Mélissa LAMY - Mémoire DU droit de l'environnement
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Partie 2. Surfer sur l'éclosion des
Possibilités : La
Responsabilisation RSO comme Sprint Vers la
Durabilité ; l'Influence comme foils des futures
réglementations.
Il s'agira à présent de se détourner des
eaux troubles pour embrasser la puissance des vagues de l'innovation, laquelle
peut trouver sa source dans la responsabilisation sociétale (A).
Enfin, comme disait Mark Twain « ils ne savaient pas que
c'était impossible, alors ils l'ont fait », il est également
possible pour ces acteurs de dompter les vents et les courants les plus
capricieux et d'influencer les flots juridiques futurs (B).
A. Prendre la vague de l'innovation : La RSO, une
stratégie gagnante pour se démarquer
La Responsabilité Sociale des Organisations (RSO),
émergeant de l'évolution de la Responsabilité Sociale des
Entreprises (RSE), représente un concept dont l'histoire remonte au
XVIIIe siècle ; laquelle a connu une transformation significative.
En effet, les prémisses de la RSO prennent racine dans
des événements historiques tels que le boycott par des
consommateurs anglais du sucre de canne des Caraïbes, produit grâce
à l'esclavage, et les premières lois régulant le travail
industriel au XIXe siècle en Europe. Cette maturation se poursuit
après la Première Guerre mondiale avec la création de
l'Organisation Internationale du Travail (OIT), qui avait pour objectif de
mettre en place des normes internationales du travail en faveur de la justice
sociale.
Le concept de responsabilité, tel que nous le
comprenons aujourd'hui, émerge aux États-Unis dans les
années 1950, grâce à l'ouvrage d'Howard Bowen, "Social
responsibility of the businessman," qui interroge la place de l'entreprise dans
la société par rapport à la liberté d'entreprendre.
Les années 1970 marquent une prise de conscience accrue de l'impact des
firmes multinationales,
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conduisant à des initiatives non contraignantes pour
encadrer leur action, telles que la création du Centre des Nations Unies
pour les Sociétés Transnationales en 1974 et l'adoption des
Principes Directeurs de l'OCDE en 1976.
La définition de la RSE se précise au
début des années 2000 grâce à la Commission
Européenne, qui la définira en 2001 comme un engagement
volontaire des entreprises dépassant les obligations juridiques pour
investir davantage dans le capital humain, l'environnement et les relations
avec les parties prenantes. La notion évolue en 2010 avec les travaux de
John Ruggie et le rapport "protect, respect, remedy" qui
mettent en avant les responsabilités conjointes de l'État, de
l'entreprise, et des citoyens. Cette approche conduit à l'adoption de
nouveaux textes en 2011, à la fois au niveau européen et mondial,
et élargit le concept en celui de "Responsabilité
Sociétale des Organisations" (RSO), incluant les aspects
environnementaux, éthiques, et les relations avec les parties prenantes.
Ainsi, la RSO est désormais une approche globale exigeant une attention
accrue aux conséquences des actions collectives sur l'environnement
social et naturel, et à leur contribution au bien-être. Cette
transformation reflète la prise de conscience croissante de
l'interconnexion entre les entreprises, la société et
l'environnement, mettant en lumière la nécessité d'une
gestion plus responsable et inclusive de toutes les formes d'organisations. Vue
sous un angle managérial, elle représente les modalités de
réponse de l'organisation aux interpellations sociétales, en
développant des stratégies, des dispositifs de management, de
conduite du changement, ainsi que des méthodes de pilotage, de
contrôle, d'évaluation, et de reddition.
Comme nous l'avons examiné précédemment,
la RSO est née d'une aspiration à dépasser les obligations
légales contraignantes. Malgré tout, actuellement en Europe, son
enracinement demeure grandement influencé par la "hard law",
c'est-à-dire les règles de droit obligatoires. Cependant, nous
les avons déjà examinées dans la première partie de
notre étude. Par conséquent, notre attention se portera
désormais sur les sources "informelles", telles que la soft law
incarnée par les normes et les labels (1/), l'influence et les attentes
des sportifs (2/).
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1/ Le rôle crucial des normes et des
labels.
Les normes, à 95% volontaires, deviennent obligatoires
lorsqu'elles sont citées dans un texte contraignant (règlement
européen par exemple). Initiées par les acteurs du marché,
elles représentent un cadre de référence visant à
fournir des directives et des prescriptions techniques ou qualitatives pour des
produits, services, ou pratiques, dans l'intérêt
général. En tant que cadre de référence, elle offre
donc des lignes directrices pour améliorer les pratiques et promouvoir
des comportements responsables. Elle résulte d'une co-production
consensuelle entre les professionnels et les utilisateurs engagés dans
son élaboration. Ce processus participatif garantit une norme pertinente
et adaptée aux besoins du secteur concerné. Il est important de
noter que l'adhésion à une norme volontaire est laissée
à la discrétion des organisations.68
Un label et notamment RSE est défini quant à
lui comme une attestation de garantie octroyée par une tierce partie,
qui caractérise la démarche RSE/RSO mise en oeuvre par une
entreprise, conformément aux lignes directrices de la norme ISO
26000.
La norme ISO 26000 incarne le premier
standard international en matière de RSE, proposant des directives
essentielles pour orienter et conduire une stratégie.
Édité en 2010 après cinq années de collaboration
impliquant 99 pays, ce document normatif majeur est le fruit d'un processus
exhaustif. En 2020, cette norme a fait l'objet d'une révision
significative pour demeurer en phase avec les évolutions contemporaines.
l'ISO 26000 s'adresse à tous ceux qui reconnaissent que l'adoption d'un
comportement socialement responsable et respectueux de l'environnement
constitue un pilier fondamental de la réussite. Elle sert
également de référence pour évaluer l'engagement
des organisations envers le développement durable et apprécier
leur performance globale en matière de RSO.
D'ailleurs, quelle est donc la différence entre
développement durable et RSO ? Il est essentiel de le
préciser.
«Selon l'ADEME, le développement durable est
« un mode de développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs. »
68 Définition de l'AFNOR :
https://www.afnor.org/normes/normes-definition/
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D'après les définitions des deux notions, on
remarque que ces deux concepts sont assez similaires. Néanmoins, on peut
dire que la RSO est une déclinaison du développement durable en
entreprise sur une base volontaire. Autrement dit, la RSO est l'application du
développement durable dans une entreprise.»69
a. L'encadrement des organisations
Les certifications et labels tels que B Corp, Lucie
26 000, et EcoVadis se dressent en piliers majeurs pour les
organisations. Leur reconnaissance repose sur la garantie qu'ils offrent
concernant le respect de l'environnement et de la santé à travers
l'intégralité du cycle d'activité d'une entreprise. Leur
obtention procure un avantage concurrentiel indéniable.
Cette «étiquette» facilite ainsi
l'acquisition de parts de marché. Les performances environnementales,
sociales, éthiques mises en avant dans les stratégies
commerciales et de communication s'érigent aussi en un facteur
décisif pour la distinction et la compétitivité. Celles-ci
sont également source de fierté pour les employés
contribuant à la diffusion de valeurs telles que la
sobriété, le respect des communautés, l'inclusion,
l'équité, la redistribution équitable de la valeur
économique créée etc.. Cela permet de fidéliser ses
collaborateurs et en outre de faciliter le recrutement.
Des recherches ont d'ailleurs montré que les
entreprises certifiées ISO 14001 constatent en moyenne une augmentation
de 16 % de la productivité de leurs salariés par rapport aux
sociétés non-certifiées.70
L'approche de la labellisation ou de la certification
environnementale permet à l'entreprise de se saisir concrètement
de son impact sociétal. Des aspects tels que la gestion des
consommations d'énergie, des fluides, des déchets et des
politiques d'achat se révèlent être autant de leviers pour
rationaliser les dépenses tout en améliorant la
sobriété environnementale par exemple. L'adoption d'un
système de management responsable, validé par un label ou une
certification, renforce la maîtrise des coûts et des risques, tout
en préparant l'entreprise aux évolutions de la
réglementation environnementale.
Le mouvement B Corp (ou B Corporation)
à l'origine du label B Corp est né en 2006 aux
Etats-Unis à l'initiative de trois entrepreneurs : Bart Houlahan, Jay
69
https://www.hellocarbo.com/blog/communaute/label-rse/
70
https://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/transition-ecologique/valoriser-engagement/pourquoi-label-ou-certification-ec
ologique
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Coen Gilbert et Andrew Kassoy. Historiquement, il est le plus
ancien «ayant fait ses preuves.
Il se démarque en évaluant globalement les
performances sociales et environnementales d'une entreprise grâce
à l'évaluation B Impact. Celle-ci analyse l'impact des
activités et du modèle économique de l'entreprise sur les
employés, la communauté, l'environnement, les clients et la
gouvernance. La certification B Corp confirme le respect des normes les plus
rigoureuses en termes de performance vérifiée. Elle favorise
également la création d'un réseau d'entreprises
engagées, encourageant la collaboration, la convergence et les
échanges pour une progression collective, contribuant ainsi à la
transformation des marchés actuels.
Il s'inspire de la norme ISO 26 000 mais pas exclusivement,
il croise les exigences issues de cette norme avec les bonnes pratiques de ses
membres, les besoins des marchés, les analyses sectorielles,
scientifiques pour définir ses exigences et les améliorer
continuellement.
Rip Curl, Katmandou sont par exemple des
équipementiers labellisés B Corp.
Aujourd'hui 6 000 entreprises à travers le
monde sont labellisées dont une dizaine dans l'industrie du
sport.71
Dans la même veine, le label Lucie 26 000
largement inspiré de l'application de la norme ISO 26 000, il
s'inscrit dans une philosophie assez similaire à B Corp sans être
pour autant identique.
En parallèle, la certification EcoVadis
permet aux entreprises d'évaluer leur impact environnemental,
social et éthique, en conformité avec les grands principes de la
RSO.
Une certification se différencie de la labellisation.
Une certification, accréditée par l'État, atteste
de la conformité de l'entreprise à des normes spécifiques
émises par un organisme public tel qu'ISO. En revanche, un label est une
reconnaissance apposée par un acteur privé ou public, telle
qu'une association ou un syndicat professionnel.
Selon les chiffres de 2022, environ 750 multinationales,
représentant plus de 47 000 professionnels des achats et de la RSE, ont
choisi EcoVadis pour évaluer et surveiller leur base de fournisseurs
à l'échelle mondiale ou certains de leurs partenaires
commerciaux. À ce jour, la base de données d'EcoVadis compte
plus
71
https://www.filieresport.com/les-actualites/2023-03-13/rip-curl-entre-dans-le-club-des-certifies-b-corp
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de 90 000 entreprises évaluées, réparties
dans 175 pays et relevant de 200 secteurs d'activité.72
Enfin, nous pouvons également trouver sur le
marché des organisations accréditées norme ISO
14001, en tant que référence nationale, garantit que
l'entreprise a instauré un Système de Management Environnemental
(SME) dans une perspective d'amélioration continue.
Lorsqu'il s'agit d'adopter une approche globale RSO, il est
important de noter que plusieurs labels, certifications et
accréditations peuvent coexister au sein d'une même
structure.
En effet, ils se déclinent à
différentes échelles. Pour mieux comprendre cette
dynamique, abordons brièvement ceux inhérents aux produits et aux
services par exemple.
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