WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Exploitation aurifère et développement local dans la sous-préfecture de Hiré (Côte d'Ivoire)


par Judith YOBO-GNAHOUA
Université Felix Houphouet Boigny - Doctorat 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion du chapitre 7

L'exploitation minière aurifère industrielle et artisanale qui se déroule à Hiré contribue fortement à la modification de l'environnement et du cadre de vie des populations. Les stériles liés à la méthode d'extraction à ciel ouvert s'accumulent et forment des montagnes artificielles qui perturbent l'écoulement naturel des eaux de pluies. L'importance des quantités d'eau utilisées ainsi que leur rejet dans la nature entraine une baisse de la quantité et de la qualité des eaux de souterraines et de surfaces. L'exercice de l'exploitation minière nécessite la destruction du couvert végétal qui recouvre la terre à traiter et ainsi le cadre de vie de la faune et de la flore qu'elle abrite. Les différentes nuisances sonores et atmosphériques troublent la quiétude des populations et leur bien.

L'activité aurifère industrielle et artisanale agit négativement sur les différents éléments de l'environnement et affecte ainsi les populations de Hiré par des maladies diverses.

228

CHAPITRE 8 : RÉCESSION AGRICOLE DANS LE CANTON WATTA

INTRODUCTION AU CHAPITRE

Depuis l'introduction des cultures du café et du cacao dans sa région, Hiré est devenue une zone de forte production agricole. Cette production agricole concerne aussi bien les cultures pérennes que les cultures vivrières et maraichères avec en pointe les cultures du café-cacao. L'agriculture était alors l'activité principale de la population de Hiré. L'exploitation minière dans sa mise en oeuvre occupe majoritairement des espaces dédiés à l'agriculture. Elle perturbe ainsi l'activité agricole tant dans sa forme industrielle que dans sa forme artisanale. L'attraction de l'activité aurifère sur les populations locales entraine la ruée des populations vers ce nouveau secteur réputé plus rémunérateur que l'agriculture.

Notre objectif dans le présent chapitre est de montrer les différentes incidences de l'exploitation minière sur l'agriculture, activité principale des populations locales.

8.1 UNE ACTIVITE AGRICOLE CONTRARIEE PAR L'EXPLOITATION DE L'OR

8.1.1 Des terres agricoles prises par la mine

Avant l'arrivée de la société minière, l'agriculture occupait la grande majorité des habitants de la sous-préfecture de Hiré. L'agriculture, à l'instar de toutes les localités de la Côte d'Ivoire, est la première source de devises des populations de Hiré. Cependant, avec l'ouverture de l'exploitation minière industrielle, celle-ci connait une régression. En effet, avec la mise en oeuvre du permis de recherche, premier titre minier accordé à la société EQUIGOLD, ce sont de nombreux forages qui ont été réalisés par la société minière.

La réalisation de ces forages s'est faite par le creusement des bandes de largeur maximum de 10 mètres, avec des trous verticaux. Ces forages sont effectués dans des champs, sur des terrains qui peuvent être en friche, en culture mais tout cela dans les zones, dans les périmètres couverts par le permis de recherche.

Cela ne détruit certes pas d'un trait des plantations, mais la destruction par endroits de plusieurs plantations entraîne la réduction des surfaces cultivables et de la production agricole. L'exploitation industrielle de l'or à Hiré est réalisée selon deux permis d'exploitation. Un permis d'exploitation dans le chef-lieu et un autre dans la localité de Bonikro. Les permis d'exploitation minière PE 032 et PE 044 attribués à la société minière NEWCREST s'étendent respectivement sur 860 ha et 772 ha. Le total des terres occupées selon les permis miniers par

229

la mine est de 1632ha. Les terres concernées par ces permis se trouvent dans des zones très fertiles, autrefois couvertes par de grandes plantations. En 2002, il n'y avait pas encore d'exploitation industrielle de l'or à Hiré mais seulement l'exploitation artisanale. La phase d'exploitation de la mine de Bonikro a commencé en 2008 et couvrait 860 ha. Aujourd'hui, en plus de la fosse de Bonikro, NEWCREST exploite depuis 2014, la fosse de Hiré qui s'étend sur une superficie de 772 ha (voir tableau 30). Ces terres étaient avant l'exploitation minière couvertes par des plantations de cacao et de café. Ces plantations ont été rasées pour la construction des installations de la mine. Il y a les périmètres cédés pour les installations de la mine qui sont en dehors du permis minier. L'ouverture des différentes voies entre la fosse satellite de Hiré et l'usine minière de Bonikro a occasionné la destruction de plantations et le déplacement des activités économiques qui se déroulaient sur ce périmètre.

A côté des terres effectivement occupées par l'exploitation minière industrielle, il y a les terres autour des périmètres miniers. Ces terres sont interdites à toute activité tout au long de la durée de vie de la mine. La présence de la mine d'or de Bonikro, a donc entrainé la délocalisation de certains campements et la destruction ou l'abandon de plusieurs dizaines d'hectares de plantations de café et de cacao. Autre effet, avec la délocalisation de ces campements, certaines plantations sont désormais d'accès difficile du fait de la distance et les agriculteurs ont tendance à les abandonner. Les produits agricoles qui faisaient jadis la fierté de cette région, sont en baisse de production. Plusieurs plantations sont détruites ou abandonnées, au profit de l'extraction de l'or. Les quelques plantations qui ont eu la chance de survivre, connaissent une baisse de la productivité.

Tableau 32 : superficies occupées par NEWCREST

Permis d'exploitation

Superficie en ha

Zone concernée

PE032

860

Bonikro

PE044

772

Hiré

PE045

006

Dougbafla

Source : NEWCREST, 2015

L'occupation des territoires par les sociétés minières va croissant. La phase d'exploitation de la mine de Bonikro a commencé en 2008 et couvrait 860 ha. Aujourd'hui, en plus de la fosse de Bonikro, NEWCREST exploite depuis 2014 la fosse de Hiré qui s'étend sur une superficie de 772 ha. Cette occupation massive des terres contribue à réduire les superficies autrefois consacrées à l'agriculture. Ces terres désormais dédiées à l'exploitation minière sont ainsi

230

déduites des terres agricoles. Les espaces qui autrefois servaient pour les activités agricoles sont interdits d'accès aux populations. Pourtant, l'activité agricole pratiquée dans la sous-préfecture de Hiré est une agriculture itinérante sur brûlis avec la pratique de jachère. Pour les populations, cela entraîne la réduction des terres cultivables, et de ce fait, la diminution drastique des revenus de subsistance.

8.1.2 L'éloignement des sites de relocalisation des champs

La proximité des campements de Bonikro, Bandamakro et de Koutouklou-Konankro de la mine de Bonikro, a nécessité leur relocalisation sur de nouveaux sites. Les sites de relocalisation ont été choisis par les populations elles même. Cependant, la relocalisation portant seulement sur les habitations, les populations ont été éloignés de leurs plantations. Les distances séparant leurs habitations de leurs plantations vont désormais jusqu'à 10 km. La société minière a commis un mini car « Massa » pour les accompagner quotidiennement au champ mais cela n'est pas de leur goût et ne leur permet pas de rallier toutes leurs plantations. Cela a entrainé le fait que plusieurs personnes délaissent leur plantation ou ne les entretiennent plus convenablement.

Une autre difficulté d'accès aux exploitations agricoles, est l'ouverture des voies de liaison entre la mine de Bonikro et la fosse satellite de Hiré. Le tracé de ces voies a enclavé les zones de cultures situées dans cette zone. En effet, ces voies sont bordées par des grilles qui ont pour but de sécuriser le passage sur ces voies du fait de la vitesse et de la fréquence de passage des véhicules de la société minière. Cela, certes, avec quelques ouvertures et des vigiles afin de permettre et de faciliter la traversée des populations. Cependant, le tracé de ces voies a entrainé la destruction de plantations et d'autres activités qui s'exerçaient sur ces terres. La société minière a retenu certaines parcelles pour le dédommagement et en a rejeté d'autres. Pourtant, les populations dont les portions de terres n'ont pu être retenu pour le dédommagement ne peuvent plus avoir accès à leurs plantations. Ces dernières sont infranchissables compte tenu des barbelés de fer installés par l'entreprise ou encore parce que ces espaces font l'objet d'une quelconque appropriation par l'entreprise.

8.1.3 L'exploitation de l'or : une menace grave sur l'activité agricole à Hiré.

Selon 80% des personnes enquêtées, il y a une baisse de la production agricole. Cette opinion est démontrée par les données recueillies auprès de l'ANADER (figure 30). Cette figure montre que la production agricole de Hiré est en baisse depuis 2006, année du démarrage des travaux de construction de l'usine minière de Bonikro. L'allure générale de cette courbe montre une

231

baisse globale de la production agricole. Cette courbe d'évolution de la production agricole peut être analysée selon trois phases. De 2006 à 2010, il y a une chute de la production due à l'ouverture de la mine industrielle. Cette baisse semble se stabiliser entre 2010 et 2011 pour reprendre sa chute jusqu'en 2015. La relative stabilité de la production agricole entre 2010 et 2011 s'explique par la non conquête de nouvelles terres par les industriels miniers. Quant à la baisse de production observée entre 2011 et 2015, elle est liée à la zone de moratoire qui a finalement donné naissance à l'ouverture de la fosse satellite de Hiré.

Figure 30 : courbe d'évolution de la production agricole de 2006 à 2015

8000

7000

6000

Productions(T)

5000

4000

3000

9000

2000

1000

0

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Années

Source : ANADER, 2016

La baisse de la production agricole est d'autant plus importante qu'elle concerne non seulement les pertes de production des plantations détruites pour l'exploitation minière, mais aussi les plantations qui existent dans les périmètres autour des sites miniers.

8.1.4. La destruction des plantations et des champs par les orpailleurs

Aux terres agricoles occupées par la société minière, s'ajoutent les superficies occupées par les orpailleurs. L'orpaillage est certes une activité liée à l'histoire de Hiré, mais avec l'ouverture de la mine de Bonikro, elle connait une ascension véritable. Les superficies occupées par l'orpaillage sont difficiles à évaluer. Toutefois, le nombre des sites nous permet de dire que les superficies occupées par les orpailleurs ne sont pas insignifiantes. Le choix des sites à exploiter se fait à la suite des prospections qui consistent au creusage de petites galeries disséminées par

232

endroit. Ces prospections se font généralement dans les bas-fonds et dans les plantations. Lorsque la prospection est concluante, durant la phase de fonçage, des puits sont creusés pour extraire le minerai. La terre arable est retournée et les granites et l'argile sont ressortis et entassés près des puits, formant de petites collines. Après épuisement d'un site, les orpailleurs ne reconstituent pas le sol et laissent les plantations parsemées de grands trous béants, qui la rendent difficilement parcourable.

Les minerais aurifères sont enfouis sous une couche de sol ordinaire ou de roches appelée `morts terrains' ou `déchets de roche' qui sont déplacées afin de permettre l'accès au dépôt de minerai. Sur les sites d'orpaillages occupés par les hommes, la profondeur des trous atteint au moins 30 mètres. La quantité de `morts terrains' générée est importante. Les `morts terrains' sont souvent entassés non loin des trous à traiter. Ils modifient ainsi avec la topographie sur les terrains qu'ils occupent et rendent ainsi l'accès difficile à ces plantations. Ces sables issus des profondeurs de la terre sont généralement de couleur rougeâtre et/ou noirâtre. Ce sont des terres stériles qui ne contiennent aucune substance pouvant permettre le développement des plants et des cultures. Ces terres stériles n'engraissent guère les sols qui les reçoivent. Elles contribuent plutôt à appauvrir ces sols et à les rendent impropres à l'agriculture. L'impact de l'orpaillage sur les terres cultivables est un impact négatif direct dont la durée peut être qualifiée de permanente (Bamba O. et al 2013). Après l'extraction, les fosses ne sont pas systématiquement recouvertes et lorsque la végétation commence à les recouvrir il devient difficile voire, impossible de les distinguer. La profondeur de ces fosses allant jusqu'à 30 mètres, ils constituent en cas de pluies de véritables pièges, à eau. Ces dépressions rendent dangereux le passage sur ces sites et contraignent parfois les propriétaires de ces parcelles à les abandonner après le départ des orpailleurs.

8.2 LA BAISSE DE LA POPULATION AGRICOLE 8.2.1 Des paysans à la recherche de terre d'accueil

L'occupation massive des terres agricoles par les activités minières, pousse certains planteurs au départ, à la recherche de nouvelles terres agricoles. Hiré qui était une région à forte production agricole est devenue une région à fort potentiel minier. Ce changement qui se matérialise par une occupation massive des terres agricoles par l'activité minière, pousse certains planteurs à la migration. Les départs massifs sont surtout constatés dans les campements impactés par l'exploitation minière. Les populations de ces campements sont généralement des allochtones Baoulés qui, n'étant pas dans leur aire géographique, ont la

233

facilité de partir. Elles ne se sentent pas obligées de subir les désagréments liés à cette situation. En réalité, la situation est telle qu'il est désormais difficile d'avoir des terres pour l'exercice de l'agriculture pérenne. L'offre étant inférieure à la demande, les propriétaires terriens encore disposés à céder leurs terres pour l'agriculture pérenne, le font à des coûts très élevés. Toute chose qui pousse certains agriculteurs à aller vers des zones aux réserves foncières importantes.

Des enquêtes auprès des populations, il ressort qu'un grand nombre des planteurs partis de Hiré se sont installés dans les départements d'Oumé et de Gagnoa. Le choix de ces départements se justifie par le fait qu'ils ont les mêmes potentialités agricoles que Hiré.

8.2.2 Des agriculteurs convertis en exploitants d'or

L'ouverture des usines minières était considérée comme une aubaine pour les populations locales qui ont fondé en elle beaucoup d'espoir. La réputation de l'activité minière au sujet de sa grande rentabilité a poussé de nombreux jeunes agriculteurs à postuler pour des emplois dans ces sociétés. C'est ainsi que les jeunes dont le niveau d'étude correspondait aux exigences de ces sociétés ont pu y trouver des emplois permanents et/ou temporaires. Cependant, ce sont généralement des emplois temporaires dont les chiffres varient constamment. Une chose demeure, c'est que les populations autochtones se plaignent de ne pas être suffisamment employées dans les mines. Elles disent que la question de qualification est un prétexte pour justifier le fait que la compagnie minière n'emploie pas les populations locales et que même pour les emplois non qualifiés, les agents de la compagnie minière préfèrent faire appel à leurs parents et connaissances. Tout ceci au mépris des accords signés avec les autorités villageoises avant l'installation de la mine. Ce mécontentement, les populations locales l'ont plusieurs fois exprimé verbalement, mais également par des actions. Elles ont barré à plus de cinq reprises les accès des sites miniers aux travailleurs.

La ruée vers l'or s'est présentée comme une solution face au problème de l'emploi des jeunes exacerbé par la décennie de crise qu'a connu la Côte d'Ivoire. Il y a eu un certain laisser faire qui a favorisé la prolifération des sites d'orpaillage en l'absence de toute règlementation en la matière.

L'orpaillage qui est une activité ancienne à Hiré a connu une explosion en parallèle de la mise en exploitation industrielle en 2006. La ruée vers l'or, suscitée par l'ouverture de la mine de Bonikro, a eu pour effet d'attirer de nombreuses personnes vers l'orpaillage. Nos entretiens avec les orpailleurs nous ont permis de réaliser que ceux-ci sont d'origines

234

socioprofessionnelles diverses. Il y a des agriculteurs, des manoeuvres agricoles, des commerçants, des artisans, des élèves et des sans-emplois.

Le tableau 33 montre que 27,5% des orpailleurs rencontrés sont des anciens orpailleurs. Les ouvriers agricoles représentent 17,5% des orpailleurs interrogés. 28,75% d'entre eux sont des anciens paysans, 3,75% d'entre eux sont d'anciens commerçants. Les hommes de métiers et les sans-emplois représentent chacun 8,75% des orpailleurs. Les élèves et étudiants qui exercent l'orpaillage représentent 5% des orpailleurs.

Tableau 33 : origine socio professionnelle des orpailleurs

Origine socioprofessionnelle

Effectif

Taux (%)

Orpailleurs

22

27,5

Ouvriers agricole

14

17,5

Paysans

23

28,75

Commerçants

03

3,75

Homme de métiers

07

8,75

Elève/Etudiants

04

5

Sans emplois

07

8,75

Total

80

100

Source : Nos enquêtes, 2015

L'analyse de ce tableau montre que l'orpaillage à Hiré est majoritairement mené par d'anciens paysans. Ils représentent 28,75% de la population d'orpailleurs enquêtés. Les ouvriers agricoles représentent également 17,5% des orpailleurs. Ces deux composantes (paysans et ouvriers agricoles) sont des acteurs clés de l'agriculture. La proportion d'orpailleurs qu'ils représentent (46,25%) montre que de nombreux paysans se détournent de l'agriculture pour s'adonner à l'orpaillage. Cela se ressent dans les chiffres du RGPH 2014 qui montrent une baisse importante de la population agricole entre 1998 et 2014. En 1998, la population agricole représentait 45,6% de la population de Hiré tandis qu'en 2014, elle ne représente que 13,61% de la population totale. Ce sont en réalité de nombreux agriculteurs qui ont abandonné leurs plantations pour des raisons diverses liées à l'activité aurifère.

Plusieurs raisons sont à l'origine de l'intérêt des populations pour l'orpaillage. Au niveau culturel, l'orpaillage est une activité liée à l'histoire de Hiré. Jadis pratiquée par les baoulés puis par les allogènes, l'orpaillage à Hiré est aujourd'hui majoritairement aux mains des ivoiriens. Au niveau social, il faut noter que le chômage de la jeunesse est un grand facteur de l'intérêt de

235

cette frange de la population pour cette activité. Elle permet en outre aux personnes démunies qui n'ont pas de terre pour pratiquer l'agriculture de trouver en elle une source de revenu.

Attirés par la renommée selon laquelle l'orpaillage est plus rentable que l'agriculture, de nombreux planteurs ont abandonné les plantations pour se tourner vers l'orpaillage. Cette activité renommée pour être plus rentable que l'agriculture, a attiré une frange importante de la population agricole. Ils disent que la rentabilité de l'orpaillage n'est pas une fable mais une réalité. Là où au niveau de l'agriculture il fallait attendre au moins trois mois pour pouvoir avoir un revenu, dans l'orpaillage, la rentabilité est rapide. Sur tous les sites de la localité, les orpailleurs obtiennent ou vendent l'or après deux à trois jours d'exercice. C'est ce qui attire les populations à s'adonner à cette activité. Selon un chef de groupe rencontré sur le site de « djangobo », le fait d'avoir en un temps record de l'or, de le vendre, et par conséquent avoir de l'argent, est une raison de leur choix pour cette activité. Pour lui, l'orpaillage est une activité à rentabilité rapide. C'est la principale raison qui a poussé les populations et particulièrement, celles de Hiré, à s'adonner à cette activité.

Cette désertion des bras valides du secteur agricole, entraîne avec les superficies massives dédiées à l'exploitation de l'or, la baisse des terres agricoles. Les superficies qu'occupaient les plantations ont baissées à Hiré au fil du temps. Cette baisse se traduit aussi bien par la baisse du nombre d'exploitation, que par la baisse des superficies par exploitation.

8.3. DES PERTES DE PRODUCTIONS AGRICOLES 8.3.1 Baisse de la production des cultures pérennes

L'occupation massive des terres agricoles par les activités minières contribue énormément à la perte des terres agricoles. Cela entraîne des pertes de productions importantes, surtout qu'à Hiré comme partout ailleurs en Côte d'Ivoire, l'agriculture est plutôt extensive. Dans l'histoire économique de Hiré, il n'y a jamais eu de compétition entre activités minières et agriculture. Les deux ont toujours fonctionné en binôme complémentaire : l'orpaillage n'était pratiqué qu'en saison sèche, la saison des pluies était réservée à l'agriculture. Cependant aujourd'hui, avec l'exploitation industrielle, l'activité de l'or est devenue une activité permanente.

Un jeune planteur qui obtient par exemple un contrat de six mois dans les mines est sûr de gagner plus que ce que pourrait lui rapporter la vente des produits agricoles. De plus, il a la certitude d'obtenir son salaire à la fin du mois, alors que les activités agricoles sont soumises à de nombreux aléas (climat, attaques des parasites, etc.), qui ne permettent pas de garantir la

236

production. Ainsi, un fort taux d'abandon de l'agriculture a été constaté. Cet abandon est plus perceptible dans certains villages et campements proches des centres miniers. En effet, ils ont cédés de nombreuses parcelles pour l'exploitation minière et les nuisances environnementales y sont plus prononcées. Cette perte de main d'oeuvre agricole a également des répercutions sur la production agricole. Elle contribue à la baisse de production sur les parcelles encore exploitables. Les pertes de production agricole se constatent aussi bien au niveau des cultures pérennes que des cultures vivrières.

Les cultures pérennes à Hiré étaient dominées par les cultures du café et du cacao. Les cultures de palmier à huile et de l'hévéa, sont également présentent à Hiré mais dans des proportions moindres. Cependant, il ressort de nos entretiens avec les populations riveraines impactées que la majorité des terres cédées pour l'exploitation minière industrielle était occupée par les plantations de cacao avec un peu de café.

8.3.2.1 Du cacaoyer vieillissant à moins de 450 kg par ha

Introduite en Côte d'Ivoire au début des années 1888 par les colonisateurs français Verdier et Bretignierds, le cacao occupe une place de choix dans l'économie ivoirienne. En effet, le cacao représente près de 10% du PIB et 40% des exportations, soit 789 milliards de FCFA de recette en 1998. La Côte d'Ivoire en est le premier producteur depuis des décennies. Le café, lui a fait son entrée en Côte d'Ivoire, vingt ans après son binôme et a entrainé une migration importante dans le pays.

Hiré, à l'instar des localités du sud-ouest ivoirien, est une zone de grande production de café-cacao. Hiré a même été avec toute la région de Divo, la deuxième boucle du cacao. Cette spéculation a fait la renommée de la zone et est à la base de l'aise économique qu'y ont connue de nombreux agriculteurs. Le café et le cacao occupaient l'essentiel des plantations de cultures pérennes. Cependant, le gisement aurifère exploitable découvert par EQUIGOLD se trouve sous des terres essentiellement couvertes par des plantations de café-cacao. Du fait de l'activité des orpailleurs et de la société minière et du manque d'intérêt des paysans pour les plantations, celles-ci ne sont plus entretenues. Leur rendement atteint par l'âge ont considérablement baissé au point d'atteindre la moyenne de 450 kg par ha voire moins.

237

8.3.2.2 Le palmier à huile et l'hévéa au secours des paysans

Introduite à Hiré en 2006, la culture du palmier à huile est devenue la troisième culture pérenne de la zone. C'est à partir de 2008 que les premières palmerais à Hiré entrent en production. De 2009 à 2011, la production connait une relative croissance puis un boom entre 2011 et 2012. Cette explosion de croissance se stabilise et atteint en 2015 une production estimée à 2 351 tonnes. La périodicité mensuelle de la récolte des graines a été la raison majeure de son adoption par les populations car elle leur permet d'avoir des ressources en attendant les périodes de traites cacaoyères et caféières. On remarque, cependant, une légère baisse des superficies consacrée à cette culture. Cette baisse est en partie liée à la destruction de certaines palmeraies se trouvant sur les périmètres cédés aux sociétés minières.

Le palmier à huile a connu un tel succès du fait qu'il requiert peu de travail par rapport à la main d'oeuvre qui se fait de plus en plus rare dans la région. Cela a donc constitué un avantage pour cette culture contrairement à d'autres plantes qui demandent un renouvèlement annuel de la plantation. De plus, la précocité de son entrée en production (3 ans) et l'étalement de celle-ci sur toute l'année justifie la croissance rapide des superficies à elle destinée. Il y a également le multi-usage de cette culture dont les fruits (régimes de graines) qui servent pour le repas (en sauce), pour faire de l'huile de palme, puis quand il ne produit plus, le palmier est abattu pour en extrait du vin de palme localement appelé « bandji » dont une autre boisson dérivée est le « koutoukou ».

Hiré connait une expansion de l'hévéaculture. La durée de croissance entre le plantage et la saignée variant entre cinq et six ans, les premières saignées sont effectuées en 2011 où nous avons les premiers chiffres de production. Cette culture connaît une véritable explosion à Hiré à partir de 2006 où elle apparait dans les statistiques de l'ANADER. L'adoption de l'hévéa est en quelque sorte un palliatif pour les planteurs. La culture de l'hévéa est une sorte de réponse à la crise des prix des cultures du café et du cacao sur le marché international. En effet, entre 1978 et 1986, les cours du cacao chutent de 40% sur le marché international. En 1986, les cours du café et du cacao rechutent à nouveau spectaculairement, plongeant ainsi le pays dans la récession et les planteurs dans le dénuement total. Face à cette situation les paysans perdent petit à petit foi dans la production du café, et à un degré moindre dans celle du cacao. Pour ce qui est de la production de latex, alors que les prix croissaient de façon continue de 2001 à 2010,

238

ils sont en chute libre depuis 2011 : de 1300 F CFA le kg en 2010 on est aujourd'hui tombé à 300 F CFA.

8.3.2 Une production vivrière en perte de vitesse

Les planteurs de Hiré s'étaient autrefois tournés vers les cultures vivrières et maraichères pour faire face à une première crise agricole qui a secoué le pays tout entier dans les années 1980. Cette crise économique faisait suite à la baisse des prix sur le marché international des cultures d'exportations que sont le café et le cacao. Le choix des cultures vivrières était nourrie par la volonté de produire pour satisfaire, non seulement les besoins alimentaires de la population locale, mais aussi pour vendre le surplus afin d'avoir de l'argent liquide pour assouvir d'autres besoins. Ceci a permis d'atteindre des niveaux de production importants qui ont value à Hiré d'être appelé le grenier de la région de Divo.

L'option de la production vivrière s'explique par le temps de production qui est relativement court et par la présence de nombreux bas-fonds humides propices à la culture du maraicher et du riz. Le maïs met entre 2 et 4 mois pour entrer en production ; le riz a une durée de maturation qui varie entre 3 et 6 mois. La durée de production des légumes varie selon la spéculation entre deux et douze mois. Comme le montre le tableau 34, Hiré est une zone favorable à la production de diverses spéculations.

Tableau 34 : productions maraichères dans la sous-préfecture de Hiré- campagne SODEFEL

année 1991-1992.

Culture

Nombre de paysans

Production (en tonnes)

Tomate

1

5

N'diowa

2

10.5

Gombo

21

57.7

Choux

55

327

Échalote

97

305.5

Concombre

2

15

Courgette

8

22.5

Poivron

4

4.2

Aubergine

6

26.2

Total

196

773.4

Source : GTZ ; Novembre 1995

239

Cependant, depuis l'ouverture de l'exploitation industrielle de l'or, il y a une baisse de la production vivrière (voir figure 31). Contrairement à la baisse de la production des cultures pérennes, celle de la production vivrière est due principalement à la perte de la main d'oeuvre agricole. L'exploitation minière et en particulier l'orpaillage attire la main d'oeuvre agricole du fait de l'importance des ressources économiques qu'elle génère. De nombreux agriculteurs (exploitants et aide agricole) se sont désintéressés de l'activité. Il prétexte la rapidité de gain dans l'orpaillage. En effet, tandis que pour les cultures vivrières il faut attendre au moins trois mois après de grands efforts physiques avant de vendre la production et avoir de l'argent, dans l'orpaillage, le gain est quotidien et important.

Cet état de fait explique la baisse du nombre d'exploitation des différentes cultures vivrières de 2006 à 2015 pour les différentes cultures vivrières.

Figure 31: courbe d'évolution de la production en cultures vivrières de 2006 à 2015

Source : ANADER, 2015

En général, les Dida destinent de petites parcelles à la production de vivriers qui suffisent à peine pour l'alimentation familiale. Ce sont donc les allogènes ivoiriens et non ivoiriens à qui les Dida ont alloué leurs terres, qui produisent du vivrier destiné à la commercialisation. Les cultures vivrières étaient dominées par le riz et le maïs dont les productions pour la campagne 1991-1992 sont présentées dans le tableau ci-dessous. Les cultures vivrières sont généralement cultivées en intercalation aux cultures pérennes et en association sur la même parcelle. Les combinaisons fréquemment rencontrées dans les champs sont le maïs combiné au riz ou le maïs

240

combiné au manioc. L'association du riz au maïs se fait sur des parcelles situées dans les bas-fonds.

Tableau 35: Production de riz et de maïs, dans la sous-préfecture de Hiré - campagne SODEFEL année 1991-1992

 

Riz pluvial

Riz irrigué

Maïs

Nombre de
plantations

132

50

67

Superficie (en Ha)

212

28

78

Production (Kg)

147 132

19 250

66 350

Source : GTZ Novembre, 1995

La riziculture se fait selon deux techniques : la riziculture pluviale et la riziculture irriguée. Selon le tableau ci-dessus, c'est la riziculture pluviale qui est plus pratiquée par rapport à la riziculture irriguée. Le nombre de champs de riz pluvial est de 132, alors que le nombre de champs de riz irrigué est de 50. Les plantations de maïs sont au nombre de 67.

Les 132 plantations de riz pluvial s'étendent sur une superficie de 212 ha et ont produit pour la campagne 1991-1992, 147 132 Kg. Tandis que les champs de riz irrigués s'étendent sur une superficie de 28 ha seulement et ont donné une production de 19 250 Kg. Quant à la production de maïs, elle a atteint 66 350 Kg sur une superficie totale de 78 ha.

La région produisait donc fortement du riz dans les années 1990. Actuellement seules les cultures de maïs, de bananes plantains, de manioc, de piment, de taro et les légumes et condiments tels que l'aubergine, le gombo, la tomate, le piment, etc., sont encore présentes à Hiré. Ces légumes ont un cycle de germination qui va de 25 jours à 3 mois. Ils sont cultivés sur de petites superficies et sont souvent destinés à alimenter le marché de la ville Hiré. Les quantités de production autrefois importantes sont en baisse. Avec la croissance démographique exponentielle que connait Hiré, la production vivrière locale déjà en perte de vitesse du fait de la baisse des superficies et de la main d'oeuvre, est insuffisante pour couvrir les besoins en produits vivriers de la population.

Le vivrier est majoritairement produit par les femmes. Selon le rapport de l'UNESCO sur la participation des femmes à la vie publique (version 2002), 60 à 80% de la production alimentaire en Côte d'Ivoire est assurée par des femmes. Elles occupent donc une place prépondérante dans l'agriculture vivrière. Elles font la collecte, le stockage, le transport, la conservation, la transformation, la distribution et la commercialisation de ces produits vivriers. Cependant, à Hiré, depuis l'ouverture des mines et l'orpaillage massif, il y a une forte

241

colonisation des bas-fonds par les orpailleurs. Anciennement utilisés pour la culture du riz et du maraicher, ceux-ci sont aujourd'hui prisés par les orpailleurs. Aussi une frange importante de femme s'est-elle tournée vers l'orpaillage et les autres activités commerciales qui se sont greffées au travail de l'or.

De nos entretiens, il est ressorti de façon régulière de la part des femmes qui exercent dans le vivrier que l'exploitation de l'or est plus rentable que la production de maïs, de riz ou de légumes. Cela dit, à défaut d'abandonner totalement la culture du vivrier, qui par la force du temps et des circonstances est devenue une habitude et une nécessité, 40 % de ces femmes consacrent désormais plus de temps aux autres activités (commerces et orpaillage). Par conséquent, elles diminuent leur activité de production vivrière. Cela se constate par la diminution considérable des surfaces cultivées. Les bas-fonds et les terres qui se situent au bord des voies reliant les différents villages à la sous-préfecture qui autrefois étaient exploitées pour la culture de vivriers sont abandonnés.

L'exploitation artisanale de l'or demande beaucoup de temps et d'attention au niveau de toutes ses étapes. C'est ainsi que la recherche du métal jaune, par exemple, demande que les artisans miniers creusent minutieusement afin d'atteindre le minerai ou la roche mère. C'est pourquoi, plusieurs artisans miniers se sentent contraints d'abandonner l'agriculture pour ne se consacrer qu'à l'orpaillage, car ne trouvant plus du temps pour les activités agricoles (32 % des enquêtés adoptent cette attitude). Pour ceux qui n'ont pas abandonné totalement les champs, ils y vont une ou deux fois dans la semaine. Le reste des jours de la semaine sont consacrés à la recherche de l'or.

8.4 LA BAISSE DE LA PRODUCTION AGRICOLE, ENTRE AVANTAGES ET INCONVENIENTS

8.4.1 La paupérisation de la population agricole

L'exploitation minière à grande échelle comme pratiquée à Hiré, entraîne la raréfaction des terres cultivables pour les populations riveraines et le surpeuplement de ladite sous-préfecture. Ce sont des afflux d'artisans miniers et le retour des populations locales à la recherche d'emplois à la mine. Cette forte démographie contribue à la réduction des moyens de subsistance des communautés locales agricoles. La réforme du secteur agricole ivoirien, grâce à la mise en place du Programme National d'Investissement Agricole (PNIA), a réussi à augmenter de façon significative, entre 2011 et 2014, la production de cultures vivrières et de riz, respectivement de 12 à 16 millions de tonnes, soit une hausse de 33%, et de 550.000 tonnes

242

à 1.343.000 tonnes. Cependant, le besoin en production d'aliments de base et d'exportation actuelle en Côte d'Ivoire ne suit toujours pas le rythme de l'accroissement démographique qui est de l'ordre de 9% par an depuis 2012.

La population agricole constituait plus de 88,37% de la population générale de Hiré (RGPH, 1998). L'agriculture était donc l'activité principale et la source de revenu de l'essentiel de la population de Hiré. Cette activité, aujourd'hui mise à mal par l'exploitation aurifère à travers ses différentes incidences sur elle, entraine la baisse, voir même la perte des sources de revenu des populations. Les agriculteurs longtemps considérés comme les plus nantis de la sous-préfecture de Hiré ont de ce fait perdu leur pouvoir financier. L'embellie économique connue par les agriculteurs de Hiré n'est plus qu'un vieux souvenir, ceux qui détenaient le pouvoir économique ont aujourd'hui beaucoup perdu de leur pouvoir d'achat. La terre, ressource essentielle à leur travail est aujourd'hui largement aux mains de la société minière NEWCREST. Celle-ci a soustrait de grandes parcelles agricoles en les occupant pour l'exercice de ses activités. L'installation de la mine a créé trois catégories d'agriculteurs à Hiré. On distingue d'une part ceux dont les plantations ont été occupées puis indemnisées par la mine, ceux dont les plantations se trouvent à proximité des sites miniers et qui ne sont pas indemnisés tandis que leurs productions connaissent du fait de l'exploitation minière une baisse drastique. Enfin, ceux dont les plantations ne sont pas menacées par l'activité minière aurifère. Les deux premières catégories de planteurs sont les plus touchées par l'activité minière. Cependant, certains agriculteurs de la troisième catégorie sont aussi en difficulté par ce que les accès à leurs plantations sont devenus difficiles. Pour la sécurisation de l'acheminement du minerai, la société minière a posé des barbelés tout le long du passage de ses véhicules entre les sites de Hiré et de Bonikro.

Les paysans dont les plantations ont été détruites et les parcelles occupées par la mine perçoivent des indemnités pour les dommages subis. Toutefois, l'indemnisation n'est pas toujours synonyme d'un débouché pérenne. Les personnes indemnisées ne sont pas accompagnées dans la gestion des indemnisations qu'elles perçoivent. Il est donc fréquent de voir des planteurs après avoir dilapidé leurs indemnités, se retrouver sans source de revenus, ayant dès lors abandonné toute activité rémunératrice. Les populations agricoles réagissent différemment face aux différents impacts de l'exploitation minière (voir figure 32).

243

Figure 32 : les mutations observées au sein de la population agricole

Situation des paysans vis-à-vis des installations de la mine

Plantations situées
près des installations
de la mine

Plantations
détruites pour
l'exploitation
industrielle de l'or

Achat de matériels d'apport d'intrants

Exploitation de terres nouvelles

Abandon de l'agriculture

Réaction des paysans face à la présence de la mine

Reconversion en d'autres activités

Emigration

Source : Inspiré de THUNE 2011 et adapté selon nos enquêtes de terrain de 2015

244

Selon la figure 32, les planteurs les plus touchés par l'exploitation minière réagissent de la même manière. Soit ils vont à la recherche de nouvelles terres agricoles à Hiré, soit ils abandonnent l'agriculture en se convertissant en d'autres activités ou en migrant vers d'autres localités. Puis, il y a les agriculteurs dont les plantations sont en baisse de production, qui optent pour l'achat de nouveaux outils et l'apport d'intrants sur les mêmes parcelles.

8.4.2 La baisse de la production vivrière locale, un prétexte pour la surenchère des prix sur le marché urbain

La destruction de cultures au profit de l'exploitation de l'or a dépossédé bon nombre de paysans de leur source de revenu. Parmi eux, certains ont choisi de partir sous d'autres cieux, d'autres par contre sont restés à Hiré. Au nombre de ceux-ci, il y en a qui ont décidé de poursuivre dans l'agriculture en louant des parcelles. Cependant, du fait du nombre croissant de demandeurs, les coûts de location de parcelles ont grimpé. La location d'un hectare de terre pour les cultures vivrières et maraichères s'élève à 100 000 F CFA. La forte demande de parcelles à louer pour l'agriculture incite les propriétaires fonciers à monter les enchères. Pourtant, avant l'exploitation industrielle de l'or, la location de parcelles concernait plus les terres de bas-fond et les jachères et pour servir à la production du vivrier : riz, maïs, tomate, chou, carotte, etc. L'arrangement portait sur le don d'une partie de la récolte au propriétaire terrien ; environ 2 à 3 sacs pour le riz ou des volumes équivalents pour les autres cultures. Il en était de même pour le café et le cacao. Puis le paiement en numéraire est intervenu au niveau des cultures pérennes et s'est généralisé. Au départ les prix de location variaient selon l'importance de la culture. Pour les cultures vivrières les prix variaient généralement entre 20 000 et 30 000 F CFA l'hectare.

L'augmentation des coûts de location ajoutée aux autres charges inhérentes à l'agriculture, contribue à augmenter les coûts de productions. Cela a entrainé une baisse significative de la production locale qui a influencé les coûts des denrées alimentaires. Les coûts de productions rehaussés combinés à une production raréfiée font que les prix des denrées sur le marché connaissent une hausse ressentie par les populations consommatrices.

Cette situation semble être une aubaine pour les paysans des localités voisines qui accourent commercialiser leurs productions à Hiré. En effet, la croissance démographique observée à Hiré constitue un marché de consommation très important. Même s'il est vrai que les travailleurs expatriés achètent leurs produits de consommation à l'extérieur du pays ou dans les grandes surfaces (super et hyper marchés), les petits travailleurs qui sont les plus nombreux

245

s'approvisionnent sur le marché local. En plus d'eux, il y a les orpailleurs et ceux qui ont été attirés par l'or qui constituent un marché important avec un supposé pouvoir d'achat consistant.

8.4.3 La menace de l'insécurité alimentaire

Les potentialités physiques (climat, sol) dont bénéficie la sous-préfecture de Hiré, y favorise la production agricole. Elle était avant l'ouverture de l'exploitation minière industrielle, une zone de grande production agricole et un centre de négoce des produits agricoles. Cette agriculture extensive est cependant mise à mal depuis l'ouverture de l'exploitation industrielle de l'or. En effet, d'importantes superficies occupées autrefois par l'agriculture sont aujourd'hui occupées pour l'exploitation de l'or. Par exemple, les bas-fonds autrefois réservés à la culture des céréales comme le riz, le maïs, etc., sont aujourd'hui occupés pour l'orpaillage. L'activité minière constitue une entrave à l'agriculture, du fait de la réduction des terres agricoles qu'elle entraine. Cela, conjugué à la baisse de la main d'oeuvre agricole, entraîne une baisse de la production agricole. En plus, l'agriculture telle que pratiquée à Hiré n'est pas mécanisée donc fortement dépendante de la main d'oeuvre. Les nombreux abandons (reconversion et émigration) d'agriculteurs ont vidés le secteur de ses principaux acteurs. Parmi les personnes qui s'adonnent encore à l'agriculture, il y a celles qui en font une activité secondaire et qui y consacrent peu de temps. Tout cela entraine une baisse de la production agricole tant au niveau des cultures pérennes que des cultures vivrières.

La baisse de la production agricole expose les populations de Hiré au risque de l'insécurité alimentaire. Selon la FAO (2011), la sécurité alimentaire est assurée « (...) quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires, pour leur permettre de mener une vie active et saine »

Aussi, la menace qui guette les populations de Hiré est-elle réelle dans la mesure où la baisse de la production se traduit aussi bien en baisse de quantité que de qualité des vivres produits à Hiré.

En effet, de nombreuses parcelles à proximité des sites aurifères continuent d'être exploitées pour la production du vivrier. Quand on sait que des produits chimiques toxiques sont utilisés sur ces sites et pourraient, par infiltration dans le sol ou par érosion, contaminer les cultures qui y sont produites.

246

L'occupation des terres par l'exploitation minière entraine la réduction des espaces ou des terres cultivables, et par ricochet, la diminution drastique des revenus de subsistance. Cette mutation a provoqué une transformation bouleversante des modes de vie des ménages qui, depuis des années, dépendent de l'agriculture. La baisse de la quantité de production entraine d'une part la paupérisation de la population agricole donc le manque de ressources financières pour acheter la quantité et la qualité nécessaire à l'alimentation. D'autre part, elle entraine un problème de disponibilité des cultures vivrières. La quantité de production dans le vivrier est surtout liée à la baisse de la main d'oeuvre, notamment, à la baisse de la main d'oeuvre féminine. De nombreuses femmes qui s'adonnaient autrefois à la culture de maraichers et de vivriers se sont orientées vers l'activité minière (l'orpaillage). La femme paysanne étant considérée en milieu rural comme intervenant principal dans l'agriculture. L'accès à la nourriture dans ces conditions devient de plus en plus difficile pour les familles rurales n'ayant pas d'autres sources de revenus. La menace de la faim est réelle car les familles doivent acheter tout ce qu'elles veulent consommer.

Aujourd'hui la production vivrière et maraichère est en baisse. Produites principalement pour l'autoconsommation, les cultures vivrières et maraichères constituent la base alimentaire des ménages ruraux. Les quantités produites suffisent à peine pour les familles. Les produits vivriers locaux ou venants d'ailleurs sont commercialisés à des prix jugés élevés par les populations rurales, financièrement faibles. L'accès aux vivres par achat devient aussi difficile. L'on comprend dès lors que leur effondrement constitue une menace permanente pour les fondamentaux de la sécurité alimentaire dans la sous-préfecture et même de la région de Hiré (figure 33).

Aussi, les produits agricoles constituaient la principale source de revenu de la population de Hiré. Les ressources tirées de l'agriculture permettaient aux ménages de faire face économiquement aux besoins alimentaires des familles. La perte de ressource entraine la paupérisation des agriculteurs qui elle entraine inévitablement l'insécurité alimentaire. Pour les familles modestes, une fois les dépenses de premières nécessités déduites (énergie, habits et autres), il ne reste pas suffisamment de ressources pour satisfaire les autres besoins de la famille.

247

Figure 32 : les fondamentaux de la sécurité alimentaire

Aliments issus de

la cueillette et de la chasse d'animaux sauvages

La production
familiale

Achats dans les
marchés et les
magasins

Accès Disponibilité Qualité

Les aliments
acheminés dans la
zone au moyen de
mécanismes de
marché

Les vivres stockés par les

commerçants dans

Sécurité alimentaire

Les aliments
produits dans la
zone

La composition des aliments

L'utilisation qui en est faite

Source : GTZ, Novembre 1995

La sécurité alimentaire est définie par trois facteurs essentiels que sont : la disponibilité de la nourriture ; l'accessibilité de la nourriture et la qualité de la nourriture.

La disponibilité de la nourriture au niveau local signifie que la nourriture est physiquement disponible parce qu'elle a été produite, traitée, importée ou transportée. Par exemple la nourriture dans la sous-préfecture ou la région, est disponible car elle peut être trouvée sur des marchés, parce qu'elle est produite dans des champs. L'accessibilité de la nourriture est la façon dont les gens peuvent obtenir la nourriture disponible. En ville, cette accessibilité est garantie lorsque les ménages disposent des ressources financières. La façon dont chaque individu se procure les aliments nécessaires à un régime équilibré dépend des revenus du ménage où il se trouve, de la répartition de ces revenus au sein de la famille et du prix des denrées. L'utilisation de la nourriture dépend de la qualité des aliments, de leur stockage et de leur préparation.

248

précédent sommaire suivant






La Quadrature du Net

Ligue des droits de l'homme