I.3.6. Crise centrafricaine et arrivée massive des
éleveurs mbororo
Les Mbororo de la République Centrafricaine sont
très souvent victimes des crises successives que connaît ce pays.
Éleveurs et gardiens de bétail dont ils ne sont souvent
même pas les propriétaires, ils sont depuis plusieurs
années, à chaque changement de régime, victimes de
représailles : le nouveau les accusant d'être à la solde du
précédent. Par exemple, lorsque Monsieur Ange Félix
Patassé arrive au pouvoir en 1993, son entourage et les membres de la
garde présidentielle arrêtent et rackettent les éleveurs
mbororo en les accusant d'être les gardiens du bétail et les
partisans de son prédécesseur André Kolingba.
Plus tard, après la chute du président
Patassé, les membres de la garde rapprochée de son tombeur,
François Bozizé, ont également arrêté
arbitrairement et rançonné cette communauté, les accusant
d'être des coupeurs de route et des partisans du président Ange
Félix Patassé. En 2013, après que quelques groupes peuhls
centrafricains aient rejoint la Séléka, toute la
communauté a été stigmatisée par le régime
de Monsieur Bozizé qui a ensuite mené des représailles
contre eux.
48
Après son coup de force, la Séléka a
accusés les éleveurs mbororo d'être les complices et
gardiens de bétail des figures de l'ancien régime. C'est ainsi
que depuis 2013, ils sont victimes de meurtres et de rackets. Sous la
Séléka, les éleveurs peuhls se sont vus imposer « un
droit de pâturage » illégal variant de 500 000 à 10
000 000 de FCFA par famille en fonction de la taille du bétail. Cette
rançon était dix fois plus élevée que celle qui
leur était imposée sous le régime de François
Bozizé. Ce sont maintenant les anti-Balaka également, qui tuent,
torturent, violent et massacrent les Peulhs Bororo du fait de leur appartenance
religieuse musulmane et en les accusant d'être de connivence avec les
Sélékas. Toutes ces exécutions et violations des droits
des Peulhs ont entraîné des déplacements massifs des
populations à l'extérieur du pays où la situation est loin
d'être favorable.
Avant la crise actuelle, les conflits opposant les
transhumants aux populations locales étaient essentiellement liés
aux ressources et les agriculteurs vivaient en relative harmonie avec les
éleveurs peuls centrafricains. Alors que ces mouvements transfrontaliers
existent depuis longtemps, l'éclatement des couloirs traditionnels, la
modification des itinéraires de transhumance, l'évolution de
l'armement de certains transhumants et l'amplification du
phénomène des coupeurs de route nommés « zaraguinas
», ont favorisé l'émergence de conflits violents.
Depuis 2008, la violence a pris des proportions alarmantes et
entrainé l'exode de nombreux Centrafricains qui ont fui leurs villages
et trouvé refuge dans des camps de déplacés à l'Est
et au Nord-Cameroun après que leurs villages ont été
brûlés. Face au chaos dans lequel est actuellement plongée
la Centrafrique, ces conflits localisés sont relégués au
second plan (International crisis group, 2014).
Depuis 2008, les Mbororo réfugiés au Cameroun
envoient des éclaireurs qui, régulièrement, rendent compte
des conditions de sécurité. Ils scrutent plus encore l'entourage
du pouvoir à Bangui qui, sous François Bozizé, ne leur a
pas été favorable et guère plus en 2013 sous Michel
Djotodia. Toutefois, ce qui semble aujourd'hui le plus flagrant à leurs
yeux, c'est leur dépossession des pâturages par des
éleveurs venus du Tchad. Aussi, les réfugiés du Cameroun
accusent-ils maintenant moins le gouvernement de Bangui de les avoir
chassés de Centrafrique que les Mbororo à la
49
fois « tchadiens » et zaraguinas d'avoir conduit de
longue main un projet politique visant à les expulser de leur paradis
pastoral (Chauvin et Seignobos, 2013).
Les différents phénomènes
d'insécuritéì transfrontalière ont eu
pour conséquence l'exode de près de 50 000 éleveurs
mbororo de la RCA vers le Cameroun et leur réinstallation dans des
campements avec l'appui des États et des organisations internationales
notamment le HCR22 (Musila, 2012). L'arrivée de ces
éleveurs avec leurs animaux ajoute à la saturation et à la
pression sur les espaces de pâturage. Ces déplacements concourent
également à la multiplication des conflits du fait des
dégâts champêtres et de la compétition pour
l'accès aux parcours.
|