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Etude linguistique et sociolinguistique de l'argot contenu dans les textes de rap au Sénégal, l' Exemple Du DAar J


par Mamadou Dramé
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA 2000
  

Disponible en mode multipage

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FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT DE LETTRES MODERNES

MEMOIRE DE D.E.A.

SUJET:

ANALYSE SOCIOLINGUISTIQUE DE L'ARGOT

CONTENU DANS LES TEXTES DE RAP : L'EXEMPLE DU DAARA J

Présenté par:

Mamadou DRAME

Sous la direction de:

Papa Alioune Ndao

Maître-assistant

Docteur d'Etat-es-Lettres

Année universitaire 1999-2000

INTRODUCTION GENERALE

Faisant du fait linguistique son objet d'étude, la sociolinguistique s'est intéressée à tout ce qui contribue à expliquer les différences entre les hommes selon leur manière de communiquer. Ces dernières années, elle a investi les paroles urbaines qui sont foncièrement et fondamentalement influencées par la vague du hip-hop, ce mouvement venu d'Amérique et qui ne cesse de conquérir le monde.

Apparu très tôt, dès les années 1950, le mouvement hip-hop n'aura pris son essor qu'à partir des années 1970 lorsque les jeunes issus des ghettos de Harlem voudront crier leur ras-le-bol à la face de l'Amérique qui n'a pas accordé les mêmes chances de réussite aux Américains de couleur et aux Américains Blancs. Alors ceux-ci voudront montrer qu'eux aussi sont des citoyens comme les autres et qu'ils ont droit au respect. Depuis le mouvement n'a pas cessé de grandir et après l'Europe et particulièrement la France, il a débarqué au Sénégal où il est devenu un des moyens de communication dont les jeunes se sentent le plus proche. Cette situation se note particulièrement au niveau culturel où le jeune Sénégalais se trouve ballotté entre la culture africaine qui est sienne, la culture française qui est celle du colonisateur, la culture arabe en rapport avec la religion, etc. A partir de ce moment, ce mouvement qui intègre une expression corporelle (danse), comportementale (gestes quotidiens), picturale (graffitis et tags), musicale (beat et textes) peut être révélateur des aspirations, des revendications et des positionnements à la fois identitaires, culturels, idéologiques et même politiques.

Il est ainsi un objet d'étude intéressant, au vu de l'importance de la population qu'il mobilise et des enjeux à la fois politiques, culturels, sociaux et économiques qu'il engage. Dans cette contribution qui se veut un prélude à des études ultérieures plus poussées sur le phénomène hip-hop, nous nous intéresserons uniquement dans un premier temps au rap qui est la dimension musicale et particulièrement aux textes en faisant fi de la mélodie. Ce sera l'occasion de tenter une analyse du langage argotique utilisé par les rappeurs dans la création artistique pour y voir quels aspects identitaires de la jeunesse peuvent y être véhiculés.

Dans cette perspective, nous travaillerons avec les textes du Daara J tout en nous permettant de jeter des regards sur les productions des autres groupes de rap pour y déceler des constantes propres à tous les groupes.

Ce travail va s'articuler autour de trois points fondamentaux. D'abord nous essaierons d'expliquer les raisons du choix du sujet, les hypothèses et la problématique autour desquelles va tourner ce travail et la méthodologie engagée. Dans un second temps, nous tenterons de donner un aperçu historique du mouvement hip-hop, de son évolution des Etats-Unis au Sénégal. Enfin nous analyserons l'argot contenu dans notre corpus avant d'essayer de donner les significations véhiculées par le rap à travers les textes.

Ce travail n'a pas la prétention d'être exhaustif, mais cherche juste à baliser des terrains qu'il sera possible d'exploiter ultérieurement.

PREMIERE PARTIE

I. LES RAISONS D'UN CHOIX

Le sujet de cette présente étude porte sur l'analyse sociolinguistique du rap urbain. Cette étude sera essentiellement centrée autour des productions musicales du groupe de rap dakarois le « Daara J ». Le choix du thème et des informateurs répond à plusieurs facteurs qui se combinent.

D'une part, on peut partir d'un constat fait par la plupart des chercheurs qui se sont intéressés à l'épineuse question de la communication dans les anciennes colonies des grandes puissances européennes. Il en ressort que ces pays devenus indépendants voient leurs populations user d'au moins deux langues: d'abord il y a la langue maternelle ou vernaculaire et d'autre part la langue du colonisateur qui est devenue langue officielle, celle de l'école et de l'administration. Ainsi Gumperz1(*) pour l'Inde et Ndao2(*) pour le Sénégal, de même que Pierre Dumont3(*) l'ont bien démontré. Dans le cadre du Sénégal, c'est le français qui est en conflit avec les autres langues.

Cette situation se traduit par un peuple partagé entre plusieurs langues. Ces individus se trouvent ainsi en situation de diglossie ou de bilinguisme. La diglossie pouvant être entendue comme le fait que le locuteur qui se trouve en possession de deux langues ou de deux variétés de langue utilise une des langues ou l'autre langue en fonction des situations et en leur assignant des fonction bien définies et en leur donnant des valeurs bien déterminées. René Appel et Peter Muysken l'expliquent en reprenant la définition proposée par Fergusson. Ainsi, écrivent-ils: « When speakers use two languages, they will obviously not use both in all circumstances : in certains situations, they will use one, and in others, the other »4(*). Ils explicitent cette citation en précisant :

« Diglossia insolved two varieties of a linguistic system used in a speech communauty : a formal variety termed H (high), a vernacular or popular form termed L (low). Each variety has his functions in the speech communauty, ranging from political speechees in H to informal conversations with friends in L varity ». 5(*)

Dans le cadre du bilinguisme, on peut considérer que le locuteur est en possession de deux langues et est en mesure de les utiliser comme il l'entend et indistinctement, quelles que soient les situations auxquelles il peut être confronté.

Dans cette perspective, on peut prédire que les langues qui sont en présence seront nécessairement en conflit. Ce conflit peut être perceptible plus particulièrement chez les jeunes et lisible dans les mouvements qui les concernent essentiellement. Et nous nous intéresserons au mouvement hip-hop et surtout à sa manifestation musicale, le rap.

Ce mouvement est devenu une réalité incontournable dans le paysage musical et social, comme on peut le constater dans le monde en général et au Sénégal en particulier. Comme nous l'avons précisé, il intéresse surtout les jeunes adultes et les adolescents. Il fait d'ailleurs partie de leur quotidien. A ce propos, Hugues Bazin dans sa préface à l'étude de Manuel Boucher sur le rap français affirme que :

« La base d'un rap (rythme, temps, ligne musicale en boucle, etc.) reste la même que l'on rappe (sic) en allemand, en français ou en japonais. Nous comprenons que la structure d'une forme est identique. Mais la façon dont cette forme est travaillée par les individus pour gérer leur rapport au monde dépend de l'environnement social et culturel. Aussi, peut-on distinguer un hip-hop brésilien, sénégalais, français, belge, allemand ou américain ».6(*)

Cela veut dire que par delà l'aspect unificateur de tous les mouvements rap du monde, on peut noter des spécificités propres à chacun et qui reflètent le mode d'expression dans la communauté considérée.Ainsi peut-on voir apparaître le fait évident que, au delà de l'aspect musical qui le sous-tend, le rap englobe toute une réalité culturelle appelée « hip-hop ».

Le mouvement « hip-hop » est proche des jeunes et exprime les jeunes. Il permet de véhiculer des messages d'angoisse, d'attente et d'espoirs. Pour mémoire, on peut retenir avec Philippe Pierre-Adolphe et José-Louis Bocquet que ce mouvement a été à son origine un moyen pour les jeunes de se détourner de la drogue, de la délinquance et de la prison qui constituaient le lot quotidien des jeunes Noirs qui habitaient les quartiers déshérités des Etats-Unis et particulièrement de Harlem. Aussi cherchait-on à dire la jeunesse telle qu'elle était et telle qu'elle ressentait le monde.

Continuant sur cette lancée, Bocquet et Pierre-Adolphe précisent que, à la fin des années 1970, pour échapper à la « défonce »  (sic), à la prison ou au cimetière, les « Bad Boys » de Broklin et du Bronx préféraient la résistance artistique à la violence. Dans la rue, les règlements de compte ne se font plus à l'arme blanche , mais à travers le graphisme et les joutes verbales. Cette nouvelle forme a pour nom « hip-hop », deux mots issus du « slang » signifiant « se défier par la parole, le geste et la peinture ». 7(*)

On voit ainsi comment en France, (cf. Boucher et Jacqueline Billiez8(*))- même si leurs travaux portent essentiellement sur le phénomène lié à l'immigration - tout comme au Sénégal, le mouvement hip-hop peut exprimer la jeunesse dans ses idéaux et ses manières de sentir le monde et de se comporter. D'ailleurs c'est pourquoi Manuel Boucher renchérit en précisant que : « par delà ses conditions d'émergence, le hip-hop présente un creuset dans lequel les personnes forgent des manières de vivre en réponse parfois au contexte difficile ou hostile ».9(*) Pierre-Adolphe Philippe et José Bocquet renchérissent en écrivant : « Mettant un nom au désespoir, le rap donne une voie (sic) aux proscrits, leur permet de revendiquer, de communiquer, d'avoir une place sur terre ».10(*) Ces appréciations, si elles sont mises en relation avec le contexte d'apparition du rap dans notre pays marqué surtout par la le désespoir causé par l'année blanche de 1988 et ses conséquences, montrent qu'ici, ce mouvement peut être porteur des aspirations et des revendications de cette jeunesse et leur permet de dire toute leur amertume.

Ainsi le Sénégal ne saurait être épargné par cette vague qui s'est emparée du monde. La culture hip-hop est véhiculée par une manière toute particulière de se vêtir, de se comporter, une peinture, une danse toutes aussi particulières, mais aussi et surtout la musique qui est l'aspect le plus perceptible puisqu'elle est véhiculée par les médias et surtout la télévision. Cette musique repose sur un fond musical appelé « sample » (l'instrumental sur lequel on débite le flot des paroles) et sur des paroles qui permettent au rappeur de dire le message contenu dans sa chanson. Ce sont justement ces flots de paroles que nous nous proposons d'étudier. C'est un aspect qui peut être révélateur des aspirations des jeunes dans la mesure où le message qui s'adresse aux jeunes doit être exprimé dans la langue des jeunes. Ainsi toute la problématique du rap tourne autour de la problématique du langage.

Le langage doit refléter la manière de ces jeunes de parler (ceci pris sous un angle synchronique). A ce propos Manuel Boucher peut se permettre de souligner que :

« le rap véhicule un message : ce message couvre plusieurs strates. Nous pouvons le lire sous plusieurs manières :

-Sur le plan social, le message, tel un miroir, renvoie aux réalités quotidiennes. C'est l'écriture directe du chroniqueur social, l'écriture visuelle du cinéaste de la vie ;

-Sur le plan culturel, le message actualise les codes qui confirment la cohésion d'un groupe. Nous sommes dans la vérification des signes d'appartenance à une famille dans la manière de parler une phrase, le répertoire lexical, etc.

-Sur le plan artistique, le message couvre une relation esthétique. C'est le rapport au rythme, la déconstruction-reconstruction en boucle, les références musicales ;

-Sur un plan symbolique, le message dresse le paysage imaginaire, découvre l'envers du décor, d'autres liens. C'est le rapport au mythe, la forme cyclique du temps, le thème récurrent de la terre-mère. Le hip-hop a la faculté de nous faire vivre avec des légendes entretenues par tous ses membres »11(*).

Il demeure évident que nous nous intéresserons exclusivement à la question linguistique. Les réponses qui seront apportées nous permettront de rendre compte des diverses relations qui peuvent exister entre ces différentes langues, surtout qu'on se trouve dans un pays fortement marqué par le plurilinguisme.

D'autre part, d'un point de vue purement documentaire, nous cherchons à apporter une petite contribution à la recherche consacrée à ce mouvement émergent. Ce souci se justifie d'autant plus que les études consacrées à l'aspect linguistique et sociolinguistique sont rares. Elles sont plutôt orientées vers uns aspect sociologique ou pédagogique. Ce dernier volet se justifie du fait qu'il est possible d'introduire les textes de rap dans les programmes d'enseignement du français dans les collèges et lycées du Sénégal. Mais seuls sont concernés les textes écrits en français.12(*)Seulement, malgré la rareté des productions scientifiques sur le phénomène rap en matière linguistique ou sociolinguistique, il existe d'autre études qui sont en cours.

Elles sont effectuées par des groupes de recherche pluridisciplinaires tels que le GRAFEC (Groupe de Recherches Appliquées sur les Formes d'Expression Contemporaines) rattaché à l'UFR de linguistique appliquée de l'université René Descartes de Paris V et à la Faculté de Lettres et Sciences Humaines de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il s'agit d'essayer de combler une lacune dans ce domaine.

On peut aussi souligner que le rap au Sénégal est une véritable machine industrielle et économique qui fait courir bon nombre de producteurs nationaux comme étrangers. En outre , c'est un domaine qui permet de créer des emplois. Cet aspect de la question a été longuement développé par le journaliste Alpha Dia dans une série d'articles disponibles sur les sites Internet.13(*)

Il apparaît ainsi que le rap mérite qu'on y jette un coup d'oeil ; ce qui nous permettra de voir les rapports qui existent entre la musique et les jeunes du pays ; d'autant plus que l'élaboration des textes qui focalisent notre attention obéit à certaines règles linguistiques qui reflètent les manières toutes sénégalaises et adolescentes de parler et de communiquer.

II LES HYPOTHESES DE L'ETUDE

Un bref aperçu de l'architecture des textes laisse transparaître une multitude de langues qui se côtoient, se mélangent et se combattent les unes les autres pour prendre la place de choix. Déjà, reprenant une séquence textuelle des Fabulous Troubadours (groupe de rap français), Jacqueline Billiez remarquait la présence de plusieurs langues. Pour ce chercheur, ceci se justifie par le fait que les rappeurs ont tendance à développer certaines « stratégies langagières ».14(*)

A l'image du langage de la rue, on peut remarquer -concernant le Sénégal bien entendu- que, à première vue (ce que nous allons du reste essayer de prouver), les langues nationales sont d'abord en concurrence entre elles, ensuite elles sont en concurrence avec les langues étrangères et plus particulièrement les langues occidentales. Ici le ratio dans la fréquence de l'utilisation des codes peut ne pas être le même que dans le cas général. Est-ce dû au fait que ces dernières langues citées n'ont plus la notoriété qu'elles avaient ? Nous verrons ainsi si le français garde toujours sa fonction d'antan qui en faisait un instrument de promotion sociale. Puis à quelles fins sont utilisées les langues qui sont venues se greffer au code switching utilisé au Sénégal et qui touche essentiellement le français et le wolof comme l'a déjà montré Ndao (1996) .

Nous nous intéresserons également à l'alternance codique pour ce qui concerne toutes les langues en présence en nous appesantissant sur l'identification du type de structure concerné et aux facteurs à la fois linguistiques et extra-linguistiques qui les déclenchent. Ceci permettra de voir si effectivement l'alternance codique est en corrélation avec une idéologie politique ou culturelle en relation avec l'Afrique ou la peau noire ; ou si dans ce cadre très précis du rap, elle n'est pas révélatrice d'une convention de communication typique des situations de réseau fermé15(*) composé de rappeurs.

Ensuite, reconnaissant avec Pierre Cadiot que « l'alternance codique fluidifie la parole, (...), (qu)' elle a un effet de démultiplication, d'intensification des plaisirs, de parler »16(*), nous essaierons de montrer qu'il s'agit également de l'expression de l'identité d'un groupe comme l'ont affirmé Dabène et Billiez.17(*)

En outre, les rappeurs ne se limitent pas à l'utilisation des langues communément parlées à grande échelle au Sénégal, quand ils le jugent nécessaire, ils utilisent d'autres langues africaines ou des expressions tirées de ces langues. A quelles fins ? Qui plus est, ce sont les langues étrangères (occidentales) acquises le plus souvent grâce à l'école et elles ne sont même pas utilisées dans leur forme dite standard. Ainsi il leur est possible de faire des innovations (sur les plans grammatical et morphologique et quelquefois des glissements sémantiques sont opérés). Ainsi on peut prédire que la manière de parler des jeunes des années antérieures n'est pas la même que celle des jeunes de la nouvelle génération.

En fait, dans Parlures Argotiques (1990), il était précisé que les groupes homogènes avaient tendance à créer leur propre manière de parler et de se faire comprendre d'eux en utilisant un lexique qui leur est propre. 18(*) Ainsi, Denise François-Geiger affirme que : « L'argot est généralement engendré -et cela relève d'une étude sociolinguistique- au sein des groupes relativement homogènes, généralement assez restreints et souvent ambulants »19(*) .Si cette affirmation est justifiée, il devient possible de s'interroger sur la nature de la langue qui doit être spécifique aux Dakarois et qui est véhiculée par les textes de rap. A partir de ce moment, on pourrait parler de l'émergence d'un argot dakarois et par extension d'un argot sénégalais. (mais qui concerne uniquement les jeunes).

Cette investigation tient son importance du fait que, comme nous l'avons souligné plus haut, l'impact que peut avoir le mouvement hip-hop et surtout le rap provient de sa vulgarisation qui s'effectue au moyen des instruments de communication de masse avec notamment les cassettes , les émissions radio et télé, les clips, etc. Et chaque langue et variété de langue est utilisée dans une situation de communication bien déterminée et obéit à des motivations toutes aussi particulières. Donc, il est important de s'interroger sur la valeur déléguée à chaque langue.

III LE CORPUS

L'étude que nous envisageons de mener prendra essentiellement appui sur des textes écrits et chantés par les rappeurs du groupe Daara J. C'est un groupe dakarois composé de trois membres : il s'agit de Fadda Freddy (chant), de Ndongo Daara (rap) et de Aladji Man (ragga). Ce groupe existe depuis 1992 et a déjà mis sur le marché quatre cassettes (diffusées sur le plan national) : Daara J (1995), Daara J Album (1997), Xalima-la-plume (1999) et Exodus (2000). Ils ont aussi sorti sur le marché international deux Compact-Disc (CD) qui sont Daara J et Xalima. Ils travaillent sous la bannière de la maison de production française « Déclic communication » rattachée à BMG.

Dans cette masse de production, nous nous intéresserons uniquement au dernier album international (Xalima-la-plume) qui contient quatorze chansons. Cette restriction du corpus s'explique par le fait que la transcription des textes a laissé apparaître une nette représentativité des langues et de leur organisation sur les plans morphologique, sémantique et syntaxique. En outre ce choix peut être judicieux puisque les textes constituent un corpus disponible, acceptable et connu ; et puis ils sont déclarés et protégés au niveau du Bureau Sénégalais des Droits d'Auteur (BSDA). Cette dernière remarque est importante car le corpus en entier pourrait être joint au document final sous forme d'annexe.

De plus le groupe jouit d'une assez bonne réputation de sérieux et de discipline aussi bien dans le cadre du travail que dans le comportement. Alors nombreux sont les jeunes qui veulent en faire des modèles vivants. Bien que jouant une musique à la frontière du « hardcore » et du « rap cool », ce groupe est parvenu à s'affirmer aussi bien sur le plan national qu'international. A partir de ce moment, le groupe Daara J propose une bonne lisibilité qui permet, en utilisant comme corpus ses textes, de faire une étude assez objective et assez représentative des mécanismes de fonctionnement des moyens de communication verbale chez les adolescents Sénégalais et plus particulièrement chez les Dakarois. Nous ne nous priverons pas d'ouvrir des fenêtres sur les autres productions du groupe ou des autres groupes du pays.

IV METHODOLOGIE

Le corpus sur lequel nous envisageons de travailler est constitué de deux niveaux. Il y a d'une part le corpus oral qui est constitué par les textes du groupe que nous allons transcrire en nous servant d'un magnétophone et d'autre part, il y a le corpus écrit comprenant les indications graphiques marquées sur les jaquettes des cassettes et du disque (les titres des chansons, les dédicaces etc.).

Gumperz a enseigné que dans une situation de communication verbale, les choix langagiers ont une signification symbolique et impliquent des effets de sens (cf. Ndao 1996). Et ici, nous sommes dans le cadre assez particulier de la création artistique où le choix devient figé. Alors il devient difficile d'appliquer la dichotomie code switching conversationnel et code switching situationnel. Mais nous pouvons analyser ce discours qui fonctionne comme un écrit à la lumière du code switching situationnel.

Cela veut dire que ce sont les contextes d'apparition de la langue, de la variété ou de l'alternance qui vont illustrer ce que nous cherchons à savoir. Ainsi la méthodologie que nous allons adopter reposera d'abord sur la description des langues en vue de repérer l'état de leurs combinaisons et alternances, mais aussi les contextes ou situations dans lesquelles elles ont été utilisées. Cette analyse portera d'abord sur l'aspect sémantique. Elle permettra de rendre compte des glissements de sens de certains mots (qui peuvent appartenir à toutes les langues). D'une part, nous nous intéresserons à l'alternance intra-phrastique c'est à dire le cas où elle est présente dans une seule séquence de parole, puis à l'alternance inter-phrastique où l'alternance est réglée en fonction des séquences plus ou moins longues où l'on utilise une langue ou l'autre.

En outre, nous admettrons avec Gumperz que « la connaissance des valeurs culturelles et des facteurs sociaux affectant le langage est le point de départ nécessaire à toute étude sur l'alternance codique »20(*). Donc nous nous intéresserons aux variables socio-économiques et socioculturels qui engagent les jeunes de notre époque.

Cette méthodologie est engagée parce qu'il est difficile, à partir de quelques éléments seulement, d'analyser un corpus certes homogène mais tout aussi consistant en matière d'informations contenues. Nous emprunterons à Pierre Cadiot sa terminologie et ses méthodes d'enquête pour juger cette production artistique, reflet des usages langagiers propres aux jeunes Sénégalais de nos jours.

Cette analyse portera également sur la morphologie des mots. A ce niveau, nous pourrons mettre en évidence les mécanismes de création de l'argot (type sénégalais) fondés essentiellement sur la déformation des mots (troncation, méthathèse, etc.), quelles que soient leurs origines. Nous précisons que l'argot était à l'origine considéré comme le langage des gueux, des mendiants, des coupeurs de route et des voyous21(*). Il est devenu de nos jours une manière toute particulière de parler, manière par laquelle un groupe s'affirme et s'identifie. Il s'agit ainsi d'un langage particulier.

Pour l'exploitation de cette partie, nous ferons appel à Michelle Verdelham-Bourgade22(*) et nous lui emprunterons ses procédés d'analyse sémantique et lexicale du français branché. C'est ainsi que nous pourrons déterminer quelle est la structure du type d'argot qui est actuellement parlé par les jeunes Sénégalais et quel type d'argot est en train d'émerger et de se développer dans ce pays par l'intermédiaire du rap.

Nous n'occulterons pas les niveaux phonétique et phonologique qui porteront sur la prononciation des mots; que cela soit à des fins artistiques (musicales) ou pour les rendre étrangers aux oreilles des Sénégalais.

Enfin nous nous attacherons à relire les titre et les indications graphiques lisibles sur les jaquettes des cassettes. Leurs particularités graphiques qui consistent à allier les lettres et les chiffres informeront certainement sur les motivations idéologiques des auteurs de notre corpus.

A la suite de ces analyses descriptives, nous reviendrons chez Gumperz pour voir les lectures qu'il est possible de faire sur les langues pour donner les raisons de leur présence ou de leur absence. En effet c'est cette cohabitation qui déterminera les visées du groupe et la particularité de cette manière toute jeune d'user du langage. Elle montrera également en quoi la quête d'identité des jeunes est représentée par l'utilisation du verbe.

DEUXIEME PARTIE

I . APERCU HISTORIQUE

I - 1 Aux origines américaines

Le mouvement hip-hop est né vers la fin des années 1970 dans les ghettos noirs de New York et plus précisément dans le Bronx. C'est un phénomène social qui inclut une manière particulière de parler, une manière de se comporter mais aussi un mode d'habillement tout spécial. ce mouvement trouve son prolongement naturel dans la musique rap.

Selon Alioune Badara Dieye, c'est la musique jamaïcaine qui serait à l'origine du rap, notamment avec le mouvement des « last poets »23(*) et la musique noire américaine. Cette influence s'exerce avec les « camelots musicaux » qui sillonnaient la Jamaïque portant avec eux une sorte de discothèque mobile portative. Celle-ci leur permettait de se livrer à des manipulations manuelles et/ou électroniques sur lesquelles le « talk over » (improvisateur musical) pouvait se livrer à des interventions orales ou chantées appelées « toasting » alors que la technique dans son ensemble s'appelait « dubbing ».

C'est ainsi que le « dubbing », considéré comme l'ancêtre du rap, va évoluer avec les techniques de piratage sonore et de mixage pour aboutir au « sound system » ou « musique sans musiciens ». Le « sound system » sera amélioré par J.J. Theodore qui inventa en 1975 le « scratch » (grattage de disque) et le « cut » qui permettront d'obtenir des effets sonores répétitifs, des répétitions à l'infini de courtes phases musicales, mais aussi de faire des « samples » qui sont des procédés d'échantillonnage souvent obtenus grâce à l'informatique. Le « sound system » requiert deux intervenants : d'un coté il y a le « selector » qui se charge de mettre les disques et de l'autre côté, il y a le maître de cérémonie qui improvise plus ou moins les textes. Ils sont appelés le D.J. (disc jockey) pour celui qui est préposé au son et le M.C. (master of ceremony) pour celui qui s'occupe du micro. L'un des DJ les plus célèbres s'appelle Kool Herc alias Clive Campbel qui introduisit en 1973 le « toaster » dans la culture noire américaine (new yorkaise) et l'américanisa en le substituant au pidgin jamaïcain en compagnie de Coke-la-Rock et de Clark Kent.

Mais déjà dans les années 1950, le rythme saccadé se retrouvait dans la musique « soul » et était à l'époque appelé « Jive Talk ». Ce parler sera inauguré par les « Last Poets » composés de Alafia Pudim, Omar Ben Hassen et Abidun Oyewala. Le premier album rap sera finalement enregistré en 1979 par les Sugarhill Gang (Sylvia Robinson et M.Wright); il sera intitulé « Rappers Delight ». Ils seront suivis de Grand Master Flash dans « The message » et des Furious Five qui inspireront de grands groupes comme Public Ennemy, Mwa, etc. Depuis, le rap subit une poussée extraordinaire avec l'introduction de grandes maisons de disques comme « Def Jam »24(*). Et c'est tout naturellement qu'il s'installe dans tous les pays du monde, ceux de l'Afrique compris.

I - 2 Le rap au Sénégal

L'engouement des jeunes pour le mouvement rap n'a pas épargné le Sénégal et Ndiouga Adrien Benga, dans une étude consacrée à l'évolution de la musique sénégalaise situe son apparition dans ce pays aux environs de l'année 1988. Il la met en rapport avec l'année blanche qui fait suite aux élections présidentielles et législatives très contestées de la même année et de ses conséquences notamment le fait que de nombreux jeunes vont abandonner l'école25(*). Face à cette jeunesse désemparée la Seule voie proposée fut l'expression de leur amertume au moyen du rap. C'est ainsi que Benga précise que :

« mettant un nom sur le désespoir, le rap donne une voix auxproscrits, leur permet de revendiquer de communiquer. D'abord mimétique, le rap sénégalais met une dizaine d'années à digérer son modèle américain (et français) avant de s'affranchir »26(*).

Cette remarque est d'autant plus importante que les premiers groupes de rap au Sénégal ont d'abord chanté avec des instrumentaux américains et reprenaient les musiques américaines.

Mais on doit se rappeler que les premiers groupes de rap dakarois étaient d'abord des groupes de danse qui s'exerçaient au « break dance », au « smurf » ; danses américaines qui étaient vulgarisées par des émissions télévisées comme « Génération 80 » de Moïse Ambroise Gomis ou radiophoniques comme « Hit Inter Sky » animée par Aziz Coulibaly. Ce dernier faisait passer les exclusivités qui faisaient l'affiche aux Etats-Unis et avait aussi l'exclusivité de la diffusion des premiers titres hip-hop sénégalais. Parallèlement, Aziz Coulibaly animait sur Dakar FM l'émission  « Puissance FM » consacrée spécialement au rap.

C'est en 1990 qu'on verra la première apparition discographique qui s'apparente réellement au rap. Il s `agit de l'album de Mbacké Dioum (c'est un émigré Sénégalais qui vit en Italie). L'album s'appelle  Sama Yaye . La première cassette de qualité sera l'oeuvre de MC Lida (un autre émigré Sénégalais vivant en Italie) :  M.C Number One. Depuis, avec les apparitions discographiques assez fréquentes des groupes comme le Positive Black Soul, le P. Froiss ou le Daara J le rap s'est développé et prend chaque jour une ampleur nouvelle.

Le rap n'a pas connu de difficultés majeures pour s'implanter au Sénégal. Cela s'explique par le fait que cette musique n'est pas apparue en terrain neuf. Elle présente des similitudes avec certains types musicaux traditionnels du pays. Plusieurs genres qui lui sont apparentés existent depuis très longtemps. Il y a entre autres le « tassou », le « xaxar », le « bakk », etc. Ce sont des genres traditionnels connus de la plupart des Sénégalais et dont l'exécution (rythmique saccadée et rapide) ressemble à celle du rap.

Seulement, il faut souligner que certaines couches de la population ont rejeté le rap non parce que la musique n'était pas agréable à écouter, mais plutôt parce que les jeunes qui s'y adonnaient étaient mal perçus à cause de leur comportement, et de leur manière de parler jugés incorrects.

A propos de cette parenté avec la musique traditionnelle sénégalaise, Benga précise que :

« c'est sur ce terrain qu'ils échafaudent leur propre mode d'expression, unique, spontané, à mi chemin entre poésie moderne et tradition orale « tassou » (...). Du conteur au rappeur, du griot au journaliste social des temps modernes, une filiation recomposée est revendiquée, celle qui suit le chemin de la « littérature orale » et se produit dans la poésie urbaine. Dans cette tradition, certains rappeurs revendiquent une filiation avec le griot ».27(*)

Le développement du rap s'explique ainsi par le fait qu'il a trouvé un terrain d'accueil favorable à son développement.

En définitive, voulant assurer une prise de conscience et exprimer la révolte de plusieurs centaines de milliers de jeunes confrontés aux problèmes de chômage, de maladie, de pauvreté, etc., le rap s'est imposé dans un pays comme le Sénégal ou le terrain d'éclosion s'est trouvé favorable à son éclosion. Et à l'instar de leurs collègues des autres continents, les rappeurs Sénégalais vont lui donner une signification culturelle, idéologique et musicale.

I - 3 Définition du rap

Phénomène presque récent qui intéresse principalement les jeunes, le mouvement hip-hop est un mode de vie dont la partie émergée , donc la plus visible est le rap. Il inclut la musique et les paroles qui sont l'oeuvre des D.J. mais aussi d'autres disciplines comme la danse (break-dance, smurf, funk...), la peinture (tags, graffitis,...) et enfin une certaine tenue vestimentaire.

Le rap est alors considéré comme l'expression d'une révolte, la dénonciation d'un système et des normes sociales jugées trop injustes. Par là, les rappeurs entendent refuser l'étouffement et le bâillonnement et veulent se faire écouter et entendre. Ainsi Ndiouga Adrien Benga explique que  cette forme d'art a pour nom hip-hop, deux mots issus du slang signifiant « se défier par la parole, le geste et la peinture »28(*). Maïmouna Diakhaté et Amadou Makhtar Samb,dans une étude à visée pédagogique sur le rap estiment que pour expliquer le mot « rap », il faut remonter à son origine. Ainsi écrivent-ils : « l'étymologie du mot découvre une grande analogie avec l'origine du phénomène ». En effet, « to rap » signifie en anglais américain « frapper à coups rapides et secs » et dans l'acceptation argotique américaine du terme « bavarder sur un support musical rythmique ». Il n'y a pas à trop chercher pour y voir une certaine révolution dans la conception du langage. :

« de la communication humaine qui n'est plus une claire communication, mais devient comme le conçoit une certaine poésie un moyen de dire un message en l'enveloppant dans un hermétisme qui, pour être décodé, exige quelque effort du lecteur, du moins de l'auditeur » 29(*) .

A ce propos, on peut estimer que « rapper » revient à « débiter, cogner, remettre à sa place » comme le souligne Alioune Badara Dièye qui continue en expliquant que « ce parler répétitif, saccadé est issu de la longue tradition verbale des Africains-Américains, qui, elle, est un héritage des griots Africains »30(*).

On voit ainsi comment le rap surgit et s'exprime à travers une  « déconstruction-reconstruction » du langage pour exprimer le ras-le bol face à certaines situations vécues dans les ghettos noirs de New York

« où le jeune noir vit dans un laisser aller vestimentaire avec une certaine désinvolture dans la démarche, les signes d'une identité qu'il ne cesse de chercher dans une société multiraciale et raciste » 31(*).

Déjà, en remontant aux origines et en faisant référence aux pères proclamés du rap que sont les Last Poets, on se rend compte que le fondement de leur discours était celui de l'identité culturelle. Ainsi Alioune Badara Dièye estime que la rage de dire et la dimension sociale et politique que revêt le rap actuellement doivent beaucoup à ces poètes méconnus, les Last Poets. Le lexique et les thèmes des Last poets axés sur la vie du ghetto ont été repris par les premiers rappeurs Américains32(*). Surtout qu'il est possible de souligner que les ghettos américains n'ont jamais été un paradis pour les Noirs, les Chinois, les Irlandais et les Portoricains qui y ont toujours habité. D'où l'amertume et la révolte qui inspirèrent le mouvement hip-hop.

C'est ainsi que tout naturellement le rap s'ancre et se développe très facilement dans les pays gagnés par les problèmes économiques et sociaux tels que le chômage, la précarité, la violence urbaine, l'iniquité du système éducatif caractérisé par un échec scolaire massif, le Sida, la drogue, etc. De ce fait, quittant l'Amérique et passant par l'Europe, le rap aboutit en Afrique où il semble être le « credo de la jeunesse, mais d'une jeunesse mécontente et lésée par des régimes politiques, économiques, sociaux, et peut-être littéraires »33(*). Il faut souligner que malgré les influences américaines et françaises, le rap sénégalais a pris le temps de mûrir et de s'émanciper. Ainsi il se différencie de son modèle sur plusieurs points et a fait émerger ce que l'on pourrait appeler le « Senegalese Touch ».

I-3 Le « Senegalese Touch »

L'une des premières touches particulières apportées par les rappeurs Sénégalais a été l'introduction des langues nationales à la place de l'anglais ou à côté de l'anglais. Ainsi dans leurs textes cohabitent le français, l'anglais, les langues nationales ou tout simplement africaines. Cette situation est visible (audible) avec Mbacké Dioum dans « sama yaye ». Ensuite il y a eu l'utilisation des instruments de musique africains comme la kora, le tama ou la flûte peule et le tam-tam avec notamment le Positive Black Soul. A titre d'exemple, on peut citer le morceau « Je ne sais pas » ou la flûte joue un rôle primordial dans l'agencement des sonorités. Ce fut une des premières tentatives d'africanisation du rap.

Ensuite l'évolution de la rythmique que l'on cherche à mettre au goût du public a fait apparaître des genres nouveaux tels que le « Rap Mbalax » avec des séquences rap introduites dans la musique mbalax de Youssou Ndour qui a joué en duo avec le Daara J sur le titre « Solidarité » dans l'Album Lii ! ou de Omar Pène en duo avec M.C. Lida dans « Bakar Fagu » dans l'album Nioune Niar. Mais l'expression la plus achevée de ce mélange des genres sera réalisée par le Black Mboloo qui lança en 1998 le titre « Alal » titré de son album Mbidane dou diam.

En plus de l'introduction des langues africaines et des instruments traditionnels africains pour apporter la touche africaine, sans pour autant la rendre exotique, il y a le fait que le rap sénégalais est traversé par des rivalités qui, au lieu de le miner, ont plutôt contribué à l'enrichir et à le développer. Ces tendances se lisent sur plusieurs plans.

Sur le plan du rythme , nous avons déjà souligné la problématique du « Rap Mbalax ». Ce style, bien apprécié des populations, a été décrié par ceux qui se disent les puristes. Ces derniers estiment que cette forme de mélange de genres est indigne d'un vrai rappeur. Ils s'insurgent également contre le rap dit « soft » ou « cool » ou "Yé-Yé ». Cette forme plutôt destinée à l'écoute et à la danse s'oppose au « hardcore ».

Dans le « hardcore », les rappeurs disent qu'ils viennent des quartiers populaires de Dakar qu'ils considèrent comme les ghettos du pays par opposition aux quartiers chics de la capitale et insistent davantage sur le message en négligeant la musique. Dans le hardcore, le rythme est très rapide et ne laisse pas de place aux chants. L'essentiel est que tout soit parole. D'ailleurs, dans les groupes qui font du hardcore, on note l'absence d'un chanteur « soul » puisque ces groupes n'en disposent pas. Ce sont des groupes comme le « Wa B.M .G. » (Bokk Mën Mën Gëstu) 44 ( en rapport avec le quartier d'origine où s'était passé en 1944 le massacre des tirailleurs: Thiaroye), les « Rapadio », un groupe de la Médina composé de trois jeunes (Iba, Bibson et K.T.) qui montent sur scène encagoulés. Ils ont proposé dans leur album Ku Weet Xam Sa Bop de rendre propre le mouvement hip-hop sénégalais en rétablissant le vrai rap (real hip-hop). Ce groupe se caractérise par l'agressivité de ses sonorités et la dureté de ses propos.

Ce qui caractérise le rap hardcore, c'est la violence des textes qui , quelquefois, frise l'indécence. A ce propos, on peut renvoyer à la compilation D Kill Rap de « Fitna Production ». Par contre, d'autres groupes se sont spécialisés dans le « rap cool » à l'image de M.C. Solar en France. Ce sont des groupes tels que l'ex « Sunu Flavor » devenu Sama Flavor après le départ de Doctor Mac, le « Jant Bi », etc. En revanche, il y a des groupes qui jouent sur les deux registres. Ce sont des groupes comme le Positive Black Soul ( avec Didier Awadi, Amadou Barry dit Doug E Tee Et le nouveau venu Baye Souley qui sont considérés comme les doyens du rap sénégalais) et le Daara J (Fadda Freddy, Aladji Man et Ndongo Daara).

Sur le plan de la thématique et de l'expression de la thématique, la distinction s'accentue. Les « rappeurs cool » abordent dans leurs textes les thèmes éternels que sont l'amour, l `amitié et quelquefois prennent des gants quand ils sont dans la dénonciation. Ils cherchent à véhiculer un message positif. C'est cet aspect qui leur est refusé par les « rappeurs hardcore ». Pour eux le hip-hop et plus particulièrement le rap ne joue plus le rôle qui est sien s'il s'inscrit dans cette lancée. Dès lors, ils se posent en défenseurs du real « hip-hop » incarné par des groupes comme le Rapadio ou le Bmg 44. Le « real hip-hop » est expliqué dans l' « intro » de la compilation D Kill Rap. Ils se définissent comme les vrais défenseurs du rap authentique. Alors il faut dénoncer tout ce qui est susceptible d'être dénoncé dans la société. Ainsi la situation sociale, économique, politique, les dérives comportementaux sont passés au crible par ces rappeurs.

Cette distinction entre « rap hardcore » et « rap cool » a fait apparaître la distinction entre »rap social » et « rap lyrique ». Le rap social est associé au rap hardcore ou rap authentique alors que le rap lyrique renvoie au style cool ou « yé-yé ».

La rivalité s'explique par le fait que l'objectif commercial visé n'est pas le même mais dépend du groupe concerné. Généralement, les groupes qui ont une envergure internationale comme le PBS et le Daara J font un rap qui se situe à la frontière entre le soft et le hardcore avec (évidemment) un dosage plus ou moins variable selon le groupe. Ils font ce que l'on appelle le « rap marketing » qui répond plutôt à des exigences commerciales car on cherche à être compétitif sur le plan international. C'est pourquoi Ndiouga Adrien Benga écrit qu' « en dix ans, le rap est devenu une question financière et artistique »34(*).

Les rappeurs hardcore font du rap dit « underground » ( sous-sol sous terre)). Ces derniers ont des ambitions plutôt limitées au Sénégal et n'ont pour la plupart qu'une seule production à l'heure actuelle à leur actif. Ils se veulent les rappeurs les plus proches du peuple et qui, seuls peuvent être leurs véritables porte-parole ou comme le reprend de Césaire les rappeurs du Daara J : « être la bouche de ceux qui n'ont point de bouche ». Les représentants de ce courant sont le Bmg 44, le Rapadio, les Da Brains,etc.

Enfin on peut remarquer la langue utilisée. Les rappeurs de l »underground » utilisent dans leurs textes essentiellement le wolof ou les autres langues nationales tout en essayant de s'exprimer dans la langue des jeunes. Par contre, les « grands » groupes qui font du rap marketing utilisent outre les langues nationales, le français, l'anglais et les langues africaines.

Conclusion

En définitive, on peut souligner que le rap sénégalais s'est scindé en deux groupes regroupant des formations qui se distinguent sur plusieurs points : sur le plan du style qui est soit hardcore soit soft, sur le plan de la thématique qui distingue le rap violent fait de dénonciation et de contestation verbale du rap lyrique un peu plus modéré et qui se veut plus positif. Puis on peut noter le rap commercial qui inclut la question financière et l'envergure nationale ou internationale du groupe qui opposent le rap marketing au rap underground. Enfin sur le plan linguistique, en fonction des publics visés, la langue est une ou multipliée.

TROISIEME PARTIE

ANALYSE DU CORPUS

III - LE NIVEAU MORPHOLOGIQUE ET PHONETIQUE : ETUDE DE L'ARGOT UTILISE DANS LE RAP

Introduction

Mis à part le fait que le corpus que nous nous proposons d'analyser recèle d'un certain nombre de langues africaines ou européennes utilisées de différentes manières, nous pouvons également le concevoir comme étant un véritable « gisement argotifère »3(*)8 pour reprendre le mot de Marc Sourdot. Cette remarque se justifie du fait qu'il est possible de relever beaucoup de mots qui renvoient à la catégorie des mots argotiques. Mais avant d'aborder en profondeur ce problème nous nous proposons de définir dans un premier temps ce concept.

III.1Définitions

Selon Marc Sourdot, l'argot peut être conçu comme étant un

« ensemble de mots, un lexique, un recueil figé d'expressions mais aussi une activité sociale de communication à l'intérieur d'un groupe plus ou moins soudé, plus ou moins important » 3(*)9.

Reprenant ici une définition proposée par Denise François-Geiger, il poursuit son argumentaire en précisant qu'il s'agirait d'un « parler de communautés restreintes utilisé à des fins cryptiques; il met ainsi l'accent sur le côté fonctionnel de ces parlers qui servent d'abord à cacher tout ou une partie du contenu communiqué à ceux qui ne font pas partie de la communauté restreinte » 4(*)0.

L'argot revêt ainsi un caractère auto-exclusif proclamé. Ceci est mis en évidence aussi bien par Pierre Guiraud, Marc Sourdot que par Denise François. A ce propos, Pierre Guiraud estime qu'

« un argot est une langue spéciale, pourvue d'un vocabulaire parasite qu'emploient les membres d'un groupe ou d'une catégorie sociale avec la préoccupation de se distinguer de la masse sujets parlants » 4(*)1.

L'argot n'est donc rien d'autre qu ' un « langage spécial » utilisé par une catégorie de personnes bien déterminée. Et Guiraud entend par langage spécial toute « façon de parler propre à un groupe qui partage par ailleurs la langue de la communauté au sein de laquelle il vit » 4(*)2

Ainsi, il est possible d'affirmer que l'usage de l'argot vise avant toute chose une exclusion voulue de tous ceux qui ne font pas partie du groupe considéré. En ce sens, il devient un outil de communication propre au groupe et un moyen pour ce groupe de s'auto-exclure. C'est également un phénomène lexical qui consiste à créer des termes qui doublent le vocabulaire usuel 4(*)3 et qui « échappent de cette sorte à l'ensemble des individus non - initiés »

L'argot revêt certaines caractéristiques qui lui sont propres et son lexique n'est pas forcément une création de mots effectuée par ceux qui le parlent. Cependant, il a des traits phonétiques ou morphologiques qui lui sont propres. Quelquefois même il présente des « particularités syntaxiques » 4(*)4. C'est selon Denise François Geiger :

« un lexique (qui) double le commun mais avec des résonances connotatives ou si l'on préfère, culturelles propres(...). Pour l'élaboration de ce lexique, l'argot dispose de procédés spécifiques ou non: procédés formels comme la dérivation parasitaire (...) ou la troncation (...) et des procédés jouant sur les glissements de sens qui ne sont pas sans évoquer les tropes de la rhétorique ».

Outre cet aspect, on peut souligner que l'argot, étant d'abord un lexique avant d'être une grammaire utilisée dans des contextes de communication (surtout dans la conversation), devrait jouer certains rôles et certaines fonctions dans la société. Pour Denise François-Geiger, sa première fonction (ou du moins la plus évidente ) serait celle dite cryptique. Il s'agit dans ce volet de communiquer exclusivement entre initiés sans que les autres « étrangers" comprennent le sens des messages. A ce propos Pierre Guiraud notait déjà que l'argot à l'origine désignait non une langue, mais la collectivité des gueux et mendiants qui formait les fameuses Cours des Miracles, le Royaume de l'Argot; le terme s'est ensuite appliqué à leur langage; on a dit d'abord « le jargon de l'argot, puis l'argot » 4(*)5

D'autre part, ce moyen de communication a une fonction ludique dans la mesure où il est conçu comme un jeu auquel les membres de la communauté qui le parlent prennent plaisir.

A la suite de ces fonctions énoncées (cryptiques et ludiques), l'argot peut également jouer d'autres rôles et revêtir d'autres fonctions que l'étude de notre corpus nous permettra de découvrir, surtout qu'on se situe dans une perspective assez particulière. Comme en effet nous l'avons vu, l'argot désigne un langage qui est particulier à un groupe particulier. Il a des procédés de formation lexicale originaux et joue des rôles ou des fonctions très importantes sur le plan social. Ce sont donc ces aspects de la question que nous allons essayer d'illustrer à partir de notre corpus. Pour ce faire, nous nous servirons des propositions contenues dans l'article de Verdhelhan Bourgade pour analyser le corpus à la lumière des procédés sémantiques qu'elle a énoncés.

III- 2 Procédés de création de l'argot

Les procédés de création de l'argot répondent de plusieurs critères en fonction des besoins d'expressivité dévolus aux mots ou aux expressions particulières. Ainsi, les mots qui, dans notre corpus peuvent être rangés dans cette catégorie lexicale se révèlent relever de plusieurs origines linguistiques et s'insèrent dans les expressions de telle manière qu'il est difficile de déterminer si ces mots relèvent de l'emprunt ou du code switching. Les langues qui prêtent à l'argot sont essentiellement le français, l'anglais, le wolof et l'arabe. Nous nous attacherons d'abord à regarder les changements sémantiques avant de voir leur organisation morphologique.

III-2-1 Les changements sémantiques

Les changements sémantiques concernent des langues utilisées dans notre corpus. Ils répondent à des motivations culturelles et idéologiques tout aussi différentes. Nous tenterons de jeter un regard d'ensemble pour voir comment les mots s'organisent. Nous ne nous priverons pas d'ouvrir des fenêtres pour voir ce qui se fait dans d'autres textes de rap.

Certains mots ont perdu leur sens premier et ont pris un sens nouveau, même si la signification étymologique reste présente dans le parler ordinaire. Ainsi on peut souligner

« makk sama, rakk sama » Identité

Ce syntagme est l'inversion à des fins stylistiques des expressions « sama makk, sama rakk » qui signifient, « mon grand frère ; mon petit frère ». Ce sont des expressions utilisées pour les jeunes au sein des groupes pour signifier la hiérarchie, mais aussi pour montrer ce qui lie ces individus : une amitié ou plus une fraternité

« Une mafia triangulaire errait, elle s'était accaparée » Gorée

Dans ces syntagmes, le mot mafia est employé pour désigner le commerce illicite, odieux et honteux de l'esclavage, à la fois sournois et flagrant, mais contre lequel personne ne veut s'insurger, vu la force qu'il avait le commerce. Triangulaire montre la présence des trois continents que sont l'Afrique, l'Europe et l'Amérique.

Dans les syntagmes où le code switching est absent, les glissements sémantiques fonctionnent comme des métaphores . Ces métaphores dans certaines situations dépassent le cadre de la comparaison pour désigner un ensemble plus large (comme dans le cas de mafia triangulaire ).

III-2-2 L'organisation lexicale

L'organisation lexicale tournera ici essentiellement autour des emprunts des néologismes et de l'organisation morphologique et phonétique. Pour analyser cette partie, nous prendrons toujours pour illustrer une langue pour nous servir de base et nous permettre de mettre en évidence l' « intrus ». Cette précision s'impose dans la mesure où il y a deux ou plusieurs langues présentes dans les expressions analysées.

- Les emprunts au français

Ce sont essentiellement des mots qui, là où ils sont placés, remplissent une fonction métonymique. Ils remplacent la chose désignée ou suggérée par la manière qui a servi à sa fabrication. On peut relever ou considérer la traduction du syntagme :

« Fo tox tabac sax ñune gisal tox na bon » Jengouman

( Même quand il prend une cigarette on dit qu'il fume du chanvre indien )

On voit que le mot « cigarette » est repris ici grâce au mot « tabac» ». De même on peut souligner l'absence de déterminant entre le verbe (tox) et le substantif (tabac ). Cela en fait une sorte de locution figée.

Il est également possible de souligner des métaphores dans des endroits où on a utilisé un vocabulaire spécialisé. Par exemple :

« Jaxare » tribord bâbord (B.Kobor )

L'emprunt au vocabulaire des marins sert à marquer l'ampleur de la désolation qui s'empare du paysan confronté qu'il est à la sécheresse et ses conséquences.

Les glissements sémantiques affectent également le niveau syntaxique à partir du moment où des substantifs d'une langue sont utilisés pour jouer le rôle d'un verbe. Il y a par exemple :

« béer sa borr, guerre sa borr » (B.Koor )

On soulignera d'abord l'usage de la paire « Béer / guerre » à des fins stylistiques car elle permet de procéder à des rimes intérieures, mais on notera aussi que le substantif «guerre » joue le rôle d'un verbe et signifie « faire ka guerre » ou « lutter contre ».

Toujours dans le rap procédé de réduction du sens des mots, il y a la séquence : « nekk pègre » (Free style)

où le substantif pègre joue le rôle d'un adjectif qualificatif attribut et désigne ici un état: c'est l'état dans lequel sont ceux qui vivent de la drogue ou de ceux qui sont simplement dans le milieu. Dans une acception beaucoup plus réduite, le mot signifie « bandit » et l'expression « être un bandit " c'est la désignation de celui qui n'a peur de rien.

En outre pour rendre le mot plus proche des mots wolof, des ménagements phonétiques peuvent être opérés.

« Cheikh Anta Diop la wotel" Xalima

Voter devient Wotel et le sens du mot est plus élargi et signifie « être d'accord avec ». Ainsi ce syntagme signifie « j'adhère aux idées de Cheikh Anta Diop ».

-Les emprunts à l'anglais.

C'est le groupe le plus important. Cet état de fait peut se comprendre dans la mesure où le rap est originaire des Etats- Unis. Donc les textes chantés en anglais par plupart des chanteurs américains (précurseurs) ne peuvent pas ne pas influencer tous les autres jeunes qui font du rap. Mais la réalité dépasse ce simple constat car l'anglais s'insère dans le parler argotique et se mélange aussi bien, avec le français qu'avec le wolof.

Les mots les plus récurrents sont des mots techniques relatifs à la musique. Ainsi toute la terminologie musicale, surtout pour ce concerne le rap, est passée en revue. Et les rappeurs tels des prêcheurs disent c qu'ils voudraient que le rap soit.

Dans ce morceau ils disent ce qu'ils voudraient que le rap soit.

« Donc lyriques saints sur un riddim saint prêchant comme un sain » Microphone Soldat.

« Sama lyriques daflay dugu melni xal » (mes lyriques entrent en toi comme du charbon ardent ) Free style

Le mot « lyriques » joue sur l'ambivalence significative et désigne pour la plupart les versets déclamés et quelques fois, mais rarement, la musique en entier.

De même que nous l'avons souligné concernant le Français, les mots empruntés à l'Anglais fonctionnent comme des métaphores et des métonymies.

Dans le registre des métonymies on peut souligner :

« Goor gu la check , gissne xalebi miss la , Mister xalebi miss la » Systa ( tout homme qui te regarde voit que cette fille est une « miss » , mister , cette fille est une miss ) .

Le substantif Miss qui signifie ici « demoiselle » est mis en corrélation avec la manifestation culturelle qui consiste à élire la fille la plus belle du pays chaque année. Ainsi, « miss » signifie « belle fille » . Alors que « mister » désigne un interlocuteur masculin.

La dérivation phonétique est également fréquente dans les textes où on trouve des mots anglais qui ont changé de sens. Par exemple dans le morceau « Systa » le mot

« syster » revient assez fréquemment. Notons cette séquence :

« Sama systa kay ma deyla

Sama systa kay ma yela » Systa

(Ma « systa » viens que je te dise quelque chose tout bas

Ma « systa » viens que je t'enseigne ( réveille ) quelque chose ).

Systa est la déformation phonétique de « syster » qui signifie « soeur » dans le sens familial. Par delà cet élan d'affectivité qui est sous-jacent au sens du mot, le mot en lui-même tel que perçu dans les textes renvoie à toute la gente féminine et systa désigne simplement la « fille ».

Outre cette intrusion de l'Anglais dans le wolof (dont nous presque exclusivement parlé), il faut noter sa présence dans les syntagmes chantés en français. On peut noter :

« Mes lyriques sont versets mystiques » God vs Devil

«Tous les mans qui lovent pour la femme " Systa

« Donc lyriques saints sur un riddim saint prêchant comme un saint " Microphone soldat

Il est évident que la plupart des exemples relevés montrent des substantifs, mais il est possible aussi de relever des mots qui sont des verbes ou qui jouent le rôle d'un verbe :

« Goor gu la check, gissne xalebi miss la »

« Tous les mans qui lovent pour la femme »

La plupart des mots utilisés sont naturellement des interjections ou des mots et expressions qui fonctionnent comme tel. Par exemple :

« Euskey! Akassa!, joxel assaka! » Borom bi.

Les mots Euskey et Akassa sont des interjections utilisées lors des séances de lecture du Coran ou de poèmes dédiés au prophète de l'Islam. Ils montrent combien le fidèle imprégné est touché par ce qui est dit et la conséquence de ce qu'il entend dans son coeur. Ce sont des mots d'encouragement comme qui dirait "bravo ".

-Les emprunts à l'arabe

L'arabe aussi prête des mots qui jouent le rôle de verbe :

« Ziar na leen » Borom bi

Ziar est un verbe dérivé du mot arabe « Ziarra » qui est une sorte de pèlerinage dans les lieux saints de l'Islam ou de visite de courtoisie à une personnalité de l'Islam.Ici, il s'agit de l'expression d'une déférence et d'un respect dans le salut qu'on adresse à son auditeur.

Enfin on peut souligner les substantifs :

« Euskey assaka, joxel assaka » Borom bi.

Akassa est la prononciation sénégalaise de « Zakat » qui est une aumône ordonnée parmi les cinq piliers de l'Islam.

« Sama style moy sa aar , di sa moussiba ak sa bala » Free style

Les mots d'origine arabe dans ce syntagme sont « moussiba » et « bala » qui, à quelques nuances près, signifient la même chose. C'est l'expression du malheur et de la désolation. Ce sont des mots qui figurent dans les versets du Coran tout comme «barsax» » qui renvoie à l'au-delà, dans :

« Waye ba barsax, » Borom bi

Comme on a pu le constater, la majorité des mots relevés et qui sont d'origine arabe sont des mots qui existent aussi dans le Coran. Cela suppose une certaine imprégnation de l'Islam dans l'argot.

Le mode principal d'introduction de la langue arabe est la religion.

-Les emprunts à l'argot.

Nous avons déjà souligné des emprunts à l'anglais, à l'arabe et au français marqués essentiellement par des glissements sémantiques caractéristiques. Mais il y a aussi des mots qui ne sont pas empruntés aux langues citées, mais bien à l'argot que les rappeurs utilisent dans l'élaboration de leur stratégie de communication. Dans ce cas de figure, toutes les langues sont concernées.

Ces mots et expressions sont aussi bien utilisés dans le cadre du code mixte que lorsqu'une seule langue est utilisée.

Nous avons tout d'abord des emprunts à l'argot wolof :

« Fo tox tabac sax / ñune gisal tox na bon » Diengouman (Même quand tu prends une cigarette, on dit regarde il fume du chanvre indien). Bon est le mot utilisé dans le milieu de la pègre pour désigner le cannabis.

Si « bon »est un substantif, il faut souligner que ce ne sont pas seulement des substantifs wolof qui sont utilisés. Nous avons des expressions qui fonctionnent comme des slogans.

« Nay jolli na shilly shaley » Free Style

Dans ce syntagme, le rappeur proclame à l'endroit de ses confrères rappeurs la volonté nécessaire ne pas s'arrêter et de continuer de plus belle.

Les rappeurs empruntent également à l'argot français :

« Dégonflés, non se défoncer » Microphone Soldat

« En lyriques 9mm je les crible » Microphone Soldat

Dégonflés est utilisé par les Français pour désigner le poltron alors que le verbe cribler rend compte du choc des balles qui sont destinées aux mauvais rappeurs.

Les rappeurs prennent aussi des mots de l'anglais. par exemple, il y a :

« Sound boy, don't give up da fight »

Dans ce verset, on peut souligner d'une part le mot boy qui peut être considéré comme un emprunt à l'anglais dans d'autres circonstances d'autant que le mot est passé dans le langage courant des Sénégalais. Boy est un substantif qui permet d'apostropher quelqu'un et d'afficher ou bien une distance par rapport ( rapport d'infériorité ) ou bien une complicité d'une fraternité ( rapport d'égalité ). D'autre part , il y a aussi l'article

" da " qui est une déformation phonétique de "the" très fréquente dans le langage et les chansons américaines .Cela peut-être une référence au black English ( cf. labov) ou au reggae etc.

Il y a également ces mots qui ont été empruntés au vocabulaire de l'armée américaine :

« Distingue le vrai du wack » Microphone Soldat

Wack signifie « faux »; c'est une comparaison entre le vrai rap et le faux rap.

«Mes frères, Mey dey, à tous les microphones soldats » Microphone Soldat.

Meydey qui est un cri d'alarme utilisé par les soldats américains pour prévenir d'une attaque ( traduction de Aladji Man, Ndongo D ).Ce cri d'alarme s'adresse au rappeurs qui s'attaquent à eux.

-Les mots d'origine espagnole

Il y a aussi dans le corpus un mot qui renvoie à l'univers espagnol :

« Détiennent une fama magique » M.S

Fama signifie reconnaissance trop rapide. Il s'adresse aux rappeurs qui veulent brûler les étapes, et sans assez travailler avoir une renommée.

Comme on a pu le constater, il y a une grande richesse et une grande variété des sources qui alimentent l'argot utilisé par les rappeurs Sénégalais. Ils empruntent au français, à l'anglais, et l'arabe de même à l'argot des différentes langues. Aussi le rappeur ne s'arrête pas là puisqu'il va user de toutes les possibilités offertes par la langue pour compléter son lexique. C'est ainsi que nous allons tenter de voir comment il parvient à créer des mots.

III-2-3 Les procédés de structuration de l'argot utilisé dans le rap

Divers procédés de re-structuration des mots sont utilisés dans l'argot employé par les rappeurs. Parmi ces derniers, il y a les procédés traditionnels et signalés aussi bien par Pierre Guiraud4(*)6 que par Verdelhan-Bourgade et ceux que l'on pourrait qualifier de neuf puisque ne figurant ni chez le premier ni chez le second auteur cité.Parmi les procédés de structuration des mots, on peut souligner :

L'épellation et la siglaison.

Dans les procédés que nous désignons par l'épellation il s'agit d'épeler les lettres qui forment le mot. Ainsi ce sont des mots qui se rapportent au lexique du rap qui sont soumis à cette technique. Nous pouvons citer quelques exemples :

«D.A.A.R.A. J. P.O.S.S. E". Djengou Man

« Ma feleti ci M.I.C. bi andack sama P.O.double S.E »

« Pour le compte du R.A.P. nourri à l'oseille » Microphone Soldat

« Mécanisme vicié certains veulent être au T.O.P. » Microphone Soldat

Comme l'écriture le montre, l'épellation fait état d'un mot. De ce fait nous avons D.A.AR.A. J. P.O.S.S.E., M.I.C. P.O.S.S.E., R.A.P. et T.O.P. Il y a également les mots qui sont soumis de la siglaison.

La siglaison

La siglaison consiste à résumer une phrase entière par les lettres initiales des mots qui la composent. C'est par exemple le cas dans cette séquence de Politichien (2000) quand FITNA devient :

« Fight to Impose Truth in the Nation of Allah ».

Les abréviations

Pour ce qui concerne les abréviations, nous avons des coupures qui se terminent par des voyelles (appelées apocopes en voyelle) ou par des consonnes (appelées apocopes en consonne.

Les apocopes en consonne sont les plus nombreuses. Cette technique est utilisée depuis très longtemps et est même caractéristique du mouvement qui a ses mots qui obéissent à ces règles:

« Affectés par la crise du biz, les MC's de ma classe » Microphone Soldat

Pour les apocopes en voyelles, on peut souligner les exemples suivants 4(*)7

« Par les chefs collabos habillés qui voyaient » Gorée

« Ou de quelques groupies fanas » Microphone Soldat

Dans ces exemples les mots collabos et fanas signifient collaborateurs (en rapport avec les collaborateurs de l'armée allemande en France la deuxième guerre mondiale) et le second renvoie à la fois aux termes « fanatique » et « fan ».

Parmi les apocopes en consonne on peut citer :

« Drink da mic [ maik] like wondjo » Free Style

« Plus de prods nazes pour assouvir les besoins de Sandaga et de quelques groupies » Microphone Soldat

« Dans le biz on vit les coups bas » Microphone Soldat

« Affectés par la crise du biz, les MC'S de ma classe » MS

Les mots mic, prod, et biz renvoient respectivement à « microphone », « production », et « business » désignant le monde cruel des affaires.

-La troncation

Contrairement à l'abréviation qui consiste principalement à éliminer la partie finale du mot, la troncation dans le cadre de cette présente étude, prend en charge le fait qui consiste à éliminer la partie initiale du mot ainsi on peut relever :

« Mu mana jubal sunu pliqué » Borom bi

« Walla ricain bi, bailleur de fonds bi walla Fmi » Bkoor

En plus de la remarque qui montre qu'il s'agit bien dans le deuxième exemple d'alternance codique, on peut souligner que les mots pliqué et ricain désignent les substantifs explication et Américain

Explication ou pliqué est le mot habituellement utilisé pour rendre compte du message (contenu) de la chanson chantée par le rappeur ou simplement de la discussion avec un interlocuteur pour montrer qu'on essaie d'expliciter le contenu de son message.

- La suffixation

Dans le procédé de création lexicale, il arrive que l'on crée des mots ayant pour racine un mot wolof et un suffixe puisé dans une autre langue généralement, étrangère et occidentale. C'est le cas par exemple dans "Jengouman "

« Jengouman, ma lim linga dont » Jengouman

Nous avons la configuration morphologique suivante :

Jengou (racine wolof) et Man suffixe.

Le suffixe man signifie celui qui exerce une activité (en langue anglaise du Sénégal) mais étymologiquement; il désigne l'homme. « Jengou » signifie la débrouille. Ainsi celui qui se débrouille est appelé « jengou man »

Pour faire preuve d'érudition, on emploie des mots aux allures savantes qui obéissent aux mêmes règles de fabrication on peut souligner :

« Cette maladie rapologique » Microphone Soldat

« Dolécratie » P.B.S.

Le mot rap d'origine anglo-américaine est passé maintenant dans toutes les langues. Le suffixe « logique » a pour étymologie « logos» qui est un mot d'origine grecque employé en français dans les mots savants pour désigner une science qui s'occupe d'un domaine précis et précisé par la racine du mot qui l'accompagne. Ainsi, on peut considérer que le mot rapologique renvoie à la science qui s'occupe du rap et de tout ce qui se trouve autour du rap. La configuration du mot serait :

Rap: racine; logique suffixe.

Dans ce même processus de création lexicale, surtout pour ce qui concerne la néologie lexicale, on peut citer PBS qui dit dolécratie. « Dolé » signifie la force et « cratie », c'est la gestion de la cité, d'où le substantif crée et qui veut dire que le Sénégal est gouverné par la force.

Les anglicismes

Il s'agit par ce procédé de donner à un mot (généralement tronqué) une prononciation anglaise en lui attribuant une particularité anglaise. De ce fait, il suffit d'ajouter un « s » pour marquer le pluriel (français) là où l'anglais l'utilise pour marquer l'appartenance. Cette particularité est visible dans les exemples suivants :

« Ou miroir qui brille contre diam's, or, ivoire » Gorée

« Contre cette flopée de M.C.'S » Microphone Soldat

diams renvoie à diamant alors que M.C'S est le pluriel de M.C. (Master of Ceremony).

- La verlanisation

Aussi appelée « Kall » en wolof, c'est un procédé qui consiste à prononcer les mots en les inversant d'où son appellation « verlan » qui est l'inversion de l'expression « à l'envers ». C'est un procédé souvent utilisé par les rappeurs. Dans notre corpus, on peut le souligner dans les séquences:

«Pas comme un fonce-dé » M.S.

« Comme un nikovkalash » Microphone Soldat.

Comme on peut le constater ici, les mots fonce-dé et nikovkalach, signifient respectivement défoncé et kalachnikov . ce sont des mots issus qui de l'argot français, qui du vocabulaire des armées. Le premier mot désigne ce que le rappeur ne doit pas être: c'est-à-dire un fou alors que le second met en évidence la violence du choc des coups promis aux mauvais rappeurs.

-Les onomatopées

Les rappeurs, grâce à ce procédé, peuvent rendre compte de certains phénomènes en tenant en considération le bruit qu'ils provoquent généralement employés pour qu'ils fonctionnent comme des verbes. Elles servent aussi à marquer la violence d'un choc :

« Les valeurs humaines bing comme un nikovkalash » M.S.

« Sama naax bal dilendo touie taî » Xalima

Dans le premier exemple, on voit que l'onomatopée « bing » reprend le bruit supposé sorti du kalachnikov alors que dans le second elle reprend le cri que pousse celui qui est atteint par le coup de poing ( au plexus ).

-Le décompte

Ici ce ne sont pas les trois premiers chiffres qui ne sont pas présents et servent à donner le signal du départ de la chanson :

« One, two, three

Ma fëggëti ci MIC andak sama Posse » Borombi (je frappe sur le micro en compagnie de mon posse )

Ce procédé n'est pas une spécialité du groupe Daara J puisqu'on le retrouve dans d'autres textes d'autres rappeurs. Nous pouvons souligner :

« 1,2,3, voilà que je pose sur le beat, mon nom c'est Awadi du P.B.S. »4(*)7.

« Ben ci yow, niar ci man ; Daddy Bibson & Khuman ,bul lajté ku mën »4(*)8. ( Un pour toi, deux pour moi, Daddy Bibson, Khuman, ne te demande pas qui est le meilleur )

« Benio, niar, beno, niar

Rapadio mo fi diar » Rapadio 4(*)9

( Un, deux, un deux c'est le rapadio qui est passé par-là).

En définitive, on peut constater que les rappeurs, dans leur création de ce langage qui leur est spécifique, ont passé en revue l'essentiel des mécanismes classiques de création de l'argot et en ont inventé qui ne figurent pas dans les ouvrages que nous avons pris comme référence. C'est ainsi que nous allons tenter maintenant de décrypter leurs valeurs et leurs fonctions.

III-3 SIGNIFICATION DE L'ARGOT EMPLOYE PAR LES RAPPEURS

Comme l'ont déjà souligné tous les chercheurs qui ont travaillé sur ce phénomène, les valeurs premières de l'argot sont ludiques et cryptiques (cf. Guiraud et François-Geiger4(*)8).

La fonction ludique concerne essentiellement le fait que l'argot est d'abord un jeu. En effet cette stratégie de communication repose sur le plaisir. Quant à la fonction cryptique elle consiste à limiter la compréhension des messages délivrés au seul groupe des initiés. Cependant dans le cadre qui nous concerne, l'argot comme moyen de communication, dépasse les premières significations pour prendre des valeurs très importantes et relatives d'une part au mouvement hip-hop et à ses réalités et d'autres part à ses exigences. Il y a enfin la fonction relative à l'originalité du groupe qui a prêté ses textes pour servir de corpus et de ses membres.

III-3-1Les dimensions cryptiques et ludiques

Nous l'avons déjà précisé plus haut, les premières fonctions de l'argot sont d'être cryptiques et ludiques. Déjà Pierre Guiraud faisait remonter son origine au dix-septième siècle et le faisait correspondre au langage des mendiants et des gueux. Plus tard, avec l'évolution, il est devenu le langage de la drogue et de la délinquance où il est impératif de ne pas se comprendre du reste de la population5(*)1. Pour des raisons évidentes de sécurité.

Dans le cadre du langage employé à la fois par les jeunes dans leur vie quotidienne et les rappeurs dans la création artistique, le rapport au langage change. Il s'agit bien de se dissimuler par rapport aux autres, mais aussi de vulgariser sa production d'où son caractère paradoxal. On relève à cette stratégie de communication tout cet aspect qui en fait un langage secret ou «code à clé » pour reprendre le mot de Manuel Boucher5(*)2.

Mais l'argot demeure lié à la quête du plaisir à cause de joutes oratoires au cours desquelles les initiés doivent montrer ce qu'ils peuvent faire. Ensuite l'usage de l'argot peut permettre de reconnaître les autres qui font partie du milieu.

II-3-2 L'affirmation d'une identité

Le rappeur sait au moins une chose : il est différent des autres comme les autres sont différents de lui. Cette différence se manifeste à travers plusieurs aspects: vestimentaire, comportemental, langagier, gestuel. De ce fait, son langage qu'il veut spécial a pour mission de dire cette différence et d'affirmer cette identité qui lui est propre. En utilisant l'argot avec tout ce que cela renferme de cryptique, il dit à la face du monde qu'il existe et qu'il est un messager5(*)2. Son message il le délivre en le maquillant, obligeant les gens à le décoder. Cela permet de faire le tri des personnes que cela intéresse et cela lui permet de reconnaître les membres de cette communauté qui cherche à s'auto-exclure.

Il demeure évident que l'argot pour être vraiment «bon argot» ne doit pas être diffusé à grande échelle mais doit révéler le désir d'un groupe de rester homogène en excluant tous les autres s'il veut sauvegarder son identité. Mais dans le cadre du rap, le message est social, politique, et s'occupe des moeurs. Il doit ainsi être vulgarisé pour que le rappeur puisse jouer véritablement son rôle de messager. De la sorte, tous les procédés utilisés pour créer l'argot ont pour mission de montrer n'est pas un être passif qui vit d'inspiration et qui digère les concepts venus d'ailleurs sans réagir. Il doit aussi dire comment il trouve le monde et comment il voudrait qu'il soit.

Ce désir devient possible grâce à cette sorte de subversion du langage qui reflète la révolte dans laquelle les jeunes sont plongés et leur désir de voir leur monde se transfigurer ( dans le sens positif, bien entendu).

Ainsi l'argot permet au rappeur de s'identifier à son groupe, d'identifier les autres membres de son groupe. Il permet aussi de s'identifier par rapport aux jeunes de sa génération, de prendre ses préoccupations et ses problèmes.

Ainsi Doug E.T.du P.B.S. déclarait dans une interview parue dans le quotidien Le Soleil:

« il arrive souvent que les enfants comprennent plus vite des choses que les adultes ne comprennent pas. Nous employons le plus souvent le langage de la rue, le langage des enfants de la rue " ku wax feñ " par exemple. Un adulte qui entend le mot anglais " kill " dans notre jargon, pense tout de suite à l'acte de tuer. Or chez nous ça s'entend autrement » 5(*)4.

Ce langage plutôt réservé à un groupe tout étant vulgarisé à travers les médias est la manifestation de l'identité d'un groupe qui a choisi de crier sa révolte et sa colère.

II-3-3- La subversion du langage comme moyen de résistance

positive d'un groupe

Le contexte d'apparition et de développement du rap dans les trois pays que sont les Etats-Unis, la France et le Sénégal est assez révélateur. Il laisse apparaître que les jeunes devaient à une époque précise éprouver le besoin de dire leur refus face à certaines pratiques et certaines réalités de leur pays. Le texte de rap donne ainsi l'occasion de dire le « ras le bol » général et permet de refuser et de résister.

Rappelons qu'aux Etats -Unis, l'apparition du rap a coïncidé avec la virulence des mouvements racistes qui considéraient les Noirs, les Hispaniques et les Juifs comme des hommes plus bas que les animaux ou comme des objets5(*)5. En France, c'est le schéma qui est repris car les étrangers sont considérés dans ce pays comme des moins que rien, de même que les enfants des émigrés5(*)6. Enfin on se souviendra qu'au Sénégal, le mouvement hip-hop a débuté au lendemain des élections législatives et présidentielles de 1988 et l'année blanche qui a suivi dans la même année et a jeté des milliers de jeunes atteints par l'échec scolaire dans la rue5(*)7.

Ces trois pays ont pour dénominateur commun de voir l'émergence du mouvement et son évolution être en étroite corrélation avec des événements peu ordinaires. Ces événements montrent que les précurseurs du mouvement dans ces pays sont sujets à une marginalisation de la partie d'un système qui n'a pas pris en considération leurs préoccupations, ni pris en charge leur destin. Alors ce qu'ils ont perdu par leur faute, ils le récupèrent grâce à cette torture ou cette subversion qu'ils imposent au langage.

La subversion du langage consiste à tirer à boulets rouges sur le système et en veillant à ce que les personnes ou les groupes ciblés ne comprennent pas de prime abord ce qui est dit de plus, on impose à ceux qui veulent comprendre de faire des efforts pour pouvoir décrypter le message qui est délivré. Par l'intermédiaire de ces efforts qu'on lui fait faire, on peut de manière symbolique se venger de lui.

Déjà, dans Rapologie, Philipe Pierre Adolphe et José Louis-Bocquet voyaient le rap comme un « cri venu des milieux urbains voués au silence ». Ils ajoutaient en déclarant que:

« le rap (était ) l'expression directe des incertitudes de fin de siècle. Cette tchatche hargneuse et poétique, paradis des mots hybrides assénés comme des uppercuts, des flots qui s'enchaînent comme des avalanches de coups de poings, est devenu le symbole de anti-langue-de-bois, comme ennemi naturel du politiquement incorrect et de la nove langue de la société du spectacle » 5(*)7

Alors il devient plus aisé de lire les onomatopées qui reprennent avec violence les coups de poings et d'armes à feu relevés dans le corpus.

La résistance n'est pas violente dans les actions, elle l'est dans les paroles. Il s'agit en réalité de transformer les énergies négatives accumulées par chaque individu en énergie positive ainsi que le prônait l'un des précurseurs du mouvement Grand Master Flash. Il s'agit également de prendre une revanche sur les systèmes politiques et économiques de leur pays qui ne les a pas pris en compte comme le montre R.Brown dans cette reprise par Lapassade et Rousselot:

« Quand Brown parle de babouin et d'éléphant, il fait appel à une ancienne pratique ; celle du " signifying " dont l'origine est le "signifying monkey " ( le singe vanneur ), le babouin ou encore le macaque, deux surnoms péjoratifs du noir, mais que celui-ci a récupéré à son profit: il est malin comme un singe et se venge de l'homme blanc par la parole, le blanc évoque la lourdeur de l'éléphant » 5(*)7.

Ainsi l'usage de l'argot dans le rapport peut passer comme l'expression d'une révolte, la résistance d'un groupe qui refuse d'abdiquer face à un système politique qui ne l'a pas suffisamment pris en compte.

II-3-4 Un discours teinté de religiosité

Dans l'observation de notre corpus, il est ressorti toute une panoplie d'expression d'origine arabe. Ces mots et expressions reflètent une culture et une religion: la culture islamique et la religion musulmane.

Les expressions comme « Euskey »et « Akassa » sont souvent utilisées lors des séances de lecture du Coran ou de lecture de poèmes dédiés au prophète de l'Islam. Cela montre qu'il est possible de relever dans l'expression des rappeurs une certaine lecture religieuse de la société.

Il faudrait tout d'abord souligner que le mouvement hip- hop a très tôt été imprégné de religiosité. A son origine, aux Etats Unis, il y a eu un discours profondément influencé par l'Islam. Georges Lapassade et Philipe Rousselot avaient déjà montré la présence de Dieu dans les textes de rap. D'ailleurs ils soulignent que le rap, qui marque un si net retour aux symboles de la militance des années 60 reprend totalement à son compte l'islam noir américain ,celui d'Elija Mohamed, de Malcom X, de Muhammad Ali de Leroi Jones et celui de Farakhan, Ice T, Public Ennemi, Divine Styler, autant de prosélytes de cet Islam si particulier:

« Allah-u-akbar, May peace and blessing be up on Elija Muhammad and Imam W.D. Muhammad, i give thanks for Abdullah servent of Allah " lit-on sur une couverture de Divine Styler ; et sur celle de professeur Griff : «Assalam Alaikum, peace be into your aila praise are to whom none is grater » 5(*)8

Cette dimension religieuse s'explique du fait que le rappeur Américain se considère comme un prophète, un messager de dieu qui doit dire la société et amener une révélation.

Pour le rap sénégalais il est à noter que la société est pro ancrée dans la religion musulmane pratiquée par plus de 90% de la population avec un certain nombre de confréries existant dans le territoire. Beaucoup de jeunes se réclament de l'une de ces confréries. Les enfants apprennent le Coran, dès le bas âge et l'Islam fait partie du quotidien des sénégalais.

Le rappeur est un messager, un prophète qui doit révéler ce qui est bon et ce qui est mauvais. Cela se fait à la lumière de l'Islam, de la morale islamique et de ses préceptes.

Pour eux cette religion est le recours pour sortir de la dépravation des moeurs et surtout de la politique politicienne qu'il convient de dénoncer. L'Islam est ainsi un moyen de sortir de la délinquance qui guette les jeunes et de ne pas plonger dans la drogue et la violence

CONCLUSION GENERALE

Parler de rap au Sénégal revient à parler des jeunes, de ce qui les intéresse, de ce à quoi ils s'identifient. C'est sortir le miroir dans lequel ils projettent leur image pour pouvoir la lire. En sociolinguistique, cette image obtenue par réflexion à permis de voir la manière dont les jeunes communiquent entre eux et avec les autres membres de la communauté. Cela a permis de découvrir un certain nombre de positionnements culturels et idéologiques qui sont en réalité de véritables revendications que les jeunes posent comme leur plate-forme à ceux qui tiennent entre leurs mains leur destinée.

Seulement, on ne peut pas évoquer le mouvement hip hop en passant sous silence son origine et son évolution jusqu'à son arrivée en Afrique et au Sénégal. Il faut cependant rappeler que le mouvement englobe une musique le (rap), un art la (peinture ou graffiti), une mode vestimentaire etc. mais nous nous sommes intéressé dans un premier temps uniquement à la musique et plus particulièrement aux textes chantés par Daara J et les autres rappeurs.

Un bref regard a permis de voir que le rap bien que né en Jamaïque, a connu une explosion extraordinaire dans les années 1970 lorsque les jeunes des ghettos de New York ont voulu crier leur ras le bol face aux traitements auxquels étaient soumis les gens de couleur aux Etats Unis. Ce même vent de contestation va souffler en France lorsque les enfants des immigrés africains noirs et arabes se rendent compte qu'ils étaient sujets à ce même traitement qui a pour nom chômage, ségrégation, échec scolaire et social etc.

Même si les conditions ne sont pas les mêmes que dans ces pays cités, le Sénégal ne sera pas épargné par le mouvement puisque la jeunesse voudra se lever et revendiquer sa place dans la société. Ainsi le mouvement hip hop sénégalais est né et s'est développé à partir de 1988 lorsque après les élections législatives et présidentielles perturbées, l'année blanche va jeter dans la rue des milliers de jeunes. D'ailleurs nombreux sont les rappeurs qui s'identifient à cette jeunesse sujette à l'échec scolaire massif. Didier Awadi du Positive Black Soul aime à rappeler qu'ils font partie ( les rappeurs PBS ) de « cette classe 1988, 77jeunesse malsaine, génération sacrifiée ». Ensuite, le mouvement prendra son essor et connaîtra cet essor qu'il a maintenant.

Il est vrai que les tendances sont différentes et variées, mais cette richesse ne fait que participer au développement de la culture hip hop. Ce qui fait que ses acteurs sont devenus des personnages importants dans la vie culturelle du pays, dans la vie sociale puisque les jeunes s'y reconnaissent et dans la vie économique puisque le rap est un marché que les producteurs ont commencé à investir avec force. En outre on peut constater que les rappeurs sont souvent sollicités pour les campagnes de sensibilisation destinés aux jeunes.

Dans cette étude que nous avons menée, nous nous sommes intéressé à l'argot employé par les rappeurs dans leur création artistique. Nous avons pu souligner la diversité des procédés employés pour la constitution du lexique qui le compose. Ceux-ci passent essentiellement par les glissements sémantiques. Nous avons pu relever entre autres l'emploi de la métaphore et de la métonymie. Il y a également les emprunts aux différentes langues qui composent le paysage linguistique sénégalais. Ce sont l'anglais, le français et l'arabe, l'argot anglais ou français. Mais le rappeur ne se limite pas seulement à cela puisqu'il va créer des procédés de structuration de son langage en procédant à l'épellation, au verlan, aux abréviations etc.

La richesse des procédés qui permettent la création lexicale pour la constitution de l'argot est révélatrice des intentions, des positionnements et des réclamations véhiculés par les textes du rap. Il demeure évident que l'allusion à l'anglais renvoie presque nécessairement à l'Amérique où est originaire le mouvement et à son influence sur les jeunes. De même, le français renvoie automatiquement au pays du colonisateur, mais l'argot dans le rap a bien d'autres significations.

Il est vrai que les premières fonctions que l'on peut assigner seront les dimensions ludique et cryptique, mais dans ce contexte la dimension cryptique doit être relativisée. Il n'est point dans l' intention du rappeur de limiter son auditoire, mais l'argot permet de procéder d'une part à l'identification des membres de la communauté. D'autre part, c'est le moyen pour ce groupe presque rejeté, puisque n'étant pas pris en considération de prendre sa revanche sur la société qui ne veut pas lui donner la place qui est sienne. Ainsi il peut prendre sa revanche sur le système qui n'a pas pris en compte ses préoccupations les plus légitimes. Il s'impose aussi, vu la teneur subversive de son message.

L'usage de l'argot permet de s'identifier au groupe, de montrer son appartenance au mouvement mais aussi d'identifier les membres du groupe. Ce qui montre que la solidarité de «corps» et le besoin de préserver son identité et son intégrité sont importants. En plus il faut se venger sur les autres en se mettant à l'abri et ne pas faire censurer ses textes. Cela est compréhensible si on connaît la teneur des messages contenus dans les textes de rap. Aussi, faut-il souligner l'importance que les rappeurs attachent à la résistance par le biais de la subversion du langage. Ainsi on montre que l'on refuse d'abdiquer même si on n'est pas pris en considération par les systèmes politiques et économiques en vigueur.

Enfin la religion devient un refuge. Comme les précurseurs du mouvement aux Etats Unis, on se réfugie dans l'Islam où le rappeur pense qu'il y a une possibilité d'Ascension et de Rédemption qui pourrait lui permettre de sortir de la misère sociale et morale qui a plongé ce pays dans cette situation qu'il décrit dans son texte.

Dans cette esquisse qui se veut une contribution à une étude sociolinguistique du phénomène hip hop, nous avons tenté d'apporter une pierre à l'édification de ce riche terrain d'étude. Nous ne prétendons pas avoir été exhaustif puisque plusieurs domaines peuvent être explorés. Et nous espérons avoir apporté un éclairage sur les pistes que nous visiterons lors de nos prochaines études sur ce phénomène

BIBLIOGRAPHIE

I- OUVRAGES SCIENTIFIQUES

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5. Blonde, Jacques, Dumont, Pierre & Goutier Dominique(1979) : Lexique du français du Sénégal, Dakar, NEA ,Paris, Edicef..

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20. Touré, Abou El Caba ( sous la direction de ) (1997): Commission Nationale de Français: Nouveau Programme de Français, Dakar, Ministère de l'Education Nationale.

II- ARTICLES SCIENTIFIQUES

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2. Cadiot, Pierre (1991): « Les mélanges de langues » in France, pays multilingue tome II : Pratique des langues en France, Paris L'Harmattan.

3. Melliani, Fabienne (juin 1998): « Le métissage langagier comme lieu d'affirmation identitaire : le cas des jeunes issus de l'émigration maghrébine en banlieue rouennaise » in Les parlers urbains, UPRESA, 60 65, Université de Rouen.

4. Neury, Philippe (1994): « L'argot en milieu carcéral » in Actes de la première journée d'étude de la formation doctorale, Université René Descartes. Paris V, Paris.

5. Signaté, Diamé (1994), « la norme et l'usage » in Anales de la Faculté de Lettres et Sciences Humaines n° 24, Dakar UCAD.

III - ARTICLES DE JOURNAUX5(*)9

1. Sambou, Cissé : « Rap public en république » in Le Soleil du 29,30 avril et 1er mai 2000, p.14.

2. Dia, Alpha: «Sénérap : Les producteurs locaux» : http : www, africa-server

n / rumba-kali /fr. sene htlm.

3. Dia, Demba Sileye: «Hip-Hop pour les droits de l'homme» in Walfadjiri Quotidien n° 2088 du 27 28 février 1999 p. 7.

4. Dièye, Alioune Badara: «Les politiciens parlent de rap» in Sud Détente (Sud Quotidien ) n° 98 du 20 novembre 1999, pp 5-7.

5. Dièye, Alioune Badara: «le hip-hop sénégalais : Origine et perspectives» in Sud Détente (Sud Quotidien ) n°63 du 12 février 1999, pp. 7-10.

6. Diouf, Sékou: «Jant-bi : Rapadio a trahi le rap» in 7 week-end n°11 du 28 janvier 2000 p.7.

7. Fall, Joe Ousmane: « Mutation ou confirmation : non Daara J, c'est pas seulement du rap » in 7 week - end n°10 du 10 décembre 1999 p.5.

8. Fall, Joe Ousmane: « Rapadio et Dkill Rap : un seul objectif: repeindre la société » in 7 week - end n° 7 du 17 décembre 1999 p.8.

9. Fall, Lamine: « Rapadio : les soldes d'une sortie fracassante » in 7 week -end n°11 du 28 janvier 2000 p.7.

10. Lô, Mamadou Oumy: « ces nouveaux bastions conquis par le rap » in 7 week -end n°8 du 7 janvier 2000 p.12.

11. Magazine Groove n°13 février 1998.

12. Thiam, Souleymane: « Mister Kane : le jeune qui défie Talla Diagne et Sandaga » in Nouvel Horizon n°240 du 22 septembre 2000 p.19

* 1 Gumperz John J (1989) : Sociolinguistique interactionnelle :une approche interprétative, Paris, L'Harmattan.

* 2 Ndao Papa Alioune (1996) : Contacts de langues au Sénégal : étude du code switching wolof-français en milieu urbain ; approche linguistique, sociolinguistique et pragmatique, Dakar, UCAD, Thèse de Doctorat d'Etat.

* 3 Dumont Pierre (1983) : Le français et les langues africaines, Paris, Khartalla

* 4. Appel René & Muysken Peter (1990) :Languages contact and bilinguism, Amsterdam, Institute of General Language, University of Amsterdam, p.23.

* 5 Idem : p.24.

* 6 Boucher Manuel (1998) :Rap : Expression des lascars ; significations et enjeux du rap dans la société française, Paris, L'Harmattan, p.10.

* 7 Bocquet José-Louis & Pierre-Adolphe Philippe (1997): Les petits libres n°14, Rapologie, Paris, Editions des mille et une nuits, p. 71-72.

* 8 Billiez Jacqueline  (1998): « Poésie musicale urbaine : langues et identités entrelacées » in Ecritures et textes d'aujourd'hui ; cahiers du français contemporain n° 4 Paris ENS Editions, p.136.

* 9 Boucher Manuel : op.cit p.10-11.

* 10 Bocquet José-Louis & Pierre-Adolphe Philippe (1997):op.cit.p.72.

* 11 Boucher Manuel :op.cit. p.13-14.

* 12 Commission Nationale de Français (CNF) (1997): (sous la direction de Abou El Caba Touré) :Nouveau programme de français, Dakar, Ministère de l'éducation Nationale.

* 13 Dia Alpha : Sénérap ; les producteurs locaux ;177p (http/www.africa/server n/rumba-kali/fr sene/htm.

* 14 Billiez Jacqueline  (1998): op.cit. p. 61.

* 15 Gumperz John J (1989) :op.cit. p. 61.

* 16 Cadiot Pierre (1998) : « les mélanges de langues » in France pays multilingue ; Tome 2 ; Pratiques des langues en France Paris, p.53.

* 17 Dabène Louise & Billiez Jacqueline (1998) : « Le parler des jeunes issus de l'immigration »

* in France pays multilingue ; Tome 2 ; Pratiques des langues en France ,op.cit.

18 François-Geiger Denise & Goudailler Jean Pierre (1991) : Langue Française n°90 ; Parlures Argotiques ; Paris, Larousse éditions.

* 19 idem p 11

* 20 Gumperz John J (1989) :op.cit. p. 71.

* 21 Guiraud Pierre (1980) :L'Argot, Paris, PUF,Collection « Que sais je »,p.6.

* 22 Verdelham-Bourgade Michelle (1989) : « procédés sémantiques et lexicaux du français branché »in Langue Française, op.cit.

* 23 Dieye Alioune Badara : « le hip-hop sénégalais : origines et perspectives » in Sud détente(Sud quotidien),n°63 du 12 février 1999, pp.7-8-9-10.

* 24 Idem.

* 25 Benga Ndiouga Adrien (1998) : L'air de la ville rend libre ;musique urbaine et modernité métisse ; des groupes de musique des années 1950 aux possees des années1990  (Dakar - Saint-Louis) ; Dakar, FLSH, np ; p.11.

* 26 Idem.

* 27 Benga Ndiouga Adrien (1998) :op.cit.p.11.

* 28 Benga Ndiouga Adrien (1998) :op.cit.p.10-11.

* 29 Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : Thématique et stylistique du rap ; Classe de troisième ; Dakar, Ecole Normale supérieure, Mémoire de spécialité.

* 30 Dieye Alioune Badara :op.cit.p.9.

* 31 Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : op.cit. p 4.

* 32 Dieye Alioune Badara :op.cit. p 10.

* 33 Diakhaté Maïmouna & Samb Amadou Makhtar (1999) : op.cit. p.5.

* 34 Benga Ndiouga Adrien (1998) :op.cit

* 38 Sourdot Marc (1991) :" Argot ,jargon ,jargot " in Parlures Argotiques : Langage n°90 (sous la direction de Denise François-Geiger et de Jean Pierre Goudailler ) Opcit p. 13

39 Idem p .14

* 40 Idem p.16

* 41 Guiraud Pierre(1980), L'Argot, opcit p.16

* 42 Idem, Ibidem.

* 43 Sourdot Marc opcit p.17, 18

* 44 François Geiger Denise (1991) " Panorama des argots contemporains" in Parlures Argotiques n°90,opcit p.11

* 45 Guiraud, Pierre (1980) opcit.

* 46 Guiraud P.(1980) opcit

* 47 5Kiem 1/2Ground Hip Hop pharmacopée in Dkill Rap.Fitna production 1999

Rapadio Ku weet xam sabop Fitna production 1998.

* 47 P.B.S(1998 ). New York Paris Dakar : «Why ».

* 48 Bibson et Khuman,(2000) les frères ennemis, KSF.

* 49 Rapadio : (1998 )Beno , niar ,Ku weet xam sa bop , Fitna Production .

* 50 François Geiger; Denise; (1990) opcit.

* 51 Guiraud (Pierre ) opcit p.5

* 52 Boucher (Manuel) Opcit .p.73

* 52 Lapalissade ( Georges ) & Rousselot (Pierre ) opcit p.36

* 54 Cissé (Sambou ). " P.B.S. : " rap public en république " in Le Soleil du samedi 29,dimanche 30 avril et lundi 1er mai 2000, Dakar p.14 .

* 55 Lapalissade (Georges ) & Rousselet opcit

* 56 Boucher ( Manuel ) opcit

* 57 Benga (Ndiouge Adrien) opcit

* 57 Lapassade (Georges ) & Rousselet (Philipe) opcit p.56

* 58 Lapassade & Rousselet opcit

* 59 Nous donnons à titre indicatif quelques articles de journaux ; la liste est encore plus longue.






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams