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L'influence des facteurs culturels sur le choix d'investissement

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par Ghazwan ALI
Bordeaux IV - DEA en Sciences de Gestion 2003
  

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Section I. L'absence de la culture dans la théorie économique classique

Dans un contexte économique de plus en plus international et multiculturel, il est surprenant de constater que le facteur culturel n'a que très peu été intégré dans les théories économiques et organisationnelles. Celles-ci, quoiqu'elles constituent le cadre conceptuel de base, reposent sur des hypothèses restrictives, et développent une conception limitée de la firme.

1. Les hypothèses de la théorie économique classique

Dès le XVIIIème siècle, Adam Smith donnait les prémisses de la micro- économie traditionnelle en suggérant que la poursuite des intérêts égoïstes devait conduire à la réalisation de l'intérêt général. Cette proposition est fondée sur l'hypothèse d'une ''mains invisible'' qui ferait avancer l'individu égoïste ''vers une fin qui ne fait point partir de son intention.[....] En poursuivant son propre intérêt il fait souvent avancer celui de la société plus efficacement que s'il y visait vraiment''.6(*)

La micro- économie traditionnelle développe et formalise en effet cette proposition en posant l'échange marchand comme le moyen plus efficace de l'allocation des ressources dans un contexte de la concurrence parfaite dans lequel l'Etat ne doit intervenir que pour assurer ses fonctions régaliennes.

Les hypothèses avancées par la micro- économie traditionnelle visent alors la maximisation du profit, commun à tous les acteurs économiques qui tendent à poursuivre leur propre intérêt . L'individu ou Homo oeconomicus  constitue donc une ''unité de décision autonome'', qui est aussi ''maximisateur'' de sa propre satisfaction(P. Cahuc, 1993).

Elles établissent ensuite le principe de la rationalité de l'individu qui a la capacité étant données les contraintes qui s'imposent à lui, d'avoir accès à l'information puis la volonté d'utiliser au mieux les ressources dont il dispose dans la poursuite de son objectif.

Le marché est quant à lui considéré dans un contexte de concurrence parfaite. Cette organisation se traduit au travers de quatre hypothèses :

v Les échanges individuelles sont négligeables par apport à l'ensemble des échanges.

v Les produits sont homogènes de sorte que les acheteurs sont indifférents à l'identité des vendeurs.

v L'entrée du marché est libre de sorte qu'il n'a pas de collusion.

v Et enfin, la transparence de l'information est de fait supposée telle que les acteurs économiques sont informés à tout moment de la qualité et du prix des produits.

La théorie micro- économique étudie donc le fonctionnement de l'échange marchand entre des acteurs rationnels maximisateurs en situation de concurrence parfaite. Dans cette perspective, les individus agissent donc indépendamment de toute contrainte sociale ou culturelle.

Le modèle walrasien7(*) décrit ainsi le mécanisme de la formations des prix par le jeu qui s'instaure entre l'offre et la demande. Le marché permet ainsi en situation de concurrence parfaite d'atteindre un équilibre caractérisé par une utilisation efficace des ressources dans lesquelles la satisfaction des acteurs est maximisée(équilibre de Paréto).

Cet équilibre n'est cependant atteint que sous certaines conditions concernant notamment la préférence des consommateurs, la technologie des firmes et l'organisation des marchés qui nécessite l'absence de monopoles, de biens indivisibles ou encore les coûts de transactions. Les hypothèses de fonctionnement de l'équilibre walrasien sont donc très restrictives et s'avèrent peu efficaces dans leur confrontation avec la réalité de l'économie.

2. La firme point technico- économique : conceptions mécanistes de Taylor à Fayol

Dans le contexte de la micro- économie ainsi décrite, la firme n'est alors qu'une composante de la théorie des prix et de l'allocation des ressources. Elle se réduit alors selon l'expression de (B. Coriat et O. Weinstein,1995) à une ''firme point'' ou ''une boîte noire''8(*). La firme en tant qu'outil de production est ainsi réduite à une ''firme automate'' qui transforme des ressources en s'adaptant mécaniquement à son environnement.

En l'absence de progrès techniques, sa fonction se borne à une fonction de production. Elle a certes aussi la possibilité de choisir certaines variables d'actions, parmi celles qui sont à sa disposition, mais celles- ci sont déterminées par le marché qui s'impose de toute façon à elle. Ce processus s'opère alors sous l'hypothèse que la firme a elle aussi une rationalité parfaite, une connaissance et une maîtrise des techniques optimales, et un accès transparent aux prix donnés par un marché ''simple et inerte''9(*). La firme est ainsi conçue comme un acteur individuel en ce qu'elle est considérée comme une unité de décision rationnelle dont l'objectif est aussi la maximisation du profit sous des contraintes technologiques. L'école classique du management initiée par Henri Fayol(1814-1925) et frederick Taylor(1856-1915) participent à cette approche mécaniste et rationnelle de l'économie du point de vue de l'entreprise.

Le premier a jeté les bases de la théorie administrative en détaillant six groupes d'opérations dans l'entreprise qu'il qualifie de techniques, commerciales, financières, comptables, administratives et enfin celles qui sont liées à la sécurité. Il s'est surtout intéressé aux problèmes de direction, correspondant aux opérations administratives, qu'il considère comme décisives pour l'entreprise. Ces opérations administratives se déclinent alors en cinq types d'actions que sont celles de ''prévoir'', ''organiser'', ''commander'' et ''contrôler''. Les principes qui permettent alors à l'entreprise conçue comme un ''corps social'' de bien fonctionner sont au nombre de quatorze : la division du travail, l'autorité, la discipline, l'unité de commandement, l'unité de direction, la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général, la rémunération, la centralisation, la hiérarchie, l'ordre, l'équité, la stabilité du personnel, l'initiative et l'union du personnel(P. Morain,1999).

Cette théorie conserve donc une approche mécaniste maximixatrice de l'efficacité de l'entreprise. La contingence humaine prise en compte concerne l'autorité du chef qui n'est pas seulement statutaire mais dépend de la capacité du chef à se faire obéir. Outre cette dimension contingente, l'efficience de l'organisation repose avant tout sur des règles de fonctionnement normatives. M.Weber10(*) a aussi proposé dans le cadre de son oeuvre une théorie des organisations. Il s'intéresse à l'exercice de l'autorité et étudie le modèle de l'armée prussienne. Analysant la structuration de cette organisation en bureaux, il qualifie son modèle de bureaucratique par opposition aux systèmes qui l'ont précédé. Dans la même volonté d'améliorer le fonctionnement de l'entreprise et plus particulièrement de la productivité afin toujours de mieux satisfaire l'objectif de maximiser du profit, Fredrick Taylor s'est quant à lui intéressé avec Babbage, Gantt et Gilbreth à développer une ''organisation scientifique du travail''11(*). Selon lui, l'amélioration de la productivité passe par l'accroissement du rendement du travail de l'ouvrier qui n'est selon lui qu'une question de méthode. Il développe donc une méthode par laquelle les tâches des employés et ouvriers sont étudiées, préparées et fractionnées réduisant ainsi l'initiative de ceux- ci en augmentant leur rendement. Certes, cette organisation s'accompagne d'un système de rémunération de sanction et de promotion librement consenti entre la direction et le personnel (F. Vatin,1990). Pour Taylor, la prospérité des employeurs et celles des employés vont de pair :le profit pour l'entreprise, la hausse des salaires pour les employés grâce à l'augmentation de la productivité (J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni, 2002).

Reste que les individus sont encore considérés comme des éléments passifs qui s'insèrent mécaniquement dans une organisation du travail rationalisée. La seule motivation pour l'homme était l'argent. Non seulement l'homme est interchangeable mais dans l'organigramme il se réduit à sa fonction(J. Rojot,2003).

Ces théories administratives et scientifiques du travail ont certes été à l'origine d'une meilleure compréhension du fonctionnement de l'entreprise mais elles sont avant tout normatives et n'expliquent ni l'émergence de la firme dans le marché, ni ne prennent en compte les contingences humaines, institutionnelles ou environnementales de son fonctionnement et de son évolution. L'organisation est conçue comme un outil mécanique(organon) dont l'objectif est la réalisation d'objectifs organisationnels de nature technique et économique. Selon Bernard de Montmorillon et Jean Pierre Pitol- Belin Dans l'approche classique du management, ''tout se passe comme si les hommes qui composent l'organisation abandonnaient leurs valeurs, leurs croyances en pénétrant dans l'entreprise''12(*). L'homme est assimilé à un animal- machine qui avance avec une carotte et que l'on sanctionne à l'aide d'un bâton. L'homme ne souhaite qu'une chose :travailler et ne pas penser, donc accomplir la tâche la plus simple possible(J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni, 2002).En outre cette approche ignore les interrelations entre l'entreprise et son environnement.[....].Les problèmes de spécificité, l'adaptation de l'entreprise aux contraintes de l'environnement, en particulier par le biais de la structure, semble absents du discours classique. L'entreprise apparaît comme un système clos fonctionnant selon des règles préétablies.13(*)

La théorie économique des investissements a été influencée par le paradigme classique dominant et s'est développée, selon (M. Nussenbaun,1978), dans deux directions : une théorie descriptive, définie au niveau des groupes d'entreprises et de l'économie nationale, qui cherche l'explications des montants d'investissements au niveau des branches et des structures et une théorie normative qui propose à l'entreprise des méthodes rationnelles de choix d'investissements.

La conception de la firme dans les premiers modèles est la même que la théorie micro-économique, enrichie par des développements de la théorie financière. L'explication de l'investissement au niveau des groupes d'entreprises fait intervenir des variables globales comme le taux d'intérêt, et des variables caractéristiques des entreprises, mais dérivées des théories globales telles que les variables d'accélération. La confrontation avec la réalité et la nécessité d'aboutir à des modèles prévisionnels, ont conduit les auteurs à introduire également les variables caractéristiques de la structures des actifs financiers des firmes et du risque de leurs activités. Ces données, de nature comptable, sont publiées par les firmes ayant une structure juridique de société anonyme. Ces modèles sont le plus souvent de nature déterministe par suite des difficultés de prise en compte de l'incertitude.

Les théories normatives reposent elles aussi sur des concepts et des hypothèses micro-économiques. La firme y est rationnelle et maximise un seul objectif : le profit. Elle s'est définie par une fonction de production à laquelle est rattachée la loi des rendements décroissants ; le milieu dans lequel elle se trouve est donné par la fonction de demande et se ramène le plus souvent à la concurrence parfaite. Les modèles sont de nature déterministe ou bien s'y ramènent par la définition d'équivalents certains, comme l'espérance mathématique. L'information est supposée gratuite et la décision est fondée sur la maximisation du profit pour un ensemble de choix donné.

3. Inefficience de la notion de culture dans cette perspective

La question se pose dès lors de la pertinence qu'offre la présentation du marché et de la firme proposée par la théorie économique standard si l'on considère l'impact des cultures nationales ou régionales sur l'organisation.

La visualisation mécanique et déterministe du marché et de la firme repose en effet sur des hypothèses de rationalité et de concurrence parfaite ainsi que sur celle de maximisation du profit. Ces hypothèses évacuent de fait les imperfections avérées du marché de même que l'introduction de toute dynamique économique liée aux comportements des individus ou de la collectivité, à leur capacité collective et individuelle à générer de nouvelles règles, à l'adaptation des formes institutionnelles à la réalité industrielle, et au jeu qui s'instaure entre les interactions effectives qui prennent place entre les individus et leurs représentations.

Or, la culture est, selon (D. Bollinger., G. Hofstede,1992), une programmation mentale qui détermine les comportements et les objectifs des individus. Elle constitue aussi le référent de leur rationalité du fait que la culture est considérée comme des frontières à la rationalité. Ainsi, si nous considérons que la culture varie d'un groupe à l'autre, leur rationalité varie aussi (E. Delavallée,1995).. Cette rationalité culturellement limitée est considérée, comme nous le verrons dans la deuxième partie, un filtre de choix d'investissement. Par ailleurs, la notion de la concurrence parfaite qui s'appuie sur la transparence de l'information peut être remise en question dans le cas de situations interculturelles du fait que la distance culturelle, selon (J. Engelhart., S. Eckert, 1999)14(*), augmente l'incertitude entre les acteurs. Enfin, l'objectif économique premier avancé par la micro- économie traditionnelle peut lui même être nuancé par l'interprétation que les individus ont de leurs intérêts individuels et collectifs, lequel n'est seulement la maximisation du profit individuel mais peut être influencé par leur référent culturel. Les activités économiques sont influencés par le contexte social dans lequel elles sont imbriquées (U. Mayrhofer., F. Roth,1999).

Si les hypothèses de la théorie économique des investissements sont acceptables dans le cadre d'un modèle explicatif du comportement d'un groupe d'entreprises pour lequel les interactions entre firmes éliminent les caractéristiques individuelles, elles ne le sont plus lorsqu'il s'agit de fournir un outil de décision à une entreprise particulière. En effet, une entreprise est le plus souvent en situation d'incertitude et n'est pas un centre de décision unique maximisant le profit, mais plutôt une organisation sociale dont les différents éléments poursuivent des objectifs qui ne sont pas toujours compatibles. De plus, les dirigeants ne prennent généralement pas leurs décisions sur un ensemble de choix potentiels optimaux, mais sur un ensemble déjà tiré par les échelons hiérarchiques inférieurs (M. Nussenbaun,1978).

La décision d'investissement ne peut plus alors être considérée comme un événement ponctuel, mais comme un processus qui se découle dans le temps. Il commence par la prise de conscience d'un problème posé à l'organisation, il se poursuivit par l'élaboration de l'ensemble de choix proprement dit et s'achève par la décision finale. En conséquence, l'optimisation des choix d'investissement suppose non seulement de l'emplois des critères de choix optimaux, mais également la connaissance du processus d'élaboration de l'ensemble de choix. Il implique donc l'étude du processus de décision lui même.

Un modèle complet de la décision d'investissement doit alors traiter non seulement de la décision finale, mais aussi des différentes étapes qui y ont conduit. Sachant que les critères, les étapes, les raisons et les types varient d'une culture à l'autre (L'hermitte, 1999).

Par ailleurs, les hypothèses de la micro- économie traditionnelle ont été progressivement remises en cause non seulement par les institutionnalistes comme nous le développerons dans le deuxième chapitre de cette partie, mais aussi par les chercheurs en économie et en théorie des organisations. En effet, les dysfonctionnements observés entre cette théorie et la réalité du fonctionnement économique les ont déjà conduits à cette révision. Nous allons donc dans un premier temps reprendre rapidement ces différentes révisions que nous enrichirons de la perspective culturelle avant de nous concentrer plus particulièrement sur les approches contractuelles puisque la variation du référent culturel qui influence les transactions entre individus peut en effet apporter un éclairage intéressant à la notion de transaction, au coeur des théories contractuelles.

Section II. La remise en cause progressive des hypothèses de la théorie standard et ses conséquences sur la théorie des organisations

La remise en cause de certaines hypothèses fondatrices de la micro- économie standard ont en effet progressivement permis de complexifier et d'enrichir la visibilité du fonctionnement des échanges ainsi que celui de la firme.

1. L'Ecole des Relations humaines et la contingence culturelle

Dans la construction classique, un aspect apparaît complètement ignoré :celui des relations entre les individus. C'est sur cette base que l'école des relations humaines va se développer (J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni, 2002). Certes, les auteurs de ce courant ont permis d'assouplir le modèle de la firme ''point'' ou celui de marché ''mécanique'' en introduisant une contingence liée à la nature de l'individu. Cependant, ils ont souvent considéré cette contingence de la manière encore trop mécanique en considérant des règles universelles du jeu social ou humain. Tout le contexte hors d'entreprise, familiale, personnel, politique est écarté. Dans ces cas, les promesses implicites de la théorie sont trompeuses (J. Rojot,2003).

Les travaux que E Mayo(1949)15(*) a conduits à Hawthorne, dans l'usine de la société Western Electric, lui ont permis de montrer que ce n'était pas seulement les conditions matérielles de travail qui permettaient d'influer sur la productivité mais aussi les conditions psychiques du travail. L'observation des chercheurs s'est faite en interaction avec le personnel qui s'est trouvé motivé par cette expérience et a augmenté son rendement. Il a considéré que la recherche unique du profit n'étaient pas la motivation ultime et unique des acteurs des organisations. Il a alors mis en avant l'importance pour le rendement de la participation, de la coopération et de la discussion au sein des groupes de travail. Ce faisant, Mayo touche à l'une des hypothèses majeurs de la micro- économie standard, à savoir, l'existence d'individus maximisateurs ayant pour seul objectif le profit. Il introduit une contingence quant aux motivations des individus au travail.

Le profit n'est alors pas la seule motivation. On trouve dans les travaux de Bollinger, et Hofstede (1992) d'autres motivations au travail tel que la motivation par les performances, la motivation par la sécurité, les besoins de socialisation dans des relations chaleureuses et les besoins de se distinguer. Selon ces auteurs, les motivations varient d'une culture féminine à une culture masculine.

A.H. Maslow(1954)16(*) approfondit encore l'analyse de Mayo relative à la motivation des individus dans l'organisation en mettant en place une pyramide qui hiérarchise les besoins humains des plus fondamentaux aux plus élaborés. Il commence ainsi par énoncer les besoins physiologiques qu'il fait suivre par les besoins de sécurité, d'appartenance d'estime et enfin d'accomplissement. Si la définition d'une échelle de besoins permet d'introduire un facteur humain et non plus seulement mécaniste dans la performance organisationnelle, la question de l'universalité de sa hiérarchisation peut être alors remise en cause par la perspective culturelle, particulièrement aux niveaux les plus élaborés (Bollinger D et Hofstede G (1992), Hofstede G,(1980)).

Selon ces auteurs, cette pyramide des besoins humains montre une structure culturelle sous- jacent qui est la suivante : à la base, et tout d'abord, les pays doivent avoir un faible degré de contrôle de l'incertitude (n'avoir peur de l'avenir), puis pour réussir selon la hiérarchie, il faut un fort degré de masculinité et enfin, pour arriver au sommet, posséder un individualisme forcené : n'est- ce pas la mentalité américaine ?

Ainsi la force du besoin d'appartenance dans un contexte culturel collectiviste polychrone est certainement susceptible de passer avant les besoins d'accomplissement sinon d'estime alors que l'on peut constater l'inverse dans un environnement culturel individualiste monochrone (USA). Outre leur intensité, ces besoins peuvent aussi prendre des formes différentes, l'appartenance se manifestant par rapport à la référence familiale restreinte dans certains contextes culturels, ou à la référence familiale élargie dans certains autres.

De même, K. Lewin(1951)17(*) introduit aussi l'acteur individuel au centre de l'organisation en montrant que le comportement du groupe est induit par le chef et que par conséquent le style de direction (leadership) est déterminant pour le fonctionnement et l'efficacité de l'organisation.

Dans le prolongement de ces travaux, R. Likert(1961)18(*)essaie d'établir un nouveau type d'organisation plus performant. Celle-ci doit être centrée sur le groupe au travail et non plus sur l'individu et intègre les valeurs individuelles de chacun. Il oppose le système participatif par groupe aux systèmes autoritaires, exploiteurs, paternalistes et consultatifs. L'articulation se fait par l'appartenance de chaque membre de la hiérarchie à deux groupes(le linking pin, récemment redécouvert).

G. Hofstede(1987) montre qu'en France et en Belgique, les subordonnés, en règle générale, refusent de participer. Ils attendent que leurs dirigeants se conduisent en autocrates, en sorte que, par leur conduite, ils rendent difficile à leur dirigeants toute autre type de conduite. La direction participative est très rare en France et en Belgique. Mais, la société est en même temps collectiviste, il peut exister pour les subordonnés des moyens qui leurs permettent d'influer sur leur chef en tant que groupe. Cela est aussi vrai pour tous les pays d'Asie

Enfin, en gardant toujours l'axe de motivation au travail, McGregor(1960)19(*) prend l'hypothèse que l'homme est naturellement paresseux et éprouve une aversion congénitale pour le travail qu'il n'effectue que sous l'influence de sanctions. Il n'a alors ni ambition, ni initiative et préfère être en ce sens dirigé en optant pour la sécurité. Le but pour la direction est alors de produire des conditions de travail qui favorisent la réalisation des objectifs de l'individu tout en faisant converger leurs objectifs vers ceux de la firme. Reste que la perception de l'attitude naturelle de l'homme par apport au travail est ainsi considérée comme une hypothèse universelle par McGregor. Celui- ci n'envisage ainsi nullement qu'elle peut être culturellement variable ainsi que le montre Adler ou Hofstede pour qui les cultures valorisent différemment le travail, certains intégrant plutôt la formule du ''travail au service de la vie'', tandis que d'autres lui préfèrent celle de ''la vie au service du travail''.

Dans la lignée de McGregor, F. Herzberg et ali.(1959)20(*) avance alors que les conditions de travail optimales pour réaliser les objectifs de l'entreprise s'obtiennent dans la mesure où l'individu s'épanouit en se valorisant. Ce résultat peut être obtenu en prenant en compte cinq facteurs de satisfaction au travail que sont l'accomplissement de ses capacités, la reconnaissance par les auteurs des résultats obtenus, la nature et l'intérêt du travail effectué, la responsabilité de l'individu, sa promotion et enfin la possibilité de développement. De même, il établit plusieurs facteurs de mécontentement ou d'ambiance qui inhibent la motivation des individus et qui sont la politique et l'administration de l'entreprise, le profit de supérieur, la rémunération, les relations entre personnes, les conditions de travail, la sécurité de l'emploi, la vie privée et finalement le prestige.

Cette dernière approche est intéressante car elle permet comme les autres approches de l'école des relations humaines, de mettre en place des facteurs humains de variabilité de la performance des individus et donc l'organisation. Elle ne pousse cependant pas l'analyse jusqu'à considérer les causes de cette hiérarchisation des conditions énoncées. Ainsi, les cinq facteurs de satisfaction au travail peuvent être pondérés et déclinés différemment d'une culture à l'autre de même que les facteurs de mécontentement.

L'Ecole des Relations Humaines a donc contribué à faire évoluer la conception mécanique de la firme vers une conception plus organique en introduisant une contingence de type humaine. En effet, elle a l'avantage de replacer l'individu, l'homme, au centre de l'organisation. Elle a mis en évidence l'importance des relations dans les groupes et entre les groupes (J. Rojot,2003).Mais elle a aussi indirectement contribué à ouvrir la voie d'une contingence de type culturel dans la mesure où elle questionne les motivations et donc les attitudes et valeurs des individus au travail.

En résumé, cette brève revue des analyses proposées par l'Ecole des Relations Humaines est particulièrement intéressante dans la perspective de l'approche culturelle car elle introduit, à travers la variabilité des motivations des individus au travail, l'impact des valeurs et des comportements individuelles ou collectifs sur la performance des organisations. Elle ne va cependant ni jusqu'à analyser la potentielle variation des facteurs de motivations selon les cultures, ni à considérer le jeu interactif et dynamique d'influence qui peut se produire entre les valeurs culturelles et l'évolution des formes organisationnelles.

2. L'approche béhavioriste de l'organisation et la culture

Une autre remise en cause importante des hypothèses classiques concernant l'individu a été amorcée par Simon puis développée par Cyert et March(1963). Le premier introduit la notion de rationalité limitée des individus dont la capacité à recevoir, stocker et traiter les informations est physiquement limitée. March et Simon considèrent que dans une situation donnée, le choix est toujours exercé au regard d'un schéma simplifié, limité et approximatif de la situation réelle. Cette simplification provient de l'incapacité humaine à formuler et à résoudre des problèmes complexes Dès lors, l'objectif de maximisation est aussi remise en cause et celui de satisfaction lui est substitué. L'entrepreneur ne maximise plus son profit mais recherche un niveau de satisfaction laquelle est liée au niveau subjectif de ses aspirations. Sa connaissance des prix et des coûts est incomplète et, il ne peut prendre en compte qu'un nombre limité d'hypothèses afin de formuler ses choix. Cette perspective permet alors d'introduire la culture comme cadre de référence et donc de limitation de la rationalité des acteurs. De ce fait la rationalité est culturellement limitée (E. Delavallée,1995). Cette hypothèse est très importante pour la suite de notre développement dans la mesure où cette référence culturelle limite le choix d'investissement.

L'école béhavioriste, essentiellement mise en place par Cyert et March remet alors en cause la conception d'une organisation prise comme un acteur économique doté d'objectifs propres afin de la considérer comme ''coalition interactive de différents groupes d'individus aux objectifs conflictuels''21(*).

Les deux auteurs considèrent qu'il est tout d'abord nécessaire d'élaborer des théories élémentaires qui expliquent comment l'entreprise établit ses objectifs, ses prévisions et fait ses choix. Ils peuvent ensuite analyser comment les firmes résolvent leurs problèmes et font leur apprentissage en tirant les leçons de l'entreprise.

Les principaux objectifs étudiés sont la production, les ventes, les stocks, la part de marché et le profit. L'étude des objectifs consiste à déterminer comment ils forment et évoluent dans le temps. L'organisation étant définie comme coalition d'individus ou de sous- groupes, les objectifs de la coalition sont ceux de ces membres ; la théorie de Cyert et March ne suppose pas qu'il y ait, à l'intérieur de la coalition, un accord sur les objectifs, mais uniquement une volonté de réaliser pour chacun d'eux, une performance(niveau d'aspiration). Cyert et March caractérisent le processus par lequel les objectifs de l'organisation se modifient lorsque de nouveaux participants entrent dans la coalition ou lorsque des anciens membres la quittent. Les objectifs n'étant évoqués qu'à propos de problèmes particuliers, on peut considérer qu'ils se révèlent lorsque l'organisation examine un problème et non à priori.

Les niveaux d'aspiration relatifs à chacun des objectifs dépendent de l'objectif passé de l'organisation, de son mode de fonctionnement passé et de la façon dont fonctionnent des organisations comparables. Les objectifs ne sont pas satisfaits simultanément, mais de manière séquentielle. Les risques d'éclatement de la coalition qui peuvent survenir à la suite de la non satisfaction de certains d'entre eux sont atténués par l'existence dans l'organisation de ce que Cyert et March appellent un excédent organisationnel. Celui- ci apparaît lorsque le total des avantages (rémunérations et avantages non monétaires)dépasse le minimum requis pour le maintien des membres dans la coalition. Cet excédent est réduit pendant les périodes difficiles de la vie des organisations. Ainsi, grâce à l'excédent organisationnel, les conflits entre les membres de la coalition, sont maintenus à un niveau acceptable par l'organisation.

Les prévisions dépendent des informations recherchées par la firme et donc, de son système d'information. L'excédent organisationnel agit sur l'intensité de cette recherche et par là même, sur son mode. La procédure la plus couramment employée pour effectuer ces prévisions est l'extrapolation linéaire qui ne prend en compte que le passé.

Dans cette perspective, il devient essentiel de prendre en compte la stratégie des acteurs et des coalitions d'acteurs et pour cela de définir des intérêts des groupes en jeu ainsi que le processus de résolution de conflit qui doit se mettre en place entre ces groupes afin de réaliser la prise de décision.

Une fois encore dans cette perspective, la firme point disparaît pour faire apparaître le jeu des acteurs et donc la référence culturelle à partir de laquelle ils définissent leurs objectifs et agissent. Ainsi, le mode et la force de l'appartenance à un groupe influencent la mise en place des coalitions et leurs niveaux d'objectifs de même que les modes d'interactions et de résolution de conflit entre les acteurs et les coalitions d'acteurs.

La dernière théorie élémentaire concerne les choix. Ils sont considérés par les auteurs comme des réponses à des problèmes perçus par l'organisation. Cette perspective dépend des règles de fonctionnement de l'organisation, face à un environnement incertain. Le processus de choix est lié à l'excédent organisationnel et à l'expérience qui intervient directement pour déterminer les éventualités prises en compte. La résolution du problème se fait à l'aide de procédures standard et de règles ad hoc. La plus part du temps, la première solution satisfaisant aux niveaux minima d'acceptabilité pour l'ensemble des critères est retenue.

Les objectifs, les prévisions et les choix sont désignés par Cyert et March du nom de variables organisationnelles. Après les avoir définies, les auteurs peuvent étudier des processus qu'ils appellent relations, mettant en jeu ces variables.

La première concerne la résolution du conflit. Les objectifs de la coalition ne pouvant tous être atteints simultanément, le conflit subsiste en son sein, au moins partiellement. Les procédures employées ne réduisent pas tous les objectifs à une seul dimension et ne permettant pas d'atteindre un niveau satisfaisant de compatibilité interne. Cyert et March désignent cette solution de quasi résolution du conflit. Elle correspond à une prise en compte séquentielle des différents objectifs avec une rationalité partielle et des règles arbitraires quant à l'acceptabilité des décisions. En examinant ces problèmes successivement et non simultanément, l'organisation peut ainsi résoudre les conflits les plus urgeants, laissant cependant les autres grâce à l'excédent organisationnel.

La rationalité partielle consiste, à la suite de la division du travail, à séparer les problèmes globaux en sous- problèmes, et à résoudre chacun de ces problèmes en satisfaisant aux niveaux d'aspiration minima. Ces décisions locales ne sont pas toujours entièrement compatibles. L'organisation accepte cette situation qui est inhérente à son processus de résolution des problèmes. Les décisions qui en résultent ne constituent cependant pas un optimum global. Elles sont admissibles grâce à l'excédent organisationnel qui permet de ne pas exiger le maximum du milieu environnant.

Les auteurs étudient ensuite la limitation de l'incertitude. L'organisation ne considère pas son milieu environnant comme une donnée exogène, elle s'efforcent d'agir sur lui pour réduire son degré d'incertitude. En abordant les problèmes de manière séquentielle, l'organisation privilégie les informations à court terme et résout le problème dans ce cadre. Ainsi pour une décision de production, plutôt que de prévoir les ventes futures, l'organisation privilégiera les données provenant des ventes récentes et des stocks. Cette attitude, a priori peu rationnelle, permettra le plus souvent de satisfaire les demandes de ces coalitions.

Toujours afin de réduire l'incertitude, l'organisation va tenter de contrôler son environnement, tant externe qu'interne. Sur le plan externe, cette attitude conduira à mettre en place des pratiques conventionnelles standardisées. Celles- ci concernent notamment le mode de fixation des prix de vente par l'intermédiaire d'un taux de marque unique. Lorsqu'il est accepté par les firmes de la branche, chacune d'elles n'a plus à prévoir l'attitude de ses concurrents. Ce comportement n'entraîne généralement pas la maximisation du profit. Sur le plan interne, la mise en place d'un système de planification comme le contrôle budgétaire réduit l'incertitude entre les différents services, chacun d'eux connaissant ainsi, à l'aide du plan, les objectifs assignés aux autres.

Les auteurs étudient ensuite la façon dont l'organisation résout les problèmes qui se posent à elle. Cette recherche de solution présente trois aspects principaux. Elle est premièrement motivée, parce qu'elle est déclenchée lorsque des objectifs ne sont pas satisfaits et poursuivie jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée qui satisfasse aux niveaux minima d'aspiration qui pourront d'ailleurs être abaissés durant le processus. Elle est deuxièmement naïve, les règles de recherche sont simples. La recherche de solutions est enfin partiale pour les raisons suivantes :les différences entre les fonctions et l'expérience des différentes parties de l'organisation, l'influence inévitable des souhaits sur les prévisions et enfin, les conflits internes non résolus.

Enfin, Cyert et March ont étudié l'apprentissage de l'organisation. Cet apprentissage concerne les objectifs de l'organisation, ses domaines d'intérêt et ses méthodes de résolution des problèmes. Ils ont résumé le processus de décision étape par étape et afin de donner un contenu concret à cette théorie, les auteurs l'ont appliquée à des décisions courantes de l'entreprise, notamment à la fixation des prix dans un grand magasin. E. Carter(1971)22(*) a montré qu'on pouvait employer utilement ces concepts de Cyert et March pour expliquer le processus de choix d'investissement, à condition de les modifier partiellement pour tenir compte des structures hiérarchiques. Y. Aharoni(1966)23(*) utilise également ces concepts pour analyser la décision de s'implanter à l'étranger d'un certain nombre d'entreprises américaines. Les notions définies par Cyert et March lui semblent indispensables pour décrire le processus, mais il faut leur en joindre d'autres qui caractérisent les systèmes d'autorité de l'entreprise et les motivations des décideurs.

En résumé, on trouve que cette perspective permet alors d'introduire la référence culturelle comme cadre de référence et donc de limitation de la rationalité des acteurs. Cela est très important pour la suite de notre développement dans la mesure où la culture est un filtre des choix d'investissement.

3. Les approches contingentes de l'organisation et la culture

Outre la remise en cause des hypothèses relatives aux individus ''rationnels'' et ''maximisateurs'', d'outres courants de la théories des organisations ont aussi remis en cause la passivité et la transparence de l'environnement de l'organisation. Les approches contingentes ont ainsi insisté sur la variabilité de l'environnement de l'entreprise et les adaptations que les organisations doivent nécessairement opérer pour maximiser leurs performances. Dans cette perspective, le mécanisme d'ajustement se fait par l'entreprise et non plus seulement par le marché. Plusieurs types de contingence ont été analysés. En 1965, sur la base d'une enquête menée auprès de cent entreprises du secteur manufacturier anglais, Joan Woodwoard(1965)24(*) définit ainsi une relation entre le degré de complexité technologique des entreprises et leur structure organisationnelle. Les entreprises ayant des systèmes de production semblables ont globalement des modes d'organisation semblables. A travers ses recherches, elle distingue trois modes d'organisation de la production à travers la technologie(la production unitaire ou de petites séries, la production en grande série et le processus contenu de production). En gardant l'hypothèse de la maximisation du profit de l'entreprise par celle de sa compétitivité, elle montre ainsi une contingence de la structure à la technologie.

Les travaux de Joan Woodwoard, une des rares des théoriciennes des organisations, s'inscrivent dans la lignée de la théorie de la contingence structurelle. Elle développe bien l'idée que l'on ne peut pas dire qu'il existe une structure qui soit la plus performante pour toutes les organisations(J.M. Plane, 2003).

L'approche contingente de Lawrence et Lorsch(1967) est plus générale en ce que les facteurs qu'ils avancent sont plus complexes. Ils conçoivent l'organisation comme un système ouvert composé de trois sous systèmes scientifique, commercial et techno- économique qui ont chacun des caractéristiques structurelles telles que la nature de leurs objectifs, leur orientation temporelle, leur mode relationnel et leur degré de formalisation. Ces sous- systèmes ont chacun un environnement qui leur est propre et que les acteurs cernent au moyen d'une variable spécifique : Le degré de stabilité technique des processus de production caractérise ainsi l'environnement commercial et enfin la formalisation des tâches de production ou d'administration caractérise l'environnement technico- économique. Lawrence et Lorsch avancent alors que la structure de chaque sous- système s'adapte à l'incertitude de son propre environnement et que cette adaptation ainsi que la qualité d'intégration des sous- systèmes conditionnent la performance de l'entreprise.

Ces approches contingentes ont l'avantage de mettre en avant la caractère actif de l'organisation qui réagit par rapport à un environnement et sélectionne la structure la mieux adaptée à la maximisation de la performance de l'entreprise. Cependant, son degré de liberté reste restreint en ce que son action se réduit à adapter mécaniquement sa structure en réponse à des stimuli particuliers de l'environnement et non pas à constituer sa propre dynamique d'évolution et d'adaptation structurelle.

Les travaux de recherche de Lawrence et Lorsch ont eu un énorme retentissement, car ils ont le mérite de démonter ce que beaucoup de praticiens sentaient intuitivement. Une forme d'organisation est bien contingente à des données externes et internes qui peuvent varier mais elle n'est pas homogène et à un moment donné, l'environnement peut présenter des facettes différentes à divers parties ou départements de la structure (J.M. Plane, 2003).

A ce stade, l'organisation n'est déjà plus une donnée fixe et prédéterminée mais entre dans la subjectivité construite des acteurs. Cette perspective permet donc d'introduire encore l'importance de la culture comme référent d'interprétation nécessaire au repérage et à l'action des individus. Les acteurs prennent leurs décisions selon des représentation subjective de la réalité (P. Wirtz, 2002).

En gardant le cadre conceptuel de la rationalité limitée, l'approche cognitive développe le caractère psychologiquement construit de l'environnement de l'acteur. Dans cette perspective, l'acteur construit son propre environnement par ses actions, lesquelles dépendent de la représentation qu'il s'en fait. Il sélectionne les informations qu'il reçoit et prend ses décisions en foction de construction mentale qu'il opère par apport à son environnement. Cette représentation est certes influencée par la structure objective de l'organisation mais aussi par le propre référent conceptuel de l'acteur dont, en l'occurrence, sa culture.

En résumé, la théorie contingente de Lawrence et Lorsch a le grand mérite de rompre avec les deux courants de pensée, celui de la théorie traditionnelle des organisations de Taylor et Fayol, qui postule l'existence d'une structure optimale associée à la taille et au stade d'évolution de la firme, et le courant de Cyert et March qui analyse les processus de décision en dehors des variables économiques caractéristiques de l'environnement.

4. L'approche systémique et la culture

Elle a été élaborée par L. Von bertalanffy (1968)25(*). Elle étudie des phénomènes complexes aux composantes interalliées dont les composants sont apparemment orientés vers un but. L'approche systémique a contribué aussi à substituer à la notion d'organisation objective et fixe celle d'un ensemble d'interrelations entre les éléments constitutifs de l'organisations (J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni, 2002). Dans cette perspective, les relations qui unissent les parties pour former un tout ont autant d'importance sur le comportement du tout que leur composition ; bref le tout est plus que les parties, en ce sens qu'il dépend à la fois des parties et de l'ensemble des relations qui les ordonnent.

La relation entre les acteurs est aussi importante que la structure formelle de l'organisation. La culture, en tant qu'élément déterminant de la relation entre les individus devient donc un facteur opérationnel de l'étude des organisations ainsi que le montre l'analyse de Fons Trompenaars26(*) qui met en relation la structure organisationnelle et la culture.

Fons Trompenaars synthétise l'évolution de ces approches de la théorie des organisations par trois phases qu'il qualifie de mécaniste, organique puis systémique. L'approche mécanique caractérise les définitions classiques et normatives de l'organisation telle qu'elle est conçue par l'économie standard et les analyses de Fayol ou de Taylor.

L'approche organique permet de considérer la dépendance mutuelle des parties de l'organisation et l'objectif de maintenance de sa structure. Si l'organisation est toujours conçue comme un tout doté d'objectifs qui restent ceux de l'économie classique- le profit -, l'individu comme élément constitutif de l'organisation doté de besoins propres ainsi que l'environnement et son incertitude sont enfin considérés comme déterminants par apport à la formalisation et le fonctionnement de l'organisation. Fons Trompenaars regroupe dans cette approche théorique tant l'école des Relations Humaines que les fonctionnalistes et les tenants de la théorie contingente.

Enfin, l'approche systémique lui permet de considérer l'organisation comme un système socioculturel dont les éléments constitutifs sont des acteurs dotés d'objectifs propres et dont les relations sont constituées par les changes d'informations, reposant sur un système symbolique commun d'interprétations. Reprenant en fait la démarche cognitiviste, il définit l'action de l'individu comme le résultat d'une interprétation de son environnement et non pas comme la réponse mécanique à un stimulus. La stabilité du système socioculturel est atteinte dans la mesure où les individus qui y prennent part développent un mode d'interprétation commun ou pour reprendre les termes de Buckley, une co- orientation qui, selon Fons Trompenaars fait directement référence à la culture. Dans cette perspective, la structure organisationnelle n'est alors pas une donnée objective mais un construit culturel, un instrument que les acteurs utilisent pour réguler leurs interactions dans la poursuite d'objectifs collectifs avec un besoin minimum de coopération.

Cette démarche lui permet alors de distinguer deux conceptions extrêmes de la structure organisationnelle qui sont directement mises en relation avec deux configurations culturelles différentes. Pour les définir il utilise l'analogie aux différentes fonctions des hémisphères droit et gauche du cerveau. La première conception de la structure organisationnelle, analogique aux fonctions de l'hémisphère gauche, est constituée par un ensemble de relations caractérisées par leur nature rationnelle fonctionnellement spécifique et instrumentale. La seconde conception extrême de la structure organisationnelle, analogique donc aux fonctions de l'hémisphère droit, est constituée quant à elle par un ensemble de relations de nature affective diffuse et intrinsèque.

Puis il met en relation ces conceptions de la structure organisationnelle avec des variables de configuration culturelle que nous développerons dans la deuxième partie, et qui concernent l'orientation relationnelle des individus, leur relation au temps et leur relation à la nature.

En résumé, L'approche systémique de l'organisation qui prend en compte les individus comme des agents dotés d'objectifs propres et les relations d'information qu'ils entretiennent à la base de chacune de leurs actions permet ainsi à Fons Trompenaars d'introduire l'impact de la configuration culturelle sur l'organisation et plus spécifiquement sur la structure de l'organisation.

Chapitre II. La notion de culture et les approches institutionnalistes

Nous partirons d'abord de l'intérêt renouvelé par l'ancien institutionnalisme pour la place et le rôle des institutions et donc la culture, dans la dynamique des phénomènes économiques. Nous montrerons ensuite que l'approche économique néo- institutionnelle nous permettra d'induire de façon plus opérationnelle la contingence culturelle dans le choix d'investissement en prenant appui sur l'analyse des transactions économiques.

Section I. Le facteur culturel dans l'ancien- institutionnalisme

Les institutions avaient traditionnellement le statut de données fixes et exogènes pour les théories économiques standard et étaient de fait exclues de l'analyse(T. Corei, 1999). Or l'institution définie par W.H. Hamilton(1932)comme ''un mode de pensée ou d'action prévalent et permanent, qui s'incarne dans les habitudes d'un groupe ou les coutumes d'un peuple''27(*) peut être mise en relation avec la notion de la culture. Cet auteur définit en effet la culture comme ''une synthèses- ou au moins une agrégation- d'institutions, dont chacune couvre son propre domaine et sa propre fonction''28(*).

Le renouvellement de l'attention portée aux institutions dans l'étude des transactions économiques nous permet donc d'inférer la culture comme une variable pertinente du champ de la recherche économique.

Selon V. Dutraive (1995), l'institution renvoie à un état social des individus, à quelque chose qui représente une autorité par rapport à leur intérêt ou leur préférence. Elle suggère un ensemble d'éléments a priori aussi divers que, dans un premier registre la famille, l'église, l'Etat ; dans un autre le syndicat, l'entreprise ; dans un autre encore l'interdiction de l'inceste ou du crime, l'interdiction ou l'obligation de vengeance(vendetta) ; ou encore le mariage, les droits de propriété ;[....]. De cette énumération il ressort que l'institution est un terme générique en résonance avec les notions d'organisation, de communauté, de groupement, de collectif, de règles morales religieuses, laïques ; de valeurs, de conventions, de normes. La culture, peut alors être considérée comme la synthèse informelle des institutions.

La recherche néo- classique qui veut intégrer dans le champ de l'analyse économique, les distorsions qui perturbent le fonctionnement des modèles de base, font souvent appel à ''l'institution'' comme la solution au problème de non- opportunité du marché. Il en est ainsi de l'approche économique néo- institutionnelle illustrée par les travaux de Coase et Williamson lesquels font de la firme, une institution alternative au marché qui se justifie lorsque les coûts de transaction sont trop élevés (T. Corei, 1999).

De même, la théorie des jeux, dans un contexte d'indétermination, a souvent recours à des procédures de sélection qui font figure d'institution ou en expliquant la genèse. Ainsi, l'institution peut déterminer la solution qui correspond à l'état optimal ; elle peut aussi prendre la forme d'un critère de sélection lorsque plusieurs solutions se présentent. Elle peut aussi comme le souligne V. Dutraive (1995), émerger des procédures d'apprentissage, de sélection ou auto- renforcement à travers une certaine régularité des comportements. Enfin, la théorie des jeux fait appel aux croyances des individus, voire leur culture qui sont dans cette perspective considérées comme des institutions (B. Walliser,1989).

Cette éclairage des institutions en tant que modalités efficaces de régulation de coordination leur donne une dimension fonctionnelle dans la mesure où elles apportent de l'ordre dans les actions de leurs membres et les relations qu'ils entretiennent - les transactions, au sens de Commons (T. Corei,1999).

Synthèse des instituions, la culture tient aussi de ces dernières les mêmes fonctionnalités : La culture peut à ce titre être considérée comme un instrument de coordination ex post des actions, à travers les préférences et les valeurs des individus. La caractérisation des institutions qu'effectue Veblen T(1898) peut être appliquée à la culture, à savoir non seulement des habitudes de faire, des routines, mais aussi ''des habitudes de pensées établies, communes à la plupart des hommes'' et, dans la perspective culturelle, commune à une culture donnée.

La culture, en amont des institutions joue alors ce rôle fédérateur de régulation et de coordination en procurant aux individus des anticipations stables et réciproques ainsi que la connaissance plus ou moins formalisée des devoirs et droits de chacun afin de leur permettre de décider et d'agir.

Cependant, si la sociologie durkheimienne insiste sur le caractère contraignant des règles du jeu proposées par la culture et les institutions, les économistes institutionnalistes américains insistent parallèlement sur le jeu( au sens d'espace de liberté) qu'elles ouvrent en libérant et étendant le champs de l'action individuelle selon les termes de Commons(R. Boudon,1986) .

Dans ce qui suivre, nous présentons les approches des fondateurs de l'ancien- institutionnalisme américain à savoir : Thorstein Veblen, John Rogers Commons et Wesley Clair Mitchell. Les deux premiers ont élaboré relativement indépendamment leurs concepts, de telle sorte qu'il est habituel de prétendre qu'ils sont à l'origine de deux voies alternatives de l'institutionnalisme.

1. L'approche de Veblen

La conception évolutionniste de l'économie que Veblen propose, se fonde sur l'opposition qu'il relève dans les dynamiques différenciées des institutions et des fondements de l'activité industrielle.

Veblen pose les institutions en tant qu'objet de la sciences économique évolutionniste et les définit comme un ensemble d'idées, de modes de pensée communs à un ensemble d'individus, incluant les usages, les coutumes, les façons de se comporter et surtout des façons de concevoir l'organisation des droits de propriété. Cependant le contenu des institutions est relatif en ce qu'il n'y a pas, pour Veblen, l'identité entre les déterminants matériels d'une époque et les représentations, c'est- à- dire les institutions qui caractérisent les modes de pensée et d'action de cette époque.

Il existe en effet une inertie qui fait que les modes de pensée ne s'ajustent pas immédiatement aux réalités matérielles. L'origine de décalage entre les dynamiques matérielles et institutionnelles ou plus largement culturelles doit alors être étudiée à travers le processus d'évolution sociale(T. Corei, 1999).

L'évolution sociale est, selon Veblen, « un processus d'adaptation sélective du tempérament et des façons de pensée ; ce sont les conditions de vie qui poussent les hommes à s'adapter. L'adaptation des façons de pensée, c'est le développement mêmes des institutions ». [......]. Cependant si les ethnologues contemporains ont étudié la sélection qui permet l'adaptation des hommes à leur environnement matériel et aboutit à l'apparition de types, ces auteurs n'ont pas prêté assez attention à l'inévitable variation des types eux- mêmes(T. Corei, 1999). Ainsi, aussi comme le souligne V. Dutraive (1995), le processus de l'évolution sociale rend- il compte à la fois de sélection progressive des institutions et de la variation des habitudes de pensée et donc de celle de la culture.

Cette approche évolutionniste de Veblen fait de l'institution et donc la culture à la fois l'objet et le facteur de sélection dans la mesure où si d'une part, le changement institutionnel conduit à la sélection d'actions qui répondent au mieux aux nouvelles normes institutionnelles, l'adaptation des habitudes à l'évolution de l'environnement est d'autre part à l'origine de la formation de nouvelles institutions et d'évolution culturelle(T. Corei, 1999).

La dynamique des institutions est alors double en ce qu'elle est d'abord externe - les habitudes de pensée et d'action sont confrontées à des changements technologiques ou de variations des conditions d'exercice de l'activité industrielle porteuses de nouvelles institutions, même si la concrétisation de ce processus demande un délai pour que l'adaptation s'effectue -, mais aussi interne - les institutions évoluent vers leur raffinement progressif par un processus d'auto-renforcement et d'approfondissement déconnecté de la réalité matérielle-.

Il existe alors une tension entre d'une part la dynamique interne des institutions qui tend à renforcer l'inertie et la cohésion interne, et d'autre part leur dynamique externe qui est due à l'adaptation nécessaire des représentations à la réalité expérimentée. Les institutions entrent dans une compétition dans laquelle les représentations en accord avec la réalité industrielle s'imposent progressivement aux anciennes. Le jeu dynamique qui s'instaure ainsi fait que les institutions et donc la culture, créatrices de représentations, déterminent les actions sur la réalité matérielle qui à son tour agit sur les institutions et la culture par les biais des représentations elles- mêmes.

Dans cette perspective, d'une part Veblen réfute l'approche statique de l'économie standard et emprunte à l'évolutionnisme darwinien la perspective d'une causalité complexe à l'origine à la dynamique économique, laquelle repose sur l'adéquation ou l'opposition entre d'une part les forces technologiques à la base de l'existence matérielle des hommes et d'autre part, les forces culturelles incluant les représentations et les pratiques cérémonielles ou, selon ses termes, les habitudes de pensée ou institutions.

Selon lui, l'économie politique pré- darwinienne repose en premier lieu sur des préconceptions qui sont ancrées dans les circonstances particulières d'une époque. Leur approche est donc selon Veblen, statique et téléologique. Le pragmatisme qu'il préconise exige une approche dynamique de la réalité que la formule de James peut ainsi résumer : la signification d'un concept peut toujours être trouvée, sinon dans quelque réalité sensible particulière qu'il sert à désigner rendra vraie. Dans cette perspective, les phénomènes doivent être analysés en relation avec leur évolution, et la théorie qui en est tirée est nécessairement dynamique et contingente.

D'autre part, l'institutionnalisme de Veblen refuse l'hédonisme comme le seul moteur de l'action. Il prend appui sur les caractères culturelles et collectifs des institutions de façon incompatible avec l'individualisme méthodologique caractéristique du corpus de la Nouvelle Economie Institutionnelle. A l'individualisme méthodologique et la vision de l'homo oeconomicus animé par seul intérêt personnel et hédoniste, Veblen oppose ainsi un homme qui est davantage une structure cohérente de propension et d'habitudes qui cherchent réalisation et expression dans une activité.

Cependant l'exercice de la volonté des individus est aussi prise en compte dans le choix des règles et plus généralement dans la dynamique institutionnelle. Ainsi que le souligne V. Dutraive (1995), les volontés se confrontent dans le cadre d'une action collective, action qui transforme les préférences, les intérêts privés ou collectifs et finalement les règles. Il y a ainsi place dans l'analyse économique, pour les conflits et les rapports de force. L'entreprise elle- même est conçue comme le lieu de l'interaction et de la confrontation d'institutions, par exemple les habitudes de pensée propres aux affaires contre celles plus instrumentales des ingénieurs pour Veblen.

2. L'approche de Commons

Commons dont l'oeuvre caractérise aussi la branche pragmatiste du courant institutionnaliste, pose aussi l'évolution économique au centre de sa réflexion. Cependant, sa démarche part de l'analyse de transaction qui lui permet d'analyser le processus de création démocratique des règles et la régulation des relations sociales.

A l'analyse classique et néo- classique de l'économie fondée sur l'action individuelle et les supports de l'homme à la nature, Commons substitue en effet une analyse fondée sur la transaction, c'est- à- dire les relations entre les hommes.

Selon lui, l'économie politique classique s'est en effet construite sur la catégorie de marchandise, sur l'action individuelle rationnelle et l'hypothèse que le marché engendre toujours un équilibre, en sous- estimant par ailleurs le jeu des interactions sociales. Mais cette approche ne permet pas, selon lui, de distinguer la chose matérielle (riches sociale par exemple) de la propriété de cette chose, excluant ainsi de fait de l'analyse le rôle de l'institution de la propriété.

Commons définit alors la transaction comme une ''unité institutionnelle élémentaire'', une ''activité représentant le lien social, les relations entre individus'', qui intègre ainsi les trois constituants de toute relation sociale à savoir l'unité d'intérêt en conflit, [......] d'intérêt mutuellement dépendant [.....], dont les participants attendent la répétition dans l'avenir. En effet, les conflits entre individus émergent de la rareté des opportunités due à la propriété, mais ces mêmes individus ont besoin de coopérer pour créer des richesses. Enfin, dans un monde incertain et complexe, les individus recherchent aussi une sécurité des anticipations, c'est- à- dire la répétition attendue des transactions. Ainsi, la combinaison des impératifs contradictoires que sont la rareté(conflits) et l'efficience(l'interdépendance) nécessite la mise en place d'un ordre lequel est assuré par des règles collectives.

Pour Commons, le problème central de l'économie est alors de comprendre la formation d'un ordre à partir des conflits. De ce fait, il élargit le champs d'analyse économique à la question de la régulation, comprise comme le processus de production des règles qui permettent de créer, maintenir voire même transformer un ordre social. L'instrument de cette régulation est alors pour Commons l'institution en ce qu'elle apporte une certaine régularité aux comportements et devient le siège d'un réseau de transactions régulées dans lequel l'individu est pris en même temps qu'il est acteur.

En plaçant les facteurs institutionnels au centre de l'analyse économique, Commons s'oppose alors à la conception économique classique, laquelle pose son analyse en termes d'interactions mécaniques. Commons considère au contraire que les règles qui régissent les transactions et les actions des individus priment sur le comportement individuel dont elles sont un facteur explicatif.

Concernant les comportement des individus, Commons critique les fondements hédonistes et individualistes de l'économies classiques en considérant que toute transaction est une situation de négociation où jouent conjointement la volonté et les forces économiques et sociales qui contraignent et organisent le processus de choix. Dans ce contexte, l'unité sociale n'est pas l'individu cherchant son propre plaisir mais les transactions entre les individus qui interagissent les uns avec les autres dans le cadre de règles existantes.

L'action individuelle, conçue comme une action volontaire mais aussi routinière en ce qu'elle obéit aussi à certaines règles, caractérise alors une conception institutionnaliste de l'acteur qui, selon V. Dutraive (1995), s'avère être ''une théorie avant la lettre d'une rationalité limitée''.

Dans ce contexte, les institutions apportent une certaine régularité aux comportements, elles conditionnent ainsi l'exercice de l'action et de la coopération dans un monde incertain et conflictuel. Les règles qui s'expriment au travers des institutions ne sont pas seulement des contraintes mais aussi des modèles de comportement attendus qui spécifient plus ou moins ce qu'un individu peut faire ou ne pas faire, doit ou ne doit pas faire, a le droit ou n'a pas le droit de faire tant de point du vue du droit que celui de la coutume. Ce faisant, les institutions rendent prévisibles les comportements des autres et contiennent temporairement les conflits. C'est en ce sens que Commons définit l'institution comme une action collective dans le contrôle, la libération et l'expansion de l'action individuelle.

Selon lui, il existe cependant deux types d'institutions dont l'une est informelle ou non organisée- il s'agit des coutumes qui induisent des règles générales de conduite issus des pratiques et qui conditionnent, par l'apprentissage, les habitudes individuelles et que l'on peut apparenter à la culture. Les institutions formelles telles que l'entreprise sont le lieu des processus de coopération organisée où les transactions sont fonctionnellement interdépendantes dans la création des richesses.

Par ailleurs, la conception de Commons relativement à la genèse des institutions ne participe pas d'un ordre naturel et intemporel à l'opposé de l'approche d'Adam Smith qui décrit le marché comme le mécanisme de coordination des décisions individuelles parfaitement efficace en tous lieux et en tous temps. Commons rejoint en ce sens Veblen dans cette approche évolutionniste des institutions lesquelles sont considérées à la fois comme unité et facteurs de sélection. Commons se démarque cependant de Veblen en insistant sur le caractère artificiel de cette évolution générée par l'introduction des volontés individuelles et collectives : les individus organisés, s'ils sont déterminés par les institutions dans lesquels ils interviennent, ont, en retour, un certain pouvoir sur elles. Ainsi, les décideurs politiques et économiques qui participent au processus de création et réparation des richesses ainsi qu'aux décisions collectives sur les objectifs économiques, ont une capacité d'orientation significative du processus institutionnelle.

En éclairant les phénomènes économiques par les relations entre hommes et non plus les relations entre l'hommes et la nature, Commons rompt avec l'économie classique qui établit sa loi en dehors des dimensions morales et juridiques. Cette démarche lui permet de s'inspirer de la pratique jurisprudentielle anglo- saxonne de Common Law. Dans ce cadre, les décisions de justice sont prises en fonction du critère de la valeur raisonnable qui émerge de la négociation entre les parties, laquelle est fondée sur la conciliation de l'intérêt public, des pratiques moyennes les plus courantes, et d'une égalité de traitement des parties en désaccord. Commons extrapole la problématique des valeurs raisonnables à l'analyse de la régulation courante des conflits ainsi qu'à celle des transformations progressiste des règles de l'économie capitaliste.

3. L'approche de Mitchell

Au- delà de certaines disparités caractérisant le courant institutionnaliste( Veblen est ''radical'' au sens américain du terme tandis que Commons est réformateur), la mouvance institutionnaliste bâtit sa cohésion sur l'exigence de théories plus réalistes et la nécessité d'élaborer une analyse dynamique conduisant à adopter une conception particulière de l'institution comme médiation entre les dimensions économiques, politique et culturelle de la société (Maucourant, 1994). Pour Mitchell en particulier, l'institutionnalisme ne consiste pas à rejeter tous les fondements orthodoxes mais plutôt à reconsidérer ceux-ci à la lumière des progrès de la psychologie et des matériaux statistiques.

Mitchell refuse le postulat irréaliste de l'homo oeconomicus : l'action humain ne relève pas d'une pure mécanique rationnelle de l'intérêt personnel. Cette action est infléchie dans ses modalités et ses finalités par des forces qui sont l'inscription du social dans l'individu : les institutions(Maucourant, 1994). Celles-ci, modifiées continûment par l'évolution sociale, peuvent se définir comme un complexe de pulsions et d'habitudes collectives coercitives. Finalement, ce complexe producteur de routines joue un rôle essentiel dans la vie économique.

C'est pourquoi Mitchell récuse l'approche de Fisher et de Davenport, qui réduit la science économique à la seule science des prix, et fait valoir l'exigence d'un lien plus étroit avec anthropologie et l'histoire afin de saisir l'origine de l'évolution des concepts de monnaie, d'échange et de propriété privée. Selon lui, Marx serait donc à l'origine de l'économie institutionnaliste qui est science du comportement humain.

Ainsi, cette introspective est refusée. Il en va de même du calcul des plaisirs et des peines de Bentham, parce qu'un tel calcul est fondé sur le recours à une psychologie grossière. Les approches dites réelles car excluant a priori la monnaie, méconnaissent le caractère spécifique de la société moderne au sein de laquelle l'accès aux biens est subordonné à l'acquisition de monnaie. Pour Mitchell, les institutions forgent et renforcent la prégnance de la logique pécuniaire, produisant ainsi la rationalité. Celle- ci n'est pas donnée de la nature humaine mais tende à se construire dans un processus complexe.

Entre l'impératif de reproduction du tout social et l'action d'individus plus ou moins rationnels s'inscrivent les institutions, dont il faut expliquer la genèse, le fonctionnement et l'évolution. Vecteur par l'excellence de la socialisation des agents, l'institution monétaire est une création historique qui présuppose notamment un lien singulier, la confiance, comme l'illustre l'expérience américaine des Greenbaks.

Mitchell observe que le traitement de la monnaie est révélateur des difficultés éprouvées par l'économie orthodoxe, pour laquelle l'argent est simplement considéré comme l'instrument de mesure des plaisirs et des peines. L'institution de la monnaie devrait plutôt être envisagée comme l'ensemble des représentations collectives qui rendent possible la commensurabilité des plaisirs et des peines. Dans la mesure où la monnaie tend à normaliser l'ensemble des comportements individuels, celle- ci est bien ce ''fait social'', selon la célèbre formule énoncée par Mauss à la même époque. Conformément à son projet anthropologique, Mitchell veut donc appréhender l'économie moderne comme état d'emblée monétaire et récuser la fiction d'une économie non monétaire dont il conteste les vertus heuristiques.

En résumé, malgré leurs divergences quant à l'identification des moteurs de l'évolution institutionnelle et les poids différents qu'ils accordent d'une part à la technologie et d'autre part à la volonté individuelle et collective, les analyses de Commons et Veblen permettent de consolider la démarche que nous voulons mettre en oeuvre dans cette recherche. En effet, tous les deux insistent sur le rôle des institutions, formelle et informelle, et donc la culture en tant que matrice fédératrice de ces institutions, dans la dynamique économique. Mitchell définit, à son tour, l'institution comme un complexe de pulsions et d'habitudes collectives coercitives. Selon lui, ce complexe producteur de routine joue un rôle essentiel dans la vie économique.

Section II. Le facteur culturel dans la perspective de la Nouvelle Economie Institutionnaliste

La remise en cause des hypothèses de l'économie classique a progressivement conduit à l'émergence des théories contractuelles de l'organisation à travers le courant de la ''Nouvelle Economie Institutionnelle'' illustré par l'économie des coûts de transaction et la théorie de l'agence. Si l'objectif premier de la maximisation du profit n'est pas réellement remise en cause par ces approches, certaines des hypothèses de la micro- économie traditionnelle sont critiquées, permettant ainsi de concevoir les activités économiques et plus spécifiquement celles de la firme sous un éclairage nouveau. Ainsi, l'individu est d'une part appréhendé comme ayant une rationalité limitée notamment dans son appréhension de l'information. D'autre part, l'imperfection de l'information et l'inégalité de sa distribution conduisent les individus à adopter des comportements opportunistes dans un environnement jugé incertain. En outre, le point commun de ces approches consiste surtout à considérer la transaction comme un unité de base de l'action économique aussi bien sur le marché qu'au sein de l'organisation.

La perspective néo- institutionnelle nous permet d'aller plus loin dans l'analyse de l'impact de la culture sur les coûts de transaction et la sélection des structures de gouvernance, ce qui dépasse les approches de l'ancien- institutionnalisme qui réduisent la culture à une synthèse des institutions qui participent à la dynamique économique.

1. La théorie des coûts d'agence et référent culturel

Le référent culturel occupe une grande place dans la théorie des organisations du fait que la distance culturelle augmente, comme nous le verrons dans la théorie des coûts de transaction, les coûts des transactions et entraîne des comportements jugés opportunistes, ce qui nous conduit à se poser la question suivante : est ce que la distance culturelle augmente le coût de l'agence ?

1-1. La problématique et les coûts d'agence

Bien que la séparation entre les différentes théories contractuelles des organisations soit de moins en moins tranchée, chacun des grands courants prétend inclure l'autre. L'idée qui sous tend cette théorie est d'une simplicité extrême. En raison des divergences d'intérêts entre individus ou organisations, les relations de coopération s'accompagnent nécessairement de conflits inducteurs de coûts qui réduisent les gains potentiels issus de la coopération. La théorie de l'agence cherche, soit à expliquer les formes organisationnelles comme mode de résolution de ces conflits ou, plus exactement, de réduction des coûts induits- théorie « positive »de l'agence -, soit à proposer des mécanismes qui permettent de réduire le coût de ces conflits- théorie « normative » de l'agence (G.Charreaux,1999).

Complémentaire de la théories des droits de propriété, l'étude de la relation d'agence a été initiée par Adam Smith qui a d'abord souligné inefficacité des sociétés par actions, dont la direction confiée à un agent non propriétaire n'incitent a priori pas celui- ci optimiser la gestion de l'entreprise. Plus tard, M.C. Jensen et W.H. Meckling(1976)ont défini la relation d'agence comme un contrat par lequel une ou plusieurs personnes(le principal) engage une autre personne(l'agent) pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d'un certain pouvoir de décision à l'agent. Puis ils ont entendu la notion d'agence à toute relation entre deux individus telle que la situation de l'un dépende d'une action de l'autre et donc à toute relation contractuelle.

L'approche de M.C. Jensen et W.H. Meckling ne vise pas en fait à remettre en cause l'hypothèse de la rationalité des acteurs ni de leurs objectifs de maximiser du profit. Elle cache plutôt à démontrer l'efficience des formes d'organisation économiques et financières du capitalisme en mettant en avant, selon (B. Coriat et O. Weinstein,1995), la supériorité des systèmes contractuels libres censés conduire spontanément à la sélection des formes organisationnelles les plus efficientes.

Dans cette perspective, contrairement à l'analyse de Coase, la firme ne s'oppose pas au marché. Elle est plutôt comme un noeud de contrats(B. Coriat et O. Weinstein,1995), un ensemble contractuel spécifique entre les détendeurs de facteurs de production et les clients. En ce sens, elle n'a pas existence véritable. Ainsi, les liens contractuels internes et externes à la firme ne sont pas dissociables. Il n'y a alors pas de distinction majeure entre une relation de marché et un relation hiérarchique à l'intérieure de la firme telle que la décrit Coase.

Cette notion de l'organisation en tant qu'un noeud de contrats représente un élargissement de l'analyse relationnelle à l'ensemble des parties prenantes. Cet élargissement consiste à passer de la relation principal- agent, qui permet d'expliquer les mécanismes organisationnels comme moyens d'aligner le comportement de l'agent sur les intérêts du principal, à la relation dyadique qui conduit à justifier ces mêmes mécanismes comme moyens de maximiser la rente associée à la relation de coopération. Selon G. Charreaux(1997), la participation, par exemple, des salariés dans le conseil d'administration leur permet de préserver leur intérêt et de contribuer à minimiser les coûts liés à leur investissement spécifiques.

Le caractère dynamique, s'il permet de proposer une modélisation plus productive des phénomènes organisationnels, reste cependant insuffisant pour expliquer les formes organisationnelles réelles les plus complexes ; on dispose, au mieux, d'une explication partielle. Par exemple, pour expliquer que le conseil d'administration inclut simultanément des représentants des dirigeants, des actionnaires, des salariés, des banquiers, voire de certains clients ou fournisseurs, on est obligé de supposer que ces administrateurs ne sont présents que pour résoudre les conflits entre les actionnaires et les dirigeants. Or, dans une perspective plus large et plus convaincante, leur présence au conseil peut également se justifier, en considérant que le conseil peut également se justifier, en considérant que le conseil d'administration permet aussi de réduire les coûts de coopération avec les catégories représentées par ces administrateurs. Le constat de Caby et Hirigoyen(2001) contredit l'hypothèse, notamment formulée par Hart(198329(*)), selon laquelle le conseil d'administration, en tant que système d'alignement des intérêts, ne jouerait qu'un rôle marginal par apport au marché.

Cette remarque conduit à proposer deux explications concurrentes, de la présence de ces autres parties prenantes. Soit un mécanisme organisationnel émerge de façon à gérer simultanément, sur le mode centralisé, plusieurs relations dyadiques, par exemple, entre les actionnaires et les dirigeants et entre les dirigeants et les salariés. Soit la relation de coopération actionnaires/ dirigeants a des effets externes, c'est- à- dire qu'elle a une influence sur le bien-être d'autres agents, d'autres parties prenantes, au sens du terme  « stakeholders »30(*).Ainsi, les décisions prises par les dirigeants en faveur des actionnaires peuvent entrer en conflits avec les intérêts des salariés ou des consommateurs. Il y a imbrication entre les intérêts. Ces deux explications, non seulement, ne sont pas exclusives, mais peuvent être complémentaires. La centralisation peut faciliter la gestion des intérêts conflictuels multiples (G.Charreaux,1999).

La relation d'agence s'applique donc aux rapports avec les clients, les fournisseurs, les banques, les salariés...etc. L'objectif est alors d'optimiser ces relations en minimisant les coûts d'agence.

Selon G. Charreaux(1999), la problématique de l'agence recouvre en fait toute relation contractuelle entre individus et elle se manifeste lorsque les intérêts des deux parties peuvent diverger et lorsqu'il y a information imparfaite, relativement à l'état de la nature et aux comportements des agents, ainsi qu'une asymétrie d'information entre les parties.

Les dirigeants disposent d'avantage d'informations que les autres contractants. Ces derniers, supportent un risque de sélection adverse qui trouve son origine dans l'occultation probable de certaines informations défavorables par le dirigeant et un risque de hasard moral faisant référence à éventuels comportements négligents ou opportunistes du dirigeant(attribution d'un salaire de complaisance, investissement à VAN négative, revente d'actifs sous- évolués à des firmes qu'il contrôle ....(Shleifer et Vishny,1997))31(*).

Quant aux coûts d'agence, B. Coriat et O. Weinstein (1995) soulignent les conséquences de la relation d'agence, à savoir d'une part, que le contrat est nécessairement incomplet et, d'autres part, que le principal n'a pas les moyens de contrôler parfaitement et sans coût l'action de l'argent. Il en déduit que les questions qui se posent dans la relation d'agence concernant d'abord les moyens à mettre en place par le principal pour inciter l'agent à maximiser l'utilité du principal, pour le surveiller mais aussi pour approcher au maximum l'efficience obtenue en information parfaite par les mécanismes du marché décrit par la micro- économie standard. M.C. Jensen et W.H. Meckling(1976) distingue alors trois types de coûts d'agence que sont :

1. Les ''dépenses de surveillance et l'incitation'' supportées par le principal, qui lui permettent ainsi d'orienter et contrôler l'agent.

2. Les ''coûts d'obligation'', supportés par l'agent, qui lui permettent de démontrer au principal qu'il suit bien ses directives ou pour le dédommager le cas contraire.

3. ''La perte résiduelle'' qui peut être assimilée à un coût d'opportunité et qui représente l'écart entre le résultat effectif de l'action de l'agent et celui qu'il aurai obtenu s'il avait maximisé comme pour lui même.

La transaction se retrouve donc encore dans la théorie de l'agence, à la base de toute activité économique que ce soit dans les échanges marchands ou au sein de la firme. Par ailleurs, les hypothèses relatives aux relations d'agences et à leurs coûts rejoignent celles énoncées sur deux points par O.E Williamson, à savoir l'imperfection et surtout l'asymétrie d'information ainsi que les comportements opportunistes que celles- ci génèrent.

1-2. L'impact de la culture sur les coûts d'agence

Ainsi que nous venons de le voir, le premier type de coûts d'agence fait référence aux dépenses liées au système que le mandant doit mettre en place pour contrôler et motiver l'agent. Un système doit être pertinent afin d'être en mesure de fournir des indications précises quant à la performance réelle de l'agent et d'autre part, afin d'inciter l'agent à fournir le meilleur de lui même. Or, en situation interculturelle, l'efficacité des outils de contrôle peut être entamée du fait que les points de repère entre le mandat et l'agent peuvent être différents(L'hermitte, 1999).Par exemple, dans le cadre d'une Joint Venture Internationale, la culture influence la façon dont sont formulés les objectifs de l'entreprise, les critères de décision, la priorisation des démarches à suivre dans le cadre de la décision d'investissement.. etc. Elle pose un problème réel du fait que les partenaires ont des buts et des valeurs différents(S.C. Kim, 1996 ; A.T. Shao et P. Herbig,1995).

On considère souvent que les Japonais ont plus réussi que les Américains en Chine. Leur succès est due aux avantages suivants : leur similarité culturelle avec celle des Chinois (T. Thurwachter, 1990) et leur compréhension de ces derniers (J. Irland, 1991, D. Diamond- Kim, 1986) et leur proximité géographique de la Chine (T. Thurwachter,1990). Si ces avantages contribuent aux succès des japonais en Chine, personne ne sait cependant à quel degré, chacun y contribue.

Dans cette perpective, les comportements des individus sont dictés par les valeurs culturelles ou par l'appartenance à une classe sociale (G. Charreaux,1999). Les normes sociales constituent selon M.C. Jensen et W.H. Meckling(1994) « un procédé de mémoire externe qui facilite le stockage du savoir concernant le comportement optimal et présente un atout majeur pour enseigner, apprendre, discipliner et récompenser les membres d'un groupes, d'une organisation ou de la société » et sont censées aussi évoluer en fonction des modifications de l'environnement et les connaissances qui transforment les calculs des individus et influencent leurs actions en modifiant l'ensemble d'opportunités et les coûts et les gains associés aux actions. Ces normes sociales sont supposées évoluer lorsqu'elles imposent des coûts trop élevés dans le nouvel environnement, mais le mécanisme qui commande leurs processus d'évolution n'est pas étudié(G. Charreaux,1999).

En ce sens, dans le cadre d'un partenariat, les mécanismes de contrôle de la performance mis en oeuvre par l'une des parties peuvent donner des résultats qui ne correspondent pas à la réalité de la performance telle que perçue par son partenaire de la nationalité différente. Comme nous le verrons dans la deuxième partie de ce travail, le système de gouvernement de l'entreprise défini par G. Charreaux(1997) comme un ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, n'est le même dans tous les pays, il varie de l'un à l'autre(P.C. Oman, H.D. Brooks, 1997)et cette variation a des racines socioculturelles(P. Wirtz, 2002).Par exemple, les modalités de composition d'un conseil d'administration considérées comme optimales dans une relation d'agence particulière ,entre certains actionnaires et un dirigeant, ne le sont peut- être plus par apport à celles qui ont été élaborées dans une autre société et qui pourrait procurer des gains(G. Charreaux,1999).

En bref, un système de contrôle efficace dans une culture ne l'est pas forcément dans une autre ainsi en situation interculturelle, le travail que le principal doit effectuer afin adapter son système de contrôle est source de coûts d'agence supplémentaire(L'hermitte, 1999).

En outre, ainsi que nous l'avons rapidement évoqué précédemment, les facteurs de motivation peuvent varier d'une culture à l'autre. Pour une culture féminine par exemple, la motivation peut se caractériser par la qualité des relations humaines alors que dans une culture masculine, la motivation peut se caractériser par l'obtention de la richesse(D. Bollinger., G. Hofstede., 1992). Les dirigeants des entreprises internationales doivent donc confronter un effet culturel dans la communauté des affaires internationales. Les questions de la culture influencent directement les pratiques directoriales. Un effet positif dans une culture peut, au contraire, avoir un effet négatif dans une autre(S.Rosen, 1986).

Enfin, de même que pour les coûts de transaction, les coûts d'agence qui émergent des situations interculturelles peuvent être atténués par l'apprentissage culturel qui permet d'une part au principal de mieux contrôler l'agent et sa perte résiduelle, et à l'agent de mieux s'investir dans la relation. Cet apprentissage, qui doit être réciproque peut alors être source de synergies et d'une meilleure performance (L'hermitte, 1999).

2. La théorie des coûts de transaction et le référent culturel

La théorie des coûts de transaction, inspirée de R.H Coase (1937) et développée par Williamson à partir des années 1970, introduit une nouvelle conception de la firme à partir de la notion de transaction et des coûts qui lui sont afférents.

2-1. Les hypothèses qui fondent l'émergence de coûts de transaction

Coase commence par opérer une rupture avec la théorie économique traditionnelle en interrogeant les fondements de la raison d'être et la nature de la firme. Il constate d'abord que sur les marchés, les ajustements s'affectent de manière inconsciente par le système de prix alors que dans l'entreprise, la coordination est organisée par l'entrepreneur. Puis il définit la firme comme une forme particulière de coordination économique, alternative à celle du marché, laquelle permet de diminuer les coûts de transaction.

Dans ce contexte, la raison de la substitution du marché par la firme s'explique par le fait que le recours au mécanisme d'ajustement par les prix du marché entraîne des coûts spécifiques de transaction que la coordination administrative permet quant à elle de réduire.

Par ailleurs la question se pose alors quant à la répartition des transactions marchandes et internes. La substitution totale du marché par la firme n'est en effet pas non plus possible en ce que la capacité de la direction administrative à coordonner un nombre croissant de transaction est limitée. Un choix doit donc être effectué à tout moment entre la coordination par le marché ou par la hiérarchie. Cet arbitrage dépend alors du coût de la transaction supplémentaire effectuée par le marché comparé à celui de cette même transaction effectuée en interne, par la firme.

O. E Williamson commence par approfondir la nature des coûts de transactions définis par Coase. L'originalité de la théorie de Williamson repose sur la prise en compte, à travers l'idée de transaction, de la durée de l'échange contractuel qui distingue une période ante et une période post- contractuelle. Les coûts de transaction ex ante interviennent lors l'établissement des clauses destinées à être validées à la signature du contrat tandis que les coûts ex post suivent la signature du contrat (G. Hirigoyen et J.P. Pichard- Stamford, 2003).

En fait, si les économistes néoclassiques se sont intéressés aux coûts de production, ils n'ont en contrepartie pas intégrée dans leur analyse les coûts de transactions qui constituent, selon O.E. Williamson « l'équivalant économique des friction dans les systèmes physique ».32(*) Il distingue alors les coûts de transaction de type ex ante de ceux de type ex post.

Les premiers coûts de type ex ante sont associés à la rédaction, la négociation et la garantie d'un accord.33(*) Les garanties peuvent se traduire par la réalisation de documents complexes qui prévoit les diverses contingences qui peuvent survenir lors de la réalisation du contrat. L'environnement étant incertain et la rationalité des parties limitée, ces documents sont nécessairement incomplets et conduisent les parties à régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent. Certes, le recours aux tribunaux résout théoriquement les problèmes mais il accroît les coûts respectifs des parties en présence et est souvent, dans la réalité, remplacé par un accord à l'amiable. Une autre forme de garantie se conçoit à travers la substitution du marché par une organisation interne. D'autres garanties telle que l'intervention d'un tiers, autre que le tribunal, peuvent être considérées.

Les seconds coûts de transaction de type ex post énoncés par O.E Williamson34(*) sont selon lui,  apparentés - tout en étant totalement différents -, à ce que Michael Jensen et William Meckling appellent les coûts d'agence. Ils concernent pour Williamson, d'une part les coûts de marchandage occasionnés si des efforts bilatéraux sont faits pour corriger des divergences ex post, les coûts d'organisation et de fonctionnement associés aux structures de gouvernance qui ne sont pas les tribunaux auxquels les conflits s'adressent, et enfin les coûts d'établissement d'engagement sûrs.

O.E Williamson avance alors deux hypothèses de comportement des agents, fondatrices de l'économie des coûts de transaction. La première, s'appuyant sur les travaux de H. Simon, est relative à la rationalité limitée des agents économiques. Dans ce contexte, les contrats sont nécessairement incomplets dans la mesure où les partenaires ne peuvent pas prévoir toutes les configurations ex post de l'évolution du contrat après sa signature.

La seconde hypothèse avancée par Williamson est donc relative à l'incertitude et plus particulièrement l'incertitude comportementale, c'est- à- dire l'opportunisme dont font preuve les individus dans un contexte d'information imparfaite.

Tjalling Koopmans(1957) distingue deux formes d'incertitude, primaire et secondaire. La première naît de la contingence( aléas de la nature ou changements imprévisibles des comportements des consommateurs par exemple). La seconde est relative à la difficulté qu'éprouvent par exemple des dirigeants à démasquer les décisions ou les stratégies de ses concurrents. L'incertitude comportementale qui correspond à l'incertitude secondaire ne fait cependant référence à quelque refus stratégique de divulguer une information ou de diffuser à des fins tactiques une information trompeuse. Elle ne suggère pas que les parties font des plans les unes en fonction des autres, ce qui est source d'incertitude ex ante et de surprise ex post.

O.E Williamson va plus loin dans son appréhension de l'incertitude comportementale qu'il associe à la probabilité de conduites opportunistes de la part des parties en présence. Dans cette perspective, les incertitudes comportementales se combinent aux incertitudes exogènes dues aux changements de l'environnement.

L'opportunisme est, selon O.E Williamson, le principal facteur explicatif des coûts de transaction, il peut se caractériser par toute attitude à divulguer sur le marché des informations fausses, à omettre la transmission de données importantes pour la conclusion d'un contrat ou toute attitude visant à privilégier les intérêts d'une partie au détriment d'une autre. Mais il peut aussi apparaître comme une éventualité ex post du fait de l'incomplétude du contrat. L'opportunisme repose en fait sur une asymétrie d'information entre les partenaires et peut, soit être crée volontairement par l'un des agents( rétention ou déformation voire invention d'une information), soit apparaître de fait au cours de l'application du contrat sans que l'agent ait prémédité cette situation mais aussi sans qu'il fasse rien pour la corriger. Il existe donc dans toute transaction un risque moral dans la mesure où l'un des acteurs peut ne pas respecter ses engagements et que le coût de prévention totale de ce risque est trop élevé pour son partenaire.

Le risque d'opportunisme augmente donc le coût de négociation et de contrôle du contrat. Lorsqu'il est considéré comme étant trop élevé, il incite donc les agents à internaliser la transaction(J.P. Helfer, M. Kalika et J.Orsoni, 2002).

Dans la droite ligne de M. Granovettre(1985), S. Goshal et P. Moran (1996) estiment, en effet, que O.E Williamson décrit de manière générale « extrêmement caricaturale » l'opportunisme dans la mesure où il utilise indifféremment pour signifier le comportement et l'attitude. Or, la psychologie et les théories des organisations montrent que les attitudes et les comportements sont deux concepts différents, influencés par les dispositions individuelles et contextuelles. Ces auteurs montrent que le comportement opportuniste est positivement influencé par les attitudes opportunistes. Celles-ci sont influencées par les valeurs, les attitudes, les facteurs héréditaires et le jugement qu'on se fait du partenaire avec lequel on affecte la transaction. Selon eux, Une opinion positive réduit l'opportunisme, alors qu'un jugement négatif l'augmente.

Par ailleurs, la rationalité des individus est limitée, ainsi que le souligne O.E Williamson, non seulement à cause de facteurs externes, l'environnement lui rendant la tâche souvent impossible, mais aussi à cause de son incapacité à résoudre tous les problèmes de calcul.

Quant à la structure de gouvernance, O.E Williamson part des mêmes hypothèses que Coase concernant la raison d'être de la firme dans le marché, mais il dépasse l'opposition stricte établie par celui- ci entre ces institutions en analysant l'émergence de structures de gouvernance intermédiaires(contrats hybrides) qu'il met en rapport avec les caractéristiques des transactions.

Après avoir défini ces hypothèses comportementales des agents, Williamson analyse les types de transactions et met en place trois attributs qui permettent de les différencier et de sélectionner la structure de gouvernance la plus efficace.

En premier lieu, la théorie néoclassique standard conçoit des transactions instantanées entre acteurs anonymes. Or, O.E Williamson met en avant le fait que si l'investissement est durable et ne peut être redéployé sur une autre transaction, il devient spécifique. Cette spécificité peut être liée au site ( localisation de l'investissement), aux actifs matériels(équipements spécifiques) ou aux actifs humains( spécialisation de la formation et du savoir faire pour une activité particulière). Dans le cas d'une transaction spécifique, les actifs sont difficilement redéployables sur d'autres activités, les agents ne sont alors plus anonymes ni la transaction instantanée. Un lien durable de dépendance se met ainsi en place entre les parties ce qui implique le contrôle de leurs comportements et le suivi des engagements pris.

La seconde dimension qui permet de différencier les types de transactions est liée à l'incertitude inhérente à toute transaction du fait de la rationalité limitée des agents. Cette incertitude est non seulement liée à l'environnement objectif de la transaction mais aussi aux comportements stratégiques(opportunistes) des parties. Lorsque la transaction est spécifique, l'incertitude peut alors être combinée à l'opportunisme des acteurs. Ainsi, selon O.E Williamson, les types de transaction peuvent être différenciés selon le degré d'incertitude qu'elles comportent.

La troisième et dernière dimension mise en place par O.E Williamson pour différencier les types de transactions concerne la fréquence de la transaction considérée. La fréquence est aussi liée à la spécificité laquelle conduit à une forme d'organisation particulière pour mettre en place la transaction, qui n'est rentable que si celle- ci est suffisamment fréquente

La mise en place de ces trois critères de différenciation des transactions permet à O.E Williamson de justifier des différentes formes d'organisations ou structures institutionnelles (gouvernance structures) choisies pour effectuer les différents types de transaction selon un critère de minimisation des coûts de transaction.

Ainsi, le contrat classique participe d'une transaction traditionnelle effectuée par le marché. Il est unique, clairement déterminé dans son objet et dans le temps et l'identité des parties importe peu. L'incertitude comportementale et le risque d'opportunisme sont donc faibles, la fréquence réduite à une transaction et l'actif très peu spécifique de sorte que l'identité des parties n'importe que peu.

Le contrat néoclassique ou hybride intervient dans le cadre d'une relation à plus long terme entre les parties et dont l'incertitude et donc le risque d'opportunisme sont forts. Le contrat plus souple dans ses termes que le contrat classique préserve l'autonomie des parties. Mais il est aussi nécessairement incomplet et exige le recours à un tiers pour arbitrer les conflits potentiels ex post. Ces contrats recouvrent par exemple les accords de coopération ou la franchise. Cette situation caractérise par la notion de réseau a l'avantage de minimiser les coûts de transaction par rapport au marché puisqu'elle permet de coordonner les actions des parties, mais elle permet aussi de réduire les coûts bureaucratiques de la structure hiérarchique.

Enfin, la structure de gouvernance représentée par l'organisation hiérarchisée correspond à l'internalisation des activités. Cette dernière structure, à l'origine la seule conçue par Coase face au marché, permet en fait de minimiser au maximum les coûts de transaction du marché. Cependant, elle génère d'autres coûts de coordination et, ainsi que nous l'avons évoqué précédemment, ne peut pas, pour des raisons d'efficacité, systématiquement se substituer aux autres structures de gouvernance.

2-2. Impact de la culture sur les coûts de transaction et le choix des structures de gouvernance

Les différences culturelles si elles ne sont pas maîtrisées sont sources d'accroissement des coûts de transaction, par contre l'apprentissage culturel peut permettre de réduire ces coûts voire de créer des synergies. Par ailleurs, le référent culturel lui même, en conditionnant en partie le choix des modes de garanties, influence aussi le choix des structures de gouvernance.

D'une part, le référent culturel constitue un facteur de limitation de rationalité (E. Delavallée,1995) qui doit alors être pris en compte dans l'interaction entre les acteurs de nationalités différentes du fait que la distance culturelle entre les acteurs augmente l'incertitude(J. Engelhart, S. Eckert, 1999). En effet, en conditionnant en partie le mode d'identification, de positionnement par rapport à l'organisation et par rapport à leur environnement naturel, ainsi que leurs modes d'action, la culture influence le cadre de réflexion et d'action des individus. Elle instaure certains règles de jeu et fait ainsi obstacle à certaines possibilités tout en favorisant d'autres (I. Berrebi-Hoffmann , 1990). Certes, dans un même contexte culturel, la rationalité des agents est statistiquement limitée de la même façon pour tout un chacun, mais en situation d'interaction culturelle, outre les difficultés posées par les différences de langues, les mécanismes d'interprétation de l'information disponible varient selon les groupes culturels considérés. M. Weber(1971)montre qu'il n'y a pas de rationalité universelle, mais seulement des processus rationnels construits sur des évidences variables d'une culture à l'autre.

La culture agit comme un facteur de limitation supplémentaire de la rationalité des individus qui, parce qu'elle est différente d'un groupe à l'autre, accroît l'asymétrie et la difficulté de circulation de l'information. (Hornell, et al. 1972; Johanson et le Wiedersheim-Paul 1975; Johanson et Vahlne 1977)35(*)montrent que la différence dans le langage, l'éducation, les pratiques d'affaires, le développement culturel et industriel empêchent le flux d'informations de et au marché. Il s'ensuit que la négociation, la rédaction, la garantie et le suivi des accords sont plus coûteux en temps, en énergie et en précautions dans un contexte interculturel que dans un contexte monoculturel.

Plus spécifiquement, lorsqu'un individu doit effectuer des transactions dans un contexte qu'il ne connaît pas encore, son incertitude augmente, tant sur les données factuelles, comportementales que linguistiques. B. Kogut et H. Singh(1988) montrent que la différence culturelle entre les partenaires augmente le degré de l'incertitude, elle peut être regardée comme un risque croissant, conduire à accroître la probabilité de choisir une société en Joint Venture comme une méthode de partager le contrôle et la possession, parce que le partenaire local qui peut servir et gérer la force de main d'oeuvre et le rapport avec le fournisseur, l'acheteur et le gouvernement, réduit le risque pour le partenaire étranger.

La distance socio- culturelle influence significativement les opérations des affaires (S. Agrawal,1994 ; P.S. Chan, 1996 ; G. Hofstede, 1980 ; B. Kogut et H. Singh, 1988). Cette distance socio- culturelle conduit aux désaccords entre les partenaires étrangers et locaux sur le plan des cultures, les styles de direction, les pratiques des affaires...etc(P.S. Chan, 1996 ; G. Hofstede,1980 ; B. Kogut et H. Singh, 1988). B. Kogut et H. Singh(1988)de même que S. Agrawal(1994) et P.S. Chan(1996)indiquent que, comme nous le verrons dans la deuxième partie, cette distance culturelle influence significativement le choix de mode d'entrée d'une entreprise dans pays culturellement différent.   

D'après M. Boisot(1994), il existe une discontinuité dans la progression des coûts de transaction liés à l'augmentation de la distance spéciale entre les échangistes et cette discontinuité n'est pas causée par des changements d'ordre physique, mais par des changements d'ordre institutionnel et culturel qu'on rencontre à une frontière nationale : changement de loi, de monnaie, de pratiques commerciales, de niveaux de taxation, de valeurs, d'habitudes et au- delà de tout, de langage. De tels changements augmentent les coûts spatiaux de la pratique des affaires.

Mais, la réduction de la discontinuité des coûts de transaction/ distance spatiale ne signifie pas sa disparition(P. Joffre1999).Chaque pays impulse son propre programme mental, son propre système de croyances et de valeurs, de coutumes et de traditions qui ont des répercussions importantes sur le comportement des organisations. Cela même dans des zones en voie d'intégration économique comme l'Europe et même si les valeurs occidentales ont sans doute tendance à uniformiser. De nombreuses études sociologiques ou anthropologiques établissent des différences fondamentales entre les cultures nationales qui obligent les entreprises internationales à apprentissage coûteux de la pratique des affaires du pays investi(G. Hofstede, 1994).

En outre, l'asymétrie d'information générée par la différence culturelle peut être source de comportements opportunistes spécifiques générateurs de coûts de transaction supplémentaires. En effet, un individu qui désire entreprendre une négociation dans un pays culturellement étranger éprouve plus de difficultés que son interlocuteurs local à interpréter son environnement humain, politique ou économique. Son partenaire local peut alors jouer sur cette asymétrie d'information et même l'augmenter en lui imposant ses propres règles de fonctionnement au nom de la culture locale ou en ne lui diffusant pas de l'information pertinente(L'hermitte, 1999).

Cependant cet accroissement des coûts ne se limite pas au seul contexte du marché et de négociation. Il existe aussi des coûts de transactions internes dues aux problèmes de communication et d'interprétation des attitudes entre les membres de l'organisation. En effet, le coût de communication internationale dépend ainsi moins des coûts de télécommunication que de la distance culturelle engendrée par les différences des langages, de développement et de la culture(P. Joffre1999).

Enfin, le référent culturel peut jouer un rôle dans le choix de la garantie souscrite ex ante et donc indirectement dans le choix de la structure de gouvernance(L'hermitte, 1999). Par exemple, dans un contexte culturel polychrone, les individus préfèrent s'appuyer sur le parole et la confiance de l'autre partie plutôt que sur des règles juridiques écrites qui ne tiennent pas compte des relations interpersonnelles et des compromis qui peuvent être élaborés ex post(E.T. Hall,1984). Ainsi, au delà des attributs classiques de la transaction définis par O.E Williamson (spécificité des actifs, fréquence des transactions et incertitude), l'arbitrage par un tiers et les modes de contractualisation classiques, lesquelles sont ponctuelles et ne tiennent pas compte de l'identité des parties.

Réciproquement, l'apprentissage culturel et sa formalisation permettent de faire force à ces difficultés en diminuant le sentiment d'incertitude des parties, améliorant la qualité de la relation et corrélativement diminuant les comportements opportunistes. Il permet aussi aux partenaires de partager l'information, de constituer une synergie et donc de diminuer les coûts de transactions liés à l'interaction culturelle (L'hermitte, 1999).

En résumé, nous avons vu dans cette partie que la culture s'est infiltrée petit à petit dans les théories économiques et organisationnelles. Ainsi, nous commençons à prendre en considération les variables comportementales, sociales et culturelles dans les décisions managériales. La théorie financière, dans son évolution, s'est inspirée de la théorie économique. En effet, toutes les grandes décisions financières sont de plus en plus influencées par des facteurs institutionnels.

La décision d'investissement en tant que préoccupation majeure, a été jusque là prise en se référant à des déterminants techniques((VAN, TRI)). Ces derniers sont inefficaces pour expliquer certaines décisions d'investissement( notamment de VAN négatives), ce qui a permis l'émergence d'un courant considérant un autre déterminant, la culture, comme un filtre pour les choix des investissements.

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Partie(2): Les facteurs culturels comme un filtre des choix d'investissements

La conception universaliste du processus de prise de décision que représentent(H.A. Simon, 1947; C.E. Lindblom,1959; H. Mintzberg et ali.1976,1982)36(*), parmi d'autres, ne prend pas en considération la diversité des situations rencontrées dans des contextes culturels différents. Le terme d'« universaliste » sous- entend l'hypothèse que les processus et les pratiques en management sont universels et que les managers procèdent de manière plus ou moins identique dans des situations comparables, dans tous les pays industrialisés. Mais, comme le propose Schramm- Nielsen(2000), la manière préférée d'agir est fonction de la culture d'origine, étant donné que ces manières ont été apprises à travers sa socialisation dans les centres d'apprentissage que sont la famille, l'école et la vie professionnelle. La culture influence donc notre manière d'agir, de décider et de se comporter.

En quelques années, la culture apparaît dans tous les modèles d'analyse stratégiques. Pourquoi ? Non pas parce que les entreprises n'avaient pas de culture auparavant, mais parce que, compte tenu des règles du jeu concurrentiel actuel, la culture devient une variable pertinente pour la gestion( E. Delavallée, 1996).La culture de l'entreprise est une source d'avantage concurrentiel. C'est une (nouvelle) source(M. Thévenet, 1993).La compétitivité des entreprises japonaises résulte de la cohésion qui existe entre leurs membres. Cette cohésion serait due à la forte culture de leurs entreprises.

Des études consacrées à la relation entre la culture de l'entreprise et sa rationalité montrent que la rationalité est culturellement limitée(E. Delavallée,1995). Le dirigeant qui occupe une place centrale dans l'entreprise ne prend pas seulement ses décisions en fonction des critères mathématiques de la décision, il est influencé par son contexte social, ses expériences, sa formation, ses relations avec les partenaires...etc(J.P. Bonardi, 1998). Le rôle de la culture pourrait aussi se manifester clairement dans l'internalisation de l'entreprise, c'est- à- dire, lorsque il s'agit de rencontrer des cultures différentes. Ce qui reflète l'influence de la culture nationale sur le mode d'entrée dans les pays étrangers(U. Mayrhofer, 2002).

Cette deuxième partie de notre travail sera divisée en deux chapitres. Nous analyserons, dans le premier chapitre, le rapport entre la rationalité culturellement limitée et la décision d'investissement. Ce qui nous conduira à analyser, dans le deuxième chapitre, l'influence de la culture nationale des entreprises sur le choix du mode d'entrée sur les marchés étrangers.

* 6 A. Smith(1776), «Recherche sur la nature et les causes de la richesses des nations »version française(1976), p.256

* 7 L. Walras, 1874, « Eléments d'économie politique pure »,LGDJ, Paris, 1976

* 8 Coriat B et Weinstein O(1995), p.5

* 9 Idem, p.12

* 10 Cité par J. Rojot, « Théories des organisations », in Encyclopédie de gestion,1997, Economica

* 11 F. Taylor, 1911, « La direction scientifique des entreprises »,Dunod, Paris, 1957

* 12 B. De Montmorillon et J. P. Pitol- Belin(1995),p.135

* 13 Idem

* 14 Cité par U. Mayrhofer et F. Roth(1999)

* 15 Cité par J. Rojot, Op-cit

* 16 Cité par J.M. Plane,2003,«Théories des organisations », DUNOD, Paris 

* 17 Cité par J. Rojot, 1997, Op-cit

* 18 Idem

* 19 Cité par J.M. Plane,2003,Op-cit

* 20 Idem

* 21 B. De Montmorillon et J. P. Pitol- Belin(1995),p.145

* 22 Cité par M. Nussenbaum, la décision d'investissement dans l'entreprise, 1978

* 23 Idem

* 24 Cité par J. Rojot, 1997, Op-cit

* 1. 25 Cité par J. Rojot, théorie des organisations, in Encyclopédie de gestion, sous la direction de Yves Simon, Patrick Joffre, 1997, Economica

* 26 Fons Trompenaars(1985)

* 27 W.H. Hamilton, 1932, p. 84

* 28 Idem 

* 29 G. Hirigoyen et J.P. Pichard- Stamford, 2003,p.4

* 30 Les stakeholders ou parties prenantes d'une organisation se définissent comme les personnes dont le bien être est effectué par les actions et décisions de l'organisation. 

* 31 Cité par G. Hirigoyen et J.P. Pichard- Stamford, 2003,p.3

* 32 Williamson O. E(1994, édition française), p 48

* 33 Idem, p39

* 34 Idem, p 41

* 35 Cité par M. Omar., D. Boyd., 2003, « Economic Development and Culture Differences in the determination of the Degree ofInvolvement of Firms in Overseas Markets », p.5

* 36 Cité par Schramm- Nielsen.,2000, « Dimensions culturelles des prises de décision », Revue Française de Gestion, mars- avril- mai

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