II - Difficultés après la naissance de
l'enfant
112. La vie des couples mixtes est continuellement
jalonnée de décisions quelque fois difficiles à prendre.
« Celles-ci marquent souvent les limites d'un partage entre les
partenaires, qui vont alors s'exprimer dans leurs domaines
privilégiés. Mais aussi, ils pourront se concurrencer
inconsciemment »87.
113. L'arrivée du premier enfant, à travers la
problématique de son éducation, sera un facteur
d'accélération des conflits. Ceux-ci peuvent, tout de même,
être surmontés par certains couples. « N'est-ce pas en
effet quand les partenaires font peu de cas de leurs convictions religieuses
respectives que le mariage a le plus de chances objectives de durer? Le
degré de non-pratique religieuse serait la garantie permanente du
couple. Mais le groupe est là qui rappelle, ravive cette identité
religieuse de façon périodique et profonde
»88.
114. L'enjeu de l'éducation de l'enfant prend de
l'ampleur pour devenir, avant tout, un enjeu social. Pour ne citer que les
difficultés les plus fréquentes, seront présentées
la problématique du prénom de l'enfant (intimement liée
à celle de sa langue) (A) puis celle de sa religion (B).
A - Le prénom et la langue
115. Ces choix se font surtout en fonction des projets plus
ou moins inconscients d'insertion ou de réinsertion du couple dans l'un
ou l'autre pays. Derrière ce simple prénom et la langue de
l'enfant se profilent les choix de vie que les époux vont être
amenés à préciser et qui les engageront plus encore.
116. Le choix du prénom revêt une certaine
complexité et engage un certain dialogue entre les conjoints.
Derrière la recherche du prénom, c'est bien l'identité de
l'enfant à naître qui commence à devenir une
préoccupation pour les parents, les grands parents et tout l'entourage
familial. C'est pourquoi ce choix n'en sera pas réellement un. L'enfant
ne portera pas véritablement le prénom que ses parents auraient
trouvé à leur goût. Afin de prévenir les
éventuels désaccords des familles respectives, le couple mixte
choisira des prénoms « passe partout ». Pour le couple
Franco-Maghrébin, ce sera « Hana » (ou « Anna »),
« Heddi » (ou « Eddy ») ou encore « Mariem » (ou
« My-
87A. Barbara, préc., page 188. 88 A. Barbara,
préc., page 258.
35
riam »).
117. G. Varro, dans son ouvrage sur les couples mixtes en
France et en Allemagne, pointe du doigts les difficultés liées
à la langue de l'enfant : « Pour le choix des langues, les
couples disposaient d'une solution théoriquement évidente : le
bilinguisme. Mais dans la pratique, il apparaît que l'application de la
politique familiale nécessaire pour qu'il se réalise n'est pas si
aisée : les différences des pratiques linguistiques
attestées tiennent à des raisons aussi bien matérielles
(absence ou présence des langues dans les écoles secondant
l'apprentissage de la langue étrangère en famille), que
personnelles (attitudes envers les langues, qui ont leurs racines dans
l'histoire de chaque individu ) »89.
118. Cette difficulté de transmission de la langue
à l'enfant peut rapidement devenir vexatoire pour le parent
étranger, qui en connaît tout l'enjeu. Les parents savent bien que
l'enfant appartiendra à la culture de la langue qu'il parlera
couramment. En effet, la langue n'est pas seulement un code social de
communication, mais tout un ensemble complexe affectif, conceptuel, politique,
qui engage l'individu qui parle. Comme l'écrivait Sartre, l'enfant est
« agi par les mots » qu'il prononce, en ce sens, par les mots, il
établit des rapports aux choses, aux événements et aux
situations90.
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