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Gestion durable des ressources halieutiques dans la retenue d'eau de Maga (Mayo-Danay, extrême-nord Cameroun)


par Eric Toussoumna
Université de Ngaoundéré - Master 2 2015
  

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REPUBLIC OF CAMEROON Peace - Work - Fatherland

REPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix - Travail - Patrie

UNIVERSITÉ DE NGAOUNDÉRÉ

THE UNIVERSITY OF NGAOUNDÉRÉ

FACULTÉ DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

FACULTY OF ARTS, LETTERS AND SOCIAL SCIENCES

Département de Géographie

Department of geography

Unité de Formation Doctorale de Géographie

GESTION DURABLE DES RESSOURCES

HALIEUTIQUES DANS LA RETENUE D'EAU DE MAGA

(Mayo-Danay, Extrême-Nord-Cameroun)

Mémoire présenté en vue de l'obtention du diplôme de Master recherche en géographie

Parcours : Géographie et Pratique de Développement Durable (GEPRADD)

Par :

TOUSSOUMNA Eric

Titulaire d'une Licence en Géographie Matricule : 10A887LF

Sous la direction de :
NDAMÈ Joseph-Pierre

Maître de conférences
Université de Ngaoundéré

Année académique : 2015 - 2016

Dédicace

À

Mes parents chéris : Toussoumna et Fanta.

II

Remerciements

Deux sentiments m'animent au moment où je boucle ce travail : celui d'un soulagement d'avoir pu le conduire à son terme mais aussi, le souvenir qu'il est le produit d'un engagement collectif où les uns et les autres ont su apporter leurs touches de natures diverses et d'ampleurs variables. Ainsi, ce remerciement n'est pas seulement une nécessité, c'est un devoir vis-à-vis de l'ensemble des personnes que j'ai eu le privilège de côtoyer durant cette aventure. Devoir chevaleresque, que j'exécute avec un authentique plaisir.

Je suis particulièrement sensible à l'honneur que m'a fait le Professeur NDAMÈ Joseph-Pierre, mon directeur de mémoire, en acceptant de diriger cette recherche. Il a aiguisé mon sens de l'initiative et a affermi en moi, le désir de me consacrer à une recherche sur la pêche. J'ai pu bénéficier également de sa connaissance encyclopédique, de son analyse critique illuminante, de sa riche expérience, de sa rigueur scientifique inclémente, de son soutien et de son optimisme infaillible, qui ont été pour moi une source d'inspiration. Merci, Professeur !

Que toute la communauté des enseignants du département de géographie de l'Université de Ngaoundéré (les Professeurs TCHOTSOUA Michel, WAKPONOU Anselme, IYA Moussa, gonne Bernard ; Docteur AOUDOU DOUA sylvain, FOFIRI NZOSSIE Eric Joël ; Messieurs BRILTEY BAKULAY, DOURKANGOU Yafet, ANABA BANIMB Robert Christian, PETNGA NYAMEN Simon-Pierre etc.) trouve en ce travail, le fruit de son labeur quotidien.

Aux autres scientifiques et spécialistes qui m'ont accordé leur attention, je vous suis redevable pour l'honneur que vous m'avez fait. Je pense aux Messieurs suivants : WAMALAMOU Charles (DAEPIA/Yagoua), DALIWA (Chef CACP/Maga), MAMAT Léon (S.G de la cogestion zone Maga) etc.

ALAO HAMAN S., ADRINKAYE E., TOULOUK B., PIDEM D., APAISSINKAI M., AWALAPIDI F. etc., mes amis et compagnons de terrain, vous avez pris une part très active dans ce travail notamment dans son volet collecte de données halieutiques. Je vous dois par ailleurs d'avoir pu raffiner mes connaissances dans le domaine de la pêche. Finalement, cette recherche a eu ce côté magique d'avoir permis que le lien entre vous et moi se noue. Merci pour tout ce sacrifice et notez que je vous tiens pour toujours, et ne vous lâcherai pour rien au monde.

III

Aux populations des collectivités de Maga et Kaï-Kaï, en particulier les pêcheurs : durant cette aventure, j'ai appris à vous connaître et vous m'avez témoigné de votre hospitalité. Puisse ce travail contribuer à apporter quelques pistes de solution aux multiples contraintes auxquelles vous faites face.

Que tous mes amis et promotionnaires qui ont eu, ne serait-ce que l'intention de m'encourager, se reconnaissent dans ce travail. Hors du commun les suivants : SAIDOU BOGNO D., DJAOUWE J., MIEDJIM R. A., KEMENI NGOAYIMO. Y., TAIWE Janvier W.

Merci à mes parents pour la confiance qu'ils m'ont toujours accordée, pour leurs encouragements et soutien protéiforme de tous les instants. À mes frères (TOUSSOUMNA P., BALDI T. D., FIRINA T.M.) mes fines petites et grand-soeurs (MINDA T.G., NGOLDA T.D., NGADA T.E., YALDA T.P., WIDA T.A., HALALDA T.N., FIMANOU T.C., BOLDA T.P., HARANGA T.J. et LISSIA T.H.) et, à ma tendre fiancée (DAILOV NDARAYE), merci pour avoir tous su, supporter mes multiples absences et mes sautes d'humeur. Votre amour m'a revigoré toujours à point nommé pour aller jusqu'au bout de cette aventure.

Il ne nous est pas souvent donné, l'occasion de remercier les personnes qui nous sont chères et qui ont une influence sur nos pensées et plus généralement sur notre vie. Je tiens donc à formuler ici, mes remerciements à tous ceux dont les noms ne figurent pas dans la liste : sachez que mon silence est l'aveu latent de ma gratitude à votre endroit.

Je rends grâce à l'éternel pour sa présence dans ma vie chaque jour.

.

iv

Résumé

Cette recherche interroge les conditions de développement d'une pêche responsable dans le lac de Maga, particulièrement saturé aujourd'hui par un effectif pléthorique de pêcheurs, résultat de la croissance démographique de ces 30 dernières années. Dans ce contexte, un état des lieux de la pression de pêche a été fait afin de déterminer son impact sur les ressources halieutiques et l'écosystème. Pour y parvenir, un certain nombre d'indicateurs biologiques et socio-économiques ont été définis puis examinés de manière systémique entre 1986 et 2015. Le diagnostic posé suivant la démarche hypothético-déductive met en évidence, une hausse inquiétante de l'effort de pêche et une baisse drastique des rendements par pêcheurs nécessitant des mesures d'ajustement de la quantité des prélèvements. Les ressources en pâtissent déjà, l'écosystème aussi. L'État est bien conscient du problème. Des mesures ont d'ailleurs été prises à toutes les échelles. Mais, le véritable problème subsiste : l'absence d'une stratégie efficace pour réguler la pression des pêches et ajuster la structure des prises aux standards réglementaires.

Mots-clés : Pression démographique, pêche artisanale, effort de pêche, ressources halieutiques, lac de Maga.

Abstract

This research, the results of which are presented in this thesis, discusses the conditions for the development of responsible fishing in Lake Maga, which is today saturated by a plethoric number of fishermen due to population growth over the last 30 years. In this context, an assessment of the fishing pressure was made in order to determine its impact on fisheries resources and the ecosystem. To achieve this, a number of biological and socio-economic indicators have been defined and examined in a systemic way between 1986 and 2015. The diagnosis based on the hypothetico-deductive approach reveals a worrying increase in the effort and a drastic drop in yields per fisherman requiring adjustments in the amount of harvest. The resources are already suffering, the ecosystem too. The state is well aware of the problem. Steps have been taken at all scales. But the real problem remains: the lack of an effective strategy to regulate fisheries pressure and adjust catch structure to regulatory standards.

Keywords: Population pressure, artisanal fishing, fishing effort, fishery resources, Lake Maga

V

Sommaire

Dédicace i

Remerciements ii

Résumé iv

Abstract iv

Sommaire v

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : 33

LE LAC DE MAGA : UN LIEU DE PÊCHE SOUS PRESSION 33

CHAPITRE 1 . FONDEMENTS DE LA PÊCHE LACUSTRE DE MAGA 35

CHAPITRE 2 . ÉTAT DES LIEUX DE LA PRESSION DES PÊCHES DANS LA RETENUE

DE MAGA 67

DEUXIÈME PARTIE : 108

L'AVENIR DE LA PÊCHE ARTISANALE LACUSTRE DE MAGA 108

CHAPITRE 3 . IMPACTS DES ACTIVITÉS DE PÊCHE SUR LES RESSOURCES

HALIEUTIQUES ET L'ÉCOSYSTÈME 110

CHAPITRE 4 . RÉACTIONS DES POUVOIRS PUBLICS ET LEURS LIMITES 144

CONCLUSION GÉNÉRALE 162

BIBLIOGRAPHIE 165

ANNEXES i

TABLE DES MATIÈRES 178

vi

TABLE DES FIGURES

Figure 1: Localisation de la retenue d'eau de Maga 19

Figure 2 : Répartition des précipitations dans la zone d'étude 44

Figure 3: Histogramme des précipitations moyennes mensuelles de la zone de Maga en 2015.

45

Figure 4 : Caractéristiques hydrodynamiques du lac de Maga 49

Figure 5 : Niveaux trophiques des différents groupes de poissons du lac de Maga 56

Figure 6 : Évolution annuelle des captures inspectées à Maga en 2015. 63

Figure 7 : Évolution des effectifs des pêcheurs à Maga (2000-2015) 68

Figure 8 : Dynamique annuelle de la production de la pêche à Maga (2015) 69

Figure 9 : Évolution des débarquements à Maga (2000 à 2015). 71

Figure 10: Évolution des effectifs des pirogues à Maga (2010-2015) 75

Figure 11 : Structure des pirogues utilisées sur le lac de Maga. 76

Figure 12 : Évolution du nombre d'engins de pêche utilités à Maga (2010-2015) 88

Figure 13 : Les engins utilisés dans le lac de Maga par catégories en 2014. 90

Figure 14 : Proportion des types d'engins utilisés principalement par les pêcheurs 91

Figure 15 : Organisation du marché des produits halieutiques à Maga 92

Figure 16: Types de problèmes rencontrés par les pêcheurs 97

Figure 17 : Types de problèmes rencontrés par les transformateurs 98

Figure 18 : Temps mis par les pêcheurs sur la retenue 102

Figure 19 : Composition des pêcheurs et aides pêcheurs du lac de Maga 103

Figure 20 : Proportion d'âges des pêcheurs interrogés 105

Figure 21 : Ancienneté des pêcheurs par tranche d'âge. 106

Figure 22: Structures des débarquements enregistrés en 1986 à Maga 113

Figure 23 : Structures des débarquements enregistrés en 2015 à Maga 113

Figure 24 : Évolution de la quantité des Tilapias Sp. pesées au CACP de Maga 117

Figure 25 : Évolution de la quantité des Lates niloticus pesés au CACP de Maga 118

Figure 26 : Évolution de la quantité des Heterotis niloticus pesés au CACP de Maga 119

Figure 27 : Évolution de la quantité des Clarias pesés au CACP de Maga 120

Figure 28 : Évolution de la quantité des Bagrus pesée au CACP de Maga 121

Figure 29 : Synthèse de l'évaluation des stocks 122

Figure 30 : Évolution des rendements de la pêche à Maga de 2001 à 2015. 123

vii

Figure 31 : Proportion des plantes aquatiques utilisées pour couvrir les captures 127

Figure 32: Types de polluants identifiés dans les zones de pêche du lac de Maga 130

Figure 33 : Évolutions synchroniques des débarquements et des CPUE de 2000 à 2015. 136

Figure 34 : Proportions des activités secondaires pratiquées par les pêcheurs. 137

Figure 35: Activités des pêcheurs autochtones pendant le repos biologique 140

Figure 36 : Limites de la zone de frayère sur la retenue d'eau de Maga 146

TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1: Effectifs de pêcheurs enquêtés dans les villages de Maga 1 25

Tableau 2 : Effectifs de pêcheurs enquêtés dans les villages de Maga 2 26

Tableau 3 : Effectifs de pêcheurs enquêtés dans les villages de Kaï-Kaï 26

Tableau 4 : Caractéristiques du système Maga-Vrick-Logone 41

Tableau 5 : Caractéristiques de la main d'oeuvre artisanale 103

Tableau 6 : Nombre de pêcheurs par nationalité 104

Tableau 7 : Types d'espèces ciblées par engins et techniques de pêche utilisés 116

Tableau 8 : Taux d'utilisation du zagazaga en fonction des mailles (2016) 134

Tableau 9 : Nombre de pêcheurs par techniques de pêche en 2016 135

Tableau 10 : Moyenne des rendements journaliers par engins de pêche au lac Maga 138

TABLE DES PHOTOGRAPHIES

Photo 1: Le réservoir de Maga-Kaï-kaï 36

Photo 2 : Vue de dessus de la digue barrage de Maga en réhabilitation 37

Photo 3 : Vue partielle du canal d'alimentation du lac par le Logone à Djafga 39

Photo 4 : Feuilles d'Aponogeton subconjugatus diffuses dans le lac de Maga 46

Photo 5 : Dispersion des herbiers pérennes dans la zone de frayère du lac de Maga 47

Photo 6 : Quelques plantes aquatiques récoltées dans le lac de Maga 52

Photo 7 : Vue partielle de Malka forêt du haut de la digue 58

Photo 8 : Campement temporaire des pêcheurs kotoko à Pouss 59

Photo 9: Campements sur pilotis des pêcheurs kotoko à Sokomaye 60

Photo 10 : Pêcheur de zagazaga à Maga 77

Photo 11 : Poids à la ralingue du fond des filets zagazaga au lac Maga 78

Photo 12 : Filets à Taro d'usage quotidien au lac de Maga 80

Photo 13 : Remontée d'un Taro à Maga 81

VIII

Photo 14 : Pêche à l'épervier dans le lac de Maga 82

Photo 15 : Sac de son paddy d'un pêcheur à épervier (Maga) 83

Photo 16 : Panier à palangre d'un pêcheur Kotoko à Maga 84

Photo 17 : Amas d'Alestes mis au séchage à Maga 94

Photo 18 : Espèces de clarias anguillaris près à être fumées sur un four amélioré 95

Photo 19 : Activité d'Engin Abandonné Perdu ou Rejeté dans le lac vers Pidimier 125

Photo 20 : Feuilles d'Aponogeton subconjugatus protégeant les captures 126

Photo 21: Extrémités inférieures d'un filet épervier utilisé dans le lac de Maga 128

Photo 22 : Dispersion d'emballages plastiques au tour de la digue à Maga 131

Photo 23 : Débarquement mixte d'un Taro au lieudit Pont II (Maga). 133

Photo 24 : Pirogues saisies et barricadées au CACP de Maga en mai 2015 142

Photo 25 : Pirogue ultra rapide des éléments du BIR à Maga. 152

Photo 26 : Saisie d'une pirogue dans la zone de frayère par le comité de vigilance de Maga

153

Photo 27 : Débarcadère de Maga construit par la CBLT 154

Photo 28 : Un étang de pisciculture inusité au centre de pêche de Maga 159

TABLE DES PLANCHES PHOTOGRAPHIQUES

Planche 1 : Pont sur le Mayo Vrick 38

Planche 2 : Les principales herbacées environnantes du lac de Maga. 50

Planche 3 : Types de pirogues identifiées sur la retenue d'eau de Maga 74

Planche 4 : Types de filets mono filaments identifiés dans le lac de Maga 79

Planche 5 : Palangres appâtées à HOFF (Maga) 85

Planche 6 : Types d'appâts utilisés dans la pêche palangrière lacustre de Maga 86

Planche 7 : Nasses maliennes (Goura) à Kéleo (Kaï-Kaï) 87

Planche 8 : Structures des tilapias et Heterotis débarqués en janvier et juin 2016. 114

Planche 9 : Destruction de la digue barrage de Maga 129

Planche 10 : Filets mono et multi filaments à un doigt. 134

ix

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ADPAM : Appui au Développement de la Pêche Artisanale Maritime

AEP : Approche Écosystémique des Pêches

AFOAP : Appui à la Formation Professionnelle dans les secteurs de l'agriculture de l'élevage

et de la pêche

BIR : Bataillon d'Intervention Rapide

CPUE : Capture Par Unité d'Effort

CFA : Communauté Financière d'Afrique

CO2 : Dioxyde de Carbone

CBLT : Commission du Bassin du Lac Tchad

CACP : Centre d'Alevinage et de Contrôle de Pêche

CCP : Centre de Contrôle de Pêche

CTD : Collectivité Territoriale Décentralisée

CDE : Camerounaise Des Eaux

CNUED : Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement

DAEPIA : Délégation d'Arrondissement de l'Élevage Pêches et Industries Animales

DDEPIA : Délégation Départementale de l'Élevage Pêches et Industries Animales

FAO : Food and Agriculture Organisation

FAPR : Filets Abandonnés Perdus ou Rejetés

FGAEPAM : Fédération des GIC des Agroéleveurs et Pêcheurs de l'Arrondissement de

Maga

GIC : Groupement d'Initiatives Communes

IRD : Institut de Recherche pour le Développement

MINEPIA : Ministère de l'Élevage des Pêches et des Industries Animales

OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement Économique

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer

PIB : Produit Intérieur Brut

PCP : Post de Contrôle de Pêche

PULCI : Plan d'Urgence de Lutte Contre les Inondations

PRODEBALT : Projet de Développement Durable du Bassin du Lac Tchad

X

PINDNR : Pêche Illégale Non déclarée et Non Réglementée

PMEDP : Programme des Moyens d'Existence Durables des Pêches

RMD : Rendement Maximum Durable

SEMRY : Société d'Expansion et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua

SG : Secrétaire Général

TAC : Total Admissible de Captures

UE : Union Européenne

INTRODUCTION GÉNÉRALE

2

Le choix de ce sujet est fondé sur plusieurs raisons. Le lac artificiel de Maga a été créé pour développer la riziculture irriguée dans la plaine du Mayo-Danay il y a de cela plus de 36 ans. Au fil des années, la pêche s'y est greffée et depuis lors, son rôle n'a jamais cessé de s'accroitre dans les collectivités de Maga et Kaï-kaï.

Cependant, son développement actuel est menacé par plusieurs contraintes relatives à la surexploitation des ressources, à la dégradation de l'écosystème, au caractère destructif des outils de pêche, à l'indélicatesse des engins utilisés, aux problèmes d'hygiène et de salubrité des aires de débarquement et de transformation. Outre ces contraintes, la croissance démographique continue d'un côté, et de l'autre, la dégradation des infrastructures du lac, son ensablement et différentes autres formes de pollutions humaines, hypothèquent la vie des milliers d'habitants dont l'existence est rendue possible grâce à la pêche.

Malheureusement, les recherches visant à accompagner l'exploitation des ressources halieutiques dans ce plan d'eau sont quasiment inexistantes.

Ainsi, toute recherche à l'image de celle-ci, ayant pour but de faire le bilan de cette activité, mérite d'être initiée pour comprendre comment la pêche a influencé le statu quo du géosystème1 halieutique lacustre de Maga.

1. PROBLÉMATIQUE

Dans la région de l'Extrême-Nord-Cameroun, le lac artificiel de Maga, est très connu à travers ses multiples activités au nombre desquelles, la pêche artisanale. Créé en 1979 dans le cadre du projet rizicole SEMRY II, il a une capacité maximale de 625 millions de m3 et s'étend sur une superficie moyenne de 240 km2. Il s'agit d'une pêcherie très poissonneuse en raison de la conjonction des facteurs hydrodynamiques, climatiques et géomorphologiques favorables. En effet, la température des eaux, la durée d'insolation adéquate et les apports terrigènes en provenance des cours d'eau qui l'alimentent, etc., explique sa très forte productivité (2000T/an) dotée d'une grande diversité biologique (plus de 100 espèces).

La faible pente (0,2 %) des parties en amont de la retenue les transforme en yaerés2 durant la saison de pluies. La végétation de bordure est composée de multiples graminées. Le

1Jean-Pierre CORLAY explique que « le géosystème halieutique est une construction socio-économique et socio-spatiale résultant de la rencontre d'un potentiel de ressources biologiques marines exploitables (l'écosystème) et d'une stratégie de valorisation de ce potentiel (le socio-économique) ; l'ensemble de ces composantes abiotiques, biotiques et sociales, en interaction, constitue le système halieutique ».

2 Selon Seignobos(1986), du fulfuldé yaayre, le mot désigne une vaste plaine d'inondation. Le « grand yayré » correspond à la plaine de la rive gauche du Logone, en aval de Pouss. Pendant l'inondation, en

3

phytoplancton abondant contribue à l'opacité des eaux. Dans les parties libres, la turbidité donnée par les sédiments du fond brassés par une houle légère limite encore la transparence des eaux de 15 à 25 cm. L'existence de ces milieux très favorables à la reproduction et à la croissance des alevins de certaines espèces (Alestes), protégées dans le lac des prédateurs par la multiplication des herbiers, confère à la retenue un énorme potentiel pour les activités piscicoles (Seignobos et Raugel, 1986).

La pêche y est pratiquée neuf mois sur douze. On estime à 8000, les personnes qui vivent des revenus de cette activité, dont environ 6500, relevant directement de la capture quasiment toutes, de nationalités camerounaises (97 %)3. Grâce à des engins et des embarcations très performants, ces pêcheurs composites, installés dans et autour de la retenue à travers 53 campements/villages, réalisent en moyenne par an, des captures mixtes qui s'élèvent à 2000 tonnes, transcendant alors le rendement maximum durable (RMD) fixé par la FAO depuis 1986 à 1500T/an. À mesure que le temps passe, la population croit et le système s'efforce à produire plus, pour non seulement tenter de satisfaire la demande locale (plus de 200000 personnes), mais aussi pour être plus compétitif à l'extérieur afin de gagner de nouveaux marchés intéressés par l'offre des produits halieutiques.

Malheureusement, ces ressources sont aujourd'hui confrontées à une surpêche4 et à la dégradation des conditions du milieu (restes de filets, produits chimiques, objets divers...). La pression des pêches exercée dans lac a progressivement conduit à la surexploitation des ressources, voire à l'extinction de plusieurs espèces de poissons (MINEPIA, 2015) ainsi qu'à la détérioration des écosystèmes où elles sont capturées. En d'autres termes, les prélèvements sur les ressources ont dépassé les capacités de renouvellement des stocks. Avec cette baisse de production, l'écart séparant l'offre et la demande de poissons s'agrandit ce qui fait que, les communautés de Maga et Kaï-kaï où les produits de la pêche participent majoritairement à l'alimentation quotidienne, en souffrent tellement.

particulier au moment du retrait des eaux, les yayrés appartiennent aux pêcheurs musgum, qui y ont aménagé des réseaux de drains et placé nasses et enceintes de capture. C'est ensuite le domaine, pendant la saison sèche, des éleveurs peuls et arabes Showa. Ils occupent ces vastes pâturages selon des lignes de partage qui varient avec la pression des éleveurs venant du Nigeria, les stress hydriques et, aussi, en fonction de leurs stratégies de gestion des bourgoutières et des vétiveraies. Depuis l'endiguement du Logone et la présence du lac de Maga, les yayrés sont mal alimentés en eau et ils ont perdu de leur potentiel agrostologique.

3 D'après les résultats de l'enquête cadre sur la retenue de Maga en 2011.

4La surpêche désigne la pêche excessive pratiquée par l'homme sur certains poissons ou crustacés. On parle de surpêche lorsque l'augmentation des capacités de capture entraine une diminution du nombre de prises, c'est-à-dire que l'espèce est pêchée plus vite qu'elle ne se reproduit.

4

Pourtant en 1981, la Mission d'étude piscicole du barrage de Maga relevait que, le chiffre jugé optimal par la FAO (2 pêcheurs/km2) pour toute retenue d'eau a été doublé sur ce barrage et que, même si en ce qui concerne le lac de Maga spécifiquement, compte tenu de sa richesse en phyto - et zooplancton, à quoi s'ajoute l'existence de nombreux herbiers pérennes, le renouvellement rapide des populations piscicoles est possible, selon le service des pêches, 800 pêcheurs est le chiffre souhaitable pour un (RMD) de 1500 T/an. L'effectif des pêcheurs (1600 à 1650) en 1986 était le double de la normale. Ce constat devait amener les autorités à concevoir une réglementation d'accès au lac plus restrictive (Seignobos et Raugel, op. Cit). Mais dix ans après (1996), le laxisme de la réglementation et les abus des pêcheurs ont fait définitivement plafonner les prises à près de 1800 tonnes/an.

Depuis l'an 2000, la pêche artisanale lacustre connait une crise profonde marquée par une augmentation de l'effort de pêche et une baisse drastique des Captures par Unité d'effort (CPUE). Le lac de Maga qui produisait en 1981, 1500 tonnes de poissons frais grâce à un effort de pêche constitué d'environ 1200 actifs seulement (soit 1250 kg/pêcheur), n'en produit plus qu'à peine 2000, malgré les 61745 pêcheurs qui l'assiègent chaque année (soit 323 kg / pêcheur). Cette situation s'oppose à la croissance rapide de la population qui a été multipliée par 3 à Maga entre 1980 et 2010 avant d'atteindre 180 000 âmes aujourd'hui.

Le MINEPIA et la FAO en 2011 avaient dénombré 2567 pirogues sur la retenue, équipées de près de 50000 engins par 6174 pêcheurs. Si on considère 240 km2 la superficie moyenne de la retenue et une zone de frayère de 200×27000 ? 5400 m2, on se rend compte qu'il y a quasiment plus de 27 pêcheurs, 11 pirogues et 214 engins/filets de pêche de 07 types différents, dans le lac au km2. Comparé à l'effort de pêche optimal (2 pêcheurs/km2), c'est un constat alarmant d'autant plus que, les pêcheurs artisans opérant dans la bande côtière6 où se trouvent les nourriceries et les zones de reproduction, sont difficiles à contrôler.

De plus, la fréquence de pêche est simplifiée par l'installation des pêcheurs dans des campements situés à proximité, voire sur la retenue7 d'une part et d'autre part, la dynamique hydrologique du lac facilite les captures par la baisse du niveau des eaux (1 à 2 m en moyenne) de février à juin et le rétrécissement du plan d'eau d'au moins 60 % (SEMRY, 2015). Ces deux facteurs, corroborés par l'accès libre à la zone de pêche, font que pendant la période de décrue, les pêcheurs assiègent la retenue. Au bout de deux décennies, la taille et le volume des prises ont profondément diminué, conduisant les pêcheurs y compris l'État, à

5Estimation de la commune de Maga en 2015

6 Moins de 200m de la digue c'est une zone de frayère où la pêche est interdite.

7 En 2011, 53 villages/campements des pêcheurs vivants sur la retenue d'eau de Maga furent dénombrés (MINEPIA, 2014). Certains dans le lac, d'autres autour de celui-ci.

5

investir pour tenter de produire plus, ce qui augmente la pression de pêche et aggrave le phénomène.

Cette situation doit sa chronicité aux améliorations techniques subies par les embarcations dont l'efficacité et la capacité ont été modifiées. Afin de maximiser les prises, les pirogues ont connu des ajustements qualitatifs (renforcement de la technologie d'équipage) et quantitatifs (agrandissement de la taille des pirogues pour une forte charge massive). La pirogue en bois plus petite (2 à 3 m de long) a tendance à disparaître (05 à 10% de taux de représentativité) tandis que la part de celles en tôles (allant parfois jusqu'à 10 m de long) est de plus en plus croissante et représente environ 82 % (25672) dans les parcs piroguiers.

Certains engins de pêche prohibés en particulier les palangres (16580 soit 33,45%), les éperviers (1042 soit 3%) pour ne citer que ces deux, très prospères sur la retenue, sont réputés destructeurs aussi bien pour les ressources halieutiques que pour l'écosystème. Les filets autorisés à grosses mailles (3 à 4 doigts) ont perdu leur efficacité et les pêcheurs ont dû adapter la grosseur des mailles des engins à la taille minimale des poissons. Les tendances actuelles d'évolution des stocks montrent alors, des signatures médiocres caractérisées par des débarquements pleins de captures juvéniles. Les Lates par exemple, n'ont plus le temps de se développer et n'arrivent guère à maturité.

Tout le système s'enfonce dans une spirale, avec sa cascade de difficultés croissantes dont les effets se font sentir au moins à quatre niveaux. D'abord biologique (l'effondrement des stocks), ensuite économique (la baisse des débarquements d'un côté et de l'autre, la raréfaction de certaines espèces de poissons en particulier les espèces nobles pénalisent le consommateur à travers le renchérissement des prix sur les marchés) puis social (chômage, inégalité devant l'offre des produits halieutiques) et enfin, spatial (l'écart séparant l'offre et la demande de poisson s'élargit de plus en plus, ce qui fait que les populations des villages riverains où, les produits de pêche contribuent pour une large part à la sécurité alimentaire, à l'emploi et à l'économie locale, en souffrent). D'où, une réaction de l'État8.

Mais, à l'heure actuelle, peu d'outils efficaces sont disponibles pour réguler et gérer l'effort des pêches qui, accentué par la croissance démographique, échappe à la méthode synergétique de la cogestion.

8 Allant de la gestion administrative du lac à sa gestion participative à travers la cogestion via l'intervention des organismes privés, tout est mis en marche pour y instaurer une pêche durable. Malheureusement comme par le passé, le secteur de la pêche est toujours un milieu d'insécurité se manifestant par des incompréhensions à plusieurs niveaux (pêcheurs contre pêcheurs, pêcheurs contre personnel du MINEPIA, pêcheurs contre cogestion -comité de vigilance-, pêcheurs contre administration, membre du comité de vigilance contre administration...).

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En revanche, le lac de Maga ne faisant pas l'objet d'une gestion rationnelle de ses stocks ichtyologiques, son avenir reste incertain, surtout qu'il est lié à la riziculture et que la SEMRY connaît depuis 1996 les insolubles problèmes de fonctionnement. Quel avenir réserve-t-on à la pêche au regard d'une telle exploitation ? La présente recherche entend apporter sa contribution à travers successivement une estimation de la pression de pêche actuelle sur la retenue, puis une identification des acteurs concernés et de leurs moyens de production et enfin, les marques de leurs prélèvements sur les ressources et l'écosystème.

2. QUESTIONS DE RECHERCHE 2.1. Question principale

Quel est l'impact de la pêche, animée ces dernières décennies par une démographie galopante, sur les ressources halieutiques dans la retenue d'eau de Maga ?

2.2. Questions spécifiques

? Comment la pêche lacustre de Maga a-t-elle évolué ces dernières décennies ? ? Comment les différents acteurs de cette activité travaillent-ils ?

? Quel est son impact sur les ressources halieutiques et l'écosystème ?

3. CONTEXTE SCIENTIFIQUE

Les inquiétudes sont nombreuses dans les milieux scientifiques qui s'intéressent à la gestion des ressources halieutiques et au développement durable, mais également au sein des pouvoirs publics et des ONG qui sont à même d'apporter une quelconque réponse à ce problème de la dégradation des pêcheries. Il y eut des auteurs, géographes ou non qui se sont penché sur cette question allant du développement de la pêche de capture à la gestion durable des ressources halieutiques en passant par la dynamique des territoires côtiers. Pour chacun de ces aspects, les connaissances sont notoires.

3.1. L'IMPORTANCE DE LA PÊCHE DANS LE MONDE

La contribution de la pêche qu'elle soit artisanale ou moderne dans l'alimentation et l'économie des habitants de la terre est à ce jour connue. Bavoux et al., (1998) constataient que les ressources halieutiques contribuent, incontestablement à nourrir les hommes et fournissent au moins 20 % des protéines animales consommées sur la planète. D'ailleurs, la

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pêche tient une place primordiale dans l'économie et la vie de quelques pays « spécialisés » en Islande par exemple où elle représente les trois quarts des exportations, 17 % du PIB et, avec les industries liées, environ 17 % d'emplois.

Pour la FAQ (2010), elle est une source importante de revenus, de moyens de subsistance et de création d'emplois pour des centaines de millions de personnes de par le monde, et qui progresse à un rythme plus rapide que dans les autres secteurs de l'agriculture.

Chaussade J. (2006), écrivait à cet effet : « la quantité annuelle de produits pêchés par habitant, qui avoisinait les 8,5 kg en 1950, s'éleva jusqu'à 18,8 kg en 1970 et plus encore aujourd'hui ». En 1998, Carré et Bavoux, renchérissaient que même si la production a tendance à stagner depuis le début des années 1990, on pêche plus de 90 millions de tonnes à la fin de la décennie 90 soit 142 millions de tonnes de produits marins.

Dans le même sillage, la FAO révèle que, désormais le commerce mondial des produits de la pêche compte parmi les marchés d'échanges internationaux qui se développent au rythme le plus rapide (FAQ, 2014). Scholz et al. (2005) estiment que, ce secteur représente un volume deux fois supérieur au volume global des échanges commerciaux internationaux de thé, café et cacao. Mais, tous les pays du monde ne s'y intègrent pas de la même façon.

3.1.1. Les grands pôles de production halieutique

À travers le monde, certains pays ou groupes de pays sont réputés pour leur capacité de pêche et plusieurs auteurs en ont traité.

La Chine selon Chaussade (1998) et FAQ (2010) est de loin le plus grand producteur de poissons au monde suivit du Japon, de l'Inde, de la Thaïlande, de l'Indonésie, des Philippines, de la Corée du Sud et du Nord. La chine n'a cessé de progresser dans le concert des grands pays pêcheurs depuis plusieurs années. Ses efforts prodigieux se sont traduits par un véritable « boom » de la production, laquelle est passée d'un niveau de 3 millions de tonnes en 1970 à 6 millions en 1984, 10,3 millions en 1990, 15 millions en 1992, 24,4 en 1995 et 47,5 millions de tonnes aujourd'hui, aquaculture y comprise. À quoi cela est-il dû ?

3.1.2. Comment comprendre la dynamique de la pêche dans ces grands pôles ?

Corlay J.P. (2004), pense que les facteurs explicatifs de cette mutation doivent être recherchés dans l'émergence d'une dynamique qui a permis à l'offre et à la demande d'augmenter dans des proportions encore jamais atteintes.

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Miossec (1998), déclare à ce sujet : qu'« on ne peut comprendre l'essor des activités de pêche sans le bond très important de la consommation du poisson ». Car, à cette demande accrue des produits halieutiques s'ajoutent les progrès techniques dans le transport, la conservation des produits et surtout dans l'exploitation des ressources halieutiques.

À Bavoux et al. (1998) d'ajouter que, c'est l'inégale répartition des ressources sous les latitudes qui explique la dynamique sectorielle de la pêche. Cette répartition des richesses s'observe à travers les prises dans les mers du globe, qui permettent de définir trois catégories d'aires favorables (les mers des hautes latitudes avec leurs eaux froides plus riches en oxygène et en matières nutritives, ensuite les zones de brassage et en fin, les zones littorales).

3.1.3. Les facteurs explicatifs du développement de la pêche

En effet, dans le développement de l'exploitation des ressources halieutiques, trois principaux facteurs sont reconnus favorables :

Mc Goodwin (2003) et Minet J-P. (2002) trouvent que, c'est l'abondance des ressources halieutiques dans l'eau qui est à la base de tout développement de la pêche. En effet expliquent-ils, la production primaire de matière vivante des océans est à l'origine de l'abondance des ressources halieutiques. Cette matière vivante est produite par des végétaux microscopiques, uni-ou pluricellulaires, capables de faire la synthèse de molécules organiques (glucides, lipides, protides) à partir du gaz carbonique (CO2), de l'azote et du phosphore. Ces derniers sont présents dans l'eau sous forme de nitrates et de phosphates, que l'on désigne communément sous le nom de sels nutritifs.

Bécet et Le Morvan (1999) ; Miossec (1998) expliquent le développement de la pêche par l'augmentation de la demande à travers le monde sous l'effet de la croissance démographique.

Chaussade (1998) y ajoute, un autre facteur clé lié aux avancées technologiques. Il trouve que l'infinie diversité des conditions de captures et l'intarissable ingéniosité des hommes ont abouti à un très riche catalogue d'engins de pêche qui ont boosté la production halieutique.

Ce sont malheureusement les écosystèmes aquatiques qui en payent le lourd tribu au contact de ces engins parfois inadaptés.

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3.2. L'IMPACT DES PÊCHES SUR LES RESSOURCES ET LEURS ÉCOSYSTÈMES

L'impact destructeur de la pêche sur les ressources et le milieu marin est un problème avéré (Cury et Miserey, 2008). Des scientifiques de tout bord s'y sont intéressés. Certains ont indiqué les aspects de cet impact, d'autres ont abordé la surexploitation des ressources halieutiques comme tributaire des activités de pêche. Mais de plus en plus, l'effondrement des stocks et la pêche illicite sont les plus en vues au 21e siècle parce qu'affectant directement la population.

3.2.1. La question de la vulnérabilité des ressources halieutiques

Troadec (1989), dans son essai sur l'usage d'une ressource commune renouvelable intitulé « L'HOMME ET LES RESSOURCES HALIEUTIQUES » remarquait que, la pleine exploitation du potentiel halieutique mondial a eu des répercussions profondes sur la pêche. Le déclin des rendements, le rôle joué par la grande pêche dans la mise en valeur des ressources lointaines et les difficultés rencontrées dans la régulation du taux d'exploitation au sein des pêcheries internationales ont contribué à faire accepter le nouveau régime des océans et agrandi l'enjeu des réflexions scientifiques à émettre dans ce domaine.

Jennings S., Greenstreet S-P-R et Reynolds J-D (1999) dans « Structural change in an exploited fish community : a consequence of differential fishing effects on species with contrasting life histories » pensent que la pêche a un impact direct sur les populations ciblées, particulièrement les espèces à durée de vie longue et à faible taux de reproduction.

Plus tôt, les travaux de Botsford en 1997 et ceux Jennings et Kaiser (1998 ) in « The effects of fishing on marine ecosystems », ont permis de comprendre que la pêche a également des effets indirects pouvant être très importants sur la structure des communautés, les interactions trophiques, la faune benthique et l'habitat.

Cependant, Hall (1999) et Gislason (2003) vont plus loin dans cette problématique et précisent que les effets indirects de la pêche peuvent avoir des impacts plus importants sur la structure et la dynamique des écosystèmes marins.

Le constat d'échec de la gestion des pêches au niveau mondial est aujourd'hui connu par une grande partie de la communauté scientifique (Botsford et al., 1997 ; Jackson et al., 2001 ; Laubier, 2003) et repris par de nombreuses institutions, instances gouvernementales, organisations non gouvernementales et intergouvernementales (UE, 2001 ; FAO, 2002 ; OCDE, 2003).

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L'impact global a été décrit par Pauly et Christensen (1995) comme étant comparable, dans les systèmes aquatiques, à celui de l'agriculture sur des terrains en termes de proportion de la productivité primaire du système récoltée par les humains. D'où, le phénomène de surexploitation ou surpêche (l'overfishing).

3.2.2. Impact biologique et écosystémique de la surexploitation des ressources halieutiques

? L'overfishing

La surpêche ou overfishing a été largement étudiée par Goñi, Moran et Stephenson. D'après ces auteurs, certains types de pêche sont très destructeurs pour les récifs (dynamite...), d'autant plus quand l'activité est déplacée. Ils entrainent un report de l'effort sur d'autres zones plus vulnérables. Un exemple bien documenté d'impact direct sur les espèces benthiques, c'est que des engins traînants modernes (chaluts et dragues) ont provoqué, entre autres, à long terme des changements dans la composition de l'abondance des espèces dans la mer des Wadden (Goñi, 1998) et l'Australie (Moran et Stephenson, 2000).

? L'effondrement des stocks halieutiques

Selon Laubier (2003), 30 % des stocks halieutiques mondiaux seraient en danger d'extinction et 60 % seraient surexploités. Dans les eaux européennes, la plupart des stocks ichtyologiques sont en effondrement.

Pour preuve, Dulvy N-K., Sadovy Y. et Reynolds J-D., (2003) in « Extinction vulnerability in marine populations » remarquaient sur un total de 133 populations et espèces marines étudiées que, la pêche serait responsable de plus de la moitié des extinctions observées au niveau local, régional ou global.

Le thon a toujours fait partie des espèces les plus importantes dans le monde de la pêche et c'est par conséquent une des espèces les plus menacées (Cazeils en 2004).

Pour Clover C. (2008), la pêche moderne a conduit en 50 ans, à la disparition de 90 % de la biomasse des grands prédateurs océaniques (thons, baleines, requins). Cury et Miserey (2008), dans « Une mer sans poissons » démontrent qu'en pêchant toujours plus loin, toujours plus profond, l'homme est en train de transformer les océans du globe en désert liquide.

Ainsi, comme le disait Denhez F. (2008) dans « Plus de poissons à la criée, menaces sur les réserves mondiales », la situation de la pêche n'a jamais été aussi difficile

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qu'aujourd'hui et l'on peut raisonnablement s'interroger à propos des menaces qui pèsent sur l'avenir de la pêche et des pêcheurs.

C'est un message parfaitement compris raison pour laquelle, la gabegie des ressources halieutiques est fustigée.

? Le gaspillage des ressources halieutiques

Il faut dire que le gaspillage est actuellement intense : une partie des captures n'est pas commercialisée, pour cause de fraîcheur douteuse ou de marché sans intérêt. Miossec a traité de la question en 1998. Les pêches chalutières, industrielles ou artisanales, très largement répandues, capturent d'importantes quantités de poissons dont certains sont commercialement intéressants, d'autres moins, voire pas du tout : c'est ce que l'on appelle le « faux poisson » (Corlay, 2004).

En effet, du fait des carences en infrastructures et installations commerciales et des températures tropicales, le pourcentage de pertes après capture et de détérioration de la qualité des produits est élevé dans les pays en développement, avec les risques que cela comporte pour la santé du consommateur : en Afrique, on estime ces pertes entre 20 et 25 % selon la FAO.

? Les impacts sur les écosystèmes marins et côtiers

La pêche demeure aujourd'hui comme la première activité humaine ayant eu un impact sur les écosystèmes aquatiques et côtiers (Jackson et al., 2001). Ces impacts de la pêche sur l'environnement ont été abondamment décrits et examinés (Dayton et al., 1995 ; Goñi, 1998 ; Kaiser et al., 2003 ; Gislason, 2003; Agardy, 2000).

Christensen et al. (1996) disaient que, les écosystèmes qui soutiennent la pêche sont aujourd'hui, soumis à un certain nombre de modifications d'une pertinence significative. En raison de notre compréhension imparfaite de la structure des écosystèmes marins, de leur fonctionnement, et de la difficulté inhérente à distinguer entre les changements naturels et anthropiques, ces derniers ne sont pas toujours parfaitement prévisibles et/ou réversibles.

Bourgneuf et Mollo (2010) dans leur publication intitulée : « L'enjeu du plancton : l'écologie de l'invisible » ont décrit la composition et le fonctionnement des écosystèmes marins. Ils expliquent que, le plancton est à la base de la chaîne alimentaire marine. Sa dégradation en quantité et en qualité telle que constatée aujourd'hui, participe à la disparition

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des espèces halieutiques. Préserver le plancton aujourd'hui, c'est sauver pour demain la respiration des océans, c'est préparer les ressources alimentaires pour l'humanité.

Les travaux de Goñi (1998) attirèrent l'attention sur l'usage d'explosif en pêche. Il mentionnait qu'un explosif relativement petit (à la taille des bouteilles de bière) est capable de détruire une zone de trois mètres circulaire de l'écosystème marin. Par ailleurs, Couliou (1998) expliquait clairement que la pêche est également une composante des activités littorales, puisqu'elle est un élément du « géosystème halieutique ».

Corlay J-P. (1993) dans sa thèse : « La pêche au Danemark, Essai de Géographie halieutique » et dans des articles publiés préalablement (1979) a défini et étudié les concepts théoriques sur les notions de « système halieutique » et de « géosystème halieutique »9.

Pour conclure cette partie, la pollution d'origine terrestre est à l'origine de l'effondrement de la vie marine dans de nombreuses zones où l'oxygène se raréfie ou disparaît (30 % de la baltique).

3.2.3. L'impact socio-économique de la surexploitation des ressources

Pour Cochrane (2000), l'échec de la gestion se situe à quatre niveaux ; elle est non seulement une crise biologique, écologique, économique et sociale. Cury et Cayré (2001) ajoutent une cinquième dimension relative à la perception négative de l'activité de pêche pouvant exister aujourd'hui.

Ainsi, Corlay J.P (2004), analysant les enjeux de la pêche à l'aube du troisième millénaire face à la crise des pêcheries mondiales, mettait en évidence les implications de cette crise sur la sécurité alimentaire mondiale et démontra que, la surexploitation des ressources halieutiques est à l'origine du chômage, des conflits spatiaux, de la faim et de la pauvreté. Il est urgent de prendre la gestion de ce secteur au sérieux.

Rey, Catanzano, Mesnil et Biais (1997) posaient un « regard différent sur les pêches » à travers les systèmes halieutiques. Ce concept regroupe le système de production, de valorisation et de gestion des ressources halieutiques dans un espace géographique donné. Grâce à un schéma architectural, il est possible selon eux, de lire la dynamique de

9 Le « système halieutique » est défini comme la combinaison et les interactions des facteurs biologiques (ressource), techniques (moyens mis en oeuvre pour capturer et travailler les produits de la mer), économique (l'armement, les stratégies d'exploitation, les entreprises de la filière.), sociaux (les rapports entre les personnes, la dimension culturelle) dont la finalité est de prélever les ressources vivantes de la mer à des fins d'utilisation par l'homme, c'est-à-dire, pêcher.

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l'exploitation halieutique dans une pêcherie, et prendre des décisions anticipatives pour une bonne gestion économique de ce secteur.

3.3. LA GESTION DURABLE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

Qu'est-ce qui fonde la gestion des ressources halieutiques ?

À cette interrogation, Faucheux et Noël (1995) répondent qu'en tant que ressources renouvelables, le véritable problème que pose la gestion des ressources halieutiques est qu'il n'est pas exclu que leur capacité de régénération soit remise en cause de façon irréversible par un taux d'exploitation excessif ou une atteinte à leur biotope. La problématique de gestion est donc de trouver un équilibre intertemporel en respectant leurs contraintes bioécologiques et en intervenant, si possible, pour améliorer leur reproduction.

En effet, la plupart des ressources naturelles peuvent être épuisables, si l'on admet qu'il est possible de trouver un rythme d'utilisation provoquant une diminution de ses disponibilités jusqu'à les annuler. Cette préoccupation d'une exploitation compatible avec la pérennité des ressources halieutiques constitue le fondement de base de leur gestion.

3.3.1. L'émergence du développement durable dans la pêche

L'exploitation des ressources halieutiques de la planète est inquiétante. Car aujourd'hui, la plupart des principaux stocks de poissons des océans du monde ont été exploités de manière irresponsable de sorte que plusieurs populations sont maintenant en déclin et d'autres ont été décimées. Cette situation de crise des pêcheries mondiales a favorisé l'émergence du concept de pêche durable.

En effet, du fait de nombreux problèmes10, la nécessité d'une pêche durable a été reconnue par la FAO lors de sa conférence de 1995 à Rome où elle a adopté le « Code de conduite pour une pêche responsable ». Ce code s'appuie sur les principes du développement durable. Déjà, le Chapitre 17 de l'agenda 21 issu du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 était consacré aux ressources vivantes marines. Un des rares textes signés à la Conférence de Johannesburg en 2002 a été un accord sur la pêche en vue de lutter contre la surexploitation. Ces textes attestent de la volonté d'une gestion conventionnelle des ressources qui va donner corps à plusieurs systèmes.

10Déséquilibre entre l'offre et la demande, surexploitation généralisée des ressources, gaspillages, difficultés économiques et sociales

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3.3.2. Les systèmes de gestion durable des ressources halieutiques

? La gestion conventionnelle des ressources halieutiques à travers le Monde

Gordon, (1954) a longuement travaillé sur la question. Il explique que les approches conventionnelles en gestion des pêches se focalisent essentiellement sur les espèces d'intérêt commercial, en considérant chaque stock de manière indépendante. Ces approches monospécifiques se sont très tôt intéressées à la dimension économique de la pêche, et ont permis de mettre en évidence certains processus économiques responsables de surexploitation.

En particulier, Munro et Sumaila (2002) indexent : le libre accès à la ressource, les subventions des gouvernements au secteur des pêches, ainsi que la vision à court terme des pêcheurs au regard des bénéfices escomptés. Mais, les limites de telles approches n'ont pas tardé à apparaitre.

? L'approche écosystémique des pêches (AEP)

Depuis une dizaine d'années, un nombre croissant d'articles (Botsford et al., 1997 ; Pitcher, 2000 ; Pauly et al., 2002 ; Pikitch et al., 2004), d'ouvrages (Hall, 1999) et de conférences (Hollingworth, 2000 ; Sinclair et Valdimarsson, 2003 ; Daan et al., 2005) revendiquent la mise en place d'une gestion écosystémique des pêches en réponse à l'échec des approches conventionnelles, dont les interventions n'intégraient pas les caractéristiques des systèmes naturels (Freemuth et Mc Greggor Cawley, 1998 ; Kennedy et Quigley, 1998; Knight, 1998; Szaro et al., 1998).

L'approche Écosystémique des Pêches (AEP) englobe donc un vaste ensemble de principes et d'objectifs conceptuels, dont la prise en compte doit permettre d'agrandir notre perception des relations entre le bien-être de l'Homme et la santé des écosystèmes (Sinclair et al., 2002 ; Garcia et al., 2003). Cette approche a été critiquée par l'approche communautaire du fait du monopole de l'État dans sa mise en application qui crée plusieurs scénarios :

Cordell (1984), faisait observer donc que si la responsabilité collective de la surpêche dans certaines eaux côtières incombe conjointement à deux groupes de pêcheurs (pêcheurs professionnels et petits groupes artisans), les répercussions humaines les plus préjudiciables ont d'ordinaire été observées au sein des communautés de petits pêcheurs.

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Mais, grâce aux travaux de Clark (1991) et Karnjanakesom (1992), on sait désormais que ce système est à l'origine des conflits à l'issue desquels les communautés de petits pêcheurs sont souvent perdantes et la dégradation des ressources toujours prospère. C'est ce qui justifia la mise en place d'approches contemporaines modernes.

? La cogestion des ressources halieutiques : une approche moderne

Selon Jentoft (2006), la cogestion pourrait être initiée, et appliquée à court terme, alors que la transformation des droits de propriété pourrait être un projet à plus long terme. Elle offre à en croire Konan et Zantou (2005), des opportunités pour une exploitation durable des ressources aquatiques et l'amélioration des moyens d'existence des communautés de pêche en Afrique.

Béné et al, (2007) étayaient que cette approche semble la mieux adaptée aux défis actuels de l'aménagement des pêcheries. Cependant, elle nécessite non seulement la présence d'acteurs sérieux au niveau local, mais aussi des arrangements préalables sur le pan juridique et pratique, auxquels sont associées les communautés, à l'appui de la gestion décentralisée et participative.

Les auteurs susmentionnés, de spécialités variées, ont abordé le sujet de la gestion des ressources halieutiques chacun à sa façon, en évoquant surtout les retombées socio-économiques de leur exploitation sur l'économie mondiale. Mais, peu d'entre eux ont pu l'étudier à fond dans des circonstances actuelles où les questions environnementales et démographiques, la faim en particulier, occupent le devant de la scène à quelque échelle que ce soit.

Pourtant, comme l'indiquait Rodary E., (2001), la géographie paraît bien placée pour intégrer dans son corpus scientifique, cette problématique de protection des ressources halieutiques, compte tenu de son histoire basée sur l'analyse des rapports homme-nature. Il a fallu attendre les années 1990-2000, pour voir émerger des études en géographie, intéressées à de tels questionnements.

3.3.3. Gestion durable des ressources halieutiques en géographie

Plusieurs productions scientifiques ont été réalisées en géographie sur la pêche dans le monde à partir de l'an 2000. Parmi les travaux consacrés à l'Afrique, les thèses de doctorat de Ndeye Astou-Niang sur la « Dynamique socio-environnementale et développement local des régions côtières du Sénégal : l'exemple de la pêche artisanale » et de Landry Ekouala sur la

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« gestion durable des ressources halieutiques et leur écosystème dans les provinces de l'Estuaire et de l'Ogooué (Gabon) » constituent une référence mis à part, l'article de CAMARA M.B. intitulé : « La gestion des ressources halieutiques au Sénégal : une contribution à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement ».

En effet, Camara M.B. (2005) partant d'un certain nombre d'indicateurs biologiques et socio-économiques, soutient qu'une bonne gestion des ressources halieutiques contribue à réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Car, un effort de pêche non contrôlé entraîne une baisse de la productivité de la pêche maritime sur le plan économique, une précarisation sécurité alimentaire sur le plan social, et une diminution des emplois ponctuée par une baisse de la consommation locale.

Ndeye A-N. (2009) relevait pour sa part, le poids des facteurs socio-environnementaux sur le développement local de la pêche artisanale au Sénégal. Sa thèse a permis de voir que, les politiques de développement mises en place par l'État dans le secteur de la pêche sont souvent restées au stade de projet ou bien, mal appliquées et suivies sur le terrain.

Plus récemment, Ekouala L. (2013) dans son étude sur la « gestion durable des ressources halieutiques et leur écosystème dans les provinces de l'Estuaire et de l'Ogooué (Gabon) » a relevé que la surpêche observée à l'échelle mondiale est facilitée par les progrès techniques et par une demande de consommation en constante augmentation, notamment dans les pays développés. Le diagnostic établi au Gabon mettait en évidence une exploitation désordonnée des ressources halieutiques et une détérioration générale de l'état des écosystèmes côtiers, nécessitant des mesures d'ajustement de la pression de pêche.

Ces thèses ne sont pas passées inaperçues ! D'autres centres d'intérêt sont nés en considérant les pêcheries continentales à l'instar des lacs et barrages.

? Les études sur les activités de pêche dans les lacs et barrages

Elles ne sont pas certes nombreuses, mais sont très riches et significatives :

Laë (1997) procédait à l'estimation des rendements de pêche des lacs africains au moyen des modèles empiriques. D'après cette étude, la gestion halieutique des lacs exige une estimation réaliste du potentiel exploitable. L'utilisation des données abiotiques de 65 lacs africains (y compris le lac de Maga) montre que l'intensification des activités de pêche n'entraine pas un effondrement des prises comme il est généralement admis, mais une stabilisation des rendements à leur niveau maximum pour un nombre de pêcheurs au km2 compris entre 2 et 30. Dans ce cas, pour un effort inférieur à deux pêcheurs par km2, les rendements à l'hectare sont directement tributaires de la pression de pêche. Car, au-dessus de

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cette valeur, et dans la gamme des efforts qui ont été observés, les captures totales dépendent essentiellement des capacités biologiques de l'écosystème.

Cette étude très significative, sera corroborée par une autre, faite en l'an 2000 par Kabré et Ille (200) qui avaient envisagé d'évaluer le poids des facteurs géographiques propres à la latitude, la longitude et l'altitude sur la rentabilité des pêcheries artisanales continentales. Le scénario portait sur deux pêcheries artisanales lacustres de Bagré au Burkina-Faso sous un titre fort évocateur : « Rétrécissement saisonnier des superficies d'eau, variation physico-chimique et production artisanale des pêcheries de Bagré ». Grâce à un savoir géographique articulé, l'étude démontre que le rétrécissement des superficies d'eau engendre la fluctuation de la profondeur. Mais les autres hypothèses relatives à l'influence des coordonnées géographiques sur la rentabilité de la pêche ne furent pas vérifiées et sont restées obscures jusqu'à l'heure.

Dans tous les cas, la pêche artisanale dans les lacs reste un champ scientifique peu exploré en géographie, et le lac de Maga ne soustrait pas à cette donne.

? Les études sur la pêche artisanale lacustre à Maga

Belal et al. (2003) constataient que dans le lac de Maga, la pêche est pratiquée neuf mois sur douze en raison des trois mois de son d'interruption - de juillet à septembre - correspondant au repos biologique.

La même année, Tarla et Mvondo cités par l'UICN et CBLT (2007), se sont intéressés à la diversité biologique du lac de Maga ainsi que les espèces les plus exploitées. D'après cette recherche, plus de 56 espèces de poissons peuplent la retenue et 12 d'entre elles intéressent prioritairement les pêcheurs. Il s'agit des : Clarias, Tilapia, Mormyrus, Gnatonemus, Heterotis, Synodontis, Bagrus, Auchenoglanis, Lates, Hydrocynus et Chrysichthys. Ces travaux s'inscrivent plutôt dans le domaine des sciences halieutiques et aquicoles.

Seignobos C. et Raugel B. (1986), se sont intéressés à l'exploitation des ressources halieutiques à travers une étude descriptive : « LA PÊCHE DANS LE LAC DE MAGA ». Même s'il faut leur reconnaître le mérite d'avoir attiré l'attention du public sur le nombre de pêcheurs sur la retenue, leurs origines, leurs techniques de pêche et de préparation de poissons, quelques limites réelles sont cependant à souligner. L'influence de la pression démographique et des paramètres socio-économiques défavorables, sur la l'aménagement durable de cette pêcherie a peu été élaboré.

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Trente ans après, la présente étude se propose d'aborder cet aspect. Car, compte tenu de l'obsolescence ou de la caducité de cette analyse d'une part, et d'autre part, du caractère général des observations de Seignobos et Raugel, un vide scientifique concret plane sur l'évolution de la pêche artisanale lacustre de Maga. Donc il y a matière à creuser. Il parait évident que, faire le point sur l'avenir de cette activité est une issue adéquate à suivre, pour parvenir à une gestion durable des ressources halieutiques dans ce plan d'eau sensible.

4. DÉLIMITATION SPATIO-TEMPORELLE DE LA RECHERCHE

Crée en 1979, suite à l'endiguement d'un marécage plat drainé par trois cours d'eau (Mayo Guerléo, Mayo Boula et Tsanaga) qui se déversent dans la plaine d'inondation du Logone, le lac de Maga (Figure 01), bien que dénommé comme tel, s'intègre dans la partie septentrionale du bassin du lac Tchad11 entre les latitudes : N 10°46'12'' - N 10°52'12'' et les longitudes : E 14°50'24'' - N 15°04'12''(CBLT et FEM, 2005 ; UICN et CBLT, 2007). Il correspond aux 360 km2 d'eau séparant de façon irrégulière12, l'arrondissement de Maga (au Nord) et celui de Kaï-Kaï (au Sud) dans le département du Mayo-Danay, région de l'Extrême-Nord-Cameroun.

11 Le bassin du Lac Tchad est une cuvette de 1,5 millions de km2 que couvre le Tchad, une partie du Niger, du Nigeria, de la R C A et du Cameroun. La partie camerounaise couvre environ 1/12e de la surface du « moyen Tchad » soit près de 1700 km2. Il est situé entre le 12° 30''et 14° 30''de latitude Nord et entre le 13° et 15°30''de longitude Est. Dans le bassin camerounais du Lac Tchad on distingue une partie septentrionale dans la région de l'extrême Nord et une partie méridionale située dans l'Adamaoua.

12Selon la CBLT la retenue de Maga s'étend chaque année sur environ 12000 ha en juin et 36000 ha en octobre.

19

Figure 1: Localisation de la retenue d'eau de Maga

20

La présente étude porte du point de vue spatiale, sur cette retenue d'eau dans sa globalité. Dans le temps, elle va de 1986 à 2015 soit 29 ans.

5. OBJECTIFS DE RECHERCHE 5.1. Objectif principal

Faire le point sur l'avenir de l'activité de pêche dans la retenue d'eau de Maga. 5.2. Objectifs spécifiques

· Évaluer l'état de la pression exercée par les activités de pêche dans le lac de Maga.

· Identifier les différents acteurs au coeur de cette pression et leurs responsabilités.

· Montrer son impact sur les ressources halieutiques et l'écosystème.

6. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE 6.1. Hypothèse principale

La croissance démographique de ces dernières années est la principale cause de bien de menaces directes et indirectes sur les ressources halieutiques et l'écosystème lacustre de Maga.

6.2. Hypothèses spécifiques

· La pression exercée par la pêche dans le lac de Maga a un impact négatif sur les ressources halieutiques et la durabilité de l'écosystème.

· Le comportement de certains acteurs directs ou indirects est responsable de nombreux dysfonctionnements qui plombent l'avenir de cette activité.

· La gestion des ressources halieutiques dans la retenue d'eau de Maga est particulièrement menacée par la croissance démographique.

7. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE

La réflexion thématique minutieusement menée sur la nature du sujet a conduit à privilégier l'usage de certains concepts pour mieux analyser les évolutions de la pêche dans ce travail. Il s'agit de :

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? Développement durable

Le développement durable est apparu dans les années 1980. Il est considéré comme « le nouveau paradigme de la gestion des rapports entre l'homme et la nature » (Corlay J.P., 2004). Ce concept a été introduit officiellement en 1992 lors du Sommet mondial de la Terre organisé par la Conférence des Nations Unies pour l'Environnement et le Développement (CNUED) à Rio de Janeiro. Ainsi, une définition officielle a été retenue sur le concept : c'est « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». C'est cette définition, la toute première qui est retenue dans cette recherche.

Dans son acception la plus large, le concept doit être compris comme un développement à la fois supportable par les écosystèmes dans lesquels nous vivons, donc économe en ressources naturelles et aussi "propre" que possible ; viable, autosuffisant à long terme, c'est-à-dire fondé sur des ressources renouvelables et autorisant une croissance économique riche en emplois, notamment là où les besoins essentiels ne sont pas couverts ; vivable pour les individus et les collectivités, donc orienté vers la cohésion sociale et l'accès pour tous à une haute qualité de vie.

Le concept de gestion durable des pêcheries rejoint celui de développement durable. Il est perçu dans ce travail comme le veut la FAO : « le processus comprenant la collecte d'informations, l'analyse, l'élaboration, la consultation, la prise de décisions, l'attribution des ressources, la formulation et la mise en place, avec application si nécessaire, des règles ou des règlements qui régissent les activités de pêche afin d'assurer une productivité continue des ressources, et la réalisation d'autres objectifs en matière de pêche » (FAO, 2000).

? Ressources halieutiques

Les ressources biologiques englobent les ressources génétiques, les organismes ou parties d'organismes, les populations ou toute autre composante biotique d'écosystèmes ayant une valeur d'usage effective ou potentielle pour l'humanité. Les ressources halieutiques sont les ressources qui ont une valeur pour la pêche. Elles désignent tout stock d'animaux (allant des crustacés les plus petits aux grosses baleines via les poissons divers) aquatiques vivants (sauf ceux qui sont spécifiquement interdits par la loi) qui peuvent être pris par la pêche, et leur habitat.

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Dans cette recherche, l'expression « ressources halieutiques » désigne exclusivement les poissons dans leur diversité et n'est par conséquent pas applicable aux autres espèces vivantes dans le lac comme les tortues, hippopotames, varans, etc. qui peuvent faire l'objet de prise accidentelle en pêche artisanale.

? La pêche responsable

Ce n'est rien d'autre que l'application des principes du développement durable aux activités de pêche. En effet, selon la FAO c'est la forme d'exploitation qui, tout en les prélevant, maintient leur diversité biologique, leur productivité, leur faculté de régénération et leur capacité à assurer, de manière pérenne et sans préjudice pour les écosystèmes établis, les fonctions économiques, écologiques, sociales, culturelles et scientifiques pertinentes ».

Dans ce travail, ce concept n'est pas dénoué de l'exploitation durable des ressources halieutiques qui, d'après la conférence internationale sur la pêche responsable tenue à Cancun au Mexique en 1992, « englobe l'utilisation durable des ressources halieutiques en harmonie avec l'environnement, et le recours à des méthodes de capture sans effet nocif sur les écosystèmes, les ressources ou leur qualité. Il fait également place à la notion de valeur ajoutée au produit par des procédés de transformation respectant les normes sanitaires requises, et à l'adoption de pratiques commerciales permettant d'assurer aux consommateurs l'accès à des produits de qualité ».

? L'écosystème

Un écosystème est une entité très complexe avec de nombreux éléments interactifs. Il peut être défini comme « un système d'interactions complexes de populations entre elles et avec leur environnement » ou comme « le fonctionnement et l'interaction conjointe de ces deux compartiments (les populations et l'environnement) dans une unité fonctionnelle de taille. Les écosystèmes peuvent être considérés à différentes échelles géographiques, à partir d'un grain de sable avec sa microfaune riche, à une plage entière, une zone côtière ou un estuaire, une mer semi-fermée et, éventuellement, la Terre entière.

Ce travail s'intéresse à l'écosystème lacustre de Maga. C'est-à-dire au système d'interaction complexe des ressources halieutiques (les poissons notamment) entre elles et leurs lieux de vie (le lac). Concrètement, il s'agit de voir la stabilité et l'équilibre systémique entre les poissons et l'eau dans laquelle ils vivent.

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Les écosystèmes qui soutiennent la pêche sont, aujourd'hui, soumis à un certain nombre de modifications d'une pertinence significative. En raison de notre compréhension imparfaite de la structure des écosystèmes et leur fonctionnement, et de la difficulté inhérente à distinguer entre les changements naturels et anthropiques, ces derniers ne sont pas toujours parfaitement prévisibles et/ou réversibles (Christensen et al. 1996). La pêche demeure aujourd'hui comme la première activité humaine ayant eu un impact sur les écosystèmes côtiers (Jackson et al. 2001).

Ce travail cherche à identifier et analyser comment ces concepts sont appliqués à la gestion des stocks ichtyologiques lacustres de Maga.

8. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

La méthodologie appliquée dans cette recherche repose sur une démarche systémique, nourrie de l'analyse des données bibliographiques (statistiques de pêche, travaux de biologie et de socio-géographie et économie des pêches), d'entretiens auprès des services étatiques et auprès des pêcheurs grâce à un questionnaire conçu puis traité (voir annexe 2 et 3).

8.1. La collecte des données

Les données collectées sont de deux ordres : secondaires et primaires. 8.1.1. Les données secondaires

Les données des 15 dernières années relatives aux débarquements des espèces cibles sont collectées auprès du centre d'alevinage et de contrôle de pêche de Maga, des DAEPIA-Maga et Kaï-kaï, et de la DDEPIA-Yagoua. L'accent a été mis sur les 05 espèces les plus capturées (Glarias, Tilapia, Heterotis, Bagrus et Lates). Car, ces dernières fournissent plus de 60 % des débarquements annuels enregistrés et approvisionnent le marché intérieur ainsi que les organisations de transformation et d'exportations des produits halieutiques frais, fumés et séchés.

La période de référence (de 2000 à 201513 et 2011 à 201514) a été dictée par la disponibilité des données y afférentes. Les statistiques des débarquements ont été collectées dans les DAEPIA-Maga et Kaï-kaï. Les données relatives à l'effectif de pêcheurs sont celles des rapports départementaux de la DAEPIA de Yagoua sur la pêche dans le lac Maga. Les

13 Débarquements, nombre d'engins, de pirogues et de pêcheurs.

14 Débarquements des 05 espèces les plus exploitées.

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données socio-économiques de la pêche sont recueillies sur le terrain grâce à un questionnaire et complétées par les résultats de l'enquête-cadre de 2011 menée conjointement par la FAO et le MINEPIA sur la retenue.

Pour en arriver là, un questionnaire a été administré aux délégués des deux centres et une fiche de collecte de données halieutiques dressée dans laquelle ont été mentionnés les débarquements mensuels et annuels de chaque espèce, suivant la déclaration du gestionnaire ou alors, selon la mention du rapport consulté. Ces données ne pouvaient à elles seules suffire pour se prononcer objectivement sur les multiples aspects de la pêche. Il a fallu recourir à des observations de terrains qui se sont avérées précieuses dans ce travail.

8.1.2. Les informations de terrain

Les informations de terrain ont été collectées à partir des questionnaires préparés selon les objectifs en vue. Ce questionnaire dûment élaboré sur l'organisation et la dynamique socio-économique de cette activité (annexe 02) a été administré aux pêcheurs aussi bien à Maga qu'à Kaï-Kaï.

Afin de rassembler le maximum d'information possible, l'enquête a distingué les pêcheurs des aides-pêcheurs, les mareyeurs (commerçants confondus) et transformateurs (friture et fumage). Est dénommé « pêcheur » dans cette enquête, toute personne (homme ou femme) disposant d'un équipement de pêche (loué ou propre) pratiquant cette activité de façon permanente. Ont été intégrés dans la catégorie d'aides pêcheurs, les garçons qui, dès l'âge de 15 ans, savent diriger une pirogue, préparer le poisson et parfois même réparer les filets. Ceux-ci ne constituent pas la cible principale de cette étude15, mais sont toutefois comptés dans l'effort de pêche parce qu'ils sont des acteurs à part entière de cette activité et sont susceptibles d'accroitre la pression de pêche tant par leurs nombres que par leurs manières d'agir.

Ainsi, auprès de 100 pêcheurs de la retenue d'eau de Maga, les informations relatives aux points suivants ont été recueillies :

- Caractéristiques socio-professionnelles du pêcheur

- Les paramètres de l'exploitation halieutique - Fréquence d'utilisation du lieu de pêche

15 Ils n'ont pas trop d'expérience dans le domaine et ne pourraient parler ex professo de cette activité. Leurs observations sont limités dans le temps et parfois moins cohérentes. Toutefois, ils sont partie intégrante de cette activité et identifiés comme acteurs directs.

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- Impacts des facteurs anthropiques sur la pêche

- Stratégies de gestion des ressources halieutiques

Compte tenu de la vastitude du lac et de l'hétérogénéité spatiale des pratiques de pêche, l'enquête a touché trois zones écogéographiques autour de la retenue ainsi qu'il suit :

? Zone Maga 1

La zone « Maga 1» correspond à la zone de compétence du centre d'alevinage et de contrôle de pêche de Maga. Elle s'étend sur 12 km de long. Suivant la digue-barrage, elle va de Guirvidig jusqu'au lieudit P2 (pont II). Y ont été interrogés 48 pêcheurs professionnels soit 48 % de l'effectif total étudié, répartis comme suit (tableau 01), dans leurs villages ou campements respectifs :

Tableau 1: Effectifs de pêcheurs enquêtés dans les villages de Maga 1

Campements ou villages

Effectif des pêcheurs interrogé

Gamack

15

Yangah

05

Malka

07

Keleo

04

P2

17

Total

48

Source : Enquête de terrain, Mars 2015.

? Zone Maga 2

De « P2 » à POUSS (12 km de long), se situe la zone « Maga 2 ». Elle est sous le contrôle du Centre de Contrôle de Pêche de Tékélé. L'enquête s'est intéressée à 33 pêcheurs dans les campements suivants (tableau 02) :

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Tableau 2 : Effectifs de pêcheurs enquêtés dans les villages de Maga 2

Campements ou villages

Effectifs des pêcheurs interrogés

Hoff

05

Gaya pouss

07

Balla

04

Wan groun

17

Total

33

Source : Enquête de terrain, Mars 2015.

? Zone Kaï-Kaï

Moins accessible que les précédentes et très difficile à délimiter, la zone Kaï-Kaï couvre la partie sud de la retenue. Elle regroupe plusieurs villages et campements inaccessibles où, la pêche n'est pratiquée que pendant les crues. Quand les eaux se retirent, le lac s'assèche et les pêcheurs migrent tous vers le Nord (zone Maga). L'enquête se situant durant la haute saison, 19 pêcheurs ont pu être interrogés dans 03 villages tel qu'indiqué dans le tableau ci-dessous :

Tableau 3 : Effectifs de pêcheurs enquêtés dans les villages de Kaï-Kaï

Campements ou villages

Effectifs des pêcheurs interrogés

Djafga

08

Kaï-kaï

09

Yabai

02

Total

19

Source : Enquête de terrain, Mars 2015.

Des entretiens individuels ou enquêtes semi-directes avec les « acteurs extérieurs » ont été également faits auprès des personnes ressources (Chef du CACP de Maga, Chefs des PCP de Kaï-Kaï et Tékélé ; S.G de la cogestion de Maga et Kaï-Kaï), des structures administratives (sous-préfectures de Maga et Kaï-Kaï) des collectivités locales (communes d'arrondissement de Maga et Kaï-Kaï) pour mieux analyser leurs implications dans le développement de la

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pêche artisanale et l'amélioration de la qualité de vie des populations concernées. Ces entretiens ont été faits à partir d'un guide d'entretien préparé à cette fin (annexes 03).

8.2. Traitement et analyse des données

Le traitement des données s'est fait suivant le plan d'échantillonnage défini au départ. Il convient d'abord de présenter le matériel utilisé.

8.2.1. Présentation du matériel utilisé

Par matériel, il faut entendre l'ensemble des objets, des éléments qui ont servi à la

réalisation d'un ouvrage. C'est aussi au sens informatique du terme, l'ensemble des éléments

physiques employés pour le traitement des données.

Ainsi, cette recherche a nécessité :

- Un appareil photo numérique pour les prises de vue

- Un GPS pour les marquages géographiques des points importants de

débarquements et des points de prise de vue.

- Une pirogue avec ou sans moteur et une moto pour assurer la mobilité à travers la

retenue.

- Un thermomètre pour la prise des températures d'eau

- Les logiciels utilisés sont : Microsoft Office 2010 et 2013, Adobe Illustrator,

Inskap, QGIS 2.10, Adobe photo shop, et Google Earth.

- Un ordinateur pour traiter ces données collectées.

8.2.2. Quelques formules retenues

Les données précédemment collectées ont été introduites dans un tableur Excel. Leur traitement s'est fait suivant les objectifs spécifiques poursuivis.

Ainsi, par rapport à la pression de pêche, des courbes d'évolutions relatives à la quantité de poissons débarqués au cours des 15 dernières années ont été réalisées. Idem pour l'effectif des pêcheurs sur la retenue, les embarcations utilisées par les pêcheurs artisans et leurs engins. Le barème fixé par la FAO (effectif des pêcheurs/ surface considérée) a été retenu pour calculer l'intensité des pêches dans la retenue. Puis, une comparaison entre l'effectif des pêcheurs au Km2 sur la retenue en 1986 et celui de 2015 a été faite pour apprécier la situation actuelle. En même temps, les modifications qualitatives et quantitatives de la flottille et des engins de pêche ont été prises en compte. Ainsi,

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Pression de pêche = Effort de capture + Pression socio-économique

Effort de pêche = Effectif total de pêcheurs sur le lac

???????????????????? ???????????? (????2) + ?????????? ?????? ?????? ???? ??????

Pression socio-économique = Main d'oeuvre artisanale + Production

L'identification des catégories acteurs ainsi que leurs moyens de production est fonction de la richesse du questionnaire (annexe 02) dûment dépouillé et classé par degré de participation à la chaîne d'activité du secteur en général. Ainsi, le premier point réservé à l'identification du pêcheur, indique les caractéristiques socio-professionnelles de ce dernier. Il renseigne sur les origines, l'âge, le temps mis sur la retenue, etc. Le deuxième point permettait d'associer au cas échéant, ce dernier à un commerçant et/ou un transformateur à partir de la provenance du matériel de pêche (pirogue ou filet) qu'il utilise. Ces renseignements sur les pêcheurs et leurs moyens de production sont complétés par d'autres par rapport à l'impact de la pêche sur les ressources et l'écosystème.

L'impact de la pêche sur les ressources et l'écosystème a été perçu à travers une évaluation biologique des stocks, nourrie par des observations et clichés photographiques. Aussi, directement par les déclarations de pêcheurs professionnels par rapport aux variations constatées sur les rendements par pêcheurs et les types de pollution observées.

En ce qui concerne la réglementation de la pêche ainsi que les contraintes à son application, les textes en vigueurs ont été recensés et examinés grâce aux entretiens avec le personnel des services déconcentrés du MINEPIA (annexe 3).

Au total, on dira que le travail de terrain qui portait sur l'examen des paramètres de l'exploitation halieutique lacustre de Maga, a permis de suivre dans le temps, les indicateurs biologiques et socio-économiques de la pression de pêche. On a pu voir en même temps, la situation actuelle.

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8.2.3. Interprétation des résultats

Pour apprécier la pression de pêche dans le lac, le postulat de la FAO (2 pêcheurs/km2) a été retenu comme référence et le rendement maximum durable16 considéré est de 1500 tonnes de capture par an depuis 1986. C'est-à-dire, lorsque :

Intensité de pêche > 2 < 30 pêcheurs/km2 = pression acceptable

Intensité de pêche > 30 pêcheurs/km2 = pression excessive, situation critique

En référence aux conclusions de Laë R. (1997) qui a trouvé que lorsque l'effort de pêche est compris entre 2 et 30 km2, la production est encore maîtrisable. Mais passé ce stade, les stocks s'épuisent.

Ainsi, l'augmentation de la production renseigne sur l'augmentation de l'effort de pêche y compris tous les autres éléments qui la définissent. Lorsque les prélèvements sont supérieurs à ce postulat, ils sont jugés préjudiciables aux ressources en présence. C'est ce qu'explique la formule suivante :

Prélèvements > RMD = surexploitation

L'impact des pêches sur les ressources a été interprété via la baisse des débarquements relatifs aux captures enregistrées, l'apparition massive des captures juvéniles dans les débarquements, la chute des Captures par Unité d'effort et, le regret du passé de la pêche lisible sur la situation socio-économique des acteurs de ce secteur.

En ce qui concerne leur environnement, il a été considéré que la substitution des appâts par les morceaux de savon constitue une source de pollution aquatique. Aussi, les Engins Abandonnés, Perdus ou Rejetés (EAPR) dans le lac sont dangereux pour la mobilité des poissons et la pureté de leur environnement. En fin, les engins prohibés ainsi que les déchets plastiques divers sont source de dysfonctionnement des habitats sensibles. Pour finir, le rétrécissement de la retenue et l'augmentation de la population autour du lac paralysent les efforts de gestion durable entrepris par les acteurs variés. Ceci a été observé à partir du désordre qui prospère sur la retenue tant dans la pratique qu'au niveau de l'organisation de cette activité.

16Poids de poissons présents dans un stock qui peut être prélevé par la pêche tout en maintenant la biomasse du stock à un niveau stable d'année en année, les conditions environnementales étant supposées rester identiques.

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Bref, c'est grâce à la confrontation des données bibliographiques, aux observations et aux enquêtes de terrain qu'on a pu dégager les axes majeurs qui ont ensuite guidé la construction finale de ce travail à certains points, difficiles.

8.3. Difficultés rencontrées

Pour terminer, il convient d'évoquer les difficultés rencontrées dans cette recherche. Il s'agit de l'absence d'une documentation fournie sur la problématique de la pêche à Maga, contrairement à certaines pêcheries continentales du pays comme le barrage de Lagdo dans le Nord ou Mbakaou dans l'Adamaoua qui dispose d'une documentation bien plus garnie sur la gestion de leurs stocks ichtyologiques.

Ces difficultés ont été rencontrées aussi bien à Ngaoundéré qu'à Maga. En effet, à Ngaoundéré, cela est dû en partie au fait que ce secteur est resté longtemps inexploré surtout au département de géographie. Aucun mémoire ou Thèse de Doctorat ne s'est intéressé expressément à cette activité. À Maga et à Kaï-Kaï, l'obtention des informations relatives à l'évolution du secteur de pêche (effectif des pêcheurs sur la retenue, débarquements annuels, etc.) s'est avérée très difficile. Celles relatives au suivi chronologique des espèces halieutiques quasiment absentes, excipées pour les espèces les plus prisées 05.

Plus encore, à l'échelle de la retenue tout entière, il n'existe pas de données statistiques pouvant rendre compte de la dynamique de la production de manière satisfaisante, et ceci pour au moins deux raisons. Il s'agit d'abord, de l'absence d'un suivi méticuleux de la production halieutique lacustre entre 1979 et 1993, due aux activités de la SEMRY encore intenses à l'époque. En effet, seule la SEMRY procédait à des quantifications de la production des pêches pour toute la retenue. Elle ne pouvait le faire que lorsque besoin se pose c'est-à-dire pas régulièrement chaque mois chaque année. De plus, celles-ci n'étaient que partielles et partiales raison pour laquelle, les données crédibles de cette période sont celles de 1985 pour la SEMRY d'une part et celles de 1986 publiées par Seignobos.

Pourtant, à partir de 1994 jusqu'en 2015, deux problèmes majeurs se posent. La gestion du lac devient de concert entre l'État et la SEMRY. Les statistiques sont depuis lors produites par les délégations d'arrondissements des services déconcentrés du ministère en charge des pêches au Cameroun présentes à Maga et à Kaï-Kaï. Aucune transmission des données statistiques de base antérieures n'a suivi le transfert des compétences. Exceptée à Maga où, le CACP fournissait de gros efforts dans ce sens. Ce qui justifie la quasi-inexistence des données par mois à cette période indiquée.

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Secondement, pareillement au CACP de Maga, le service de pêche de Kaï-Kaï s'efforçait avec intermittence à fournir une base statistique inusitée dans notre recherche. Car, partiellement menée du moment où la pêche artisanale lacustre n'y est pas permanente, mais plutôt jugulée par la décrue du lac dès fin février. D'autre part, le faite que les comptabilités statistiques relatives aux débarquements en pêche y portent même sur la pêche en dehors du lac discrédite ces données lorsqu'il faut procéder à une évaluation de la production globale17. Les seules statistiques fiables sont celles de la DAEPIA de Maga qui réunissent les débarquements du CACP de Maga et ceux du CCP de Tékélé, soit 70 % de la production halieutique globale du lac en temps réel. C'est celles qui sont étudiées de façon chronologique dans cette recherche et les données récoltées sont fort éloquentes.

On ne manquera pas de souligner les difficultés spécifiques de terrain dont quelques-unes ont été mentionnées précédemment. Il s'agit entre autres des difficultés d'accès à certains villages ou campements de pêche souvent très éloignés des centres urbains et de la méfiance des pêcheurs vis-à-vis des étrangers qui ont parfois refusé de communiquer les informations sur leurs activités. Mais aussi et surtout du calendrier de pêche qui a profondément influencé cette recherche. Car, la période de repos biologique limitait toute observation scientifique du 1er juillet 2015 au 31 septembre 2015.

Toutefois, ces nombreuses difficultés n'ont pas empêché d'élaborer, à partir des informations recueillies, un argumentaire assez intéressant sur la question du sujet.

9. INTÉRÊT DE LA RECHERCHE

L'intérêt de cette étude résulte essentiellement dans le fait qu'elle interpelle les pouvoirs publics concernés sur les dangers qui menacent l'avenir d'une pêche précieuse pour la survie de leurs populations. Elle est à ce titre appliquée et applicable en ce sens qu'elle indique après une évaluation bien que partielle des stocks des ressources exploitées, les espèces de poissons dont l'exploitation peut faire l'objet d'une interdiction formelle, celles qui sont le moins touchées ou encore, pas du tout touchées.

Aussi, cette étude est originale tant parce qu'elle enrichit le champ scientifique des problématiques jusqu'ici étudiées au département de géographie à l'université de Ngaoundéré d'un nouvel axe de recherche que parce qu'elle s'attaque à un problème d'actualité. Il s'agit

17 C'est l'un des défis sérieux qui se posent aux gestionnaires pour l'aménagement durable de cette pêcherie. Les estimations faites par ceux-ci à nos jours sont restées en marge de la réalité pour les mêmes raisons.

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d'une recherche transversale qui se met au service du développement durable à travers la pêche responsable en alignant systématiquement dans un même contenu, des théories variées à savoir : l'aménagement du territoire, la géographie économique et la géographie de la population. Elle pose les fondations scientifiques de l'aménagement durable du lac de Maga.

L'approche géographique de cette étude se révèle à travers l'importance de la pêche dans la dynamique spatiale et dans la recomposition territoriale des communes de Maga et Kaï-Kaï. Elle se révèle aussi dans la mobilité spatiale à l'intérieur de la plaine du Logone et la dynamique des relations entre cet espace et le reste du pays. Elle tient compte également des contraintes et atouts tant techniques, sociaux que financiers de cette activité.

Outre les contraintes, parmi les facteurs stimulateurs de cette recherche, figure en grande partie la croissance démographique. Si par définition, elle est l'augmentation générale de l'effectif d'une population donnée, la géographie elle, qui peut se définir comme la science de la dimension spatiale des sociétés, intègre l'homme comme un élément de l'organisation de l'espace à travers ses activités au nombre desquelles, la pêche. Cette relation entre les ressources halieutiques et la population suscite bien l'intérêt de cette étude. Dans cette présente démarche, la gestion durable des pêcheries est au coeur de l'analyse géographique de la pêche artisanale.

10. PLAN DE RÉDACTION

Les résultats de ce travail se présentent en deux parties structurées en deux chapitres chacune. L'introduction générale pose les enjeux du sujet ainsi que le cheminement scientifique et méthodologique de la recherche.

La première partie (le lac de Maga : un lieu de pêche sous pression) apprécie la pression exercée sur le plan d'eau de Maga par les activités de pêche (chapitre 2). Mais avant d'en arriver là, le chapitre premier (chapitre 1) évoque les fondements physiques et humains de cette activité.

La deuxième partie (l'avenir de la pêche artisanale lacustre de Maga) évalue d'abord l'ampleur de la dégradation biologique, écosystémique et socio-économique due à la surpêche (chapitre 3) puis teste l'efficacité de la réaction des pouvoirs publics (chapitre 4).

La conclusion générale essaie de voir si les hypothèses formulées au départ ont été toutes vérifiées. Elle ouvre bien évidemment des pistes de réflexion pour des nouvelles expériences scientifiques.

PREMIÈRE PARTIE :

LE LAC DE MAGA : UN LIEU DE PÊCHE SOUS PRESSION

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Introduction partielle

La pêche contribue depuis des temps immémoriaux à la survie des communautés qui la pratiquent en leur apportant un complément alimentaire et des revenus monétaires substantiels pour satisfaire leurs besoins. Ainsi en est-il du lac de Maga dans l'Extrême-Nord Cameroun, particulièrement poissonneux et bordé des villages et campements Musgum, Massa, kotoko etc. dont l'intérêt notoire pour la pêche est légendaire. Ces groupes ethniques ont été rejoints dans cette activité par des allogènes en provenance du Tchad, du Nigeria ou du Mali. Ces nouveaux venus, avec une longue tradition halieutique, pratiquent en exclusivité la pêche artisanale lacustre. Experts et détenteurs d'outils et de techniques de pêche hyper performants, ils réalisent d'énormes prises dont les produits, sont non seulement vendus sur les marchés locaux, mais aussi exportés au Nigeria, au Tchad voisin ou alors transformés. Aujourd'hui, la pression démographique y a porté l'effort des pêches à sa pointe en violant expressément toutes les recommandations scientifiques. Dans ces conditions, comment s'organise alors l'exploitation des ressources halieutiques dans cette pêcherie artificielle ? La pression de pêche exercée sur la retenue ne constitue-t-elle pas une menace les stocks ichtyologiques et l'écosystème ? Il convient dans cette première partie, d'analyser d'abord les fondements de la pêche artisanale lacustre de Maga (Chapitre 1) puis d'estimer la pression exercée sur la retenue par le développement de la pêche et ses corollaires (Chapitre 2).

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CHAPITRE 1 : FONDEMENTS DE LA PÊCHE LACUSTRE DE MAGA

Introduction

À l'image des grands écosystèmes aquatiques marins ou océaniques particulièrement riches, le lac de Maga présente d'énormes atouts favorables au développement de la pêche. Quels sont-ils ? Quel rôle joue chacun d'eux dans la stabilité et le maintien de l'équilibre écosystémique de la retenue, facteur indispensable au développement et à la multiplication des poissons ? Afin de révéler les potentialités halieutiques de cette pêcherie, ce chapitre détaille qu'elles reposent tout d'abord sur son cadre physique puis sur sa richesse interne. Aussi, conviendra-t-il d'ajouter qu'il s'agit, d'une retenue située dans un milieu humain de tradition halieutique séculaire.

1.1. LES ATOUTS PHYSIQUES DE LA RETENUE

La pêche lacustre de Maga se fonde d'abord sur les atouts physiques de la retenue. Ceux-ci sont constitués par les artefacts techniques mis en places par l'homme pour permettre le fonctionnement du plan d'eau, et les données géographiques naturelles opportunes aux activités piscicoles.

1.1.1. Une retenue aux capacités physiques considérables

Les capacités physiques de la retenue de Maga sont a priori, le premier facteur à même d'expliquer l'abondance relative des ressources. Par ordre d'importance relative décroissante, on retient les ouvrages géotechniques de la retenue et les données climatiques.

1.1.1.1. Les ouvrages géotechniques de la retenue

Ces ouvrages sont suffisamment nombreux et importants à telle enseigne que la création du réservoir de Maga n'a pas laissé l'environnement indemne. On peut noter :

? Le réservoir de Maga-Kaï-kaï

Avec une profondeur moyenne de 3 m, le réservoir de Maga-Kaï-Kaï (image 1) s'étend sur une superficie variante entre 240 et 360 km2 selon les saisons (Le Competing-Bet, 2006) et peut contenir jusqu'à 625 millions de m3 d'eau. La cote la plus basse du système se trouve au niveau de l'évacuateur de Vrick, constitué par 10 vannes (planche 1). Le volume prélevé pour l'irrigation des 700 hectares de rizières de l'unité II de la SEMRY est estimé à 200 millions de

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m3 d'eau par an. Une bonne partie de cette eau est drainée par le Mayo Vrick et P2 pour alimenter les Casiers rizicoles.

Photo 1: Le réservoir de Maga-Kaï-kaï

La démarcation en rouge illustre la zone d'impact du lac de Maga. Le miroir d'eau couvre habituellement cette surface.

Selon les rapports des bureaux d'études, « Le Competing-Bet » (2006) et « ERE-Développement » (2012), les cours d'eaux qui alimentent le lac, transportent des quantités importantes de sédiments et débris organiques qui se déposent à l'entrée et dans les dépressions de la retenue. Il n'y a pas des données permettant une quantification de l'envasement, la réduction de la profondeur du réservoir et du volume d'emmagasinement d'eau, mais il est certain que la capacité du réservoir s'est réduite. Et la pêche y pratiquée, a à y voir pour beaucoup. Le miroir d'eau aurait aujourd'hui une superficie de 109 Km2 en période de décrue.

C'est dans ce plan d'eau que s'effectuent les captures, et c'est dans et autour de celui-ci que se trouvent les villages des pêcheurs.

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? La digue-barrage Guirvidig-Maga-Pouss

La retenue est soutenue au Nord par le barrage en terre compactée de Maga long de 27 km qui va de Pouss à Guirvidig via Maga orienté d'Est en Ouest (voir figure 02). Construit en 1979 il a eu une hauteur originelle d'environ 4 à 5 m et une largeur en crête de 3,5m. Ladite digue est formée de sable argileux et limoneux peu compressible et compactée en couches d'environ 15 cm d'épaisseur. Quatre ouvrages de prise d'eau aménagés sur la digue servent à irriguer par gravité les périmètres rizicoles de la SEMRY.

Au stade de son fonctionnement optimum, les eaux du réservoir doivent être vidées avant les apports de la prochaine saison de pluies. Elle peut être une solution durable, écologique et économique au problème d'inondation dans la plaine, à condition d'assurer pleinement sa fonction d'irrigation et que les apports des sédiments qui comblent progressivement le lac soient maîtrisés. Car, jusqu'en 2012, elle était dans un état de dégradation avancée à cause d'un entretien insuffisant et de certains défauts originels aussi bien de conception que de construction.

Heureusement qu'aujourd'hui les travaux de réhabilitation entrepris dans le cadre du projet dénommé PULCI18 semblent transformer celle-ci en un véritable boulevard utilisable à la fois par les piétons, les cyclistes et les engins à moteurs (photo 2) vont lui redonner fonctions.

Coordonnées de prise de vue : x=10° 49' 58» y - 14° 57' 10» E
Photo 2 : Vue de dessus de la digue barrage de Maga en réhabilitation

18 Le Plan d'Urgence de Lutte Contre les Inondations est un projet en cours actuellement dans la localité. Financé à la fois par l'État et la banque mondiale.

En plus du soutien de la Digue-barrage, pour fonctionner, ce plan d'eau a aussi besoin d'autres infrastructures annexes au nombre desquelles, la prise d'eau sur le Logone, le déversoir de Pouss et l'évacuateur de Vrick.

? Le pont sur le Mayo Vrick

L'ouvrage assure la vidange partielle de la retenue en cas de montée rapide et menaçante du niveau d'eau. Il est situé sur la digue-barrage au point PK 15+864, entre Maga et Guirvidig. Cet ouvrage est constitué d'une batterie de dix dalots au niveau de la digue-barrage. Dix vannes à glissement NEYRTEC 1400 x 1400 mm contrôlent le débit de l'ouvrage (planche 01, a). Le bassin de dissipation d'énergie à l'aval de l'ouvrage se prolonge par un revêtement en enrochements du chenal d'évacuation, constitué de gros moellons et qui débouche dans le Mayo Vrick, principal axe de drainage de l'aménagement (b, planche 01).

Les talus de berges situés à l'amont de la digue barrage, de part et d'autre de l'ouvrage de Vrick ont fait l'objet d'enrochements jointoyés au mortier de ciment sur une faible pente, afin d'assurer leur protection contre l'érosion et le batillage.

a

b

Coordonnées des prises de vues :

X= 10°50'14» - y=14°55'24» X=10°50'14» -y=E 14°55'24»

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Planche 1 : Pont sur le Mayo Vrick

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Seulement 6 vannes peuvent être opérées pour réduire le niveau du réservoir. Les autres ne le sont pas à cause du manque d'entretien et du vandalisme. Les enrochements à l'aval des bassins de dissipation ont aussi fait l'objet de vandalisme et par conséquent, des symptômes de sape et d'érosion apparaissent un peu partout, même si les vannes opèrent seulement à environ 60% de la capacité totale de l'évacuateur.

? La prise d'eau de Djafga

Quand les volumes d'eau apportés par les cours d'eau ne peuvent satisfaire à eux seuls les besoins de la retenue, un volume d'eau complémentaire est prélevé du Logone par un canal aménagé au niveau de la localité de Djafga (Photo 03). Le canal de conduite des eaux évacuées est mal entretenu et se trouve obstrué par des dépôts de sédiments sur lesquels s'est développée une dense végétation herbacée (UICN et CBLT, 2007).

Coordonnées de prise de vue : x= 10° 47' 02 `'- y= 14° 55' 53»

Photo 3 : Vue partielle du canal d'alimentation du lac par le Logone à Djafga

Ce canal d'alimentation tel que présenté dans la photo, est un haut lieu de pêche comme d'ailleurs toutes les infrastructures annexes de la retenue ou les canaux d'irrigation de la SEMRY. Avant d'arriver dans le lac, les poissons contenus dans les eaux d'écoulement du canal sont prélevés majoritairement par les pêcheurs à nasses et ceux à éperviers.

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? Le déversoir de Logone-Pouss

Cet ouvrage à une longueur de 750 m (tableau 04). Il est situé à quelques centaines de mètres au sud de Pouss. Il met en communication la retenue et le fleuve Logone, lorsque le plan d'eau de la première atteint la cote de calage du seuil de l'ouvrage ou vice-versa. Il est constitué d'un mur en béton de 0,60 m de large enterré sur une profondeur de 2,50 m, avec une crête à la cote 312,19 m. Des talus en terre compactée étaient disposés de part et d'autre. Pour limiter les effets de l'érosion, des enrochements ont été mis en place à l'amont et à l'aval du seuil du déversoir. L'ouvrage est à présent submergé et a subi des dégâts dans les enrochements et la piste Pouss-Yagoua. Le PULCI travaille actuellement de façon à le réhabiliter avant la prochaine sortie des eaux propres aux inondations des yaerés.

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Tableau 4 : Caractéristiques du système Maga-Vrick-Logone

OEuvres

Caractéristiques

Réservoir de Maga

Création en 1979

Capacité maximale

Environ 620 millions de m3

Profondeur moyenne

Comprise entre 3 et 4 m

Extension en étiage

36.000 Ha

Côte d'alerte en inondation

Côte d'alerte contre les inondations : 312.5 m

Entrées d'eau

Par apports naturels et artificiels

Digue / barrage

Création en 1978 ; 38 ans

Matériel

Terre compactée

Longitude

27 km (de Pouss à Guirvidig)

Largeur de la crête

3,5 m

Hauteur moyenne

4,0 m

Côte à la crête

314,5 m

Ouvrages d'évacuation
Vrick

Dix vannes avec capacité de 100 m3/s (dont seulement 6
fonctionnelles)

Déversoir Logone-Pouss

Déversoir Logone-Pouss

Côte d'échange-calage

312,19 m

Mur en béton

0,60 m largeur, 750 m longueur profondeur 2,5 m

Canal d'alimentation
artificiel de Djafga

voir figure 01 plus haut

Longueur

11 km

Apport

De 19 à 30 m3/s

Digue de Logone

Digue en terre compactée de 45 km de longueur, de Djogoide (Yagoua) à Bégué Palam largeur de crête de 1 à 1,5 m

Digue Logone en terre non compactée 27 km, de Bégué Palam à Pouss

Source : Données du bureau d'études Le-competing-Bet, 2006

Bref, les capacités physiques de la retenue sont considérables. Raison pour laquelle, sa création va non seulement bouleverser l'équilibre écologique de la plaine du Logone, mais aussi, dégrader son tissu socio-économique au profit de la pêche artisanale lacustre.

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En effet, les études antérieures (Naah, 1990 ; Sighomnou et al., 1997) ont montré que l'absence des inondations enregistrée dans le Yaéré résulte des effets conjugués de la péjoration climatique des trente dernières années et des aménagements de la SEMRY dans le cadre du barrage de Maga. La présence des digues limite les débordements du Logone vers la plaine, alors que la rétention des eaux chargées en limons des Mayo Tsanaga et Boula dans le barrage de Maga prive la plaine des limons et autres minéraux dissous qui jouent un rôle important sur sa fertilité.

De plus une analyse du fonctionnement hydraulique du barrage montre que le volume moyen des eaux déviées vers le Logone chaque année est relativement important. Avec une moyenne supérieure à 0,5 milliard de m3, il dépasse de loin certaines années, le volume total des eaux que les Mayo Tsanaga et Boula drainaient vers la plaine par le passé. L'analyse des hydrogrammes enregistrés à diverses stations du fleuve avant et après les aménagements de 1979 le confirme (Molinier et al., 2000).

Ainsi, il s'en est résulté, un dysfonctionnement écologique et socio-économique dans la plaine du Logone. Cette tendance, qui a été accentuée par une baisse généralisée de la pluviosité dans la zone soudano-sahélienne (UICN et CBLT, 2007), a provoqué de nombreux phénomènes entre autres :

- La diminution des surfaces inondées d'environ 60 % ; Le déplacement d'environ 10 000 personnes (Sighomnou et al., 2002) ;

- Le déplacement d'environ 10 000 personnes (Sighomnou et al., 2002) ;

- La perte de pâturage de bonne qualité ;

- divagation des animaux sauvages, en dehors du Parc National de Waza,

- entraînant des dégâts matériels et même humains ;

- La baisse des rendements de pêche de plus de 90 % avec pour conséquence le

détournement des pêcheurs vers d'autres activités comme le braconnage (Noordji, 1988) ;

- La prolifération des canaux de pêche et la baisse de la biodiversité végétale (Saleh et al., 1997) etc.

Pour beaucoup d'experts, les objectifs de la construction de ce barrage ne sont pas atteints. Car, le barrage devait par exemple assurer initialement l'irrigation de 7000 ha de rizière, en réalité il alimente moins de la moitié de cette surface de nos jours en raison des difficultés financières de la SEMRY et des problèmes que rencontrent les populations locales pour la maîtrise des nouvelles techniques culturales.

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L'attention de la communauté internationale a été attirée sur la gravité de la situation, et des études ont été entreprises au début des années 1990 avec pour objectif la réhabilitation des inondations dans le Yaéré, sans perturber les installations mises en place par la SEMRY. Les premiers résultats des études, qui ont coûté deux fois plus chers que les aménagements mis en place, ont montré que la réouverture de l'un des principaux défluents du Logone fermé en 1979, conduit à un rétablissement de la dynamique de submersion de la plaine et à la restauration des inondations dans une partie très importante de la plaine (Sighomnou et al., 1997). En effet, l'environnement change dans le temps sous l'influence des processus d'origine naturelle ou anthropique.

Toutefois ces grandes mutations ont contribué à transformer le lac de Maga, un « bled perdu19 » en une pêcherie connue de tous dans la Région de l'extrême-Nord Cameroun qui doit son abondance en ressources halieutiques à la conjonction de plusieurs facteurs géographiques au nombre desquels, son appartenance climatique.

1.1.1.2. Les faveurs climatiques

La situation climatique dans le lac de Maga et ses environs répond à deux forces motrices climatiques différentes (CBLT, 2007). Un vent sec (harmattan) du Nord et un vent humide du Sud (de la mousson ouest-africaine) conduisant à un climat soudanien au Sud et un climat sahélo-soudanien dans le Nord (figure 02).

Globalement, la zone caractérisée par une longue saison sèche qui commence au début du mois d'octobre et se termine à la fin du mois d'avril, voire début mai (6 à 7 mois) et, une courte saison de pluie (4 mois) de juin à septembre teintée par des épisodes pluvieux violents. La pluviométrie varie entre 530 à 630 mm/an avec des maxima en août (250 mm) et septembre. La moyenne annuelle des précipitations est égale à 400 mm.

19 Un bled perdu est une localité isolée à l'intérieur des terres, inaccessible et déconnectée du reste du territoire.

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Figure 2 : Répartition des précipitations dans la zone d'étude

Les lignes vertes sont des isohyètes à long terme pour la période 1973-2015. À travers elles, on comprend que les deux côtés de la retenue (Nord/Sud) n'ont pas les mêmes caractéristiques climatiques. Du fait de la forte pluviosité relative à Kaï-kaï (800mm/an) par rapport à Maga (700mm/an).

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Les températures moyennes annuelles y varient entre 26°C et 28°C. Les mois les plus chauds sont Mars, avril et Mai avec une valeur de maxima de 32°C. La moyenne mensuelle pour avril peut atteindre jusqu'à 34°C (Ngounou Ngatcha et al., 2007). L'évapotranspiration annuelle est de 1800 mm. L'évaporation mensuelle augmente d'octobre à Mars et est à son minima en août lorsque la pluviométrie est la plus forte (Figure 03). Ces paramètres extérieurs influencent la température de l'eau du réservoir. Toutefois, les températures de fond du réservoir connaissent certaines exceptions.

Quantités de pluies

250 200 150 100

50

0

 

Source : Base de données de la CBLT, 2016.

Figure 3: Histogramme des précipitations moyennes mensuelles de la zone de Maga en 2015.

Les températures de fond sont optimisées par les ombrages diffus que provoquent certaines plantes aquatiques et leurs feuillages (photo 4). Elles influencent la vie des poissons et de facto, les activités de pêche en général. En freinant la pénétration des rayons solaires, ces feuilles de plantes réduisent la chaleur et permettent aux poissons dans l'eau de se mouvoir et même de remonter en surface.

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Coordonnées de prise de vue : x= 10°49'38» - y= 14°57'27»

Photo 4 : Feuilles d'Aponogeton subconjugatus diffuses dans le lac de Maga

Ces feuilles d'Aponogeton subconjugatus jouent au moins triple rôle dans l'eau : pour les poissons, elles régulent la température du fond du lac, en limitant la chaleur induite par les rayons du soleil. Car, lorsque le soleil est intense et que le volume d'eau baisse dans la retenue, la quantité d'oxygène dissoute dans l'eau diminue et les poissons en souffrent tellement. Aussi, certains poissons les mangent (Lates, Gymnarchus, Heterotis...) ou y fixent leurs oeufs à la ponte avant de les éclore (Clarias surtout, Tilapia). Les pêcheurs enfin les prélèvent pour couvrir les prises avant débarquement.

La dispersion des graminées (photo 05) dans l'eau constitue un milieu très favorable à la reproduction et à la croissance des alevins de certaines espèces comme les Alestes. Elles les protègent des prédateurs (V. Nigritana), conditionnent les températures en limitant la transparence des fonds du lac de 15 à 25 cm (A. subconjugatus) et fixent les oeufs des certains poissons permettant ainsi, leur multiplication.

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Coordonnées de prise de vue : x= 10.831938 - y= 14976362

Photo 5 : Dispersion des herbiers pérennes dans la zone de frayère du lac de Maga

Ces herbes, majoritairement composés d'Andropogon gayanus et Vetiveria nigritana sont toutes aussi importantes que les précédentes. Mais, à côté du rôle protecteur qu'elles peuvent jouer, on leur accorde d'autres vertus traditionnelles : elles sont prélevées pour tisser les sekko sur lesquels on sèche le poisson.

1.1.2. Significations halieutiques des facteurs géomorphologiques, pédologiques et floristiques lacustres de Maga

Qu'il s'agisse du relief, des sols ou de la luxuriante composition floristique dont fait montre la retenue, ces agrégats ont chacun une signification halieutique importante. Cette recherche s'est intéressée point par point à chacun d'entre eux.

1.1.2.1. Des facteurs pédologiques et hydrodynamiques favorables à la multiplication des espèces benthiques

Les vertisols occupent près de 50 % de la surface couverte par le lac de Maga et ses environs (Ngounou Ngatcha et al., 2007). Ils sont peu poreux et compacts en profondeur, à texture argileuse à limono-sablo-argileuse et à structure grumeleuse en profondeur. Ces sols basiques et très peu humifères ont un taux d'humidité très élevé. Leur texture est marquée par les minéraux sableux (51,47 %) en surface et une fraction argileuse qui atteint 39,13 % en

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profondeur. Ce qui explique la présence d'espèces benthiques enfouies de manière temporaire ou permanente dans ces sols. Les premières pluies saturent les sols argileux dès le mois de mai qui en gonflant, ferment les fentes de dessiccation et deviennent imperméables. Les espèces benthiques telles que les silures et les protoptères enfouis dans les Yaerés, remontent en surface, pondent leurs oeufs, les fixent grâce aux herbes qui poussent et les écorent.

D'après les études antérieures menées dans les plaines inondables du grand Yaéré20 et ses environs, la dynamique hydrologique du barrage de Maga n'est pas dissociable de celle des Yaerés en général. Elle s'effectue en trois temps et la retenue ne déroge pas à cette donne.

À partir du mois d'août, les apports des Mayos (0,5 à 1 milliard de m3) provoquent les premiers écoulements sous forme de minces filets, suivant les fines dépressions dans la plaine. Les alevins suivent alors ces eaux de ruissèlement qui du fait de la morphologie du bassin, s'entassent au fond du réservoir. Aux mois de septembre et octobre, les débordements du Logone apportent une importante masse d'eau chargée d'alevins qui se déverse dans le réservoir via la prise d'eau de Djafga et le déversoir de Pouss (Supra, 1.1.1.1). Si les eaux de pluies sont abondantes, elles remplissent le réservoir d'environ 625 millions de m3 d'eau. Puis, il se crée une lame d'eau de 3 à 4 m qui s'étalera sur 360 km2 durant trois à quatre mois (septembre-janvier) avant de se rétrécir à seulement environ 109 km2 en période de décrue (figure 04).

20 Jl s'agit des auteurs suivants : Rodier, 1964 ; Bouchardeau, 1968 ; Benech, 1982 ; Naah, 1990 ; Bauvilain, 1990.

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Figure 4 : Caractéristiques hydrodynamiques du lac de Maga

Le développement des activités de pêche dans ce lac n'est donc pas un fait du hasard. Il trouve son explication dans la stabilité de cet écosystème rendue possible par des facteurs climatiques, pédologiques et hydrodynamiques favorables. Mais aussi dans la riche composition floristique qui distingue ladite retenue.

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1.1.2.2. Signification halieutique de la flore lacustre

La végétation qu'elles soient en bordure ou dans la retenue est d'un avantage très important pour le développement des stocks ichtyologiques. Elle protège certaines espèces de poissons contre les prédateurs, constitue des supports essentiels pour le fixage des oeufs d'autres tandis que majoritairement, elle entre dans leurs nourritures quotidiennes.

? Le rôle protecteur de la végétation de bordure

La retenue de Maga est localisée dans la zone des Yaerés correspondants à l'abondance des graminées de divers types. Selon Letouzey (1968) cité par l'UICN et CBLT (2007), le tapis graminéen caractéristique des abords du plan d'eau de Maga est composé d'abord des : Echinochloa pyramidalis et Vetiveria nigritana (planche 02). Ces herbiers sont disposés de façon hétérogène à l'entrée de la retenue et jouent chacun un rôle spécifique. Ils peuvent protéger les berges de la retenue contre l'érosion, limiter l'ensablement (Beal et al., op.cit.), ou constituer des gîtes de reproduction dans l'eau (a sur la planche 2).

a

b

Coordonnées des prises de vues : x= 10.843479- y= 14.95024
Planche 2 : Les principales herbacées environnantes du lac de Maga.

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Vetiveria nigritana (a) et Echinochloa pyramidalis (b) sont très rependues autour du lac. Faisant de cet espace, un endroit à végétation composite qui attire les animaux. D'où, l'afflux des pasteurs migrants en saison sèche où elles sont particulièrement luxuriantes.

En seconde position, on retrouve Oryza barthii et Hyparrhenia rufa. Les autres espèces sont entre autres : Acroceras amplectens, Andropogon gayanus, Brachiaria deflexa, Chloris lamproparia, Chloris pilosa, Cyperus spp, Echinochloa colona, Echinochloa sp., Digitaria spp., etc. Ces plantes jouent comme signalé plus haut (supra. I.1.1.1.) un rôle à n'en point douter. Certaines d'entre elles fixent les oeufs de poissons. Dans ce cas, elles sont une condition sine qua non à la reproduction, à l'alevinage de la zone de frayère et à la protection des phyto et zooplanctophages dans la retenue.

? Le rôle alimentaire de la flore aquatique immergée ou quasi immergée

La hauteur des eaux dans le lac au plus fort de ses crues n'est pas très considérable, ce qui favorise le développement d'une abondante végétation de graminées (Vetiveria, Oryza, Echinochloa etc.) qui se modifie suivant la profondeur des eaux et la nature des sols. Sur des endroits qui gardent l'eau pendant un certain temps (mares, chenaux d'écoulement), il se développe une flore éphémère caractéristique des plantes aquatiques émergentes (Aeschynomene crassicaulis, Eichhornia natans, Nymphaea lotus, Nymphaea rufescens) ou immergées (Ammania sp., Hygrophila sp., Aponogeton subconjugatus,).

Dans les parties à végétation clairsemée donc plus profondes, se développent des hydrophytes fixés ou flottants à l'instar de Utricularia, Nymphea, Pistia stratiotes, Azolla, etc. Les zones très peu submergées sont surtout marquées des Andropogon, des Alismatacées et des Polygonacées. Les fonds sont couverts d'hydrophytes benthiques (Ceratophyllum, Utricularia, Nymphea dominants) au milieu desquels évolue une faune piscicole d'une extraordinaire densité : c'est le domaine des phytoplactons. L'image ci-dessous (Photo 06) présente quelques-unes des espèces récoltées dans le lac lors des investigations de terrain en janvier 2016.

Ammania sp

Hygrophila sp.

Andropogon

Nymphaea lotus

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Coordonnées de prise de vue : x= 10° 49' 10 - y= 14° 57' 56»
Photo 6 : Quelques plantes aquatiques récoltées dans le lac de Maga

Ces espèces végétales sont la nourriture privilégiée des poissons herbivores21 et phytoplanctophages tels Tilapia, Citharinus, Oreochromis, Labeo, Heterotis...

1.2. L'IMPORTANCE DES PLANCTONS DANS LA RETENUE

Le plancton est l'ensemble des organismes de petite taille22 en suspension dans l'eau, vivant à la surface ou près de la surface de l'eau. Ces organismes microscopiques ont été observés dans la retenue depuis 1998 lors de la mission d'étude piscicole sur le barrage de Maga financée par la FAO. Ladite mission conclut son rapport en observant l'abondance particulière d'une extrême diversité planctonique.

1.2.1. Les types de planctons observés dans lac de Maga

Ils sont de deux ordres et tous figurent dans le lac de Maga à profusion (FAO,1998). On y distingue les planctons végétaux des planctons animaux. Tous deux ayant de fortes significations halieutiques.

21 Heterotis, Tilapia Aurea, Lates, Gymnarchus etc.

22 Le plancton est souvent classé selon sa taille, liée au type de filtre utilisé pour le recueillir. On distingue le mégaplancton (20-200 cm ex : grosses méduses, colonies de salpes), le macroplancton(2-20 cm), le mésoplancton (0,2 mm-2 cm visible à l'oeil nu), le microplancton (20-200 ìm filtre en toile), le nanoplancton(2-20 ìm (filtre à café), le picoplancton(0,2-2 ìm bactéries et eucaryotes)et le femtoplancton( : <0,2 ìm, essentiellement des virus)

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1.2.1.1. Les phytoplanctons : unités fondamentales de la chaîne trophique lacustre

Le plancton végétal ou phytoplancton, est l'ensemble des algues microscopiques formées d'une seule cellule (microalgues). Bien qu'elles soient unicellulaires, les microalgues présentent une grande diversité de tailles, de couleurs et de formes qui peuvent être très élaborées. Le phytoplancton comprend des milliers d'espèces se répartissant en plusieurs groupes :

? Les algues bleues ou cyanobactéries

Nées il y a 3,5 milliards d'années pendant la période de volcanisme à outrance affectant l'ensemble de la planète, ce sont des algues primitives se présentant généralement sous forme de fins filaments. Elles contiennent un pigment qui leur confère une couleur bleue (du grec cyano, « cyan»), et peuvent modifier la couleur des eaux où elles prolifèrent.

? Les diatomées

Les diatomées (encore appelées bacillariophycées ou diatomophycées) sont des « organismes microscopiques de nature végétale, vivant dans l'eau, soit en suspension, soit sur le fond, libre ou fixée à des supports divers. Ce sont des algues jaunes et brunes unicellulaires dont la taille varie entre deux micromètres (micron, soit un millième de millimètre) et un millimètre » (Loir et al., 2004). Même s'elles sont invisibles à l'oeil nu, comme tout le phytoplancton, il est cependant possible de les repérer lorsqu'elles sont en grande concentration.23 Riches de plus de 6000 espèces, les diatomées peuvent représenter jusqu'à 80% du phytoplancton. Elles seraient le groupe végétal planctonique le plus répandu dans la retenue de Maga. Elles vivent partout, à toutes les températures, même extrêmes.

? Les dinoflagellés

Les dinoflagellés sont des microalgues unicellulaires de couleur rouge-orangé et de taille moyenne ou petite, entre 3 et 50 microns. On distingue les dinoflagellés « nus » et les dinoflagellés « cuirassés » possédant une thèque de cellulose (enveloppe servant de protection). Aussi connus sous le nom de dinophycées, ils appartiennent à la famille des phytoflagellés et sont apparus il y a plus de 400 millions d'années. Environ 3 000 espèces sont actuellement connues et de nouvelles sont régulièrement découvertes. Comme toutes les

23 Par exemple, le dépôt végétal couleur moutarde que l'on remarque parfois sur les vases et les sables lorsque la mer se retire est en fait un amas de diatomées.

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microalgues, ils se reproduisent par division cellulaire : une cellule mère donne deux cellules filles toutes les douze à trente-six heures. Les dinoflagellés occupent une place importante (après les diatomées) dans la contribution à la production primaire. Elles entrent dans l'alimentation de base de la chaîne alimentaire lacustre qui va jusqu'aux gros poissons.

Au sein du phytoplancton, les deux groupes les plus nombreux et les plus représentés en termes d'espèces dans la retenue sont les diatomées et les dinoflagellés. Elles se concentrent dans la zone de frayère et au large des côtes du lac (IRD, 2002).

1.2.1.2. Les planctons animaux ou zooplanctons

Le plancton animal, ou zooplancton, est composé de deux groupes : l'holoplancton et le méroplancton. D'après le cycle biologique des organismes, l'holoplancton (plancton permanent) se reproduit par accouplement et se multiplie. Le méroplancton (plancton temporaire) concerne de très nombreuses espèces aquatiques qui, à un moment donné de leur existence, passent par des stades larvaires très complexes.

Selon la FAO, les crustacés copépodes24 composent plus de 80 % du zooplancton dans le lac de Maga. Ils sont constitués de : Dytiscide, Hydrophylide, Corixides, larves, éphémère, Sialide, odonates et une microfaune piscicole dense : Micralestes, Petersius, Nannaethiops, Barbus, Epiplatys, Aplocheilichthys divers. Ils remontent la nuit vers la surface pour se nourrir de phytoplancton et redescendent pendant la journée vers le fond de la retenue. Ils échappent ainsi aux prédateurs et économisent de l'énergie, car la température est moins élevée. Ce mouvement du zooplancton, qui contribue au brassage des eaux et des couches de températures variées ou diversement oxygénées est appelé migration verticale ou nycthémérale25. Certains prédateurs du plancton suivent ces mouvements.

De nos jours, l'équilibre de chaque espèce de plancton est déterminant pour la santé des écosystèmes aquatiques et de la planète. Si, par le comportement de l'homme, les milieux se modifient et se dérèglent, le plancton continuera à exister, mais seules certaines espèces survivront, ce qui créera un déficit préjudiciable à la vie végétale, animale, puis humaine. Le processus a déjà commencé, mais reste invisible à l'oeil nu. L'« état des lieux» de la diversité planctonique est un indicateur implacable de la santé des écosystèmes. Son étude peut aider à anticiper la menace qui pèse sur le cycle de la vie et donc sur l'homme. Malheureusement, à l'échelle de la retenue, c'est une recherche partialement et partiellement menée.

24 Ordre de petits crustacés marins

25 Le mot vient du grec « nycthémère », désignant une durée de 24 heures.

55

Bref, une goutte d'eau du lac est peuplée d'une foule d'animaux et de végétaux invisibles à l'oeil nu. En découvrant cette multitude d'êtres minuscules grouillant dans l'optique d'un microscope, on se prend à imaginer l'ampleur du monde planctonique foisonnant dans l'immensité de la retenue. Cette vie dense et éphémère (quelques heures, jours ou semaines) se renouvelle en permanence grâce au rôle joué non seulement par chacun des éléments en lice, mais aussi par celui de leurs prédateurs.

1.2.2. L'extrême diversité halieutique du lac

Les espèces de poissons qui peuplent la retenue d'eau de Maga appartiennent à des familles et à des niveaux trophiques différents.

1.2.2.1. Répertoire des espèces de poissons exploitées

Les espèces de poissons qui abondent dans le lac sont quasiment identiques à celles qui pullulent dans le logone ou encore dans toutes les eaux du bassin du lac Tchad. Elles se répartissent en trois sous-classes (actinopterygii, brachiopterygii et dipneusti) et 25 familles pour plus de 100 espèces. C'est particulièrement le lieu de prédilection des espèces de poissons des familles des Characidae (sardines, brochet), Citharinidae (raie), Cyprinidae et Schilbeidae (Annexe 7).

Ainsi, deux caractéristiques frappent d'emblée les espèces présentes dans la retenue :

1) Elle comprend surtout de petites espèces (Gnathonemus, Marcusenius isidori, Synodontis, Mochocus niloticus, M. brevis, innombrables petits Cyprinidae et petits Characinidae, très nombreux Epiplatys et Aplocheilichthys). L'abondance des Cichlidae (Hemichromis bimaculatus, H. fasciatus, Haplochromis wingati, Tilapia nilotica et surtout T. galilaea, T. zilli, T. melanopleura) est telle qu'il y a surpopulation évidente conduisant à des phénomènes comparables à ceux présentés par les étangs de pisciculture, phénomènes dus à l'action conjuguée d'un recrutement maximum non compensé par la pêche encore inadaptée, aggravée par une certaine rareté en grands prédateurs (FAO, 2000). Le reste comprend surtout des Gymnarchus, des Clarias, des Heterobranchus, des Synodontis, des Lates, quelques Polypteres et Hydrocyon.

2) Le rythme biologique spécial : alors que dans le logone, la période de reproduction est limitée à la durée de la crue (de juillet à octobre), elle n'est limitée dans le Lac que par le froid. Les annuli d'arrêts de croissance sur les écailles sont peu marqués, confus, souvent impossibles à interpréter.

56

1.2.1.2. Les principaux niveaux trophiques lacustres de Maga

Les espèces telles que classées plus haut appartiennent à des niveaux trophiques différents qu'on peut regrouper en quatre (figure 5). Au premier niveau, se trouvent les producteurs : domaine des phytoplanctons. Ils utilisent l'énergie solaire pour fabriquer de la matière organique. Hormis pour le nanoplancton et le picoplancton, il est essentiellement présent dans les couches superficielles du lac (de 0 à 1 mètre de profondeur). Premier maillon de la chaîne alimentaire, il est mangé par le zooplancton et par une multitude d'organismes (consommateurs primaires du niveau 2) qui seront à leur tour, la proie de petits prédateurs (consommateurs secondaires du niveau 3) eux-mêmes chassés par de grands prédateurs. Certains gros poissons (Gymnarchus, Lates, Heterotis etc.) se nourrissent directement de zooplanctons, des consommateurs primaires et secondaires.

Source : L'auteur avec l'appui du CACP de Maga, juin 2016.

Figure 5 : Niveaux trophiques des différents groupes de poissons du lac de Maga

57

L'examen de la figure 05 permet de constater que les phytoplanctons sont à la base de la chaîne alimentaire aquatique et constituent ipso facto, le point de départ de toute l'activité biologique de la retenue. Ces producteurs (Niveau 1) sont absorbés par les zooplanctons et les consommateurs primaires (Niveau 2). Ceux-ci constituent eux-mêmes la nourriture des consommateurs secondaires plus grands (Niveau 3) qui à leur tour, sont mangés par les consommateurs terminaux, au sommet de la chaîne alimentaire. Se nourrissant à tous les étages de la pyramide, y compris au rez-de-chaussée, l'homme consomme également du phytoplancton (spiruline, chlorelle...) parfois sans le savoir.

1.3. UN MILIEU HUMAIN COSMOPOLITE DE LONGUE TRADITION DE PÊCHE

La pêche lacustre a joué un rôle très important dans le peuplement des collectivités de Maga et Kaï-kaï. Pour s'en convaincre, il suffit juste d'examiner la composition ethnique des différents villages des pêcheurs autour de la retenue ainsi que leur mise en place.

1.3.1. Les villages des pêcheurs autochtones, allogènes et aborigènes

L'environnement humain du lac de Maga est cosmopolite. Les principales ethnies représentées sont les Sirata, les Massa, les Mousgoum, les Tupuri, les Peuls, les Moundang, les Arabes Shoas, les Haoussa. Dans ces groupes ethniques, les Musgum et les Massa apparaissent comme les principaux aborigènes de la retenue et colonisent ainsi les abords immédiats de la retenue. Les autres peuples se distinguent par leurs statuts. C'est ainsi qu'on aura à établir un distinguo entre autochtones et allogènes selon leurs villages et campements hétérogènes et selon qu'ils soient investis épisodiquement, exclusivement, partialement ou partiellement dans la pêche.

1.3.1.1. Les différents types des campements de pêcheurs

Les aires de pêche peuvent être classées selon leur situation, leur composition ethnique et le matériel employé (Seignobos, op. cit). Certains sont constitués de pêcheurs à palangre, d'autres à l'épervier, au taro ou encore au zagazaga. Aujourd'hui, cette distinction n'est plus possible : les techniques de pêche sont devenues quasiment « universelles » et les pêcheries, visiblement cosmopolites. Seuls les types de bâtis correspondant à leur temporalité gardent encore les stigmates d'un pareil stéréotype séculaire. Considérés comme principaux sites de débarquements, on en distingue trois types :

58

? Les villages des autochtones sédentaires

Les villages des autochtones sédentaires (photo 07) pratiquants la riziculture et s'adonnant périodiquement à la pêche se trouvent le long de la digue barrage Guirvidig-Maga-Pouss et sur le versant est de la retenue (axe Pouss-Yagoua).

Coordonnées de prise de vue : x= 10°47'25» - y= 15°02'03» Photo 7 : Vue partielle de Malka forêt du haut de la digue

? Les campements temporaires des pêcheurs étrangers

Les campements temporaires comme ceux des communautés arabes, Tupuri et autres tribus non autochtones qui migrent en saisons mortes des travaux agricoles pour la pêche sont construits en matériaux provisoires (pailles) sur un terrain ouvert le long de la digue (Malka, Abouna, Gamack, P2 etc.) ou sur un talus issu du retrait des eaux dans la retenue. Les mêmes communautés reviennent cependant sur les mêmes sites chaque année reconstruire leurs camps. Ce qui illustre à souhait, la forte territorialité de ces espaces. Certains ont d'ailleurs commencé à se sédentariser (photo 8).

Campement temporaire

59

Coordonnées de prise de vue : x= 10°15'14'' - y= 15°03'19''

Photo 8 : Campement temporaire des pêcheurs kotoko à Pouss ? Des campements sur pilotis

Les campements sur pilotis sont bâtis dans la retenue par des groupes de personnes qui construisent des tentes sur pilotis (Photo 9) et qui se livrent aux activités de pêche. Ils concernent toutes les ethnies et toutes les nationalités. Les produits de pêche sont séchés, fris ou fumés surplace puis, transférés uniquement dans les marchés hebdomadaires par les femmes. Ces groupes reviennent aussi chaque année sur les mêmes sites qui sont par conséquent inviolables.

60

Coordonnées de prise de vue : x= 10°50'14»- y= 15°03'19»
Photo 9: Campements sur pilotis des pêcheurs kotoko à Sokomaye

En 2011, 53 villages/campements confondus de pêcheurs avaient déjà été identifiés lors de l'enquête-cadre financée par la FAO et répartis comme suit dans les collectivités de Maga et Kaï-kaï (tableau 5).

61

Tableau 5 : Répartition des campements par arrondissement

Arrondissements de KAÏ-KAÏ

Arrondissements de MAGA

01

Kalaou

29

Abouna 1

02

Malawai

30

Gamack 1

03

Massouang

31

Kalang 1

04

Sokomaye

32

Gamack 2

05

Yangha sud

33

Pidimier

06

Dandalang lac

34

Yangah

07

Grong

35

Keleo

08

Mourla

36

Malawe 1

09

Bourmi 1

37

Malawe 2

10

Bourmi 2

38

Makwoudi

11

Bourmi 3

39

Guizi Mouzgoum

12

Bourmi 4

40

Guizi Arabe

13

Bassawa Mouzgoum

41

Pidimier Lac

14

Bassawa (Arabe)

42

Dandalang Maga

15

Vreng

43

Miliao Maga

16

Bisigui

44

Canal Maga

17

Keleo Sud

45

Malka Foret

18

Djafga

46

Malka

19

Doreissou

47

P2

20

Varia

48

Bakassarre

21

Houlmi

49

Gaya Pouss

22

Madagam

50

Balla 1

23

Yabai

51

Mballa Massa

24

Doulam

52

Wan Groun

25

Mohouna

53

Hoff

26

Malia

 
 

27

Tchomo

 
 

28

Mangal

 
 

Source : Enquête-cadre sur la retenue de Maga, MINEPIA 2011.

62

Sur les 53 campements de pêcheurs dénombrés, 25 (47 %) se trouvent dans l'arrondissement de Maga et 28 (53%) dans celui de Kaï-Kaï. Mais, pour le MINEPIA, les campements les plus dynamiques sont ceux de Maga du fait de leur localisation sur la digue qui sert d'espace marchant. Aussi, plus de 10 000 acteurs socioprofessionnels de pêche vivent dans ces villages et sont à 98 % intéressés par la retenue.

1.3.1.2. Le calendrier de la pêche artisanale lacustre

Le calendrier de pêche tel que décrit par Seignobos en 1986 n'a pas trop changé dans le temps. Mais en termes d'effectifs, ils sont carrément opposables. Les premiers venants apparaissent dès février dans les différents campements suivants : Guizi, P2 et Gamack-II. D'autres, deux fois plus nombreux débarquent à Hoff, Managa, Gadjara, Keleo ou encore à Pidimier, Woulouki, Bourmi... Ceux déjà en place en février ont, parfois, comme dans les villages qui jouxtent la digue, participé à la petite pêche d'octobre quand l'eau, pas encore refroidie, est propice à la prise de Tilapia et de Lates. Ensuite, durant la saison froide, le poisson se raréfie sur la retenue. Il ne réapparaîtra qu'à partir d'un certain réchauffement de l'eau. Entre novembre début février, les pêcheurs sont occupés ailleurs sur des biefs de décrue, particulièrement poissonneux dans les zones de déversement du Logone.

L'accès à la retenue est juste soumis à l'obtention d'un permis de pêche qui n'est pourtant pas l'apanage de tous les acteurs26. La pêche dure 09 Mois. Elle est ouverte le 01er octobre et celle utilisant des sennes (Taro) généralement en Mars. Avant Mars, seulement 23,2 % des pêcheurs sont en place sur la retenue (Seignobos et Raugel, op. Cit). Les arrivées s'échelonnent de janvier à avril, indépendamment, semble-t-il, des techniques de pêche employées. En mai se situe une période stable, sans départs ni arrivées. Les départs ont lieu, de façon plus groupée, au cours du mois de juin, en particulier pendant la deuxième partie. Près de 70 % des pêcheurs restent encore près du lac en juillet, notamment des Musgum possédant des champs à proximité et quelques Kotoko. En août et septembre, la retenue est quasiment déserte. La saison des pêches se concentre sur trois mois et demi, entre le début du mois de mars et le 15 juin (figure 6).

26 En 2015, moins de 50 permis de pêche ont été délivrés alors que près de 7000 pêcheurs opèrent dans le lac. Actuellement, le projet AFOAP financé par la coopération Franco-camerounaise d'une part et d'autre part le PRODEBALT, sont en cours de réalisation à Maga pour au moins former les pêcheurs sur les bonnes pratiques de pêches. Ils ont déjà à ce jour formé plus de 500 pêcheurs et transformateurs dans le secteur des pêches.

45

40

50

35

30

25

20

15

10

5

0

Tilapia Lates Heterotis Clarias Bagrus

63

Source : Données de la DAEPIA- MAGA

Figure 6 : Évolution annuelle des captures inspectées à Maga en 2015.

L'examen de la figure ci-dessus permet de déduire qu'il y a deux importantes périodes de pêche durant l'année. La première qui va de l'ouverture de la pêche en octobre jusqu'à la fin de la saison froide en février/Mars soit 5 à 6 mois avec (43,6%) des débarquements contre plus de 56% en seulement 3 mois (Avril-Juin) : c'est la saison de haute pêche pendant laquelle, toutes autres activités économiques locales entrent en hibernation. Cela s'explique par la dynamique hydrologique de la retenue qui retire les eaux et expose les ressources sur cette période.

1.3.2. Organisation traditionnelle et infrastructures de base

La retenue de Maga s'insère entre deux arrondissements ayant des niveaux de développement très contrastés. Au Nord du lac se trouve l'arrondissement de Maga, un arrondissement de plus de 180 000 âmes. Le sud de la retenue concerne l'arrondissement de Kaï-kaï, l'une des communes les plus pauvres du Cameroun bénéficiant d'ailleurs du « projet filet sociaux » financé par la banque mondiale depuis juin 2016.

64

1.3.2.1. Organisation traditionnelle

L'administration traditionnelle du territoire est stratifiée. Les deux cantons, Guirvidig et Pouss, sont placés respectivement sous l'autorité d'un Lamido et d'un Sultan. Ils sont des chefs supérieurs à la tête de tous les villages du canton. Les chefs de village sont les Lawans. Ils se font aider dans l'administration du territoire par des chefs de quartiers : les Djaoros. Toutes ces autorités traditionnelles jouissent d'un immense respect auprès de la population. Les cas de refus de l'autorité traditionnelle sont extrêmement rares. Le reste des habitants obéissent scrupuleusement à leurs ordres. Cependant, d'autres personnes tirent une certaine considération populaire de leurs professions, de leur statut politique ou de leur réussite dans les affaires. C'est le cas des Imams, des hauts cadres de la fonction publique à la retraite ou en activité ou encore des grands commerçants.

En général, autant dans les villages que les centres urbains, les femmes ne jouissent pas des mêmes droits que les hommes. Elles ont un accès limité à l'éducation et sont très vite mariées, souvent avant leur majorité. Elles sont confinées aux tâches ménagères et au petit commerce. Elles acquièrent une considération sociale au fil des ans, généralement dans le troisième âge. Elles peuvent alors parler dans les assemblées avec l'assurance d'être écoutées et de ne pas faire l'objet d'une réprimande.

1.3.2.2. Les infrastructures socio-économiques de base

En 2011, le MINEPIA de concert avec la FAO a mené une enquête dans l'environnement de la retenue d'eau de Maga. Celle-ci réalisée auprès des pêcheurs, portait entre autres sur l'existence dans leurs villages, d'infrastructures socio-économiques de base (écoles, cases de santé, marchés, adduction en eau potable, églises et mosquées) d'une part et d'autre part, la connexion au réseau électrique, téléphonique, ainsi que l'accessibilité de leur village part la route. Les résultats sont portés dans le tableau ci-dessous (tableau 06).

65

Tableau 6 : Nombre et proportion d'infrastructures par arrondissement

Communes

École

Case
de
santé

Route

Marché

Électr
icité

Eau
potable

Mosquée

Église

Téléph
one

Village

Maga

9

5

19

5

8

5

12

12

24

25

Pourcentage

36

20

76

20

32

20

48

48

96

100

Kaï-kaï

9

2

8

2

1

0

9

9

26

28

Pourcentage

32,14

7,14

28,87

7,14

3,57

0

32,14

32,14

92,85

100

Total

18

7

27

7

9

5

21

21

50

53

Pourcentage moyen

16,98

13,21

50,94

13,20

16,98

9,43

39,62

39,62

94,33

100

Source : Enquête-cadre sur la retenue d'eau de Maga 2011, MINEPIA

On constate que 17% des villages des pêcheurs sont nantis d'établissements scolaires. Cependant, les villages de Maga disposent de plus d'écoles que ceux de Kaï-kaï avec 36 % soit 9 écoles pour 25 villages contre le même effectif pour 28 campements. S'agissant des cases de santé, les deux arrondissements disposent en moyenne de 13,21% structures sanitaires dont 20% reviennent à Maga avec 5 cases contre seulement deux à Kaï-kaï. Les lieux de prières se rencontrent à 79,24% dans les campements avec chacun (églises et mosquées) 39,62% de distribution dans les deux arrondissements.

Seulement 50,94% des campements sont accessibles par des routes qui en saison pluvieuse sont en piteux état. Les campements situés le long de la digue sont accessibles par la route Pouss-Guirvidig. Ceci explique le fort taux d'accessibilité détenu par Maga (76%) ou quasiment tous les campements sont situés le long de la digue. Les campements de Kaï-kaï, ce bled perdu ne sont malheureusement accessibles (28%) que temporairement après le retrait des eaux.

Les marchés y sont hebdomadaires et plus de 13% des campements sont animés par des marchés de ce genre. Mardi à Pouss, mercredi à Kaï-kaï, dimanche à Maga etc., ils sont destinés à la commercialisation des produits halieutiques et à l'achat des denrées de première nécessité. Toutefois, sur les quatre grands marchés qui animent la vie de ces communautés (Maga, Guirvidig, Pouss, Kaï-kaï) l'arrondissement de Maga tient encore les brides avec 20% des marchés existants.

66

La distribution de l'énergie électrique y est fonction de la distance séparant le lac du centre-ville. Pour une couverture totale de 16,98%, les campements de Maga sont couverts en moyenne à 32% contre 3,57 à Kaï-kaï. Ceci s'explique par l'absence de campements temporaires. La disponibilité en eau potable suit à peu près le même schéma. En moyenne dans les deux arrondissements, l'eau potable de consommation est disponible à 9,48% grâce à la CDE et aux forages manuels. Au moins un des opérateurs téléphoniques opérationnels au Cameroun couvre quasiment tous les campements de la retenue. Ainsi, 94,34% des campements sont en moyenne couverts alors même qu'une fois de plus, Maga s'en sort avec le plus grand taux de 96% contre 92% du côté de Kaï-kaï.

Certes de 2011 à 2016, la situation a beaucoup évolué dans les deux arrondissements. Mais, celle des campements est presque restée pareille27 sinon devenue pire28 et les asymétries de développements locaux restent tangibles et creuses autour de la retenue avec au nord, un arrondissement fort peuplé (180000 âmes à Maga) et au Sud, une commune pauvre encore en retard sur plusieurs plans.

Conclusion

Par sa situation géographique, sa taille (360 km2) et sa position, la retenue d'eau de Maga offre une éminente hétérogénéité dans sa faune et sa flore. Cette ultime diversité biologique se traduit par des ressources halieutiques abondantes et un tapis graminéen composite conformément aux différents niveaux trophiques qu'elle abrite. Toute la gamme des espèces de poissons du bassin du lac Tchad s'y trouve ; allant des osteoglossidae jusqu'aux Protopteridae en passant par les phyto et zooplanctophages. C'est compte tenu de ces riches potentialités halieutiques que les populations environnantes s'y régalent en pratiquant la pêche artisanale. Cependant, comment cette activité a-t-elle évolué au fil des ans pour arriver à sa situation actuelle ? Le chapitre suivant analysera cette question en insistant sur l'évolution de la pression des pêches dans le lac.

27 À part quelques modifications concernant certains CES/CETIC qui ont été érigés en lycées, le rapport de 2015 sur la situation socioéconomique de la Région de l'extrême-Nord ne fait pas de mention spéciale supplémentaire.

28 Car, les installations électriques ont vieilli au point que même dans le principal centre-urbain de la Ville Maga, 90 jours de délestage peuvent se succéder. Les autres infrastructures qui dépendent de l'alimentation électrique sont oubliées, négligées et parfois inusité ce qui leur a donné un coup de vieux notoire.

67

CHAPITRE 2 : ÉTAT DES LIEUX DE LA PRESSION DES PÊCHES DANS LA
RETENUE DE MAGA

Introduction

De 1979 à ce jour, les hommes n'ont jamais cessé ne serait-ce que pour une année, d'exploiter les stocks ichtyologiques du lac de Maga. Chaque année qui passe, ce sont d'énormes quantités qui y sont prélevées pour être mangées et le reste vendu sur des marchés différents. Tout ceci, au prix d'une forte pression que subit cette pêcherie. Après plus de trois décennies, où en est-on, avec cette pression qui grandit à l'aune de la croissance démographique ? Ne constitue-t-elle pas aujourd'hui, une menace pour les ressources halieutiques et l'écosystème ? Afin d'apprécier l'ampleur de cette situation, il convient d'estimer dans un premier temps l'effort des pêches qui y règne à partir de l'effectif des pêcheurs sur la retenue, l'intensité des pêches et la quantité des prélèvements annuels enregistrés, etc. D'autre part, on verra que l'accroissement du nombre d'engins et de leurs efficacités participe aussi de cette pression sur les ressources. C'est alors qu'on pourra aborder la menace socio-économique.

2.1. ÉVOLUTION ET ANALYSE DES INDICATEURS DE LA PRESSION DE PÊCHE

Il s'agit de décrire les composantes humaines et économiques de la pêche en insistant, sur les moyens de production engagés dans cette activité. Cette analyse permettra d'appréhender l'effort de pêche, la production et l'efficacité de pêche.

2.1.1. L'effort de pêche et la production

D'après Faucheux et Noël (1995), tandis que l'effort de pêche est le nombre de bateaux par unité de temps ou toute information plus détaillée du type nombre de filets, de lignes ou d'hameçons par unité de temps, le nombre de pêcheurs/km2 désigne plutôt l'intensité de pêche. Connaissant le nombre total des pêcheurs opérant sur la retenue, la quantité d'embarcation et d'engins de pêche utilisés, on est à même de calculer l'intensité des pêches et d'apprécier l'efficacité des engins utilisés.

2.1.1.1. Un effectif de pêcheurs en hausse constante

Les communautés de Maga et Kaï-Kaï, ont toujours associé la pêche à la riziculture pour assurer leur autosuffisance alimentaire. La dynamique économique du secteur agricole

68

surtout rizicole durant les années 80 par rapport à la pêche et à l'élevage, poussait même les populations des zones environnantes du lac, à migrer vers la localité de Maga à la recherche d'emploi. Mais, depuis la décennie 1990, les revenus tirés de la riziculture ont fortement baissé de 50 %. Les causes principales sont liées au déficit pluviométrique des années 19801990, à l'appauvrissement des sols, et surtout à la déstructuration de la SEMRY qui a désorganisé la collecte, et découragé les producteurs (SEMRY, 1995). La baisse des revenus agricoles a engendré la ruée des populations agricoles vers la localité de Maga et ses environs, pour améliorer leur situation économique et leurs conditions de vie. Ceci a été favorisé par l'augmentation des revenus tirés de la pêche artisanale.

On y ajoute une importante croissance démographique en milieu pêcheur avec un taux de natalité de 5 % /an (MINEPIA, 2011). Les sources indiquent que la commune de Maga est passée de 30 000 habitants en 1970 à 80 000 habitants en 2005 puis à 101451 âmes en 2010. Depuis 2013, l'arrondissement en compte 180 000 avec un accroissement annuel de 4 %. En même temps, entre 1990 et 2010, la population de Kaï-Kaï a augmenté significativement pour atteindre 66 004 habitants en 201429. Cette croissance de la population combinée à la migration a comme conséquence une augmentation graduelle des effectifs de la main d'oeuvre artisanale a priori les pêcheurs (figure 7).

4000

6000

5000

3000

2000

1000

0

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Années

1012

1300 1230 1400 1540

2013 2036 2240

3022

2601 2750

4016

3507

4500

5325

Source : Données de la DDEPIA de Yagoua

Figure 7 : Évolution des effectifs des pêcheurs à Maga (2000-2015)

29 Les chiffres viennent de la commune de Maga et Kaï-kaï.

Il ressort de cette figure que de 1200 en 1985, le nombre de pêcheurs est passé à 6977 en 2011 (ECRM, 2011) soit presque 6 fois l'effectif de départ. À partir de 2000, les effectifs de pêcheurs n'ont cessé d'augmenter, avec une hausse de 131 pêcheurs par an pendant 15 ans c'est-à-dire jusqu'en 2015. Ainsi, si entre 1985 et 1990, pour un effectif compris entre 1200 - 1500 pêcheurs au total, l'intensité de pêche était d'environ 4 pêcheurs/km2 sur la retenue (ce qui est déjà le double de la recommandation de la FAO : 800 pêcheurs) en 2011, elle avait déjà été multipliée par 4 (soit 18 pêcheurs/km2) et aujourd'hui elle est de 20 pêcheurs par km2. Ceci, en moyenne et de façon permanente c'est-à-dire sans tenir compte des changements importants de la donne durant la saison de haute pêche.

Car entre Mars et juin, la retenue perd les 3/5e de sa superficie et plus du tiers de son volume d'eau (figure 2). Le miroir d'eau ne s'étale alors que sur 109 km2 et la profondeur moyenne n'est plus que d'à peine 1,5m. Cependant, sur cette surface restante, il faut considérer une zone de frayère de 5,4 Km2 où toute activité de pêche est interdite. Il n'en reste plus que 103,6 Km2 pour accueillir les pêcheurs. Durant cette période de 3 à 4 mois dite de haute pêche, la production atteint un record absolu (figure 8) et l'intensité de pêche est à son comble.

120

100

40

80

60

20

0

Frais Fumés Séchés

Source : Données du CACP de MAGA.

69

Figure 8 : Dynamique annuelle de la production de la pêche à Maga (2015)

70

En mars 2011, elle était de 60 pêcheurs au km2 ce qui n'est en rien comparable au record encore jamais enregistré dans l'histoire de la pêche artisanale lacustre à Maga depuis 37 années d'existence : 67 pêcheurs/km2 en 2014 selon les indications de la CBLT. Actuellement, on frôle 70 pêcheurs/Km2. L'effectif jugé optimal pour toute retenue par la FAO (2 pêcheurs/km2) est à ce jour, multiplié par près de 33 sur le lac de Maga soit 64 pêcheurs/km2 pendant la haute pêche et 20 pêcheurs en moyenne au km2 en plein temps. Cette, pression a déjà durée plus de 25 ans et s'est presque toujours accompagnée par des débarquements de plus en plus importants.

2.1.1.2. L'accroissement des prélèvements au fil des ans

Il faut d'emblée noter qu'il n'existe pas actuellement à Maga, de limites de captures globales ou individuelles. Mais, des limites quant à la taille minimale des espèces pêchées. Aucun Total Admissible de Captures (TAC) n'a été défini. Si la législation désigne les hippopotames comme espèces protégées, la réglementation de l'exercice de la pêche ne prévoit pas l'utilisation de dispositifs de réduction des captures accidentelles. C'est le cas des « faux poissons »30 qui ne sont ni commercialisables ni comestibles sinon que faire l'objet de rejets méprisables.

Tout comme l'effectif de pêcheurs, les débarquements ont connu un développement rapide au fil des ans. Trois tendances caractérisent leur accroissement pendant les 15 dernières années, dont une croissance lente entre 2000 et 2004 passant de 34 tonnes en 2000 à 80 tonnes en 2004 (figure 9). Cette lente reprise de la croissance fait suite à « une surexploitation de croissance dénoncée par la mission d'étude piscicole du barrage de Maga en 2018 »31. Puis, une évolution notable au cours de la période 2005-2009 qui s'explique par la reprise de la croissance des juvéniles dans le lac.

30 Expression vulgarisée par J.P. Corlay pour désigner les captures effectuées accidentellement par les filets perdus, abandonnés ou rejetés dans l'eau.

31 Rapport du chef du CACP de Maga, octobre 2003.

Quantités en tonnes

1000

400

900

800

700

600

500

300

200

100

0

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

34 42 49 75 80

203

Années

357

430 461 453 420 425

529

695

860

813

71

Source : Données de la DAEPIA- MAGA.

Figure 9 : Évolution des débarquements à Maga (2000 à 2015).

En espace de 05 ans, les débarquements enregistrés à Maga ont plus que quintuplé passant de 34 tonnes en 2000, à 203 tonnes en 2005. En 2011, ils sont inférieurs à ceux de 2007, c'est-à-dire à 430 tonnes. Cela s'explique par le fait que les statistiques de l'année 2011 ne sont pas réelles. Elles ont été mal enregistrées par le responsable du CACP de Maga en raison de certains bouleversements administratifs survenus au cours de l'année. À partir de 2010, la croissance est en récession jusqu'en 2012 où, elle s'achemine sur une reprise brutale tirée par l'augmentation étonnante du nombre de pêcheurs.

Néanmoins, la chute des captures en 2015 pourrait signifier que « le lac a atteint son maximum à cause du désordre et de la pression qu'il a toujours subie » comme l'indique le quatrième rapport trimestriel de la DAEPIA/Maga déposé en octobre 2015. Les débarquements estimés de concert par la SEMRY, la FAO et le MINEPIA au début de la décennie 2010 font état de plus de 2000 tonnes de captures chaque année. Une telle quantité de prélèvement viole expressément les prescriptions de la FAO par rapport au Rendement maximum durable (RMD)32 de la retenue fixé à 1500 tonnes/ans depuis les années 1970-1980.

32Le rendement maximal durable correspond à la quantité maximum d'un stock de poisson que l'on peut théoriquement prélever sans porter atteinte à sa capacité de reproduction. Au-delà du seuil fixé par le RMD32, il y a surexploitation et la capacité de renouvellement est mise en danger ainsi en est-on à Maga

72

Au regard de ce qui précède, il convient de retenir que si pendant plus de trois décennies, la production halieutique fut tirée par l'effectif des pêcheurs sur la retenue, aujourd'hui, tel n'est plus le cas. Le lac a atteint son maximum et les tentatives d'adaptation des acteurs portent des signatures diverses au nombre desquelles, le renforcement de la technologie d'équipage et de capture.

2.1.2. Des engins et techniques de pêche très performants

Les techniques de pêche sont très diversifiées sur le lac. Mais, la majorité est associée à l'utilisation de la pirogue33 et d'engins. L'examen de ces matériels va extérioriser les capacités d'équipage en la pêche artisanale lacustre ainsi que l'efficacité des engins et techniques de pêche usités.

2.1.2.1. Les capacités d'équipage des pêcheurs sur la retenue

Les capacités d'une activité de pêche sont données par les caractéristiques d'équipages. On s'intéresse ici à deux détails à savoir : la taille des pirogues et leur nombre. Cette distinction est faite suivant leurs tailles et la nature de la matière avec laquelle elles ont été conçues. Grâce à la FAO, on a toutes les mesures spécifiques de ces embarcations et une estimation approximative de leurs taux de représentativités respectives. Elles sont de quatre types (planche 3) :

? La pirogue monoxyle

C'est une embarcation caractérisée par son profil rectiligne, taillée d'une seule pièce à partir d'un tronc d'arbre. Elle s'étire sur 2 à 3 m de long pour une largeur comprise entre 30 et 50 cm au milieu. Elles sont moins nombreuses sur la retenue (5 %) et ne peuvent embarquer qu'une seule personne à bord. Leur propulsion est assurée par la pagaie. C'est une pirogue bien adaptée à la navigation dans le Lac et les canaux de pêche, justifiant leur trivialité à Kaï-Kaï. La durée de vie des pareilles pirogues (a, planche 3) peut s'élever à 10 ans, de même que celles des pirogues en planche (b, planche 3) avec des coûts d'entretiens respectifs de 45 000 FCFA pour la première et 1 215 000 FCFA pour la seconde.

où, depuis 1985 déjà, les captures (1800 tonnes) ont toujours dépassé le RMD c'est-à-dire, 1500 tonnes par an (Seignobos, 1986).

33 Encore appelée flottille de pêche, une pirogue est une embarcation capable de supporter au moins une personne.

73

? La pirogue en planche

Elle est construite à partir d'un assemblage de planches dont la coque a été élaborée sans membrure intérieure et mesure entre 08 et 13 m de long sur 1,5m à 1,8 m de large. La quasi-totalité de celles équipées d'un moteur est destinée au transport à travers le lac. Sur les 326 dénombrées en 2011 lors de l'enquête-cadre sur la retenue, moins de 10 % seulement étaient destinées à la pêche à cause de son poids (plus de 50 kg) qui nécessite de gros efforts de propulsion et de son prix relativement élevé (128462F). Le coût d'entretien très élevé des pirogues en planche s'explique par le fait qu'elles font plus dans le transport des biens et de personne via le lac et desservent les deux arrondissements.

? La pirogue en tôle

C'est une construction mixte qui rassemble une vieille pirogue monoxyle protégée de l'extérieur par de vieilles tôles qui empêchent l'infiltration de l'eau. Elle a une longueur de 5 à 8 m et une largeur de 90 à 95 cm. Très représentatives dans les parcs piroguiers de la retenue (80%), elle peut comme à Kaï-Kaï représenter 85% du total des pirogues dénombrables. C'est la flottille par excellence des pêcheurs interrogés sur la retenue à cause de sa capacité d'embarcation (5 à 10 personnes) et sa facilité à manier. Les pirogues en tôle (c, planche 3) et celles en contre-plaqué ne dépassent guère 3 ans et leur entretien nécessite jusqu'à 128462 FCFA. La moyenne d'embarcations par pêcheurs est de 3,5 pour les pirogues en tôle contre 1 pour ce qui est des pirogues monoxyles.

? Les Hors-bords

Il existe également de grandes pirogues de transport fabriquées en planche de 12 à 15 m sur lesquelles on peut fixer des moteurs de 25 à 40 CV (d, planche 3). Elles sont moins représentatives dans les parcs piroguiers (01%) et sont destinées au transport des personnes et marchandises entre les villages de la retenue coté Maga (Nord du lac) et Kaï-Kaï (Sud du lac). Les trois premiers types de pirogues identifiées interviennent dans la capture de façon variable. Mais jusqu'ici, aucune pirogue à moteur n'est utilisée pour autre chose sur la retenue que pour le transport. La pirogue en cousue34, identifiée par Seignobos et Raugel en 1986 a disparu.

34 Pirogue constituée de pièces assemblées par des liens végétaux. Presque toutes les embarcations qui circulent sur le Logone, le bas Chari et le lac de Maga sont des pirogues de ce type. Les troncs de cailcédrat généralement utilisés dans la région sont souvent insuffisamment calibrés pour former une pirogue complète.

a

b

74

Coordonnées des prises de vues :

X= 10° 47' 02» -Y= 014° 55' 53» X= 10°49'57» - Y= 14°57'12»

c

d

Coordonnées des prises de vues :

X= 10°49'56» - Y= 14°57'06» X=10°15'14» -Y=15° 03' 19»
Planche 3 : Types de pirogues identifiées sur la retenue d'eau de Maga

L'effectif des pirogues sur la retenue semble avoir suivi le même train que celui des pêcheurs. Les données collectées à la DAEPIA de Maga par rapport à la période 2010-2015 le confirment. En 05 ans, elles ont connu une hausse de 33% passant de 1000 pirogues en

75

moyenne en 2010 à plus de 1500 en 2015 (figure 10). On les estime entre 3000 et 4000 aujourd'hui, ce qui pousserait un peu à la hausse ce calcul à 7 fois l'effectif de 1985. Ainsi, on aurait 8 pirogues au km2 en moyenne sur le lac pendant la période de faible activité de pêche et plus de 27 pirogues/km2 entre Mars et juin.

1600 1400 1200 1000

800

600

400

200

0

 

2010 2011 2012 2013 2014 2015

Source : Données de la DAEPIA de Maga

Figure 10: Évolution des effectifs des pirogues à Maga (2010-2015)

D'autre part, le souci de rentabilité a poussé les pêcheurs à privilégier les pirogues les plus grandes et faciles à déplacer (en tôle) aux dépens de celles qui sont lourdes (en planche) ou trop petites (monoxyle) selon qu'illustré par la figure 11 ci-dessous.

pirogues en toles 81%

Pirogues en contre-plaqué sans moteurs

1%

Pirogues à moteurs

0%

Autres

0%

Pirogues en planches sans

moteurs

Pirogues

13%

monoxyles

5%

76

Source : Données de la DDEPIA-YAGOUA, 2015.

Figure 11 : Structure des pirogues utilisées sur le lac de Maga.

Dans ces conditions, l'augmentation du nombre des pirogues de grandes capacités illustre l'augmentation de la capacité de pêche. Car, s'il est de notoriété publique que, les pirogues ont connu un développement au cours de la période 1985-2015, il faut admettre que la capacité de pêche actuelle répond à l'efficacité des engins de capture.

Au regard des types de pirogues utilisées, de leurs effectifs et de leurs capacités d'embarcation, on comprend que la forte capacité de la pêche artisanale est source d'une pression de plus en plus importante.

2.1.2.2. L'efficacité des engins et techniques de pêche utilisés

Les engins de pêche sont des outils d'exploitation et d'exploration (hameçons et lignes, chaluts, filets maillants, etc.) pour le repérage et la capture des poissons. L'efficacité du pêcheur dépend de la nature de l'engin utilisé, de son état, du nombre engins en activité, de leur maniement expert et leur adaptation. Sur la retenue, la kyrielle de ces engins peut être regroupée en trois :

77

? Les filets :

On en distingue trois marques : les filets maillants (dormant ou encerclant), les sennes (sennes tournantes, sennes de plage) et l'épervier.

- Les filets maillants calés (zagazaga)

Les zagazaga sont des engins passifs qui capturent les poissons pendant leurs déplacements. Ils sont composés d'unités de 200 mailles de chute disposées bout à bout en longueur. Ils sont calés à l'aide de perches. Le filet mesure 50 à 250 m de longueur, rarement plus, pour une profondeur maximale de 3 m. Mais, pour des raisons pratiques, les pêcheurs ne montent que des filets de 50 m (photo 10).

Coordonnées de prise de vue : x=10°49'38» - y=14°57'12»

Photo 10 : Pêcheur de zagazaga à Maga

Sur la ralingue supérieure, les flotteurs, disposés tous les 50 cm, sont constitués par des semelles de sandales en plastique. Les poids accrochés à la ralingue du fond sont plus traditionnels, disques ou croissants de terre cuite (photo 11).

78

Coordonnées de prise de vue : x=10°49'56»- y= 14°57'06»

Photo 11 : Poids à la ralingue du fond des filets zagazaga au lac Maga

Les mailles les plus fréquentes sont de 3 et 2 doigts (planche 04) et leur efficacité évolue en fonction des saisons. Les principales espèces ciblées sont : Tilapia sp., Alestes, les Schilbes mystus etc. lorsqu'ils sont en surface. Les filets dormants de fond sont les plus utilisés par les pêcheurs35. Ils sont plus favorables en saison chaude, mais les risques de putréfaction des poissons capturés sont plus élevés. Car, durant cette période les températures de surface peuvent dépasser 39°C (CBLT, 1997).

35 On distingue deux types de filets zagazaga : les filets maillant de fond (FMF) et les filets maillants de surface (FMS). Les noms filet dormant ou filets encerclant doivent être considérés comme des techniques de pêche.

a

b

c

79

Coordonnées de prise de vue : x=10°49'57» - y= 14°57'12»

Planche 4 : Types de filets mono filaments identifiés dans le lac de Maga

De la gauche vers la droite, on distingue respectivement : les filets monofilament à 2(a), 3(b) et 4(c) doigts. La probabilité de rencontrer un de ce type de filet dans l'un des campements des deux arrondissements est de 17,63 %. Cette probabilité est plus grande à Kaï-Kaï ou elle est de 54%. Ces engins excluent la sélectivité et la notion d'évitement qui voudraient que le poisson ait la possibilité d'éviter certains pièges dans l'eau. Très fins, ils sont invisibles aux yeux des poissons dans l'eau qui finissent par s'y emballer résolument grands et petits.

- Les sennes tournantes (Taro)

Les taros36 ou taru (hausa) sont des sortes de grandes sennes de 100 à 300 m de longueur et de 10 m de chute. Leurs mailles dépendent de l'espèce ciblée (Synodontus, tilapia, Tetraodon fahaka etc.). Elles s'échelonnent de 1 à 5 doigts et les filets les plus utilisés dans la retenue sont de mailles réduites (photo 12). Toutes les espèces peuvent être prises par ces types de pêche. Le taro est ici accroché par une extrémité à la berge, tandis qu'une pirogue, porteuse de l'autre extrémité, décrit un grand arc de cercle pour revenir près du point initial

36Cette technique a été vulgarisée par les Nupe du Nigeria sur la Bénoué et s'est diffusée par Garoua, le Mayo Kebbi (Léré au Tchad) et enfin le Logone (Seignobos, 1986). Ce n'est qu'à la suite de cette séquence que cette technique est arrivée à Maga.

80

(d'où le nom senne tournante). Un petit filet tendu contre les herbiers borde la berge pour empêcher les poissons d'y trouver refuge.

Coordonnées de prise de vue : x=10°49'57» - y= 14°57'12»

Photo 12 : Filets à Taro d'usage quotidien au lac de Maga - Les filets encerclants

Cette technique est une variante du taro. Les bancs37 sont représentés par des séquences d'herbes de 20 à 30 m2 en moyenne qu'on encercle dans le lac. La sortie est caractérisée par une phase de repérage et d'approche des bancs. Ensuite le filet est déployé en cercle autour des bancs et le cercle est refermé. En effet, une pirogue accompagne la poche à mesure qu'elle se rétrécit, pour éventuellement soulever la ralingue afin de la dégager de souches et paquets de vase gisant sur le fond, jusqu'à ce que la poche se referme.

37Grande troupe de poissons de la même espèce

81

- Les sennes de plage

Elles mesurent habituellement 300 à 400 m de longueur, mais peuvent atteindre 1 km, avec une chute de 10 à 20 m dans la partie centrale. Cette chute constitue une poche qui doit supporter le poids de la capture. Le maillage est entre 20 et 40 mm avec un fil résistant. Les sennes de plage ne sont pas des engins individuels, elles appartiennent à une communauté de pêcheurs (15 à 50) et sont utilisées en fonction des besoins et des disponibilités de main d'oeuvre. La senne de plage est transportée par une pirogue pour son déploiement, mais elle est halée depuis la plage (supra planche 05). Leur zone de pêche est constituée par la frange côtière où agissent les vagues (photo 13). Les poissons capturés sont en grande partie des juvéniles (5 à 15 cm).

Coordonnées de prise de vue : X=10°59'55»- Y= 14°47'10»

Photo 13 : Remontée d'un Taro à Maga

Naïvement contant, ces pêcheurs Massa utilisent des filets de 2 et 3 doits non réglementaires. Sous le regard enlacé parfois des gestionnaires -comme c'est le cas ici- qui laissent passer au prix d'une entente.

82

Les équipes mobiles de Taro sont subordonnées à la hauteur des eaux dans le lac (1,5 m au maximum). On ne les retrouve que pendant la période de décrue correspondant au retrait des eaux entre mars et juin. Dans leur diversité, elles ne représentent qu'à peine 3 % du total des engins rencontrés dans le lac en 2015. Toutefois, elles sont réputées pour leur efficacité et leur capacité de prélèvement. Elles ont réalisé 40% des débarquements enregistrés au CACP de Maga la même année.

- Les éperviers (Birgui)

L'épervier est un filet conique lancé dans l'eau. Il s'agit d'un engin actif dont la capture nécessite que le bout du filet soit plombé aux extrémités afin de permettre l'immersion du filet (photo 14).

Coordonnées de prise de vue : x=10° 50' 14» - j= 14° 55' 24»

Photo 14 : Pêche à l'épervier dans le lac de Maga

Deux pêcheurs sont embarqués à bord d'une pirogue en tôle pour au moins 6 heures si non toute la nuit. Afin de maximiser les prises, les pêcheurs utilisent du son de paddy qu'ils déversent dans une surface de 10 m2 en moyenne pour attirer les poissons. Une à deux heures plus tard, l'activité commence et ainsi de suite. Un sac (photo 15) acheté à 1000F ne peut servir que pour une sortie de pêche.

83

Coordonnées de prise de vue : x=10° 49' 58» - y=14° 56' 55»
Photo 15 : Sac de son paddy d'un pêcheur à épervier (Maga)

Les techniques de pêche actives très rentables nécessitent de gros efforts physiques et disqualifient les personnes âgées qui n'ont autre recours que les zagazaga et la pêche palangrière. Les éperviers représentent 2,5 % de l'ensemble des engins utilisés par les pêcheurs. Ils sont plus utilisés à Maga (52,30 %) où le plan d'eau est permanent.

? Les lignes

Les lignes comprennent un fil principal, un ou plusieurs engins accrocheurs (hameçons, leurre, turlutte), des avançons, un ou plusieurs lests (plomb, pierre), des flotteurs et un système d'arrimage (photo 16). Elles peuvent être montées ou démontées en fonction des besoins. La ligne est maintenue en pêche à une profondeur donnée à l'aide de flotteurs. C'est ainsi qu'on peut avoir également les palangres de fond qui visent les espèces benthiques38 à l'instar de clarias anguillaris ou Protopterus annectens (photo 5 et 9, annexe 01), et les palangres de surface qui ciblent les espèces de surface telles Lates niloticus, Tilapia Sp., Heterotis etc. (photo 2,1 et 12 annexe 01). Elles peuvent être appâtées (Wari) ou non appâtées (kadra).

38 Les espèces benthiques sont des espèces de fond par opposition aux espèces de surfaces qui peuvent êtres capturées par les filets maillants de surface.

84

Coordonnées de prise de vue : x=14°57' 10» - y= 10° 49' 58»

Photo 16 : Panier à palangre d'un pêcheur Kotoko à Maga

Les kadra sont des lignes de 500, 750, 1000, parfois 15 00 hameçons non appâtés, de 3 à 4 cm en général, espacés de 10 cm et montés sur un avançon d'une dizaine de centimètres. Les flotteurs constitués d'Aeschynomene elaphroxylon ou de petites cucurbitacées39 prélevées sur le site même des campements sont placés aux extrémités. Ces lignes sont accrochées à des souches ou à des perches (planche 05) et sont destinées à capturer surtout des poissons fouisseurs comme les Synodontis, Mormyres, silures (voir annexe 1). Les pêcheurs estiment leur rendement à 2 silures par jour pour 10 hameçons, au cas où le protoptère ou autre prédateur ne passe pas avant le relevé des lignes. Les hameçons doivent absolument briller pour attirer les poissons, ce qui contraint les pêcheurs à les renouveler tous les trois mois.

39 Famille de plantes dicotylédones à tige rampantes et à fruits parfois volumineux

a

b

85

Coordonnées des prises de vues : x=10° 46' 50»- y= 14° 55' 56»
Planche 5 : Palangres appâtées à HOFF (Maga)

À gauche (a), des souches prélevées sur les lieux auxquelles sont attachés à droite (b) 10 à 50cm de filet hameçonné. Plongés dans l'eau suivant une ligne, les Wari sont d'une utilisation quotidienne sur la retenue.

Les Wari diffèrent des kadra par leur structure appâtée et la nature même des appâts utilisés (planche 6). Ces appâts majoritairement constitués des juvéniles (petits poissons), ou des zooplanctons (Alestes dentex par exemple) attirent les poissons de grandes tailles à l'instar de Lates niloticus, Gymnarchus, Bagrus etc. préférés par les mareyeurs. En l'absence d'appâts naturels, des petits morceaux de savons de ménage les substituent.

a

b

86

Cliché : Toussoumna, juin 2016.

Planche 6 : Types d'appâts utilisés dans la pêche palangrière lacustre de Maga

En effet, un morceau de savons de 200 g (b) est divisé en 100 petits morceaux, lesquels morceaux sont accrochés aux palangres et immergés dans l'eau. Le rendement est si satisfaisant que les pêcheurs préfèrent acheter ce morceau de savon qui ne coûte que 125F à 150F comparé aux appâts naturels (a), quasiment 7 fois plus onéreux40.

On retient que la pêche palangrière pratiquée de deux façons sur la retenue de Maga est une technique passive. Lorsque la palangre n'est pas appâtée, on l'appelle Kadra ou palangre de fond et cible les espèces benthiques (au fond du lac). À l'opposé, les Wari s'occupent de celles de surface d'où, la nécessité de les appâter. Environ 22274 palangres sont en circulation dans la retenue et les kadra représentent 44,90 %. Le Wari est le plus utilisé avec 74,43 % de chance d'être rencontré et surtout à Maga où il est de 80 %.

- Les lignes à main

Elles mesurent entre 100 et 200 m avec des hameçons plus ou moins gros suivant l'espèce recherchée. Cette technique de pêche est active et nécessite la présence du pêcheur qui peut en manipuler deux ou trois à la fois. Durant la pêche la pirogue est généralement au mouillage pour un bon équilibre par rapport au fond. Avec 2,34 % d'engins, la ligne à main, peu productive, est rencontrée dans l'arrondissement de Kaï-Kaï qui en déteint le plus grand nombre soit 81 % de ces engins.

40 Un appât coûte 10 F alors qu'un morceau de savon de 150 F en produit 100 soit 1,5 F l' « appât ».

87

? Les nasses (Goura)

On distingue les nasses dites maliennes et celles traditionnelles en rotin qui sont très rares. Ce sont des enceintes de capture, ou plutôt ces abris-pièges (a, planche 07), dont on ne voit sortir de l'eau que le haut des branchages mis à l'intérieur, sont formés d'un sekko circulaire de 3 à 3,5 m de diamètre. À la périphérie du cercle, deux tores maintiennent une claie verticale de l m de branchettes, où sera ménagée une ouverture d'environ 1m. Sept à huit tresses régulièrement espacées permettront de déplacer ce sekko sur le fond sableux et de le hisser sur la rive.

Cet engin est généralement placé à quelques distances du bord ou immergé au niveau d'un banc de sable, zone calme peu profonde, l'ouverture tournée vers la rive (b, planche 07). Le poisson, attiré par ce havre ombreux, sera capturé. Lorsque l'engin sera hissé sur la berge, le poisson essayera en vain de fuir en direction du fleuve. Les protoptères représentent souvent plus de 80 % des prises. Ces enceintes de captures sont rarement isolées, elles peuvent aussi être reliées à un montage de parois de claies immergées qui guident le poisson vers elles. Elles sont actuellement aux mains des vieux adultes. Les nasses représentent 32,21 % de l'ensemble des engins en circulation et sont fréquemment utilisées (99,96 %) à Kaï-Kaï.

a

b

Coordonnées des prises de vues : x=10°47'26» - y= 15°02'05»
Planche 7 : Nasses maliennes (Goura) à Kéleo (Kaï-Kaï)

À gauche (a) une image parfaite du goura, engin célèbre pour sa capacité à capture les protoptères. Au premier plan de cette image, l'orifice d'entrée des poissons et à l'arrière-plan, la fenêtre par laquelle, les poissons sont retirés. À droite (b), il s'agit du même engin installé dans l'eau, en activité.

Il faut observer que la myriade d'engins de pêche à ce jour dans le lac a connu une évolution graduelle sous l'effet conjugué de l'effort de pêche et la dynamique des stocks. Leur nombre a été multiplié par 19 en moins de 25 ans. De 2626 engins au total en 1986, ils sont passés à 49562 en 2011 soit une hausse totale de 470 % en 25 et une hausse annuelle de 19 %. Depuis 2013 on estime que le cap de 50000 engins de pêche y a été atteint et les calculs de la CBLT se situent plutôt à la hausse pour l'année 2015 (57072 engins au total). D'ici 2020, on en sera à presque 60000 ce qui laisse croire que la progression va se maintenir encore pendant longtemps à la verticale. Le diagnostic posé à Maga où, en espace de 5 ans ils ont connu une augmentation de près de 90% confirme cette hypothèse (figure 12).

Années

Effectifs d'engins

14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000

0

 

2010 2011 2012 2013 2014 2015

Source : Données de la DAEPIA de Maga.

88

Figure 12 : Évolution du nombre d'engins de pêche utilités à Maga (2010-2015)

89

En 1981, la mission d'étude piscicole du barrage de Maga avait dénombré 1285 lignes (kadra), 121 éperviers dont 67 avec des mailles de deux doigts, 46 avec trois doigts et 8 à un doigt ; 1090 zagazaga dont le plus courant, était celui à maille de 4 doigts ; 76 taro ; 8 sennes à bâton et 46 nasses maliennes. En examinant le tableau ci-dessous (tableau 7), ces chiffres ne sont en rien comparables à ceux de l'année 2011. Le moins qu'on puisse dire est que, leurs effectifs respectifs ont été multipliés par 5 pour ce qui est des kadra, par 8.6 pour les Éperviers, par 8 en ce qui concerne les zagazaga, 16 fois pour les taros et 8 fois les nasses maliennes.

Tableau 7 : Dynamique des engins utilisés dans le lac de Maga

Années

kadra

éperviers

zagazaga

Taro

Nasses

Total

Nombre en 1986

1285

121

1090

76

46

2626

Nombre en 2011

5696

1042

8738

128

15960

31564

Source : Données de MEPBM (1986) et ECREM (2011)

Si en 1986 on avait seulement 7 filets au km2, nous en sommes à plus de 156 aujourd'hui. Ce qui sous-entend une forte pression sur les ressources. Quoique nombreux, ces engins n'ont pas des caractéristiques homogènes (tableau 8). Cette variété constitue d'ailleurs le piment de leur efficacité. Car, quoiqu'interdits, les engins actifs, très performants prospèrent sur le lac.

Tableau 8 : Pourcentages des types d'engins dénombrés dans le lac de Maga en 2015

Arrondissem
ents

Filets dormants

Kadra

Wari

Birgui

Ligne

Taro

Filets

encerclant

Goura

Nasses

Maga

4048

3432

15267

545

222

53

169

2510

6

Pourcentage

46

60

92

52.30

19.10

41.40

0

16

100

Kaï-Kaï

4690

2262

1313

497

940

75

83

13450

0

Pourcentage

54

40

8

47.69

80.89

58.59

32.93

84

0

Total

8738

5694

16580

1042

1162

128

252

15960

6

Pourcentage

17.63

11.48

33.45

2.1

2.34

0.25

0.5

32.2

0.012

Source : Données de la DDEPIA-YAGOUA, 2015.

90

Ce tableau montre que sur les 8 types d'engins en cours dans la retenue, les plus utilisés (Wari, Kadra, Goura, Zagazaga) sont des engins passifs qui excluent l'évitement. Ils sont relayés par les engins actifs Taro, épervier, etc. très destructeur.

En examinant la structure des engins utilisés (figure 13), on comprend qu'elle n'est qu'une expression latente de la diminution de la taille des poissons. Autant les ressources s'amenuisent, les pêcheurs s'adaptent via des astuces spécifiques qui d'une manière ou d'une autre décuplent l'efficacité de pêche. La figure ci-dessous en dit plus.

Lignes à main

2%

Sennes tournantes (Taro)

0%

Filets encerclants

1%

Goura (nasses maliennes)

32%

Éperviers (Birgui)

2%

Nasses traditionnelles

Filets dormants

18%

Palangres
appâtées (Wari)

33%

Palangres non appâtées (Kadra)

12%

Source : DDEPIA-YAGOUA, Décembre 2015.

Figure 13 : Les engins utilisés dans le lac de Maga par catégories en 2014.

On constate que les engins utilisés par les pêcheurs tel qu'indiqué plus bas (figure 14) sur la retenue sont nombreux, performants et de plus en plus efficaces.

Zagazaga Taro Éperviers Kadra Wari Ligne à

main

Ngura

100

80

60

40

20

0

91

Source : Enquête de terrain, Mars 2016.

Figure 14 : Proportion des types d'engins utilisés principalement par les pêcheurs

Il faut noter qu'après la capture, les ressources sont valorisées. Cette opération suscite plusieurs autres activités qui dépendent étroitement de la capture.

2.2. VALORISATION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES ISSUES DE LA PÊCHE ARTISANALE LACUSTRE DE MAGA

La mise en valeur des ressources halieutiques prélevées dans la retenue a donné naissance à d'autres activités génératrices de revenus, mais enclines à plusieurs difficultés qui limitent leurs rayonnements. Leur portée n'est pas moindre dans la pression que subissent certaines espèces spécifiques ainsi que leur environnement.

2.2.1. Les activités corollaires de la pêche artisanale lacustre

Deux d'entre elles sont particulièrement dynamiques et méritent d'être étudiées à savoir : le mareyage et la transformation des poissons.

2.2.1.1. Le mareyage en pêche artisanale lacustre

Les mareyeurs sont essentiellement des commerçants de poissons qui acquièrent leurs produits auprès des pêcheurs et le rétrocède aux consommateurs ou à d'autres revendeurs. À cet effet, ils ont leurs modes de vente, des moyens de transport et font face à plusieurs difficultés.

La vente de poisson se fait à 60 % au comptant tandis que la vente à crédit est fonction des relations et du degré de confiance du vendeur envers son client. Cinq modes de transport

92

ont été identifiés par l'enquête. La marche et les motos taxis sont les plus courants des moyens utilisés avec respectivement 28.5 et 38 % des cas. La voiture et la bicyclette arrivent en troisième position avec 14.2 % suivi de la brouette 4,2 %. Le nombre des voyages par mois et par saison est estimé en moyenne à trois. Les mareyeurs achètent approximativement 90 kg par de poissons par voyage pendant la bonne saison alors que durant la saison de basse production, les quantités sont inférieures à 50 kg et les voyages réduits à deux tours. Globalement le système de marché de produits halieutiques de la retenue de Maga se présente comme suit :

Figure 15 : Organisation du marché des produits halieutiques à Maga

Il faut reconnaitre que la concurrence est rude entre les femmes mareyeuses et les grands propriétaires de Taro qui liquident leurs butins à des clients venus de loin. Face à la dictature de grands mareyeurs, les organisations féminines jouent un rôle régulateur permettant ainsi aux consommateurs locaux de se trouver un peu de quoi manger.

En fait, la forte demande en produits halieutiques des marchés extérieurs stimule les acteurs du secteur de la pêche. Depuis 2012, la FGAEPAM fabrique de la glace aux commerçants de poissons. Cette fédération des GIC des agro éleveurs et pêcheurs de

93

l'arrondissement de Maga (FGAEPAM) est née surtout de la volonté de faire de la pêche, un secteur économique clé dans la localité. Avec plus de 7000 membres, ils agissent dans tous les segments de l'économie de la pêche.

Grâce à eux, les produits de pêche traversent les marchés locaux (Maga, Pouss, Kaï-Kaï...) et arrivent au Nigeria voisin. En 2011, 60 % de la production totale du lac était destinée à leurs activités (MINEPIA, 2012) et toute cette quantité fut orienté vers Amchidé, banki, Maroua et kousseri. Malheureusement, le contexte social actuel de l'Extrême-Nord Cameroun marqué par les attentats kamikazes de la secte islamiste BOKO HARAM limite la dynamique du secteur à travers la fermeture des frontières entre le Cameroun et le Nigeria.

2.2.1.2. Transformations artisanales des produits halieutiques

Les produits halieutiques débarqués sont transformés de deux manières prioritaires. S'ils ne sont pas fumés, ils sont séchés. Sachant qu'une partie est consommée l'autre commercialisée fraiche.

? Les techniques de séchage du poisson

Le séchage est la plus ancienne des techniques de transformation du poisson à Maga. Les poissons sont lavés, parfois non et souvent éviscérés et séchés au soleil pendant trois à cinq jours sur des claies, des nattes ou des herbes (photo 17). Généralement, les tas sont protégés des oiseaux et autres prédateurs par des morceaux de filets plus ou moins dégradés. Les gros poissons sont éviscérés, ouverts et mis au soleil tel quel, ou souvent légèrement salés pour ajuster le goût au séchage.

Les espèces les plus utilisées sont du type Tilapias, Alestes, Mormyrus, Citharinus. D'autres espèces notamment Lates, Bagrus, Clarias, Heterotis quoique très exploitées, ne font quasiment pas l'objet de séchage et sont consommées fraiches. Ils n'apparaissent pas dans la comptabilité habituelle du MENEPIA dont les rapports ont été consultés dans cette recherche.

94

Coordonnées de prise de vue : x= 10.832810 - y= 14.950110
Photo 17 : Amas d'Alestes mis au séchage à Maga

Le séchage exerce selon qu'illustré par cette image, une pression sur les sardines(Alestes) spécifiquement, mais aussi, les carpes(Tilapia).

En effet, la durée du séchage est tributaire de l'intensité du soleil et de la grosseur du poisson concerné. Si en temps normal, c'est-à-dire quand le soleil est ardent, le séchage n'excède guère 36 heures. L'opération peut cependant s'étirer sur 96 heures lorsque les conditions sont relativement médiocres. Après séchage, le poisson est conditionné dans les sacs ou des cartons et stocké avant la commercialisation. Qu'en est-il du fumage ?

? Les techniques de fumage du poisson

Les techniques sont les mêmes que celles qui ont cours sur le bas Chari et le Logone, avec séchage pour la production de salanga41 et fumage pour celle de banda (Seignobos, ibidem). Depuis l'introduction des lignes dormantes sur les rives du Chari et du Logone par les Bornouans et les Hausa, la technique du banda leur est associée. Le fumage aurait été introduit et intensifié sous l'influence du commerce avec le Nigeria (Blache et Miton, 1962).

41 Poisson sec, Alestes dentex et Alestes baremose, fendus en deux dans le sens de la longueur. Ces poissons, appelés aussi « sardines » sont pêchées à l'étiage, le plus souvent à la senne à bâtons, et mis à sécher sur des fils. Le mot salanga est devenu synonyme de « poisson séché au soleil » par rapport au poisson fumé, le banda.

95

Traditionnellement, le poisson est fumé entièrement au feu de bois pendant un à deux jours. Quand il est de taille moyenne, il est enroulé sur lui-même et maintenu par une tige de bois. Le poisson ainsi traité est vendu surtout sur plusieurs lieux. Les Arabes et les Maliens par contre procèdent à un fumage spécifique préféré par les Nigérians. Le fumoir traditionnel est assimilable au foyer de cuisine et est non seulement de faible rendement, mais est également consommateur d'une grande quantité de bois. De plus, le produit fini est de mauvaise qualité. Malheureusement c'est le plus utilisé, car 60% des fumeurs de poissons l'utilisent42.

Le four amélioré ou chorkor est surtout destiné au fumage, mais peut toutefois servir pour le séchage ou le stockage de poissons séchés ou fumés (photo 18). Il peut être réalisé avec des briques en terre cuite, en argile ou en terre battue. En raison de sa capacité de production importante, de la diminution significative de la consommation de bois se traduisant par une réduction des couts de production, de l'amélioration des conditions de travail et finalement de l'augmentation des revenus.

Coordonnées de prise de vue : x=10° 50'59» - y=14° 56' 12»

Photo 18 : Espèces de clarias anguillaris près à être fumées sur un four amélioré

42 D'après la DAEPIA/MAGA.

96

Au regard de cette image, on peut déduire que le fumage du poisson est une menace réelle pour la plupart des espèces benthiques (Protopterus annectens, Bagrus docmac, etc.). Mais, l'espèce dominante dans cette pratique demeure Glarias anguillaris.

Un seul four amélioré peut fournir une quantité de poissons fumés équivalente à celle produite par trois fours traditionnels. Les produits fumés obtenus répondent aux standards de qualité et de goût des consommateurs. Aussi, les opérateurs sont moins exposés à la fumée et à la chaleur, ce qui leur procure un avantage au niveau de la santé et des conditions de travail. On estime à 30 % les acteurs qui utilisent ce type de fumoir. Les quantités transformées varient en fonction des saisons. Pendant la haute pêche, la quantité moyenne est de 40 kg alors que celle-ci n'est que de moins de 20 kg43 lorsque la pêche ne bas plus son plein.

2.2.2. Des contraintes au décollage des activités de pêche

Toute activité économique passe par une série de contraintes que les acteurs doivent intelligemment surmonter pour réussir. Ainsi en est-il de la pêche artisanale lacustre dont le problème touche tous les segments de l'activité, allant de la capture à la transformation via le mareyage.

2.2.2.1. Les difficultés spécifiques rencontrées par les acteurs

La recherche a analysé ces difficultés à trois niveaux à savoir dans la capture, le mareyage et au niveau des transformateurs.

? Les problèmes rencontrés par les pêcheurs

La première difficulté des pêcheurs est l'accès aux matériels de pêche. Les fonds permettant d'acquérir le matériel de pêche sont d'origines diverses. Il ressort du tableau ci-dessous (tableau 9) que dans l'ensemble, au moins 63% du matériel a été acquis sous fonds propres, 26,66 % sont loués alors que le crédit obtenu n'a permis d'acheter que 10,09 % de ces derniers.

43 Les chiffres viennent de la DAEPIA de Maga.

97

Tableau 9 : Origines du matériel usité dans la pêche

Matériels

Fonds propres

Location

Crédit

Total

Pirogues

86

70

18

174

Engins

245

70

35

350

pourcentage

63.04

26.66

10.09

525

Source : Enquête de terrain, Février 2016.

En même temps, la plupart d'engins utilisés par les pêcheurs leur appartiennent (70%) contre seulement 49 % des pirogues. La part des pirogues empruntée auprès des mareyeurs est significative (plus de 50 %). Raison pour laquelle, pour comprendre l'organisation et la dynamique des sous-filières de la pêche artisanale, il est nécessaire de stabiliser les relations entre les pêcheurs et les mareyeurs. D'autres parts, l'enquête en a identifié 6 (figure16) problèmes spécifiques liés à la pratique de la pêche dans le lac. La menace des hippopotames est récurrente (51%), le manque de moyen pour l'achat d'équipements vient en second lieu (22 %) suivi des piqures des moustiques. Toutefois, les abus des gestionnaires, des cas de vol ou encore l'envahissement du lac par les herbes complètent la liste de ces difficultés.

Attaques des hippopotames

51%

Envahissement des herbes 8%

Moustiques et vagues 8% vol 5%

Manque de moyens 22%

Abus des
gestionnairs 6%

Source : Enquête de terrain, Février 2016.

Figure 16: Types de problèmes rencontrés par les pêcheurs

Ces difficultés limitent dans le temps et dans l'espace, les sorties en pêche et amènent les pêcheurs à définir des stratégies pour les défier.

? Les problèmes rencontrés par les mareyeurs

Les problèmes rencontrés par les mareyeurs sont aussi de taille. Par ordre de degré d'ampleur, ces acteurs sont confrontés à la difficulté de conservation de leur produit (46 %) puis aux difficultés financières (31%) en fin il s'agit aussi des problèmes de transport (23 %).

? Les problèmes de la transformation artisanale des produits halieutiques

Comme toutes les autres activités, la transformation est une opération à risque. Les problèmes sont nombreux à se dresser contre les actifs de cette filière (figure 17). Il s'agit à 53 % des blessures enregistrées lors des entailles par les couteaux et des piqures des arrêts des poissons. La conserverie (25 %) apparait comme une véritable contrainte au développement de la pêche artisanale lacustre. Cette proportion illustre à souhait le problème de délestage continu et le manque de débarcadère fonctionnel pour les mareyeurs. D'où, le rôle régulateur joué par les transformateurs. L'instabilité du marché, l'évacuation de la production, etc., ne les gêne pas de moins que les autres difficultés.

Conserverie

23%

Blessures

53%

Fluctuation des prix

8%

Transport de produits

8%

Pollution d'objet

8%

Source : Enquête de terrain, Avril 2016.

98

Figure 17 : Types de problèmes rencontrés par les transformateurs

99

Trois solutions sont préconisées par les pêcheurs aux multiples difficultés qu'ils rencontrent. Elles concernent à 74 % des cas, la luttent contre les hippopotames par des moyens traditionnels (tapages d'eau, solidarité de nombre, contournements, etc.). Trois des pêcheurs sur les 100 interrogés ont déclaré avoir reçu un crédit allant dans ce sens alors que les aides et les appuis multiformes ne représentent que 20 % des solutions administrées aux menaces.

Les solutions souhaitées par les mareyeurs concernent à 60 % un appui financier, 19 % sont relatives à la construction des hangars pour la vente du poisson alors que 21 % trouvent que l'absence d'un débarcadère est un véritable handicap au développement de la pêche et sont par conséquent favorables à la construction d'une chambre froide. Heureusement que la CBLT s'escrime à y apporter un remède (infra 4.2.2.2.)

Les transformateurs souhaitent pour leur part, être aidés (34 %), d'autres voudraient recevoir une formation sur les techniques de transformation (21 %) alors que pour certains, les doter des fumoirs (12 %) et des moyens financiers (14 %) est à valeur de panacée. Par ailleurs, 13 % des déclarations portent sur la découverte de nouveaux circuits de commercialisation et 7 % l'octroi de crédit.

La pêche artisanale lacustre est dans l'ensemble bien organisée et structurée. Cependant elle est confrontée à des contraintes socio-économiques liées à l'instabilité du marché, à l'insuffisance des infrastructures, etc., qui entravent son développement. Les communautés de pêcheurs se sont adaptées à ces contraintes et trouvent souvent des stratégies pour les contourner. Ces stratégies vont du renforcement de la technologie d'équipage et à la recherche absolue de la performance des engins.

2.2.2.2. De la taille des recettes publiques générées par la pêche

Du point de vue économique, la pêche artisanale lacustre contribue pour une large part à la création des richesses à travers la commercialisation du matériel et des équipements de pêche et des produits halieutiques. En 2015, le rapport annuel départemental de la DDEPIA/Yagoua indique que l'activité de pêche (hors-mis les services connexes) a généré une valeur ajoutée de 1,2 milliard de FCFA à Maga, soit 859500000 FCFA dans le Frais, pour 859,5 tonnes de captures et 393560000 FCFA dans le fumé pour 1351,45 tonnes de produits.

À Kaï-Kaï, il y eut 36197000 FCFA pour le Frais et 6617600 FCFA de fumé. Les produits de la pêche artisanale lacustre ont servi de matières premières aux artisanats de fabrication d'huile de poisson à Maga. On a estimé à environ 2000 litres d'huile de sardine par trimestre. Le prix du litre étant de 2000 FCFA, on aura eu 16000000 FCFA. Au total, la pêche artisanale lacustre à Maga aura généré à l'État camerounais, 1,3 milliard de FCFA en

100

2015, bien que ces chiffres cachent de sérieux déséquilibres socio-économiques qui biaisent l'exactitude des données. Les estimations de l'année en cours sont à la baisse du fait de la production qui a chuté.

Cette importance de la pêche justifie les interventions de l'État et des acteurs du privé dans ce secteur afin de pallier certaines difficultés. Mais, cette incitation à la production et à l'emploi est à l'origine d'une pression socio-économique.

2.3. L'INCITATION SOCIO-ÉCONOMIQUE DU SECTEUR DES PÊCHES

L'accroissement des pirogues, d'engins de pêche ainsi que l'évolution technique des pêches peut aggraver la pression de pêche sur les ressources d'une pêcherie. Cependant, le temps mis sur la retenue par les pêcheurs, la fréquence d'utilisation des zones de pêche et en fin les incitations socioéconomiques de ce secteur en constituent d'autres facteurs non négligeables qu'il faut prendre en compte pour procéder à une analyse complète.

2.3.1. La pression économique

Les avantages économiques à travers les coûts d'accès aux ressources halieutiques (les autorisations et accords de pêche) et la demande des ressources halieutiques sont les deux catégories d'indicateurs identifiées pour qualifier la pression économique des pêcheries.

2.3.1.1. Les facilités d'accès aux ressources halieutiques

Conscient de la portée socio-économique de la pêche, l'État Camerounais procède à des formes d'encouragement variées pour augmenter la production dans ce secteur. En 2004, les accords de gestion de la retenue de Maga (infra, chap. IV.2.) signés par la quasi-totalité d'acteurs de la pêche artisanale lacustre ont libéralisé l'accès à la retenue. Il n'est depuis lors soumis qu'à l'obtention d'un permis de pêche qui n'est pourtant pas l'apanage de tous. Puisque quand bien même, cette structure facilite la délivrance de ce document, moins de 50 permis de pêche ont été délivrés en 2015 pour près de 7000 pêcheurs opérationnels.

D'autre part, dans le cadre du projet dénommé ADPAM44 en 2012 qui visait d'augmenter la production halieutique locale, 11 GIC des pêcheurs de la retenue de Maga ont reçu de la part de l'État, des appuis sous forme de subvention dont le coût est évalué à plus de 23 millions de francs CFA. Cette subvention sous forme de matériel de pêche et de sécurité se compose de la manière suivante : 22 pirogues en bois de 7 m de long ; 55 nappes de filet de

44 Projet d'Appui au Développement de la Pêche Artisanale

101

pêche en multi filament de 400 mailles par 100 yards ; 660 bobines de fil à ramender de différents diamètres ; 55 palettes de plombs ; 550 paquets de 100 pièces d'hameçons chacun, soit 55 000 hameçons de différents calibres ; 11 sacs de flotteurs ; 33 gilets de sauvetage, etc.

Actuellement, le projet AFOAP financé par la coopération franco-camerounaise dans le cadre du D est en cours de réalisation à Maga. Ils ont déjà à ce jour formé plus de 500 acteurs regroupés en plus de 300 GIC. Ces GIC ont formé depuis 2012, la FUGAEPAM. Cette fédération des GIC des agroéleveurs et pêcheurs de l'arrondissement de Maga (FUGAEPAM) est née surtout de la volonté de faire de la pêche, un secteur économique clé dans la localité.

Ces trois exemples sont porteurs d'un message important. Tandis que le matériel de pêche opérationnel sur la retenue est surnuméraire, on en vient à rajouter. Non seulement ceci ne répond pas aux attentes des pêcheurs artisans dont la moindre envie serait de solliciter de l'État des engins de pêche (des engins inefficaces) mais, à travers ce geste, on se retrouve en train d'inoculer chez les pêcheurs, la hargne d'aller encore plus loin dans leur capacité à produire.

2.3.1.2. La forte demande des produits halieutiques par les consommateurs

Le poisson est la source de protéines la plus accessible aux populations, surtout les plus défavorisées. Les produits de pêche contribuent pour 67 % environ des apports en protéines dans l'alimentation des populations à Maga et pour près de 70 % à Kaï-Kaï. La consommation moyenne de poisson par tête et par an y est de 47 kg contre 11 kg/habitant pour la viande (MINEPIA, 2011). Soit une demande annuelle globale de 9400 tonnes pour les deux arrondissements. Cette situation pousse les pêcheurs à aller jusqu'au bout de leurs efforts et par conséquent, à parfois séjourner pendant de longues durées sur la retenue dans l'optique de récolter plus de ressources (figure 18).

0h-5h 6h-11h 12h-17h 18h-23h 24h-29h 30h-35h

Effectifs

30

25

20

15

10

5

0

Durée

102

Source : Enquête de terrain, Mars 2016.

Figure 18 : Temps mis par les pêcheurs sur la retenue

Pour cela, le temps moyen mis par les pêcheurs en activité sur la retenue est de 20 h alors que 68% d'actifs interrogés mettent plus d'une demi-journée sur la retenue soit 14,5h. La forte demande de produits de pêche dans ces localités est donc, un stimulant de pression de pêche. Mais, d'autres facteurs peuvent également entrer en jeu pour donner naissance à une pression sociale.

2.3.2. La pression sociale

L'analyse de la pression sociale est axée sur les pêcheurs artisans. Il s'agit d'abord du nombre de pêcheurs pour lequel une série de données de 2000 à 2015 a été constituée. En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques, l'analyse se focalise sur la nationalité, l'âge et la situation familiale des pêcheurs. Les données relatives à ces variables sont une synthèse faite à partir d'une enquête de terrain combinée avec l'enquête socio-économique de 2011.

2.3.2.1. Les caractéristiques de la main d'oeuvre artisanale

Les catégories d'acteurs intervenant dans l'économie de la pêche sont les pêcheurs, les propriétaires d'unités de pêche, les commerçants de poissons, les transformateurs, les commerçants de matériel de pêche et les autres opérateurs qui interviennent dans le sous-

secteur de pêche. Le tableau 10 ci-dessous détaille la composition des acteurs de ce secteur pour toute la retenue en 2015.

Tableau 50 : Caractéristiques de la main d'oeuvre artisanale

Arrondissements

Pêcheurs

Aides
pêcheurs

Mareyeurs

Transformateurs

Fabricants de

pirogues

Effectifs

Maga

31%

55%

8.28%

3.93%

1.66%

4211

Kaï-Kaï

35.68%

49.57%

9.16%

4.44%

1.14%

3901

Total

33.40%

52.29%

8.72%

4.19%

1.40%

8112

Source : Enquête-cadre sur la retenue de Maga 2011, MINEPIA 2015.

Les pêcheurs sont pourtant les plus nombreux aussi bien à Maga qu'à Kaï-kaï (figure 19) et leurs effectifs n'ont jamais cessé d'augmenter au fil des ans pour avoisiner les 7000 aujourd'hui Ce qui veut dire que la main d'oeuvre artisanale est majoritairement investie dans la capture.

Maga Kaï-Kaï

Pêcheurs Aides-pêcheurs

Proportion en pourcentage

40

60

50

30

20

10

0

Source : Données de la DDEPIA-YAGOUA (2011).

103

Figure 19 : Composition des pêcheurs et aides pêcheurs du lac de Maga

104

Ces deux groupes forment plus de 86 % du total des acteurs du secteur estimé à 8112 personnes. Sur les 6977 pêcheurs dénombrables sur la retenue, 97% soit 5373 pêcheurs sont de nationalité camerounaise. Plus nombreux à Maga qu'à Kaï-Kaï (figure 11), les acteurs directs nationaux du secteur des pêches sont à 52 % composés d'aides pêcheurs. Ces deux groupes forment plus de 86 % du total des acteurs du secteur estimés à 8112 personnes.

2.3.2.2. La situation socioprofessionnelle des pêcheurs

La pêche réunit au moins trois nationalités sur la retenue. On distingue les Camerounais (84%), les Tchadiens (11%) et en fin les Maliens (5%). Les étrangers dénombrés se retrouvent majoritairement (80%) dans l'arrondissement de Maga où, il est facile d'écouler les produits (tableau 11).

Tableau 61 : Nombre de pêcheurs par nationalité

Arrondissements

Nationalités

Camerounais

Maliens

Tchadiens

Total

Maga

69

4

8

81

Kaï-kaï

15

1

3

19

Total

84

5

11

100

Source : Enquête de terrain, Mars 2016.

L'âge moyen des pêcheurs est de 39 ans (figure 20) et 42 % d'entre eux ont entre 31 et 40 ans. La capture nécessite assez d'effort physique et disqualifie les vieillards 30. Car, au total 70 % des pêcheurs ont moins de 40 ans tous de sexes masculins (100%).

25 20 15 10

5

0

 
 

21-30 31-40 41-50 50 et plus

Tranches d'âges des pêcheurs

105

Source : Enquête de terrain, Mars 2016.

Figure 20 : Proportion d'âges des pêcheurs interrogés.

Les musulmans représentent 84% des pêcheurs interrogés. D'où, l'importance des polygames (47 %) pour un taux de nuptialité de 72%. On compte en moyenne 18 personnes par ménage. Les ménages sont composés du chef de ménage, des conjointes, des enfants et des autres adultes. Afin d'éviter toutes tentatives d'erreurs, trois variables ont été retenues à savoir le chef de ménage, sa conjointe et les autres personnes à charge. Le moins qu'on puisse dire est que, indépendamment des appartenances religieuses, la pêche est une activité d'un enjeu très important sur l'échiquier social des collectivités de Maga et Kaï-kaï. Plusieurs familles ont bâti leur économie sur cette activité qui semble se transmettre de père en fils.

L'ancienneté moyenne de l'échantillon étudié est de 21 ans. Elle varie en fonction des tranches d'âges (figure 21). Elle est de 06 ans pour les pêcheurs ayant entre 21 et 30 ans d'expérience, 25 ans pour ceux qui se situent entre 31 et 40 ans, et 30 ans pour la tranche d'âge de 41 à 50 ans. Au-delà se situent les personnes ayant en moyenne 36 années d'exercices.

 
 
 

40

 

35

 

30

 

25

 

20

 

15

 

10

 

5

0

 
 

21-30 31-40 41-50 50 et plus

 

Années d'exercice

106

Source : Enquête de terrain, Mars 2016.

Figure 21 : Ancienneté des pêcheurs par tranche d'âge.

Sur les 100 pêcheurs interrogés, 70 d'entre eux soit 70 % ne savent ni lire ni écrire. Seulement 17 % ont le niveau du primaire, et 13 % ont au moins fait la 6ème. Aucun étudiant n'a été dégoté parmi eux. C'est donc un secteur dominé par des analphabètes où, le message des gestionnaires a du mal à passer.

On comprend que les pêcheurs, qu'ils soient Camerounais ou non, sont initiés dès leurs bas âges à la pêche par leurs parents et sont tous, des professionnels avant l'âge de 20 ans. Ils pratiquent cette activité en exclusivité pas seulement pour satisfaire les besoins alimentaires à la taille de leurs ménages, mais aussi, pour en bâtir une économie digne de ce nom. C'est pourquoi ils sont regardants sur la nature des engins et techniques de pêche à utiliser.

107

Conclusion partielle

La pêche artisanale lacustre de Maga, repose sur de solides fondements physiques et humains. Elle s'inscrit dans une dynamique spécifique liée à l'introduction de la riziculture irriguée dans les plaines du Mayo-Danay. Mais, elle a significativement évolué depuis ses débuts en 1980 tant par ses effectifs en hommes45, en matériels que par les moyens techniques et socio-économiques mis en oeuvre. D'une économie d'exploitation familière, le secteur a connu des changements importants liés à la panoplie des transformations techniques, d'une demande accrue du marché puis de nouvelles finalités dans l'exercice du métier. Ces changements se sont traduits dans la retenue par une augmentation de la dynamique de peuplement, une recomposition territoriale, bref un accroissement du rôle de la pêche dans l'économie locale. D'où, la pression sur les ressources et l'écosystème. Malheureusement, de plus en plus, les effets pervers abondent et la recherche ne les a pas inconsidérés.

45 Elle emploie plus de 8000 personnes dans des villages/campements (Kéleo, Gamack, Malka, Pouss, Djafga, etc.) très dynamiques et y contribue à l'essentiel des apports en protéines animales des habitants.

DEUXIÈME PARTIE :

L'AVENIR DE LA PÊCHE ARTISANALE LACUSTRE DE MAGA

109

Introduction partielle

La pêche artisanale dans le lac de Maga comporte des enjeux socio-économiques et environnementaux très importants. Une grande majorité de la population des arrondissements de Maga et Kaï-Kaï (8000) en dépend pour leurs moyens d'existence. Cependant, face à la dégradation constante des ressources halieutiques dans cette pêcherie et la crise socio-économique qui affecte ce secteur, il est primordial de s'interroger sur l'avenir de cette activité devenu problématique. Que reste-t-il des ressources halieutiques dans le lac de Maga pour pérenniser cette activité ? Il faut donc d'abord évaluer les dommages biologiques et environnementaux causés par les trois décennies de prélèvements irrationnels subis par cette pêcherie (Chapitre 3) puis présenter le dispositif juridique mis en place par l'État et les acteurs variés afin de juguler ce phénomène (Chapitre 4) qui intègre déjà l'idée de chronicité.

110

CHAPITRE 3 : IMPACTS DES ACTIVITÉS DE PÊCHE SUR LES RESSOURCES
HALIEUTIQUES ET L'ÉCOSYSTÈME

Introduction

Les chapitres précédents ont pu établir que la retenue d'eau de Maga est une immense pêcherie, particulièrement riche, mais sous pression sans cesse grandissante. Le RMD a été dépassé depuis plus de 30 ans déjà dans ce plan d'eau, et les ressources halieutiques en sont visiblement touchées. Si tant est-il que toute surpêche constitue une offense à la pêcherie, on est en droit de s'interroger en ces termes : pendant trois décennies, quels dommages, la pêche a-t-elle causé dans le lac de Maga ? Une telle question implique une « évaluation des stocks »46 de la pêcherie. Ce chapitre analyse d'abord les renseignements biologiques et statistiques des ressources halieutiques exploitées afin d'établir les variations de l'abondance des stocks halieutiques sous l'effet de la pêche et, dans la mesure du possible, de prédire les tendances futures de l'abondance des ressources. Ensuite, on s'insistera sur la situation de leur environnement avant d'aborder l'impact socioéconomique de cette surexploitation.

3.1. IMPACTS DES PÊCHES SUR LES RESSOURCES HALIEUTIQUES

Le lac de Maga n'est pas, à ce jour, parvenu à se doter des instruments techniques et d'une expertise nécessaire à une évaluation de son stock biologique. Car, s'agissant de l'évaluation de l'abondance des stocks par méthodes indirectes47 employées dans cette recherche (ces dernières reposent sur l'analyse de séries temporelles de captures et des paramètres de l'exploitation), les données disponibles sont limitées à des espèces dans le temps et dans l'espace.

3.1.1. La structure des ressources exploitées

Cette partie rassemble, les niveaux de connaissances de l'habitat, du cycle biologique, du comportement des espèces et les mutations de leur écosystème pour déterminer les impacts sur les structures des captures.

46 Cette opération se fonde sur des prospections des ressources, la connaissance de l'habitat, du cycle biologique et du comportement de l'espèce, l'emploi d'indices environnementaux pour déterminer les impacts sur les stocks et les statistiques des captures puis définir les conditions présentes d'une pêcherie et son avenir probable.

47 Un cas particulier de méthode directe est l'estimation de l'abondance des géniteurs à partir de la quantité d'oeufs pondus, (estimée par échantillonnage de l'ichtyoplancton), et la fécondité des femelles.

111

3.1.1.1. La carence des renseignements biologiques

Le fonctionnement des écosystèmes aquatiques reste encore faiblement connu (FAQ, 2015) et celui du lac de Maga n'est pas en marge de ces observations. L' étude la plus connue, faite à ce sujet est celle dont les résultats sont d'ailleurs classés secrets au CACP de Maga. Elle date de 1998 et a été réalisée de concert par la FAO et la SEMRY. Les bribes de connaissances rendues publiques à ce sujet attestent que, la création du barrage a provoqué de grands changements dans l'éventail des ressources alimentaires présentes dans le lac avant sa construction. Pour les producteurs, il a entrainé l'établissement d'un phytoplancton abondant, la colonisation progressive des yaerés par les plantes aquatiques fixées ou flottantes, mais surtout l'établissement d'un abondant périphyton qui se développe sur les troncs d'arbres immergés.

En ce qui concerne les invertébrés consommateurs primaires, les changements les plus importants se sont traduits par l'établissement d'une communauté zooplanctonique, mais surtout par le développement explosif de certains insectes, dont les larves qui vivent aux dépens du périphyton des troncs immergés. Il s'agit surtout de l'Ephémeroptère Povilla adusta dont les larves, nymphes et imagos (insectes) fournissent une nourriture très abondante. La faune d'invertébrés proprement benthiques a subi dans un premier temps une décroissance spectaculaire due sans doute aux mauvaises conditions d'oxygénation. Devant ces ressources alimentaires nouvelles, peu variées, mais extrêmement abondantes, les poissons ont dû s'adapter. Les microphages et macrophages mangeurs de végétaux comme Sarotherodon, Tilapia, Citharinus ont trouvé de bonnes conditions d'alimentation. Les espèces à très large spectre alimentaire déjà signalées Alestes, Schilbeidae, Clupeidae, Hetorotis, vont exploiter la source de nourriture qui leur convient le mieux. Ces espèces à large spectre alimentaire sont les plus aptes à s'adapter à de nouvelles conditions d'alimentation dans la retenue et sont aussi les plus exploitées.

Connaissant les caractéristiques biologiques et écosystémiques des ressources de la retenue, il est possible d'estimer l'impact opéré par les prélèvements sur leurs structures.

3.1.1.2. L'amenuisement des espèces exploitées et l'appauvrissement de leur diversité biologique

Par structure des captures, on entend la taille des poissons, la composition par espèces leur nombre, ainsi que le niveau trophique de chaque espèce. Des variations dans la structure

112

des captures sont d'importants signaux d'une non-durabilité de la pêcherie. La diminution de la taille des espèces capturées est un indicateur de la baisse de l'abondance relative du stock.

La retenue de Maga ne dispose pas de capacités nationales en matière de recherche halieutique. La recherche dans ce lac est de la responsabilité du CACP de Maga. Suivant les indications reçues, il n'y aurait au sein de cette structure, aucun cadre possédant des compétences en matière d'océanographie, mais deux techniciens d'aquaculture davantage moins spécialisés sur les questions relatives aux espèces exploitées. Ainsi, dans cette pêcherie, les tâches scientifiques de base du suivi de l'exploitation halieutique ne sont pas remplies. L'administration en charge de la collecte des données sur les captures se livre à une estimation grossière de l'effort de pêche, sans semble-t-il, effectuer de tentatives d'extrapolation des données collectées à l'ensemble des flottilles utilisées.

Il n'existe aucune information sur la structure par taille ou par âge des espèces capturées alors que cette donnée permettrait de situer le niveau d'exploitation courant par rapport au potentiel maximal. Seules quelques informations sur les prises accessoires des différents métiers sont disponibles. On note en particulier que les débarquements enregistrés n'intègrent que les espèces cibles, et pas les prises d'autres poissons d'accompagnement. De plus, les tonnages réels peuvent être de 5 à 10 fois prééminentes à la quantité pesée à bord.

Cependant, comme le soulignaient Laurec et Le Guen (1981), aucune gestion ne peut se faire sans une connaissance aussi précise que possible de l'état de la ressource et des possibilités d'exploitation des différents stocks. Aussi, l'évaluation des ressources halieutiques dans la retenue d'eau de Maga pose le problème de la sincérité et la fiabilité de ces résultats, tant en ce qui concerne la taille du stock, la composition des espèces que leur localisation.

En se fiant à Heincke (1913) : « la réduction du nombre de poissons de grande taille et l'augmentation de ceux de petite taille dans les débarquements et la baisse correspondante de la taille moyenne des ressources résultent directement de l'intensification de la pêche ». Partant de là, cette recherche a fait un rapprochement entre la composition par espèce des débarquements annuels enregistrés à Maga par les agents de la SEMRY II en 1986 (figure 22) et ceux réalisés, par le CACP de Maga en 2015 (figure 23). L'examen de ces deux figures confirme au moins deux hypothèses péjoratives.

Sarotherodon

10%

Heterotis

2%

Lates

1%

Clarias

3%

Bagrus

0%

Hydrocynus

0%

Tetraodon

0%

Gymnarchus

0%

Petites espèces

9%

Protopterus

0%

Mélange

84%

Synodontis

1%

Source : Données du service des pêches SEMRY-II

Figure 22: Structures des débarquements enregistrés en 1986 à Maga

Les petites espèces (3549 tonnes) sont constituées par les Mormyrus, les alestes, les Schilbe mystus etc. Quant aux mélanges de 29134 tonnes, au moins 60% sont des tilapias nilotica. Certaines espèces comme le protoptère, l'Hydrocynus ou les Bagrus (voir annexe 01) n'apparaissent que faiblement.

Heterotis 14%

Clarias

Lates

25%

Bagrus 6%

Tilapia

48%

Source : Données du CACP de Maga

113

Figure 23 : Structures des débarquements enregistrés en 2015 à Maga

114

Les deux figures laissent des disparités spécifiques notoires au niveau de leur composition biologique passant de 12 espèces à seulement 05 en espace 29 ans. Cet appauvrissement de la structure biologique des ressources est consécutif à la raréfaction des espèces les plus prisées. Les espèces de petite taille, moins sollicitées sur le marché sont laissées pour compte, négligées et n'apparaissent plus dans les statistiques mensuelles des gestionnaires. D'autre part, il faut ajouter qu'en plus de la raréfaction de certaines espèces ou même de leur disparition systématique, la pêche conduit aujourd'hui à la capture beaucoup trop importante des juvéniles. Les débarquements sont majoritairement composés des poissons immatures et parfois d'alevins (planche 08).

a

b

Coordonnées des prises de vues :

X=10° 49' 58» - y= 14° 57' 10» x=10° 49' 58»- y= 14° 57' 10»

Planche 8 : Structure des tilapias et Heterotis débarqués en janvier et juin 2016.

À gauche (a) la structure des Tilapia Nilotica, une espèce très présente dans la retenue, mais, toutes ces dernières années capturées jeunes. Idem pour Heterotis à droite (b) qui peut à l'âge adulte, excéder 20 kg. Ces deux images montrent bien que les engins utilisés à ce jour sur le lac excluent la notion de tailles minimales à respecter.

115

Malheureusement, cette pression exercée sur les captures nobles ou alors préférées sur le marché entraine en plus de la raréfaction de certaines espèces et la diminution de la taille des captures, une baisse quantitative de leur abondance générale.

3.1.2. L'effondrement des stocks des ressources exploitées

Le diagnostic posé dans le cadre de cette recherche permet d'appréhender l'effondrement des stocks à partir de deux scénarios l'un, spécifique aux espèces les plus prisées et l'autre plus large et général.

3.1.2.1. Évolutions des stocks des espèces les plus prisées

L'appréciation de la situation d'un stock est généralement exprimée en tant que stock protégé, sous-exploité, intensivement exploité, pleinement exploité, surexploité, appauvri, éteint ou commercialement éteint (FAQ, 2015). Elle passe par un suivi statistique des ressources prélevées et permet d'évaluer le poids des prélèvements sur l'abondance relative de la ressource dans une pêcherie. En fonction des statistiques disponibles et des enquêtes menées dans le cadre de cette recherche, 05 espèces peuvent faire l'objet d'une analyse biologique prospective. Il s'agit par ordre de degré d'importance relative, de Tilapia Sp., Lates niloticus, Heterotis niloticus, Glarias anguillaris et des Bagrus (annexe 01). Ces espèces représentent 80% des débarquements déclarés quotidiennement à Maga et constituent pour leur trivialité, leur abondance et leur valeur commerciale, la prédilection des pêcheurs (tableau 12).

116

Tableau 72 : Types d'espèces ciblées par engins et techniques de pêche utilisés

ENGINS ET
TECHNIQUES DE
PÊCHE UTILISÉS

LES 05 PREMIÈRES ESPÈCES RECHERCHÉES PAR ORDRE D'IMPORTANCE RELATIVE

Espèces de surface

Espèces benthiques

FILETS

Zagazaga

Tilapia, Alestes, Tetraodon, Petrocephalus, Labeo, Hyperopisus, Mormyrus, Cilharinus, Schilbe, etc.

Malapterurus electricus,

Heterotis,

Taro

Toutes les espèces notamment Gymnarchus, Lates niloticus, Tilapia, Heterotis niloticus, Gnathonemus, etc.

Protopterus annectens, Clarias anguillaris, etc.

Éperviers

Heterotis, Alestes, Bagrus,

Synodontis, Lates niloticus, Tilapia, Sarotherodon, Polypterus, etc.

RAS

LIGNES

Kadra

Lates niloticus, Heterotis niloticus, Bagrus, Gymnarchus niloticus, Hydrocyon forskalii, Tilapia etc.

Protopterus annectens, clarias

anguillaris et toutes autres
espèces benthiques

Wari

Lates niloticus, Hydrocyon, Heterotis, Bagrus, Gymnarchus, Tilapia, etc.

Peut prendre accidentellement Clarias et Protopterus annectens.

Ligne à
main

Tilapia, Alestes, Hyperopisus, Hydrocyon, Citharinus, chariensis, Mormyrus hasselquisti, etc.

Clarias anguillaris, Heterotis niloticus, Protopterus annectens

NASSES

Ngura

Aucune espèce de surface n'est ciblée par ce type d'engin

Protopterus annectens et Clarias anguillaris.

Source : Investigation de terrain, Mars 2016.

Pour ces 05 espèces, la tendance générale est à la baisse comme l'attestent ces données. La période de référence prise en compte pour ces données par espèce et par volume se situe entre 2011 et 2015.

117

? Le stock de Tilapias (carpes)

L'exploitation de Tilapias Sp. dans la retenue est très ancienne puisque les premières captures substantielles remontent à 1981. Les stocks sont en augmentation constante (figure 24) même si un signe de surexploitation a été observé en 2015. Elles sont les seules espèces considérées comme modérément exploitées, mais dans une phase délicate. Les stocks semblent être restés modérément exploités, grâce en particulier à la diversité du régime alimentaire de cette espèce et à un potentiel exploitable relativement important. Aucune action immédiate n'est nécessaire pour les préserver. Cependant, compte tenu de la baisse tendancielle annoncée depuis 2014 (2092 à 229), il sera nécessaire de mettre en place un suivi des ressources à l'avenir. Car, les stocks pourraient être rapidement en déclin à cause de la pression de pêche excessive dans le lac.

Quantités en tonnes

350

300

250

200

150

100

50

0

2011 2012 2013 2014 2015

Tilapia

Années

Source : Données du CACP de Maga.

Figure 24 : Évolution de la quantité des Tilapias Sp. pesées au CACP de Maga ? Le stock de Lates niloticus (capitaines)

Les captures annuelles de Lates ont augmenté régulièrement jusqu'en 2014, soutenues par une exploitation relativement intense. Jusqu'à cette date, l'état des stocks a été considéré comme satisfaisant et l'exploitation est restée acceptable. Cependant, les stocks ont déjà

118

commencé à diminuer en 2015 (156 à 121 tonnes) alors que des pêches très importantes ont eu lieu pendant quatre ans passés et possiblement durant les années antérieures (figure 25).

Quantités en tonnes

180

160

140

120

100

40

80

60

20

0

2011 2012 2013 2014 2015

130

142

Lates niloticus

Années

156

151

121

Source : Données du CACP de Maga.

Figure 25 : Évolution de la quantité des Lates niloticus pesés au CACP de Maga

Il est donc probable que la tendance à la baisse des débarquements se maintienne si la pression de pêche ne connait pas des ajustements mélioratifs. C'est la preuve qu'ils ont atteint leurs maximums et ne supportent plus l'intensité de pêche qui leur est administrée actuellement. Une réduction des captures dans les prochaines années est donc hautement souhaitable. Cette recommandation est valable pour Heterotis.

? Le stock de Heterotis niloticus (Kanga)

Les stocks des Kanga qui a augmenté jusqu'en 2012 ont diminué de façon brutale sur la période 2012-2015 (figure 26). Les résultats montrent un épuisement général des stocks après leur introduction dans le lac en 1980. Ils sont considérés comme lourdement exploités et dans une phase critique. Ils sont capturés aujourd'hui très jeunes et souffrent d'une

119

surexploitation de croissance48. Une nouvelle diminution des stocks est à prévoir si la pêche est poursuivie dans les mêmes conditions encore qu'aucun signe d'amélioration n'a été observé durant ces 5 dernières années.

Quantités en tonnes

160

140

120

100

40

80

60

20

0

2011 2012 2013 2014 2015

123

138

Heterotis niloticus

Années

107

96

64

Source : Données du CACP de Maga.

Figure 26 : Évolution de la quantité des Heterotis niloticus pesés au CACP de Maga

La réduction de l'intensité de pêche est donc hautement recommandée. Les mesures à prendre doivent être immédiates pour éviter un épuisement total des stocks. Elles peuvent inclure une interdiction totale de la pêche de cette espèce sur une certaine période indépendamment du repos biologique traditionnellement observé pendant trois mois. Compte tenu en particulier de leur régime alimentaire varié et peu complexe (Heterotis est un omnivore), ils pourront facilement se régénérer.

? Le stock de Clarias anguillaris (silure)

L' « or noir de Maga » ou clarias anguillaris, fait partie des espèces benthiques les moins rares à trouver dans les débarquements. Le stock de cette espèce est resté constant pendant des décennies (MINEPIA, 2014) à cause de leur modus vivendi et de leur capacité

48 Jl y a surexploitation de croissance lorsque la pêche exerce une pression trop forte sur les juvéniles. Dans le cas inverse (la pêche exerce une pression trop forte sur les reproducteurs), c'est une surexploitation de recrutement.

120

d'adaptation aux aléas confondus. Leur stock est en décrépitude depuis 3 ans déjà (figure 27) et fait suite à de longues années de prélèvement durant lesquelles, l'effort des pêches était considérable. La chute actuelle des débarquements est inquiétante dans la mesure où, les tentatives de recrutement sont vouées à l'échec par une pression excessive la pêche palangrière très prospère sur la retenue.

Quantités en tonnes

40

60

50

30

20

10

0

2011 2012 2013 2014 2015

Années

51 52

49

Clarias anguillaris

46

35

Source : Données du CACP de Maga.

Figure 27 : Évolution de la quantité des Clarias pesés au CACP de Maga

Il faut signaler que les quantités enregistrées auprès des gestionnaires sont erronées et ne représentent qu'à peine 40% de la taille réelle des débarquements d'après les déclarations du délégué en charge de ce secteur à Maga. Quoi qu'on en dise, le stock de silure est en effondrement et si on veut les protéger, on pourrait jouer sur certains engins spécifiquement la palangre et les nasses maliennes en réduisant leur utilisation régulière.

? Le stock de Bagrus (Machoiron)

Les stocks de Bagrus ont diminué de façon drastique en 2015 (de 45 tonnes en 2014, on est descendu à 30 seulement en 2015) après avoir connu une hausse rapide et croissante quatre ans plus tôt (figure 28). Il semble que les stocks aient été déjà diminués par des captures importantes réalisées entre 1986 et 2010. Les années suivantes pourraient être

121

marquées par une baisse substantielle, provoquant une nouvelle diminution des ressources, en particulier chez les géniteurs. C'est donc encore, une espèce menacée par le contexte actuel de la pression de pêche. Les recommandations immédiates faites plus haut par rapport au stock d'Heterotis tiennent encore ici. Malgré tout, un suivi détaillé sera nécessaire à l'avenir

Quantités en tonnes

45

40

50

35

30

25

20

15

10

5

0

2011 2012 2013 2014 2015

13

23

Bagrus

Années

34

45

30

Source : Données du CACP de Maga.

Figure 28 : Évolution de la quantité des Bagrus pesée au CACP de Maga

Cette évaluation des ressources basée sur leurs structures et la dynamique des captures montre que les cinq espèces concernées par l'étude sont toutes, à des degrés variables, en effondrement à cause d'une augmentation turbulente de la pression de pêche (figure 29).

Débarquements en tonnes

300

250

200

150

100

50

0

2011 2012 2013 2014 2015

Tilapia

190

209

235

292

229

Lates

130

142

151

156

121

Bagrus

13

23

34

45

30

Clarias

51

52

49

46

35

Heterotis

123

138

107

96

64

Matrice des données

122

Source : Données du CACP de Maga.

Figure 29 : Synthèse de l'évaluation des stocks

On peut en déduire que la pêche a conduit progressivement à l'effondrement de la plupart des stocks des ressources exploitées dans le lac et le diagnostic posé à partir des 05 espèces les plus capturées à Maga le confirme. La plus menacée est l'Heterotis niloticus, viennent ensuite les Clarias et les Bagrus, qui sont dans des situations critiques. Les Tilapia sont également en danger du point de vue biologique, mais se portent nettement mieux que les espèces précédentes.

Bien que l'absence de données par rapport à la structure par âge et par taille des captures ne permette pas de procéder à une évaluation biologique complète des ressources, l'évolution de la quantité des rendements par pêcheur est assez éloquente pour s'en convaincre visiblement. L'hypothèse d'effondrement des stocks est donc vérifiée si les CPUE s'avèrent en étiolement.

123

3.1.2.2. La baisse drastique des CPUE

Le CPUE est un indicateur de rendement de l'activité pêche qui informe notamment sur la densité du stock exploité. Il est défini par la capture mesurée en nombre ou en poids de poissons pêchés par un engin particulier en un temps donné (FAQ, 2014). En pêche artisanale où, les unités de pêche sont rarement descriptibles, les captures par engins quasiment absentes et le temps de pêche médiocrement connu, une possibilité s'offre à cette recherche : les rendements par pêcheur en kg/an.

Suivant cette formule, cette recherche a analysé l'évolution de cet indicateur sur les 14 dernières années en compilant les données du CACP et celles de la DAEPIA de Maga. Le résultat de cette analyse présenté dans la figure ci-dessous (figure 30) est très éloquent.

Quantités en Kg

400

800

700

600

500

300

200

100

0

2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015

731

428

290

430

Années

324

177 154 152

Source : Données de la DAEPIA de Maga

Figure 30 : Évolution des rendements de la pêche à Maga de 2001 à 2015.

L'analyse de l'évolution des indices d'abondance des ressources exploitées indique la forte diminution des captures par unité de pêche consécutive à un effondrement des stocks disponibles. En 1986, il était de 1225 kg/pêcheur. Entre 2001 et 2015, le rendement par pêcheur chuté de 86 % quittant de 727 kg/pêcheur à 152 kg/pêcheur en 2015. D'autre part, elle indique la situation actuelle de la pêche en crise dont la tentative de réorganisation des pêcheurs pour la surmonter plombe encore l'avenir de cette activité.

124

Donc, en l'espace de 3,5 décennies, des ressources qu'on pensait inépuisables ont été poussées au bord de l'effondrement par une surpêche qui prélève plus de 2000 tonnes de poissons par an dans une retenue où on ne devait guère excéder 1500T/an. L'effondrement brutal et irréversible des ressources halieutiques n'est plus une hypothèse fantaisiste d'autant plus que l'écosystème altéré porte au désespoir.

3.2. IMPACTS DE LA PÊCHE SUR L'ÉCOSYSTÈME LACUSTRE

Toute réflexion sur ce que peut être un développement durable pose inévitablement la problématique de l'avenir de la retenue, où converge l'essentiel des enjeux écologiques liés au développement de la pêche. Cette problématique devient particulièrement cruciale dans le contexte actuel où la paupérisation galopante des populations locales majoritairement composées des pêcheurs peut les induire à entretenir des comportements néfastes pour l'environnement, ou empêcher des pratiques favorables à l'écologie au détriment des intérêts économiques immédiats. Étant donné que l'équilibre interne de la retenue est lié à son environnement par le biais d'une pléthore d'éléments qui fonctionnent tel un système, la recherche a analysé les conséquences écosystémiques de la pêche artisanale lacustre à deux niveaux : interne et externe.

3.2.1. Le dysfonctionnement de l'écosystème interne de la retenue

Les écosystèmes aquatiques sont très fragiles et leur fonctionnement moins étudié. La moindre agression extérieure à l'instar de l'accumulation des engins dans la retenue ou la dégradation de la végétation et à l'origine de sérieux dommages parfois irréversibles. Il peut s'agir le plus souvent d'une pollution aquatique ou d'une destruction floristique qui met à rude épreuve l'habitat benthique.

3.2.1.1. La pollution aquatique

L'augmentation substantielle du nombre d'engins de pêche s'accompagne d'une saturation de la pêcherie par les engins abandonnés, oubliés, perdus ou rejetés. Ceux-ci peuvent pendant longtemps, continuer de capturer des poissons sans que personne ne les ramasse surtout si l'EAPR était encore efficace lors de son abandon. Ces captures, Corlay les appelle « captures fantômes » (photo 19). Selon la cogestion, la principale contrainte en ce qui concerne ces techniques de pêche est en effet l'utilisation des filets mono filaments. Ces filets sont souvent perdus dans l'eau, et continuent de pêcher (pêche fantôme), entraînant la

putréfaction des poissons. Cette odeur pestilentielle pollue les zones de pêche, et fait fuir les poissons vers des zones plus propices à leur reproduction et développement. De ce fait, les zones de pêche autour ne sont plus fonctionnelles.

 
 

Capture fantôme de Tilapia Aurea

 

125

Coordonnées de prise de vue : x= 10° 46' 50» - y= 14° 55' 56»

Photo 19 : Activité d'Engin Abandonné Perdu ou Rejeté dans le lac vers Pidimier

À ce jour, jamais une opération visant à limiter ou extraire ces engins de la retenue n'a eu lieu. Pour la CBLT, il y aurait plus de 20 engins du genre dans le lac par km2. Ce qui pourrait réaliser près de 10% des captures actuelles. Ces captures pourrissent dans la retenue est putréfient les zones de pêche concernées. D'où, la migration des poissons vers d'autres lieux indemnes, sains, propres et vivifiants.

Malheureusement, ces endroits sains deviennent de moins en moins rares à l'échelle du lac. Car, l'usage de certains produits chimiques à l'instar du tramadol, ou d'autres pesticides, génère des situations encore plus complexes. Ils paralysent pendant de longues heures les poissons et toutes autres espèces qui se noient puis meurent dans la zone d'impact

126

du produit. Les pêcheurs font recours de plus en plus à ces polluants associables aux engins actifs.

3.2.2.2. La destruction de la flore lacustre et de l'habitat benthique

Le danger dont il est question ici concerne d'abord la végétation lacustre. En fait, afin de protéger leurs captures pendant les longues durées d'activités contre un soleil particulièrement agressif sinon caniculaire à compter du mois de mars jusqu'en mai, les pêcheurs artisans cueillent ou arrachent les plantes aquatiques dans l'eau, et recouvrent leurs captures avant débarquement (photo 20).

Feuilles d'Aponogeton subconjugatus

Coordonnées de prise de vue : x=10° 49' 57»- y=14° 57'09»

Photo 20 : Feuilles d'Aponogeton subconjugatus protégeant les captures

Cette opération qu'ils jugent moins couteuse est une tradition aussi vieille que la pratique de la pêche. Elle évolue à l'aune des activités de pêche et croit aussi vite que le nombre de pêcheurs. On estime que la quasi-totalité des pêcheurs dans le lac ont recours à ces plantes pour conserver leur butin. Sur les 100 pêcheurs interrogés, 90 sont mêlés à cette pratique. Les plantes qui souffrent le plus sont malheureusement les espèces d'Aponogeton subconjugatus et Hygrophila sp. dont, l'importance est connue (conf. Chapitre 01). Ces deux

127

espèces subissent à elles seules 98 % des actions néfastes et les Aponogetons sont de loin les plus utilisées à 71 % des cas (figure 31).

Hygrophila Sp.

16%

Autres

10%

RAS

10%

Aponogeton subconjugatus

64%

Source : Enquête de terrain, Mars 2015.

Figure 31 : Proportion des plantes aquatiques utilisées pour couvrir les captures

D'autre part, à côté des plantes aquatiques qui se dégradent sous l'effet de la pression des pêcheurs, figurent aussi les zones de pêche. D'après la position des lieux de pêche, les pêcheurs opèrent au centre du lac. Ils fréquentent en général les mêmes endroits, ce qui peut endommager le fond du lac et mettre en péril la vie des poissons phytoplanctophages. Une telle situation rompt carrément l'équilibre écosystémique du lac et introduit de sérieux déséquilibres dans la chaîne alimentaire lacustre en général. Le passage répétitif de filets éperviers aux bords desquels sont accrochées des plombs de 10 à 200 g (photo 21) gratte le fond de la retenue et arrache algues et planctons dont l'importance est avérée.

128

Coordonnées de prise de vue : x= 10° 49' 58» - y= 14° 57' 10»

Photo 21: Extrémités inférieures d'un filet épervier utilisé dans le lac de Maga

Une réglementation sur les lieux de pêche s'avère nécessaire pour réduire les dommages écosystémiques de cette pratique.

3.2.2. Les conséquences sur l'environnement externe de la retenue

Les activités de pêche sont responsables de la rupture des ouvrages géotechniques qui soutiennent la retenue, les établissements des pêcheurs se développent aux dépens de la végétation côtière et les emballages plastiques rejetés envahissent les zones de débarquements.

3.2.2.1. La dégradation de l'environnement du lac et de la végétation côtière

La pression que subissent les zones d'usage de pêche, mieux les sites de débarquements des pêcheurs se traduit par une rupture des infrastructures annexes de la retenue. Parmi celles-ci, la digue-barrage de Pouss-Maga-Guirvidig est la plus menacée. Elle sert d'espace marchand pour les produits halieutiques capturés de part et d'autre dans le Lac. Les mareyeurs et transformateurs se tiennent là, chaque jour debout ou assis pendant de

129

longues heures pour attendre l'arrivée des pêcheurs (planche 9 à gauche). Dans leur va-et-vient, ils font détacher en bloc les morceaux de terre qui soutiennent le barrage (planche 11 à droite).

a

b

Coordonnées des prises de vues :

X=10.832842 - y= 14.950482 date : le 18/10/15 à 09 : 51 : 39
Planche 9 : Destruction de la digue barrage de Maga

Les détachements en blocs des morceaux de terre qui constituent la digue (b) sont une conséquence directe du stationnement inadéquat des marchands le long de ce barrage (a) qui, fatigué par le poids de l'âge, cède facilement. Aucun aménagement de bord n'a été fait pour permettre aux mareyeurs d'attendre dans la plus grande quiétude, les pêcheurs une fois sortis de l'eau. C'est aujourd'hui un sérieux handicap pour l'organisation et la gestion de l'activité de pêche à Maga.

3.2.2.2. La pollution des zones de débarquements par les emballages plastiques et les objets divers

L'enquête réalisée auprès de 100 pêcheurs a mené au constat selon lequel, les zones fréquentées par les pêcheurs dans la retenue sont infestées par plusieurs polluants qui vont des emballages plastiques (10 %) aux objets divers (18%) en passant par les pirogues usées (3%),

130

mais surtout, par les engins rejetés (69%) dont les conséquences sur l'écosystème sont de notoriété publique (figure 32).

Autres

18%

Emballages plastiques

10% Pirogues usées

3%

Rejets des filets

69%

Source : Enquête de terrain, Mars 2016.

Figure 32: Types de polluants identifiés dans les zones de pêche du lac de Maga

D'autre part, les emballages plastiques non biodégradables rejetés tout autour des nourriceries (photo 22) ont pour conséquences de saturer et de défaire la fixation des oeufs de poisson. Ce qui contribue à accroitre la carence en alevin et justifie la baisse de la production. En fait, ceux-ci ne permettent pas cette opération à cause de leur texture poreuse et artificielle. Ils sont rejetés après usage dans le lac par les pêcheurs, mais aussi dans tous les sites de débarquement autour de la digue.

131

Coordonnées de prise de vue : x=10° 47' 35» - y= 14° 55' 52»

Photo 22 : Dispersion d'emballages plastiques au tour de la digue à Maga

Aucun bac à ordure ne s'y trouve et aucune mesure n'a été prise pour pallier à ce problème. Ces emballages se retrouvent partout dans les zones de débarquements proches de la digue. Cependant, la zone de frayère s'étend de la digue jusqu'à 200 m vers l'intérieur. Ces zones qui constituent les nourriceries et les réserves biologiques accueillent de ce fait une quantité importante de ces polluants qui ne leur permettent plus de jouer leur rôle efficacement.

S'il est admis que l'échec de la gestion des pêches se traduit par des conséquences à quatre niveaux : biologique, écologique, économique et sociale (Cochrane, 2000), Cury et Cayré (2001) ajoutent une cinquième dimension relative à la perception négative de l'activité de pêche pouvant exister aujourd'hui. Ces aspects constituent les centres d'intérêts de la troisième partie qui suit.

3.3. LES CONSÉQUENCES SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA SURPÊCHE

Les ressources ayant été amenuisées par des prélèvements indélicats, les pêcheurs doivent de temps en temps modifier leurs techniques de pêche afin de garder leur efficacité.

132

Malheureusement, à cette incertitude technique s'ajoute la chute des rendements par tête qui dégrade l'emploi et génère des conflits.

3.3.1. Les incertitudes techniques et économiques professionnelles

À l'échelle mondiale, la pêche artisanale est de plus en plus reconnue comme faisant partie intégrante de la croissance (FAQ, 2014)49. Mais, la pêche est aujourd'hui à un tournant de son histoire et celle pratiquée dans le lac de Maga n'est pas en reste. Les évolutions incessantes des techniques de pêche d'une part et de l'autre, la baisse des rendements par tête, participent de ce mauvais tournant de la pêche qui inquiète pas moins d'une personne.

3.3.1.1. La précarisation des techniques de pêche

Les techniques de pêche ont beaucoup évolué sur la retenue d'eau de Maga. Depuis ces trois dernières décennies, on a constaté l'introduction et le développement de nouvelles techniques plus performantes à cause de la raréfaction des ressources. Ces nouvelles techniques de pêche à l'image de la senne tournante (128), le filet dormant en nylon (8738) et la palangre appâtée ou Wari (16580) ont relégué d'autres instruments de pêche comme les sennes de plage (sennes à bâton) et les nasses qui ne sont plus utilisées que temporairement dans l'arrondissement de Maga (sennes à bâton) et à Kaï-Kaï (nasses traditionnelles). Les Goura, quasi absents en 1986 sont devenus omniprésents dans le lac avec un total de 15960 engins soit un taux de représentativité général de 32,2 %.

Certaines techniques de pêche existantes ont été transformées ou bonifiées parce que l'espèce ciblée a fortement diminué ou changée de taille. Les filets dormants de surface à plusieurs filaments ne sont pratiquement plus utilisés à Maga, à cause de leur inefficacité devant l'espèce cible (Tilapia nilotica, Alestes dentex, Labeo sp., etc.). Ils ont changé de formes pour donner naissance aux filets maillants de fonds visant plutôt les espèces benthiques (Synodontis, Glarias, Protopterus annectens). Il y a aussi la stratégie et la technique concernant les lignes diurnes pratiquées en majorité par les pêcheurs migrants vers les années 1980 à Maga où ils venaient en campagne. Ils partaient dans le lac très tôt et ne revenaient que tard dans la nuit avec comme espèces ciblées : Alestes dentex, tilapia sp., etc. Maintenant les stratégies de pêche ont beaucoup changé, on part le matin pour y passer la nuit.

49 Ce secteur constitue pour plusieurs pays tels la Norvège, l'Islande, le Pérou, etc., une source très importante d'entrée des devises. En Islande, par exemple, c'est elle qui a permis au pays de passer de la pauvreté à la richesse au cours du XXe siècle (Bogason, 2007).

133

Parmi les techniques qui ont perdu de leur importance avec la rareté de la ressource, on peut citer les sennes de plage, le zagazaga alors qu'autrefois la côte était très poissonneuse et idéale pour leur pratique. Avec les sennes tournantes ou Taro, on constate une surexploitation de beaucoup d'espèces capturées et ce sont surtout les espèces nobles (Lates niloticus, Gymnarchus, etc.) qui ont tendance à régresser (photo 23).

Coordonnées de prise de vue : x= 10° 49' 58» y=14°57' 10»
Photo 23 : Débarquement mixte d'un Taro au lieudit Pont II (Maga).

On peut quantifier la pêche artisanale à partir des unités de pêche. Dans ce cas, on peut dire que la ressource a diminué, mais le constat le plus important est la réduction du maillage des filets (planche 10) qui excluent désormais la notion de sélectivité et peuvent prendre jusqu'aux juvéniles d'une part et d'autre part, les mono filaments invisibles qui suppriment toute possibilité d'évitement50 des ressources.

50 L'évitement est le principe des sciences halieutiques au nom duquel, il faut utiliser les engins visibles par les poissons pour leurs permettre d'éviter certains pièges dans l'eau.

a b

134

Cliché : Toussoumna, Février 2016.

Planche 10 : Filets mono et multi filaments à un doigt.

On peut voir que, les engins de mailles comprises entre 4 et 5 doigts (grosses mailles) représentaient 60 à 70 % du total des engins utilisés sur le lac en 1986 (Seignobos, 1986) alors qu'aujourd'hui, ils n'en sont plus qu'à 34,7 % (tableau 13). Ce constat est malheureusement valable pour tout type d'engin, même les taros. Ceux des pêcheurs ayant gardé cette proportion recommandée (3 à 4 doigts), préfèrent utiliser les mono filaments qui soustraient aux ressources l'évitement et sont par conséquent plus performants.

Tableau 83 : Taux d'utilisation du zagazaga en fonction des mailles (2016)

Mailles

1 doigt

2 doigts

3 doigts

4 doigts

5 doigts

10doigts

Autres

pourcentage

13,40%

49,80%

24,70%

10%

0,2%

0%

1,9%

Source : Enquête de terrain, juin 2016.

Cette situation a inoculé une reconversion des pêcheurs vers d'autres techniques. Si en 1986, la plupart des pêcheurs pratiquaient le zagazaga, aujourd'hui, cette technique est à la traine et presque aucune autre pratique n'est négligée (tableau 14). Par ailleurs, afin de maximiser le rendement, les pêcheurs associent plusieurs techniques concomitamment.

135

Tableau 94 : Nombre de pêcheurs par techniques de pêche en 2016

filets

zagazaga

Wari

kadra

éperviers

Goura

taro

Nombre

32

89

73

77

69

96

Source : Enquête de terrain, juin 2016.

La multiplication des filets, la diminution de la grosseur de leurs mailles et l'apparition d'autres techniques plus performantes permettent aux pêcheurs de réaliser d'importantes quantités de prises, quelles que soient leurs structures ou leurs tailles. La structure actuelle de la totalité des engins utilisés dans le lac de Maga obéit à cette logique (Supra 2.1.2.2.).

Tout ceci, traduit une nette évolution dans les méthodes de captures à la recherche de performance. Cette condition cause un grand tort aux pêcheurs d'autant plus que les matériels utilisés sont onéreux et le rendement, faible.

3.3.1.2. La baisse des revenus des pêcheurs

Au cours des trois dernières décennies, un énorme fossé s'est creusé entre les avantages économiques potentiels de la pêche lacustre et leurs avantages économiques réels. La production est en hausse constante soutenue par l'effort de pêche et l'efficacité des engins. Cependant, le rendement par pêcheur ne suit pas la même allure. Par rapport au rendement de 1986, un déficit de production de 75000 tonnes de débarquement est à envisager. En d'autres termes, chaque année passée, les rendements chutaient d'au moins 30% pour n'être que de moins de 300 kg/pêcheur/an en 2015(figure 33).

Quantités

400

900

800

700

600

500

300

200

100

0

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Captures (T) CPUE(kg)

136

Source : Données du CACP/Maga, Février 2015.

Figure 33 : Évolutions synchroniques des débarquements et des CPUE de 2000 à 2015.

Dans un rapport spécial déposé à la DDEPIA/Yagoua en décembre 2014 par Gnenone Dari (DAEPIA/Tékélé) sur le développement actuel de la pêche dans sa zone de compétence, on peut lire ceci : « la situation économique des pêcheurs varie d'une année à une autre selon la situation des captures. Toutefois, elle est précaire. Les pêcheurs sont obligés d'ajouter l'agriculture à leur activité » pour s'en sortir.

L'agriculture est la plus importante de ces activités complémentaires avec un taux de représentativité de 39 %. Quatre-vingt-quinze pour cent (95 %) des pêcheurs la pratiquent. La part des autres activités n'en est pas moindre (voir figure 34) : maçonnerie 22%, commerce 17%, conducteur de pirogue 9%, construction de pirogue 6%. Cependant, la pêche semble incompatible avec l'élevage qui ne représente 3% de cette liste. Le lien entre l'agriculture et la pêche est très étroit. L'élevage n'apparait que faiblement alors que la part des activités liées au lac est sans cesse grandissante. L'importance de la maçonnerie est liée à la juvénilité des pêcheurs.

Construction de pirogues

6%

Couture

4%

Conducteur de pirogues

9%

Maçonnerie

22%

Elevage

3%

Commerce

17%

Agriculture

39%

137

Source : Enquête de terrain, Février 2016.

Figure 34 : Proportions des activités secondaires pratiquées par les pêcheurs.

C'est dire que la baisse des rendements fait en sorte qu'aujourd'hui, les rendements issus de la pêche artisanale lacustre soient des « avoirs non productifs »51. Du fait que le même rapport indique que le revenu annuel d'un pêcheur est de 900 000 FCFA alors que les dépenses s'élèvent à 700 000 FCFA soit un rendement de 200 000 FCFA après 9 mois de travail ardu pour gérer une famille d'au moins 10 personnes : c'est une véritable gageure. Car même pendant les mois d'intenses activités, les rendements ne sont pas satisfaisants (tableau 15).

51 Selon le rapport rédigé conjointement par la Banque mondiale et la FAO, sous le titre The Sunken Billions, les ressources mondiales exploitées par les pêches de capture sont des avoirs non productifs, dont le rendement est nul et qui, selon les estimations, coûteraient même à l'économie mondiale 50 milliards de dollars EU par an comme manque à gagner

138

Tableau 105 : Moyenne des rendements journaliers par engins de pêche au lac Maga

 

Zagazaga

Kadra

Wari

Nasses

Taro

Ligne à main

Nombre de
poissons

9

5

7

5

700

3

Quantité en
kg

0,9

0,5

0,7

0,5

70

0,3

Valeur en
FCFA

720

400

560

400

56000

240

Source : Enquête de terrain, Juin 2016.

Cette situation ne s'est jamais améliorée pendant les 5 dernières années et le rythme est plutôt inquiétant. Les pêcheurs interrogés regrettent le passé glorieux de la pêche et peu d'entre eux (11 %) sont disposés à voir leurs enfants suivre leur trace. D'ailleurs 53 % des pêcheurs interrogés trouvent ce métier pénible, 40 % le trouvent non rentable alors que 37 % d'entre eux voudraient changer de métier. Ils souhaitent que leurs progénitures deviennent des fonctionnaires (85 %), des médecins (3%), des commerçants (3%), des agriculteurs (5%) ou tout autre métier plus rémunérateur (5%).

Ceci sous-entend que la pérennité de ce secteur est mise en jeu et les pêcheurs, très frustrés. D'où, le développement d'une forme de pêche non organisée et par conséquent difficile à être enregistrée par les gestionnaires.

3.3.2. Des difficultés sociales dues à la surpêche

Les ressources devenues rares, le rendement insignifiant malgré l'usage d'engins performants, les pêcheurs, décontenancés, s'emparent des ressources de la retenue aussi bien par voie légale que par l'inverse. Deux scénarios s'observent à savoir : déploiement insaisissable de la pêche illicite et la naissance des conflits variés.

139

3.3.2.1. L'implacable déploiement de la pêche illicite

La pêche illégale, non déclarée et non réglementée (PINDNR) est considérée comme l'un des principaux facteurs mettant la durabilité des pêcheries à rude épreuve (Ekouala, 2013). À en croire un rapport publié en fin mars 2014 par la DAEPIA/Maga, le lac de Maga est devenu, ces dernières années, une cible privilégiée des « braconniers de mer » du fait des pêcheurs qui ont maille à partir avec la réglementation des pêches en vigueur. La pêche illicite est différente de la violation des textes de base sur la pêche. Elle va de l'infraction à la réglementation (pêche en dehors de la saison ou de la zone autorisée, utilisation de techniques de pêche destructrices...) au pillage pur et simple pratiqué par les pêcheurs sans permis. Le butin est souvent transbordé sur des pirogues, mélangé à des prises légales puis débarqué et vendu dans des lieux légaux comme Gamack, Pont II, Pont Vrick.

Selon les chefs des services de contrôle des pêches, les hors-la-loi ciblent essentiellement des espèces à forte valeur ajoutée (Lates, Gymnarchus, Bagrus etc. voir annexe 1) et emploient des techniques particulièrement destructrices, comme les palangres de fond, la pêche à l'épervier, les taros. La pêche pirate prive de ce fait, les pêcheurs locaux de leurs ressources en raclant tout sur leur passage et compromet le renouvellement des ressources. La pêche illégale est une menace pour la biodiversité lacustre, surtout à Maga où se trouve la totalité de la zone de frayère dont l'accès est interdit aux pêcheurs. Dans les deux arrondissements qui jouxtent le lac, cette pêche illégale concerne aussi bien les autochtones que les étrangers. Pendant la période de repos biologique (juillet-septembre), 74 % des pêcheurs autochtones résidants au tour du lac continuent aisément de pêcher dans la nuit (70%) au centre du lac (90%) et parfois même proche de la digue (03%) comme l'indique la figue 35.

pêcheurs non actifs

24%

non declaré

2%

pêcheurs actifs

74%

140

Source : Enquête de terrain, Mars 2016.

Figure 35: Activités des pêcheurs autochtones pendant le repos biologique

Ainsi, si la pêche illicite, inhérente à la pression démographique participe d'une manière ou d'une autre non seulement à accroitre la pression de pêche mais, elle tend déjà à faire de la retenue, un environnement crisogène où des personnes s'affrontent quotidiennement.

3.3.2.2. Les conflits multiformes occasionnés par la pêche

Les conflits générés par la pêche artisanale lacustre à Maga sont nombreux et variés. Mais ils prennent tous racine dans cette sorte de sous-emploi qui affecte les actifs de ce secteur. On peut cependant les classer en trois types, suivant leur objet :

? Les conflits de types 1 : pêcheurs - pêcheurs

Les zones de pêche ainsi que le vol des captures ou de filets sont la cause directe de la plupart des conflits qui divisent les pêcheurs sur la retenue. La probabilité d'avoir accès à une zone de pêche sur le lac est de 0,3. Dans cette chasse effrénée du gain quotidien, les pêcheurs les moins chanceux perdent l'équilibre. Ils arrivent parfois en retard (10%) quand les premiers ont déjà fixé leurs filets (67%) ou délimité leur zone de pêche (19%). Au moins 78 % des pêcheurs interrogés sur cette question ont répondu avoir déjà été victimes de pareilles déconvenues. Pour ne pas rentrer bredouille, certains pêcheurs véreux assiègent la zone de frayère (200 m de la digue) où la pêche est interdite, d'autres par contre volent les poissons

141

capturés par les engins d'autres pêcheurs absents ou alors déplacent la position des filets antérieurs pour se frayer une pêcherie si petite soit-elle. En 2014, 17 cas ont été déclarés auprès du Lawane de Maga, 11 à Pouss et 13 à Kaï-kaï. Ils concernent à 73 % les zones de pêche. D'autres conflits opposent les pêcheurs migrants et les pêcheurs autochtones.

En effet, les populations riveraines (Muzgum, Massa), qui étaient traditionnellement pêcheuses, accusent une disparition de leur vocation halieutique, due à la communauté des venants qui, selon eux, ne respectent aucunement les normes réglementaires en rapport aux techniques de pêche et au maillage de filets. D'où, l'altération latente des relations entre autochtones et allogènes.

? Les conflits de types 2 : pêcheurs - gestionnaires

Les conflits qui opposent les gestionnaires aux pêcheurs tirent leurs sources de la pêche illicite et des abus des gestionnaires vis-à-vis des pêcheurs. Les infractions concernent principalement l'usage d'engins prohibés et la violation du repos biologique. Le problème est exacerbé par les pêcheurs qui pénètrent dans les zones de frayères délimitées pour protéger les alevins, les espèces menacées ou pour assurer leur croissance. Ces infractions sont très fréquentes et la plupart du temps ne font pas l'objet de poursuites, du fait de la rareté des moyens d'intervention. Face à des pêcheurs quasiment analphabètes (70%), le message des gestionnaires a du mal à passer.

Il arrive cependant que des contrevenants soient arraisonnés, mais les pressions ou la complicité de certaines hautes personnalités, gestionnaires ou cogestionnaires ne permettent pas toujours de faire appliquer la loi. En 2014, 10 procès-verbaux ont été établis à Maga. En fin d'exercice 2015, seulement 52 permis de pêche ont été établis sur plus de 6500 pêcheurs enregistrables. Plus de 751 engins ont été saisis et parfois brulés, 650 pirogues ont été barricadées au CACP de Maga (photo 24) et 22 pêcheurs ont reçu de procès-verbaux. Mais, la suite de ces procès verbaux n'a pas été rendue publique.

142

Coordonnées de prise de vue : x=10.837321-y=14.939440

Photo 24 : Pirogues saisies et barricadées au CACP de Maga en mai 2015.

Par ailleurs, une analyse géopolitique du lac de Maga permet de réaliser qu'il est une énorme pièce de l'échiquier politique contemporain où il faut savoir situer le dernier élément du puzzle afin de tirer le maximum de bénéfice possible. Pêcheurs, mareyeurs, État, SEMRY, autorités traditionnelles, les communes et ONG sont autant d'acteurs géopolitiques lacustres qui s'affrontent à Maga.

- Le pêcheur voudrait à tout prix maximiser ses prises sur des surfaces illimitées,

- Les mareyeurs veulent fidéliser les pêcheurs qui leur livrent leurs captures,

- Les autorités traditionnelles tirent leurs plats quotidiens des collectes effectuées auprès des pêcheurs,

- Les communes de Maga et Kaï-kaï prélèvent des taxes (1000Fcfa/pirogues) toutes les deux semaines sur les pirogues en activité par pêcheurs,

- Une autre catégorie de taxes très complexe est celle collectée aux militaires selon que besoin se pose. Elle est de 1000FCFA/m sur chaque pirogue.

- La SEMRY doit son existence à la vitalité du lac,

- L'État procède mensuellement à des prélèvements d'impôts sur le revenu des pêcheurs et veut en même temps y instaurer une pêche durable et accroitre la production.

143

Certains d'entre ces acteurs abusent de ces taxes auprès des pêcheurs et les conflits n'en finissent de naître au point d'en générer qui puissent mettre deux gestionnaires à couteaux tirés.

? Les conflits de type 3 : gestionnaires - gestionnaires

Une autre forme de conflits encore amphigouriques est celle qui oppose les gestionnaires entre eux. Ces conflits concernent surtout le personnel du MINEPIA aux responsables de la cogestion. Un problème de subordination se pose à ce niveau malgré le fait que la cogestion soit sous tutelle des DAEPIA. La cogestion est accusée de laxisme et parfois de complicité avec les pêcheurs alors même que ceux-ci sont pointés du doigt pour leur austérité belliqueuse à l'égard des pêcheurs. Il devient difficile de séparer le bon grain de l'ivraie au sein de ces acteurs aux idées très souvent asymétriques. Le moins qu'on puisse dire est que, le comité de vigilance de la cogestion, essentiellement composé de pêcheurs professionnels plus ou moins formés est une raison suffisante pour que l'hypothèse d'une cogestion plus coupable soit plausible.

L'exploitation artisanale des ressources halieutiques est un facteur conflictogène dans la retenue d'eau de Maga. Elle a dégradé les ressources halieutiques, altéré les relations entre acteurs. Ces crises biologiques et écosystémiques sont complétées par des problèmes économiques et sociaux, dont la surcapacité de production, identifiée comme un facteur clé des limites de la gestion actuelle des pêches.

Conclusion

L'impact des activités de pêche est bien réel aussi bien sur les ressources que sur l'écosystème dans la retenue de Maga. Malgré l'absence d'une réelle étude d'évaluation de ces impacts, l'analyse des données recueillies montre de profondes diminutions de l'abondance des ressources halieutiques, a fortiori pour les 05 espèces étudiées, très prisées pour leur valeur commerciale. Aussi, l'impact sur les autres espèces et sur l'environnement est également à relever : pollution aquatique, destruction des habitats benthiques, mort du plancton, etc. Dus à l'usage des engins et techniques souvent peu adaptés à une pêche responsable, ils se traduisent par de nombreux phénomènes socio-économiques désagréables qui vont de la pêche illicite aux conflits divers via les incertitudes techniques multiples. Justifiant alors une réaction de l'État.

144

CHAPITRE 4 : RÉACTIONS DES POUVOIRS PUBLICS ET LEURS LIMITES

Introduction

Le chapitre précédent a montré que les ressources naturelles renouvelables à l'instar des stocks de poissons disparaissaient faute de gouvernance raisonnable dès que, la demande effective pour un poisson particulier transcende la capacité biologique du stock concerné. La plupart des ressources exploitées dans la retenue sont en situation critique. En admettant qu'il soit possible de trouver un rythme d'utilisation provoquant une diminution de leurs disponibilités jusqu'à les annuler, la problématique de gestion est donc de trouver un équilibre intertemporel en respectant leurs contraintes bioécologiques et en intervenant, à l'aune du possible, pour améliorer leurs reproductions (Faucheux et Noël, 1995). Cette préoccupation d'une pêche responsable constitue le fondement de leur gouvernance. On est donc en droit de se demander : quelles sont les mesures prises par l'État pour lutter contre la dégradation des ressources halieutiques en cours dans le lac de Maga ? Leur mise en oeuvre ne se heurte-t-elle pas à des sérieux obstacles qui la rendent velléitaire ? Une réponse à ces différentes interrogations implique qu'on s'attarde d'abord sur l'élaboration des mesures au niveau national puis, qu'on insiste sur l'importance des accords de cogestion signés en 2004. C'est alors qu'on pourra analyser les limites de ces mesures.

4.1. L'ÉLABORATION DES MESURES AU NIVEAU NATIONAL

Au point de vue institutionnel, le Ministère de l'élevage, des pêches et des industries animales (MINEPIA) est l'agence gouvernementale chargée des pêches au Cameroun. La retenue d'eau de Maga fait partie des eaux continentales nationales sous juridiction camerounaise. La stratégie gouvernementale de gestion des ressources halieutiques comporte des restrictions géographiques et saisonnières d'une part, et d'autre part, le contrôle du maillage et de la production.

4.1.1. Les restrictions géographiques et saisonnières

Elles visent la protection des ressources halieutiques et comprennent la délimitation des zones de pêche, le repos biologique et la protection des habitats sensibles.

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4.1.1.1. La création d'une zone de frayère

Elle va de Guirvidig à Pouss (30 km) et est placée sous la responsabilité de deux postes de contrôle de pêche à savoir : le CACP de Maga chargé du suivi de la zone qui s'étend de Guirvidig à Maga au lieudit P2 (12 km) et le PCP de Tékélé qui se charge de surveiller la partie qui va de P2 à Pouss soit, un peu plus de 14 km. Sa largeur est de 200 m à compter de la digue vers l'intérieur pour une superficie de 5,4 km2. Dans cette zone, la profondeur moyenne est de 5 m et peut par endroit s'étendre à 8 m. Le plan d'eau y est permanent et les crues régulières (figure 36). Elle est considérée aujourd'hui comme une nourricerie préalablement destinée à accueillir des alevins issus des expérimentations scientifiques du CACP de Maga qui n'a jamais fonctionné. Malgré tout, il est interdit d'y pêcher un poisson, quel qu'il soit, toute l'année durant, sauf dérogation spéciale faite par les autorités compétentes de Maga.

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Figure 36 : Limites de la zone de frayère sur la retenue d'eau de Maga

On déduit que les enjeux de la création d'une zone frayère dans le lac de Maga sont multiples : environnemental (protéger les habitats sensibles des poissons notamment les nurseries), économique (réserver une quantité de ressource pour des utilisations futures) et scientifique (aleviner le lac à travers les expériences du CACP de Maga).

4.1.1.2. L'instauration d'une période de repos biologique

En dehors de la zone de frayère s'étend la zone de capture réglementaire. Cette zone est peu profonde (3 m en moyenne) et s'assèche totalement ou par endroit selon les pentes en saison d'extrême chaleur (dès le mois de février). Si la zone de frayère est totalement sous l'administration de la DAEPIA/Maga du fait de sa localisation, tel n'est pas le cas pour ce qui

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est de la zone où la pêche est autorisée. Car, la DAEPIA/Kaï-kaï contrôle la partie sud vouée à une pêche qui ne s'effectue que temporairement. Un contrôleur en charge de l'inspection des pêches s'occupe de la question au PCP de Kaï-kaï.

Aucune restriction n'est faite aux pêcheurs en règle. L'accès y est normalement conditionné par l'acquisition d'un permis de pêche qui n'est cependant pas l'apanage de tous. Ces derniers doivent quand même s'acquitter de leurs taxes.52 Quoique mal appréhendé par les pêcheurs, ceux-ci doivent observer par an, trois mois de repos biologique pendant lesquels, on procède systématiquement à un arrête total de toute activité de pêche sur la retenue. Chaque année, un arrêté préfectoral fixe cette période coutumière allant du 01er juillet au 30 septembre.

Donc, deux types de repos biologiques sont observés : un repos biologique partial permanent (dans la zone de frayère) et l'arrêt partiel de la pêche sur toute la retenue pendant 3 Mois.

4.1.2. Le contrôle du maillage et de la production

Tout pêcheur doit utiliser les engins réglementaires. Il s'agit des filets des grosses mailles de 3 à 5 doigts, des palangres avec hameçons de N°7 au N°13 ». Les autres indications sont explicites dans le chapitre 4 de l'arrêté du 01 août sur les modalités de protection des ressources halieutiques (voir en annexe 5).

4.1.2.1. L'interdiction de certains engins et techniques de pêche

Le contrôle du maillage des engins de pêche est un axe d'approche prioritaire pour l'État dans le plan d'eau de Maga pour juguler la dégradation de ses ressources. Cette volonté est expressément formulée par arrêté N°0002/MINEPIA du 01 août 2001 fixant les modalités de protection des ressources halieutiques (annexe 5). Le chapitre 3 (de l'interdiction de certains engins de pêche et méthodes de pêche) y indique clairement les engins et techniques autorisés. Au nom de cette disposition, les engins suivants sont prohibés :

- Les sennes de plage

- Les éperviers

52 Taxes sur les pirogues : elle est fixée en fonction de la longueur de la pirogue (1000f/m). Les pêcheurs et ou détenteurs des pirogues (mareyeurs) s'acquittent de ce devoir presque toutes les deux semaines auprès de la base navale en présence à Maga. Une taxe est également à payer à la commune par rapport à leur activité chaque mois. La détermination du montant exacte de celle-ci reste encore floue. Toutefois, elle oscille autour de 6 et 14 milles FCFA. D'autres taxes existent, mais de façon irrégulière et parfois indescriptibles.

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- Les nasses appâtées et produits chimiques

- Les filets maillants dont la maille est inférieure à 40 mm

- Tous les filets mono filaments

- Les filets encerclant, etc.

- La coupe des plantes aquatiques

En fait, l'usage de tous les engins « ACTIFS » est interdit et l'arrêté

N°0026/MINEPIA/DIRPEC/DPIA/SPA du 11 avril 2000 portant interdiction de certains

engins de pêche (annexe 06) s'attaque dans son article 1er à quelques spécificités en cours

dans le lac de Maga. Entre autres :

- Les sennes de plage (taros)

- Les Éperviers

- Les nasses dites maliennes(Goura), paniers, filets maillants et senne dont la maille

est inférieure à 30 mm (maille étirée) ou 15mm (noeud à noeud).

- Les hameçons dont les numéros sont supérieurs à 16.

Dans son article deux, le même arrêté indique clairement que les contrevenants aux

dispositions de cet arrêté s'exposent aux sanctions prévues par la réglementation en vigueur.

4.2.2.2. De la taille minimale des ressources prélevées

Le contrôle de la production a lieu dans tous les sites de débarquement de la retenue (supra chapitre 01, Carte 02). La taille des principales espèces cibles a été fixée par arrêté et inscrite dans le plan d'action gouvernemental à travers la loi en vigueur afin de protéger les juvéniles des prises dégradantes et lutter contre la surexploitation de recrutement. Toutes les captures dont la taille est inférieure ou égale à la grosseur des mailles réglementaires est passible de punition et les responsables n'en risquent pas moins gros. En temps normal, tout contrevenant est verbalisé par le contrôleur et l'affaire, portée devant le juge en temps utile. Son matériel ou son butin est saisi puis, le cas échéant restitué ou détruit selon la décision. Les trois contrôleurs de pêche s'en chargent, chacun dans sa zone de compétence à examiner les captures. Cependant, parfois les pêcheurs sont arraisonnés, mais le laxisme des gestionnaires laisse passer au prix d'une négociation difficile à décortiquer.

Ces derniers temps, les mesures de gestion de la pêche dans le lac de Maga ont connu une double évolution grâce à la participation des pêcheurs à la définition desdites mesures et à la signature de nouveaux textes relatifs à la cogestion.

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4.2. L'IMPORTANCE D'UNE COGESTION, BIEN QU'IMMATURE

L'importance de la gestion communautaire du lac de Maga se révèle à travers la spécificité du contenue des accords de cogestion et son mode opératoire.

4.2.1. La spécificité des clauses et signataires de l'accord de gestion

La cogestion est spécifique tant par les acteurs qu'elle a réunis lors des négociations que son organisation efficace.

4.2.1.1. Les tractations d'un accord historique aux objectifs ambitieux

Le constat fait au niveau de la baisse des captures et la diminution de la taille de celles-ci ainsi que l'existence de nombreux conflits entre les pêcheurs a amené l'administration des pêches, avec l'appui du PMEDP53, à organiser un diagnostic participatif au niveau de ce plan d'eau en 2001. C'est les résultats de cet exercice qui ont conduit à l'identification de la cogestion comme une approche appropriée pour une gestion durable et bénéfique des ressources halieutiques de cette retenue. Celle-ci, financée par le PMEDP, a démarré en décembre 2003. Jamais un engagement n'avait réuni autant des participants au sujet de la pêche à Maga.

Les pourparlers qui vont achoppés depuis 12 mois entre les parties prenantes suivantes à Maga, vont aboutir les 8 et 9 décembre 2004 à la conclusion d'un accord historique en 10 points afin de communautariser la retenue. Il s'agit entre autres de l'administration des pêches, des autorités administratives (Sous-préfets de Maga et de Kaï-Kaï), des Forces de Maintien de l'Ordre, des représentants des services déconcentrés des autres ministères (agriculture, forêts, faune, environnement), des CTD de Maga et de Kaï-Kaï, des autorités traditionnelles, de la SEMRY, des acteurs primaires et secondaires (pêcheurs, transformateurs, transformatrices, transporteurs, commerçants, etc.) et les autres utilisateurs des eaux et des ressources du lac.

Sans se détacher de la stratégie globale décrite plus haut propre au gouvernement, les mesures communautaires relatives à la gestion durable de la retenue soulignent que :

- L'accès à la retenue est libre à tout pêcheur camerounais en règle avec la réglementation en vigueur.

53 Programme pour des Moyens d'Existence Durables dans la pêche

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- L'exercice du droit de pêche est conditionné par l'acquisition des autorisations délivrées par les services compétents. Ces autorisations sont individuelles et non collectives.

- Tout pêcheur doit utiliser le matériel réglementaire (annexe 4). L'usage des engins actifs (sennes, éperviers, filet encerclant, nasses appâtées et produits chimiques) est interdit ainsi que la coupe des plantes aquatiques.

- Le comité de gestion doit en collaboration avec les services de pêche, délimiter la zone de frayère.

- Les pêcheurs doivent respecter une période de repos biologique allant du 1er juillet au 30 septembre de chaque année.

- Les pêcheurs doivent prendre les mesures de sécurité contre les hippopotames. Toutefois, le comité de gestion pourra saisir l'administration compétente avant de prendre une décision concernant la lutte contre les hippopotames.

- Le comité de gestion appuie la création des structures telles que les associations, les GIC, les coopératives, etc. Puis, favorise la création d'une structure de micro finance pour faciliter l'épargne et encourager les actions communautaires (scolarisation, acquisition des matériels de pêche, soins sanitaires ...). Cependant, une partie des revenus des pêcheurs doit être mobilisée pour assurer le fonctionnement du comité de gestion.

- Deux types d'infractions sont relevés :

a) Les infractions de droits communs : vol, coup et blessures

b) Les infractions spécifiques : violation des dispositions réglementaires tels le règlement intérieur, les accords de gestion...

- La gestion du niveau d'eau se fait en concertation entre la SEMRY et le MINEPIA qui doit informer et sensibiliser les pêcheurs sur les impacts potentiels.

151

L'objectif à terme est d'impliquer les acteurs dans le processus de prise de décision, l'exécution et le suivi des mesures de gestion et de conservation des ressources halieutiques. Concrètement, il s'agit de sensibiliser les populations pour une activité de pêche responsable, contrôler la zone de frayère, faire respecter le repos biologique, faciliter la délivrance du permis de pêche aux concernés.

4.2.1.2. Organisation et moyens la cogestion

La cogestion dispose de moyens financiers, des ressources humaines et des partenaires qui l'assistent dans le domaine logistique et infrastructurel. Elle est financée à hauteur de 16 millions de FCFA chaque année, soit 8000000 FCFA à Maga et le reste à Kaï-kaï par l'État. Ses bureaux comprennent deux organes fonctionnels exécutant chacun, des tâches /rôles bien définis.

Le comité de gestion est chargé de l'application et du suivi des accords. Il coordonne les activités des comités de pêche et des comités de vigilance et rend compte des activités aux administrations concernées à savoir les DAEPIA et les sous-préfets de deux arrondissements. Le comité de pêche est l'organe chargé du suivi des directives du Comité de gestion au niveau des groupements des campements de pêche. Il met en place les comités de vigilance et supervise leurs activités, représente les campements des pêcheurs au niveau du Comité de Gestion, rend compte de ses activités au comité de gestion et dresse la liste des pêcheurs de ces campements.

Placé sous l'autorité du Comité de pêche, le comité de vigilance est l'organe chargé de la sécurité dans un campement de pêche. Ses attributions sont la lutte contre le vol des engins et les mauvaises pratiques de pêche, la dénonciation aux autorités compétentes de tout fait illégitime. Il comprend 18 membres à Maga et 22 à Kaï-kaï tous, délégués parmi les pêcheurs après formation au CACP de Maga.

4.2.2. Mode opératoire de la cogestion

Son mode opératoire est basé sur des actions synergétiques qui allient acteurs publics et ONG internationales.

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4.2.2.1. Des actions cachotières très efficaces

En catimini, les pêcheurs désignés pour le comité de vigilance surveillent chaque jour la retenue, conseillent les autres pêcheurs et dénoncent les contrevenants. Les récalcitrants sont alors traqués par les éléments du BIR de la base navale présente à Maga, à l'aide des pirogues ultra rapides sophistiquées (photo 25). La cogestion de Maga contrôle le nord de la retenue et, l'inverse est géré par le bureau de Kaï-kaï suivant le modèle administratif précédemment décrit.

Mais visiblement, il n'existe pas de limites de compétence des comités de vigilance. Car, les agents doivent couvrir toute la retenue en dépit de la décrue du lac qui soustrait le cadre prioritaire d'exercice du bureau de Kaï-kaï. À ce moment, les cogestionnaires de Kaï-kaï viennent en appui à ceux de Maga et mettent leurs talents en synergie.

Coordonnées de prise de vue : x=10° 46'57» - y=14° 57' 08»

Photo 25 : Pirogue ultra rapide des éléments du BIR à Maga.

Au cours des patrouilles syncrétiques, plusieurs pirogues sont saisies (photo 26), des filets brulés, des pêcheurs verbalisés parfois même assommés selon les témoins sur scène dont la promesse d'anonymat oblige qu'on se réserve de les nommer.

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Coordonnées de prise de vue : x=10.832842-y=14.950582

Photo 26 : Saisie d'une pirogue dans la zone de frayère par le comité de vigilance de Maga

Les impacts du processus de cogestion sont d'ores et déjà visibles54. Mais, force est de constater que plusieurs défis restent à relever. Justifiant alors l'intervention des ONG internationales.

4.2.2.2. Le secours des ONG internationales

Au niveau international, d'autres organisations interviennent dans la gouvernance des ressources halieutiques à Maga de manière directe ou indirecte en fonction de leurs prérogatives. Parmi toutes ces instances, il est important de mettre un accent particulier sur la FAO. Très sensible au rôle social et économique fondamental du secteur des pêches (sécurité alimentaire, emplois, lutte contre la pauvreté, commerce intérieur et extérieur, revenu national, etc.), elle occupe une place très importante dans la gouvernance des ressources halieutiques. Sa mission consiste à favoriser et garantir le développement et l'utilisation durables des ressources halieutiques. Ainsi, à travers son département chargé des pêches, elle

54 une cohésion sociale renforcée, la réglementation des pêches mieux respectée quoique problématique, des capacités des parties prenantes en matière de cogestion renforcées, des captures contenant de moins en moins de poissons immatures, un dialogue entre les différentes parties prenantes établi, des communautés plus impliquées dans la gestion et le développement local et collaborant avec l'administration des pêches et un partenariat établi entre les CTD, la SEMRY et le comité de gestion.

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fournit à la demande des pays membres, une assistance technique sur tous les aspects de la gestion et de la mise en valeur des pêches et de l'aquaculture à Maga.

En dehors de cet organisme qui a organisé plusieurs missions d'études piscicoles, financé l'inventaire de la biodiversité aquatique lacustre de la retenue en 1998, favorisé depuis 2003 dans le cadre du PMEDP la signature des accords de cogestion, exécutée l'enquête-cadre de référence couplée d'une enquête socio-économique en 2011 sur le lac, figure la CBLT dont les réalisations matérielles sont tangibles. Dans le cadre du projet dénommé PRODEBALT, la CBLT a construit deux débarcadères autour de la retenue. L'un au nord de la retenue à Maga (Photo 27) et l'autre au Sud du lac dans l'arrondissement de Kaï-kaï.

Coordonnées de prise de vue : x=10°50'35» -y= 14°56'56»

Photo 27 : Débarcadère de Maga construit par la CBLT

Ces deux débarcadères équipés d'unités de fabrique de glace doivent à long terme, résoudre le problème de l'insuffisance des données statistiques. Le suivi des espèces halieutiques pourra permettre une évaluation exacte des stocks biologiques. Actuellement, seul le débarcadère de Kaï-kaï est opérationnel, mais celui-ci souffre déjà d'un sérieux

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problème énergétique. Aussi, dans l'optique de suppléer les gestionnaires et cogestionnaires de la retenue, la CBLT a mis sur pied dans l'arrondissement de Maga au niveau du village Pouss, une antenne de surveillance des activités de pêche. Celle-ci, équipée des pirogues hors-bords de grande puissance, devra renforcer le contrôle de la zone de frayère à travers la capacité d'intervention.

4.3. LES FACTEURS LIMITANT LA MISE EN OEUVRE ET L'EFFICACITÉ DES POLITIQUES DE GESTION DURABLE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES DANS LA RETENUE

Les politiques de l'État qui visaient un développement de la pêche ainsi que la conservation des ressources halieutiques se sont traduites par des réglementations qui datent de longtemps et qui ont été modifiées à plusieurs reprises. Les accords de la cogestion se sont avérés poreux et leurs résultats, improbables. Ceci est dû à certains facteurs que cette recherche a identifiés et analysés.

4.3.1. Des situations démographique et socio-économique défavorables

Sont analysées ici, la poussée démographique de l'Arrondissement de Maga qui a accru la demande et les besoins en poissons et l'indigence socio-économique qui a assourdi les pêcheurs à Kaï-kaï.

4.3.1.1. Les contraintes démographiques : une menace permanente pour la survie de la retenue

Le poids démographique constitue aujourd'hui un gigantesque défi que les gestionnaires de la retenue d'eau de Maga doivent essayer de relever au nord de celle-ci. Avec sa superficie de 110 000 km2 et une population s'élevant à 180 000 personnes, l'arrondissement de Maga est le plus peuplé du département auquel il appartient après Yagoua. Sa population dépasse de très loin celle de Kaï-kaï : 63 000 âmes. Le croit naturel pourrait-il à lui seul justifier une telle concentration de la population ?

En effet, certains villages existaient depuis plus de 400 ans. Mais, près du tiers des villages ont été créés à la fin des années 1970 avec la création de la SEMRY. Elle a déplacé 11 000 familles de cultivateurs qui ont laissé leurs villages d'origines pour venir s'installer dans la Commune de Maga afin de pratiquer la riziculture. Depuis lors, la population s'agrandit et les zones de culture deviennent même progressivement insuffisantes. Les sources

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indiquent que la commune de Maga est passée de 30 000 habitants en 1970 à 80 000 habitants en 201055. En 2005, elle était estimée à environ 85100 âmes. Pourtant, l'arrondissement en compte aujourd'hui environ 180 000. Bref, on peut tout simplement souligner que la population de Maga reste sur une allure croissante et deux problèmes se posent.

D'abord, une concentration des habitants autour du lac qui rendent difficile le contrôle de l'accès à la retenue, du moment où, toute la population riveraine est employée dans la pêche. Dans certains campements riverains du lac, les densités sont supérieures à 100 habitants/km2 (112 à Gamack, 120 à Malka, 110 à Kéleo). Suite à ces fortes densités, les populations ne pouvant s'installer dans les rizières de la SEMRY se sont rapprochées de la pêcherie. En 2011, 53 villages/campements confondus de pêcheurs avaient déjà été identifiés (Supra, chap.1 ; I.3.2.2.). Sur les 53 campements de pêcheurs dénombrés, les campements les plus peuplés sont ceux de Maga qui concentrent 10 000 acteurs socioprofessionnels de pêche à 98 % intéressés par la retenue.

D'autre part, à ces espaces densément peuplés qui côtoient ce haut lieu de pêche, s'ajoute l'extrême demande en produits halieutiques générée par la structure de la population. Selon le dernier recensement général de la population (2005), la population de l'arrondissement de Maga alors estimée à 85 100 âmes était composée de 41 371 hommes et 43 729 femmes. Le chef-lieu à lui seul comptait 15 701 âmes, dont 7862 hommes et 7839 femmes. Le reste de l'espace physique communal est suffisamment peuplé (69399 habitants, dont 33509 hommes et 35890 femmes). Au regard de ces statistiques, on observe que les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Les hommes constituent 48,61 % de la population totale et les femmes 51,39 %. Les jeunes de moins de 18 ans en constituent la frange la plus importante soit 60 % de la population totale.

Le poisson étant la source de protéines la plus accessible aux populations, surtout les plus défavorisées, les produits de pêche contribuent pour 67 % environ des apports en protéines dans l'alimentation des populations à Maga et pour près de 70 % à Kaï-Kaï. La consommation moyenne par tête et par an y est de 47 kg contre 11 kg/habitant pour la viande (MINEPIA, 2011). Soit, une demande annuelle globale de 9400 tonnes pour les deux arrondissements. Cette situation pousse ces derniers à considérer le lac comme la source de leur richesse éventuelle et par conséquent à, parfois, y séjourner pendant de longues durées

55 Chiffres du recensement général de la population et de l'habitat au Cameroun, 2010.

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dans l'optique de récolter plus de ressources. Puisqu'il en faut assez pour nourrir leurs familles et assez pour faire fortune.

En concluant ce point, on peut dire que l'explosion démographique à laquelle on assiste depuis les années 2000 à Maga constitue un énorme défi pour la gestion des ressources. Dans une localité où, 56 % de la population totale vit de la pêche, la généralisation de fortes densités dans et autour de la retenue impose la surexploitation des ressources dont elle dispose, et ce, afin de subvenir aux besoins de subsistance. Dans ce contexte, cette pression démographique laisse des signatures majeures à l'instar de la dégradation de certaines ressources que la pauvreté va aggraver.

4.3.1.2. Les contraintes socio-économiques : la pauvreté des populations comme un réel défi pour la gestion durable des ressources halieutiques

La pauvreté est avant tout, un concept difficile à définir. Jusqu'à présent, seule la définition donnée par la Banque Mondiale est prise comme une référence dans le monde entier. Elle considère comme « pauvre » toute personne dont le revenu journalier est inférieur à un dollar. À vrai dire, ce chiffre représente le minimum pour que cette personne puisse satisfaire ses besoins fondamentaux. C'est juste un indicateur approximatif, mais qui ne reflète pas toujours la réalité des choses. La définition de la pauvreté dépend toujours « de l'idée que s'en fait la population d'une société donnée à un moment précis » (Roe D., Elliot

J., 2005). Pour le cas du Cameroun par exemple, l'Institut National de la Statistique a
trouvé qu'à un niveau individuel, un homme ou une femme est considéré (e) comme pauvre s'il/elle : « est confronté à une complexité de problèmes inter-reliés qu'il ne peut pas résoudre ; n'a pas assez de terres, de revenus ou d'autres ressources pour satisfaire ses besoins fondamentaux et en conséquence vit dans des conditions précaires ; est incapable de se prendre en charge ».

Ainsi, les communautés de Maga et Kaï-kaï sont confrontées à un déséquilibre entre la croissance démographique, et les revenus par tête par pêcheurs en deçà du niveau de 1986. Car, même si l'incidence de la pauvreté a commencé à reculer, les indicateurs de développement humain se sont considérablement dégradés au cours des années de crise (1980-1990) dans le secteur de l'éducation et de la santé, mais avec un scoop donné à Kaï-kaï. La cause latente en est que la carence en infrastructures sociales de base a généré des besoins onéreux que ne peuvent couvrir que la pêche (supra, chapitre 1, 1.3.2.2.) : emploi, eau potable, éducation, soins de santé, alimentation, Mobilité, etc.

158

Certes, de 2011 à 2016, les carences en infrastructures de base dans les deux arrondissements sont mitigées, mais elles stagnent dans les campements56 sinon, s'enveniment d'ailleurs57 et les asymétries de développements locaux restent visibles avec au nord du lac, un arrondissement fort peuplé (180000 âmes à Maga) et au Sud, une commune pauvre, encore en retard sur plusieurs plans qui vient de bénéficier du « projet filets sociaux »58 de la banque mondiale afin de se tirer de l'impasse de la pauvreté. Comment dès lors, être attentifs aux discours des gestionnaires quand on a faim ou lorsqu'on ne sait pas lire et/ou écrire ? Dans l'un ou l'autre des cas, c'est un véritable challenge. Car, ne dit-on pas souvent : « ventre affamé n'a pas d'oreilles » ?

L'hypothèse selon laquelle, la pression démographique exacerbée par des paramètres socio-économiques défavorables, est la cause majeure de bien de menaces directes et indirectes sur les ressources et l'écosystème au niveau de la retenue d'eau de Maga n'est donc pas fantaisiste quand bien même, d'autres facteurs peuvent compléter l'origine des menaces.

4.3.2. Les limites des politiques publiques

L'impéritie de l'État à aleviner la retenue a entrainé la péjoration du repos biologique par certains pêcheurs d'où, l'implacable déploiement de la dégradation des ressources.

4.3.2.1. La péjoration du repos biologique par certains pêcheurs

Après 36 ans, le repos biologique ne fait pas l'unanimité chez les pêcheurs. On se rappelle, le MINEPIA dans le cadre de la coopération avec le Japon a construit un centre de pêche à Maga doté d'une unité de fabrique de glace, une chambre froide, des ateliers de réparation des moteurs hors-bords, de montage et réparation des filets, un laboratoire, et une station d'alevinage (photo 28) pour le repeuplement du lac à quatre étangs aquicoles.

56 À part quelques modifications concernant certains CES/CETIC qui ont été érigés en lycées, le rapport de 2015 sur la situation socioéconomique de la Région de l'extrême-Nord ne fait pas de mention spéciale supplémentaire.

57 Car, les installations électriques ont vieilli au point que même dans le principal centre-urbain de la Ville Maga, 90 jours de délestage peuvent se succéder. Les autres infrastructures qui dépendent de l'alimentation électrique sont oubliées, négligées et parfois inusité ce qui leur a donné un coup de vieux notoire.

58 La commune de Kaï-Kaï est la seule commune du département du Mayo-Danay qui a été identifiée comme très pauvre. Par conséquent, à même de bénéficier du projet filet sociaux qui visait une évaluation rapide de conditions de vie des différents ménages parmi lesquels, les plus gros en termes de pauvreté recevront une assistance financière inconditionnelle limitée sur deux ans dès Juin 2016.

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Coordonnées de prise de vue : x=10°50'13»-y=14°55'39»

Photo 28 : Étang de pisciculture inusité au centre de pêche de Maga

Mais, depuis l'inauguration de ce centre le 21/11/2011 par S.E Mr. TSUTOMU ARAI alors ambassadeur du Japon au Cameroun, lesdits étangs de piscicultures n'ont jamais fonctionné. Aucun alevin n'a été produit là, pour être jeté dans le lac. L'incapacité de l'État à tenir ses promesses relatives à l'alevinage de la zone de frayère est aujourd'hui, source de frustrations pour les populations qui pensent que « c'est une zone où, ne pêchent que les personnalités, c'est-à-dire, celles qui détiennent la loi » et les critiques abondent.

Car, d'après les leçons tirées de leurs expériences empiriques, 34,3% des pêcheurs interrogés pensent que la période est mal choisie et ne correspond pas à la période de reproduction de certaines espèces de poissons. D'autres estiment que c'est une stratégie inefficace (11%) en raison de ses résultats mitigés (9%) tant dis que bon nombre d'entre eux ne s'y soumettent pas du tout (31%) et procèdent juste à un ralentissement de leur activité compte tenu des travaux champêtres. Ainsi, le contrôle de l'effort total n'étant pas encore mis en oeuvre, l'accès à la retenue reste libre à tout pêcheur détenteur d'un « permis de pêche ». L'application des différentes mesures et leur mise en oeuvre se heurtent progressivement à l'absence notamment de structures de contrôle de suivi et de surveillance.

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4.3.2.2. L'implacable dégradation des stocks ichtyologiques

Les ressources halieutiques, notamment les espèces les plus exploitées, sont, on l'a vu, dans un état de surexploitation ou de pleine exploitation (MINEPIA, 2015) et menacées d'effondrement total. Aujourd'hui, les débarquements des poissons de haute valeur commerciale (Lates, Bagrus, Heterotis, Gymnarchus etc.) évoluent fortement à la baisse. La situation n'est pas meilleure pour le reste des stocks, composés des Petrocephalus, Hydrocyon, Mormyrus, Labeo, Clarias, Tilapia Sp., etc. dont les captures sont constituées essentiellement d'individus de petite taille, ce qui constitue un signe de surexploitation (Heincke, 191359).

De plus, les types d'engins de pêche prohibés sont toujours utilisés massivement par les pêcheurs. Partout sur la retenue, les filets monofilament sont les engins de pêche les plus utilisés (Zagazaga). Malgré l'interdiction de la palangre appâtée (Wari), des sennes de plage (Taro) ou encore des célèbres éperviers (Birgui), certains pêcheurs artisans persistent dans l'usage de ce mode de pêche dont les effets sont de taille pour les habitats benthiques et les ressources elles-mêmes.

Malgré la signature des textes relatifs à la cogestion, les ressources ne cessent de se dégrader. Ce phénomène se traduit par une sérieuse baisse de la productivité des pirogues qui font diminuer rapidement les ressources qui leur sont accessibles et se trouvent contrainte d'utiliser du savon ou du son pour booster leurs rendements. Les gros sites de débarquement tels Pont 2, Malka, Gamack etc. ainsi que certains sites qui jouxtent la digue barrage de Guirvidig-Maga-Pouss, offrent des conditions insalubres : le poisson est débarqué à même le sol où s'entassent des déchets de toute sorte. Aussi, la masse des emballages plastiques déversés le long de la digue menace sérieusement la stabilité de la zone de frayère.

L'État est pourtant conscient de ce problème, puisque les textes sur la gestion des pêches ont été révisés à plusieurs reprises afin de protéger davantage les ressources halieutiques contre une exploitation anarchique, préjudiciable au développement d'une économie des pêches. Le MINEPIA s'occupe à la fois de l'élevage, des pêches des industries animales et les textes réglementaires n'en finissent guère d'être révisés. Cette multiplicité des tâches, corroborée par cette instabilité du dispositif juridique en vigueur, traduit les hésitations

59 F. Heincke (1913) a démontré que la réduction du nombre de plies de grande taille et l'augmentation de celles de petite taille dans les débarquements et la baisse correspondante de la taille moyenne des plies résultent directement de l'intensification de la pêche. C'est le premier signe de surexploitation d'une ressource marine faisant l'objet de pêche par les hommes.

161

et les incertitudes politiques. La situation de la pêche perdure et le véritable problème demeure : l'absence d'une gestion durable de la ressource.

Bref, l'exploitation des ressources halieutiques ne peut être optimale à long terme que si les intervenants garantissent une gouvernance raisonnable. L'établissement de restrictions à l'accès libre aux ressources est une condition, mais pas suffisante pour garantir une pêche responsable. Les institutions y afférentes doivent définir un ensemble de mesures incitatives favorisant la limitation de la pression de pêche à un niveau correspondant. Mais il ne suffit pas que ces mesures soient définies, il faut également les faire respecter.

CONCLUSION GÉNÉRALE

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L'objectif de ce mémoire était de faire le point sur l'avenir de l'activité de pêche dans la retenue d'eau de Maga. L'hypothèse émise au départ était que la croissance démographique ces dernières années a un impact très important sur l'organisation et la gestion des ressources halieutiques dans ce plan d'eau. La première partie du travail a montré que cette pêcherie dispose d'énormes atouts susceptibles de contribuer au développement durable des communautés de Maga et Kaï-kaï. Cependant, ce haut lieu de pêche est soumis à une pression extrême.

Car, pour une retenue de 220 km2, 4000 pirogues à bord embarquées par plus de 6500 pêcheurs équipés disposant 60000 engins performants avec une production annuelle d'au moins 2000 tonnes/an est désastreux pour une pêcherie dont le RMD est de 15000 T/an. La pression monte sur la retenue. Elle a été lue à travers les paramètres de l'exploitation halieutique et les aspects socio-économiques de cette activité qui indiquent un nombre de pêcheurs au km2 (64 pêcheurs/km2) supérieur à la normale, des zones de captures intempestivement fréquentées par de nombreuses pirogues (plus de 27 pirogues au km2) allant parfois à 12 m de long et a fortiori, une saturation de celle-ci par des engins de pêche (156 engins/km2) devenus non seulement très efficaces, mais hautement performants au point de tout balayer après leur passage. Justifiant ainsi, l'augmentation régulière de la quantité des débarquements observés pendant les 36 années étudiées.

D'autre part, les différentes formes d'incitations économiques dont font montre l'État et les ONG à l'égard des acteurs de ce secteur, l'accroissement de la demande en produits halieutiques sur les marchés, à quoi s'ajoutent la pauvreté ambiante des acteurs et la taille des ménages en milieu pêcheur, sont autant des paramètres qui amplifient ce problème d'où, sa chronicité.

Les pêcheurs qui ont activé avec la complicité des mareyeurs un arsenal de captures illégales, mais aussi et surtout à même d'effectuer des prises juvéniles sont les principaux responsables des menaces qui planent sur l'avenir de la pêche. Malgré l'interdiction des engins actifs, les pêcheurs artisans ne s'en débarrassent pas toujours. Ils ont beau se justifier que c'est pour satisfaire la demande sans cesse croissante de leur alimentation quotidienne, celle des marchés locaux et extérieurs en produits frais ou transformés. Mais, une chose est claire : les effets pervers abondent.

L'État est certes conscient du danger, mais son intervention via les services de pêche s'avère vaine. Les pouvoirs publics font face à une double exigence : concilier les objectifs de

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développement économique et financier à court terme et exploiter de façon durable les ressources halieutiques. Mais, il faut reconnaître que c'est comme pour tous les aspects en développement durable, une tâche difficile de concilier ces deux impératifs.

Il est regrettable que l'aménagement d'une pêcherie soit axée sur le renforcement de l'arsenal réglementaire et le raffermissement des interdictions - au point de penser que les pêcheurs au sens strict du terme pourraient occasionner la perte de la retenue - alors même que l'inventaire des ressources halieutiques est encore partiel et partial, et l'effort de pêche médiocrement connu. Car, là n'est pas le problème. Au contraire, de telles façons sont conflictogènes et heurtent la sensibilité d'aucuns. Le vrai problème se trouve dans la poussée démographique, et le pêcheur toujours indexé n'est que la partie visible de l'iceberg. Il est tout autant soucieux de la pérennité de son activité que quiconque.

Tant qu'on n'aura pas pris en compte cet aspect dans la gouvernance des pêches, la dégradation va continuer d'ailleurs en s'accélérant. Une urgence s'impose, celle d'un repositionnement stratégique des marques d'une pêche scientifique. La preuve, si pour Seignobos il y a plus de 30 ans, le lac n'était pas encore entré dans une gestion rationnelle de ses stocks ichtyologiques, jusqu'à l'heure actuelle, il subsiste encore les relents d'une telle mésaventure. Les portes d'une pêche responsable resteront fermées autant que la politique de gestion ciblera plutôt les faux problèmes de la dégradation qui s'ignorent. L'ampleur des dommages est telle que les menaces qui planent sur l'avenir de la pêche artisanale sont tangibles et si l'on néglige de séparer le bon grain de l'ivraie pour attribuer les responsabilités à assumer, alors on peut commencer à compter les jours de cette activité très précieuse dont l'avenir est sujet à caution.

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Weber J., 1996. Aujourd'hui, demain, le développement durable. Séminaire Science et Citoyens du CNRS, Poitiers, Futuroscope, 01 novembre 1996, 9 p.

Zee E., 1988. Les pêcheurs kotoko dans les yaérés au Nord du Cameroun. Série Environnement et développement au Nord-Cameroun, 24 p.

Sites Internet

www.fao.org de la FAO

www.gouv.sn du Gouvernement Camerounais www.un.org des Nations Unies. www.bondy.ird.fr de l'IRD.

ANNEXES

LAC DE MAGA.

1. Tilapia nilotica (Carpe) 2. Lates niloticus (Capitaine)

3. Synodontus Clarias (Kouroungou) 4.Hydrocyon forskalii

5. Clarias anguillaris (Silure) 6. Hyperopisus bebe chariensis

II

ANNEXE 01. PLAGE DES ESPÈCES DE POISSONS LES PLUS EXPLOITÉES DANS LE

7. Alestes dentex (sardine) 8. Labeo senegalensis

9. Protopterus annectens (Anguille) 10. Schilbe mystus

11. Tetraodon fahaka strigosus 12. Heterotis niloticus (Kanga)

III

13. Gymnarchus niloticus 14. Malapterurus electricus

15. Gnathonemus tamandua 16. Mormyrus rume

17. Citharinus latus

iv

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V

ANNEXE 02. QUESTIONNAIRE ADMINISTRÉ AUX PÊCHEURS ARTISANS

Bonjour Monsieur, qu'il me soit d'avance permis de vous rassurer que le présent questionnaire s'inscrit dans le cadre d'une recherche en vue de l'obtention du diplôme de MASTER recherche en Géographie à l'Université de Ngaoundéré. A l'issue de cette enquête, les résultats seront uniquement traités à des fins scientifiques ; aucun usage de nature à vous nuire ne sera envisagé. Merci d'avance pour vos réponses les plus sincères.

I- IDENTIFICATION ET CARACTÉRISATION DU PÊCHEUR

1. Lieu et date de l'enquête :

2. Sexe :...

3. Nom :...

4. Âge....

5. Village d'origine :...

6. Appartenance ethnique...

|__| 1. Musgum |__| 2. Massa |__| 3. Tupuri |__| 4. Kotoko |__| 5. Autres

préciser...

7. Statut matrimonial : |__| 1. Marié |__|2. Célibataire |__|3. Veuf

8. Activités du pêcheur durant l'année écoulée : (vous pouvez cocher plusieurs cases)

|__| 1. Pêche seulement |__| 2. Commerce |__| 3. Agriculture |__| 4. Élevage

|__| 5. Autres (transports, etc.)...

9. vi

Depuis combien de temps exercez-vous la pêche ?

|__|1. Entre 1 et 5 ans |__|2. Entre 6 et 11ans |__|3. Entre 12 et 16 ans

|__|4. Entre 17 et 21 ans |__|5. 22 ans et plus

II-LES PARAMÈTRES DE L'EXPLOITATION HALIEUTIQUE ? Puissance de la pêche artisanale

10. Quels sont les engins que vous utilisez fréquemment (vous pouvez cocher plusieurs cases) ?

|___| 1. Filets encerclant |___| 2. Filets dormant |___| 3. Sennes de plage |___| 4. Nasses

|___| 5.Palanges |___| 6. Pêche à la ligne |___| 7. Épervier (Birgui)

Pourquoi cette technique/engins parmi tant d'autres ? .

11. Quelles sont les espèces que vous ciblez ? .

12. Quelle quantité pouvez-vous capturer par

jour ?

13. Avez-vous abandonné des techniques de

pêche ?

14. Quelles sont les principales

causes ?

? Capacité de la pêche artisanale

15. Quel type de pirogue utilisez-vous ?

|___| 1. 1 pirogue en planche |___| 2. Pirogue monoxyle |___| 3. Pirogue en tôle

16. Dimension des pirogues utilisées : |__| 1. Moins de 6 m |__| 2. 6 m |__| 3. Plus de 6 m

17. modes de propulsion : |___| 1. Moteurs |___| 2. Pagaies

18. Quelle est sa provenance ? |___|1. Personnelle |___|2. Louée |___|3. Empruntée

19. À quels types d'obstacle faites-vous face dans l'exercice de votre activité ?

20. Comment les surmontez-vous ?

III- FRÉQUENCE D'UTILISATION DU LIEU DE PÊCHE

21. Dans quelle partie du la allez-vous pêcher ? |__|1. Nord du lac |__|2. Sud du lac |__|3. Est du lac

|__|4. Ouest |__| 5. Centre du lac

22. À quel moment allez-vous pêcher ?

vii

|__| 1. En Journée |__|2. La nuit |__|3. Les deux

23. Combien d'heures mettez-vous sur la retenue ?

|__| 1. 6 h |__| 2. 12h|__| 3. 18h |__| 4. 1jour |__|5. 1,5 jour |__|6. 2 jours et plus

24. Pêchez-vous sur le Logone ? |__| 1. Oui |__| 2. Non

Si oui quant et pourquoi ?

IV- IMPACTS DES PÊCHES SUR LES RESSOURCES ET L'ÉCOSYSTÈME

25. Avez-vous remarqué des types de pollution dans la zone où vous allez pêcher ? |__|1. Oui |__|2. Non

26. Si oui, quelles sont ses origines ?

|__| 1. Emballages plastiques |__| 3. Pirogues usées |__| 2. Rejets des filets |__| 4. Autres
Si 'autres', précisez :

27. À quels endroits l'observez-vous ? |__| 1. Dans l'eau |__| 2. Sur la digue |__| 3. Autres

28. Quelles sont les conséquences sur la pêche ?

|__| 1. Débarquements faibles ou nulles |__| 2. Morts des poissons

|__| 3. Risque de maladie pour les pêcheurs |__| 4. Autres

Si 'autres', précisez :

29. En l'absence des appâts, utilisez-vous souvent des carreaux de savons à cette fin ?

|__|1. Oui |__|2. Non

30. Quel autre type de produits chimiques utilisez-vous pour maximiser vos prises ?

|__|1. Son du Riz paddy |__|2. Soude |__|3. Si autre, préciser....

31. Quelles sont les actions menées pour lutter contre cette pollution ?

|__| 1. Camions de ramassage des ordures

|__| 2. Utilisation de charrettes pour le ramassage des ordures

|__| 3. Sensibilisation

|__| 4. Autres

Si « autres », précisez :

32. Quels sont les facteurs anthropiques favorables à la pêche artisanale dans cette zone ?

|__| 1. Ressources abondantes |__| 2. Marché favorable |__| 5. Autres

Si 'autres', précisez :

33. Quels sont les facteurs anthropiques défavorables à la pêche artisanale dans cette zone ?

|__| 1. Pollution humaine |__| 2. Marché défavorable |__| Autres

VIII

Si « autres », précisez :

V- STRATÉGIES DE GESTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

34. Quelles sont les mesures réglementaires de la pêche artisanale dans cette zone ?

|__| 1. Interdiction des palangres |__| 4. Interdiction des filets dormants
|__| 2. Interdiction filets mono filaments |__| 5. Sorties limitées

|__| 3. Interdiction sennes tournantes |__| 6. RAS

35. Par qui sont- elles établies ?

|__| 1. L'État |__| 2. La commune |__| 3. Les organisations locales de pêche |__| 4. ONG de développement |__| 5. Autres

36. Existe- t- il des espaces réservés ?

|__| 1. Oui |__| 2. Non Si oui lesquels

?

37. Quelle est la durée d'interdiction ?

|__| 1. En permanence (zone de frayère) |__| 2. Par moment (saison chaude ou saison froide, etc.)

38. Par qui sont-ils établis ?

|__| 1. L'État |__| 2. La commune |__| 3. Les organisations locales de pêche |__| 4. ONG de développement

39. Observez-vous des périodes de repos biologique ?

|__| 1. Oui |__| 2. Non

Si oui à quel moment ?

40. Avez-vous remarqué des impacts sur les ressources halieutiques et les débarquements ? |__| 1. Amélioration de la taille des espèces pêchées |__| 3. RAS

|__| 2. Débarquements importants |__| 4. Autres

41. Êtes-vous favorable au repos biologique ?

|__|1. Oui |__|2. Non

Pourquoi ? ...

42. Avec quoi protégez-vous vos captures pendant que vous êtes dans le Lac ?

|__|1. Aponogeton subconjugatus |__|2. Hygrophila Sp. |__|3. Autres |__|4. RAS

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ANNEXE 3. QUESTIONNAIRE ADMINISTRÉ AUX GESTIONNAIRES DE LA PÊCHE

1. Comment se présente l'évolution de la pêche artisanale lacustre actuellement ?

2. Quel est au plan économique et social, la contribution de la pêche artisanale lacustre dans l'économie locale ?

3. Qu'en est-il de la production (la tendance) dans le lac ?

4. Quel est le niveau local de consommation des produits halieutiques ?

5. Quelles sont les espèces les plus exploitées et les plus demandées par les consommateurs ?

6. Combien de GIC de pêche (concernés par le Lac) existent-ils ?

7. Combien de pêcheurs artisans sont-ils sur la retenue cette année et combien il y en avait les 10 dernières années ?

8.

X

Combien de sites de débarquement existent-ils au tour du lac ?

9. Quelle appréciation peut-on faire des différentes destinations que prennent des produits de la pêche artisanale lacustre ?

10. Le secteur de la pêche artisanale reste dominé par des politiques visant à inciter les nationaux et les locaux à s'intéresser davantage. Existe-il des politiques de subvention de ces acteurs mises en place par l'État ?

12. Existe-t-il des industries de transformation des produits de pêche à Maga ?

? DÉVELOPPEMENT DURABLE ET PÊCHE ARTISANALE LACUSTRE

13. Sachant que l'essentiel de l'économie locale est axé sur la riziculture et la pêche, quel est le niveau de développement durable actuel du secteur des pêches ?

14. Actuellement le secteur des pêches connaît une crise mondiale qui se traduit par la stagnation de la production mondiale, l'épuisement des stocks des ressources halieutiques dans certaines régions et la dégradation de l'environnement marin et côtier, qu'en est-il du lac de Maga ?

15. Si comme l'ensemble de la planète le lac de Maga n'est pas en marge de la crise du secteur pêche, alors quelle est la politique de l'État (MINEPIA) et les moyens mis en oeuvre pour sortir ce secteur de cette situation ?

16. Aujourd'hui les organisations internationales prônent pour la mise en place des politiques de développement durable dans le secteur des pêches (gestion durable des ressources et de l'environnement), quelles sont au plan local les mesures que vous avez initiées à cette fin ?

17.

xi

Quels sont les projets de développement durable de la pêche artisanale lacustre mise en place par l'État et autres acteurs à Maga ?

18. Existe-t-il des politiques de surveillance et de contrôle des activités de pêche dans la retenue ? Si oui, comment s'organisent celles-ci ?

19. Quelles sont les mesures prises au niveau local pour mieux suivre les activités du secteur de pêche ?

20. Existe-il des politiques de régulation des activités de pêche telles que les périodes de pêche, les quotas, etc. ?

21. Concernant les politiques environnementales, existe-il une politique de gestion intégrée du lac ?

22. Les moyens matériels et techniques des pêcheurs artisans sont-ils respectueux de l'environnement lacustre ?

23. Quelles sont, actuellement, les actions au plan social menées par les GIC de pêche à Maga ?

24. Budget investie par l'État Camerounais dans le secteur des pêches à Maga/Kaï-Kaï depuis une décennie et les réalisations :

Investissement des organismes internationaux et de coopération

XII

Investissement dans la formation des agents pêcheurs

Investissement dans la protection de l'environnement lacustre et côtier

Investissement dans l'évaluation des ressources halieutiques et l'écosystème lacustre

ANNEXE 04. ACCORDS DE GESTION DE LA RETENUE D'EAU DE MAGA

Accord de gestion de la retenue d'eau dc N1.iga

ACCORD DE GESTION DE LA RETENUE NEGOCIE ET SIGNE A LA REUNION DE CONCERTATION DES PARTIES PRENANTES DES 8 - 9 DECEMBRE 2004 A MAGA

Nous, représentants des parties prenantes è la gestion de la retenue d'eau de Maga, réunis à Maga les 08 et 09 Décembre 2004, soit après douze mois de préparation de cette entente,

Considérant l'impérieuse nécessité de gérer et de conserver durablement les ressources de la retenue d'eau de Maga ;

Considérant que la gestion durable des ressources de la retenue d'eau de Maga peut contribuer de manière significative â l'amélioration des moyens d'existence des communautés de pêche locales et au développement de la

région ;

I,

Convaincus que la gestion durable et bénéfique de la retenue ne peut être assurée que si les problèmes majeurs que nous avons identifiés et analysés au cours de la campagne d'information, de sensibilisation et de communication sociale sont résolus, en l'occurence entre autres : l'accès à-la-_retenue ; l'exercice du droit de pèche; les engins de pêche dans la retenue ; la délimitation des zones de frayères ; la période de repos biologique ; l'utilisation des bénéfices de l'exploitation des ressources de la retenue ; les infractions, sanctions et procédures ; la gestion du niveau d'eau et le partenariat avec la SEMRY. .

2

xiv

71 de ,arr ~. ,I J CIL' de Maaa

/Conscients du manque à gagner causé par la mauvaise gestion des ressources et du fait qu'une vision commune de toutes les n ; ti <. orenantes à la gestion de la retenue est plus que nécessu e 'c''r parvenir ensemble aux solutions appropriées

ConfIrr or~~f' ~s ' . t notre attachement aux principes

de in coge -t; , ., elenue our l'ensemble des parties
prenantes c.nrnn On ;ycbe adequate susceptible de garantir une gestion du;n obi- et bénéfique des ressources de la retenue;

Convenons de prendre les mesures qui vont suivre pour garantir la geti- u.:xd;,able et bénéfique de la retenue ;

Décidons de mettre en place un Comité de Gestion de la retenue qui, en collaboration avec les communautés de pêche, les autorités administratives et techniques locales, les autorités traditionnelles et municipales, les ONGs et les partenaires au développement, sera chargé de la mise en oeuvre de toutes ces mesures.

Les mesures relatives à la gestion durable de la retenue portent sur les points suivants

1. L'accès à ia retenue ;

2. L'exercice du droit de pêche ;

3. Les types d'engins utilisés pour la pêche dans la retenue ;

4. La délimitation des zones de frayères ;

5. La période de repos biologique ;

xV

A ccnrr ~. nfon dc 'k rc!cct,c ,I'c:n:

6. Les agressions des hippopotames ;

7. L'utilisation des bénéfices de l'exploitation des ressources de la retenue

8. Les infractions, sanctions et procédures

9. La gestion du niveau d'eau et le partenariat avec la SEMRY:

10. Les institutions responsables du contrôle et du suivi de la mise en oeuvre des dispositions de l'accord.

1. L'accès à la retenue

L'accès à la retenue d'eau de Maga est libre à tout pécheur Camerounais en règle avec fa réglementation en vigueur.

2. L'exercice du droit de pêche

exercice du droit de pêche est conditionné par l'acquisition f des autorisations délivrées par les services compétents. Ces autorisations sont individuelles et non collectives.

3. Les engins/matériels de pêche appropriés pour la pêche dans la retenue

Tout pêcheur doit utiliser le matériel réglementaire. il s'agit des filets de grosse maille de 3 à 5 doigts, des palangres avec hameçons du n° 7 au n°13. L'utilisation des.. engins actifs (senne, épervier, filet encerclant, nasse appâtée et produits chimiques) est interdite, ainsi que la coupe des plantes aquatiques.

4

xvi

Accord de gestion de is retell d' Cil u dc Maga

4. La délimitation des zones de frayères

Le Comité de gestion doit délimiter les zones de frayères sur le plan d'eau en collaboration avec l'administration des pêches.

5. La période de repos biologique

Les pêcheurs doivent observer une période de repos biologique allant du 1- juillet au 30 septembre de chaque année.

6. Les agressions des hippopotames

Les pêcheurs doivent prendre les mesures de sécurité contre les hippopotames. Toutefois, le Comité de Gestion pourra saisir l'Administration compétente, notamment, le ministère des forêts et de la faune, avant de prendre une décision concernant la lutte contre les hippopotames.

7. L'utilisation des bénéfices de l'exploitation des ressources de la retenue

Le Comité de gestion va appuyer la création des structures telles que les associations, les GIC, les coopératives, etc. Puis, favoriser la création d'une structure de micro finance pour faciliter l'épargne et encourager les actions communautaires (scolarisation, acquisition des matériels de pêche, soins sanitaires etc.). Cependant, une partie des revenus des pêcheurs doit être mobilisée pour assurer le fonctionnement du Comité dé Gestion.

5

xvii

A.co rti rc gtsti lu rch:mnir

8. les infractions, sanctions et procédures

Deux types d'infractions ont été relevés

a Les infractions de droit commun vol, coups et
blessures.

b. Les infractions spécifiques : violation des dispositions réglementaires (règlement intérieur. accord de gestion, violation de la réglementation des pèches, etc.),

t.Les contrevenants seront sanctionnés conformément à la 1 réglementation en vigueur. Ils seront arrêtés, présentés au Comité de Gestion qui les mettra à la disposition de I l'Administration compétente,

9. La gestion du niveau d'eau et le partenariat avec la SEMRY

Il sera mis en place un cadre de concertation SEMRY-MINEPIA-Comité de Gestion pour la programmation des lâchages d'eau, l'information et la sensibilisation des pêcheurs sur les périodes de lâchages.

xviii

ANNEXE 5. ARRÊTÉ N°0002/MINEPIA du 1er Août 2001 FIXANT LES MODALITÉS DE PROTECTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

Article 7.- (I) Les expéditions s faites sous couverture convenable

glace de manière à assurer aux denrées

meilleur état de fraîcheur à leur arrivé

destination.

(2) La glace utilisée doit être safub

convenablement divisée et placée couches alternées avec les produits de pêche, les couches inférieure et supérie re étant constituées de glace.

(4) Le poids de glace à utiliser vari

selon la saison, la distance à parcourir e

le moyen de transport employé.

température varie entre --1 °C et +1°C

sent chapitre, notamment celles conter-

ont nant la qualité des produits, les embal-

de lages et l'étiquetage, sont applicables aux

le produits de la pêche destinés au commer-

e à ce intérieur, à l'exportation ainsi qu'aux

produits importés.

re, CHAPITRE III

en

DU TRANSPORT DES PRODUITS DE

la LA PECHE.

u- Article 13.-(1) Le transport des pro-

duits de la pêche ne s'effectue qu'à bord de véhicule disposant d'une attestation

e de conformité délivrée par les agents

t compétents du Ministère chargé des

pêches.

Article 8.- En tout état de cause seuls peuvent être expédiés des colis contenant des poissons ou autres animaux aquatiques reconnus de première fraîcheur et protégés par une quantité de

glace dont le poids est égal au poids du poisson.

CHAPITRE Il

DU CONDITIONNEMENT DES PRO-
DUITS DE PECHE CONGELES

Article 9.- (1) Le poisson congelé doit être entreposé, manutentionné et expédié dans de conditions propres à éviter la rupture de la chaîne de froid.

(2) En conséquence, la température des ' dépôts frigorifiques pour le stockage du poisson congelé doit etre égale ou inférieure à --20°C.

Article 10.- Toute boîte ou tout paquet contenant du poisson congelé porte d'une façon bien lisible en caractère indélébile des indications fixées par arrêté du Ministre chargé des pêches.

Article II.- (1) Les produits congelés ne sont extraits des entrepôts frigorifiques que pour être chargés à bord des véhicules et expédiés sans délai.

(2) A la décongélation, les denrées expédiées doivent présenter au moins la fraîcheur exigible pour les produits réfrigé-

rés.

Article 12.- Les dispositions du pré-

Article 15.- (1) Le transport des produits de la pêche ne s'effectue qu'à bord

(2) Cette attestation, dont la validité n'excède pas six mois, est délivrée ou

renouvelée à la demande du propriétaire du véhicule.

Article I4: Le transport des produits de la pêche s'effectue dans les conditions d'hygiène propres à préserver les denrées de toute contamination et altération sus-

ceptible de les rendre impropres à la consommatioh.

des véhicules spécialement destinés à cet usage.

(2) Ces véhicules doivent comporter des parois intérieures construites en matériaux résistants à la corrosion, lisses, faciles à nettoyer et à désinfecter.

(3) En outre, ils doivent être aménagés de

manière à assurer une étanchéité suffisante.

Article 16.- Les denrées ne doivent avoir aucun contact avec les planches, les parois ou toute autre surface, partie ou pièce du véhicule ; le chargement est constitué exclusivement de produits de la pêche, et les unités de conditionnement sont disposées en fils rapprochés afin de

réduire au minimum la surface de pénétration de la chaleur.

Article 17.- (1) Les accessoires d'arrimage, de protection et de conditionnement doivent être faciles à laver et tenus

r

xix

I46

xx

xxi

ANNEXE 6. ARRETE N°0026/MINEPIA/DIRPEC/DPIA/SPA DU 11 AVRIL 2000

PORTANT INTERDICTION DE CERTAINS ENGINS DE PÊCHE

xxii

ANNEXE 7 : REPERTOIRE DES ESPECES DE POISSONS PEUPLANT LE LAC DE

MAGA

FAMILLES

Genre

NOMS LOCAUX

OSTEOGLOSSIDAE

Heterotis niloticus

Kafka/Kanga

MOROMYRIDAE

Hyperopisus bebe chariensis

 

Hyperopisus accidentalis tenuicauda

Hamour

Mormyrus hasselquisti

 

Mormyrus rume

 

Mormyrus caschive

 

Mormyrus delicious

 

Petrocephalus simus

Soudda moukka

Petrocephalus bovei bovei

 

Petrocephalus bane tchadensis

 

Marcusenius isidori isidori

 

Marcusenius ihuysi

 

Marcusenius senegalensis

 

Brienomyrus niger

 

GYMNARCHIDAE

Gymnarchus niloticus

Mounhou

TETRAODONTIDAE

Tetraodon fahaka strigosus

korkoto

HEPSETIDAE

Hepsetus odoe

 

CHARACIDAE

Hydrocyon forskalii

goyo

Hydrocyon linectus

goyo

Hydrocyon brevis

goyo

Hydrocynus somonorum

goyo

Alestes dentex

Hégney / djona

Alestes nurse

 

Alestes macrolepidotus

 

Alestes dageti

 

Alestes leuciscus

 

Brycinus macrolepidotus

 

CITHARINIDAE

Cilharinus citharus

Biski

Citharinus latus

 

Citharinus distichodoides

 

Distichodus rostratus

 

Distichodus niloticus

 

Distichodus brevipinnis

 

Distichodus engycephalus

 
 

Barbus occidentalis

 

Barbus pleuropholis

 

Barbus callipterus

 

Barbus baudonis

 

Barbus pumilus

 

xxiii

CYPRINIDAE

 

Barbus werneri

 

Barbus leonensis

 

Barbus lepidus

 

Barbus perince

 

Barbus macinensis

 

Barbus chlorotaenia

 

Labeo senegalensis

Glarga

Labeo coubie

 

Labeo lereensis

 

Labeo tibestis

 

Labeo pseudocoubie

 

Raiamas senegalensis

 

BAGRIDAE

Bagrus docmac

Malaou

Bagrus bayad

 

Chrysichthys nogrodigitatus

 

Chrysichthys auratus

 

Auchenoglanis biscutatus

 

Auchenoglanis accidentalis

 

ARIIDAE

Arius heudelotii

 

Arius gigas

 

CLARIIDAE

Clarias anguillaris

Dogolo

Clarias gariepinus

Dogolo

Clarias camerunensis

 

Heterobranchus bidorsali

 

SCHILBEIDAE

Schilbe mystus

Bildey

Eutropius niloticus

 

Siluranodon auritus

 

Physailia pellucida

 

MOCHOCIDAE

Synodontis batensoda

Kouroungou

Synodontis sorex

Koy koy

Synodontis schall

Gongyang

Synodontis membranaceus

Gogo

Synodontis nigrita

Muguguri

Synodontis clarias

 

Synodontus filamentosus

 

Synodontus eupterus

 

Synodontus gambiensis

 

MALAPTERURIDAE

Malapterurus electricus

A mournini

CENTROPOMIDAE

Lates niloticus

Manslang

 

Hemichromis fasciatus

 

Tilapia zillii

Azgong

Tilapia nilotica

Azgong

xxiv

CICHLIDAE

 

Tilapia multiradiata

Azgong

Tilapia galilaea

Azgong

Oreochromis niloticus

 

Sarotherodon galilaeus

 

ANABANTIDAE

Ctenopoma petherici

 

POLYPTERIDAE

Polypterus senegalus

 

Polypterus bichir

 

Polypterus endlicheri

 

PROTOPTERIDAE

Protopterus annectens

Mougoudoum

CICHLIDAE

Haplochromis wingati

 

ANABANTIDAE

Ctenopoma muriei

 

ANABANTIDAE

Ctenopoma petherici

 

MASTACEMBELIDAE

Mastacembelus loenbergi

 

Ophicephalus obscurus

 

Source : Investigations de terrain au CACP de Maga, février 2015.

178

Table des matières

Dédicace i

Remerciements ii

Résumé iv

Abstract iv

Sommaire v

Table des figures vi

Table des tableaux vii

Table des photographies vii

Table des planches photographiques viii

Sigles et abréviations ix

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

1. PROBLÉMATIQUE 2

2. QUESTIONS DE RECHERCHE 6

2.1. Question principale 6

2.2. Questions spécifiques 6

3. CONTEXTE SCIENTIFIQUE 6

3.1. L'IMPORTANCE DE LA PÊCHE DANS LE MONDE 6

3.1.1. Les grands pôles de production halieutique 7

3.1.2. Comment comprendre la dynamique de la pêche dans ces grands pôles ? 7

3.1.3. Les facteurs explicatifs du développement de la pêche 8

3.2. L'IMPACT DES PÊCHES SUR LES RESSOURCES ET LEURS ÉCOSYSTÈMES 9

3.2.1. La question de la vulnérabilité des ressources halieutiques 9

3.2.2. Impact biologique et écosystèmique de la surexploitation des ressources halieutiques 10

3.2.3. L'impact socio-économique de la surexploitation des ressources 12

3.3. LA GESTION DURABLE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES 13

3.3.1. L'émergence du développement durable dans la pêche 13

3.3.2. Les systèmes de gestion durable des ressources halieutiques 14

3.3.3. Gestion durable des ressources halieutiques en géographie 15

4. DÉLIMITATION SPATIO-TEMPORELLE DE LA RECHERCHE 18

5. OBJECTIFS DE RECHERCHE 20

5.1. Objectif principal 20

5.2. Objectifs spécifiques 20

6.

179

HYPOTHÈSES DE RECHERCHE 20

6.1. Hypothèse principale 20

6.2. Hypothèses spécifiques 20

7. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE 20

8. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE 23

8.1. La collecte des données 23

8.1.1. Les données secondaires 23

8.1.2. Les informations de terrain 24

8.2. Traitement et analyse des données 27

8.2.1. Présentation du matériel utilisé 27

8.2.2. Quelques formules retenues 27

8.2.3. Interprétation des résultats 29

8.3. Difficultés rencontrées 30

9. INTÉRÊT DE LA RECHERCHE 31

10. PLAN DE RÉDACTION 32
PREMIÈRE PARTIE : LE LAC DE MAGA : UN LIEU DE PÊCHE SOUS PRESSION

33

CHAPITRE 1 : FONDEMENTS DE LA PÊCHE LACUSTRE DE MAGA 35

1.1. LES ATOUTS PHYSIQUES DE LA RETENUE 35

1.1.1. Une retenue aux capacités physiques considérables 35

1.1.1.1. Les ouvrages géotechniques de la retenue 35

1.1.1.2. Les faveurs climatiques 43

1.1.2. Significations halieutiques des facteurs géomorphologiques, pédologiques et

floristiques lacustres de Maga 47
1.1.2.1. Des facteurs pédologiques et hydrodynamiques favorables à la multiplication des

espèces benthiques 47

1.1.2.2. Signification halieutique de la flore lacustre 50

1.2. L'IMPORTANCE DES PLANCTONS DANS LA RETENUE 52

1.2.1. Les types de planctons observés dans lac de Maga 52

1.2.1.1. Les phytoplanctons : unités fondamentales de la chaîne trophique lacustre 53

1.2.1.2. Les planctons animaux ou zooplanctons 54

1.2.2. L'extrême diversité halieutique du lac 55

1.2.2.1. Répertoire des espèces de poissons exploitées 55

1.2.1.2. Les principaux niveaux trophiques lacustres de Maga 56

180

1.3. UN MILIEU HUMAIN COSMOPOLITE DE LONGUE TRADITION DE PÊCHE 57

1.3.1. Les villages des pêcheurs autochtones, allogènes et aborigènes 57

1.3.1.1. Les différents types des campements de pêcheurs 57

1.3.1.2. Le calendrier de la pêche artisanale lacustre 62

1.3.2. Organisation traditionnelle et infrastructures de base 63

1.3.2.1. Organisation traditionnelle 64

1.3.2.2. Les infrastructures socio-économiques de base 64

CHAPITRE 2 : ÉTAT DES LIEUX DE LA PRESSION DES PÊCHES DANS LA

RETENUE DE MAGA 67
2.1. ÉVOLUTION ET ANALYSE DES INDICATEURS DE LA PRESSION DE PÊCHE

67

2.1.1. L'effort de pêche et la production 67

2.1.1.1. Un effectif de pêcheurs en hausse constante 67

2.1.1.2. L'accroissement des prélèvements au fil des ans 70

2.1.2. Des engins et techniques de pêche très performants 72

2.1.2.1. Les capacités d'équipage des pêcheurs sur la retenue 72

2.1.2.2. L'efficacité des engins et techniques de pêche utilisés 76

2.2. VALORISATION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES ISSUES DE LA PÊCHE

ARTISANALE LACUSTRE DE MAGA 91

2.2.1. Les activités corollaires de la pêche artisanale lacustre 91

2.2.1.1. Le mareyage en pêche artisanale lacustre 91

2.2.1.2. Transformations artisanales des produits halieutiques 93

2.2.2. Des contraintes au décollage des activités de pêche 96

2.2.2.1. Les difficultés spécifiques rencontrées par les acteurs 96

2.2.2.2. De la taille des recettes publiques générées par la pêche 99

2.3. L'INCITATION SOCIO-ÉCONOMIQUE DU SECTEUR DES PÊCHES 100

2.3.1. La pression économique 100

2.3.1.1. Les facilités d'accès aux ressources halieutiques 100

2.3.1.2. La forte demande des produits halieutiques par les consommateurs 101

2.3.2. La pression sociale 102

2.3.2.1. Les caractéristiques de la main d'oeuvre artisanale 102

2.3.2.2. La situation socio-professionnelle des pêcheurs 104

DEUXIÈME PARTIE : L'AVENIR DE LA PÊCHE ARTISANALE LACUSTRE DE

MAGA 108

181

CHAPITRE 3 : IMPACTS DES ACTIVITÉS DE PÊCHE SUR LES RESSOURCES

HALIEUTIQUES ET L'ÉCOSYSTÈME 110

3.1. IMPACTS DES PÊCHES SUR LES RESSOURCES HALIEUTIQUES 110

3.1.1. La structure des ressources exploitées 110

3.1.1.1. La carence des renseignements biologiques 111

3.1.1.2. L'amenuisement des espèces exploitées et l'appauvrissement de leur diversité

biologique 111

3.1.2. L'effondrement des stocks des ressources exploitées 115

3.1.2.1. Évolutions des stocks des espèces les plus prisées 115

3.1.2.2. La baisse drastique des CPUE 123

3.2. IMPACTS DE LA PÊCHE SUR L'ÉCOSYSTÈME LACUSTRE 124

3.2.1. Le dysfonctionnement de l'écosystème interne de la retenue 124

3.2.1.1. La pollution aquatique 124

3.2.2.2. La destruction de la flore lacustre et de l'habitat benthique 126

3.2.2. Les conséquences sur l'environnement externe de la retenue 128

3.2.2.1. La dégradation de l'environnement du lac et de la végétation côtière 128

3.2.2.2. La pollution des zones de débarquements par les emballages plastiques et les objets

divers

129

3.3. LES CONSÉQUENCES SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA SURPÊCHE

131

3.3.1. Les incertitudes techniques et économiques professionnelles ..

.123

3.3.1.1. La précarisation des techniques de pêche

132

3.3.1.2. La baisse des revenus des pêcheurs

135

3.3.2. Des difficultés sociales dues à la surpêche

138

3.3.2.1. L'implacable déploiement de la pêche illicite

139

3.3.2.2. Les conflits multiformes occasionnés par la pêche

140

CHAPITRE 4 : RÉACTIONS DES POUVOIRS PUBLICS ET LEURS LIMITES

144

4.1. L'ÉLABORATION DES MESURES AU NIVEAU NATIONAL

144

4.1.1. Les restrictions géographiques et saisonnières

144

4.1.1.1. La création d'une zone de frayère

145

4.1.1.2. L'instauration d'une période de repos biologique

146

4.1.2. Le contrôle du maillage et de la production

147

4.1.2.1. L'interdiction de certains engins et techniques de pêche

147

4.2.2.2. De la taille minimale des ressources prélevées

148

182

4.2. L'IMPORTANCE D'UNE COGESTION BIEN QU'IMMATURE 149

4.2.1. La spécificité des clauses et signataires de l'accord de gestion 149

4.2.1.1. Les tractations d'un accord historique aux objectifs ambitieux 149

4.2.1.2. Organisation et moyens la cogestion 151

4.2.2. Mode opératoire de la cogestion 151

4.2.2.1. Des actions cachotières très efficaces 152

4.2.2.2. Le secours des ONG internationales 153

4.3. LES FACTEURS LIMITANT LA MISE EN OEUVRE ET L'EFFICACITÉ DES POLITIQUES DE GESTION DURABLE DES RESSOURCES HALIEUTIQUES DANS LA

RETENUE 155

4.3.1. Des situations démographique et socio-économique défavorables 155

4.3.1.1. Les contraintes démographiques : une menace permanente pour la survie de la

retenue 155
4.3.1.2. Les contraintes socio-économiques : la pauvreté des populations comme un réel défi

. ..146

pour la gestion durable des ressources halieutiques 157
4.3.2. Les limites des politiques publiques

4.3.2.1. La péjoration du repos biologique par certains pêcheurs 158

4.3.2.2. L'implacable dégradation des stocks ichtyologiques 160

CONCLUSION GÉNÉRALE 162

BIBLIOGRAPHIE 165

ANNEXES j

Annexe 1. Plage des espèces de poissons les plus exploitées dans le lac de Maga. ii

Annexe 2. Questionnaire administré aux pêcheurs artisans v

Annexe 3. Questionnaire administré aux gestionnaires de la pêche ix

Annexe 4. Accords de gestion de la retenue d'eau de Maga xiii

Annexe 5. Arrêté N°0002/MINEPIA du 1er Août 2001 fixant les modalités de protection des

ressources halieutiques xviii
Annexe 6. Arrêté N°0026/MINEPIA/DIRPEC/DPIA/SPA du 11 Avril 2000 portant

interdiction de certains engins de pêche xxi

Annexe 7. Repertoire des espèces de poissons peuplant le lac de Maga xxii






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand