Jamil évoluent dans leur intention, j'observe aussi un élément qui me questionne. Lors d'une séance, Jamil trouve les briques en carton dans le placard et les empile dans une construction toute en hauteur. Il place les briques les unes sur les autres, jusqu'à ce que sa taille le limite, puis me regarde comme s'il demandait de l'aide. Jamil semble vouloir que sa tour soit toujours plus haute.

Cette recherche de hauteur et de verticalité, similaire à celle qu'il peut mettre en jeu dans son propre corps en mobilisant son tonus axial pour se grandir, ainsi que dans l'escalade, semble s'être déplacée sur l'objet « brique ».

Selon les niveaux de connaissance des objets décrits par Piaget en 1936 (cité par Bullinger, 2007a), Jamil se trouve précédemment sur le second niveau : la connaissance dans l'aspect sensori-moteur du mouvement. Dans cette expérimentation corporelle de la hauteur, on peut penser que Jamil tente d'explorer et de mettre en jeu sa propre axialité. Les comportements d'escalade de Jamil constitueraient alors un moyen de connaissance d'une caractéristique de son propre corps.

Lorsque Jamil expérimente l'axe par le biais d'un objet qui n'est pas son corps, il est alors dans le troisième niveau : la connaissance de l'objet dans l'effet du geste. Il apprend à connaitre et représenter son axialité en dehors de ses sensations corporelles internes, dans une dimension plus symbolique.

Orjubin (2022) explique qu'en psychomotricité, l'investissement de l'espace par le patient constitue son premier support de représentation. Ce rapport à la salle lui permet d'intérioriser certaines formes qui la constituent dans sa propre image du corps.

Jamil semble investir certains espaces de la salle de façon plus intense que d'autres. L'espalier et les agrès sont surinvestis, tandis que l'espace plus large du sol et du reste de la salle est sous-investi. Cet investissement de l'espace par Jamil est très porté sur la hauteur. L'espace de son propre corps est investi dans une axialité importante avec son tonus élevé. Cet investissement de la hauteur, de l'axe serait alors un moyen de s'approprier ces caractéristiques.

2.3.1. Des expériences qui font trace

Au début du suivi, je me questionne sur la trace que laissent les expériences d'autostimulation chez Jamil. Leur aspect stéréotypique ne semble pas permettre de leur donner un sens, et elles se répètent inlassablement. Or, pour que les conduites soient symbolisées, il est nécessaire qu'elles puissent être associées et soient mémorisées, et donc

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qu'elles aient pu faire trace pour l'enfant (Obéji, 2020). Qu'est-ce qui a donc permis à ces expériences de finalement laisser une marque et d'évoluer vers une symbolisation ?

Encore une fois, la répétition des activités selon un schéma précis, ainsi que la stabilité de l'environnement des séances jouent un rôle important. C'est sur la base de cette « mêmeté » de l'expérience qu'un mouvement initié en simple réponse à l'environnement peut devenir un geste avec une action sur l'environnement (Obéji, 2020). Les expériences, par leur ressemblance, peuvent être mémorisées, comparées puis généralisées. Elles prennent du sens dans la répétition.

Pour Jamil, la répétition de ses conduites d'escalade ne prend pas de sens lorsqu'il les réalise seul. En ajoutant dans les activités proposées des moments d'escalade sur l'espalier ou le mur d'escalade, nous lui permettons de répondre à ses besoins sensoriels dans un contexte spécifique. Cela s'intègre dans le parcours psychomoteur, il y a donc un chemin à parcourir avant de grimper, et pour aboutir le parcours il faut redescendre. Ainsi Jamil explore la hauteur de façon différente de ce qu'il a l'habitude de faire. La répétition de cette action dans le contexte du parcours permet aux expériences de faire trace.

Durant le parcours, nous sommes présentes pour accompagner les enfants. La relation prend aussi une place dans les processus de symbolisation (Bullinger, 2007a). En effet, en apportant du sens aux expériences de Jamil au travers de notre regard, celles-ci ont pu commencer à s'éloigner de leur aspect stéréotypique. Les variations apportées dans nos réactions à ses comportements ont apporté du changement dans ses mouvements habituels. Livoir-Petersen (2008) explique que le bébé perçoit le monde par contrastes. En plus de la stabilité et la répétition de l'environnement, la présence de variations est aussi essentielle. Nous retrouvons ici le paradoxe que l'on trouve dans le mouvement : une stabilité est nécessaire à la construction et la mise en sens des actions, mais celles-ci amènent et nécessitent du changement pour être perçues et généralisées (Douchin, 2014, cité par Obéji, 2020).

Le contexte de groupe est un élément à prendre en compte dans l'apport de variations. En effet, la manière dont se déroulent les séances est conditionnée par chacun des enfants du groupe et chaque professionnelle qui les accompagne. Cette variation est indispensable pour que les expériences puissent être comparées et à terme généralisées, ne plus dépendre d'un unique contexte.

Orjubin (2022) explique que la variation, notamment dans la relation, provoque un bouleversement tonique à l'origine du sentiment de soi. En effet, pour Bullinger (2007b),

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la perception de flux sensoriels apporte toujours des réactions tonico-posturales. Or, nos réactions, le son de nos voix et notre toucher sont autant de stimuli sensoriels variés. Les réactions tonico posturales alors engendrées servent de base à la constitution d'un sentiment d'unicité, qui donne accès aux représentations.

Ainsi, les différentes réactions face aux comportements d'escalade de Jamil permettent ces changements dans l'expérience nécessaires à la symbolisation. Au sein du groupe, nous n'avons pas instauré d'accompagnant référent pour chaque enfant. La psychomotricienne, la monitrice-éducatrice et moi-même nous occupons donc des enfants en fonction de notre disponibilité et de leurs demandes. À mesure des séances, les interlocuteurs de chacun varient alors. Les modifications dans le dialogue que cela induit permettent à Jamil de sentir les limites de son corps et, à terme, de représenter son corps comme entité qui peut agir sur l'environnement.

La recherche d'axialité dans son propre corps, répétée dans un contexte stable et étayée par notre accompagnement, peut laisser une trace pour Jamil. Cette axialité qui s'intègre petit à petit dans son corps se déplace alors sur l'objet « brique », dans un début de symbolisation.

L'investissement de l'espace de la salle par Jamil commence aussi à montrer des différences. Les espaces du sol et de la salle jusqu'alors difficiles à explorer commencent à être investis durant les ateliers. Son besoin d'escalade laisse place à un investissement des activités et donc de l'espace proposé durant celles-ci. Durant le temps calme, Jamil commence à être capable de s'asseoir au sol sans bouger.

Pour Orjubin (2022), la salle de psychomotricité est représentée par le psychomotricien comme une extension de lui-même. Son propre rapport à l'espace de la salle teinte alors la relation et sert de médiateur dans celle-ci. Dans le cas de Jamil, notre investissement de l'espace a pu lui être transmis au travers de la relation, et aboutir à un investissement différent. Alors que Jamil investit au départ principalement l'espace dans sa hauteur au niveau des agrès et de l'espalier, nous proposons des activités qui se placent plus au sol et dans le centre de la salle. Tandis que la relation se construit avec Jamil et que nous apprenons à comprendre ses besoins, nous adaptons nos propositions pour y intégrer son espace privilégié. En retour, Jamil commence à s'intégrer dans les espaces que nous avons proposés. Comme lorsque l'on mélange deux couleurs, nous avons donné naissance à une nouvelle teinte d'investissement spatial.

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2.3.2. Déplacer l'attention sur le geste

Au début du suivi, Jamil ne porte aucune attention à ses actions, il descend de l'espalier en se jetant du haut de celui-ci, ne prête pas attention aux autres enfants lorsqu'il est dans la balançoire... Il est dans une recherche de hauteur, mais la redescente n'est pas réfléchie, pas intégrée à son mouvement. Lorsque Jamil court avec nous lors des déplacements, il ne retourne pas au point de départ, mais va vers un mobilier qu'il escalade. Le geste ne me semble ainsi pas abouti : il y a un aller, mais pas de retour.

Progressivement, Jamil développe le processus de retour au point de départ. La descente de l'espalier se fait plus en douceur, il place ses pieds un à un sur les barres puis saute de manière plus contrôlée.

L'attention conjointe est peu développée chez l'enfant autiste (Garrigou, 2019; Réveillé et al., 2018). Cependant, nous portons une certaine attention aux gestes de Jamil. Celle-ci, cumulée à la sécurité apportée par le cadre de la séance et répétée au fil des semaines, participe à l'attention que Jamil porte à ses propres gestes. Notre regard, porté sur son action lorsqu'il donne un ballon à un autre enfant, nos encouragements et notre investissement participent à l'émergence de son regard sur ce qu'il se produit à ce moment.

2.3.3. Geste symbolisé

Au fur et à mesure des séances, la mise en place d'un cadre spatio-temporel ainsi que notre investissement attentionnel envers Jamil lui permettent de s'éloigner de son besoin sensoriel initial et de se rendre présent à ce qu'il entreprend.

Globalement, Jamil commence à symboliser son propre corps et sa motricité. La naissance de l'intention envers l'autre montre que la notion d'intérieur et d'extérieur de soi commence à apparaître. Cette symbolisation de son corps lui donne accès à des gestes plus contrôlés, qui dépendent de moins en moins de leur aspect purement sensori-moteur. Jamil commence à symboliser le fait de monter, de chercher la hauteur au travers d'objets et a ainsi accès au fait de redescendre.

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CONCLUSION

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CONCLUSION

Au cours de cette année, mes stages m'ont permis de m'affirmer dans ma posture de future professionnelle, et d'approfondir mes connaissances cliniques en psychomotricité. Le travail du mémoire, concentré sur mon expérience lors de l'un de ces stages, m'a permis de soutenir ma réflexion et d'appréhender les problématiques sensorielles avec un regard psychomoteur. Je comprends aujourd'hui à quel point les questions sensorielles sont importantes en psychomotricité, et notamment dans le développement de l'enfant.

Au travers de cet écrit, j'ai pu explorer l'impact des particularités sensorielles sur la motricité d'un jeune patient, Jamil. À partir de l'étude clinique de son cas, je suis arrivée à me questionner sur la place du psychomotricien dans le développement d'une intention dans la motricité, alors que celle-ci est au service de ces particularités sensorielles. Grâce à la théorie apportée, mise en lien avec la clinique, j'ai remarqué l'importance de la relation dans les processus de représentation à l'origine de l'intention du mouvement. Par le regard, l'attention ainsi que ce qu'il transmet dans le dialogue tonico-émotionnel, le psychomotricien apporte du sens aux expériences de l'enfant.

Dans la clinique de l'autisme, le psychomotricien s'inspire aussi des méthodes d'éducation structurée pour instaurer un cadre spatial et temporel propice aux expériences corporelles de l'enfant. Le travail en groupe réalisé dans ce cas clinique permet d'apporter de la variation, nécessaire aux processus de représentation. Il pourrait cependant de pas être adéquat en fonction des patients, et doit être réfléchi. Pour Jamil, le groupe a semblé apporter plus qu'il n'a pu être délétère.

Dans le cas de Jamil, nous pouvons questionner l'intérêt qu'un travail individuel basé sur l'habituation sensorielle pourrait avoir sur sa motricité. Le libérer de ses contraintes sensorielles lui permettrait de développer encore sa psychomotricité et peut-être atteindre une plus grande autonomie. Le travail déjà réalisé m'a en effet permis de découvrir les capacités de Jamil qui ne pouvaient émerger à cause de ses particularités sensorielles.

Ces émergences ont eu lieu dans un cadre spécifique : la salle de psychomotricité, durant ce groupe. La généralisation des expériences vécues à d'autres contextes est une difficulté pour les personnes avec TSA. Nous pouvons alors nous demander si cette généralisation a pu avoir lieu pour Jamil. Sinon, comment permettre à Jamil de mobiliser ces nouvelles capacités dans un contexte différent ?

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Vu par la maître de mémoire, Audrey MAIRE, Psychomotricienne D.E.

Institut de Formation en Psychomotricité, ISTR Lyon 1

Promotion 2021-2022

Auteur: Juliette LANDEAU

Résumé:

Les sens constituent notre moyen de connaissance du monde et de nous-même et servent de base au développement psychomoteur. Quand le traitement sensoriel se fait de façon atypique, comme c'est souvent le cas dans l'autisme, le reste du développement peut en être impacté. Ainsi, la motricité perd son intentionnalité pour ne répondre qu'aux lacunes du système sensoriel. Au travers du cas clinique de Jamil, un enfant porteur d'autisme, ce mémoire tente de mettre en lumière le travail du psychomotricien dans le réinvestissement du corps chez ces patients dont la motricité se trouve esclave de leurs besoins sensoriels.

The senses are our means of knowing the world and ourselves and serve as the basis for psychomotor development. When sensory processing is atypical, as it is often the case in autism, the rest of development can be impacted. Thus, motor skills lose their intentionality and only respond to the shortcomings of the sensory system. Through the clinical case of Jamil, a child with autism, this thesis attempts to highlight the psychomotor therapist's work in the body reinvestment in these patients whose motor skills are enslaved by their sensory needs.

Titre: D'une motricité subie à une motricité agie

Le soin psychomoteur comme soutien à l'élaboration d'une motricité intentionnelle chez l'enfant porteur d'autisme

Mots - clés: Psychomotricité - Troubles du Spectre de l'Autisme - sensorialité - autostimulations - intention du mouvement

Psychomotricity - Autism Spectrum Disorder - sensoriality - self-stimulations - movement intention

LANDEAU (CC BY-NC-ND 2.0)






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand