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L'influence des facteurs culturels sur le choix d'investissement

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par Ghazwan ALI
Bordeaux IV - DEA en Sciences de Gestion 2003
  

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3 La culture et la possibilité de prendre la décision d'investissement

Dans le cadre traditionnel, les acteurs font leurs choix d'investissement en maximisant l'espérance d'utilité de leur consommation intertemporelle ; le choix se fait uniquement à travers les flux monétaire (absorbés ou sécrétés) et qui permettent de consommer. Dans cette perspective, les acteurs sont à même de prévoir l'ensemble des flux aux différentes périodes pour les différents états du monde possible, sur un horizon temporel déterminé, et ils connaissent la structure à terme des deux intérêts permettant de faire les arbitrages de consommation optimaux. Une telle représentation suppose donc une rationalité substantielle extrême(G. Charreaux, 2001).

A. La prise de décision sur la base d'une représentation subjective de la réalité

L'incapacité des acteurs à prévoir les différents états du monde sur un horizon temporel illimité constitue une altération du cadre traditionnel. Selon l'argument avancé par Simon(1961)44(*), portant sur le caractère limité des capacités cognitives des individus, une telle prévision est irréaliste et ce d'autant plus que les innovations sont, par définition, imprévisibles. Cet argument, indépendamment de tout conflit d'acteurs, conduit a priori à privilégier les investissements à court terme, les flux étant le plus souvent d'autant moins difficiles à prévoir qu'ils sont censés survenir à un horizon approché(G. Charreaux, 2001).

De même, ces limites cognitives des individus qui les conduisent à substituer au principe de la maximisation celui de la satisfaction impliquent une prise de décision sur la base de représentations subjectives de la réalité. Les théories sur lesquelles se fondent les individus pour prendre leurs décisions sont des schémas mentaux45(*) (P. Wirtz,2002). Ces derniers sont le résultat d'un processus d'apprentissage dans lequel interviennent des facteurs culturels(A. Denzau et D. North,1994).

L'apprentissage culturel permet une réduction de la divergence entre les schémas individuels. Dans ce contexte, les schémas mentaux partagés sont des représentations de la réalité partagées par une population plus large(P. Wirtz, 2002). Selon cet auteur, le schéma mental, en tant que réducteur d'incertitude, a un impact réel sur le choix des acteurs. L'idée fondamentale est que le construit mental influe sur la perception des opportunités de création et d'appropriation des rechasses.

Ainsi, la structure cognitive de dirigeant dépend de son contexte social. Mais, le dirigeant en tant qu'entrepreneur organisationnel possède une certaine autonomie intellectuelle par rapport à son environnement, son schéma mental individuel ne converge pas nécessairement avec l'idéologie dominante de son contexte social sur tous les points. Ses expériences personnelles et particulières contribuent potentiellement à une certaine distance entre sa représentation personnelle de la réalité et celle contenue dans le schéma mental partagé. Ceci est la base même de sa capacité à découvrir des opportunités nouvelles(J.P. Bonardi, 1998).

Concernant ces divergences entre les schémas mentaux individuels et partagés, on trouve que les facteurs culturels expliquent clairement cette divergence. La formation initiale suivie par le dirigeant est susceptible de façonner un schéma mental divergent si cette formation a été conçue dans un contexte culturel différent de celui dans lequel opère le dirigeant. Un manager formé aux Etats-Unis aura une représentation différente de la création de valeur que ses homologues japonais. L'interaction avec les partenaires de provenances culturelles différentes induit une modification des schémas mentaux des dirigeants intéressés par l'apport potentiel de ressources de la part d'une telle catégorie de partenaires de la firme (P. Wirtz,2002).

Dans cette perspective, P. Romelaer et G. Lambert(2001)considèrent que le décideur d'un investissement doit être un manager expérimenté qui se sert aussi de son jugement et de son intuition (et qu'il ne peut pas être uniquement un technicien des méthodes financières). Par conséquent, en utilisant les connaissances, les croyances et les convictions en stratégie, le décideur fait d'abord le pari de poursuivre une seule intention stratégique et, donc, de faire concevoir et étudier un nombre très limité de types de projets d'investissement.. Ceci revient à dire que l'entreprise préférera un projet d'investissement « conforme à la stratégie » à tout projet qui n'est pas dans le cadre de l'intention stratégique, même pour des projets qui, considérés individuellement, sont plus rentables et moins risqués.

Aussi, le décideur, selon (A. Langley,198946(*)), est à la fois « créateur » de sa décision, « acteur » et enfin « porteur et réceptacle (carrier ) ». En fait, c'est surtout ce dernier aspect qui nous intéresse car il souligne l'effet mémoire qui signifie que l'individu n'est pas dépourvu de toutes connaissances, valeurs, préjugés... Cette mémoire rassemble un ensemble d'éléments irréversibles ayant des conséquences sur le processus de décision puisqu'ils vont influer sur la façon qu'a le décideur d'appréhender le problème. Cette expérience cumulée et cette histoire ne sont pas représentées dans les processus classiques.

Une autre conséquence des limites cognitives des individus concerne l'ensemble des choix d'investissement. Les cultures agissent comme un filtre de ces choix et les différences culturelles créent une difficulté de communication informelle (A. Desreumaux et P. Romelaer,2001). Si l'on exclut que cet ensemble soit donné de façon exogène, se pose alors la question de son émergence. La limitation des capacités cognitives, ainsi d'ailleurs que les coûts liés à l'analyse et à la conception des projets ou encore la nécessité stratégique de prendre parfois des décisions dans l'urgence, font que le nombre d'alternatives constituant l'ensemble des choix, notamment pour les investissements stratégiques, est relativement restreint(G. Charreaux, 2001).

Le processus de maximisation, si maximisation il y a, se réduit dans cette perspective à comparer l'accroissement de richesse ou d'utilité auquel conduit chaque alternative identifiée et sous la conduite du temps imparti pour la décision. A cette notion de rationalité limitée est liée celle de faillibilité (G. Charreaux, 2001). Comme le souligne Sah(1991)47(*), les jugements humains sont faillibles, les dirigeants peuvent accepter de mauvais projets et en rejeter de bons. Cette faillibilité trouve son origine, notamment, dans le caractère limité en effort et en temps qu'un individu peut consacrer à une décision, l'importance du timing et les biais cognitifs liés par exemple aux modèles mentaux implicites auxquels il recourt.

Enfin, l'activité de la firme dépend d'un ensemble de ressources. Mais la question qui se pose : est- ce que convaincre un seul apporteur de capitaux de l'intérêt de la stratégie personnelle de dirigeant, grâce à la proximité relative de deux schémas mentaux individuels, est nécessairement suffisant pour l'exécution effective du projet ? Prenant l'exemple d'un projet de croissance externe, et admettons que la direction parvient facilement à convaincre un investisseur important de l'intérêt de l'opération, P. Wirtz(2002) montre que la mise à disposition des fonds qui en résulte est un levier important pour l'exécution de la stratégie. Mais supposons par ailleurs que le projet choisi par le dirigent implique un nombre élevé de suppression de l'emploi. Si la firme opère dans un pays, dans lequel le concept de la firme accorde une place importante aux intérêts des salariés, leur accordant par ailleurs des droits de contrôle, la résistance de cette catégorie de stakeholders contre le projet peut s'appuyer sur le schéma mental partagé. Ce qui nécessite d'analyser, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, la variation du gouvernement de l'entreprise d'une culture à l'autre.

B. Le biais cognitif comme alternative aux hypothèses d'enracinement du dirigeant

L'impact des facteurs culturels sur la décision d'investissement pourrait-il aussi se manifester par les biais cognitifs du décideur ? L'analyse de la littérature montre que les auteurs sont unanimes pour constater que les décisions où un individu est confronté à des choix complexes, ambigus et incertains sont fortement biaisées (J. Evans 1989 ;R. Ghiglione et J.F. Richard 1999). Cela tient au fait que les individus ont des capacités cognitives limitées de traitement et de mémorisation des informations(H.A. Simon, 195848(*)). Ainsi, de nombreuses recherches recensent une multitude d'heuristiques et de biais cognitifs qui peuvent s'exercer chez un décideur(R.M. Hogarth, 1980) en matière de sélection et d'interprétation des informations qui seront considérées par lui comme pertinentes(J. Evans, 1989). En dépit de leur utilité (R. Ghiglione et J.F. Richard 1999), ces heuristiques et biais peuvent se révéler erronés et conduire à des stratégies cognitives abusives, donnant lieu au développement d'actions déviantes chez le dirigeant( J. Fredrickson et T. Mitchell, 1984).

P. Romelaer et G. Lambert(2001)montrent aussi que lorsque les décideurs sont face à des décisions d'investissement dont les conséquences apparaissent ambiguës, des contraintes, des valeurs, voire des affects vont prendre une place non négligeable dans la décision. Ces éléments d'appréciation de l'action des managers ne rompent pas les liens avec la recherche légitime de maximisation des bénéfices, mais viennent distordre l'évaluation des projets d'investissements. Cette distorsion sera d'autant plus forte que l'ambiguïté caractérise la base décisionnelle de l'investisseur. De même, le monde dans lequel le décideur conçoit et déploie son action est changeant, complexe, habité par des forces et par d'autres acteurs qui, puisqu'ils influencent le futur de son investissement, doivent être pris en compte dans la rationalité qu'il y applique.

J.B. Heaton(1998)49(*) propose une modélisation financière qui suppose que les dirigeants sont optimistes relativement aux chances du succès de leurs investissements : ils les surestiment systématiquement. On trouverait ce biais notamment quand l'objectif poursuivi est sous le contrôle (au moins partiel) de l'acteur et quand ce dernier est fortement impliqué dans le projet ; deux conditions qui semblent caractériser les dirigeants. Cette hypothèse de biais cognitif constitue une alternative aux hypothèses d'enracinement des dirigeants ou de construction d'empire pour expliquer l'adoption de projets non rentables.

Selon M. Barabel et O. Meier(2002),ces biais cognitifs du dirigeant peuvent expliquer les résultats décevants des opérations de croissance externe de l'entreprise.

En centrant l'analyse, dans une opération de fusion- acquisition, sur le dirigeant de l'entreprise acheteuse on peut se poser les deux questions suivantes :

1- quelles sont les erreurs(liés aux biais cognitifs) commises par le dirigeant de l'entreprise acheteuse lors d'opérations de croissance externe ?

2- Quels sont les facteurs qui peuvent, au regard du contexte de l'acquisition et de ses caractéristiques, augmenter le risque d'apparition d'erreurs cher les dirigeants ?

Une opération de fusion- acquisition se décompose classiquement en trois phases distinctes : La phase de pré acquisition, la phase de négociation avec la société cible et la phase de mise en oeuvre qui conduit à l'intégration de l'entité acquise dans le nouvel ensemble(M. Barabel et O. Meier., 2002).

Au cours de ces différentes phases, le dirigeant de l'entreprise acheteuse joue un rôle déterminant, eu égard à sa position dans la structure et à son impact sur la performance future du nouvel ensemble. Acteur important de l'opération(G. Guieu, 1994), il peut commettre un certain nombre d'erreurs liées aux processus cognitifs biaisés dont les effets seront néfastes à la qualité et à la valorisation de l'opération.

En phase de pré-acquisition(préparation), La focalisation sur une cible préférée d'entrée conduit par conséquent le dirigent à éliminer des alternatives parfois crédibles et à minimiser les inconvénients de la solution retenue en première intention. Ceci peut par conséquent l'amener à retenir une société qui n'apparaît pas comme la solution la plus optimale. De même, le dirigeant peut être tenté de reproduire et d'appliquer les principes antérieurs à un nouveaux contexte décisionnel, au regarde des similitudes perçues entre un événement passé et une situation présente, sans tenir compte des phénomènes de temporalité et des caractéristiques propres aux différents événements.

En phase de négociation exclusive avec la cible retenue, le dirigeant peut exagérer les chances de sucés de l'opération et avoir la conviction que la décision aura un coup sûr, une issue positive alors que statistiquement les chances de réussite sont de moins d'une sur deux(R. Olie, 1994).En particulier, il aura tendance à surestimer sa capacité à contrôler les résultats, pensant que le risque encouru peut être réduit par une bonne utilisation de ses compétences professionnelles. Le décideur est alors exagérément optimiste sur ses capacités à obtenir des résultats nettement supérieurs à ceux obtenus avant lui(M.H. Bazerman, 1998)

Dans la phase d'intégration , lorsque le processus de décision d'acquisition est caractérisé par un haute niveau de stress et une mobilisation d'énergie importante sur une longe période, les décideurs peuvent en fin de processus(proximité de l'échéance) accélérer le cours des événements, pour en finir. En procédant ainsi, les dirigeants peuvent être conduits à prendre leurs aptitudes managériales en les amenant à céder à la pression des événements, sans pour autant avoir une totale maîtrise de la situation. Ce phénomène de précipitation peut avoir comme conséquences de négliger ou d'occulter les dernières phases de décisions.

En ce qui concerne les facteurs augmentant le risque d'apparition d'erreurs cher les dirigeants, plusieurs facteurs renforcent l'apparition de biais cognitifs chez le dirigeant à savoir : La pression temporelle des différentes parties prenantes, le rôle des experts, l'homogénéité culturelle de l'équipe de décision de l'entreprise acheteuse, les expériences antérieures réussies dans des opérations de fusions- acquisitions et la qualité relative de l'entité acquise(M. Barabel et O. Meier., 2002).

En se focalisant sur le troisième facteur(l'homogénéité culturelle de l'équipe de décision de l'entreprise acheteuse), on trouve que le Pdg s'entoure presque toujours d'une équipe restreinte d'individus(P.C. Haspeslagh et D.B. Jemison,1991) chargés de décider avec lui de l'opportunité de l'opération et de négocier avec la cible des conditions de l'accord. L'un des risques pour le Pdg, responsable de la constitution de l'équipe, est alors de sélectionner des acteurs aux caractéristiques proches (homogénéité culturelle) sur le plan personnel(même sensibilité, état d'esprit voisin) et professionnel(même diplôme, même type de compétences, etc.) (D.C. Hambrick, 1995).

En procédant ainsi, le dirigeant uniformise ex ante les points de vue des membres de son équipe(D.C. Dearborn et H.A. Simon,1958), ce qui les conduit lors de la prise de décision à avoir une opinion très proche les uns des autres(S.B. Rodrigues et D.J. Hickson,1995). Ainsi, la proximité culturelle des décisions risque de générer un processus décisionnel sans heurt(absence de conflits cognitifs liés à une interprétation commune des données) avec un recueil d'informations limité( M.E. Shank et al. 1988) qui peut masquer les problèmes posés par l'opération et aboutir à des solutions peu productives(A. Amson et al.1995). L'homogénéité culturelle des décideurs peut donc conduire à des consensus précoces, empêchant d'aborder les problèmes clés de la décision et de sa mise en oeuvre(R.L. Priem et al.1995), ce qui tend à générer des évaluations erronées(H. Laroche,1988). A ce stade, on peut aussi citer (Janis,197250(*)), selon lui, lorsque la cohésion est particulièrement forte entre des individus alors des solutions peuvent être acceptées sans réelle évaluation, les acteurs se conforment à la norme.

En résumé, Les dirigeants sont toujours actifs, leur rôle dans le processus de la décision d'investissement ne se limiterait pas à des techniciens des méthodes financières. Ils prennent leurs décisions selon des représentations subjectives de la réalité. Les théories sur lesquelles se fondent les dirigeants sont des schémas mentaux. Ces derniers sont le résultat d'un processus d'apprentissage dans lequel interviennent des facteurs culturels. Les biais cognitifs des dirigeants conduisant à choisir des projets d'investissement non rentables, remplacent l'hypothèse d'enracinement des dirigeants. L'homogénéité culturelle du cadre qui entoure le dirigeant augmente ses biais cognitifs et conduit par conséquent à des résultats décevants. Ceci nous permet de dire que la décision d'investissement pourrait être expliquée par la personnalité du dirigeant.

Chapitre II. L'influence de la culture nationale des entreprises sur le choix du mode d'entrée sur les marchés étrangers

Hofstede (1991,1994) définit la culture nationale comme un système d'idées et de valeurs partagé par les membres d'un même groupe. Si, depuis la fin des années 1980, plusieurs investigations empiriques ont tenté d'évaluer l'influence de l'environnement culturel des entreprises sur le choix du mode d'entrée, la relation entre ces deux variables n'est pas clairement établie. Une juxtaposition et une comparaison des résultats de ces études permettraient de déterminer si la culture nationale des acteurs constitue effectivement un facteur explicatif du choix du mode d'entrée (Mayrhofer U, 2002).

Avant d'analyser, dans la deuxième section, Les éléments de la différenciation culturelle des pays et leur impact sur le choix du mode d'entrée sur les marchés étrangers, il convient de montrer, dans la première section, la variation du système de gouvernement de l'entreprise d'une culture à l'autre du fait que la logique d'investissement des entreprises dérive des modèles de gouvernement nationaux, dont la nature du contrôle et la nature du financement externe représentent des caractéristiques importantes (Mayrhofer U., Roth F,1999).

Section I. La culture comme facteur d'inertie de l'évolution des systèmes des gouvernements des entreprises(( étude comparative))

Malgré l'intégration croissante des marchés de capitaux, les systèmes de gouvernement de l'entreprise(désormais GE)de différents pays divergent encore souvent d'une manière non négligeable. Nous parlerons de système de GE par rapport à l'ensemble des mécanismes qui contraignent potentiellement l'espace discrétionnaire des dirigeants dans un pays donné. Ces systèmes ne sont pas indépendants des traditions nationales en terme de contrôle des dirigeants. Les traditions, issus de l'histoire, différent non seulement par rapport au répertoire des mécanismes disciplinaires appliqués, qui sont légaux, spontanés ou organisationnels, mais également par apport aux objectifs qui sont assignés au GE(P. Wirtz, 2002).

Comme l'exploration de nouvelles activités, l'exploration de nouveaux territoires, ou l'internationalisation peut être associée à la notion de « distance culturelle » entre acteurs. La distance culturelle indique le degré de proximité entre deux cultures(J. Engelhard ; S. Eckert, 1999). La culture est un schéma mental partagé qui représente, selon A. Denzau et D. North (1993), un facteur d'inertie dans l'évolution des systèmes de gouvernement des entreprises nationaux. Le modèle mental du dirigeant représente également une barrière aux investissements internationaux(N. Kessler 1995 ; R. Uppal, 1994), car celui-ci perçoit de façon biaisée les chances et les risques à l'étranger. Ce biais peut être attribué au manque d'informations que possède le dirigeant sur les coutumes, traditions, normes, lois, telles que la réglementation comptable ou les spécificités du système de gouvernement des entreprises. Comme conséquence de ce manque d'informations, l'incertitude perçue au travers des investissements effectués à l'étranger tend à être plus forte que celle qui concerne les investissements « domestiques ». Aussi, l'initiateur d'un rapprochement potentiel devrait être plus sensible aux problèmes d'asymétrie d'information et de sélection adverse (S. Balakrishnan ; M. Koza, 1993), qui conditionnent le degré d'incertitude comportementale

Les analyses fondatrices de (A.A. Alchian et H. Demsetz,1972 ; M.C Jensen et W.H Meckling 1976 et E.F Fama,1980). 51(*) ont privilégié l'étude des relations d'agence entre les dirigeants, les actionnaires et les créanciers. Elles peuvent être élargies afin d'intégrer d'autres stakeholders, en particulier les salariés, et approfondis pour mieux rendre compte de l'hétérogénéité de groupes tels que les actionnaires ou les créanciers. Charreaux(1997) définit le gouvernement de l'entreprise comme « l'ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui ''gouvernent'' leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire ».

Se distinguant de la théorie de l'agence qui privilégie la notion de conflit d'intérêt, associée à celle de relation d'agence, la théorie des coûts de transaction retient la transaction comme unité d'analyse et la spécificité des actifs supports de la transaction, comme concept central. Un actif est d'autant plus spécifique que son redéploiement vers un autre usage entraîne une perte de valeur importante(Charreaux,1997).

s'appuyant sur le principe d'efficacité, O.E. Williamson (1985)52(*) analyse les mécanismes organisationnels qui permettent de gérer les différentes transactions entre la firme et les stakeholders, selon le critère de minimisation des coûts de transaction, ces derniers incluant les coûts d'agence. Il oppose les mécanismes intentionnels, issus d'un dessein de contrôle de la transaction, de nature institutionnelle, aux mécanismes spontanés, de nature contractuelle. Les premiers permettraient de gérer plus efficacement les transactions mettant en jeu des investissements fortement spécifiques. Ainsi, le conseil d'administration interviendrait pour contrôler la transaction avec les actionnaires, censée financer les investissements spécifiques à la firme. Inversement, la relation de prêt associée au financement d'actifs redéployables serait plus efficacement protégée par un mécanisme spontané et contractuel, sous forme de clauses ou de garanties.

Les salariés qui, dans le cadre de la relation salariale, effectuent des investissements en capital humain spécifique, liés à la firme, encourent un risque lié à la nature à long terme des contrats de travail. Des mécanismes tels que la cogestion ou la participation au conseil d'administration permettraient de préserver leurs intérêts et contribueraient à minimiser les coûts liés à cette transaction particulière. La protection des clients serait le plus souvent assumée, indépendamment de tout mécanisme institutionnel, grâce notamment à la marque qui fait intervenir la réputation de la firme et aux contrats de garantie. Enfin, la transaction entre les dirigeants et la firme, à caractère spécifique élevé, justifierait, outre le recours à des mécanismes de protection contractuelle (contrats de rémunération, indemnités en cas d'éviction), une protection institutionnelle assurée par la présence des dirigeants au conseil d'administration. Le conseil d'administration se verrait ainsi reconnaître un rôle secondaire de protection des intérêts des dirigeants.

Les créanciers financiers ne constituent pas non plus une catégorie homogène. On distingue ainsi les dettes internes contractées auprès des banques, des dettes externes négociées directement sur les marchés. Les banques assureraient ainsi une fonction de spécialiste du contrôle, ce qui conduirait les autres stakeholders à leur déléguer la mission de surveiller les dirigeants. Au Japon, ce rôle des banques, notamment de la banque principale, est souvent avancé comme étant un des facteurs déterminants de l'efficacité des firmes, d'autant plus que les banques y sont fréquemment les actionnaires principaux.

Le cadre théorique décrit précise les différents mécanismes qui délimitent l'espace discrétionnaire des dirigeants, avec pour objectif de limiter les coûts de transaction, sans s'interroger sur le comportement des dirigeants. Ces derniers cependant ne sont pas passifs. Poursuivant d'enracinement, ils cherchent à neutraliser les différents mécanismes disciplinaires.

Mais, une comparaison des systèmes de gouvernement des entreprises nationales montre que des similitudes et des différences coexistent. Les différences expliquent que dans différents pays il existe des différences dans les représentations du statut des stakeholders. Ces représentations ont des racines socioculturelles et peuvent être assimilées à des schémas mentaux partagés (Denzau et North,1994)53(*).L'héritage culturel est important pour ces représentations partagées. La pertinence de ce concept se reflète dans l'étude de Yoshimori(1995)54(*), qui constate l'existence de divergence au niveau de la représentation du statut des partenaires de la firme dans différents pays.

Le cadre qui est étudié ici passe en revue les caractéristiques des ''modèles'' japonais , allemand et anglo- américain, mais ces modèles sont tirés à la fois de ce qui est réel et qui est perçu et ils représentent des « catégories idéales ».S'agissant des contrastes entre ces trois modèles(le système français constitue une forme hybride(Charreaux,1997), on peut mettre en avant le principe dit d'« inversion » dans 1'ordre de priorité des « trois P » (les personnes, les produits, les profits), il sera déterminé ultérieurement si ces modèles sont en train de changer et si une convergence apparaît (P.C. Oman, H.D. Brooks,1997).

Japon

Allemand

Etats- Unis/Royaume- Uni

Personnes

Produits

profits

Produits

Personnes

Personnes

profits

Personnes

Personnes

1. Le modèle japonais :

Les grandes entreprises japonaises pratiquent ce que l'on appelle « l'emploi à vie ». Le fait qu'il puisse y avoir des exceptions à cette règle (dans le cas des femmes, des travailleurs temporaires ou des travailleurs immigrés, par exemple) n'a pas de pertinence du point de vue du gouvernement d'entreprise. Il entre dans la rhétorique du capitalisme japonais que les personnes ont la priorité dans l'entreprise, que ce sont des formes d'entreprises fondées sur la notion de collectivité et que les cadres dirigeants ont une responsabilité sociale (M.Fruin,1992). Le mot japonais qui désigne l'entreprise, kaisha, et celui qui désigne la société, shakai, sont composés à partir des deux mêmes caractères (kanji), mais dans un ordre inversé. Certains Japonais aiment à dire que, dans leur pays, il y a beaucoup de kaisha (entreprises), mais pas de shakai(société). Parmi les nombreuses conséquences de cet état de fait, dont la plupart devront être laissées de côté pour les besoins de cette analyse, il convient d'en souligner une : l'absence de shakai se manifeste, entre autres, par la non existence d'un Etat- providence. Par ailleurs, les salariés des grandes sociétés attendent de celles- ci qu'elles leur apportent le bien-être. L'une des nombreuses raisons pour lesquelles les créations des entreprises sont très peu nombreuses au Japon est le fait que les conditions sont bien meilleures dans les grandes firmes bien installées. La sécurité, le prestige social, une meilleure rémunération et de précieux avantages annexes, y compris de bonnes perspectives de mariage, sont quelques- uns des privilèges offerts. Traditionnellement, les licenciements n'existent pas dans les firmes japonaises. En contrepartie, les salariés sont sensés servir fidèlement leur entreprise.

Oman P.C., Brooks H.D(1997)montrent que décrire le directeur général japonais comme un « généraliste » nécessite une explication. L'élite à la tête des entreprises japonaises est généralement diplômée de l'une des trois filières suivantes: droit, ingénierie ou économie. Les diplômés des facultés de droit des universités japonaises prestigieuses, formant ce que l'on appelle les anciennes « universités impériales». L'accès à une bonne université japonaise est très difficile et uniquement possible via des examens d'entrée très sélectifs (les élèves travaillent donc extrêmement dur dans l'enseignement primaire et surtout dans le secondaire), alors que l'obtention d'un diplôme d'université est une simple formalité.

L'emploi à vie étant pratiquement garanti dans les grandes firmes, un de ses corollaires a toujours été le principe selon lequel une personne travaille dans une entreprise, et n'occupe pas tel ou tel poste ou telle ou telle fonction. Comme le note R.Whitley(1992), au Japon les niveaux élevés de dépendance réciproque entre les employeurs importants, leurs salariés de base et leurs fournisseurs et clients sont peu susceptibles de produire des systèmes d'activités efficaces s'ils sont accompagnés de tâches très spécialisées et de systèmes de supervision formalisés. La rotation du personnel dans l'entreprise est également une caractéristique de la culture d'entreprise japonaise. Dans les entreprises, les qualités nécessaires pour encourager l'esprit d'équipe, créer le consensus, ou motiver sont celles qui seront particulièrement appréciées pour la promotion. Un directeur général japonais et les cadres qui le secondent seront donc en principe des généralistes, c'est- à- dire des personnes ayant travaillé dans de nombreux services de cette entreprise et qui ont ainsi acquis une bonne vue d'ensemble.

Selon Yoshimori(1995)55(*), il est possible de distinguer les systèmes monistes, dualistes et pluralistes. La philosophie moniste qui privilégie les intérêts des seuls actionnaires, est dominante dans les pays anglo- saxons. L'approche pluraliste, qui tient compte des objectifs de plusieurs stakeholders, serait caractéristique du Japon. Le concept dualiste, à demi chemin entre les précédents, dans la mesure où, à côté des intérêts des actionnaires, sont pris en compte ceux des salariés, prédominerait en Allemagne et, partiellement, en France. On constate donc que dans ces différents pays il existe des Differences dans la représentation du statut des stakeholders.

Il est certain que le Japon traverse une crise. Son économie est en plein marasme depuis environ cinq ans, situation sans précédent dans l'histoire de ce pays depuis la guerre, et assez peu brillante même comparée à l'activité des pays européens, généralement moins soutenue. On peut être d'accord avec Watanabe et Yamamoto(1993)lorsqu'ils affirment qu'au Japon, la crise économique est, dans une certaine mesure, une crise du gouvernement d'entreprise. Il existe à la fois des pressions internes et externes pour des changements dont quelques-uns ont été intégrés dans des amendements, aux codes du commerce japonais, en 1994, par exemple la création d'au moins un poste d'auditeur externe(A.Viner,1993).Depuis la Seconde Guerre mondiale, la performance économique des systèmes orientés réseaux semble cependant supérieure, tout en étant apparemment plus équitable dans la répartition des gains de la croissance. Le meilleur partage du pouvoir décisionnel entre les différentes catégories de stakeholders, en garantissant une plus grande cohésion organisationnelle, conduirait à une plus grande efficacité.

2. L e modèle allemand

Selon Oman P.C., Brooks H.D(1997),les sociétés allemandes ne prêtent pas autant d'attention à leurs salariés que les entreprises japonaises. La structure des syndicats est également différente. Au Japon, les syndicats d'entreprise sont généralement de nature verticale, tandis que ce sont les syndicats de type horizontal qui prédominent en Allemagne. Par ailleurs, alors que le syndicat d'entreprise au Japon fait partie intégrante de la culture de l'entreprise et de sa structure, les firmes japonaises ne sont pas juridiquement tenues, contrairement aux entreprises allemandes, d'assurer une représentation syndicale au sein de leur conseil d'administration. Ce qui nous permet de dire qu'au Japon, le rôle du conseil d'administration en tant qu'un mécanisme de contrôle de la décision du dirigeant n'est pas le même qu'en Allemagne.

Les salariés se voient accorder une priorité moins grande dans les firmes allemandes que dans les entreprises japonaises, mais sont encore plus éloignés des préoccupations des sociétés anglo-américaines traditionnelles. En Allemagne, la formation des salariés fait l'objet d'investissements considérables, par exemple via un système d'apprentissage intensif et très étendu. Il est rare qu'un salarié quitte une grande entreprise pour en intégrer une autre. De plus, même si l'emploi à vie n'existe pas, contrairement à ce qui se passe au Japon - les licenciements sont possibles, bien qu'ils soient rares si l'on compare cette situation à celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni - les salariés restent en principe dans la même entreprise tout au long de leur vie professionnelle. Aussi bien les entreprises allemandes que japonaises pratiquent, pour l'essentiel, la promotion interne.

Quant au système financier allemand, il se caractérise en premier lieu par un contrôle du capital des grandes entreprises par les principales banques du pays, à savoir la Deutsche Bank, la Dresdner Bank et la Commerz Bank. Ce contrôle du capital dérive d'une part, des participations détenues, d'autre part, du système de procuration très développé qui permet aux institutions financières de représenter les petits actionnaires. La banque joue donc un rôle central dans le système de gouvernement des entreprises du pays. Les liens financiers entre les trois principales banques sont renforcés par des participations croisées conduisant à un fort autocontrôle.

Les compagnies d'assurance et de réassurances s'insèrent également dans ce réseau financier, conduisant à la constitution d'un véritable coeur financier (D. Mertens- Santamaria, 1997). Ce réseau de participations croisées est renforcé par un verrouillage de l'administration des entreprises, où la Deutsche Bank joue un rôle central (H. Papenheim-Tockhorn,1995 ; A. Pfannschmidt, 1993)56(*). Aussi, « l'esprit de corps » des dirigeants allemands devrait être fort, notamment lorsqu'il s'agit de partager le contrôle du capital avec des entreprises étrangères au réseau (H. Kalfass,1988). Avec un capital verrouillé et des marchés financiers peu actifs( R. La Porta et al., 1997), on observe donc un pouvoir en réseau de type technocratique, selon la formule de (F.Morin,1974). Ce pouvoir technocratique peut être qualifié de professionnel, dans la mesure où la carrière des dirigeants allemands s'effectue principalement en interne (M. Bauer, B. Bertin- Mourot,1990). Enfin, comme pour la plupart des pays occidentaux, sauf les États- Unis, la logique de financement externe des entreprises allemandes repose sur l'intermédiation bancaire. Toutefois, le faible poids du marché financier dans ce pays limite les possibilités de lever des ressources externes autres que bancaires (E. Berglöf, 1997 ; R. La Porta et al., 1997).

M. Aoki et H.Patrick(1994)indiquent que les OPA sont très rares et les OPA hostiles pratiquement inexistantes en Allemagne et au Japon, contrairement à ce qui passe aux Etats- Unis et au Royaume- Uni. Généralement, on souligne aussi qu'une des raisons essentiels de cette disparité porte sur les relations banques- entreprises différentes et très étroites qui prévalent dans les contextes allemands et japonais. Cependant, il faut également souligner qu'il existe d'importantes raisons culturelles. En particulier, dans la mesure où une priorité élevée et relativement élevée est accordée aux personnes respectivement au Japon et en Allemagne, les OPA sont désapprouvées d'un point de vue social et éthique, selon l'argument que l'on n'est pas censé acheter ou vendre des personnes.

On a jusqu'à présent beaucoup commenté - et souvent en termes négatifs - le fait que les conseils d'administration japonais et, dans une mesure moindre quoique comparable, les conseils d'administration allemands, aient une structure relativement contestable. Le pouvoir y est en effet concentré entre les mains du directeur général.

Bien que la forme juridique des conseils d'administration japonais et allemand soit distincte, cette différence est plus apparente qu'effectives en termes d'équilibre des pouvoirs. Le système germano- nippon (allemand/japonais) apparaît principalement réglé par des mécanismes internes. Il semble offrir une meilleure capacité préventive et favoriser la coopération et l'investissement à long terme(Chareaux,1997).

Enfin, le principal inconvénient des modèles allemand/japonais qui donnent la priorité aux personnes et aux produits plutôt que chercher impérativement à maximiser la valeur de l'entreprise aux yeux de l'actionnariat et reposent sur un rôle plus limité des actionnaires, est constitué par l'absence relative d'une surveillance efficace des activités de la direction générale (Oman P.C., Brooks H.D,1997).

3. L e modèle anglo- américain

Dans les pays anglo Saxons, les fonds en provenance du marché boursier seraient la principale source du développement des entreprises(Corbett et Jenkinson, 1996). Les OPA sont endémiques.

Lorsque l'on oppose l'ordre de priorités des « trois P » du modèle japonais à celui du système anglo- américaine, il faudrait se garder d'en conclure que l'attitude qui consiste à se préoccuper des personnes fait d'avantage partie intégrante de l'environnement socio- éthique du Japon que de celui des Etats- Unis et au du Royaume Uni. De plus, dans le modèle anglo- américain, la valeur d'un individu est normalement fondée sur ses compétences spécifiques tandis que, dans le modèle japonais, elle repose davantage sur la fidélité à l'entreprise et la durée de l'activité du salarié dans cette entreprise. La valeur d'un bon ingénieur Intel ou GEC tient au fait que cet homme ou que cette femme est bon ingénieur ; la valeur d'un bon salarié de Toshiba tient au fait qu'il est un bon salarié de Toshiba(Oman P.C., Brooks H.D,1997).

De ce point de vue, la fréquence des licenciements aux États- Unis ou au Royaume-Uni, par rapport à leur absence générale au Japon, laisse supposer un raisonnement différent. L'ingénieur Intel/GEC, homme ou femme, peut vendre ses compétences sur un marché du travail ouvert. S'il est licencié, ses compétences peuvent être relativement facilement transférées dans une autre firme. Si un salarié de Toshiba est licencié, ses nombreuses connaissances sur Toshiba ne sont guère utiles, sauf, bien entendu, si elles sont telles qu'il peut en faire bénéficier la concurrence, auquel cas, cependant, il est peu susceptible d'être licencié ! C'est pourquoi, lorsque les grandes entreprises japonaises mettent en préretraite ou licencient leurs salariés, elles les reclassent habituellement, dans le dernier cas, chez l'un de leurs fournisseurs, où le fait de connaître la société mère reste un avantage évident.

Indiquer que, dans les modèles japonais et allemand, les profits soient moins prioritaires que dans le modèle anglo- américain, ne signifie pas que ces profits et les actionnaires ne comptent pas ! les actionnaires institutionnels/ en réseau étant beaucoup mieux considérés en Allemagne et au Japon, l'accent est généralement mis sur la stabilité des rendements des investissements. L'accent mis sur la priorité aux profits et la valeur de l'entreprise aux yeux des actionnaires produit de toute évidence des résultants importants. Au Royaume- Uni, les dividendes sont en général près de deux fois supérieurs à ceux versés en Allemagne et de trois fois supérieurs à ceux versés aux actionnaires au Japon(V.Handy,1993).

Aussi, au Royaume-Uni, le système de contrôle repose essentiellement sur les investisseurs institutionnels [OCDE 1998]57(*). En effet, l'actionnariat se caractérise par une prédominance de ce type d'investisseurs, une forte concentration des actions des entreprises cotées entre leurs mains, la quasi- absence de participations croisées entre entreprises et un poids faible des actionnaires individuels dans les participations directes [OCDE 1998]58(*). Les investisseurs institutionnels jouent donc un rôle globalement plus important dans le capital des sociétés cotées en bourse. Ce contrôle peut donc être qualifié d'orienté- marchés (P. Moerland,1995), puisque reposant sur des marchés financiers actifs sans verrouillage de capital. Enfin, le marché financier, à côté du financement bancaire, représente également un moyen important de financement externe (E. Berglöf, 1997 ; R. La Porta et al., 1997).

Le système anglo- saxon serait sensé conduire une politique d'investissement sous- optimale, privilégiant une optique de court terme. Cependant, sa flexibilité et son adaptabilité seraient supérieures à celles du système concurrent(Chareaux,1997).

4. Le modèle français

La plupart des études opposent les systèmes anglo- saxons (Etats- Unis et Grande Bretagne) aux systèmes allemands et japonais, les systèmes latins en particulier le système français- constituent une forme hybride(Charreaux,1997).

Les conseils d'administration des entreprises en France peut contenir un certain nombre de salariés. Leur nombre est cependant plus faible et leur influence réduite. A contrario, en France le rôle de l'Etat supposé être fort(V. Schmidt, 1996). Concernant les mécanismes spontanés de contrôle, la plupart des auteurs soulignent la faible importance des OPA hostiles pour les firmes allemandes et françaises, bien que les freins institutionnels semblent globalement moins importants en France qu'en Allemagne(J. Franks, C. Mayer, 1990). Ainsi, le système de contrôle français occupe une position intermédiaire entre le système de contrôle allemand et celui des pays anglo- saxon(E. Berglôf, 1990). Une autre distinction entre système de contrôle, due à Moerland(1995), est celle entre une logique de réseaux(Ex :Allemagne) et une logique de marché(Ex :les pays anglo-saxons). Toujours selon Moerland, la France occupe une position intermédiaire.

Le modèle financier français se caractérise par l'existence de plusieurs pôles financiers. Lorsque l'État dominait l'économie nationale, le contrôle des grandes entreprises du secteur financier était public. Les vagues de privatisation ont conduit à un éclatement des groupes. Toutefois, les réseaux de dirigeants, liés au système de formation des grandes écoles et des grands corps de l'Etat, représentent toujours un mécanisme de gouvernement des grandes entreprises essentiel en France (C. Kadushin, 1995 et F. Morin,1996). De plus, si l'Etat n'est plus majoritaire dans un grand nombre d'entreprises, il reste très impliqué par le biais des participations détenues (D. Mertens-Santamaria,1997) et la mise en place de noyaux durs (F. Morin, 1996). Les coeurs financiers en France sont également stabilisés par de fortes participations croisées entre les groupes concernés. Il existe donc, à l'instar du modèle allemand, une sorte de verrouillage institutionnel du capital. Ce verrouillage conduit aussi à un pouvoir en réseau de type technocratique. Toutefois, celui-ci peut être qualifié de politique du fait de l'implication de l'État et du système de formation des dirigeants français. Enfin, les marchés financiers, comme moyen de financement externe, jouent un rôle plus important qu'en Allemagne ( E. Berglöf, 1997 ; R. La Porta et al.,1997).

En résumé, nous constatons, donc, que les comparaisons internationales opposent souvent les pays anglo américains, pour lesquels les mécanismes du marché financier guidés par les intérêts des actionnaires revêtent une grande importance, à des pays comme l'Allemagne et le Japon, où le contrôle semble s'effectuer d'une manière plus relationnelle, tenant compte de plusieurs catégories de stakeholders. A la France, on attribue souvent une place intermédiaire, soulignant comme particularité le poids de l'Etat. Nous constatons aussi que les pays anglo américains privilégient l'investissement à court terme alors que d'autres pays comme l'Allemagne et le Japon privilégient l'ensevelissement à long terme.

Section II. Les éléments de la différenciation culturelle des pays et leur impact sur le choix du mode d'entrée sur les marchés étrangers

Une analyse réalisée par U. Mayrhofer en 2002 montre qu'il est préférable d'appréhender la culture à partir de plusieurs dimensions plutôt que de s'appuyer sur un seul facteur. Elle confirme la nécessité d'intégrer les variables culturelles dans les modèles explicatifs du choix du mode d'entrée.

Nous essayerons, dans ce qui va suivre, de classifier ces facteurs en quatre catégories à savoir : le mode d'identification des individus, leurs positionnement par apport aux autres individus et leur positionnement à leur environnement naturel ou religieux ainsi que leur positionnement par apport à leur environnement économique.

1. Premier axe de référentiel culturel : le mode d'intensification et d'appartenance des individus

* 44 Cité par G. Charreaux, 2001, « Image de l'investissement », édition Vuibert, pp. 24

* 45 Un schéma mental est une représentation du statut des différents partenaires dans la processus de création de valeur, ainsi que de la rémunération appropriée de leur contribution(P. Wirtz ,2002),pp.79

* 46 cité par A. Gratacap (1997)

* 47 cité par G.Charreaux,2001,op-cit

* 48 Cité par M. Barabel et O. Meier., 2002

* 49 Idem

* 50 Cité par A. Gratacap,1997,op-cit

* 51 Charreaux G., 1997, « Gouvernement de l'entreprise »,Encyclopédie de gestion, 2ème édition, p.1652- 1662

* 52 Idem

* 53 Wirtz P., 2002,« Politique de financement et gouvernement d'entreprise »

* 54 Idem

* 55 Cité par Wirtz P., 2002, op-cit

* 56Cité par Mayrhofer U et Roth F.,1999, « Gestion de l'incertitude et influence de la diversification et de la nationalité sur les formes de rapprochement : une comparaison Allemagne, France et Royaume-Uni », Finance Contrôle Stratégie - Volume 2, N° 4, décembre 1999, p. 135 - 156.

* 57 Cité par Mayrhofer U et Roth F.,1999, op-ci

* 58 Idem

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand