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Rapport de projet d'intervention - prévention des syndromes coronariens aigus chez les immigrants non européens du Québec à¢gés de 20 ans et plus


par Ghislain Muzinga Kasenda
Université Laval - M.Sc. Santé publique 2024
  

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5.4.1. Guide alimentaire canadien

Le guide alimentaire canadien est l'un des principaux outils utilisés par les nutritionnistes communautaires pour promouvoir les saines habitudes alimentaires auprès des familles immigrantes et aussi pour faire de l'éducation nutritionnelle auprès de ces familles. Du point de vue de certains nutritionnistes, le guide constitue un outil universel et accessible à tout le monde, quoi qu'il ne soit pas toujours adapté à la réalité et aux besoins des personnes immigrantes et de leurs familles : « Il y a évidemment Santé Canada qui a mis

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au point le guide alimentaire canadien, qui est l'une des stratégies de promotion des saines habitudes alimentaires. C'est un outil qu'on utilise quand même dans notre travail qui n'est pas toujours parfaitement adapté à la réalité de nos familles. Donc des fois on l'utilise des fois non, mais c'est quand même un outil qui se veut universel et quand même accessible à tous (entrevue 2, 26 juin 2023) ». Selon de nombreux nutritionnistes interviewés, le guide alimentaire canadien est accessible puisqu'il est traduit en différentes langues : « avec les guides, ils l'ont traduit en plusieurs langues, fait que c'est disponible mais ce n'est pas disponible c'est sûr, en toutes les langues non plus (entrevue 5, 4 juillet 2023) ». Cependant, il n'est ni inclusif, moins encore adapté aux besoins ethnoculturels et aux différentes classes socio-économiques. Le guide n'est pas inclusif dans la mesure où le modèle de l'assiette qui y est présenté n'est pas représentatif des pratiques alimentaires ou de la façon de manger d'une bonne proportion de personnes appartenant aux communautés ethnoculturelles. Par exemple, plusieurs familles immigrantes d'Afrique de l'Ouest ne mangent pas dans une assiette, mais plutôt dans un bol. De plus, les légumes ne sont pas consommés tel que présenté dans le guide, mais plutôt souvent intégrés dans une sauce.

Non, je pense qu'il ne l'est vraiment pas. Un, il n'est pas inclusif, je veux dire ça. On oublie toute une couche de la société qui mange pas dans une assiette. Je veux dire, moi je ne mange pas tous mes repas dans une assiette, soit des petites assiettes à partager ou une grosse assiette. Il y a des gens qui mangent donc un bol déjà à la base, ce n'est pas une assiette, c'est un petit peu, ça te dit qu'il faut que tu prennes ton assiette et tu mets des petits légumes et des féculents, ensuite, c'est pas comme ça que les gens, beaucoup de personnes mangent parce que les légumes sont intégrés dans une sauce, les gens mangent en mijoté ou en sauce, surtout les gens qui sont pas québécois de souche. Non y a toute une approche derrière, à revoir. Il y a tout un... puis c'est sûr qu'on peut pas représenter tout le monde, mais en faisant un effort d'inclure plus qu'un modèle où d'avoir un modèle plus inclusif. Peut-être que tu ne vas pas représenter la personne qui habite une certaine culture d'Algérie, qui est vraiment très minoritaire. Mais elle va voir que y a plus qu'un modèle possible et elle fera l'effort d'adapter son alimentation. Mais quand tu vois une assiette avec des petites salades, des petites laitues, ta petite tomate et ton petit riz, ton petit morceau de saumon. C'est tellement loin de ce que la majorité des personnes mangent, que c'est comme je ne veux même pas essayer. C'est comme loin, c'est ailleurs (entrevue 4, 3 juillet 2023).

L'assiette du guide est très occidentale et ne présente pas la diversité culturelle des cuisines qu'on pourrait retrouver au Québec et au Canada, ce qui fait que plusieurs

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personnes immigrantes pourraient ne pas se reconnaître à travers le guide alimentaire canadien tel qu'il existe présentement. Sur le plan socio-économique, l'assiette du guide n'est pas non plus représentative des différentes classes socio-économiques pouvant exister au Québec. Par exemple, dans le nouveau guide, les fruits et légumes illustrés dans l'assiette sont frais, alors que de nombreuses familles à faible revenu vont consommer davantage des fruits et légumes surgelés et en conserve, étant donné qu'ils sont plus économiques et donc financièrement plus abordables.

Euh enfin moi la problématique que je vois, c'est toujours comme l'adaptation culturelle. T'sais le guide alimentaire canadien, c'est une façon de promouvoir. Mais encore une fois, quand je le regarde, je vois des problématiques côté culturel. Et justement, beaucoup de gens comme qui viennent de différents pays ne vont pas se reconnaître à travers ces guides-là... Je trouve que le guide alimentaire canadien, le nouveau, il y a beaucoup de choses qui sont mieux par rapport à l'ancien...Mais une des grosses lacunes, c'est sûr, c'est au niveau de l'adaptation pour les différentes cultures. Euh. Premièrement, pas uniquement pour les différentes cultures, mais je dirais même pour les différents niveaux socio-économiques par exemple quand tu regardes l'assiette, déjà les fruits et légumes ont l'air frais. Tu sais, dans l'ancien guide, il y avait par exemple la représentation des légumes en conserve et des légumes congelés. Et ça aurait été bien que ça soit comme clairement mieux aussi dans l'assiette parce que justement, ça c'est une façon des fois d'aller chercher les légumes de façon plus accessible, soit au niveau des sous.... Et juste quand tu regardes les guides, il n'y a pas quelque chose qui est très culturel là-dedans et oui c'est correct de montrer les fruits et légumes d'ici. Mais même quand tu regardes l'assiette...tu vas voir beaucoup les fruits et légumes crus... les gens qui viennent me voir, ils sont surpris de savoir que les légumes cuits ça va être bon aussi pour leur santé. Puis euh, ce qu'on projette c'est la salade, c'est les crudités et ça peut être un bloqueur parce que ben les gens ne sont pas forcément habitués à manger la salade, les crudités...bref quand tu regardes ce guide, ça représente pas nécessairement ton assiette (entrevue 5, 4 juillet).

5.4.2. Quelques programmes communautaires existants et les recommandations de santé publique

Quelques initiatives intéressantes mises sur pied dans différentes villes de la province et visant la promotion de la saine alimentation ont été mentionnées par les participants au projet, entre autres, le Programme Olo, le Programme Carte Proximité, les Jardins collectifs, RécupérAction alimentaire de Charlesbourg ou encore Concert'Action AlimenTerre Charlesbourg.

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Plusieurs participants ont parlé du Programme Olo qui est un programme national mis sur pied par la Fondation Olo et qui offre gratuitement aux femmes enceintes à faible revenu un suivi et des conseils nutritionnels personnalisés et adaptés aux besoins de la femme enceinte et de son bébé, pendant et après la naissance, et ce jusqu'à l'âge de 2 ans. Les participants y réfèrent plusieurs de leurs clientes immigrantes à ce programme. Des suppléments alimentaires, dont les multivitamines, sont aussi régulièrement distribués gratuitement aux familles par des intervenants du programme : « Ben c'est sûr qu'il y a des programmes comme le programme Olo, la Fondation Olo soutient beaucoup les familles durant la grossesse et après la grossesse, donc quand l'enfant est né jusqu'à l'âge de 2 ans (entrevue 2, 26 juin 2023) ». La Fondation Olo a développé en partenariat avec le Dispensaire diététique de Montréal, le Guide des habitudes alimentaires des communautés culturelles `'Découvrir le monde et ses diverses saveurs» qui est un outil complet de promotion des saines habitudes alimentaires adapté à la diversité culturelle des cuisines de 11 régions du monde et destiné aux intervenants et professionnels de la nutrition oeuvrant auprès des communautés ethnoculturelles : « Donc il y a ça. Ensuite, il y a un guide qu'on a développé qui s'appelle découvrir le monde et ses diverses saveurs, je ne sais pas si t'as connu ça, il est bien. Il a été développé par le dispensaire et OLO (entrevue 4, 3 juillet 2023) ».

Un autre programme qui a été mentionné est le Programme Carte Proximité du Carrefour solidaire qui est un programme déployé chaque année à Montréal entre juillet et octobre et visant à améliorer l'accès aux aliments sains pour les personnes vivant en situation d'insécurité financière et soutenir les systèmes alimentaires locaux. Dans le cadre de ce programme, des coupons nourriciers dits `'nutri-dollars» sont distribués aux ménages pour leur permettre de se procurer diverses denrées notamment les fruits et légumes, les oeufs et les produits laitiers.

Dans la ville, il y a le projet de carte proximité, que j'ai personnellement entendu parler. bah c'est chaque été de juillet à octobre, ça fait trois ou quatre ans que le projet existe. Ils peuvent remettre jusqu'à 100$ par mois selon la grosseur de la famille et ils vont dans les marchés solidaires, les familles vont dans le marché solidaire avec la carte et ils peuvent acheter des aliments qui ont un genre de tampons spécial. Au début, c'était que des fruits et légumes. C'était pour faire connaître les produits locaux. Ça s'est maintenant agrandi un peu plus aux oeufs, au lait, aux produits laitiers. Donc c'est un projet de promotion des saines habitudes de vie (entrevue 4, 3 juillet 2023).

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Il y a aussi les jardins collectifs qui ont été mentionnés comme des initiatives pertinentes pouvant favoriser l'autonomie alimentaire des personnes à faible revenu et des nouveaux arrivants. Certains organismes à travers la province ont mis sur pied diverses initiatives relatives aux jardins collectifs, par exemple, le Carrefour alimentaire Centre Sud de Montréal qui a développé une serre collective et un marché public afin de lutter contre l'insécurité alimentaire chez les personnes à faible revenu. Toutefois, les participants mentionnent que l'accès à ces initiatives de jardins collectifs sont pour l'instant peu accessibles aux populations migrantes. Les populations migrantes connaissent très peu ces initiatives. Elles font également face à des difficultés pour participer à ces initiatives. De plus, le gouvernement, les municipalités et les organismes communautaires s'impliquent actuellement très peu dans ce type d'initiatives.

Moi, j'aime beaucoup par exemple l'idée du jardinage urbain ou des jardins collectifs pour augmenter l'autonomie alimentaire des personnes à faible revenu, des nouveaux arrivants, c'est encore très limité. L'accès à ces jardins là ce n'est pas toujours facile pour eux de 1 de savoir que ça existe, de 2 de pouvoir trouver comment rentrer dans ces groupes-là donc, mais je pense que ça serait quelque chose peut être à développer davantage, que ça soit soutenu par les villes, par le les différents paliers de gouvernement et les organismes communautaires pourraient s'impliquer. Mais moi, c'est une idée que je pense qu'il mériterait d'être explorée davantage. Il y a des organismes qui le font super bien. Là, le carrefour alimentaire Centre-Sud à Montréal réussit des choses incroyables avec différentes initiatives dont je pense qu'ils ont même une serre collective qui produit des denrées à l'année, ils ont un marché public aussi, ils ont beaucoup d'initiatives contre l'insécurité alimentaire pour les gens à faible revenu. Donc il y a de la place pour, disons, implanter des initiatives un petit peu partout (entrevue 2, 26 juin 2023).

Les participants au projet ont évoqué à maintes reprises la question du sous-financement, de la pérennisation et de la faible implication des instances gouvernementales dans les initiatives de promotion de la saine alimentation mises sur pied à travers la province. En effet, le manque de financement et la faible implication des acteurs politiques et communautaires dans ces programmes font que d'une part il devient difficile d'étendre les initiatives déployées et d'autre part d'assurer leur pérennisation.

Non, mais c'est d'avoir quelque chose de plus pérenne dans le temps, T'sais par exemple le projet en ce moment, Carte proximité c'est quatre mois, je veux dire quatre mois dans une année, tu ne sauves pas le monde

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que d'avoir quelque chose de plus régulier, de plus inclusif. Tu sais par exemple y a déjà eu des modèles mais qui n'ont pas perduré dans le temps comme de, de jardins collectifs. Des choses que les gens cultivent même participent à ça pour rendre ça plus pérenne dans le temps, mais toujours des manques de financement dans ce genre de projet là. Puis ça finit par mourir après quelque temps. Un projet de carte de proximité, c'est très cool, c'était très bien. Ensuite, c'est ça, ce n'est pas toute l'année donc c'est juste l'été donc après les gens se sont habitués à ça ou ont appris à adapter leur budget avec ce 100$ -là qui disparaît. Faut faire attention, t'sais toujours ça dans l'insécurité alimentaire, c'est qu'il faut faire attention de ne pas donner une béquille que tu vas enlever (entrevue 4, 3 juillet 2023).

Enfin, des lacunes en lien avec les recommandations de santé publique ont été mentionnées. Certains participants ont déclaré que la façon dont les recommandations de santé publique en lien avec l'alimentation sont émises ne permet pas de rejoindre la proportion de la population qui en a le plus besoin. En effet, les recommandations de santé publique semblent être accessibles aux personnes plus technophiles et possédant un niveau relativement bon de littératie. Ainsi, de nombreuses personnes avec un niveau de littératie plus faible, une charge mentale plus élevée due notamment à des contraintes socio-économiques ou encore moins technophiles sont moins touchées par ces recommandations. Les participants déplorent en outre le manque de communication entre la santé publique et les organismes.

C'est parce que j'ai fait un podcast avec quelqu'un où est-ce qu'on en parle juste de ça, de comment les recommandations de santé publique en général sont faites pour les personnes qui vont chercher l'information. C'est fait pour des personnes dans la trente-quarantaine, qui qui a une bonne littératie, qui ont la place pour la charge mentale, c'est que tout va bien dans leur vie, qui ont des grands-parents, des cousins, qui vont garder leurs enfants et donc eux vont aller sur Internet et chercher quelle est la meilleure façon de nourrir mon enfant. c'est pas fait pour la personne qui est monoparentale, pas d'argent, a trois enfants à sa charge, qui n'a pas le temps d'aller lire, qui n'a pas le temps de faire les recherches. Les recommandations ne sont pas faites pour aller rejoindre la partie de la société qui en a le plus besoin parce que c'est ces personnes-là qui ont le plus besoin. C'est eux qui sont isolés, c'est eux qui n'ont pas une amie qui va lui dire, tu sais, c'est pas comme ça qu'on prépare un biberon, tu sais, c'est pas bien de donner ça à son enfant. C'est tout une couche qui est isolée, à qui ces recommandations-là devraient le plus... c'est eux qu'on devrait faire un effort pour aller rejoindre, parce que la santé publique devrait rejoindre tout le monde, donc c'est ça (entrevue 4, 3 juillet 2023).

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