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Exploitation aurifère et développement local dans la sous-préfecture de Hiré (Côte d'Ivoire)


par Judith YOBO-GNAHOUA
Université Felix Houphouet Boigny - Doctorat 2019
  

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II.2.2. Importance de l'exploitation minière dans l'économie

Pour un pays en développement, disposer des ressources naturelles abondantes peut être un avantage mais peut aussi compliquer la tâche aux autorités en matière d'élaboration et de mise en oeuvre de la politique de dépense et de la politique fiscale. Les autorités des pays riches en ressources font donc face à plusieurs problèmes au nombre desquelles figurent l'épuisement et le non renouvèlement des ressources et des exportations qui en dépendent. Selon Daniel et al (2013), les coûts des matières premières exportées sont imprévisibles et les autorités devraient évaluer le nombre d'années durant lesquelles les ressources produiront des recettes. La situation actuelle des ressources naturelles est proche de celle du XIXème siècle abordée par W.S. Jevons (1845-1882). Selon lui, dans le cas des ressources épuisables, la notion de rente peut renvoyer à deux réalités distinctes. La première concerne la question de l'épuisement physique absolue des ressources : un jour viendra où les gisements seront totalement vides ou presque. La deuxième réalité concerne le processus d'épuisement des ressources sans considérer le moment où les ressources disparaitront effectivement.

II.2.3. Comparaison mine-agriculture

Comme mentionné par Sachs et Warner (1995), le minerai et le pétrole ont une haute rente alors que l'agriculture génère, en général, une rente plus faible. À cela Bulte et al. (2005) viennent apporter une nuance puisque, selon eux, seules les ressources extractibles (mine, pétrole) en un seul point seraient corrélées négativement à la qualité des institutions. Les ressources dont la distribution sur le territoire est diffuse (forêt, agriculture) ne seraient pas corrélées avec la qualité des institutions. Cette dernière affirmation est contredite par Lucas (2009) qui montre que l'agriculture a un impact négatif sur la croissance, car les individus travaillant en agriculture sont dispersés, ce qui nuit au transfert de connaissances.

Par ailleurs, un lien étroit est établi entre les ressources naturelles et les différents conflits sociopolitiques que connait la plupart des pays riches en la matière. Collier et Hoeffler (2005) prétendent que la rente des ressources naturelles provoque une augmentation des probabilités de conflits violents. Ces auteurs étudient le lien entre ressources naturelles et guerre civile. Ils

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estiment que la basse croissance offre un coût d'opportunité bas aux rébellions contre les mauvaises institutions et les régimes non démocratiques que l'abondance en ressources naturelles favorise. Cette relation expliquerait donc le désir de rébellion de la population.

En étudiant le lien entre démocratie et ressources naturelles, Ross (2001) traite du cas des pays pétroliers et réalise que le pétrole est plus dommageable économiquement dans les pays pauvres que dans les pays riches. Collier et Hoeffler (opc), ainsi que Auty (2000) corroborent cette relation négative entre démocratie et ressources naturelles. En outre, ils affirment que la combinaison de la présence de la démocratie et de la rente associée aux ressources a significativement nuit à la croissance des pays.

II.3. Les impacts de l'exploitation minière

II.3.1. Les impacts économiques de l'exploitation minière

L'installation d'une industrie extractive est un évènement majeur avec des impacts locaux et régionaux considérables sur l'économie, l'environnement et l'occupation spatiale.

L'activité minière (IDRM, 2013) est un facteur clé de la croissance économique mondiale, capable de générer un impact positif à long terme sur les vies, les sociétés et les nations. Les activités minières sont réputées plus rémunératrices que l'élevage et l'agriculture (Indring'i et Bamuhiga, 1997). C'est pourquoi elles suscitent tant d'intérêt dans les localités où elles sont pratiquées. Cet intérêt est manifesté aussi bien par les populations que par les états.

Au niveau des populations, l'exploitation minière (industrielle et artisanale) est créatrice d'emplois directs comme indirects. En effet, l'ouverture d'une mine crée des possibilités importantes d'emploi supplémentaire avec possibilité de revenus plus élevés que la plupart sinon tous les autres emplois de la région. Elle favorise également la formation de la main-d'oeuvre locale avec un effet d'osmose sur l'ensemble de la population locale ; et des investissements dans l'infrastructure, les biens et services publics de base tels que l'eau, les transports et l'énergie (Kunanayagam, 2000). Les exploitations industrielles selon Itard (2000), génèrent au niveau national quelques milliers d'emplois salariés, ce qui est loin d'être négligeable. Ces emplois, généralement correctement rémunérés et en grande partie localisés hors des principales agglomérations, ont un impact social important. Il y a donc des retombées indirectes sur les localités environnant les exploitations : développement du commerce mais aussi augmentation de la population avec les effets induits (cultures, bois de feu, chasse, etc.).

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L'activité minière peut aussi stimuler le développement des régions déprimées, améliorer la qualification professionnelle et technique des autochtones, et constituer un noyau de développement économique.

Selon Itard (2011), au niveau national, les revenus créés par le gouvernement sont les impôts provenant des exploitations minières qui représentent souvent une partie substantielle du revenu fiscal du gouvernement. Une exploitation minière réussie peut être un catalyseur pour un afflux subséquent d'investissements privés dans un pays ou une région qui offre un contexte encourageant caractérisé par un cadre de réglementations fiables. De même, outre l'impact direct d'une exploitation minière sur l'emploi, il y a un potentiel important d'activités économiques secondaires et parallèles, en particulier pour les petites et moyennes entreprises qui à leur tour créent des possibilités d'emploi pour les non mineurs des zones adjacentes. Bosson et Varon (1977) abordent dans le même sens quand ils affirment qu'un pays peut tirer des gains substantiels d'une industrie minière convenablement structurée et gérée. Le secteur minier peut apporter une contribution très importante des pays en développement en particulier comme c'est le cas pour quatre pays africains où le secteur compte pour plus de 30% du PIB. Pour Devey (1995), l'exploitation minière peut apporter une embellie économique comme c'est le cas en Mauritanie dont il cite l'exemple.

L'activité minière nourrit aussi les échanges extérieurs et procure un revenu supplémentaire sous la forme d'impôts et de redevances. A côté des redevances et des impôts que paient les sociétés minières, il y a également le fait que l'état soit généralement actionnaire dans les sociétés minières comme c'est le cas pour Bonikro.

Cependant, selon Frankel (2010), les ressources naturelles sont une manne pour le développement économique. En principe leur exploitation produit des recettes qui peuvent permettre de surmonter des obstacles auxquels se heurtent souvent les gouvernants des pays en développement qui tentent de reformer l'économie, de doper la croissance et de créer des emplois. Pourtant, au vue de l'expérience des pays riches en ressources minières comme la République Démocratie du Congo (RDC), il semble que cette richesse ne soit pas toujours une bénédiction, mais plutôt une malédiction. Car ceux-ci sont en proie à l'exode des capitaux.

II.3.2. Les impacts de l'exploitation minière sur l'environnement

L'exploitation minière, en dépit des retombées économiques prônées par les États, n'est pas sans conséquence sur l'environnement et son impact touche tous les aspects de celui-ci

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(Ricardo ; 2004). Les mines de minerais métallifères, en particulier de cuivre et d'or, atteignent des dimensions de nuisance particulièrement importantes en raison de la faible teneur des minerais exploités. L'industrie minière génère des quantités importantes de rejets solides et liquides qui peuvent constituer une source majeure de pollution sur l'environnement naturel mais aussi sur l'environnement humain Mengue (2011). Les impacts de l'exploitation minière industrielle sont normalement anticipés au travers des études d'impacts sur l'environnement généralisés dans tous les codes miniers. Cependant, ils peuvent avoir de graves atteintes sur l'environnement dans les cas suivants :

- disfonctionnement dans l'attribution du permis (permis attribué alors que l'étude d'impact aurait dû bloquer son attribution) ;

- une étude d'impact non réaliste (effets non minimisés) qui n'aurait pas dû recevoir son quitus environnemental ;

- non-respect par l'exploitation du plan de gestion environnemental et/ou défaut de contrôle des activités minières (Mazalto ; 2008).

L'exploitation minière implique souvent l'utilisation ou la production de substances dangereuses du fait de l'exploitation des déchets de la mine, du transport du matériel et du traitement de ce dernier. L'activité minière constitue un facteur de dégradation des forêts lorsqu'elle s'effectue dans les zones boisées. Dans l'étude menée par Riccardo (opc) dans le district de Wassa West au Ghana, il affirme que 60% des forêts humides ont été détruites par des opérations minières dans cette région. La mise en place d'une mine exige un certain nombre de travaux de la mine à l'extraction du minerai qui exigent l'élimination de la végétation et de la couche arable (Holz, 1987 ; Deshaie, 2009). Les activités associées à la préparation et au déblaiement des sites à traiter avant même le minage, contribuent à la destruction de la végétation et peuvent affecter la diversité biologique s'il se trouve dans le voisinage des zones écologiquement sensibles (Geffriaud et al ; 2006). Parlant du cas spécifique de la prospection, il souligne qu'elle entraîne le nettoyage de vastes aires de végétation pour faciliter la circulation de véhicules lourds transportant les installations de forage. Aussi, la construction de routes d'accès, soit pour amener les équipements lourds et les approvisionnements au site minier ou bien pour expédier les métaux et minerais traités peut-elle engendrer des impacts environnementaux substantiels. Le défrichement des terres pour la construction des sites et l'extraction des minéraux augmente le risque d'une érosion des sols et d'une sédimentation importante (Hund et al, 2013). Par l'élimination de la végétation et de la couche arable, le défrichement des terres pour la construction des sites et l'extraction des minéraux, les risques

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d'érosion des sols sont accrus. Des recherches entreprises dans le Kentucky ont montré que la production des sédiments des régions de mines à ciel ouvert peut atteindre 1000 fois celles de la forêt naturelle. Sur 4 ans, l'érosion naturelle moyen de talus de déblaies dans le Kentucky a été de 9500 tonnes par kilomètre carré alors qu'on l'estimait égale seulement à 8,8 tonnes par kilomètre carré sans forêt (Focus environnemental geology, 1976). L'étude menée par la Communauté Européenne (2000) montre que l'érosion peut provoquer le changement important de sédiments et tout polluant chimique l'accompagnant vers des plans d'eau proches surtout pendant des tempêtes sévères et de grandes périodes de fonte de neige. L'exploitation minière entraîne une dégradation des sols par le phénomène d'érosion et de sédimentation (PNUE, 2001 ; Hund et al. opc). En outre elle peut provoquer une contamination des sols. Cette analyse a également révélé que les opérations minières modifient régulièrement le paysage environnant en exposant des sols qui étaient précédemment intacts. Les déversements et fuites de matières dangereuses et les dépôts de poussière contaminés, fouettés par le vent peuvent conduire à la contamination des sols (Mineo Consortium, 2000). En plus du sol, elle impacte fortement le sous-sol et la nappe phréatique (Deshaie, 2009 et Baudelle, 1995). Par le drainage des acides et des contaminants de lixiviation, (Elaw, 2010) soutient que l'extraction des minerais métalliques (or, cuivre, etc) contribue à la pollution des eaux. En effet, lorsque des matériaux minés sont excavés, exposés à l'eau et à l'oxygène, des acides peuvent se former si les minéraux sulfurés de fer sont abondants et s'il y a une quantité insuffisante de matériau neutralisant pour contrebalancer la formation d'acide. L'acide à son tour, lessivera ou dissoudra les métaux et autres contaminants dans les matériaux minés et formera alors une solution acide à forte teneur en sulfate et riche en métal. Le drainage d'acide minier est considéré comme l'une des menaces les plus graves pour les ressources en eau. Une mine avec drainage d'acide minier a un impact dévastateur à long terme sur la vie aquatique, les cours d'eau et les ruisseaux, renchérit Earth works Fact Sheet, (2000). Cet organisme décrit cette situation comme étant irrémédiable. Il parle donc de pollution perpétuelle et l'exprime en ces termes : « même avec les technologies existantes, il est virtuellement impossible d'arrêter le drainage d'acide de mine une fois que la réaction a débuté ». Ainsi, Elaw (opc) souligne que les grandes quantités d'eau nécessaire à l'activité minière réduisent généralement les potentialités de la nappe phréatique du lieu et arrivent même à assécher des puits et des sources.

L'extraction minière du fait du prélèvement des eaux souterraines peut réduire ou même faire cesser l'écoulement des eaux de surface. Elle peut également contribuer à la dégradation de la qualité des eaux de surface, empêchant ainsi les usages bénéfices qui y sont associés (FEPS,

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2004). C'est le cas des mines dans le nord-est du Nevada qui ont pompé plus de 580 milliards de gallons d'eau de 1986 en 2001. Les produits chimiques dangereux tels le cyanure et l'acide sulfurique sont utilisés pour séparer le minéral du minerai. Les eaux chargées de ces produits peuvent par infiltration dans la sédimentation détruire l'habitat et la faune aquatique jusqu'à 90% (Jane et Bonner, 2009) entrainant ainsi un déclin des espèces (Hund et al, 2013). Ils attestent que les produits chimiques utilisés pendant l'exploitation du minerai affectent aussi l'environnement aquatique. Au centre et Sud-Est de la République Démocratique du Congo (RDC), des mineurs à petite échelle déversent des déchets dangereux directement dans les rivières et les lacs. A ces endroits des niveaux élevés de mercure et d'uranium ont été mesuré dans les résidus miniers. Les concentrations en métaux lourds toxiques tels que le calcium, le zinc et le plomb se sont avérées de 2 à 10 fois plus supérieures aux normes internationales. Toujours selon ces auteurs, dans la forêt d'Amazone, les petits mineurs utilisent le mercure de manière moins efficace que les exploitations industrielles relâchant environ 2,91 pound soit 1,32kg de mercure dans les cours d'eau pour chaque 2,2 pound, soit 1kg d'or produit. Cette contamination ou pollution des eaux rend invivable l'espace aquatique. Selon Jane et Bonner (opc), des études gouvernementales menées à la Nouvelle Orléans ont prouvé que des trainées des mines ont produit des taux de cuivre et de sédiments si haut que presque tous les poissons ont disparu des zones humides sur près de 144,9 km en aval de l'exploitation. Exprimant la même pensée, Hund et al (2013) affirment que les plus sérieux impacts directs de l'exploitation minière à grande échelle sur l'environnement concernent la diminution de la qualité de l'eau et la perte potentielle de l'habitat et des espèces aquatiques. Toujours dans l'ordre des impacts, Stella (2013) dans une étude réalisée sur l'impact des activités minières sur l'environnement, souligne que le Pérou qui regorge une grande partie des ressources mondiales en eau douce, souffre pourtant de stress hydrique du fait de l'activité minière. Pour lui, plus d'un tiers des habitants en milieu rural n'a pas accès à l'eau potable. Il conclut que l'activité d'extraction est très polluante avec l'usage du cyanure qui peut s'infiltrer jusqu'à la nappe phréatique et se retrouver dans les rivières. Pour terminer, il précise que très souvent, les problèmes liés au manque d'eau ou à sa contamination surgissent dans les zones où il y a une activité extractive.

II.3.3. La contribution de l'exploitation minière à la reconfiguration spatiale

L'exploitation minière comme toute activité économique a un effet structurant sur l'espace qui l'abrite. Comme dans la logique de localisation, les activités économiques sont soit poussées à l'agglomération, soit à la dispersion (Diallo L, 2009). Ainsi, les modalités spatiales d'implantation minière dans la zone d'exploitation et les relations avec l'environnement

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immédiat révèlent des caractéristiques d'enclave (Ferguson, 2005 ; Magrin, 2011). Cette configuration spatiale s'inscrit à la fois sur les territoires villageois et dans une zone d'intérêt cynégétique. Les mutations spatiales résultant des processus d'insertion minière réduisent les possibilités de développement des activités traditionnelles à l'échelle locale. De grandes superficies de terres sont cédées aux sociétés minières privant ainsi les populations locales d'espaces pour l'exercice de leurs activités. Les terres cédées sont généralement des terres laissées en jachère ou destinées à la production de cultures vivrières comme le riz, l'arachide, le fonio et les tubercules. Ces terres servent également pour le pâturage ou l'exploitation artisanale de l'or en particulier (COPAGEN, 2015). Les paysages subissent de réelles transformations, passant de paysages agricoles à des paysages miniers. Toutes choses qui sont à la base des grognements de protestation au sein de la population (Diallo, 2011).

Selon Diallo (opc.), en Afrique, notamment dans les régions marginalisées comme le Sénégal oriental, l'exploitation minière est avant tout perçue comme un moteur de développement économique. Les projets d'exploitation minière apporteraient le développement à des régions jusque-là mal intégrées à leurs territoires nationaux. Ils sont appréhendés suivant deux modèles spatiaux : « enclave » et « greffe ». La première lecture identifie la mine à l'échelle du milieu d'accueil comme un « corps étranger » entretenant des liens très faibles avec ce dernier. Alors que dans le cadre de la « greffe », les relations avec l'espace d'accueil sont fortes. Ces modèles spatiaux ne sont pas figés ; ils peuvent évoluer différemment en passant de l'enclave à la greffe et inversement en fonction du cycle de vie proposé par Van Vliet (1998).

En outre, l'orpaillage, de toutes les méthodes artisanales utilisées pour la récupération de minerais est la plus ancienne et celle qui a le moins varié (Nations Unies, 1973). En effet, les méthodes et les moyens utilisés dans l'orpaillage en Afrique noire sont véritablement néfastes et laissent des traces très marquées dans le paysage. Ce sont entre autres de grands cratères à ciel ouvert qui ne sont pas tous refermés après épuisement du minerai. En outre, les terres utilisées et les monceaux de terres qu'on voit un peu partout dans la commune participent à dégrader le paysage.

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