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"en aparté"sur Canal Plus : l'invité, le public et le média comme tiers autoritaire dans une émission de conversation

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par Marylène Khouri
Institut Français de Presse Paris II-Assas - Maà®trise d'information et communication 2005
  

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Conclusion

Le choix d' En aparté comme sujet de mémoire dans un séminaire traitant des figures d'autorité et de pouvoir me parait désormais largement justifié à la lumière de l'étude que je viens d'effectuer. En effet, le triangle formé par l'invité, le téléspectateur et le public est lourd de sens.

En premier lieu, nous avons vu en première partie en quoi Pascale Clark constitue une figure d'autorité. En faisant le choix de ne pas se montrer à l'écran et de s'appuyer sur son talent vocal, elle s'est imposé comme une institution de la confession médiatique : alors que la tendance est plutôt aux animateurs provocateurs, elle renverse ce phénomène en épousant et en s'adaptant à une autre tendance, celle de la télévision relationnelle et intimiste ; ainsi, elle rejoint la famille des Mireille Dumas et autres Ménie Grégoire. Le personnage de Pascale Clark est une figure d'autorité aux multiples facettes : elle se fait tantôt mère, tantôt maître, tantôt juge...Incarnant son émission, l'animatrice fait corps avec son studio-appartement : elle est une entité médiatique dont les visées dominatrices sont masquées par la douceur envoûtante de sa voix. Par ailleurs, du fait qu'elle soit une femme et qu'elle ne mise pas sur sa présence physique, la constatation de son autorité est d'autant plus remarquable. Elle acquiert une stature quasiment mythique car inaccessible. Aussi inaccessible que les célébrités avec qui elle s'entretient. Celles-ci reconnaissent cette autorité. Rajoutons que les figures d'autorité féminines sont rares dans le paysage audiovisuel français.

Ensuite nous avons analysé la rencontre contradictoire de deux langages au sein de cette émission : en effet, En aparté est apparu simultanément à Loft Story et emprunte de nombreux codes à la télé réalité.  Pourtant, le voyeurisme du téléspectateur répondant à l'exhibitionnisme de l'invité ici ne choque pas : le média a réussi à conférer un vernis respectable à l'émission. Nous avons vu qu' En aparté au-delà de s'inscrire parfaitement dans une ère de l'intimité, répond aussi à des désirs primitifs de l'homme. « En aparté » est en quelque sorte un zoo télévisuel où le téléspectateur se délecte à regarder l'inaccessible, la célébrité. Le studio, conçu comme le reflet d'un appartement-type d'un téléspectateur de Canal plus crée une correspondance entre l'invité et ce téléspectateur. Cette correspondance est ambivalente car elle repose sur des valeurs d'identification, de reconnaissance, mais aussi de domination : l'invité est valorisé, mythifié, mais dans un second mouvement il est aussi soumis aux jugements des milliers de téléspectateurs qui l'observent. Tout le monde l'écoute, il est sur un socle, comme un animal prestigieux. Le téléspectateur assiste à une conversation-spectacle. Grâce à ces effets de correspondance, le téléspectateur peut s'imaginer dans la peau de l'invité : « Il y a quinze ans, deux mondes cohabitaient : le monde des gens dans le poste et celui des gens devant le poste. Aujourd'hui, chacun se voit sur un écran de télévision via le caméscope et peut s'imaginer sur un plateau ».123(*)

L'originalité de l'émission de Pascale Clark réside aussi dans le fait qu'elle emprunte les codes des émissions de l'intimité mais, au lieu de confesser les anonymes elle s'appuie sur les figures médiatiques. La télévision de l'intimité qui auparavant apparaissait comme une réponse aux « défections du lien social » se voit exploité pour confesser les célébrités. En fait, En aparté stigmatise deux tendances de la télévision des années 2000 : d'un côté, l'avènement du voyeurisme institutionnalisé et de l'autre côté l'émergence de nouvelles formes de célébrités « warholienne », éphémères. L'émission répond à cette seconde tendance en se positionnant comme une institution qui valide les parcours des gens célèbres et de ce fait les reconnais. En effet, l'émission répond à la demande du public d'une relation avec les gens médiatiques. Ceux-ci, désormais baptisés « people », sont devenues des références affectives : la télévision les a rendu accessible. Les médias cherchent incessamment de nouvelles possibilités d'interactivité avec eux. D'ailleurs, quelques émissions ont imité certain des éléments du dispositif d' En aparté : citons entre autres « La boîte à questions » dans Le grand journal, présenté par Michel Denisot sur Canal plus ou Petites confessions entre amis sur Paris Première. Plus généralement, la, tendance au confessionnal se généralise sur de nombreuses chaînes.

Mon corpus a permis d'étudier les différents types de prestation possibles dans En aparté. Le passage de Maïtena Biraben a donné une confrontation entre deux figures d'autorité. Pascale Clark a mis à l'épreuve sa collègue et a « filtré » son narcissisme. Avec Charles Berling, l'animatrice s'est trouvé confronté à un électron libre, peut être moins naturel qu'il semblait : le dispositif de l'émission rend visible les faux-semblants. La prestation de François Hollande m'a parut la plus intéressante à étudier : le politique se trouve confronté l'espace d'une émission télévisée à une autorité supérieure qui est le médiateur entre lui et le citoyen. Entre confession et promotion, le choix du ton paraît difficile.

On l'a vu, En aparté donne à voir une « situation trilogique de conversation », qui est le reflet du rapport entre média, citoyen et politique. Cette situation de conversation met en exergue un tiers autoritaire : le média. Celui-ci contrôle, régule le discours, en fonction de la demande du public auquel il s'adresse. La situation dans laquelle l'invité se trouve est de nature autoritaire : il reste quand même enfermé, telle une souris de laboratoire, et soumis à de multiples questions. La figure auquel il est confronté est une figure autoritaire : Pascale Clark. Celle-ci, sous des couverts psychologisants, revêt en fait l'autorité du Juge, au sens de Kojève. Son autorité est effectivement reconnue de part et d'autre de l'écran car elle est juste. L'autre figure autoritaire, indirecte, est le téléspectateur. En effet, le média reste un agent médiateur entre les deux instances de conversation. Ce téléspectateur est le tiers caché de la conversation. Cette dernière s'adresse à lui. Les deux participants de l'échange singent une conversation naturelle alors que le véritable interlocuteur est invisible.

L'espace d' En aparté peut donc être défini comme un confessionnal du monde médiatique. On y vient pour s'adresser aux téléspectateurs. Chacun y trouve son compte et a ses intérêts dans l'émission, ce qui crée des rapports de force, des relations d'ordre affectifs. Cette émission reste appréciée, que ce soit par les téléspectateurs, les autres médias et les invités. Des rumeurs évoqueraient un éventuel arrêt de l'émission : le concept s'effriterait car la plupart des personnalités sont passés, parfois plusieurs fois...

Mon principal regret est de ne pas avoir pu pénétrer les coulisses de l'émission, et ce malgré mes efforts. Je n'ai pu recueillir que quelques témoignages d'anciens stagiaires qui avaient rencontré Pascale Clark : celle-ci apparemment, si elle apparaît dans mon mémoire comme une indéniable figure d'autorité, reste une personnalité effacée dans la vie.

En définitive, En aparté est donc une conversation-spectacle où les deux participants vise le même interlocuteur. Le vernis d'intimité reste superficiel et donne l'occasion de renouveler les codes traditionnelles de mise en scène. On ne peut que parier sur l'accentuation de cette tendance. En aparté, à l'inverse des émissions de télé réalité traitant avec les célébrités ( la Ferme sur TF1 entre autres) respecte ses invités et ne participe pas au climat ambiant de déliquescence des autorités.

Au regard des recherches menées pour la conception de ce mémoire, je ne peux que conclure qu' En aparté représente une synthèse des deux tendances de programmation de notre télévision actuelles : voyeurisme et culte de la personnalité se rencontrent au sein d'une émission devenue institution.

ANNEXES

* 123 « L'intimité surexposée », Serge Tisseron, éditions Ramsay, cité par le Nouvel Observateur, « Les visiteurs du soir », semaine du samedi 2 juillet au vendredi 8 juillet.

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