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L'administration coloniale allemande et les pouvoirs politiques traditionnels Duala et Bamun (1884-1916): une analyse de l'histoire politique du Cameroun


par Winnie Patricia Etonde Njayou
Université de Douala - Doctorat 2023
  

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PARAGRAPHE I :LA QUESTION FONCIÈREOUL'EXPROPRIATION DES TERRAINS

La propriété foncière579(*) est un type de propriété qui concerne les biens immobiliers au sens juridique, c'est-à-dire « qu'on ne peut déplacer », ce qui inclut les terrains bâtis ou non bâtis, les bâtiments et les meubles incorporés au bâti580(*).

Et à ce titre, un régime foncier581(*) est le régime juridique ou coutumier qui définit les relations d'appartenance d'une terre et ses ressources par rapport à un individu ou à un groupe. Il détermine qui peut utiliser la terre, pour combien de temps et dans quelles conditions.Leur usage peut être fondé tant sur des lois et des politiques officielles que sur des coutumes informelles582(*).

Mais concernant les terrains des chefs Duala, peut-on parler d'expropriation ou plutôt de confiscation583(*) voire de dépossession584(*) ? En droit, l'expropriation585(*) est une opération tendant à priver, contre son gré, un propriétaire foncier de sa propriété. De nos jours, ce terme désigne le plus souvent une expropriation pour cause d'utilité publique. Concernant la confiscation, on peut la définir comme une sanction décidée par une autorité qui s'approprie les biens d'une personne ou d'une entreprise sans contrepartie. La confiscation se différencie des autres formes de dépossession, comme l'expropriation ou la saisie, par son objectif de sanction. Elle se différencie aussi de l'amende qui doit être payée sous forme d'une somme d'argent alors que la confiscation touche un ou plusieurs biens particuliers.

Quant à la dépossession, c'est une action qui consiste à priver quelqu'un d'un bien586(*)par un moyen coercitif, illégalement, ou injustement. La dépossession peut également, dans une certaine mesure être volontaire587(*)588(*). De manière générale, la dépossession implique un mode de transfert de propriété ou de valeur d'usage ou de service, qui s'oppose au partage d'un bien commun, à l'échange, au don ou à l'acquisition. La dépossession sous-entend que l'on dépossède autrui ou une personne ou une entité en particulier. Elle passe par l'appropriation d'un territoire, de ressources naturelles, d'un bien, d'un service, d'une information589(*).

La dépossession peut concerner un patrimoine immatériel tel que l'histoire ou la langue d'un groupe humain, ainsi privé de ses racines, phénomène fréquent dans les stratégies de conquêtes territoriales590(*) ou encore le patrimoine alimentaire591(*), en Afrique notamment592(*).

Au vu des précédentes définitions, on peut dire qu'on remarque non seulement une expropriation des terrains mais aussi une dépossession matérielle et immatérielle593(*) qui concerne également le fait pour les populations autochtones de perdre leurs racines, leurs traditions, leurs coutumes.

En d'autres termes, les Duala ne perdaient pas seulement leurs habitations mais aussi leurs habitudes culturelles, communautaires, quotidiennes(A-) mais vont se voir placés dans des quartiers dits indigènes tandis que les Européens seront logés dans des quartiers dits blancs (B-).On assistera donc aux revendications des chefs Duala suite au non-respect des clauses des traités Germano-Duala(C-).

A. LES TERRAINS OCCUPÉS PAR LES MISSIONNAIRES ET LES AGENTS COLONIAUX

Dans la suite de notre étude, nous évoquerons les dispositions de l'administration coloniale allemande concernant le plan d'expropriation de la ville de Douala(1-) qui iront à l'encontre des droits inaliénables des chefs Duala(2-).

Partant de là, l'opposition la plus vive à la domination coloniale allemande au Cameroun vint des Duala. La résistance Duala face au pouvoir colonial résida dans les causes suivantes :

1) LesAllemands éveillèrent l'hostilité des duala en leur imposant plusieurs impôts parmi lesquels : l'impôt de capitation de 1903 qui fut remplacé en 1908 par la taxe sur la hutte. L'impôt de capitation fut à nouveau réintroduit en 1911.

2) Les Duala refusèrent d'être utilisés en tant que porteurs.

3) LesAllemands abrogèrent le monopole d'intermédiaire dont les Douala jouissaient depuis l'époque anglaise.

4) La décision allemande de procéder à l'expropriation des terrains duala. Cette décision réunit l'ensemble des Duala contre l'administration coloniale allemande.

Selon les Duala, le traité Germano-Duala de juillet 1884 ne conférait pas aux Allemands le droit exclusif de possession de terrains. Toutefois, en 1888, VON SODEN fut désigné pour déterminer les conditions dans lesquelles les Européens pouvaient acquérir des terrains.

1. Les dispositions de l'administration coloniale allemande : les contours pratiques du plan d'expropriation de la ville de Douala

En juin 1896, un DécretImpérialdéfinit toutes les terres inoccupées comme appartenant à la Couronne. Les Duala considérèrent cette démarche comme contraire au traité Germano-Duala du 12 juillet 1884. En 1902, des commissions foncières furent constituées pour déterminer les besoins des autochtones en terrains et pour ériger des bornes entre les terrains appartenant aux populations indigènes.

Cette mesure permit aux Allemands d'occuper tous les terrains inoccupés, et provoqua la colère des populations indigènes duala en décidant de dresser un plan pour l'expropriation de leurs terres.

Le Gouverneur SEITZ fut soutenu dans son plan d'expropriation par le chef du district de Douala, RÖHM. Selon le plan d'expropriation de 1910 :

1) Les Duala recevaient 40 Pfennigs par m² à titre de compensation ;

2) L'administration coloniale deviendrait le propriétaire des terres de Douala dans un délai de cinq ans ;

3) En plus de la compensation (très mince) les indigènes devaient aussi être dédommagés pour leurs huttes ou pour leurs maisons ;

4) Les indigènes seraient réinstallés hors de la ville de Douala à une certaine distance du fleuve Cameroun et séparés des Européens par une bande de terre dans un rayon d'un kilomètre ;

5) La ville serait réservée aux Européens ;

6) La cohabitation entre les Européens et les indigènes devait être supprimée594(*).

La décision d'exproprier les terres Duala s'appuyait sur des motivations raciales, économiques et sanitaires. D'un point de vue racial, les colonisateurs allemands soutenaient la ségrégation. Ils craignaient que la cohabitation n'amène les indigènes à demander l'égalité sociale et politique.

Sur le plan économique, les autorités coloniales allemandes voulaient empêcher les Dualade profiter de la vente de leurs terrains par spéculation. En ce qui concernait les raisons de santé, le médecin-chef de l'administration coloniale, le Dr. ZIEMANN craignait que la cohabitation entre la population indigène et les Européens fût préjudiciable aux derniers.

Selon lui, 72 % des indigènes souffraient de la malaria. Le médecin-chef soutenait que seule l'expropriation des terres duala et la réinstallation des indigènes dans un endroit plus éloigné protégeraient les Européens du fléau. Cependant, le monopole d'intermédiaire dont les Duala jouissaient dans le commerce côtier ayant été brisé, la plupart des indigènes avaient abandonné le commerce et considéraient les terrains comme leur principale source d'existence. Toute mesure d'expropriation risquait de conduire à la violence. En dépit de l'opposition de nombreux Européens et de sociétés missionnaires basées à Douala au plan d'expropriation, l'administration coloniale refusa d'y surseoir.

En novembre 1911, les Duala envoyèrent une protestation au Reichstag qui malheureusement n'aboutit à aucune réaction favorable du Gouvernementallemand.

* 579 « Propriété foncière (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 22 février 2021.

* 580 DICTIONNAIRE DE FRANÇAIS LAROUSSE, Éditions Larousse, « Définitions : foncier ». Article publié sur le site www.larousse.fr et consulté le 16 mai 2020.

· E. LE ROY, La terre de l'autre. Une anthropologie des régimes d'appropriation foncière, Paris, France : LGDJ : Lextenso éd., DL 2011.

· P. GOULOMB, De la terre à l'état : Éléments pour un cours de politique agricole, ENGREF, INRA-ESR Laboratoire d'Économie des Transitions -Montpellier, France, 1994, 47 pages.

· A. GALHANO & J. PEDRO, The artificial simulacrum world. The geopolitical elimination of communitary land use and its effects on our present global condition, Eloquent Books - New York, USA - 2009, p.71.

* 581 « Régime foncier (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 22 février 2021.

* 582 Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, « Le régime foncier et le développement rural», Rome, 2003 (ISBN 92-5-204846-4 et 978-92-5-204846-6, OCLC 53854643, présentation en ligne, lire en ligne), chap. 3 (« Qu'est-ce-qu'un régime foncier »). FAO, « Gouvernance foncière. Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture », article publié sur le site www.fao.orget consulté le 9 décembre 2019.

* 583 « Confiscation (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 22 février 2021.

* 584« Dépossession (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 22 février 2021.

* 585« Expropriation (n.d.) ». Article publié sur le site www.wikipédia.fr et consulté le 22 février 2021.

* 586 Bien privé, bien public ou bien commun.

* 587 Chez certains religieux et chez les ascètes et mystiques se dépossédant de biens matériels dans le cadre d'un voeu de pauvreté par exemple.

* 588 D. VIDAL, Critique de la raison mystique : Benoit de Canfield : possession et dépossession au XVIIe siècle, Vol.1, Éditions Jérôme Million, 1990. E. ESCOUBAS, « Ascétisme stoïcien et ascétisme épicurien », in Les Études philosophiques, 22 (2), 1967, pp. 163-172.

* 589 Génétique dans le cas de l'appropriation du génome d'espèces vivantes.

* 590 B. CHEVIT, « Politique linguistique : un processus de dépossession », in Les Cahiers de l'Orient, 3ème trimestre, 1994, 35, 142f.

* 591 Quand les cultures de rente destinées à l'exportation remplacent les cultures vivrières qui nourrissaient la population.

* 592 P. PILON, « Processus de dépossession et mise en forme de la question alimentaire sénégalaise sous hégémonie néolibérale », in La Faim par le marché : aspects sénégalais de la mondialisation, L'Harmattan, 2012, pp. 113-158. Questions contemporaines. Série Globalisation et Sciences Sociales.

* 593 Patrimoine culturel.

* 594 A. RUGER, « Le Mouvement de Résistance de Rudolf Manga Bell au Cameroun », in Prince KUM'A NDUMBE III, L'Afrique et l'Allemagne de la Colonisation à la Coopération (1884-1896) : Le Cas du Cameroun, 1986, pp. 148-149.

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