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La diversité et sa gestion dans un comité local d'ATTAC.

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par Jean Engel
Université Paris 1 - Sorbonne - Dea Sociologie Politique 2004
  

Disponible en mode multipage

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Plan

Introduction générale

Première Partie : Une grande diversité de militants

Introduction

I. La diversité des militants

A. Les nouveaux militants

- Leur cheminement jusqu'à ATTAC

- Leur perception du monde politique

- Un mouvement non partisan et citoyen

B. Le réengagement dans ATTAC

- Les types de parcours

- Perception du monde politique

- Un mouvement souple et ouvert au débat

C. Le sur-engagement dans ATTAC

- Une insuffisance de l'engagement traditionnel

- Une forte transitivité des militants

- Formation militante et nouvelles stratégies

II. La diversité des sensibilités politiques

A. Un grand panel de cultures politiques

- Références et lexiques politiques

- Le rapport au capitalisme

B. La sensibilité politique

- Rapports au champ politique

- Les thèmes de prédilection

- L'attrait de la diversité

III. La diversité des raisons d'agir et des pratiques recherchées

A. Les déterminants de l'engagement

- Utilité et légitimité

- Un engagement altruiste

- Un engagement pour soi

B. Le type d'engagement recherché

- Un engagement formateur

- Une volonté d'action

- Régularité de l'engagement

C. Les types d'action privilégiés

- Les actions souhaitées

- La recherche d'autonomie par rapport au mouvement

Synthèse

Deuxième Partie : La gestion de la diversité

Introduction

I. Les facteurs d'unité

A. Un mouvement de classes moyennes

- Caractéristique sociales des membres

- Un mouvement intellectuel

B. Les thèmes de l'association

- La variété des thèmes

- L'approche particulière de l'association

C. Stratégies unificatrices locales et nationales

- L'alignement des cadres de références

- Un accord sur la critique

- Une attention quotidienne

II. Le rôle de la démocratie interne

A. Les évolutions statutaires : vers plus de démocratie

- L'évolution des statuts

- Vers plus de démocratie

- La démocratie en question

B. La régulation des crises

- Juguler les appétits de pouvoir individuels

- Une grande capacité d'adaptation

D. Le fonctionnement de l'association

- Souplesse du fonctionnement

- Le rôle de l'AG

III. Un engagement à géométrie variable

A. Initiative et autonomie des militants

- Initiative des militants

- Autonomie des groupes

- Le cloisonnement des activités

B. Variété et évolution des activités

- Des activités dans des cadres variés

- Variété des niveaux d'action : local-national-international

- Action vers l'intérieur ou vers l'extérieur

C. Un militantisme individualisé

- Un militantisme sur mesure

- Un engagement distancié

- Pour une satisfaction partagée

Synthèse

Conclusion générale

...

ANNEXES

Bibliographie

Statuts

Règlement intérieur

Charte régissant les rapports entre ATTAC et les comités locaux

Introduction générale

Depuis quelques années, le champ politique a été le théâtre de modifications rapides et d'initiatives qui semblent devoir peser sur les rapports des forces sociaux. De nouveaux mouvements semblent remettre en question les tenants de la domination politique, et remettre en question son caractère arbitraire. Le renforcement des inégalités économiques et sociales et l'adoption par les gouvernements de choix de société contestés, ont engendré un renouveau certain de la conflictualité sociale. Dans un contexte où le conflit social s'amenuisait, fragilisé sans doute, par l'effondrement des cadres matériels et symboliques de l'action collective contestataire, ce renouveau ne peut laisser indifférent. La multiplication depuis certaines années, encore marquée par le cloisonnement et la parcellisation des sciences humaines et sociales, des études et analyses sur les « nouveaux mouvements contestataires »1(*) et, entre autres, sur les mouvements altermondialistes2(*), illustre l'importance croissante de ces phénomènes.

De fait, depuis quelques années se développe, avec une dynamique forte, un vaste mouvement social. Qu'on l'appelle, « troisième gauche, anti- ou alter-mondialiste », il se nourrit de la création et de l'action de nombreux mouvements politiques récents mais également de l'action de mouvements plus anciens comme les syndicats. Contrairement aux mouvements nés dans les années 1960-1970 et dénotant déjà d'une métamorphose de l'espace public français, ces mouvements, encore très jeunes, n'ont pas encore été profondément étudiés. Ils continuent d'ailleurs de se dessiner au quotidien et prennent une place croissante dans l'espace public français. D'où l'intérêt de se pencher, dans le cadre de ce mémoire, à la lumière des acquis de la sociologie politique et plus particulièrement de la sociologie des mouvements sociaux, sur ce qui fonde la nouveauté de ces mouvements et ce qu'ils apportent au paysage politique et militant français. Ceci nous permettra de mieux comprendre les derniers-nés des mouvements sociaux, que nous comprendrons ici dans une acceptation large, comme « des actions collectives visant à contester l'emprise d'un groupe dominant sur la vie sociale, voire l'emprise d'une logique sociétale sur le vécu individuel ».

Ces mouvements se situent à la confluence de deux évolutions majeures. La première est la crise des cadres de mobilisation traditionnels. En effet, le déclin progressif du mouvement ouvrier, qui s'explique à la fois par de profondes mutations sociales3(*) et par l'effondrement du modèle soviétique, laisse vide la place qu'il occupait comme mouvement de contestation sociétale central et comme porteur d'alternatives crédibles. Le déclin de l'engagement dans les structures syndicales et politiques traditionnelles, le vide idéologique, le découragement des militants, font penser pendant un temps à la fin de l'action politique protestataire. Cependant, les évolutions politico-économiques, au premier rang desquelles on peut citer la globalisation financière et l'intégration à une Europe libérale, la remise en question de l'Etat Providence et des mécanismes de protection sociale, la précarisation des travailleurs et l'augmentation du chômage dans les pays développés, c'est-à-dire les conséquences de ce qu'on appèle aujourd'hui les politiques « néo-libérales », vont ré-alimenter le conflit social. Dans le début des années 90 déjà, les discours et les modalités d'action tendent à se modifier et le développement des mouvements des « sans » augure une reprise de l'activité contestataire. Cependant, il faudra attendre le mouvement social de l'hiver 95 pour que se re-déclenche une dynamique forte de conflictualité sociale. De plus en plus de travaux soulignent en effet l'importance du conflit de Novembre-Décembre 95 dans le renouveau d'une dynamique de protestation politique : « D'une part, la mobilisation a révélé l'état des lieux de la France. Ce qui a été réalisé équivaut à un diagnostic des effets polarisants de la modernisation à l'échelle du pays. D'une autre part, elle a contesté dans leur rationalité intrinsèque les mesures de liquidation des acquis sociaux et des droits du travail. [...] Ce processus est uniquement ébauché et s'apparente davantage à un travail de déblayage. Il n'empêche que sa portée instituante ouvre des perspectives de renouveau politique que l'on ne saurait sous-estimer. »4(*)

En démontrant la possibilité et l'efficacité de l'action collective et en cristallisant un certain nombre de thèmes, le mouvement social de 95 a donc réouvert des perspectives de contestation. Le mouvement est également précurseur des mouvements altermondialistes dans le sens où il a suscité des interrogations sur « la nécessité d'autres choix de société, d'une nouvelle consistance de la politique, active, authentiquement participative, populaire, d'une autre conception de l'action individuelle dans les structures collectives. »5(*) Or, c'est précisément sur ces questions que les nouveaux mouvements contestataires affichent leur originalité et parviennent à attirer des militants.

Ces nouveaux mouvements politiques affirment représenter un renouveau en termes d'action collective, de revendications politiques ou encore de participation militante. Qu'en est-il réellement ? En quoi ces mouvements politiques sont-ils novateurs ? Quelle est la nature de ces innovations ? Comment se traduisent-elles en termes d'organisation, de méthodes, d'objectifs ou d'action individuelle dans les structures collectives ? Qu'est-ce qui peut les expliquer ? Voilà quelques-unes des questions qui peuvent animer les chercheurs en sciences sociales.

Le mouvement qui nous a intéressés ici et qui nous semble représentatif des nouveaux mouvements contestataires est ATTAC, Association pour la Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens. Elle est née à la suite d'un éditorial d'Ignacio Ramonet dans le Monde Diplomatique en décembre 97 appelant à « créer à l'échelle planétaire l'organisation non-gouvernementale Action pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens. ATTAC. ». Cette association est vue comme un groupe de pression civique en lien avec des associations culturelles, sociales ou écologiques. Elle se proposerait de « rompre avec l'ultra-libéralisme en proposant des alternatives crédibles, limiter l'insécurité financière et les inégalités sociales grâce à la mise en place de la taxe Tobin » sur les transactions financières en reposant sur un « sursaut civique et militant, transcendant les clivages habituels ». Le 8 juin 98, ATTAC voit le jour, avec un objet plus large que la taxe Tobin, elle sera donc l'Association pour la Taxation des Transactions financière pour l'Aide aux Citoyens. Elle propose d'être une plate-forme permettant aux citoyens de se réapproprier l'avenir du monde en luttant contre « la dictature des marchés »6(*). Un caractère de contestation économique et de prise en main citoyenne marque donc fortement cette association.

C'est un mouvement qui grossit rapidement (il rassemble près de 30000 adhérents en 2002), en s'inscrivant dans un secteur très large et regroupant des personnes et groupements très divers. ATTAC compte sur cette diversité pour échapper à la mainmise d'un groupe particulier sur l'association, notamment d'un parti politique. ATTAC n'est pas un parti politique ne présente pas et ne soutient aucun candidat lors des élections. Il peut être un instrument de pression sur ceux-ci, ATTAC se propose dès le début de « faire de la politique, mais autrement » en veillant surtout à ce que le politique (au sens noble du terme) reprenne le pas sur l'économique.

De ce point de vue, la nature du mouvement et également sa structure présentent un intérêt certain. Cette organisation centre ses actions sur des thèmes réservés d'habitude aux partis politiques (choix de politique économique ou sociale) ou encore absents de leur discours et laissés aux stratégies gouvernementales ( commerce extérieur, négociations internationales...). Cependant sa structure est celle d'une association et son fonctionnement diffère largement de celui des partis. Jouant sur plusieurs niveaux, elle se place hors du cadre traditionnel de la revendication politique ainsi que de la compétition électorale. Marquée par une hiérarchisation réduite et plus par la coopération des différents niveaux de l'association que par la domination de l'un sur les autres, ATTAC donne l'image d'une structure mouvante et se cherchant encore, dont le meilleur atout résiderait dans sa flexibilité. Ces caractéristiques comme la forte autonomie des comités locaux et la possibilité d'inventer un militantisme nouveau met le militant au coeur de l'organisation.

C'est d'ailleurs aux comités locaux que nous allons nous intéresser dans ce travail. En effet, c'est là que se développe réellement le « militantisme »7(*) citoyen des membres d'ATTAC. Ces comités sont d'ailleurs la grande surprise de la création d'ATTAC. Les premiers se sont constitués de manière autonome sans que cela ait été prévu auparavant, une « charte des rapports entre ATTAC et les comités locaux » est rédigée par la suite. En plus d'une direction nationale où siègent des personnes physiques et surtout morales8(*), existent donc « des structures locales - totalement autonomes dans le respect de la plate-forme constitutive de l'association - surtout composées d'adhérents individuels. Disons-le franchement, cette architecture n'avait pas été entièrement théorisée à l'avance : c'est le développement d'ATTAC qui l'a produite »9(*). La création de l'association ATTAC a donc entraîné une vague d'adhésion et un engouement certain qui s'est cristallisé en province et dans les grandes villes par la création des comités locaux qui sont aujourd'hui au nombre de 250. Chacun des comités est libre de choisir les orientations de son action et sa forme. Dans leur cadre, un engagement politique qu'on pensait moribond se redessine et attire des publics très divers dans un laps de temps très court.

Il nous a donc paru intéressant de nous interroger sur ce qui fait l'intérêt pour les militants d'un mouvement comme ATTAC et sur ce qui explique le succès de l'organisation en termes d'adhésions et d'engagement. Tout en menant une réflexion sur les évolutions politiques qui ont conduit à la création d'un mouvement comme ATTAC, et qui ont donc influencé sa forme, son fonctionnement et ses revendications, et en étant particulièrement attentifs au sens que les militants mettent dans leur engagement, nous nous proposons d'essayer d'expliquer l'attrait de l'association pour les militants. Comme l'expliquait Bernard Cassen, alors président d'ATTAC, « au fond, c'est toujours à chacun des membres d'ATTAC de formuler le sens de son engagement »10(*). En effet, il nous semble que les membres de l'association s'inscrivent dans des logiques variées et ont chacun motivations différentes pour adhérer ou militer à ATTAC. C'est précisément cette capacité à attirer et à réunir des publics très divers qui nous semble avoir permis le succès rapide d'ATTAC.

Comme pour l'association nationale, créé et composée par des organisations diverses, les comités locaux de l'association attirent une diversité très grande de militants. Sur quoi repose cette diversité et qu'est-ce qui l'explique ? Comment des publics aux caractéristiques variées ont-ils été attirés par une même association ? Quels sont les cheminements et les logiques qui amènent à s'engager dans ATTAC ? C'est le questionnement qui nous a animés dans un premier temps.

Or, on peut être amené à penser que la grande diversité des militants peut poser un certain nombre de problèmes, risquer de générer des conflits ou de fragiliser l'association, à moins qu'il n'existe des facteurs qui facilitent la coopération ou cimentent l'association. Quels sont les facteurs, mécanismes ou modes de fonctionnement qui expliquent la possibilité pour des militants divers de coopérer au sein d'une même structure ? Qu'est-ce qui permet à l'association de satisfaire des militants aux attentes diverses ? En quoi est-ce lié aux transformations des mouvements politiques et des modalités de participation individuelles dans les structures collectives ?

Pour tâcher de répondre à ces questions, nous nous appuierons sur l'étude que nous avons mené pendant trois ans sur les militants du comité local d'ATTAC-Strasbourg. Celui-ci s'est créé en mars 99. Il compte aujourd'hui entre 200 et 250 membres. Les militants réellement impliqués dans l'association, selon l'intensité de la participation tournent entre 10 (le noyau dur des plus actifs et investis régulièrement) et 50 (au plus large, en comptant les militants ayant une activité plus occasionnelle dans l'association mais ne se contentant pas d'adhérer). Entre 2001 et 2004, nous avons réalisé dix-neuf entretiens11(*) auprès de militants de ce comité, parfois plusieurs fois avec les mêmes. Il s'agit donc de 17 militants dont 4 femmes. Nous avons fait en sorte de n'interroger que des personnes s'engageant réellement dans l'association et non de simples adhérents passifs. D'un point de vue méthodologique, nous nous sommes tout simplement rendus sur les lieux d'actions (Forums), de rencontres (Permanences de l'association) ou aux Assemblées Générales réunissant les membres investis dans l'association. Il s'agit pour partie de responsables de l'association ( 8 des 17 militants interrogés ont eu une responsabilité administrative quelconque dans l'association à un moment donné (membre du Bureau ou du Conseil d'administration). Mais il s'agit également de simples militants sans responsabilités électives. Nous les avons interrogés sur des thèmes divers portant sur leur parcours ou leur participation politique, leurs rapports aux partis politiques, leurs manières d'agir dans le mouvement, la vie de l'association... Les entretiens et l'observation pendant quelques AG nous ont permis de dégager des informations concernant les caractéristiques des militants, le sens qu'ils donnent à leur action et les modalités de leur participation. Mais nous avons également pu réunir des informations sur le fonctionnement de l'association et sur les raisons qui ont amené les membres à s'y engager.

Notre problématique nous invite à mener notre réflexion en deux temps. Les données recueillies vont nous permettre, dans un premier temps, de dresser un tableau des militants d'ATTAC-Strasbourg et de souligner leur diversité ( I ). Nous nous pencherons sur la diversité des parcours politiques et sur les caractéristiques de l'association qui attirent chaque catégorie de militants. Nous verrons comment l'association attire aussi bien des nouveaux militants, que des militants réengagés ou sur-engagés. Nous aurons l'occasion de souligner l'importance de la notion de carrière militante et de voir suivant quelles logiques et quel cheminement s'engagent les militants. Nous verrons comment l'association présente des caractéristiques pouvant correspondre à tous ces types de militants. Nous verrons également que les militants d'ATTAC-Strasbourg ont des sensibilités politiques diverses. En fonction de leur histoire personnelle et de leurs caractéristiques propres, héritiers de cultures politiques variées, ils adoptent différents rapports au politique et aux idéologies. Enfin, ce qui les amène à s'engager et les modalités d'action qu'ils souhaitent adopter sont très variables d'un individu à un autre. Nous décrirons donc cette diversité des demandes.

Le constat de grande hétérogénéité des membres nous amènera ensuite à chercher, dans les caractéristiques de l'association, ce qui facilite ou est mis en place pour gérer au mieux la diversité des militants ( II ). Nous passerons en revue les facteurs d'unité qui peuvent lier les membres, de leur origine sociale à leur capital culturel, mais également les stratégies déployées et les mécanismes unificateurs qui permettent de créer un consensus minimum entre les membres. Nous nous pencherons sur le rôle du fonctionnement démocratique de l'association et verrons comment ses modalités d'organisation et sa facilité d'adaptation garantissent la satisfaction individuelle des militants et permettent d'atténuer ou de surmonter les crises. Enfin, nous analyserons comment l'approche large du mouvement et le type d'engagement qui prend corps dans l'association, qui correspond bien aux analyses des dernières modifications du militantisme, permet à chacun de définir et donc de trouver sa place dans le mouvement et de participer pleinement au groupement. Nous verrons en quoi les caractéristiques décrites rendent possibles et sont nécessaires au fonctionnement d'une telle association qui accueille des publics divers.

Première partie : Une grande diversité de militants

Un des premiers réflexes d'un chercheur en sciences sociales est de chercher des facteurs d'homogénéité, des ensembles cohérents, des règles générales. Les études portant sur le monde ouvrier ont longtemps souligné l'homogénéité des individus composant les mouvements politiques, les similitudes de parcours, des schèmes de pensée, de socialisation ou d'origine socioprofessionnelle des militants. Jusque dans les années 80, les appartenances politiques étaient en effet très liées au milieu social, à un certain niveau de qualification ou encore à une culture politique particulière impliquée par des cercles de sociabilité spécifiques. Les cercles militants étaient donc d'autant plus pratiques à étudier et à catégoriser qu'ils correspondaient en effet à ces variables. Pour un parti ou un syndicat particulier, pouvaient être dégagées des caractéristiques communes aux militants correspondant à un milieu social (par exemple ouvrier pour le PC, enseignant pour le PS), à des parcours politiques classiques (du travail au syndicat, puis du syndicat au parti par exemple), l'appartenance à certains cercles socioculturels, un certain rapport à la religion, une certaine vision de l'histoire... Qu'en est-il aujourd'hui dans les derniers-nés des mouvements politiques qui répondent à une crise pour certains, à une recomposition pour d'autres, du paysage politique français ?

Les travaux scientifiques récents sur les derniers-nés des mouvements sociaux ou sur « les nouveaux mouvements contestataires »12(*) décrivent en effet de profondes mutations dans la composition des mouvements politiques et les modalités de participation des militants. Les nouveaux mouvements contestataires, dont ceux qui s'inscrivent dans la dynamique altermondialiste condensent les originalités, renouvellent en partie l'analyse de l'engagement. Parallèlement à l'inadaptation croissante des organisations politiques classiques, au déclin du mouvement ouvrier et des formes d'identification traditionnelles des membres aux mouvements, celui-ci prendrait forme aujourd'hui dans le cadre des associations13(*). Plus souples elles « séduiraient par leur insertion locale et leur projet pragmatique, concret, permettant la participation effective des militants »14(*). Les membres de ces associations adopteraient un engagement distancié et délié des appartenances primaires, comptant dans le mouvement par leur diversité, leur altérité, leur «  individualité détentrice de ressources spécifiques »15(*). Le renouveau de la conflictualité sociale à partir des années 90 s'effectue donc dans des cadres différents et selon des logiques individuelles diverses. Les nouveaux mouvements contestataires réunissent en leur sein des militants issus de milieux socioprofessionnels et de générations différentes, ayant des parcours politiques et des objectifs divers. L'engagement s'y redessine en fonction des évolutions de la « structure des opportunités politiques »16(*) et des parcours politiques individuels induits par la crise des organisations politiques traditionnelles.

Les mouvements altermondialistes, par exemple, soulignent la diversité des organisations et des membres qui les composent en en font leur principal atout. C'est une des originalités que représente un mouvement comme ATTAC qui se propose de dépasser les clivages habituels et de rendre possible la coopération de personnes très diverses. Dans le prolongement des mouvements « des sans » ou du mouvement social de Novembre-décembre 95, ATTAC réunit effectivement des publics très divers.

Il est troublant au premier abord, d'étudier les militants composant un mouvement comme ATTAC si l'on s'attend à y trouver une catégorie uniforme de militants. En effet, chaque militant interrogé présente un profil différent de plus, qu'il s'agisse du parcours personnel ou militant, de l'orientation politique, des attentes vis-à-vis de l'engagement ou des pratiques politiques ou militantes. Une telle diversité de profils peut choquer ou tout au moins étonner dans un mouvement politique quand on connaît les habituelles tensions et divisions qui animent les mouvements de la gauche française. Au-delà des questions portant sur l'efficacité politique et la manière dont l'association atténue les tensions entre ces divers publics, cette diversité amène à considérer les nouvelles formes d'engagement politique moins comme déterminées par les mouvements eux-mêmes que par les individus qui les composent. Ainsi, l'engagement dans un mouvement comme ATTAC semble répondre à différentes perceptions des enjeux politiques ou de l'histoire.

C'est précisément sur cette diversité que nous avons choisi de nous interroger dans cette première partie. A travers l'étude des profils militants, de leurs parcours, positionnements politiques ou manières d'agir, nous essayerons de rendre compte des évolutions qui touchent le monde militant et notamment des conditions de sa recomposition dans les mouvements citoyens ou « altermondialistes ».

Il existe de nombreux facteurs de diversité, cependant, nous avons choisi de souligner trois aspects qui nous paraissent capitaux pour comprendre les enjeux de cette diversité. Tout d'abord, nous nous interrogerons sur la diversité des parcours des militants, c'est-à-dire leurs origines politiques. Il apparaît effectivement flagrant qu'ATTAC brasse des publics très divers. Ce qui est vrai au niveau de l'organisation nationale, créée et composée par de multiples mouvements, groupements et syndicats17(*), l'est aussi au niveau local. Encouragés par la participation de multiples groupes politique ou syndicaux ainsi que par la lecture de certaines publications comme le Monde Diplomatique, Politis, Charlie Hebdo ou Alternatives économiques, des publics très divers se sont présentés aux premières réunions de l'association ou s'y sont engagés par la suite. Que traduit cette diversité au sein d'une même structure ? Quels sont ces différents parcours et à quelles logiques répondent-ils ? Quelles sont les routes qui ont mené ces militants dans une structure comme ATTAC ? Qu'est-ce qui dans leur parcours explique leur intérêt à une organisation comme ATTAC ?

Puis c'est la diversité des positionnements et des sensibilités politiques qui nous intéressera. En effet, les différences d'origines politique et de générations engendrent une grand panel de cultures politiques. Nous pourrons voir de quelles cultures il s'agit et nous interroger sur les divergences qu'elles recèlent en termes de rapports aux idéologies ou au champ politique. Nous verrons également que ces militants sont attirés par des sujets divers en fonction de leur sensibilité.

Enfin, c'est sur les déterminants de l'engagement et sur la diversité des attentes qu'ont les membres vis-à-vis de l'engagement et de l'action militante que nous allons nous pencher. Nous verrons comment les engagements précédents influent sur les modalités de participation souhaitées. Nous dégagerons les différents types d'engagement qui apparaissent en fonction de l'âge et des attentes matérielles et symboliques vis-à-vis de l'engagement.

I. La diversité des parcours militants

Les militants qui composent le comité local d'ATTAC-Strasbourg affichent une grande diversité de parcours et d'histoires militantes. Celle-ci nous intéresse particulièrement car l'étude des différents parcours peut nous permettre de voir comment l'expérience militante individuelle influe sur la perception du mouvement par les membres18(*). Ainsi, des logiques d'engagement variées apparaissent vite à l'observateur. Si, pour toutes les catégories de militants, ATTAC vient combler un manque, celui-ci n'est pas le même qu'il s'agisse de « routiers » du militantisme ou de nouveaux venus dans le monde de l'engagement. Il s'agit alors de dégager précisément ce qui motive chaque catégorie de militants à s'engager dans ATTAC-Strasbourg et d'essayer d'expliquer ce qui les a amenés à ATTAC. En nous intéressant à la manière dont ils sont arrivés dans l'association, à leur perception du monde politique et aux raisons qui les ont amenés à s'engager dans ATTAC, nous entendons souligner les spécificités d'ATTAC en tant que mouvement politique et essayer d'expliquer son succès auprès de catégories multiples d'individus.

Pour aller au plus court, on peut distinguer d'emblée trois catégories de militants. Tout d'abord, et c'est ceux que l'on s'attend à trouver dans un mouvement qui s'affirme comme un renouvellement du paysage politique « avec des gens qu'on avait jamais vu nulle-part [...] dans le milieu militant »19(*), il y a effectivement ceux que l'on pourrait nommer les « néo-militants ». Ceux-ci connaissent leur premier engagement effectif dans une structure politique avec ATTAC. On peut donc penser que les thèmes développés par ATTAC ou son fonctionnement sont des facteurs centraux de leur passage au militantisme. L'étude de ces militants et du sens particulier qu'ils donnent à leur engagement nous permettra d'appréhender ATTAC comme le lieu où se forge une nouvelle génération de militants qui n'ont pas forcément de connaissances des formes de mobilisations traditionnelles. On peut également se demander si ces militants se seraient engagés dans une autre structure et par-là, souligner ce qui constitue réellement l'originalité d'un mouvement comme ATTAC.

Ensuite, nous étudierons le cas d'individus qui ont été engagés par le passé mais qui avaient rompu avec la sphère militante. S'il est en effet une catégorie d'individus auprès de qui ATTAC a fait recette, c'est bien celle des « déçus » du militantisme traditionnel. Nous pourrons étudier en quoi ils ont été déçus par leurs engagements précédents et ce qui les motive à se réengager dans ATTAC. En nous intéressant à la manière dont ils se sont réengagés et aux raisons invoquées, nous pourrons étudier ATTAC comme le lieu d'un retour au politique. Ici encore, nous pourrons souligner l'intérêt que représentent les mouvements citoyens ou altermondialistes pour les militants dans un contexte de reflux du politique.

Enfin, nous étudierons les militants qui se sur-engagent dans ATTAC. Ceux-ci, bien que déjà membres d'organisations politiques ou syndicales trouvent également dans l'association strasbourgeoise un intérêt particulier. Nous verrons quels facteurs facilitent la transitivité des militants et comment la forme d'ATTAC peut faciliter les phénomènes de sur-engagement. Mais ces militants peuvent également nous renseigner sur la façon dont est perçue, de l'intérieur, la crise de l'action politique ou le déclin de l'efficacité de l'action syndicale. Nous verrons donc comment ATTAC peut représenter une nouvelle perspective dans l'engagement politique.

A. Les nouveaux militants

Commençons donc par nous intéresser au profil et au parcours des nouveaux militants et voyons comment ces individus arrivent à ATTAC et suivant quelles logiques. Nous essayerons de dégager chez eux une certaine vision du monde politique et de comprendre ce qui les attire dans un mouvement comme ATTAC.

Cheminement jusqu'à ATTAC

Sur les 17 personnes que nous avons interviewées, 11 entrent dans cette catégorie de militants. Nous ne prétendons pas que cet échantillon soit représentatif des militants actifs de l'association ou, encore moins, de ses adhérents. Cependant, il nous semble que ceux-ci forment effectivement un peu plus de la moitié des effectifs. Il faut commencer par dire que ces nouveaux militants ne forment pas un groupe uniforme. En effet, même s'ils vivent leur premier engagement politique dans ATTAC, ils arrivent dans l'organisation à des moments divers de leur histoire personnelle ( ils ont entre 23 et 58 ans) ou de celle de l'association (ils intègrent l'association entre 99 et 2002). Leurs démarches correspondent à des motivations différentes en fonction de leur génération, de leur socialisation politique ou de leur catégorie sociale.

Les deux tiers des nouveaux militants d'ATTAC-Strasbourg sont plutôt jeunes (7 sur 11 ont moins de 35 ans). Cette caractéristique fait d'ailleurs la fierté de l'association. Par rapport aux autres comités locaux de l'association qui affichent une moyenne d'âge de 50-60 ans, le comité strasbourgeois tournerait autour de 35 ans. Il faut noter également que les jeunes prennent souvent une grande partie des postes à responsabilité de l'association ( 4 de ces nouveaux militants ayant entre 23 et 35 ans occupent ou ont occupé un poste à responsabilité dans l'association ). Cependant, il existe également des personnes ayant entre 35 et 60 ans qui connaissant leur première expérience militante, voire associative, dans ATTAC.

Cet engouement de personnes ne s'étant jamais engagées politiquement n'est pas forcément spontané. Même si ATTAC représente leur premier engagement, un bon nombre de nouveaux militants cherchaient depuis longtemps un espace où s'engager. Il s'agit notamment des membres issus de familles militantes20(*). Si l'engagement des parents paraît souvent folklorique ou périmé, le goût du collectif et de la camaraderie, les souvenirs de réunions de cellules du PC dans la cuisine enfumée ou des manifestations d'Amnesty International avec les parents, engendrent une certaine normalité de l'engagement. Un certain nombre de militants ont donc fait quelques tentatives d'engagement. Qu'il s'agisse de petits tours de six mois pour observer des partis politique (PC, LCR, Verts), de passages dans des mouvements anti-racistes (MRAP) ou de chômeurs, ou encore d'adhésion à des associations contre les massacres en Algérie ou la répression en Palestine, les nouveaux militants n'en sont pas tous à leur coup d'essai. Les militants âgés de moins de 35 ans ont tous déjà eu des activités politiques épisodiques dans des collectifs ou de manière autonome avec des amis. Néanmoins, ils ne se sont jamais engagés réellement ou durablement dans des organisations car ils n'y ont pas trouvé ce qu'ils recherchaient. La motivation à s'engager était présente mais certains aspects organisationnels ou idéologiques ne leur convenaient pas. Souvent, ils sont présents dès les premières réunions fondant l'association et adhèrent d'emblée. Bien qu'ils n'agissent pas d'emblée dans le mouvement, sept des onze militants sont effectivement présents dans l'association depuis 99. Cependant, le passage à une action effective dans le mouvement n'est pas automatique.

D'une manière générale, le coût de l'engagement apparaît assez élevé chez les nouveaux militants qui ont ce genre de parcours. Nous entendons par là que l'acte d'engagement est loin d'aller de soi. C'est un acte mûrement réfléchi car ces militants sont marqués par une forte méfiance vis-à-vis des organisations politiques. Surtout, ces membres ont une vision assez négative de l'engagement militant. Pour eux, en jugeant souvent les engagements politiques ou associatifs des parents, le militantisme est soit un sacrifice total à la cause (pour un fils de militants PCF), soit un investissement énorme de soi pour peu de satisfaction en retour (pour un fils de militants associatifs). La démarche de ces militants paraît donc plus difficile que pour des multi-participatifs (dont nous parlerons plus tard) élevés dans une culture de l'engagement. En témoignent d'assez longues périodes d'observation sans réelle participation allant de six mois à cinq ans avant de participer à des actions ou de prendre des responsabilités dans l'association. Ceci peut s'expliquer également par l'inexpérience de l'action collective, la crainte de s'engager ou le manque de temps :

«  D'abord, il y a beaucoup de gens dont c'est le premier engagement associatif donc il y a une espèce de peur. Moi, je te disais que j'avais eu un temps d'observation assez long, je pense que c'est le cas de beaucoup de personnes. C'est pas évident des se dire «bon, ben je vais être membre du Conseil, responsable pénal d'une association« qu'on a pas le temps de connaître vraiment, quoi. Et puis après, il y a le problème de temps. »21(*)

D'autres par contre, malgré l'inexpérience, s'engagent dès la création de l'association en faisant partie du comité de pilotage qui rédigea les premiers statuts22(*) ou en se présentant au conseil d'administration lors des premières élections. De ce point de vue, la création du comité au niveau local et sur leur propre initiative a facilité l'engagement de certains. Le peu de volontaires pour occuper ces postes (dans l'incertitude de ce qu'allait réellement être l'association) a certainement forcé certaines vocations.

Une certaine perception du monde politique

Un des points communs à ces militants qui s'engagent pour la première fois dans ATTAC est d'avoir une vision similaire des formes d'engagements traditionnels. Qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, les partis politiques, syndicats ou autres organisations traditionnelles ne suscitent pas chez eux d'engouement particulier. Au contraire, malgré la volonté de s'investir et la nécessité de remettre le système en question, leurs discours dénotent presque tous d'une « gauche introuvable ». Entre un PS trop modéré depuis qu'il a pris goût au pouvoir, un PC dépassé et trop fermé aux jeunes, des Verts « pas clairs » sur leurs objectifs et trop divisés et une extrême gauche « trop sectaire », ces militants ne se sentent pas représentés par les partis politiques de gauche.

Dans la plupart des cas, ces militants s'intéressent à la politique depuis la moitié des années 90 (pour les plus jeunes) et sont marqués par les thèmes de contestation qui ont émergé pendant le mouvement social de 95. Pour les plus âgés, qui s'intéressent à la politique depuis plus longtemps, le mouvement social de 95 a pu agir comme un déclencheur. Ce sont principalement les mouvements qui en sont les héritiers qui les attirent.

Ainsi, les discours sur la mondialisation et ses dérives financières, les dégâts du libéralisme ou l'Europe, sont des thèmes récurrents dans leurs préoccupations. La perte de larges pans de souveraineté par les Etat à travers l'intégration transnationale23(*), le poids grandissant des firmes multinationales et des investisseurs, l'augmentation du chômage, la remise en cause des acquis sociaux et des services publics : autant de thèmes de contestation qui ont pris forme durant le mouvement social et qui tiennent particulièrement à coeur à ces militants. Mais le mouvement social de 95 dénote également d'une certaine méfiance vis-à-vis des partis politiques, incapables de s'opposer à une évolution présentée comme inéluctable.

S'il y a des logiques réellement nouvelles de l'engagement politique qui doivent peu aux pesanteurs du passé, c'est en priorité dans les discours de ces militants qu'il faut les chercher.

Le sentiment d'impuissance face à des logiques présentées comme implacables ( la crise, le libéralisme, la mondialisation, l'intégration européenne), semble avoir alimenté une certaine frustration chez ces individus. Paradoxalement, alors que l'objectif du discours des gouvernements de droite sur le caractère inéluctable des évolutions politiques et sociales françaises24(*) était sans doute de faire taire toute contestation, il a précisément alimenté un regain d'intérêt pour l'engagement politique protestataire. L'engagement d'individus ne s'étant jamais engagés auparavant nous paraît donc être une réaction à un sentiment d'impuissance. Reste à comprendre pourquoi celui-ci a lieu dans ATTAC.

Un mouvement non partisan et citoyen

Il paraît donc intéressant de s'interroger sur les raisons particulières qui ont amené ces militants à ATTAC. Il apparaît en premier lieu que le fait qu'ATTAC ne soit pas une structure partisane est l'argument central du choix des militants. Ceci renforce l'impression de discrédit des partis politiques. L'action dans un parti semble hypothéquée par les échéances électorales et les stratégies mises en oeuvre. Surtout, c'est la question du pouvoir qui apparaît gênante. Les partis ayant pour objectif premier de mener des personnes au pouvoir, les luttes de pouvoir entre individus semblent l'emporter sur les objectifs de départ. Le fait qu'ATTAC se situe hors de la compétition électorale est un élément rassurant pour les nouveaux militants et semble beaucoup y faciliter l'engagement. Le fait qu'il s'agisse d'une association est donc un élément important pour expliquer le succès d'ATTAC auprès de cette catégorie de militants.

Au-delà de la question du pouvoir, la forme associative permet à ATTAC un positionnement politique et un choix de thèmes qui semblent pallier les défauts des partis politiques. Au niveau du positionnement politique d'abord. L'élément central étant le fragile équilibre réalisé par ATTAC entre des propositions concrètes et un certain idéalisme. Le fait que l'association ne doive pas être confrontée à la réalité de l'exercice du pouvoir lui donne une certaine marge de manoeuvre qui est appréciée. Ainsi, un juste milieu est trouvé entre le réalisme d'un parti socialiste gestionnaire qui ne fait plus rêver et la phraséologie dépassée des partis d'extrême gauche. En liant l'aspect sérieux et technique25(*) à une certaine légèreté (puisque c'est à d'autres de mettre en place leurs propositions), ATTAC suscite un espoir mesuré mais réel.

Le fait qu'ATTAC échappe à la temporalité des partis politiques, soumis au couperet régulier des élections, et qu'elle ne soit pas non plus circonscrite aux thèmes du débat national est également important. Ainsi, alors que la mondialisation ou l'Europe n'apparaissent dans les partis politiques que comme des fatalités auxquelles la société française doit se plier en se réformant, elles forment dans ATTAC le centre du discours. ATTAC vient donc parler des sujets absents du débat politique ordinaire. En se dotant d'une dimension internationale, principalement, ATTAC représente quelque chose de nouveau dans le paysage politique français, se démarquant bien de partis politiques raisonnant uniquement au niveau national.

ATTAC, si elle s'éloigne du monde partisan, s'inscrit dans une logique « citoyenne » qui, bien que le mouvement soit tout sauf apolitique, donne à l'association une image de neutralité. En proposant dès le début de « redonner des marges de manoeuvre aux citoyens », ATTAC s'affiche clairement comme une réponse au sentiment d'impuissance face à des enjeux comme la mondialisation. Elle répond donc parfaitement aux préoccupations des militants concernés. L'action citoyenne, à l'opposé de l'action partisane, doit permettre d'agir dans l'intérêt général, souci qui semble avoir disparu des préoccupations des politiques. Enfin, la nouveauté de l'association les encourage à y adhérer. C'est un mouvement vierge et sans histoire qui se présente à eux. Ils échappent donc au poids des traditions et aux orientations « historiques » du mouvement qu'il aurait fallu intégrer dans une organisation plus ancienne.

Un autre facteur semble avoir facilité leur engagement politique. Celui-ci semble répondre pour certains à un souci d'intégration sociale. C'est ici un refus du repli sur soi qui s'incarne dans l'engagement dans ATTAC, et ceci à un double niveau : il s'agit effectivement de « se réapproprier collectivement l'avenir du monde » mais aussi de développer des liens sociaux inter-individuels au niveau local. L'aspect local de l'association est donc capital. Il s'agit de faire vivre collectivement la cité, de s'intéresser et d'agir collectivement sur des problèmes communs au niveau local. Ici aussi, la dimension citoyenne est soulignée.

L'engagement peut donc répondre à un besoin d'action sociale. Se sentir utile apparaît comme une priorité, comme en témoignent les discours des militants qui soulignent l'importance du « sentiment d'avoir un minimum d'utilité », « de faire avancer les choses ». Au niveau de leur identité, l'engagement dans un mouvement politique permet aux militants de trouver leur place, de se réaliser dans la participation à une entreprise collective26(*). L'impression de reprendre la parole et l'initiative, de ne plus seulement subir, est également très présente :

« on remarque qu'en fin de compte... moi, je croyais qu'on était tous endormis chacun devant son téléviseur à regarder les informations et de les subir et qu'il est possible des fois de les... d'agir et de provoquer... et provoquer les informations. »27(*)

L'engagement dans ATTAC est ressenti comme une reprise en main, « une pilule contre la résignation » dans un contexte de désintérêt croissant pour la politique et de perte de confiance dans l'efficacité de l'engagement. Essayer malgré tout d'agir à son niveau suscite donc une certaine fierté pour les militants. D'autant plus que malgré un engouement réel et des coups médiatiques réussis, les résultats concrets obtenus par l'association en 6 ans sont quasi-inexistants28(*).

Les nouveaux militants forment donc une catégorie hétérogène entre ceux qui recherchaient une structure ou avaient déjà eu quelques engagements épisodique et ceux qui ont juste profité de l'occasion. S'il est possible de dégager des logiques communes à ces membres, c'est plus au niveau de la perception du monde politique et des caractéristiques de l'association. Ne se sentant pas représentés politiquement et montrant d'ailleurs une grande méfiance à l'égard des partis politiques, ils trouvent dans la forme associative de l'association un gage de qualité. Etant sensibles aux enjeux de société posés par le mouvement social de 95, ils trouvent dans les thèmes d'ATTAC de quoi les satisfaire.

A. Le réengagement dans ATTAC

Dans un second temps, nous allons donc nous intéresser aux individus qui ont déjà connu un ou plusieurs engagements mais qui s'étaient retirés du monde militant. Déçus par leurs engagements précédents, ceux-ci connaissent réellement ce qu'on peut appeler des parcours militants. Ceux-ci sont caractérisés par des phases de rétraction et d'extension de leurs engagements. Il est utile de se demander ici quels sont ces parcours, dans quelles organisations ils ont précédemment milité. Il s'agira de comprendre comment ils ont vécu, parfois de l'intérieur, le déclin des organisations politiques traditionnelles. En nous intéressant aux raisons qui les ont amenés à s'engager dans ATTAC, nous pourrons mieux distinguer ce qui différencie l'association des organisations politiques traditionnelles.

Les types de parcours

Les militants réengagés représentent le quart des militants interrogés dans le cadre de ce mémoire (4 sur 17). Dans cette catégorie aussi, il est difficile de trouver une unité. Force est de constater que les anciens militants ont des parcours politiques très variés. C'est d'un large spectre d'organisations que sont originaires ces réengagés. Tout d'abord, il faut dire qu'ils ne sont pas tous entrés dans le monde politique au même moment. Ils appartiennent à des générations militantes différentes. Le moment particulier de leur entrée en politique influe évidemment sur leur perception de l'engagement politique et sur les organisations desquelles ils sont originaires.

Ainsi, on trouve pêle-mêle des individus s'étant engagés en suivant le schéma classique de l'engagement ouvrier au PC dans les années 70 (1 militant, entretien 2), d'autres s'étant engagés dans le sillage du PS (1 militant, entretien 17) d'autres encore commençant à militer à l'université dans les années 80 ( 1 militante, entretien 1 et 19) ou au lycée (entretien 4) dans des mouvements d'extrême gauche29(*). Les déterminants de l'engagement sont très variables selon la période d'entrée dans le militantisme, l'origine sociale ou l'histoire personnelle. Ainsi, si le militantisme est naturel pour R (entretien 2), qui a grandi dans une famille ouvrière militant au PC, et qu'il suit un chemin classique de l'usine au syndicat et du syndicat au parti, il apparaît déterminé par des évènements particuliers comme les réformes Devaquet (entretien 19) ou la guerre d'Algérie (entretien 17) pour d'autres.

Les trois quarts de ces militants recherchent depuis quelques années des structures alternatives pour s'engager. Avec plus ou moins d'application et malgré un ou plusieurs engagements décevants et des phases de retrait de la vie associative, ces militants restent fortement revendicatifs et en recherche d'autres mouvements30(*). Trois des quatre militants interrogés ont en effet fréquenté d'autres mouvements ou collectifs avant d'intégrer ATTAC.

D'une manière générale, le réengagement dans ATTAC peut être expliqué par des dispositions subjectives et objectives, impliquées par des parcours particuliers. Une analyse en termes de « carrière » comme l'a développé H. Becker31(*) , dans son étude sur les déviances, permet en effet de considérer l'engagement du point de vue du sens que les agents sociaux donnent à leur évolution personnelle. Appliquée à l'étude du militantisme, comme l'explique Olivier Fillieule, « la notion de carrière permet de comprendre comment, à chaque étape de la biographie, les attitudes et les comportements sont déterminés par les attitudes et comportements passés et conditionnent à leur tour le champ des possibles à venir, restituant ainsi les périodes d'engagement dans l'ensemble du cycle de vie »32(*). Nous nous proposons donc ici de considérer les différentes phases de leur vie militante comme permettant et facilitant le retour au militantisme dans une structure nouvelle.

Intéressons-nous d'abord à la propension « subjective » au réengagement. Le cycle de vie de ces militants est fortement marqué par des périodes de rétraction et d'extension des engagements. Celles-ci correspondent à une analyse par ces mêmes militants de la correspondance entre eux et les différentes structures politiques possibles et de la satisfaction qu'ils retirent de leur participation.

La rupture avec les organisations traditionnelles découle d'une réflexion des militants sur leur engagement et d'un repositionnement politique. Le constat d'échec des structures traditionnelles d'action politique se double ici de la dimension individuelle de l'expérience de la rupture. Reconstituons par exemple le discours de R. qui illustre bien la démarche cognitive des militants réengagés :

« J'ai commencé de façon classique . Bon, j'ai commencé à travailler à quatorze ans donc j'étais au syndicat à l'usine... et bon après j'étais au PC... et après j'ai quitté le PC quoi, j'ai fait le truc classique, je voulais rénover la gauche »

...

« Oui, je sais pas, je pense qu'à partir d'un certain moment, ça se délitait et ils trouvaient pas... Ils s'occupaient pas d'écologie alors que il y a 20 ans... j'étais antimilitariste alors que le PC m'a dit qu'il valait mieux aller à l'armée et bon ça m'a pas plu, quoi. J'étais pas en phase avec le mouvement populaire quoi... Si le PC m'avait suivi, peut-être qu'aujourd'hui, il remplacerait les Verts. Bon, j'ai décidé de quitter le PC. »

...

« J'ai suivi enfin, j'étais un peu attiré vers l'extrême gauche mais bon, je veux dire, c'était pas ma bière non plus tout ce qui se faisait quoi. Les Verts m'ont toujours été sympathiques mais aussi longtemps qu'ils étaient pas... qu'ils étaient tellement neutres...oui et il y avait tout un côté que je trouvais... ils s'occupaient que d'écologie alors... »

...

« J'ai pu rejoindre les Verts que lorsqu'ils ont vraiment rompu avec tout ça, qu'ils ont rejoint la gauche, quoi. »

...

« C'est une suite logique je pense, je crois qu'il y a plein de gens qui ont fait le même parcours que moi. Arriver chez les Verts ou dans des mouvements similaires ou ATTAC, quoi. Les partis politiques sont un peu à bout, quoi. D'ailleurs je pense même remplacer la gauche plus tard. La vraie gauche c'est nous, je pense que c'est les gens comme ATTAC. »

...

« Dès que j'ai entendu parler d'ATTAC, j'ai su que c'était quelque chose de valable, que je recherchais, c'était une suite logique de mon engagement. »33(*)

En reconstituant le parcours de R., on voit qu'il repense son évolution militante comme allant de soi. Bien évidemment, c'est une vision a posteriori alors qu'il connaît toutes les étapes de son engagement, mais elle n'en est pas moins intéressante car elle fait apparaître les différentes étapes du cycle de vie militante ainsi que les questions que se posent les acteurs et les réponses qu'ils y trouvent.

Ici, le discours est marqué par un rejet des partis traditionnels et l'évolution dans les différents mouvements est vécue comme un dépassement (« j'ai l'impression qu'ils vont plus loin que la militance que je faisais avant »), un progrès vers un militantisme plus complet et des revendications plus en accord avec les idées de ces militants. Ces militants sont donc dans un schéma de pensée de recherche et de comparaison. De plus, la rupture les détache d'une structure particulière. Ce n'est pas la victoire d'un groupe qui est désirée mais le fait de défendre ses idées dans une structure réellement « de gauche ».

D'une manière matérielle, ces militants sont également dans des situations qui favorisent le réengagement. La rupture avec les organisations précédentes dénotant, outre une certaine frustration, un acte définitif, puisque au-delà d'un retrait des responsabilités exercées ou du cercle des militants actifs, c'est un retrait total sur le mode actif qui a lieu (les individus quittent le mouvement). A travers cet acte, c'est également tout un monde, des relations ou amis, des cercles de sociabilités qui disparaissent et rendent difficile un retour à ce milieu34(*).

Le désengagement va permettre à ces acteurs de voir de l'extérieur le monde militant, en ayant tout d'abord le temps de le faire. Cette disponibilité biographique et l'abandon progressif des pressions et jugements de valeur inhérents à leurs anciennes organisations rendent l'individu disponible pour une redéfinition de soi en tant que militant.

Nous pouvons établir que dans le cas de ces militants, la rupture ne se fait pas au profit d'une autre organisation et que dans une première période du moins, ils sont libres de toute attache. La recherche d'une autre organisation ne se fait pas avant de quitter l'ancienne comme on cherche un appartement ou un travail avant de quitter l'ancien. Bien sûr, ceci tient au fait qu'il n'est pas vital à proprement parler d'être engagé politiquement, comme il peut être vital socialement et économiquement d'avoir un travail ou un logement. Cependant, ce désengagement va engendrer une recherche d'un autre militantisme, la politique, qu'elle soit volonté d'action ou intérêt et réflexion, demeurant présente dans les préoccupations de ces individus.

L'intérêt persistant pour la vie politique et sociale illustre ceci, comme par exemple l'existence de certaines lectures spécifiques à une certaine gauche indépendante des partis politiques. La lecture du Monde Diplomatique dans lequel fut exposée l'idée de départ d'ATTAC, où fut décrite l'évolution du mouvement et où cette voie fut vantée, revient souvent dans les réponses des individus sur la façon dont ils ont connu l'association. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point plus tard.

Ces individus connaissent souvent une phase de recherche d'une autre structure et de réengagement partiel qui va permettre de nouer des liens avec d'autres milieux et personnes et amener directement ou indirectement à ATTAC. En effet, le côtoiement de divers cercles politiques dans la gauche ou l'extrême gauche va mettre en relation avec des militants du même type ou des réseaux de mouvements (trait assez marquant des mouvements citoyens ou anti-mondialisation). La participation ponctuelle à certains mouvements sociaux par exemple, va ouvrir des portes et faire passer plus facilement de la sympathie à l'action. L. connaissait déjà ATTAC par les médias et Le Monde Diplomatique sans y adhérer, cette adhésion va être facilitée par les liens que l'association avait déjà noués autour d'elle :

« Ben, disons, le moment déclencheur, c'est... avant, juste avant de venir dans ATTAC, j'avais eu des contacts avec le collectif contre l'AMI, l'accord multilatéral sur l'investissement, donc il a lié beaucoup de liens avec ATTAC et c'est à ce moment que j'ai décidé d'entrer dans ATTAC... »35(*)

Ou plus simplement, les connaissances faites dans le cadre de participations ponctuelles ou de la fréquentation d'un certain milieu politisé, rend plus probable de rencontrer des « déjà membres » d'ATTAC, autre fait facilitant une prise de contact avec le mouvement.

Ceci nous permet de souligner le fait que cette adhésion à ATTAC se fasse dans le cadre d'une dynamique de réengagement aussi bien politique qu'associatif (Entretien 4 : « Disons que j'ai commencé à re-militer à partir de pas mal d'associations »), à une période donc, où l'idée de se réinvestir dans l'espace militant est présente.

En plus de cette multiplicité des liens créés et du réveil de l'activité associative, il faut dire que ces militants sont disponibles pour ce nouvel engagement. D'un point de vue professionnel, deux sont professeurs et une prépare des concours administratifs, ce qui leur laisse assez de temps de libre à consacrer à un engagement politique. Nous avons dit également plus haut que ce retour à l'engagement se fait lors de mouvements ponctuels ( ex : mobilisation contre l'AMI36(*)) ou dans des structures qui n'apportent pas entière satisfaction. Soit l'engagement est matériellement peu intense et se limite au fait d'avoir la carte, soit il est idéologiquement insatisfaisant car trop éloigné des revendications individuelles, ou incomplet. Ces militants sont donc disponibles en terme de temps à investir pour un nouvel engagement.

D'ailleurs ces militants sont souvent présents dès les premières réunions précédant la création du comité local de l'association et s'y engagent ensuite très rapidement : « je pense que quand on a le nez au vent, c'est pas la peine de chercher, les odeurs viennent toutes seules »37(*). Le succès rapide de l'association en termes d'adhésions s'explique donc par le fait que ces militants étaient dans l'attente d'une opportunité intéressante pour retrouver un engagement constant et qu'ils étaient parfaitement au courant de ce qui se faisait en matière d'action et d'engagement et donc d'offre politique.

Perception du monde politique

Alors que les nouveaux militants considèrent les partis de l'oeil de l'électeur insatisfait, les anciens militants qui se réengagent peuvent enrichir la vision de leur expérience militante passée. Ainsi, c'est surtout le fonctionnement des ces formations qui est critiqué. En premier lieu, le manque de débats, la ligne édictée par les Etats-majors et la docilité attendue du militant :

« La politique dite du «château« quoi. On décide en haut et les porteurs d'eau n'étaient plus tellement écoutés ou sinon exécutés comme porteurs de mauvaises nouvelles, quoi. »38(*)

L'absence de débat politique de fond est regrettée et le militant n'est finalement qu'un exécutant. Ce militantisme classique, où l'on se dévoue pour une cause définie dans les hautes sphères de l'organisation, où l'on photocopie, tracte, affiche, manifeste mais en retirant peu de satisfactions personnelles ou sans pouvoir orienter le mouvement est rejeté. Ceci correspond bien aux évolutions de l'engagement décrites par Jacques Ion39(*). Celui-ci souligne effectivement que, non seulement la dimension sacrificielle et aveugle de l'engagement est remise en cause, mais que les militants ne se contentent plus d'assumer des rôles assignés par l'organisation. Les groupements seraient aujourd'hui plus à même de s'ouvrir aux souhaits des militants et de valoriser leurs compétences particulières.

Il ressort de ces expériences malheureuses une certaine frustration et un rapport ambivalent à l'organisation d'origine. S'il n'est pas question de revenir dans ces partis, le souhait d'infléchir leurs orientations, de leur « montrer la voie » reste présent.

Au-delà du fonctionnement, les partis apparaissent également comme dépassés sur certains points. Ils n'auraient pas su, par exemple, s'adapter aux changements de la société ou des enjeux politiques :

« Ben, c'est à dire que le monde change. Dans mon cas personnel, moi j'étais rocardien quand j'étais au PS et je ne peux pas une seconde nier qu'un type comme Rocard ou Delors ont fait avancer les choses. Simplement ces vieux messieurs n'ont pas compris une chose à mon avis c'est que depuis que le mur de Berlin est tombé, depuis que l'ennemi soviétique a disparu, le monde a changé, il y a eu un courant d'air dévastateur de néo-libéralisme. On sait très bien, les études sont assez sérieuses sur l'état d'esprit et les manigances à la commission de Bruxelles, c'est le néo-libéralisme qui est pratiquement sous-jacent à la constitution qu'on nous propose. Et ces gens-là qui se sont toujours battus pour faire avancer l'Europe continuent de le faire mais il faudrait changer de discours, ils ne peuvent plus dire ce qu'il disaient il y a dix ans. Or c'est ce qu'ils font. Alors avec tout le respect que je leur dois je ne peux pas me solidariser avec ces gens-là. Dieu sait si Rocard a fait avancer les choses, à mon avis il avait créé un état d'esprit, Delors est un type superbement intelligent et courageux, la question n'est pas là, en plus ce sont des gens propres. J'ai l'impression que ce sont des vieux. Ils ont pas vu que le monde avait changé. »40(*)

Ainsi, les partis apparaissent dépassés sur certains thèmes et n'ont pas su trouver les réponses aux angoisses exprimées à l'hiver 95. Le mouvement social de Novembre-Décembre 95 a effectivement eu une importance capitale dans la formulation des thématiques altermondialistes. Bien que la plupart de celles-ci aient existé de manière floue et disparate avant 95, le mouvement social a permis de cristalliser et de formuler un ensemble paradigmes tournant autour de la « mondialisation néo-libérale »41(*) qui ont été repris et développés par les mouvements altermondialistes et notamment par ATTAC.

Ni sur le libéralisme, ni sur l'Europe ou la mondialisation, le PS n'a su s'imposer. Le PC quant à lui a trop longtemps hésité à changer sa vision du monde, à s'ouvrir aux thèmes émergés dans les années 70 comme l'écologie. Les Verts ne présentent pas non plus de projet de société et sortent décrédibilisés de leur participation à la gauche plurielle. Comme pour les nouveaux militants, c'est le constat d'une « gauche introuvable » qui est esquissé et qui explique un sentiment de manque. Manque auquel ATTAC, en modifiant « la structure des opportunités politiques », représentera une réponse satisfaisante puisqu'ils trouveront dans le fonctionnement et les thèmes d'ATTAC les conditions qu'ils attendaient pour s'engager.

Un mouvement souple et ouvert au débat

Bien que ces militants aient été prêts à se réengager, cela n'explique pas de manière automatique qu'ils le fassent dans ATTAC. L'explication de ce choix se trouve dans certaines caractéristiques de l'association.

Le premier point qui attire ces militants chevronnés en rupture avec le fonctionnement pyramidal et unilatéral des partis ou des organisations dans lesquels ils avaient milité tient à la formation et au fonctionnement d'ATTAC.

Il faut noter qu'ATTAC se fonde à Strasbourg comme dans d'autres villes sans qu'on sache réellement ce qu'est ATTAC ni quel rôle jouera l'association locale. En intégrant l'association dès le début, il était justement possible d'influer sur son développement, de s'engager dans une structure où tout était à faire, à mettre en place. L'indépendance vis-à-vis de l'association nationale42(*) éloignait le spectre de l'Etat-major tout puissant ce qui ne pouvait que réjouir des militants souhaitant ne plus être de simples exécutants. L'absence de parole d'appareil dans l'organisation a pu finir de rassurer les plus méfiants. Ayant l'expérience de la dissidence, ils trouvent dans la liberté de parole qui existe au sein d'ATTAC une certaine sécurité.

Reprochant à leurs organisations d'origine le peu de débats internes, ils ne peuvent qu'être satisfaits par une association visant à produire du débat. En effet, une grande partie du travail effectué, notamment au début, l'était par des groupes de réflexion ou des commissions thématiques. Ainsi, ils trouvent dans ATTAC un militantisme qui leur apporte une formation, l'accès au savoir. Si ce savoir est mis au service de l'association par la suite, il reste une forme de « rétribution » non négligeable de l'engagement. La mission d'éducation populaire de l'association permet également de renouveler leurs pratiques et d'étoffer leurs répertoires d'actions.

Au niveau des thèmes de l'association, ces militants sont satisfaits par la modernité et la variété des thèmes. En effet, les thèmes développés par ATTAC sont une réponse aux angoisses des années 90 sur l'avenir. Le tournant néo-libéral des politiques économiques, la toute puissance des marchés, l'avenir du service public, la qualité de la vie, autant de thèmes directement en rapport avec des inquiétudes récentes des citoyens. Sans proposer de projet de société global, ATTAC est néanmoins présente dès le début sur de nombreux thèmes et leur nombre va croissant. De l'écologie à l'économie, de la solidarité internationale au social, il y de quoi combler les manques des organisations politiques traditionnelles.

Le renouvellement du vocabulaire utilisé, s'il ne permet pas forcément de trouver des solutions, donne toutefois l'impression d'un changement de perspectives par rapport aux partis politiques ou aux anciens cadres de perception des réalités politiques, économiques et sociales.

Les militants qui se réengagent, malgré la diversité de leurs parcours sont donc unis derrière de mêmes constats. Déçus par l'absence de débats et l'aspect pyramidal des organisations politiques traditionnelles, ils trouvent dans la modernité, l'ouverture d'ATTAC et son fonctionnement les qualités qu'ils recherchent dans un mouvement politique. Si leur ré-engagement est facilité par leur disponibilité et leur intérêt persistant à la politique, le fait qu'ATTAC semble tirer les leçons de la déchéance des partis politiques comme structures militantes, est un élément central de leur retour au politique.

B. Les militants qui se sur-engagent

Il existe effectivement au sein d'ATTAC une autre catégorie de militants qui suivent une logique particulière d'engagement. C'est, dans notre échantillon la plus petite catégorie, seulement deux militants en font partie. Ces militants sont déjà engagés dans d'autres organisations traditionnelles (partis, syndicats, associations) mais trouvent dans ATTAC un engagement supplémentaire. Cette catégorie illustre bien le renouveau militant apparu dans la dernière décennie. Face « à la fermeture des groupes et à l'exclusivité militante jusqu'aux années 70 s'opposent aujourd'hui le fonctionnement en réseau et les engagements pluriels »43(*). Nous allons nous intéresser aux raisons qui les poussent à se sur-engager et aux facteurs qui les amènent à s'engager dans une structure comme ATTAC.

Une insuffisance de l'engagement traditionnel

La multiplicité des engagements traduit chez les militants le même sentiment d'insuffisance de l'action politique traditionnelle que pour les autres catégories de militants. L'engagement dans ATTAC relèverait ici d'une recherche d'un militantisme plus complet. Ceci renforce l'idée de difficulté de trouver un engagement satisfaisant dans une structure traditionnelle. Bien que ces militants conservent leurs engagements, ils en ont néanmoins une vision critique.

A est membre d'ATTAC et milite à la LCR (Ligue Communiste révolutionnaire), il est également représentant syndical à la CGT :

« Non, on est jamais satisfait. Si je vous dis que je suis à la CGT par dépit... je peux dire la même chose pour le reste parce qu'on veut toujours faire plus et toujours aller plus loin. Non, mes engagements associatifs ou politiques sont... sont dans des structures que j'estime être à minima dans ce que j'attendais, c'est à moi de les faire aussi progresser et avancer. »[...]

« Je pense qu'il y a une grave faillite du politique, une insuffisance du syndicalisme et qu'une association comme ATTAC a montré ses preuves, qu'elle pouvait, ben, qu'elle pouvait faire un certain nombre de choses. Participer à des mouvements citoyens, que ce soit à Millau, que ce soit à Seattle, que ce soit à Bruxelles, de participer à un certain nombre de ces mouvements et qu'on était capable, là, d'interpeller le politique et d'interpeller la société toute entière. »

C'est ici l'idée de complémentarité entre les différents engagements qui est soulignée. L'engagement politique et syndical, même s'il demeure présent, est jugé incomplet et ce constat permet une recherche et une réceptivité accrue des idées ou des formes de militantisme nouvelles. Ici, ATTAC n'apparaît pas comme une concurrente mais comme le moyen d'aller plus loin et d'ajouter une facette à son engagement.

Le sentiment d'une insuffisance des structures traditionnelles place donc ces militants dans une disposition d'esprit propre à leur faire éprouver un certain intérêt pour une nouvelle forme d'action qui se démarque de l'action partisane ou syndicale.

Une forte transitivité des militants

Il nous semble que la connivence existant entre différentes organisations et ATTAC peut favoriser la « transitivité » des militants vers cette nouvelle association44(*). Le fait qu'un mouvement soit un membre fondateur d'ATTAC ou un adhérant de celle-ci nous paraît être de nature à favoriser le passage d'un militant de ce mouvement à ATTAC. La fréquence de la présence dans les rangs d'ATTAC d'individus membres du Syndicat SUD (Trois militants sur les 6 syndiqués font partie de SUD) ou de la LCR (deux militants) va dans ce sens. Qu'il s'agisse de conférences, de manifestations ou d'évènements plus importants, le milieu altermondialiste est organisé comme un réseau de coopération entre groupements politiques45(*). Ceci apparaît clairement comme une stratégie des mouvements politiques pour pallier l'éclatement des thèmes de luttes et à la petitesse des organisations (surtout dans les petites villes et notamment en Alsace où il y a certainement plus d'élus de droite que de militants de gauche...). Il existe donc une entraide entre les organisations qui facilite le brassage des militants :

« Ben, c'est dans le monde associatif, alter-mondialiste, on va dire, c'est « tu viens à ma manif, je vais à la tienne ». C'est un échange de bons procédés. J'annonce que la manif aura lieu tel jour, telle heure, et j'invite les membres à y aller s'ils ont envie d'y aller et voilà. »46(*)

C'est en partie pourquoi, dans ce cas, ATTAC n'apparaît pas comme une concurrente aux autres engagements. Le plus souvent, il s'agira d'un engagement supplémentaire et non d'un changement de mouvement. De plus, les liens tissés par ATTAC avec d'autres mouvements et associations dans les débuts de son existence et depuis, nous paraissent également jouer un rôle dans la dynamique d'adhésions qui a marqué le mouvement. La collaboration d'ATTAC et de ses comités locaux avec des collectifs (collectif contre l'AMI par exemple) ou dans des manifestations d'initiatives diverses (confédération paysanne) nous paraît avoir facilité sa croissance.

Mais la création d'ATTAC par un réseau d'associations ou de groupements n'explique pas, seule, les dynamiques de sur-engagement. Dans le cadre d'une accumulation d'engagements politiques, syndicaux et associatifs, l'action politique de base permet de côtoyer d'autres mouvements. C'est l'action dans un parti ou un syndicat qui va permettre (par le truchement de réseaux, de collectifs ou de liens personnels établis à travers l'action militante) la prise de contact avec ce type d'associations. La prise de contact est donc aussi favorisée par l'activité militante passée et présente.

Finalement, devant les difficultés des mouvements à renouveler l'action politique, ce sont les militants qui tentent, à travers de multiples participations, de lui redonner un sens. En tentant de dépasser les cloisonnements qui existent entre action politique, syndicale et associative, ces militants tentent de construire eux-mêmes les nouveaux cadres de l'engagement politique.

L'émergence de cet aspect individuel des réseaux a été décrit par Jacques Ion, pour qui la nature des réseaux tend à se modifier. Il affirme que « ce n'est plus le réseau de groupements qui constitue le cadre de l'engagement, c'est au contraire de plus en plus les individus eux-même qui créent des réseaux. »47(*) et confirme notre hypothèse concernant les réseaux interindividuels : « La transitivité des individus entre les divers groupements accompagne ainsi l'apparition de réseaux qui ne tiennent, au moins partiellement, leur existence que de la seule action des individus qui la constituent. Bref, les réseaux ne sont plus des données préexistantes à l'engagement, ils se dessinent au fur et à mesure des implications croisées des engagements individuels ».

Quoi qu'il en soit, on peut supposer qu'ATTAC n'aurait pas connu une telle vague d'adhésion sans le rôle joué par les réseaux d'organisations et les réseaux interindividuels.

Formation militante et nouvelles stratégies

Si le sur-engagement dans ATTAC est facilité par l'insuffisance des structures traditionnelles et par l'existence des réseaux, on peut trouver dans les caractéristiques d'ATTAC des aspects attirant particulièrement ces militants.

Premièrement, il faut considérer que les organisations traditionnelles dont sont issus ces militants peuvent tarder à se remettre en question sur les certains thèmes ou sur des stratégies politiques48(*) . La possibilité de débattre, pour les militants, au sein de leurs organisations peut également être beaucoup moins étendue que dans une association comme ATTAC. S'y engager peut donc permettre à ces militants de mener leur propre réflexion sur les modalités d'une reprise en main citoyenne :

« Je suis représentant du personnel (CGT)... au niveau national. Bon, les problèmes de fond m'intéressent et j'y suis confronté... Mais dans le cadre d'une structure rigide, je recherchais d'ATTAC autre chose, justement. Ce débat d'idée plus ouvert. »49(*)

L'accès à l'information y est beaucoup plus facile que dans d'autres structures et l'engagement en son sein peut sembler plus « profitable » aux militants. L'engagement dans ATTAC peut donc permettre à ces militants de renouveler leur répertoire d'action, d'ajouter des facettes à leur engagement et de s'enrichir (culturellement) personnellement. L'engagement dans ATTAC apparaît comme une formation complémentaire.

Ensuite, au point de vue de l'efficacité politique escomptée, ATTAC leur apparaît être quelque chose d'attractif. En effet, ces militants ont le sentiment que l'horizon politique est bouché et que l'action partisane et l'action syndicale ont désormais une efficacité limitée. Dans ce cadre, l'approche originale d'ATTAC qui tente de nouvelles stratégies politiques allant de l'éducation populaire au lobbying politique leur paraît intéressante. Dans la lutte contre le libéralisme, toutes les formes d'actions sont bonnes pour tenter d'enrayer le système. Le positionnement d'ATTAC hors de la sphère électorale et hors de celle du travail laisse entrevoir des types d'actions originaux en sortant des traditionnelles campagnes électorales ou mouvements de grève dont l'efficacité décline. De plus, en sortant du carcan des partis et syndicats, l'association semble ouvrir d'autres perspectives critiques et ré-ouvrir le champ des possibles.

Enfin, la globalité de la critique d'ATTAC leur paraît intéressante. A travers le néo-libéralisme, ATTAC peut faire le lien entre des combats divers et des thèmes variés. Alors que le combat syndical reste limité à la défense des conditions de travail et à la préservation des acquis sociaux, donc dans une posture défensive, ATTAC peut faire le lien entre la dégradation des conditions sociales et la « logique néo-libérale » qui est la cause de la casse des systèmes sociaux. L'association peut relier la défense de l'emploi à la critique des délocalisations. Quand les partis politiques sont limités à des thèmes de politique intérieure, ATTAC réussit à lier les problèmes nationaux au thème de la mondialisation. L'action dans ATTAC peut donc permettre d'articuler différents combats, d'ajouter une dimension offensive et revendicative à une posture défensive.

Le rythme de l'engagement est également différent dans une association que dans un parti, soumis aux échéances électorales, ou un syndicat qui évolue au fil des luttes et des réformes. A ce titre, l'action dans ATTAC, bien qu'elle soit tributaire de l'actualité et des luttes sociales, peut revêtir une dimension de long terme. Le travail d'éducation populaire ou de sensibilisation aux thèmes de l'association ne peut effectivement se concevoir que comme une tâche de longue haleine.

Enfin, ces militants souffrant avant tout, dans le cadre de leur action politique ou syndicale, de la baisse de l'engagement, l'objectif d'ATTAC de combattre le découragement et de ramener les individus à l'action politique ne peut que les satisfaire. Leur engagement dans ATTAC peut donc leur permettre d'alimenter une conflictualité sociale dont le déclin rendait moins efficace leur engagement politique.

Ces militants sur-engagés, bien qu'originaires d'organisations différentes partagent donc la conscience de l'insuffisance de leur engagement politique ou syndical. Leur sur-engagement est facilité par l'existence et la multiplication des réseaux de groupements et des réseaux individuels mais est déterminé par la forme originale de l'association qui adopte des stratégies nouvelles.

Cette première sous partie nous a donc permis de dégager trois types de militants. Revenons rapidement sur chacun d'entre eux. Les nouveaux militants sont mus par un fort rejet des partis politiques par lesquels ils ne se sentent pas représentés. Ils voient dans ATTAC une construction originale qui peut leur permettre de reprendre la parole en tant que citoyens face à l'impression que tout est perdu. La réussite d'ATTAC pour capter ce potentiel militant fort critique a principalement résidé dans sa forme associative et ses thèmes.

Les anciens militants réengagés viennent d'horizons politique très divers au sein de la gauche française. Ils partagent cependant une grande méfiance vis-à-vis des structures qu'ils ont fréquenté et qui veulent goûter à un militantisme plus libre, où ils ne seront plus les derniers maillons de la chaîne. Leurs parcours militants les ont conduit à des postures facilitant le retour au militantisme. Cependant, leur engagement dans ATTAC semble fortement déterminé par la nouveauté des thèmes et le fonctionnement décentralisé qui pourront leur permettre de dépasser leurs engagements précédents.

Enfin, les militants sur-engagés suivent une logique encore différente puisqu'ils comptent sur ATTAC pour compléter leur engagement. Amenés à fréquenter l'association par le truchement de leurs autres engagements, ils trouvent dans la stratégie hybride de l'association la nouveauté qu'ils recherchent. Chaque catégorie emprunte des voies particulières et s'engage donc selon des logiques qui lui sont propres. Les militants investissent leur engagement dans ATTAC d'un sens différent selon qu'ils entrent, retournent ou demeurent dans le monde militant. Ces logiques diverses d'entrée dans l'association montrent que celle-ci a su avoir un discours suffisamment large et général pour correspondre à des logiques diverses. Elle montre en tout cas que les principes de base du mouvement correspondent à des manières de voir qui ne sont pas déterminées par des attaches ou des parcours politiques particuliers. La diversité des sensibilités politiques des membres que nous allons analyser maintenant renforce cette idée.

II. La diversité des sensibilités politiques

Le deuxième facteur apparent de diversité chez les militants d'ATTAC concerne leur rapport à la politique, leur sensibilité. Ce point nous paraît être d'une importance particulière car l'existence dans une même organisation politique d'individus ayant des manières différentes de voir le monde et des objectifs politiques divers est peu ordinaire. D'ordinaire, c'est justement un même état d'esprit qui lie les militants. Nous avons vu qu'ils ont des parcours différents et qu'ils connaissent des logiques d'engagement variables en fonction de leur génération ou des organisations dans lesquelles ils se sont précédemment engagés. Alors que les différences évoquées dans la première sous-partie sont des différences objectives, celles qui vont nous intéresser maintenant sont plus de l'ordre du subjectif.

Dans un premier temps, nous allons voir que les militants sont issus de diverses cultures politiques. En fonction de leur parcours, ils utilisent des vocabulaires différents et adoptent des positions politiques différentes. Selon les traditions politiques dont ils se réclament, ils adoptent également un rapport différent vis-à-vis des idéologies.

Il est possible de déceler également de multiples sensibilités politiques. Dans leurs rapports aux partis politiques en général ou à un parti en particulier, les militants dressent un tableau très varié. Celui-ci est renforcé par la variation des thèmes de prédilection d'un militant à l'autre. Nous verrons comment cette diversité de sensibilités politiques est perçue par les membres.

Enfin, nous nous intéresserons aux déterminants de l'engagement pour voir qu'il existe des différences sensibles dans ce qui motive les militants à s'engager.

A. Un grand panel de cultures politiques

La variété des parcours individuels et des périodes d'entrée en politique n'est pas sans conséquences, nous l'avons vu, sur les perceptions du monde politique et sur les attentes particulières des militants. Elle engendre également de grandes différences de cultures politiques. Nous entendons ici par culture politique « une sorte de code et un ensemble de référents, formalisés au sein d'un parti ou plus largement diffus au sein d'une famille et d'une tradition politique ». Phénomène collectif, « elle concerne au même moments des groupes entiers qui en partagent les postulats, les grilles de lecture, les interprétations, les propositions, qui utilisent les mêmes discours, se rangent derrière les mêmes symboles, participent aux mêmes rites » 50(*). Ainsi, en fonction de la période et des cercles de sociabilité, les vocabulaires et les grilles de perception du monde évoluent. Le rapport aux idéologies est également différent d'un militant à l'autre et nous a semblé intéressant à analyser.

Références et lexiques politiques

On considère habituellement que la culture politique « forme l'assise de l'appartenance politique. C'est elle qui conduit les citoyens à s'identifier quasi-instinctivement à un groupe, à comprendre sans efforts son discours »51(*). Or, ATTAC apparaît comme un mouvement dans lequel coexistent une multitude de cultures politiques. En premier lieu, il existe de grandes variations dans la connaissance de l'histoire politique et sociale française. Alors que les militants les plus âgés qui connaissent des parcours politiques long peuvent s'appuyer sur de nombreuses références en la matière, une partie des nouveaux militants, notamment ceux issus de familles peu politisées, est totalement étrangère à cette histoire. Alors que les anciens militants ont connu, de l'intérieur des mouvements, les évolutions qui ont eu lieu depuis 20 ans dans le monde politique et ont eu tout le temps de s'imprégner des discours propres à leurs organisations, les nouveaux militants ne bénéficient pas de ces références intellectuelles.

C'est dans les types de vocabulaires utilisés que se font le plus sentir les différences dues aux différents stades de l'engagement auxquels se situent les militants. Les militants réengagés, sur-engagés ou les nouveaux militants issus de familles très militantes (c'est le cas d'un membres dont les parents militent au PC depuis plusieurs décennies) réinvestissent souvent le discours hérité de leurs organisations d'origine52(*). Leur vision du monde est encore marquée par les paradigmes propres à leur socialisation politique. Chez les militants issus du PC ou de l'extrême gauche53(*), le discours est marqué par une vision du monde classique sur le mode de la lutte des classes. Le vocabulaire du mouvement ouvrier est très présent : défendre « les exploités », s'attaquer au « système d'oppression capitaliste » et aux « inégalités sociales ». Ces militants ont souvent une réflexion centrée sur l'économie, jugée responsable de tous les disfonctionnements. Les solutions souhaitées sont souvent macro-économiques. Il faut s'attaquer à un système, à des institutions spécifiques. C'est une vision dans laquelle l'économique détermine le politique et le social.

A l'inverse, certains nouveaux militants (et particulièrement trois d'entre eux) n'ont aucune connaissances en économie hors de celles qu'ils ont acquises à ATTAC. Bien que l'association soit fondée essentiellement sur des thèmes économiques, une partie des militants se désintéresse des solutions économiques. C'est plus contre un « état d'esprit » libéral qu'il faudrait lutter. L'économique est ici déterminé par des valeurs. Interrogé sur son rapport au capitalisme et au libéralisme, G, 27 ans et nouveau militant nous répond :

« Ben, je peux pas trop me situer parce que je ne comprends pas trop ce que ça veut dire au départ. Disons que c'est pas que je comprends pas mais j'ai pas envie de savoir, quoi. Puisque ça me semble pas être la question la plus importante de savoir, d'avoir un discours cohérent pour dire « je combats contre le capitalisme » et donc forcément on va trouver des solutions économiques au capitalisme. Alors qu'à mon avis c'est un agrégat de micro-solutions et de petites expériences qui feront que ça changera. Mais dire « mort au capitalisme » ou « il faut que le capitalisme change », c'est pas l'important, l'important c'est ce qu'on fait. Et puis, moi j'ai pas un discours sur le capitalisme. Je saurais pas faire et je sais pas si ça m'intéresse en fait, parce que ça ne me semble pas prioritaire. [...] Et par contre, contre le libéralisme... on voit ce que c'est, on dit libéralisme, c'est contre l'individualisme poussé à l'extrême, qui gangrène à peu près tout et qui est élevé en valeur suprême. 

(J : Oui, donc, c'est plus contre une valeur que contre un système ?)

Oui, une attitude qui est élevée au rang de dieu... Le libéralisme, c'est ça enfin le néo-libéralisme... J'ai pas beaucoup de fondements historiques ou théoriques... moi faire une théorie à partir de la pratique, ça m'intéresserait plus, quoi. L'idéologie révolutionnaire ou l'idéologie « se battre contre », un espèce de grand truc, on ne sait pas ce que c'est, se battre contre le FMI et le capitalisme, je veux bien mais ça veut dire quoi ? On va coller des trucs en disant « c'est mal ». Les gens ils ne savent même pas ce que ça a comme conséquences concrètes. C'est bien de le savoir mais après voilà, il faut se dire, « dans cette idéologie là, qu'est ce que je peux combattre à mon niveau ? »54(*)

Nous voyons très bien ici que l'économique et le macro ne sont pas du tout une priorité pour ce militant. De même, il ne se positionne pas par rapport aux clivages qui dessinent habituellement des lignes de partage entre les mouvements politiques de gauche.

Le refus de se situer par rapport au capitalisme par exemple dénote d'une logique différente qui ignore les « fondamentaux » de l'engagement politique à gauche. Cette posture peut être troublante pour des militants chevronnés :

« J'avais un peu été à des réunions de préparation et là, j'ai vu débarquer des gens, qui sont toujours là pour certains, assez jeunes, très peu politisés, voir pas du tout. Mais plein d'enthousiasme et d'envie de faire des trucs et c'était des gens qui étaient... alors ça c'est des gens avec qui il y a eu des clash tout de suite avec X. notamment, parce que lui, il avait un discours très carré et il ne supportait pas cette méconnaissance totale du système, quoi. Mais en même temps, c'est des gens qui ont apporté énormément, je pense, à ATTAC. Parce que c'est vrai que des fois ils sortaient des conneries, par ignorance ou aucune connaissance de l'histoire du mouvement ouvrier ou des choses comme ça. »55(*)

Entre ces deux types extrêmes de militants, qui sont soit fortement marqués par la culture du mouvement ouvrier, soit qui y sont totalement étrangers, existe tout un panel de nuances dans la connaissance et l'utilisation des vocabulaires et des concepts propres à différentes familles politiques de gauche. Il existe donc un décalage cognitif important entre les militants issus de différentes générations et cultures politiques. Les militants ne peuvent donc pas compter, au sein d'ATTAC, sur des bases politiques communes, des présupposés, des non-dits qui seraient compris par tout le monde.

Le rapport au capitalisme

S'il est un point difficile à éclaircir avec un mouvement comme ATTAC, c'est bien l'étendue de son hostilité au système ou de sa radicalité s'il l'on préfère. Alliant des prises de position parfois utopiques et s'aventurant parfois (timidement il faut le reconnaître) sur les thèmes de la décroissance ou de l'autogestion, elle adopte tout de même un profil très réaliste et respectable. Il nous a donc paru utile de nous intéresser aux rapports que ces « réformistes révolutionnaires » comme les définit un militant interrogé, entretiennent avec le capitalisme. On pourra objecter que la détermination de catégories de militants sur la base de leurs rapports au capitalisme est passéiste et galvaudée. Cependant, la divergence de ces rapports semblent animer des sentiments allant de la gêne à la méfiance entre les militants. Bien qu'ATTAC s'affiche clairement comme un mouvement réformiste, cela n'empêche pas que certains militants s'inscrivent dans une perspective de dépassement du système capitaliste.

Nous voyons donc là apparaître une ligne de séparation. En effet, à l'intérieur de ceux qui se positionnent par rapport aux « fondamentaux » dont nous parlions plus haut, il existe une fracture entre ceux qui remettent clairement en cause le capitalisme dans sa nature même, car il repose sur les inégalités, et ceux qui sont prêts à s'en accommoder sous certaines conditions. Même si le vocable adopté par l'association, notamment la notion de libéralisme ou de néo-libéralisme permet de gommer à priori les différences, chacun s'accordant à penser que le système s'emballe, les divergences traditionnelles persistent. En effet, ATTAC compte en son sein aussi bien des anciens révolutionnaires que des réformistes traditionnels. La position adoptée vis-à-vis du capitalisme n'est pas la même qu'on soit issu du parti socialiste ou d'une famille communiste, cela va de soi :

« Il y a des gens, même au sein d'ATTAC, pour qui la question du capitalisme, elle est pas claire du tout, elle est pas réglée du tout. Il y des gens qui ont pas vraiment... on sent que ce rapport au, à toute une réflexion sur l'exploitation capitaliste, sur la nature du capitalisme... [...] Moi, je suis anti-capitaliste. Pour moi, je veux dire, en fait je suis à ATTAC parce que pour moi ATTAC est anti-capitaliste. Parce qu'au fond, si on réfléchit, s'attaquer au capital, c'est s'attaquer au capitalisme. Mais c'est vrai que pour le prolonger, il faudrait aussi parler d'autogestion, etc... Et à ATTAC, on sent qu'i y a une fraction d'ATTAC, plutôt socialo un peu, qui justement est pas claire avec ça, peut-être. Ils sont keynésiens, je dirais, keynésiens. »56(*)

Il y a en effet au sein d'ATTAC-Strasbourg des militants ayant tout à fait accepté le capitalisme comme système économique et ne s'étant d'ailleurs jamais opposé à celui-ci (nous dirons les deux tiers) . Ce n'est pas une réflexion sur la nature destructrice et inégalitaire du système capitaliste qui les amène à s'engager mais, plus souvent, un sentiment de colère vis à vis de la dégradation des conditions de travail et de vie :

« Bon, c'est vrai, à ce niveau-là, c'est difficile pour des gens de mon âge, quand on a connu le bon pendant des années et maintenant le mauvais... C'est vrai j'arrive pas à m'y habituer, je le dis tout haut, je n'arrive pas à m'y habituer. Quand on a connu le bon, quand on pouvait dire à un patron « si vous ne me donnez pas 10 pour 100 de plus je m'en vais. Demain je vais ailleurs. ». Si vous dites ça à un jeune, il se dit « il est fou, celui-là, qu'est-ce qu'il raconte ? ». C'est vrai, ça a existé donc on ne peut pas s'habituer au mauvais maintenant, on a du mal... »57(*)

On peut donc distinguer deux catégories de militants. Ceux dont l'objectif est l'aménagement social du capitalisme et ceux qui inscrivent leur action dans le cadre d'un dépassement du système. Pour les premiers, il est possible de réformer le système qui n'est pas foncièrement mauvais et qui serait surtout le seul qui soit efficace. On accepte de « jouer le jeu » et on adopte une posture très réaliste :

« Ecoutez, quand on a une espérance de vie moyenne de 80 ans, on tient à mourir dans un monde un peu meilleur que celui qu'on a connu en arrivant, c'est tout. Un peu...Et même maintenant, j'ai l'impression qu'il régresse. Bon, alors c'est pas commander le paradis sur terre pour tout de suite, quoi. C'est pas possible. »58(*)

La critique est surtout centrée sur les dérives d'un système capitaliste qui privilégie de plus en plus l'aspect financier, au détriment du travail. C'est la toute puissance des marchés qui est remise en cause et non la nature du système lui-même. Ici, le libéralisme et la globalisation financière apparaissent comme des phases du capitalisme, des « options » qu'il serait possible de modifier. Comme pour Lionel Jospin et une partie des militants du PS qui disent « oui à l'économie de marché, non à la société de marché »59(*), cette vision suppose que le capitalisme puisse être contrôlé. C'est bien le caractère incontrôlable de la mondialisation et de la logique néo-libérale qui est remise en cause par ces militants.

Pour les seconds, le capitalisme repose forcément sur des inégalités et c'est donc lui qu'il faut combattre :

« Disons que là, j'ai quelques reste de la LCR, en fait... J'ai quelques restes de la LCR et je suis persuadée qu'avec ce système-là, de toutes façons, ça pourra pas marcher. »60(*)

Cet état d'esprit peut s'expliquer, on le voit, par le réinvestissement des cadres d'analyse du mouvement ouvrier. La sensation que le système capitaliste est un système total, qui n'accepte de faire des compromis que temporairement pour sa survie61(*), amène à penser que le changement de système économique est un préalable au changement social. Il peut également s'expliquer aujourd'hui par un « humanisme égalitaire »62(*). L'ordre établi est perçu comme illégitime car fondamentalement inégalitaire.

Il faut également considérer une autre ligne de fracture. Certains militants sont issus des milieux anarchistes ou en sont proches ( deux militantes ). Ils sont donc intéressés par des thèmes comme l'autogestion et nourrissent à l'égard d'un Etat de plus en plus sécuritaire une méfiance croissante.

« Par exemple je connais mes limites par rapport à ATTAC. Bon, c'est un mouvement, c'est bien parce qu'il évolue dans ses revendications mais... je partage la critique avec eux, sur les solutions, parfois je suis un peu en distance parce qu'au départ en dernier ressort, ATTAC disait "L'Etat s'est fait déposséder de son pouvoir par les multinationales, il faut qu'il y ai plus d'Etat". Moi je ne crois pas que la solution pour les citoyens ce soit l'Etat, je crois à quelque chose... au moins une démocratie participative, au minimum. »[...]

« L'image négative que peut donner ATTAC à des gens plus radicaux, c'est qu'on pense que c'est des réformistes. Alors, moi je ne pense pas être une réformiste, et ceux que je fréquente non-plus mais il est probable que le vice des revendications d'ATTAC, soit que ce ne sont que des réformes. »63(*)

Ces réflexions semblent bien éloignées de celles de militants intéressés principalement par l'aspect concret de la taxe Tobin et voulant défendre l'Etat et le réhabiliter pleinement :

« Oui, oui. Je me suis fait inviter à ce moment-là aussi par le président du conseil général, qui voulait savoir... Bon, j'ai tenu à montrer un visage d'ATTAC à visage humain. Sans mettre un mouchoir sur mes conviction, c'est évident. En essayant aussi de faire voir qu'il y avait chez nous des Verts, des liguards, des non-encartés, des etc, mais que je n'acceptais pas moi des choses qui auraient dû, avec des médias un peu vicelards quelquefois, faire croire qu'on est des anarchistes. Par exemple, je me permet de dénoncer quelque fois certaines tendances chez certains à ATTAC, les anarchistes... je leur dit « mais non, on peut les trouver sympathiques mais on ne peut pas les soutenir, nous on veut défendre les services publics et eux ils sont contre l'Etat, il y a des choses élémentaires qu'il ne faut jamais oublier.« »64(*)

La nature de l'association, nous verrons plus tard comment, permet à ces questions de ne pas se poser trop directement. Cependant, force est de constater que les objectifs des militants sont très différents en fonction de leur parcours ou de leu culture politique.

B. La sensibilité politique

Les références politiques sont donc diverses chez les militants. Il en va de même de leur sensibilité politique. Nous entendons par-là ce qui fonde leur rapport au monde politique traditionnel. Ainsi, sur les rapports qu'ils entretiennent avec les partis politiques et sur leur situation sur l'échiquier politique français les militants dressent un tableau très éclectique. Il en va de même pour les thèmes qui les interpellent le plus.

Rapports au champ politique

Nous avons vu plus haut que les partis politiques suscitent chez presque tous les militants de nombreuses critiques. Qu'elles s'expliquent par des passages malheureux dans ces partis ou par une perte de confiance dans la compétition électorale, elles dénotent d'une méfiance générale envers les partis. Cependant, les partis politiques restent les vecteurs privilégiés du changement politique. La démarche d'ATTAC est d'ailleurs en partie de faire du lobbying politique, ou en tout cas d'amener les forces politiques à prendre en compte les revendications du mouvement65(*). Nous allons décrire ici les rapports divers et changeants que les militants entretiennent avec les partis.

Pour commencer, il faut dire que nous retrouvons ici la même variété de réponses que pour les points précédents. Les votes des militants aux élections nationales vont du PS au PC en passant par la LCR et les Verts. Ce qui frappe d'abord, c'est le caractère aléatoire des votes et il est donc très difficile de dire qui vote pour qui de manière précise. Même si en général, les ex-militants restent attachés à un vote pour leur parti d'origine, le parti destinataire varie selon l'importance et la dimension du scrutin. Il arrive que sur trois élections successives, les votes aillent à chaque fois à un parti différent. C'est bien le dessin d'une gauche introuvable qui est dressé par ces militants. Ils n'ont pas d'attirance pour un parti en particulier mais occasionnellement pour un thème de programme particulier. L'objectif est souvent de favoriser un petit parti (les Verts, LCR, listes indépendantes de gauche) au premier tour. Au second, il y a souvent un vote « forcé » pour le PS, qui crée du coup un sentiment de frustration puisque celui-ci semble sourd aux exigences des altermondialistes. Le calcul est souvent le suivant :

« il y toujours le fait de dire « j'alimente le courant qui est le plus proche de moi à l'intérieur du fameux rapport de force interne à la gauche... ou de droite, si on est de droite«. Si j'étais de droite, je voterai Bayrou, pour faire chier. » 66(*)

Mais le rapport des militants aux partis politiques est très variable. Il peut aller du rejet pur et simple (pour des militants ayant abandonné depuis longtemps toute pratique électorale hors du cadre local) à l'espoir que ceux-ci puissent être un canal de changement. Du coup, les avis divergent sur les rapports à entretenir avec les partis et les élus locaux. Alors qu'il est normal pour certains d'être visibles et de faire bonne figure, cela passe pour de la « collaboration » pour les autres :

« je prends un cas précis par exemple. Je vois une grande femme, c'est la vice-présidente d'ATTAC, c'est Suzanne Georges, qui nous dit, c'était à La Rochelle, « il faut à tout prix aller« elle a pas dit botter le cul parce que c'est une bourgeoise très bien élevée, « aller secouer les gens qui ont signé, les parlementaires qui ont signé la charte d'ATTAC, etc... «. Le fait même que je sois allé voir le député local, qui par hasard était quelqu'un qui avait signé cette chartre, avec lequel je ne suis pas en odeur de sainteté d'ailleurs, m'a valu une volée de bois vert. C'est inadmissible, c'est comme si j'allais pactiser avec... Alors, là, je deviens assez ferme quand je dénonce des gens qui refusent tout contact sous prétexte que ce serait un acte d'allégeance, voilà.67(*)

Ceci dépend pour partie de l'existence d'engagements précédents dans des partis ouvrant l'accès à des responsabilités. Un ex-militant du PS aura un rapport beaucoup plus naturel avec des élus locaux que des néo-militants hostiles à toute forme de pouvoir. Il existe d'ailleurs un fossé entre des militants voyant dans le pouvoir une source de corruption automatique et se réjouissant qu'ATTAC reste à l'écart de ces phénomènes et des militants qui se présentent à des élections locales.

Les thèmes de prédilection

Il existe également une grande différence dans les thèmes qui intéressent les militants. L'association peut satisfaire un large panel de personnes en traitant par la question du libéralisme des thèmes variés : économie, social, écologie, politique... En fonction de leurs intérêts propres, de leur origine socioprofessionnelle ou politique, les militants arrivent dans l'association avec des projets divers. De là, il est tentant pour chacun d'orienter l'association vers un but précis :

« Bon, ce qu'il y a aussi de déprimant un peu, c'est que dans chaque nouvelle structure, on voit arriver des gens qui ont froid chez eux et qui viennent se réchauffer, quoi. Et qui sont là avec un yakaïsme un peu naïf et répétitif. Bon, ben tant pis mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps quand même. Il y en a un qui nous a imposés comme principal truc à ATTAC ici, de l'essence à base de maïs. Moi je veux bien, c'est intéressant mais que les Verts s'en occupent, c'est pas vraiment notre truc. Et alors à chaque réunion, il ramène ça.

Il y a effectivement dans les associations, dans les partis, dans les clubs, dans les syndicats, un pourcentage assez important de gens qui sont mal dans leur peau. Il faut en être conscient, ça veut pas dire qu'il faille les écoeurer, ça veut pas dire non-plus qu'ils aient la main-mise sur la marche de la chose, quoi. »68(*)

Comme nous le voyons ici, il est parfois difficile de concilier toutes les priorités. Si un accord est trouvé entre les militants sur la critique d'un capitalisme « dur », les thèmes annexes font plus ou moins d'émules. L'exemple de l'écologie est assez frappant. Il existe en effet, notamment chez les jeunes, une frange de militants proches de mouvements comme Greenpeace et résolument écologistes. Leur participation à un mouvement dans lequel il existe des personnes pro-nucléaires ne va pas sans créer quelques tensions notamment lorsque d'autres organisations comme « Sortir du nucléaire » sollicitent le soutien d'ATTAC lors d'actions ponctuelles.

Chaque nouveau thème d'action envisagé donne lieu à des débats dans l'association et fait apparaître les différences de sensibilités politiques entre les membres. Le fragile consensus établi sur la question du néo-libéralisme est souvent menacé par l'éparpillement des thèmes d'action. En témoigne la volonté de la plupart des membres que l'association n'élargisse pas trop son champ de revendication et d'action et sache rester sur son domaine69(*) :

«  il y a aussi un danger, je suis toujours un peu le pied sur la pédale du frein, là. Je n'aime pas qu'ATTAC se dilue trop. J'aime pas qu'on soit systématiquement obligé de prendre parti pour les kurdes contre les turcs, pour les Bosniaques contre les Serbes... il y a d'autres associations qui s'occupent beaucoup mieux que nous de la faim dans le monde, des tchétchènes etc, etc... on ne peut pas s'occuper de tout, si on veut tout faire on ne fait rien. Donc moi j'estime que ça devrait essentiellement se concentrer sur la dénonciation du système néo-libéral qui est virulent depuis la chute du mur de Berlin, c'est historiquement visible. »70(*)

Il paraît important aux militants que l'association ne se positionne pas sur chaque thème comme le ferait un parti politique. C'est principalement ATTAC-national qui est visé par ces remarques. En effet, celle-ci a tendance à multiplier les interventions sur des thèmes qui ne font pas du tout l'unanimité dans les comités locaux.

L'attrait de la diversité

Puisque nous centrons ici notre analyse sur la diversité des profils des militants et de leurs sensibilités politiques, il faut souligner le fait que cette diversité de personnes au sein d'ATTAC soit un des motifs souvent évoqués dans ce qui attitre dans l'association. Ce point peut paraître paradoxal puisque cette diversité contient des risques majeurs de divisions internes au mouvement. S'il est vrai que la diversité des expériences et des positionnements politiques peut être enrichissante et que la mise en commun de toutes ces nuances a toutes les chances de créer des manières de voir originales, elle peut également paralyser l'action du mouvement et forcer les militants à un certain auto-contrôle ou une attention particulière dans « le dosage de la critique ».

Il nous semble en fait que cette diversité consacrée dans ATTAC est surtout intéressante en ce qu'elle garantit aux militants une liberté de parole et d'opinion difficilement trouvable dans d'autres organisations politiques. La diversité de facto des membres assure aux militants de ne pas avoir à se couler dans un moule prédéfini et de ne pas avoir à accepter des représentations politiques toutes faites. La diversité est donc ressentie comme un gage de liberté.

La diversité des autres permet leur propre diversité au sein du mouvement. Qu'il s'agisse d'anciens militants en rupture avec la discipline partisane ou de nouveaux venus pour lesquels le coût de l'engagement est élevé, le fait qu'il ne soit pas imposé de ligne politique stricte et qu'il soit un fait acquis que chacun pense autrement est un élément central de leur intérêt à ATTAC :

« On est d'ailleurs parfaitement libre de dire ce qu'on veut. Personne ne va nous dire : « attends, là c'est pas dans la ligne, t'es pas dans l'idéologie. ». Tu peux dire tout ce que tu veux sans que personne vienne te contredire. Donc, liberté totale et euh...je dirais qu'à la limite, on ne peut pas être plus démocratique. »71(*)

On le voit, les militants connaissent des positionnements politiques variés. La diversité des sensibilités politiques, si elle peut être à l'origine de tensions dans l'association peut également apparaître comme un aspect positif de l'association.

Nous avons donc vu dans cette sous-partie que les sensibilités politiques étaient très diverses chez les militants de l'association. Issus de cultures politiques différentes, ils ont des rapports très différents aux partis politiques ou aux idéologies. Ils ne peuvent compter ni sur une vision du monde partagée, ni sur un vocabulaire commun.

Leurs parcours et leur génération entraînent des différences de positionnements par rapports aux partis politiques. Qu'il s'agisse de leur perception générale de ceux-ci ou de leur identification à un parti en particulier, les militants sont issus de toutes les tendances de la gauche française.  Les thèmes de prédilection varient également énormément d'un militant à l'autre.

Ce sont donc des profils très divers qui apparaissent. Cette diversité qui apparaît comme un gage d'ouverture et fait la fierté de l'association peut également être un facteur de désunion permanente. Les clivages habituels qui divisent la gauche française ne sont en effet jamais bien loin.

Cette diversité engendre également des attentes différentes en termes d'action dans le mouvement. C'est ce que nous allons voir maintenant.

III. La diversité des raisons d'agir et des pratiques recherchées

Nous avons décrit plus haut la diversité des parcours militants, des déterminants sociaux et des facteurs qui amènent à s'engager dans ces mouvements. Cette diversité se retrouve dans les attentes que ces militants ont de leur engagement dans ces mouvements et sur les motifs de leur engagement. Les raisons qui amènent ces militants à s'engager oscillent entre l'action désintéressée et l'action pour soi.

Les parcours, les modalités d'engagements précédents et les types d'engagements parallèles influent en effet sur ce que les militants entendent retirer d'un nouvel engagement.

Par exemple, nous pouvons distinguer une catégorie de militants particulièrement attirés par la formation qu'ils peuvent retirer du mouvement, d'une catégorie motivée par l'action militante proprement dite.

A. Les déterminants de l'engagement

Voyons dans un premier temps, au risque de nous répéter un peu, ce qui amène les militants à s'engager dans ATTAC et tentons de classifier un peu le chapitre des « raisons d'agir ». Il faut noter que les logiques qui conduisent à l'engagement dans ATTAC sont de natures différentes. Que ce soit pour les autres ou pour soi, les militants ont des motivations différentes à l'engagement.

Un engagement altruiste

Au niveau des déterminants de l'engagement des militants, plusieurs dimensions peuvent être prises en compte. Certains inscrivent leur engagement dans le cadre d'une lutte contre l' « injustice » en général. Les inégalités, qu'elles soient économiques, sociales ou raciales sont une source d'engagement assez répandue. Les questions sur lesquelles agit un mouvement comme ATTAC expliquent assez facilement l'existence de militants « altruistes » dans leurs rangs.

Cet aspect apparaît clairement chez des militants qui ne se sentent finalement plus très menacés par les évolutions en cours. S'il les trouve choquantes en tant que telles, ils ne pensent pas avoir d'intérêt personnel à agir :

« Mais je suis bien content qu'il y ait des jeunes parce que ce n'est plus à nous... moi ma carrière est tracée, ce n'est pas à moi de me battre entre guillemets, mais c'est aux jeunes. C'est leur avenir qui est en jeu, ce n'est pas le mien. »72(*)

Le caractère altruiste de l'engagement est illustré par exemple par le souci d'élargir le mouvement aux classes populaires. Il s'agit en partie, bien-sûr, d'élargir les bases du mouvement et de lui donner une représentativité plus grande et plus de poids face aux partis politiques. Cependant, ce n'est pas la seule explication. Bien que menacés par les réformes néo-libérales, les militants sont rarement issus de milieux défavorisés. Leur situation socio-économique est loin d'être dramatique. Bien que fort revendicatifs, ces militants ont (mauvaise ?) conscience de ne pas être les plus à plaindre :

« Ben, si tu veux, mes parents étaient engagés dans pas mal d'associations humanitaire, caritatives, des choses comme ça. Donc c'était le quotidien pour moi quand j'étais plus jeunes de voir des réunions d'Amnesty international ou des choses comme ça, quoi. Et après, c'est... je m'intéresse... pour moi, l'injustice sociale c'est quelque chose qui m'écoeure depuis assez longtemps, sans avoir eu conscience que ça pouvait être une opinion politique d'être touché par l'injustice sociale, par exemple à 12-13 ans, je sais pas... Et après, je me suis dit «ben, voilà, pour moi ça va bien, je travaille donc ça marche, c'est bien pour moi, maintenant les autres« ».73(*)

Leur situation économique étant favorable et disposant du temps et de l'éducation nécessaire, parfois par tradition familiale, ils se sentent en partie obligés de s'investir pour ceux qui sont dans des situations défavorables. De ce point de vue, ATTAC dénonçant à la fois les inégalités nord-sud et la pauvreté dans le tiers-monde, réinvestissant par-là des thèmes issus du tiers-mondisme et de l'anticolonialisme74(*), et la précarisation dans les pays développés, ils y trouvent des thèmes qui leur correspondent.

Mais il apparaît aussi une certaine responsabilité morale. Bénéficiant justement de temps et d'éducation, ils se sentent forcés d'agir face à la dépolitisation des classes populaires et moyennes :

« Tu vois les gens qui galèrent au quotidien ne serait-ce que pour trouver à bouffer, pour trouver un boulot, etc... je comprends, à la rigueur ils ont même pas le temps de réfléchir, quoi. Et souvent ces gens là, en plus, ils ont pas non-plus l'éducation derrière pour réfléchir à tout ça. Mais les gens qui ont un mode de vie pépère et qui quand même subissent aussi. Les classes moyennes elles subissent aussi de plein fouet toutes les réformes actuelles, quoi. Et qu'ils réagissent pas, je trouve quand même que c'est dramatique. Et bon, de toutes façons, même les milieux défavorisés il faudra les toucher parce qu'il faut aussi leur faire comprendre que justement, c'est eux qui subissent de plus en plus tout ce qui se passe. Et voilà, ça c'est un truc qui nous manque à ATTAC, ça fait cinq ans qu'on en parle « l'éducation populaire », mais en même temps c'est très difficile, parce que sociologiquement, socio-économiquement, nous on est pas dans les catégories les plus défavorisées. Donc d'aller parler à ces gens là et d'échanger avec eux c'est très compliqué. »75(*)

La difficulté de nouer des liens ou de toucher les classes populaires dans « les quartiers » est d'ailleurs ressentie comme un échec et la question est souvent abordée dans l'association :

« Et c'est quelque chose, parce que le problème toujours de l'association ATTAC, et on en est conscients à tous les niveaux, national, régional, local, c'est comment toucher les gens des cités, qui souffrent vraiment. Je ne suis pas le plus malheureux, je ne souffre pas au sens étymologique du terme, je suis sûr qu'il y a des gens qui ont de gros problèmes et c'est ceux-là qu'on n'arrive pas à toucher. C'est ce qu'on a vu au FSE d'ailleurs, c'est typique. Où sont les chômeurs, les précaires... ?[...] Mais c'est vrai qu'en voyant la manif l'après-midi, j'avais pas l'impression de voir les gens... je veux pas dire « la France d'en bas » mais les gens qui ont vraiment des problèmes. Et ATTAC et consorts, ils ne savent pas les toucher parce qu'ils ont essayé... A Strasbourg aussi on a essayé de toucher les gens des quartiers mais ça n'accroche pas. Je ne sais pas pourquoi. Il y a une remise en cause à faire. »76(*)

La fragile alliance des « garantis » et des « sans » qui avait donné son originalité et sa force au mouvement social de décembre 9577(*) paraît être impossible à réaliser dans le cadre d'un mouvement intellectuel comme ATTAC. Les militants n'ont donc pas d'autres victimes à mettre en avant qu'eux-mêmes et ne peuvent rester sur une position de membres « par conscience ». Cependant, on ne peut nier l'existence de « militants moraux » comme les définissent Mc Carthy et Zald78(*), n'ayant pas d'intérêt direct à agir or les gratifications symboliques qui accompagnent un engageant pour une cause noble.

Un engagement pour soi

Mais ce caractère altruiste, qui semble aller de soi, doit être nuancé et n'est pas une explication satisfaisante pour bon nombre des militants interrogés. Premièrement, il faut dire que l'engagement de certains militants peut s'inscrire dans une logique plus ou moins sectorielle de préservation des acquis. La lutte contre le démantèlement de l'Etat Providence, des protections sociales ou du système de retraite s'explique par un souci de préservation de certains « avantages sociaux » qui concernent directement les militants (entre autres). Nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard.

Mais surtout l'engagement dans ATTAC est souvent déterminé par un besoin de reconnaissance sociale. Tout d'abord, il s'agit de s'intégrer socialement dans la cité. Pour certains, c'est un réflexe d'adhérer à ce type d'associations lorsqu'ils arrivent dans une ville nouvelle :

« parce que c'est surtout dans ce genre d'associations comme ça, justement, où les gens se posent des questions au niveau de la société et réfléchissent à plein de trucs, c'est le meilleur moyen de trouver des gens sympas, ouverts et tout. »79(*)

L'inscription dans ce type d'associations apparaît comme un moyen privilégié de s'insérer dans la cité. De plus, dans le cadre des comités locaux, l'action locale permet de développer des liens avec diverses associations et de multiplier les rencontres au fil des actions :

« Ben l'impression déjà que je fais quelque chose, même si minime soit-il, qui va peut-être de l'avant. Essayer de casser un petit peu la logique habituelle, enfin le mouvement du monde actuel. On a l'impression d'être un petit peu utile. Et puis au niveau personnel, de pas se renfermer sur soi-même et sur ses propres problèmes mais essayer avec d'autres de faire quelque chose de constructif pour la communauté. »80(*)

Trouver un lieu où les gens partagent les mêmes inquiétudes est un facteur de reconnaissance sociale et est rassurant dans un contexte de résignation générale.

Ensuite et surtout, le militantisme peut apparaître comme assez égoïste car répondant à un réel besoin, presque physique, d'agir politiquement. Il s'agit de « respirer », de trouver un peu d'air frais.

Cette impression de « respirer » revient fréquemment dans les discours des militants d'ATTAC. Le vocabulaire utilisé par les militants est d'ailleurs souvent emprunté au domaine biologique exprimant un besoin physique et personnel de s'engager. Le vocabulaire des sensations est utilisé et souvent mis en rapport avec des phases ou périodes chroniques où l'engagement deviendrait nécessaire de manière quasi-médicale :

« C'était énormément au niveau du ressenti, beaucoup plus qu'au niveau de l'intellect. C'est-à-dire que je sentais qu'il fallait faire quelque chose, ça me prenait aux tripes. »81(*)

La fréquence d'expressions comme « j'étais dans un moment où il fallait que ça bouge » fait apparaître comme des cycles psychologiques ou physiques de besoin d'engagement. L'engagement d'une catégorie de militants apparaît donc comme une question importante d'équilibre psychologique.

La symbolique du corps et de l'organique, permet de formuler un besoin très fort de s'engager, difficilement explicable autrement, et de faire apparaître une sorte de naturalité de l'engagement militant.

Enfin, l'engagement dans un mouvement comme ATTAC, nous l'avons dit plus haut n'est pas un engagement à sens unique. Il y a beaucoup à retirer d'un engagement qui met le militant au coeur du projet politique en lui permettant de se former économiquement, de multiplier les manières de s'engager et les contacts. Le temps consacré à l'association n'est donc pas uniquement perçu comme un temps de travail pour les autres mais comme un temps qui profite aussi individuellement au militant :

« J'ai pas l'impression que ce soit un travail non plus, je ne compte pas trop, quoi. Quand je vais à une réunion pour apprendre des choses, je considère pas que ce soit du temps de perdu, quoi, ou du temps donné à ATTAC. C'est quelque chose qu'on me rend. »82(*)

Les militants concernés agissent donc sur des sujets, qui, concernant l'ensemble la société, les concernent eux aussi. Ils peuvent également, en s'engageant, satisfaire un besoin et en retirer de gratifications personnelles. Mais c'est là que le rôle de l'intérêt personnel s'arrête. Il nous semble que l'analyse Olson83(*), basée sur le rôle des « incitations sélectives » ne s'adapte pas à l'engagement dans un mouvement comme ATTAC. Il y a en effet peu d'avantages (pour ne pas dire « aucun ») à retirer d'une participation à un comité local d'ATTAC. Il n'y a, par exemple, pas de professionnalisation possible dans l'organisation ( il n'y en a pas au niveau local et très peu au niveau national) ni dans le monde politique.

L'engagement est également souvent ressenti comme ouvrant le droit à l'expression, comme donnant une légitimité au discours :

« J'aime parce que c'est la seule façon à mon avis de ne pas mourir idiot. C'est pas pour être au courant de tout mais c'est au moins pouvoir dire, sans ambages, à un responsable quel qu'il soit, ça c'est bien, ça c'est moins bien et ça c'est répréhensible, c'est tout. C'est acquérir un droit de parole, d'être quelque part. »84(*)

L'expression individuelle est donc liée ici à l'existence d'un groupe, d'un collectif qui donnerait une assise et une visibilité à l'individu.

Il est également ressenti comme une question de cohérence :

« Donc, quand je parle à quelqu'un, à n'importe qui ou à des amis ou même à une copine je veux dire [...] quand je parle justement du monde ou de la société, au moins la parole a un certain poids, quoi. Je veux dire, on sait de quoi on parle. [...] C'est-à-dire que, tu vois à la limite, je me rappelle, avant que je sois militant - d'ailleurs, je n'aime pas ce mot-là, entre parenthèses, ça fait trop militaire, enfin bref, activiste citoyen, je préfère ce mot-là - enfin, avant que je sois activiste citoyen, les gens me disaient « oui d'accord, mais qu'est-ce que tu fais ? ». Bonne question. Maintenant, ben je préfère être cohérent avec moi-même et déjà, si je critique, et bien autant que je fasse quelque chose. »85(*)

Il est donc plus facile de prendre la parole et de critiquer lorsqu'on peut invoquer une action protestataire réelle en parallèle. L'engagement permet de canaliser une insatisfaction et tout en permettant d'énoncer plus précisément des refus, il donne une dimension positive, constructive au refus.

Les motivations et les raisons de s'engager offrent donc un riche terrain d'analyse et une diversité très grande. Les motivations des militants ne sont pas réductibles à une ou quelques tendances. Celles-ci sont imbriquées les unes dans les autres comme en témoignent les caractères altruiste et égoïste qui sont présents et s'entremêlent dans les discours militants.

B. Le type d'engagement recherché 

« Un mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action ». Cette formule définissant ATTAC illustre bien notre premier point. L'éducation et l'action, deux formes d'engagements qui drainent des publics aux attentes diverses dans l'association86(*). Les types d'engagement escomptés qu'ils soient réguliers ou irréguliers sont également divers.

Un engagement formateur

Le caractère formateur et réflexif attire tout particulièrement des militants sans bases économiques, voulant connaître afin de mieux critiquer (quatre militants de notre échantillon) et des militants d'anciens partis politiques cherchant une formation complémentaire (quatre militants dont deux réengagés et nos deux militants sur-engagés). 

Pour les anciens militants, il s'agit d'avoir un accès au savoir qui ne leur était pas forcément assuré dans leurs organisations d'origine. Bien que leur engagement leur permettait d'avoir un accès direct à la production intellectuelle de l'organisation ( par exemple par les tracts ou journaux qu'ils distribuaient), ils ne participaient toujours pas à la production du savoir. Les connaissances qu'ils recevaient étaient définies dans les instances dirigeantes de l'organisation. Il y a donc quelque chose de très valorisant pour ces militants dans l'accès au savoir qui est une priorité de l'association. Au-delà des améliorations matérielles qu'ils pouvaient souhaiter dans leurs engagements précédents, ces militants trouvent des gratifications symboliques immédiates dans leur engagement dans ATTAC :

« Peut-être de plus comprendre les aboutissants à tout. Avant, ça m'avait l'air obscur et tout ça. Bon, j'ai pas encore tout compris mais j'ai l'impression que ça va plus loin que... la militance que je faisais avant. »87(*)

ATTAC attire par ce biais des individus dont le but est de s'approprier la politique et de nourrir leur réflexion par les informations qu'ils peuvent trouver dans ATTAC.

Le caractère éducatif d'ATTAC donne donc des bases afin de mieux comprendre le fonctionnement du monde et de donner une assise réelle à une contestation parfois « de principe », très théorique et appuyée sur le concept de lutte des classes qui apparaît aujourd'hui insuffisant ou disqualifié. Ceci peut apparaître comme un moyen de recycler un discours dont on connaît les limites.

Pour les nouveaux militants, il s'agit plus de se former réellement à la politique et la science économique. Nous avons déjà dit qu'une partie des militants étaient réellement sans connaissances dans le domaine. Leur engagement qui repose sur un sentiment de malaise ou de frustration a besoin d'être documenté, renforcé par une meilleure compréhension des mécanismes à l'oeuvre, des enjeux, des moyens de résister. Il s'agit dans un premier temps de comprendre ce qui ne va pas afin de pouvoir agir contre, respectant bien l'adage « savoir, c'est pouvoir ». Ces militants s'orientent donc dans un premier temps vers des activités qui les mettent en rapport avec l'information. Assister à des conférences puis participer à des commissions, écrire des articles dans le journal local d'ATTAC, gérer les listes de diffusion Internet... toutes ces activités permettent de voir passer et de s'approprier des connaissances.

Une volonté d'action

Parallèlement à cette volonté de réfléchir, la nécessité d'agir effectivement est une autre raison qui attire les militants (six militants s'engagent uniquement pour agir).

En effet, ATTAC ne sacrifie pas l'action à l'expertise et la formation. L'association correspond là aux attentes de membres ayant déjà une réflexion et des liens avec d'autres mouvements basés sur la réflexion, mais surtout à des individus ayant besoin d'agir pour se sentir engagés. L'intérêt d'offrir la possibilité d'agir à des membres peu intéressés par la réflexion est également un facteur de diversité de l'association.

« En fait, je ne fais partie d'aucune commission, parce que je ne me reconnais pas essentiellement dans les thèmes ou je trouve cela pas très... la production intellectuelle est souvent pas très... supérieure à celle qu'on peut trouver dans les journaux. Je préfère me lancer dans quelque chose de plus actif... »(J. 23ans)

L'action peut donc fournir une activité alternative à des membres se formant de façon autonome. Le choix offert aux militants d'inscrire leur engagement dans des domaines plus ou moins axés sur l'action offre donc une richesse supplémentaire :

« Ben, disons que j'essaye d'assister aux conseils d'administration, aux permanences, on va dire une fois sur deux. Et puis là, j'étais dans une commission sur tout ce qui était autour de Porto Alegre, et le carnaval brésilien, il y a quinze jours. Moi je suis plutôt à des choses assez concrètes en fait, je fais pas partie pour le moment de commissions qui réfléchissent. C'est un autre style d'investissement, je préfère agir... bon, déjà de par mon métier, j'en ai un peu marre de me réunir en dehors pour continuer à réfléchir. Je préfère agir... » (P., enseignant)88(*)

La coexistence dans le mouvement d'un axe théorique et d'un axe plus concret d'actions (déplacements, manifestations, tractage...) est essentielle pour des militants souhaitant rester en contact avec la réalité et avoir une action sur le terrain en plus de la formation :

« Dans les mouvements que j'ai fréquentés, les mouvements dans le fond me plaisaient mais c'est la forme qui me plaisait pas toujours, quoi. Amnesty international est un mouvement intéressant, seulement c'est un mouvement qui est très théorique où on a pas de lien avec... la vérité. On ne peut pas aller sur place, on ne peut pas voyager. »

(...)

« L'essentiel, c'est que j'aime bien lier la réflexion à l'action. Dans ATTAC, il y a ce genre de choses là donc je m'y retrouve. Mais je m'y suis aussi retrouvé ailleurs, hein. Dans le parrainage d'enfants, il y avait aussi ce... c'était très proche d'ATTAC au niveau de l'action, il y avait à la fois de l'action et de la réflexion. »89(*)

Comme la réflexion peut favoriser un « esprit-maison » dans le cadre du mouvement, l'action avec les autres militants va favoriser l'intégration au mouvement. Daniel Gaxie90(*) souligne l'importance de moments intenses et partagés comme le collage d'affiche, par exemple, dans les déterminants du militantisme. Les actions et moments partagés avec les autres militants donnent le sentiment d'appartenir à une grande famille participant à un combat noble. La plus ou moins grande intensité des actions, le sentiment commun qui peut se développer face à la sourde-oreille des dirigeants, installent ou renforcent les liens qui existent déjà entre les militants.

Sans vouloir simplifier à outrance, il faut noter que le facteur de l'âge joue un rôle déterminant dans le type d'engagement choisi. Alors que les anciens, les « têtes chenues » de l'association s'inscrivent plus dans le domaine intellectuel, c'est-à-dire dans le travail des commissions ou l'organisation des conférences, les jeunes ont tendance à privilégier l'action sur le terrain en instiguant de nouveaux types d'action. Les premiers ont une action plus tournée vers l'intérieur de l'association alors que les seconds sont tournés vers l'extérieur.

Régularité de l'engagement

Selon leur sensibilité politique et les thèmes qui leur tiennent à coeur, les militants n'envisagent pas le même type d'engagement à l'intérieur du mouvement. Premièrement, on peut distinguer une catégorie de militants, très restreinte il est vrai, ayant un engagement constant et régulier dans le temps ( trois militants s'engageant soit dans le travail des commissions ou ayant des responsabilités administratives dans l'association depuis sa création ) et ceux qui connaissent de grandes variations d'intensité du militantisme. Ceci dépend grandement du type d'actions choisi. L'engagement dans une commission par exemple engendre souvent une action régulière avec des rendez-vous à dates fixes. Même si l'action n'est pas répartie de manière homogène dans le temps et qu'il y a évidemment des moments où il faut beaucoup travailler avant de boucler un sujet par exemple, la manière de s'engager est très régulière et ne varie pas beaucoup depuis cinq ans comme pour N91(*). Chaque thème abordé prend quelques mois à raison de quatre heures par semaine en moyenne. Il s'ensuit une phase de stand-by en attendant de trouver un nouveau thème. En moyenne, la commission « presse » a présenté 5 ou 6 documents depuis sa création soit un document par an. Les phases de travail sont souvent très concentrées mais régulières.

D'autres militants s'engagent plutôt au gré des actions ponctuelles, leur militantisme est donc plus variable. Il dépend alors fortement de l'actualité et le militantisme prend des formes différentes à travers le temps. Il existe en effet une catégorie de militants qui ne s'inscrivent pas durablement dans des groupes particuliers. Soit qu'ils n'aient pas de thèmes particuliers qui leur tiennent à coeur, soit qu'ils ne peuvent pas avoir un engagement régulier. Ils évoluent dans l'association au gré des besoins du groupe, de leurs intérêts à un thème ou du temps dont ils disposent :

« J'ai l'impression de picorer un peu. C'est-à-dire, je... parce qu'ATTAC c'est organisé en ateliers... j'ai l'impression d'aller d'un atelier à un autre au fil de mes humeurs parfois. C'est-à-dire qu'il y a des gens à ATTAC qui font un travail continu, qui sont dans un atelier, qui ont décidé de travailler sur une question par exemple pendant deux ans et vraiment, ils montent un groupe etc... Moi, j 'ai l'impression que je suis plus... Là je dis ça, c'est tout un débat interne en moi. Je ne sais pas pourquoi... Ou alors j'ai encore des traces comme ça de cette espèce d'idéologie de la pyramide, tu suis le chef comme ça. Je sais pas, ça c'est peut-être un truc que j'ai encore à régler en moi et j'ai tendance à picorer. Je vais dans un atelier, parce que je trouve l'idée génial et hop, je participe à l'atelier, je m'investis là-dedans. »92(*)

Pour des militants n'ayant pas beaucoup de temps à consacrer à l'association ou militant par phases en fonction des aléas de leur emploi du temps (les étudiants connaissent par exemple ce genre d'engagement avec des moments de grande disponibilité et des périodes sans possibilités de s'investir), ce type d'engagement est assez répandu.

On peut trouver également d'autres explications à ces différentes manières de s'engager. On peut bien sûr trouver dans les parcours des militants certaines prédispositions à certains types d'engagements. Le réinvestissement des pratiques héritées influent sur les manières de s'engager. Les anciens militants ont par exemple des prédispositions pour faire partie des instances administratives de l'association comme M, ancien secrétaire de section du PS :

«  et puis je me suis mis là-dedans parce que précisément, j'avais eu quelques responsabilités politiques avant. Bon, savoir organiser sans dirigisme, ça j'aime assez, voilà. »93(*)

Ce type d'engagement entraîne bien-sûr un engagement beaucoup plus régulier (avec des réunions périodiques) et un suivi de la vie de l'association presque au jour le jour.

L'intensité et la régularité de l'action militante dépendent donc grandement de chaque militant. Selon son inscription dans un ou plusieurs types d'actions par exemple, le temps consacré à l'engagement est très variable d'un militant à l'autre. Alors que certains choisissent une seule forme d'engagement, d'autres panachent les activités et sont à la fois au journal, au bureau et dans une commission. Ainsi, alors que certains militants sont satisfaits en s'engageant quelques heures par mois, d'autres ont un engagement quasi-quotidien et consacrent trois à quatre heures par semaines à l'association.

Dans la durée également, certains militants connaissent une multitude de formes d'engagement. Le turn-over de l'association étant très important, chaque militant a l'occasion d'essayer différents postes dans l'association. Nous avons pu remarquer chez les militants interrogés en 2001 puis en 2004 que leur engagement avait connu différentes phases avec des variations d'intensité ou de type d'engagement. Ces variations d'intensité dépendent à la fois du rythme de l'association (de ses moments d'activité ou de ses temps-morts), de l'ambiance qui existe dans l'association et des disponibilités personnelles. A propos de ces dernières, il faut dire que ce qui lie les militants d'ATTAC Strasbourg, qu'ils aient ou non été militants auparavant, est la grande fluidité de leur engagement. Respectant par-là les modifications de l'engagement étudiées par Bathélémy ou Ion, les militants d'ATTAC adoptent une forme d'engagement flexible. Nous aurons l'occasion d'en reparler plus tard.

Les attentes vis-à-vis du militantisme et les formes d'engagement escomptées sont donc variables d'un militant à l'autre et variables dans le temps pour un même militant. De la formation à l'action, avec une plus ou moins grande régularité, les militants ont des attentes particulières. Celles-ci se retrouvent dans les types d'actions que les membres souhaitent mener.

C. Les types d'action privilégiés

En fonction de leurs attentes, de leurs objectifs ou de leur âge, les militants souhaitent adopter des manières d'agir particulières. Ils peuvent être attirés par un militantisme classique ou plus moderne, le point commun étant chez tous les militants la recherche d'autonomie par rapport au mouvement.

Les actions souhaitées

Les anciens militants, rôdés au militantisme classique ont tendance à recréer les conditions dans lesquelles ils militaient avant. Ils sont souvent les premiers lorsqu'il s'agit de manifester, tracter, coller... c'est donc l'action conventionnelle qui les attire. Les nouveaux militants eux, ont tendance à vouloir impulser des pratiques différentes. La façon dont les militants comptent toucher les gens à l'extérieur de l'association dépend en grande partie de leur génération. Alors que les anciens préfèrent organiser des conférences ou manifester, les jeunes sont beaucoup plus tournés vers des actions spectaculaires, dans la tradition des mouvements nés depuis les années 70 :

« Mais ils ont vachement secoué en même temps. Parce que les gens, en fait au départ, les gens qui sont venus à ATTAC, c'était plutôt des vieux syndicalistes, des vieux militants socialistes, PC ou LCR. Donc ils étaient hyper rodés dans l'action tu vois. Ils savaient tracter, afficher, manifester. Mais ces gens-là, ils sont venus, notamment des gens des art-décos, ils sont venus avec des idées vachement sympas pour faire bouger les gens de manière différente. En disant « ouais mais les jeunes, ils veulent entendre autre chose », et ça, ça a été vachement positif. »94(*)

Deux types d'actions existent donc dans l'association. Des actions classiques, traditionnelles et des actions plus spontanées. Les AG mensuelles, pendant lesquelles chaque groupe présente ses activités sont d'ailleurs révélatrices de ces différences de points de vue sur les actions à mener. Les actions spectaculaires comme le déversement de prospectus sur la place Kléber, sont considérées comme des « actions gadget » ou des  « blagues de potaches » par certains anciens qui préfèrent les actions plus sérieuses. Alors que les plus anciens restent plus axés sur des manifestations traditionnelles, les jeunes militants sont plus marqués par les types d'action éclos depuis les années 70, sur le registre du festif et du spectaculaire :

« Ouais donc je pense que je vais aller de plus en plus vers des choses spectaculaires. Les mouvements de foule tu vois, les gens qui te regardent et qui ils savent pas pourquoi t'es là, « oh ils manifestent encore ! », « qu'est-ce qu'ils viennent nous faire chier, ils nous bloquent la rue, on peut plus circuler », voilà. Les médias, ils relayent ce qu'ils ont envie de relayer donc après, les trucs spectaculaire, ça a pas non plus l'impact qu'on voudrait que ça ait, mais en même temps, si au lieu de toucher un tout petit peu 500 personnes, ça convainc 3 personnes, c'est autre chose.[...] et puis ça apportera quelque chose de neuf dans ATTAC aussi parce que c'est aussi des reproches qui nous sont fait, c'est de pas rire beaucoup et d'agir pas beaucoup, voir pas du tout. Donc nous voilà, on est plus jeunes et donc on a plus envie justement de choses plus spectaculaires, plus rigolotes, un autre esprit dans l'action, quoi. »95(*)

La différence est également sensible dans la perception de l'action militante. Pour les anciens, il s'agit d'avoir une action longue et de faire pression pour obtenir des avancées légales. Pour les jeunes, il s'agit plus de transformer la société au quotidien :

« J'ai pas trouvé d'autre mot à part militant, parce que pour moi, militant pour moi ça veut dire, « milite pour quelque chose ».  Alors pour moi c'est plutôt l'idée qu'on peut essayer de faire tout de suite. On va pas militer pour le commerce équitable, on va pas militer pour quelque chose. On essaye de le faire. Pour l'affichage, on demande une fois à la Mairie, on fait un courrier et si ils nous répondent pas, on considère qu'ils disent non et dans ce cas-là on colle quand même nos affiches. On va pas être dans une situation de revendication et d'attente tout le temps. Je milite pas pour mais j'essaie de faire. »96(*)

Il y a donc coexistence de formes d'engagement traditionnelles, où c'est l'action à travers une structure déterminée qui doit faire avancer les choses de manière concrète, et de formes plus modernes où l'engagement revêt des dimensions variables et doit transformer la vie au quotidien à travers des cadres variés97(*). Ceci s'illustre très bien dans l'autonomie que les militants affichent vis-à-vis de l'association.

La recherche d'autonomie par rapport au mouvement

Une des caractéristiques qui nous paraissent bien représenter les logiques d'engagement dans les mouvements altermondialistes est que ces militants ne se laissent pas définir par une organisation politique à laquelle ils participent. Les logiques de sur-engagement, caractéristiques de nombreux militants de ces organisations illustrent bien ce fait. Ces militants construisent leur engagement à travers des participations multiples, affaiblissant leur identification par rapport à une organisation bien définie. La comparaison entre les organisations auxquelles ils participent leur offre un recul accru par rapport au fonctionnement de celles-ci. De plus, de nombreux militants pratiquent des actions autonomes hors-mouvements politiques avant de s'engager ou en parallèle avec leur engagement dans des structures plus définies. En règle générale, les militants ont donc un rapport relativement distant par rapport aux organisations politiques :

« de toutes façons, pour moi, ATTAC c'est un moyen, si ATTAC-strasbourg ça ne me convient plus, je trouverai autre chose. [...] il y a suffisamment de moyens de s'investir et de militer »98(*)

On voit que pour ces militants, le fait de militer n'est pas nécessairement en rapport avec l'appartenance à une organisation fixe ou durable. Le militantisme englobe pour eux toute action politique plus ou moins régulière dans le cadre de luttes sectorielles ou mouvements sociaux éphémères. La force des réseaux interpersonnels dont nous parlions dans la sous-partie précédente est également de nature à « autonomiser » le militant par rapports aux groupements. C'est de plus en plus le militant qui crée son réseau d'appartenance ou de connaissances politiques. La transitivité croissante du militant fait qu'il n'est plus limité par les réseaux de groupements.

De plus, nous constatons qu'un grand nombre de militants ont une vision de leur engagement à long terme et considèrent leurs engagements non comme un aboutissement mais comme des étapes de leur évolution militante. Alors que l'engagement dans les structures politiques traditionnelles pouvaient apparaître comme une fin en soi, un summum, un horizon indépassable de l'action politique, l'engagement actuel est plus critique. Surtout, les militants s'intègrent dans leur analyse politique. Dans l'esprit des militants, à côté de la cause qui est défendue, le souci de leur bien-être dans l'action politique est omniprésent. Ainsi, les militants en viennent à considérer (in situ ou a posteriori) que leurs engagements sont des étapes qui leur permettent d'évoluer en tant qu'homo politicus :

« C'est un carrefour, enfin moi, j'ai toujours vu ça comme un carrefour, c'est-à-dire qu'on vient, on apprend et on repart. On ne reste jamais là-dedans. Ceux qui restent, il y en a quelques-uns, je ne dis pas le contraire,... c'est qu'ils s'y trouvent bien, mais je sais que pour moi, c'est qu'un passage comme pour beaucoup de gens. »

« Mais c'est pas volontaire, tu t'en rends compte après en fait, tu vois après... Voilà, moi, je suis sûr que c'est la même chose pour ceux qui ont fait récemment à Evian... J'ai vu un reportage récemment sur M6, je crois, donc des jeunes etc... mais ces mecs-là, je me dis, dans deux ans, je sais qu'ils ne seront plus. Ca se voit, ça se sent, parce qu'ils auront appris quelque chose, ils auront appris à faire un gros rassemblement etc... mais ça ne les intéressera plus parce qu'ils auront besoin d'autre chose, comme moi j'ai eu besoin de faire autre chose par la suite. » 99(*)

Les militants adoptent donc une vision de l'engagement qui dépasse le cadre de leur engagement dans un mouvement.

L'étude des militants de ce type de mouvements amène donc à remettre en question une définition classique du militantisme, basée sur un engagement aveugle à un mouvement spécifique, engagement total dans son intensité et sa durée. La description d'un engagement « distancié » par Jacques Ion100(*), correspond assez à l'analyse que nous faisons de ce mouvement. En effet, le caractère partiel, non-exclusif et limité dans le temps de l'engagement des militants dans ces mouvements traduit une certaine distance vis-à-vis des organisations.

Cette sous-partie nous a permis de mettre en lumière quelques caractéristiques des militants d'ATTAC-Strasbourg en ce qui concerne leurs attentes vis-à-vis de l'activité militante. Portés sur l'éducation et donc la réflexion ou l'action proprement dite, recherchant un engagement régulier ou, plus fréquemment, un engagement épisodique et adaptable, les militants ont des attentes très différentes de l'activité militante. Le type d'action privilégié varie également beaucoup en fonction de la génération. Seule l'autonomie affichée vis-à-vis du mouvement semble fédérer les membres. On peut alors se demander comment l'association arrive à satisfaire des attentes si différentes.

Synthèse

De par leurs parcours, leurs sensibilités politiques ou leurs pratiques, les militants d'ATTAC-Strasbourg présentent donc des profils très divers, couvrant presque toute la gauche française. Nous avons pu voir dans cette première partie que cette association réunit en son sein des publics aux parcours politiques divers, issus de générations différentes, mais tous très critiques vis-à-vis des structures politiques traditionnelles. Bien que toutes ces catégories voient dans ATTAC un cadre d'engagement intéressant, capable de donner aux citoyens une prise sur le monde politique, force est de constater que l'engagement correspond chez chacun à une démarche différente. Tous n'entendent pas atteindre le même objectif à travers leur participation au mouvement. En fonction des histoires personnelles et des modes de socialisation, le rapport au champ politique et aux idéologies est variable, ce qui rend la définition d'alternatives communes au libéralisme compliquée. Enfin, les attentes des militants vis-à-vis de leur participation au mouvement sont différentes. Si l'on peut dire qu'il ne s'agit pour personne d'un militantisme sacrificiel et que tous entendent retirer de leur engagement, les priorités sont sensiblement différentes selon que les militants entendent se former intellectuellement ou agir, avoir un engagement régulier ou épisodique. Le types d'actions escomptées sont également variables en fonction des stratégies individuelles.

Toutes ces différences, nous l'avons vu, posent des problèmes ou sont des germes de divisions potentielles. Les risque inhérents à cette diversité sont bien résumés dans la formule de ce militant :

« C'est difficile de gérer, de tirer une charrette dont les roues n'ont pas toutes le même diamètre, franchement c'est très difficile. Tant mieux, c'est intéressant mais ça peut être usant. »101(*)

Le souci est donc présent dans l'esprit des militants et dans la vie quotidienne de l'association. Celle-ci doit prendre acte de la diversité des militants et mettre en place des mécanismes qui assurent sa pérennité et rendre possible la collaboration de tout le monde. Dans une deuxième partie, nous allons donc essayer de comprendre quels sont les facteurs qui unissent tous ces militants et les mécanismes qui assurent leur coexistence dans une même structure.

Deuxième Partie : La gestion de la diversité

La diversité étudiée en première partie et qui est riche d'enseignements sur l'association, soulève effectivement des interrogations quand à la manière dont une association politique peut fonctionner dans ces conditions. Il est difficile de comprendre au premier abord, et sans connaître le fonctionnement de l'association, comment des individus aux parcours politiques, aux sensibilités et aux attentes différentes peuvent coopérer dans une même structure et en retirer une satisfaction réelle. Il nous a donc paru très important de nous interroger sur les facteurs qui expliqueraient la bonne marche de l'association malgré la diversité des publics.

Cette réflexion nous semble d'autant plus importante qu'elle peut nous permettre d'éclairer la façon dont les organisations protestataires s'adaptent aux mutations de l'engagement de ces dernières décennies. A travers l'étude des caractéristiques d'ATTAC, nous nous intéresserons indirectement aux conditions qui ont permis un retour en force de la contestation sociale dans un contexte de désengagement. Alors que c'est d'une nouvelle idéologie qu'on pouvait attendre un renouveau de la protestation politique et de l'engagement militant, il n'en est rien. Celle-ci est même la grande absente de l'éclosion des luttes nouvelles qui marquent le champ politique depuis les années 90. Si ce n'est pas dans l'idéologie, dans le cadre symbolique des mouvements qu'il faut chercher les raisons du réengagement, il nous semble que c'est dans leur forme et leur fonctionnement, donc dans leurs caractéristiques matérielles, que nous pouvons les trouver.

Dans un premier temps, nous essayerons de chercher des facteurs d'unité dans l'association. Nous essayerons de déceler, au-delà des différences de parcours et de sensibilités, ce qui peut lier les militants et ainsi expliquer leur présence dans un même mouvement. Ainsi, nous chercherons à savoir si des caractéristiques socioprofessionnelles peuvent jouer. Nous chercherons également à savoir comment les thèmes de l'association et leur évolution parviennent à réunir une large palette de militants. Enfin, nous essayerons de dégager les stratégies déployées par l'association pour éviter les conflits en son sein et homogénéiser les différents publics.

Ensuite, c'est la forme de l'association et surtout son fonctionnement qui nous intéresseront. Nous tenterons de déceler quels mécanismes facilitent la coopération des militants. En quoi le fonctionnement démocratique de l'association permet de ménager les susceptibilités ? En analysant les changements de statuts, nous verrons comment l'association s'adapte aux évolutions et parvient à surmonter les crises. Enfin, nous verrons comment la souplesse du fonctionnement et la tenue d'Assemblées Générales régulières et souveraines permettent de satisfaire les militants.

Enfin, nous essayerons de savoir en quoi l'organisation du travail militant permet de satisfaire des membres qui entendent avoir des modalités d'engagement variables. Nous verrons comment le choix des actions, leur diversité permet à chacun de trouver sa place. Nous verrons comment la grande liberté d'initiative des militants leur permet de se tailler un engagement sur mesure. Nous verrons également comment la gestion des activités évite que les divergences entre les militants ne donnent lieu à des conflits.

I. Les facteurs d'unité

Dans une première partie, nous allons donc essayer de déceler ce qui fait le lien entre tous ces militants. Il y a trois aspects qui nous semblent importants et qui expliquent la grande diversité des membres dans cette association. Il s'agit premièrement de caractéristiques socioprofessionnelles. Nous interrogerons sur le caractère quasi exclusif du recrutement de l'association dans les classes moyennes. Comment cette caractéristique lie-t-elle les militants ? Ensuite, notre interrogation se portera sur les thèmes de l'association et sur leur diversité. Nous verrons comment le choix des thèmes de l'association permet d'attirer et de fédérer un public varié. Puis, ce sont les stratégies unificatrices de l'association qui nous intéresserons. Nous verrons ainsi, par exemple, quel rôle peut jouer la mission d'éducation populaire dans l'alignement des cadres de références.

A. Un mouvement de classes moyennes

Il est flagrant, lorsqu'on s'intéresse à la composition d'un mouvement comme ATTAC, que la quasi-totalité des membres est issue des classes moyennes. Nous ferons donc l'hypothèse que ce positionnement social est un des principaux facteurs d'unité de ce mouvement. Nous nous interrogerons donc dans un premier temps sur les raisons de cet engagement massif de personnes issus de cette catégorie socioprofessionnelle. Puis, nous verrons comment les thèmes de l'association parviennent à créer un consensus minimum entre les membres.

Caractéristiques sociales des membres

Parmi les membres d'ATTAC-Strasbourg interrogés, la quasi totalité est donc issue des classes moyennes. Pour la plupart, il s'agit d'une ascension sociale remontant à une ou deux générations. Il s'agit pour moitié de salariés du secteur public102(*) mais également, plus rarement, du privé. Les secteurs d'activité sont variables mais il faut souligner que les enseignants sont sur-représentés dans ce mouvement, ce qui correspond bien à la composition habituelle des comités locaux d'ATTAC (mais dans une moindre mesure peut-être). Il y a également des agents territoriaux travaillant pour la ville ou pour des collectivités territoriales. Sur les 17 militants interrogés, seulement 2 sont issus de milieux populaires ou sont en situation précaire. Dans les personnes qui ne sont pas encore dans le vie active, la plupart se destinent à des carrières dans le public, dans la santé ou les collectivités locales.

Nous voyons deux types de facteurs historiques qui peuvent expliquer l'entrée en politique de ces militants des classes moyennes qui, bien qu'ils soient déjà présents dans les NMS n'ont pas réellement de culture de l'engagement. On peut même penser que l'apparition d'une classe moyenne importante a participé au déclin des conflits sociaux traditionnels. En quittant, leur milieu social d'origine, les membres des classes moyennes abandonnent également les revendications du milieu ouvrier et adoptent un autre rapport au politique.

Premièrement, il faut considérer que cette catégorie sociale est celle qui a pu le plus profiter des progrès sociaux et économiques des Trente Glorieuses. Le développement de la société de consommation et les garanties sociales de l'Etat Providence créent le sentiment que les conditions vont aller en s'améliorant. Sur deux générations, l'ascension sociale de ces catégories en font un soutien à la société en place, selon l'idée du progrès et d'une plus grande perméabilité des classes supérieures. Pour leurs enfants, ils attendent également un progrès ou, au pire, une stabilité. Le secteur public est pour cette catégorie un débouché sûr, avec des avantages sociaux importants. Le fait de travailler pour l'Etat les rend dépendant de lui et donc moins critiques. Surtout, tout en s'assurant un niveau de vie intéressant, ils ont l'impression de participer à une mission de progrès social très valorisante. Bien que très hétérogène, cette « classe » peut donc s'attribuer un rôle historique intéressant en dehors des deux classes traditionnelles et concilier progression matérielle et volonté de progrès social.

Cependant la remise en question de la « civilisation de service public » comme la nommait Bourdieu vient remettre en cause leur stabilité et leur identité de classe :

« les mouvements altermondialistes sont fait par des gens de classe moyenne, il faut dire ce qui est. Et en fait, bon, là je vais sortir un peu ma... ça fait un peu... J'ai lu un peu Bourdieu, je sais que dans son petit bouquin là, à un moment il parle de la main gauche de l'Etat et de la main droite de l'Etat, et pour moi, le truc c'est que justement le mouvement altermondialiste c'est plutôt des gens de classe moyenne issus de la main gauche de l'Etat si on veut, du service public. On le voit bien dans ATTAC : enseignants, etc... comme moi, bon bref, c'est un peu caricatural mais bon... et c'est ça, ATTAC pour l'instant, c'est un peu ça. Et je crois, à mon avis, c'est des gens [...] qui se sentent menacés par le néolibéralisme, en tant que main gauche de l'Etat. »103(*)

Le démantèlement des services publics et la remise en cause de l'Etat Providence viennent en même temps fragiliser les espoirs d'ascension sociale pour leurs enfants et les priver de leur rôle historique. Les valeurs de solidarité, de progrès social et de réduction des inégalités qui marquaient leur action sont reléguées derrière la compétitivité et la productivité. L'Etat interventionniste apparaît comme le garant de leurs valeurs. Or, « c'est cet Etat social, réducteur d'anomies puisque capable malgré ses limites, de réglementer l'activité économique en imposant l'intérêt général, que le néo-libéralisme a entrepris de détruire systématiquement »104(*). Ils sont donc les premiers à souffrir de la logique néo-libérale qui remet en cause leurs emplois ainsi que leur identité sociale et leurs valeurs. Alors qu'ils avaient accepté de « participer au système » en échange de la sécurité de l'emploi, d'un système de retraite et de sécurité sociale, au nom finalement d'un pacte social, ils ont le sentiment depuis les années 90 d'avoir été floués, puisque la donne change sans qu'on les ai consulté. La présence massive de fonctionnaires dans un mouvement comme ATTAC s'explique donc facilement105(*), sans qu'on puisse observer l'émergence d'une identité commune.

Deuxième raison qui explique leur engagement, les classes moyennes, notamment du secteur public sont les soutiens traditionnels de la gauche réformiste et en France du Parti Socialiste. Si celui-ci catalyse l'espoir de changement lors de sa création, grâce au charisme de François Mitterrand, et se propose de « changer la vie », 21 ans d' « alternance »106(*) ont suffi pour le décrédibiliser. La transformation du PS en parti de gestion et de pouvoir, plus pragmatique qu'idéologique, forcé de participer au système car trop frileux pour le bousculer laisse une impression de tromperie. L'abandon des politiques de réforme dès 82 et l'absence de grands chantiers sociaux (hormis la création du RMI par Rocard)107(*), l'acceptation et même la campagne pour une Europe « des peuples » qui s'avère être une Europe « des patrons » ou « de l'argent », ou encore le non-accomplissement des promesses électorales (notamment sur les sans-papiers) alimentent un sentiment de méfiance croissant envers le Parti Socialiste. Alors que le vote a pu paraître comme une activité politique suffisante pour les classes moyennes tant qu'une action réformatrice semblait possible par le canal du PS, il n'en est plus rien aujourd'hui. Dernièrement, la non-remise en question du PS sur les raisons de son échec continue à le décrédibiliser :

« Et au PS, ce qu'il manque, c'est d'être plus à gauche. Ils sont beaucoup trop centristes à mon goût et trop... je sais qu'après le séisme du 21 avril, je me suis dit « le PS, il faudrait peut-être leur filer un coup de main, c'est le moment de faire quelque chose, ils vont se poser des questions, ils vont se remettre en cause...«, et mon mari y est allé. A une section locale, en se disant pareil. Il est revenu écoeuré, en me disant « ils se posent aucune question », tout ce qu'ils savent dire c'est «on a mal communiqué, on s'est mal fait comprendre mais notre action elle est parfaite, on a tout bien fait, on a eu raison sur tout«. Bon, on est pas gâté au niveau de la représentation qu'on a en France. »108(*)

Cependant, cette catégorie ne se retrouve pas non-plus bien représentée par les autres formations de gauche, au vocabulaire encore très ouvriériste ou peu efficaces politiquement :

« En terme électoral, je vote souvent PS mais je suis pas vraiment satisfaite non-plus. C'est plutôt un vote utile, quoi. Moi je me situerai plutôt plus à gauche que ça. Mais je ne me sens pas non plus... je ne me retrouve pas du tout dans les prises de position de gens comme LO-LCR, donc je ne vote jamais pour eux. Je passe un peu des Verts au PS. [...] Chez les Verts, je crois que c'est plus un problème interne, de dissensions permanentes et de manque de ligne claire. Le fait qu'ils soient extrêmement... Il y a un côté très sympa dans le côté très démocratique, tout le monde s'exprime, tous les courants sont possibles, mais en même temps, ça manque un peu d'efficacité, quoi. »109(*)

Il faut donc trouver d'autres manières d'agir politiquement, au-delà du vote110(*), d'autant plus que les classes moyennes ne sont plus des classes privilégiées. Au-delà des principes, c'est donc également dans leur intérêt qu'ils se mobilisent. Nous allons voir ce qui facilite leur engagement dans ATTAC.

Un mouvement intellectuel

Un des points qui semble le plus attirer les militants de ce genre de mouvements est son sérieux, le caractère réaliste de ses revendications et son aspect technique. En effet, au risque de paraître redondant, il faut dire qu'ATTAC se pare d'une aura très technique afin de jouer au même niveau que ceux qu'elle prétend combattre. Les analyses économiques keynésiennes de l'association se réclament du même niveau que les analyses néo-libérales des gouvernements et « officines privées ». Ainsi, il faut souligner qu'une des principales instances de l'association nationale est son conseil scientifique dont le rôle est de produire une information rigoureuse et pointue. Cet aspect technique est important pour deux raisons. Premièrement, les militants sont plus aptes à décrypter les messages politiques et économiques et également à les contrecarrer avec des arguments valables. Ces analyses viennent donc compléter une opposition de principe. Deuxièmement, cette technicité de l'association semble les préserver d'être abusés par l'association. Celle-ci ne promet certes pas « le paradis sur terre », mais se targue d'avoir des propositions crédibles et applicables :

« Mais autrement, c'est du sérieux, même si on n'est pas toujours d'accord. On n'est pas obligé d'être toujours d'accord... Mais dans l'ensemble, la Présidence, le conseil scientifique, les travaux, c'est quand même du sérieux, c'est pas n'importe quoi. On ne sent pas la fibre démagogique, il n'y a rien de démagogique dans tout ça. Taxer 0.10% à l'entrée ou à la sortie sur des capitaux spéculatifs, ça n'a rien de démagogique et c'est même dérisoire à la limite. »111(*)

L'exemple de la Taxe Tobin, du nom d'un prix Nobel d'économie112(*) est d'ailleurs patent. Si l'association a eu un tel succès dès le début, c'est bien parce qu'elle est née autour d'une revendication concrète qui paraissait pouvoir être obtenue par une mobilisation populaire113(*). Nombreux sont les militants qui voient là la principale raison de leur adhésion au mouvement. Par la suite, ATTAC conserve cette vocation technique sur tous les sujets abordés et celle-ci se diffuse avec plus ou moins de résultats dans les comités locaux, qui se mettent à leur tour à créer de l'information. Dans le cadre des commissions, revues de presse ou forums, les membres recherchent et condensent des informations économiques (OMC, Banque Centrale Européenne), géopolitique (pétrole) ou juridique (constitution européenne). Cependant, il faut être conscient que les sujets politiques ou économiques abordés ne sont accessibles qu'avec un capital culturel assez élevé. Le  vocabulaire utilisé, s'il n'apparaît pas démagogique et permet aux militants de se former, s'apparente par contre à celui utilisé par les experts qui ont rendu la politique hermétique aux classes populaires, avec l'idée que « ces choses-là sont trop compliquées ». Nous voyons ici la principale explication du peu de succès que connaît l'association dans les classes populaires malgré les efforts déployés. L'association ATTAC correspond donc plus particulièrement à des classes moyennes ou supérieures114(*). Un certain niveau culturel caractérise donc le mouvement.115(*)

Au-delà du niveau culturel nécessaire à la compréhension des mécanismes économiques ou politiques, les membres d'ATTAC partagent un même horizon politique. Jouissant d'une certaine culture et ayant peu de soucis matériels, ils peuvent facilement se projeter sur le long terme ou au niveau international. Il va de soi qu'il est plus facile de militer pour des causes nobles et agir sur le long terme dans la lutte d'idées lorsqu'on n'est pas omnubilé par le terme de la fin du mois et les soucis d'argent au quotidien. Ainsi, les classes moyennes qui composent un mouvement comme ATTAC ont les capacités de s'intéresser à des enjeux qui paraissent fort lointains aux couches populaires. Ainsi, l'horizon politique des classes moyennes correspond bien aux revendications d'ATTAC. Ajoutons encore que les canaux informationnels qui mènent à ATTAC nécessitent aussi de jouir d'une certaine culture et d'un intérêt marqué à la politique. La lecture du Monde Diplomatique ou de Politis, ou encore le fait d'écouter les émissions de Daniel Mermet sur France Inter, dénotent d'une appartenance à une certaine « intelligentsia » culturelle de gauche.

La fragilisation du positionnement socio-économique des classes moyennes, les aléas de leur participation politique et enfin leur niveau culturel expliquent donc pour partie leur participation à un mouvement comme ATTAC. Bien que la catégorisation en termes de classe ne soit pas tellement appropriée, les classes moyennes formant une classe « à peu près de la même façon qu'un sac rempli de pommes de terre forme un sac de pommes de terres »116(*), l'appartenance de la quasi-totalité des membres à la classe moyenne agit comme un ciment entre les membres. Partageant les mêmes craintes, le même ressenti historique et une culture et un horizon politique similaire, les militants d'ATTAC ont des prédispositions réelles pour coopérer au sein d'un mouvement politique. Celles-ci sont renforcées par la variété et la nature des thèmes de l'association.

B. Les thèmes de l'association

En effet, une autre caractéristique de l'association facilite la coexistence dans la même association de militants aux profils divers. C'est dans la variété des thèmes sur lesquels agit l'association et dans l'approche particulière qu'elle adopte que nous trouvons, non pas un facteur d'unité, mais une explication à la diversité des membres. Nous allons donc voir que la variété des revendications dans leur nature, leur temporalité et leur échelle permet de satisfaire des attentes différentes. Nous verrons aussi comment le choix de positionnement du mouvement dans l'univers politique est à même d'éviter les conflits.

La variété des thèmes

ATTAC, bien qu'elle soit surtout marquée au départ par la promotion de la taxe Tobin, qui fut sa première campagne, a très vite varié ses thèmes d'action et de revendication. Si pour beaucoup, ATTAC semble se transformer et changer d'objet en élargissant son champ de revendication117(*), le caractère multi-revendicatif est pour les créateurs de l'association, présent dès le départ. Pour ceux-ci, les objectifs de départ ont toujours été « la déconstruction de l'idéologie néo-libérale » et la reprise par les citoyens de marges de manoeuvres. Ces objectifs offrent un cadre de revendication très large, permettant d'être présent sur de nombreux sujets. Qu'il s'agisse de la contestation de la spéculation, des retraites par capitalisation, de l'effacement de l'Etat devant les firmes multinationales et les investisseurs, des problèmes environnementaux, des OGM, etc..., ATTAC est présente. Il s'agit en fait de tous les problèmes en relation avec la logique économique néo-libérale faisant du profit la seule priorité au détriment de tout le reste, et ils sont légions.

La multiplicité des cadres d'action d'ATTAC peut aussi s'expliquer en partie par la diversité des organisations qui en sont membres et de leurs terrains de lutte ( défense d'intérêts sectoriels, lutte syndicale, défense des « sans »,...). Mais le fait central qui explique pour nous ce phénomène est le processus critiqué à la base. Le « néo-libéralisme » est une logique qui s'insinue dans les moindres choix de société et influe de plus en plus les gouvernements, lorsque ce n'est pas déjà leur credo118(*). La priorité donnée au profit immédiat, à l'impératif de productivité et de réduction des coûts, au retrait de l'Etat de l'économie, à la suppression de réglementations sociales et de structures de solidarité « trop coûteuses » pour les producteurs, tous ces aspects découlent de l'idéologie néo-libérale. Ils sont à la base de la remise en cause des systèmes politiques et sociaux nationaux et souvent de la mise en danger, sinon de la planète et de l'humanité, du moins de l'environnement et des consommateurs. Les thèmes de départ sont donc tournés vers la multiplication des fronts puisque tout paraît lié à ceux-ci. Ainsi, ATTAC lance régulièrement de nouveaux chantiers de réflexion et d'action pour compléter son approche, les derniers en date concernant le libre-échange, l'Etat, le chômage, l'AGCS...

En proposant des revendications et des mots d'ordres globaux comme « le monde n'est pas à vendre » ou « le monde n'est pas une marchandise » et en avançant l'hypothèse qu'un autre monde est possible, ATTAC attire une catégorie d'individus pour qui la perspective d'une lutte axée sur la défense des acquis sociaux serait insuffisante. Si l'on n'en est pas forcément à souhaiter un changement de système, on prône au moins un changement de logique, faisant passer le citoyen et le bien collectif avant les profits. Ces axes de revendication globaux tels l'appel pour plus de démocratie ou plus de pouvoir des Etats face aux entreprises, attirent des citoyens conscients et ayant une réflexion sur ces thèmes. Ainsi, une partie des membres avouent adhérer très rapidement et sur les thèmes de départ de l'association :

« J'ai noué un lien avec ATTAC il y a trois ans, à peu près, parce que deux slogans m'ont intéressé. C'était « le monde n'est pas une marchandise » et « le monde n'est pas à vendre » et je trouvais que c'était des slogans que les partis politiques et les syndicats n'avaient pas réussis à s'approprier et ça m'a intéressé. »119(*)

...

« C'était l'approche qui me plaisait, donc ce principe de taxe Tobin, donc la taxation des capitaux spéculatifs. »120(*)

Or c'est également, voire surtout, sur des thèmes ponctuels et des mouvements sociaux limités qu'ATTAC se fait connaître et peut attirer de nouveaux membres. Ainsi, des thèmes apparaissant suite à des actes ou annonces du gouvernement ou de licenciements massifs, qui sont mobilisateurs, et offrent à ATTAC l'occasion de tenir des débats publics et d'attirer de nouveaux militants sensibles à tel ou tel sujet. ATTAC-Strasbourg fut notamment présente lors de la fermeture du magasin Marcs and Spencer et en profita pour dénoncer la décision d'actionnaires anglais de supprimer ces emplois car pas assez rentables.

Mais cette multiplicité des revendications d'ATTAC permet surtout à l'association de ne pas s'essouffler, l'actualité fournissant régulièrement des sujets de débat et d'action (manifestation, forums, tractage...). La multiplicité des occasions d'agir peut donc renforcer l'engagement dans l'association en multipliant les moments de partage et de satisfaction que procure l'action. Ce genre d'analyse se retrouve chez D. Gaxie et sa théorie de l' « effet surgénérateur »121(*) qui met en lumière l'importance d'un rythme soutenu et d'une action continue dans un mouvement social, l'arrêt du militantisme entraînant une baisse de la satisfaction retirée de l'engagement. Chaque occasion d'agir est donc bonne à saisir, sachant que même pour ATTAC, dont la jeunesse en fait un mouvement très actif et présent sur de nombreux thèmes, il y a des moments où il n'y a « rien à faire », des passages à vide.

De plus, s'il est difficile de faire avancer les choses au niveau global et que les résultats de l'action sont maigres ( pas de taxe Tobin ou de position française anti-OGM ), l'actualité rappelle sans cesse la nécessité d'un changement et permet d'agir sur des thèmes proches des gens. Chaque action ponctuelle permet de légitimer l'existence d'ATTAC et de ses revendications plus globales.

Enfin, cette mixité entre revendications partielles et revendications globales permet de maintenir dans le mouvement des individus plus ou moins sensibles aux thèmes globaux ou à certains thèmes occasionnels tout en gardant une certaine cohérence puisque la logique de l'association est toujours la même.

L'approche particulière de l'association

Nous avons vu que les militants d'ATTAC sont particulièrement méfiants vis-à-vis du pouvoir et des velléités personnelles. L'objectif de l'association étant de convaincre, les rivalités de pouvoir sont diminuées.

Une des principales originalités concernant la nature d'ATTAC122(*), et c'est une priorité qu'elle se donne, concerne le caractère hors du jeu des partis. En effet, que ce soit un héritage de l'expérience directe des militants et créateurs ou par l'observation externe de leur fonctionnement, le refus d'être ou de devenir un parti politique est récurent. Dans les principales critiques qui sont faites à ceux-ci, il y a la méfiance des volontés de pouvoir individuelles. Même si celles-ci existent forcément dans le cadre de toute organisation, qu'elle soit politique ou non, le fait de ne pas revendiquer l'accession au pouvoir public tempère ces velléités. La quasi-inexistence de rétributions matérielles dans le cadre de ce mouvement, au niveau national comme au niveau local, et notamment l'absence de choix de candidats à des élections évite toute personnalisation du mouvement et permet à celui-ci de se concentrer sur leurs revendications générales. De plus, en restant hors du jeu électoral, ces revendications ne souffrent pas les compromis habituels et les réorientations ou aménagements des programmes politiques « post-campagnes » propres aux partis.

Enfin, il faut dire que les organisations qui sont à la base ou adhèrent à ATTAC sont déjà dans une logique d'action hors de la compétition électorale ( syndicats, mouvements des « sans », collectifs de chômeurs et précaires, publications,... ) et privilégiant plus, la sensibilisation du grand public, la pression sur les pouvoirs publics par l'intermédiaire des électeurs ou l'action directe. Ce sont ces grands axes que nous retrouvons dans les stratégies politiques d'ATTAC.

Au niveau de l'association locale, nous avons déjà vu que les militants refusaient la structure partisane. Nous avons vu également que certains d'entre eux sont membres de partis politiques et que la mise en concurrence sur le plan électoral de leurs différentes appartenances aboutirait à un retrait de l'association. On comprend donc l'importance pour ATTAC de rester dans le registre de la lutte d'idées et non dans celui de la concurrence électorale.

Les propos des militants illustrent bien ce souci lorsqu'ils décrivent les participations électorales de certains militants. La question se posa la première fois au niveau local lors des élections municipales de 2001 :

« On avait dit « on ne fait pas de politique », au sens politique électorale. Pour les municipales à Strasbourg il y a trois ans, il était question du fait qu'ATTAC fasse de la politique. Et le mot d'ordre c'était non. Et les gens sont partis sur la liste « air », je crois. Beaucoup étaient issus d'ATTAC. Avec interdiction de dire « on est membres d'ATTAC », c'était la condition sine qua non. »123(*)

Comme au niveau national, les membres sont donc priés de taire leur appartenance à ATTAC lorsqu'ils sont présents sur une liste électorale. Ils s'engagent à titre individuel mais ne représentent pas l'association et ses membres. Ainsi, les militants ne se sentent pas attachés ou compromis par les choix politiques des autres. La question de la publicité de l'appartenance à ATTAC de certaines personnalités dans le cadre de leurs activités hors ATTAC sont d'ailleurs discutées en AG mensuelle par les militants124(*).

Lors des élections suivantes, le même principe a été appliqué par les membres candidats :

« J'ai interdit aux journalistes de citer que j'étais d'ATTAC. Bon, si des gens me connaissent je ne vais pas me cacher mais bon... Que ceux qui apprécient mes idées votent pour moi, ça c'est bien mais pas en temps qu'ATTAC, en temps que D., voilà. » 125(*)

Ainsi, non seulement les membres conservent leur liberté d'agir politiquement dans d'autres cadres, mais le groupe n'en pâtit pas et ces choses ne sont pas discutées en AG. Chacun garde pour soi son positionnement propre sans qu'on puisse identifier de manière collective l'association ATTAC derrière une liste particulière.

Plus récemment, la question des listes altermondialistes pour les élections européennes a ravivé le débat. Les militants d'ATTAC-Strasbourg étaient unanimement opposés à l'existence de ces listes, trop proches de l'association. C'est d'ailleurs l'incompréhension face à cette initiative qui prédomine, suscitant un certain sentiment de méfiance face à l'association nationale126(*). Le mot d'ordre de « faire de la politique mais autrement » reste donc d'actualité. Le soucis affiché, alors que ces listes étaient certainement l'occasion d'essayer d'être plus lisible et efficace politiquement, est justement celui de conserver son efficacité au mouvement en termes de force de proposition :

« C'est une mauvaise chose médiatiquement parlant parce que... J'ai moi-même été obligé d'intervenir à la dernière réunion, en disant fermement que je quitte ATTAC si nous rentrons en politique directement. [...] Alors que j'étais moi-même candidat sur une liste aux régionales. J'ai été moi-même candidat mais je refuse qu'ATTAC soit comme il en est question, selon à mon avis plus des rumeurs que des bruits fondés, une force politique elle-même. J'ai toujours en tête mes premières prises de position il y a cinq ans, jamais un parti politique, sinon nous finirons comme les Verts... qui avait exactement la même fonction [...]. Les Verts ont infusé des idées tout à fait convenables et très novatrices. Tout le monde a repris leur discours sur certaines choses, hein. Il n'y a plus personne qui ne parle pas d'écologie. Donc ils ont eu une nécessité absolue là. Mais le fait même qu'ils se soient constitués en parti politique leur enlève à mon avis de la crédibilité. C'est un point de vue strictement personnel, c'est tout. Et je ne voulais pas qu'ATTAC, qui se consacre à l'environnement financier finisse comme les Verts qui se consacraient à l'environnement naturel, voilà. »127(*)

L'entrée d'ATTAC dans le jeu électoral, en plus de la concurrence que cela créerait entre les affiliations de chacun, serait donc une mauvaise chose pour le mouvement qui deviendrait forcément un petit parti affilié au PS et obligé de se renier lors de participations au gouvernement. La lutte pour les postes à pourvoir aux élections serait ouverte créant les mêmes problèmes que dans les partis politiques avec des rivalités personnelles et de tendances. Enfin, le positionnement politique d'ATTAC hors du jeu électoral permet également de conserver une grande liberté en limitant la parole d'appareil, la langue de bois et le réalisme :

« Un parti, c'est d'abord un instrument de prise de pouvoir, c'est une orientation complètement différente. Après, qu'il y ait des gens d'ATTAC qui se présentent, ça ne me gêne pas du tout mais qu'il y ait des listes altermondialistes avec des gens qui sont presque tous d'ATTAC, c'est ça qui est gênant. Que des gens d'ATTAC et d'autres fassent des listes ou qu'un parti se fonde sur les mêmes idées qu'ATTAC, pourquoi pas ? Mais je pense qu'il y a une richesse à ne pas être un parti. Y compris dans le côté qu'on peut nous reprocher parfois, de manquer de réalisme, mais ça c'est très bien justement. On peut se permettre ça. On a cette liberté là que n'ont pas les partis. Puisqu'on ne prétend pas gérer un pays. Donc ça veut dire qu'on peut se permettre d'aller beaucoup plus loin et de faire bouger des choses. Et c'est vrai que les partis genre PS et autres, justement ils sont tellement... surtout depuis qu'ils ont eu un peu le pouvoir. Avant, ils l'avaient pas donc ils pouvaient être à la limite tout fous, quoi. Maintenant qu'ils y ont goûté, ils ont envie d'y revenir donc ils ont des stratégies électorale que nous, on n'a pas. C'est une richesse incroyable, on est beaucoup plus libres. »128(*)

La question du positionnement politique hors du jeu des partis est donc fondamental pour comprendre la possibilité pour ATTAC de fonctionner. Non seulement cela permet d'éviter les conflits dus à la variété des allégeances partisanes mais c'est un gage de liberté à deux niveaux. Chacun garde son autonomie et l'association reste plus libre dans ses revendications. De plus, les désaccords existants sur les modalités particulières des changements prônés peuvent rester au second plan. L'accord existant entre les membres d'ATTAC se dessine finalement en négatif grâce à certaines stratégies.

C. Les stratégies unificatrices locales et nationales

Nous allons voir ici comment l'association parvient à dégager un consensus minimal entre les membres grâce à son action éducative et pédagogique. Il apparaît que le travail d' « éducation populaire » soit pour l'instant avant tout destiné aux membres de l'association. Ceci permet aux membres de trouver un accord sur la critique et de cimenter l'association.

L'alignement des cadres de références

Au niveau national, le travail de production d'information, s'il est un moyen de lutter contre le libéralisme, est surtout à même de créer des liens entre les membres et d'unifier les cadres de référence. Le travail d'information ou de formation des membres s'apparente à la nécessité de définir les contours du mouvement et d'homogénéiser les discours et les références.

Il nous semble que le travail de construction du mouvement politique n'est pas ici à négliger, notamment en ce qui concerne la « mobilisation du consensus ». Les travaux de Klandermans129(*) sur la dimension stratégique de ce travail de préparation nous permettent de saisir quelques faits intéressants quant à la création d'ATTAC. Nous retiendrons, pour faire simple, l'analyse de Filleule et Péchu qui disent que pour être suivi, un mouvement doit « identifier un problème, le qualifier en termes politiques, désigner des responsables, proposer une solution au problème, persuader que cette solution peut être obtenue par l'action collective »130(*). Il nous semble que les créateurs d'ATTAC ont attaché une certaine importance à ces différentes étapes. Le travail effectué à ce titre dans Le Monde Diplomatique131(*) nous paraît exemplaire en ce qui concerne la dénonciation des problèmes (par exemple, la criminalité financière) et des responsables ( les spéculateurs), et les solutions ( la taxe Tobin). La ligne éditoriale du journal avant 98 et le ton utilisé nous apparaissent donc comme une vaste campagne de sensibilisation dont l'enjeu principal résidait dans la sensibilisation d'une population prête à se mobiliser sur des sujets relatifs à la globalisation financière et l'instabilité internationale ainsi que sur leurs conséquences nationales. Le journal ira jusqu'à accueillir dans ses colonnes l'appel à la création d'ATTAC par Ignacio Ramonet132(*), fameux pour ses éditoriaux et articles dénonciateurs du désordre économique et de la criminalité financière.

Mais ce travail de mobilisation du consensus ne s'arrête pas là et trouve sa continuation dans les actions de l'association une fois formée. L'omniprésence d'ATTAC sur tous les sujets et dans de nombreuses manifestations, sa vocation médiatique, son attachement à un sigle facilement reconnaissable et l'utilisation de concepts et d'un vocabulaire rapidement répandus et assimilés donnent un poids supplémentaire et participent à l'implantation de l'association dans le monde militant et dans les esprits.

Le travail d'éducation populaire, qu'il soit fait au niveau national (on pense alors au conseil scientifique) ou au niveau local (dans le cadre des revues de presse, commissions ou forums) permet aux membres de partager certaines représentations. Le vocabulaire adopté, qui se démarque du vocabulaire des organisations traditionnelles, permet d'éviter qu'apparaissent de manière trop flagrante les différences de sensibilités, par rapport par exemple au capitalisme. Le fait de donner un vocabulaire commun aux membres permet de gagner du temps dans les discussions et de bien circonscrire ce qui concerne l'engagement dans ATTAC et ce qui doit rester en dehors. C'est tout un travail d'apprentissage collectif qui a été fait par les membres du comité dans les premières années :

« Ca, c'est venu au fur et à mesure de la formation... parce que j'appèle ça une formation vraiment, où enfin de compte, il a fallu, pour tout le monde d'ailleurs, étoffer les arguments, commencer à savoir parler, etc... »133(*)

Le travail des commissions, bien qu'il soit destiné également à des personnes extérieures à l'association, attire quasiment uniquement des membres. L'information produite sert alors à donner des références communes aux membres. Le stock commun d'informations produites peut être utilisé par tous dans le cadres de leurs actions ou en dehors. Celui-ci, même s'il n'est pas forcément d'un niveau très élevé puisqu'il s'agit surtout de vulgariser, est investit d'une certaine confiance par les membres. En effet, le fait que ce travail soit « artisanal » et sorte des circuits médiatiques habituels est fort apprécié car il est considéré comme un gage d'objectivité. De plus, les membres ont conscience d'apprendre ensemble et au même rythme ce qui peut participer à l'établissement d'un relatif sentiment communautaire. L'enseignement est d'autant plus apprécié qu'il vient de quelqu'un que l'on connaît et qui partage un certain savoir. La reconnaissance n'est ici pas étrangère à l'établissement de liens plus resserrés entre les militants. De temps à autres, les différents groupes tentent d'agir de concert et de réinvestir les connaissances communes. Ainsi, certains s'attachent-ils à rédiger des articles dans le journal interne pour rendre compte du travail d'une commission ou à faire des affiches publiques pour diffuser ces travaux. Cependant ces actions restent assez marginales.

Un accord sur la critique

La continuité de l'association malgré les nombreuses divergences d'opinion que nous avons vues en première partie s'explique donc par le fait qu'un accord minimal soit trouvé sur la critique du système économique néo-libéral ou dans des réactions à des évènements particuliers :

« on est tous ensemble pour dénoncer devant Marks et Spencer, le lendemain. Les syndicats avaient pas encore réagi, ils étaient assommés. Je suis allé voir ces petites bonne-femmes qui sentaient bon, là, toutes ces vendeuses de haut de gamme, elles étaient foutues à la porte. On leur a expliqué comment ça s'était fait, « que la bourse de Londres avait décidé que »... Là je pense qu'un mec de la Ligue ou un mec de l'aile gauche du PS ou un Vert, ils sont d'accord sur le diagnostic... ou un non-encarté comme moi. Mais après, les explications, on laisse à chacun sa liberté. »134(*)

C'est donc principalement sur la critique que se rejoignent les militants. Les solutions à apporter restent donc du domaine du privé. Ceci est permis également par la relative imprécision des termes utilisés. Que l'on parle de libéralisme ou de néo-libéralisme, chacun a sa définition du terme : nature du capitalisme, phase de celui-ci, théories économiques, idéologie, état d'esprit... chacun semble investir le vocabulaire commun d'un sens différent en fonction de sa sensibilité ou de son parcours politique. Finalement, on pourrait penser comme un des militants que « chacun peut voir midi à sa porte à ATTAC »135(*). Cette imprécision des termes nous paraît d'ailleurs être entretenue savamment par l'association.

Une attention quotidienne

Mais la diversité des militants entraîne également des efforts et des postures particulières de la part des membres. Ainsi, ceux-ci doivent-ils s'imposer une certaine discipline dans leur prise de parole afin que leurs appartenances politiques ne puissent transparaître. Ce qui apparaît dans leurs participations électorales éventuelles est également présent dans leurs prises de paroles dans les AG par exemple. En règle générale, c'est l'image d'ATTAC qui doit rester inaltérée et les militants sont soucieux de ne pas la détourner ou d'en abuser comme en témoigne ce commentaire :

« On a commis des erreurs, d'ajustement, il y a peut-être des manifestations auxquelles on aurait peut-être pas dû prendre part en tant qu'ATTAC mais en tant qu'individus. Il y a peut-être des choses comme ça, ça on en apprend tous les jours, hein. A mon âge on en apprend tous les jours alors à 25 ans encore plus, bon.

[...]

Non, non, je revendique pas « flamberge au vent ». Ici oui, à Strasbourg, je commence à être connu un peu. Quand il y a une manif, je met mon petit truc ATTAC, bon... Mais les grandes banderoles, j'exige qu'elle sortent uniquement quand c'est dans la sphère principale d'ATTAC. »

Les querelles internes sont également minimisées. Très peu de militants en font part si on ne le leur demande pas expressément. Pourtant, il est clair qu'ATTAC-Strasbourg a connu des crises dues aux appétits de pouvoir de certains ou en rapport avec leur parcours ou leur appartenances politiques. Lorsque les militants en parlent, c'est en relativisant le facteur de l'appartenance politique. Les caractères et les pratiques politiques sont mis en avant pour expliquer les conflits. Il est vrai que ces facteurs sont réels dans les cas de conflits interpersonnels dans l'association, mais la prudence exprimée lorsque ces sujets sont abordés dénote d'une certaine auto-censure et donc d'une certaine conscience de l'acuité du problème. La plupart des militants affirment être restés en dehors de ces conflits et ne pas vouloir s'en mêler bien que tous en aient connaissance. Lors de certaines réunions auxquelles nous avons assisté, même lorsque le ton montait et que les divergences se faisaient clairement sentir, ces sujets n'apparaissaient pas. Il y a donc un certain esprit d'atténuation des conflits :

« c'est aussi des conflits de personnes aussi en même temps. Et puis aussi je crois que, je me dis souvent que bon, on est quand même dans une période en ce moment..., je préfère d'abord chercher l'unité. Moi, franchement chez moi, c'est très important l'unité, quoi, toujours. Coûte que coûte, l'unité quand même. »

[...]

« Parfois c'est dur, c'est sûr. Parce qu'il y a, même dans n'importe quelle association, il y a des tiraillements, il y a toujours des rivalités personnelles, tout ça et c'est pas toujours évident... Bon, moi de ce côté là, c'est vrai que ma position n'est pas arrêtée, quoi. C'est-à-dire que je reste souvent neutre par rapport aux conflits, quoi. J'évite de rentrer là-dedans et j'essaye de maintenir, mais bon, quand quelqu'un déconne trop évidemment, là, on peut plus le suivre. Mais bon, c'est pas facile. Je sais que ce n'est pas facile, il y a vraiment encore beaucoup de boulot à ce niveau-là, quoi. » 136(*)

La diversité des membres de l'association amène donc l'association et les militants eux-même à observer certaines règles afin de ne pas détruire le fragile équilibre établi par leur accord contre le néo-libéralisme et le recours à des références communes.

Cette première sous-partie est donc riche d'enseignements en ce qui concerne les facteurs d'unité qui lient les membres. L'appartenance de la quasi-totalité des membres, à la classe moyenne, est un élément central. Les membres qui en font partie partagent le même ressenti historique vis-à-vis du démantèlement de l'Etat Providence et la même désillusion en ce qui concerne la représentation politique de ses valeurs par les partis politiques de gauche.
Les propositions de l'association, dont l'aspect concret et technique éloigne le spectre démagogique, satisfont ces membres au capital culturel élevé. De fait, ATTAC correspond bien à un niveau culturel assez élevé. Ces militants, de par leur appartenance à la classe moyenne partagent les mêmes craintes, la même culture et le même horizon politique qui leur permet de se projeter à long terme dans une lutte d'idées commune.

Le cadre de revendications large qu'adopte l'association, qui s'explique par l'omniprésence du néolibéralisme, permet à l'association de recruter des militants aux intérêts divers, sur des thèmes globaux ou des luttes ponctuelles.

Le positionnement hors du cadre électoral offre une cohérence plus grande à l'association et évite la mise en concurrence des appartenances politiques. Le soin accordé à ce que les participations électorales des membres ne se ressentent pas dans l'association est significatif du soin apporté à la gestion de la diversité.

Enfin, l'alignement des cadres de références par un travail d'auto-formation des militants renforce l'unité de l'association. La mobilisation du consensus, au niveau national, et l'éducation populaire, au niveau local, permettent aux militants d'avoir des bases communes pour travailler ensemble. Ceux-ci s'accordent donc sur la critique du « néolibéralisme », terme investi d'autant de sens différents qu'il y a de militants.

L'atténuation des conflits et la préservation de l'image et de la neutralité de l'association apparaissent également comme des facteurs nécessaires pour que chacun puisse s'y sentir bien.

Facteurs socioprofessionnels et culturels, souplesse et positionnement de l'association, travail national ou des militants, il existe des facteurs multiples qui créent entre les membres une communauté de sentiment ou permettent, par un travail quotidien, d'atténuer les tensions.

Nous allons voir maintenant comment le fonctionnement de l'association permet également de réguler les conflits.

II. Le rôle de la démocratie interne

Dans cette partie, nous verrons comment le fonctionnement particulier de l'association a permis d'attirer des publics divers et de les faire coopérer dans une même structure. Dans un premier temps, nous décrirons les différents types de statuts qu'a eu l'association en tentant d'expliquer ces évolutions. Nous verrons comment fonctionne l'association au niveau interne en soulignant la démocratie interne et son rôle dans la bonne marche de l'association. Nous verrons comment l'autonomie du local, la gestion des affaires par l'association est un gage de réussite également.

A. Les évolutions statutaires : vers plus de démocratie

Les premiers statuts de l'association ATTAC-Strasbourg, statuts classiques des associations dans leur forme et leur fonctionnement, ont rapidement évolué de manière à apporter plus de démocratie et de participation. Nous verrons que le fonctionnement actuel est un progrès notable par rapport aux précédents et garantit beaucoup plus de poids au militant qu'une organisation politique traditionnelle.

L'évolution des statuts

Nous l'avons dit, les premiers statuts de l'association, préparés par un comité de pilotage volontaire de 14 personnes suite à une première réunion au TNS, sont des statuts assez classiques des associations suivant la loi de 1901137(*). Le comité de pilotage, composé pour moitié de vieux routiers de la politique et pour moitié de jeunes, étudiants pour la plupart, rédigea des statuts adoptés le 1er mars 1999. L'association est organisée de manière assez pyramidale. A la base, l'AG qui se réunit ordinairement une fois par an. L'Assemblée Générale composée par les membres physiques de l'association élit les membres du conseil d'administration pour deux ans, rééligibles sans limitation. Elle approuve les rapports d'activité et financiers, statue sur l'exclusion d'un membre pour préjudice causé à l'association. C'est au sein du conseil que sont élus le Président, le secrétaire général, le trésorier et les vices-présidents qui composent le bureau. Tous les membres de l'association peuvent assister aux réunions du conseil d'administration mais ils ne peuvent pas voter. L'assemblée générale n'a donc pas droit au chapitre au-delà de l'élection du conseil d'administration. Elle vote à bulletin secret pour l'élection du conseil mais à main levée pour les autres questions. C'est le conseil qui prend les décisions concernant l'association. Il décide des questions inscrites à l'ordre du jour des assemblées générales. Le bureau exécute ces décisions et s'occupe de la gestion quotidienne de l'association. Le président dispose de tous les pouvoirs habituels d'un président, il anime les réunions et représente l'association à l'extérieur et devant la justice, sa voix compte double en cas d'égalité au conseil.

On le voit, ces statuts ont peut de rapports avec les idées de démocratie participative développés par l'association. C'est la prudence qui a prévalu lors de la rédaction de ces statuts avec une persistance certaine des mécanismes de délégation propre aux organisations traditionnelles.

Pratiquement, pendant les premières années, les membres de l'AG ont peu de prise sur la vie de l'association. Les décisions sont prises au conseil d'administration, souvent en l'absence de certains membres, et c'est un bureau très restreint qui gère les affaires courantes. L'AG n'a son mot à dire que tous les ans, lorsqu'elle renouvelle par moitié le CA.

Ces statuts furent modifiés en mars 2003 avec une avance significative vers une plus grande participation des militants dans les prises de décisions comme en témoigne le préambule des nouveaux statuts : « Vers une démocratie participative »138(*). Principalement, c'est le fait que l'AG se réunisse en tant que telle tous les mois (ceci est prévu dans le règlement intérieur) et puisse statuer sur quasiment tous les sujets, ce qui est nouveau. Dans les nouveaux statuts, c'est le chapitre sur l'AG qui vient le premier alors qu'il était le dernier dans la mouture précédente. Ainsi, les décisions qui étaient précédemment réservées au conseil sont maintenant discutées collégialement par tous le membres. Le conseil, composé de 16 membres, élit toujours les membres du bureau (qui gère les affaires courantes) en son sein mais le président a disparu. Ce sont des porte-paroles dont le nombre n'est pas défini, qui représentent désormais l'association à l'extérieur. Le secrétaire hérite de la signature de l'association et anime les débats. La responsabilité juridique et financière est désormais partagée entre tous les membres du conseil. En contrepartie, puisque les décisions prises par l'AG engagent juridiquement les membres du conseil, ceux-ci peuvent s'opposer à une décision de l'AG. Ce qui limite tout de même le pouvoir de l'AG à qui il reste tout de même la possibilité de révoquer le conseil.

En outre, un règlement intérieur est adopté quelques semaines plus tard pour compléter les statuts. Il y est prévu, entre autre, que les candidats au conseil doivent être membres de l'association depuis au moins trois mois. Deux absences inexcusées d'un membre du conseil amène à son exclusion de celui-ci. La pratique de la procuration est limitée. Ces dispositions viennent assurer que les membres du conseil s'investissent régulièrement dans l'association. En effet, pendant les premières années, des membres du conseil étaient régulièrement absents lors des réunions ou des AG.

Enfin, en mars 2004, une nouvelle révision des statuts a lieu. Le conseil disparaît au profit d'un bureau élargi (huit membres). Celui-ci reste révocable par l'AG et hérite du droit de veto. Le principe de la parité prôné dans les statuts précédents est appliqué et il est prévu quatre postes pour les femmes et quatre pour les hommes. Chacun doit obtenir un nombre de voix au moins égal au dixième du nombre d'adhérents pour être élu, c'est-à-dire une vingtaine de voix. Le nombre de mandats consécutifs est limité à deux. Les postes vacants sont pourvus par l'AG alors qu'ils l'étaient précédemment par le conseil. Le bureau choisit en son sein le secrétaire, le trésorier et les porte-paroles. C'est lui qui hérite de la responsabilité juridique et financière de l'association. La fusion du conseil et du bureau limite le nombre de réunions et de responsables de l'association. Seul les plus motivés en font donc partie.

Nous devons évoquer au passage le fait que tous les statuts de l'association ont été soumis à ATTAC-National pour approbation. En effet, une charte des comités locaux139(*) fixe d'une manière assez large les conditions pour prétendre au sigle ATTAC dont l'association nationale est propriétaire.

Vers plus de démocratie

On peut donc voir que d'une organisation pyramidale avec trois instances, le fonctionnement de l'association s'est transformée dans le sens d'une plus grande transparence et d'une participation accrue des membres dans les prises de décisions. Ceci correspond bien aux attentes des membres. De 16 conseillers, ce sont tous les adhérents qui peuvent décider des actions de l'association (il y avait en moyenne une trentaine de membres présents aux AG auxquelles nous avons assisté). De trois à cinq membres au bureau, ce sont désormais 8 qui suivent les affaires courantes de l'association.

Ces évolutions vers plus de démocratie sont à même de satisfaire les membres hostiles aux mécanismes de délégation et craignant une appropriation du pouvoir par quelques-uns. Les termes d'origine étaient également controversées et parfois mal choisies :

« Ouais, alors on combat le libéralisme ou le capitalisme et nous on est entrain de parler d'un Conseil d'Administration et pourquoi pas d'actionnaires, pendant qu'on y est, d'ATTAC. Non, alors moi, ça m'énervait, quoi. Alors on a décidé de changer les statuts, pas parce que moi ça m'énervait, parce qu'il y a eu une position démocratique de tout le monde, une discussion. Donc maintenant il y a le conseil, il n'y a plus le mot Conseil d'Administration, et il n'y a plus de président, maintenant, il y a des porte-paroles. Bon, ça peut être ambiguë encore, parce que porte-parole après tout, ça peut être un président déguisé, sait-on jamais. Et il y a un bureau, par contre, toujours qui est maintenu.

[...]

la loi nous piège, la loi est mal faite aussi à ce niveau-là. Bon, il y a un changement qui est assez... je crois que le plus intéressant c'est que maintenant quand il y a une AG, déjà, il y a cette notion d'AG tous les mois, et donc tout le monde vote, tous les adhérents ont le droit de vote. Donc il n'aura pas une adhésion à deux vitesses, genre il y a les membres un conseil et il y a les autres, ça ça m'énervait complètement, ça me hérisse, c'est mon côté « j'aime pas le pouvoir », et ça, ça m'énervait quand j'étais à Paris par exemple. A ATTAC-Paris, à un moment donné dans un comité, il y avait, j'ai appris l'existence d'un Conseil d'Administration et je ne savais pas que ça existait, ce genre de truc, où se prenaient les vraies décisions, enfin, ça m'a complètement hérissé, quoi. »

C'est également un soucis de cohérence entre les idées démocratiques de l'association et son fonctionnement réel qui a amené les modifications de statuts :

« Au départ, on a fait en fait les statuts classiques. On a pris les statuts bateau des assoc. Après il y avait eu effectivement une grande AG au TNS, où on avait dit «on parle de démocratie participative mais on la fait pas, on devrait le faire, donc plus de président mais un bureau avec des porte-paroles« ».140(*)

Le fait que le pouvoir de décision appartienne désormais à tous les membres apparaît donc comme un gage de transparence, tout ne se passant pas dans des cercles fermés. C'est donc petit à petit que l'association a adopté le fonctionnement démocratique qui la caractérise aujourd'hui.

Donner plus de pouvoir à l'AG était également une nécessité pour faire participer plus de personnes et créer les conditions d'une réelle démocratie participative au niveau de l'association :

« Le but, c'était justement d'élargir un peu les responsabilités. C'est vrai qu'on avait constaté à un moment au sein du conseil d'administration, sur 16 personnes, il y a avait en moyenne 8 à 10 qui venaient aux réunions, donc ça posait un problème. Le but, c'était quelque part, en supprimant les instances vraiment administratives, c'était d'investir plus de militants qui ne venaient pas en CA mais qui venaient en AG. »141(*)

De ce fait, les militants hostiles à toute responsabilité élective contraignante peuvent tout de même s'investir dans la vie de l'association.

La démocratie en question

Cependant, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce foisonnement démocratique n'est pas forcément au goût de tout le monde et a un coût élevé. En terme d'efficacité par exemple. Ainsi, il faut une certaine patience pour laisser vingt ou trente membres exprimer chacun leur nuances d'opinion sur un sujet sur lequel, finalement, tout le monde est d'accord sur le fond :

« Moi, je tenais la caisse, j'étais dans le hall d'entrée, la caisse, je vendais les journaux, etc... et, de temps en temps, j'allais assister et je revenais tout de suite tellement ça me faisait marrer. Parce que tout le monde tournait en rond pour arriver à la fin à la même conclusion, à laquelle on était arrivé avant d'organiser l'AG. Donc c'est extrêmement épuisant.

[...]

Et j'avais l'impression que les gens, d'un côté ils disaient comment il fallait faire et de l'autre côté, ils discutaient pendant des heures et à la fin on avait plus envie de rien faire tellement on était fatigués. »142(*)

La démocratie interne et la volonté de laisser la parole à tous nécessite donc une certaine volonté.

En outre, des visions différentes peuvent apparaître en fonction du rôle de chacun. Pour certains anciens responsables de l'association, le bureau doit pouvoir rester fort, prendre des décisions et en rendre compte après-coup à l'AG. L'investissement important dont ils font preuve doit leur assurer une certaine autonomie d'action. Le fait de devoir réunir l'AG ou attendre la prochaine AG mensuelle pour prendre une décision peut paraître paralysant et ne s'accorde en tous cas pas avec l'urgence. Le fait que l'initiative des actions appartienne à l'AG alors que la responsabilité juridique et financière appartient aux membres du bureau pose également problème. En effet, il est arrivé que l'AG vote avec enthousiasme un projet mais que le manque d'investissement des membres par la suite aboutisse à un échec matériel et financier retombant sur le bureau. Le droit de veto dont dispose celui-ci sur les décisions de l'AG trouve ici son explication. La démocratie interne ne va donc pas de soi et nécessite des efforts constants. Il nous semblait important de le souligner avant de voir comment les crises qu'a vécu l'association explique les évolutions de statuts.

B. La régulation des crises

En effet, les adaptations des statuts, au-delà de la nécessité démocratique évoquée, correspondent également au soucis de répondre à des disfonctionnements qui apparaissent assez rapidement.

Juguler les appétits de pouvoir individuels

Premièrement c'est le poste de président qui a posé des problèmes. Non seulement, ce poste pouvait mener à une certaine personnalisation de l'association mais il a été source de conflits au sein de l'association :

« Il y a eu des turbulences dès le début avec ça. Parce qu'avant qu'on soit avec un truc collectif, c'était LR qui était présidente, qui est maintenant dans le bureau. Elle aussi, elle est là depuis le début. Mais avant elle, il y avait un mec, ça a été assez hard... Ah, non, attends... juste avant c'était plus LR, c'était SD... Et encore avant LR, il y avait un type, un grand maigre, je sais plus son nom, c'était le premier président. Mais lui aussi, il était devenu très... il a été corrompu par le pouvoir. Incroyable, parce que le pouvoir à ATTAC-Strasbourg, c'est quand même pas grand-chose mais il voulait plus lâcher, quoi. Donc on avait déjà eu des réunions assez houleuses à l'époque. »143(*)

Ce premier président s'accrocha au pouvoir, ce qui suscita différentes stratégies afin de s'en débarrasser mais aboutit à des solutions de compromis :

« Ouais, le premier président, ça a fritté très vite avec lui, moi en premier d'ailleurs. Parce que c'était quelqu'un, d'ailleurs c'est toujours quelqu'un d'extrêmement imbuvable, c'est quelqu'un qui a une énorme culture générale, une énorme culture politique mais il est imbuvable et surtout c'est un velléitaire, il n'arrive jamais à ce qu'il veut faire. Parce qu'il est incapable de se mettre des gens de son côté autrement que par l'opposition idéologique... Et la première année, disons, ça a été une année de croissance donc on a beaucoup pris sur nous, etc... c'est vrai qu'il y avait beaucoup de sujets sur lesquels on pouvait s'investir sans avoir forcément son contrôle mais au fur et à mesure, ça s'est dégradé et l'élection a eu lieu, un an et demi ou deux ans plus tard.[...] c'était le début de la guerre des clans.

[...]

Ben, le clan d'un côté donc ce président et ses affiliés qui sont des grosse têtes extrêmement méprisantes et de l'autre côté, une personne qui est venue, qui elle-même venait du monde politique LCR-PS, qui venait par opportunisme. Qui était soutenue par une équipe... dont moi, plus par rejet du premier président, qui a été surtout mise en place parce qu'on en avait ras-le-bol, mais en même temps, on a pas réfléchi plus loin que le bout de notre nez et on a pas vu qui c'était vraiment. Donc on a enchaîné un après l'autre, sachant que tant que le clan qui s'est fait viré était là, ben, on devait soutenir la présidente et au fur et à mesure, elle a fait conneries sur conneries et puis de toute façon... Mais, bon ça a duré encore un bonne année de guerre des clans. Ca se voyait surtout dans les conseils d'administration, une fois par mois, c'était lent, c'était dur, c'était extrêmement imbuvable dans la mesure où les gens n'étaient pas sympas. Ca s'est vu une ou deux fois en AG, et bon alors après évidemment ça se ressent au quotidien, quand il n'y a personne qui participe, etc, etc... »144(*)

On le voit, malgré la vocation de l'association, on retrouve les velléités de pouvoir et les luttes d'influences classiques des organisations politiques. Ces problèmes qui se ressentaient dans le fonctionnement de l'association ont donc conduit en grande partie à la suppression du poste de président. Cela était censé éviter toute personnification de l'association et son utilisation à des fins personnelles mais aussi calmer les tensions et éviter les phénomènes de clans réunis derrière des leaders.

Une grande capacité d'adaptation

Un autre cas illustre bien la capacité d'adaptation de l'association face aux problèmes quotidiens. La dernière modification des statuts a en effet pour but d'éviter les indésirables. Le dernier trésorier de l'association s'étant révélé peu sociable et décourageant vis-à-vis des autres membres qui ne partageaient pas ses conceptions de l'action provoqua une crise importante. De nombreux membres du conseil démissionnèrent pour protester contre le climat qui régnait dans l'association. Celle-ci connut d'ailleurs pendant un an un passage à vide certain. La création d'un seuil de voix à obtenir pour être élu au bureau est donc clairement destiné à éviter ce genre de problèmes comme en témoigne ces commentaires recueillis avant la dernière modification des statuts :

« Parce que pour l'instant, quand quelqu'un se présente au conseil, en gros, s'il n'y a pas d'autre candidats et qu'il vote pour lui, il est élu. Donc fixer 50 pour 100 des présents, des votants qui votent pour une personne pour qu'elle soit élue. Pour éviter que des personnes contestées vraiment puissent être élues faute de candidats. »145(*)

La création d'un seuil est donc clairement un instrument de contrôle. Parallèlement, et le problème précédent en dépend, c'est le nombre d'élus de l'association qui est limité. De seize conseillers, on passe à un bureau de huit personnes. Ceci permet de s'assurer que les personnes élues s'investissent suffisamment. Il faut dire qu'afin de pouvoir faire tourner les responsabilités et compter sur des personnes ayant réellement la volonté d'investir de leur temps, huit est un chiffre bien plus réaliste que seize, sachant que les AG réunissent entre 30 et quarante personnes. La réduction du nombre d'élus permet également d'éviter d'avoir à choisir des personnes par défaut, qui ne rempliront pas leur rôle ou seront potentiellement générateurs de conflits. Si cette réduction des membres élus peut dénoter d'une insuffisance d'investissement de la part des membres, l'omnipotence de l'AG tempère ce fait. De plus, dans le dernier bureau élu, 6 des membres ne faisaient pas partie du bureau précédent, ce qui est plutôt bon pour le renouvellement des énergies. L'instauration d'une réelle parité homme-femmes au bureau, avec un nombre de places réservées pour chacun est également un gage de renouvellement des énergies. Les femmes étant habituellement moins nombreuses que les hommes dans les instances élues, la parité est de nature à renouveler les responsables de l'association.

On constate donc que les évolutions statutaires de l'association correspondent au souci de réguler et d'éviter les conflits et d'améliorer le fonctionnement de l'association. C'est la confiscation du pouvoir par une minorité qui est évitée, afin que chacun puisse être entendu au sein de l'association. La fréquence des modifications de statuts montre que le soucis de cohésion de l'association est très présent et est perçu comme une qualité :

« ce qu'il y a c'est qu'on a changé les statuts l'an dernier, on les rechange cette année, c'est évolutif et je trouve ça vraiment riche que... alors c'est compliqué parce qu'on est pas des professionnels mais que l'association se re-questionne régulièrement sur son mode de fonctionnement, ses buts et le pourquoi du comment, je trouve ça plutôt important. Alors faut pas qu'on fasse que ça parce qu'on est pas là pour ça a priori, ça prend du temps mais je trouve ça plutôt un signe de bonne santé, quoi. »146(*)

D'ailleurs, les objectifs visés par les membres lors des modifications de statuts semble être souvent atteints. Les remises en question occasionnées dans ces occasions semblent salutaires à l'association. Les militants s'accordent par exemple pour dire, et nous l'avons constaté également, que l'ambiance générale dans l'association s'est améliorée suite aux dernières modifications. Des militants longtemps absents sont revenus, d'autres généralement absents lors des AG y apparaissent ou décident de prendre des responsabilités dans l'association. De ce point de vue, les crises et le fait d'y remédier collectivement a tendance à re-motiver les membres :

« Ben, moi j'y suis allée parce que... ça je devrais pas le dire mais tant pis... L'AG à laquelle tu avais assisté qui était un peu la fin, un peu, des turbulences justement, c'est ce qui m'a décidé. Je me suis dit « si maintenant, on ne fait pas quelque chose pour reprendre en main, c'est la fin d'ATTAC-Strasbourg ». On était quand même un certain nombre à penser comme ça donc l'idée c'était de virer le petit bureau qui avait été très mal élu et qui ne foutait vraiment rien et... plus personne ne venait, quoi. C'était la fin, c'était entrain de mourir lentement. Donc je me suis dit « il faut faire quelque chose maintenant ». A ce moment-là, puisqu'on a eu lors de cette AG toute une discussion sur la parité, on m'a fait vraiment sentir qu'il fallait que les nanas s'engagent et qu'il n'y en avait pas beaucoup sur les listes, qui étaient prêtes à le faire. Les anciens du précédent bureau m'ont dit « mais c'est rien du tout c'est une réunion par mois, tu te réunis juste avant l'AG et c'est bon ». En fait c'est un peu plus... et je me suis dit « allez j'y vais, ne serait-ce que pour faire élire des filles et si je vois que je peux pas, ben je laisserai la place et puis il y en aura une autre qui viendra à ma place ». Mais c'était au moins pour qu'il y ait au moins 4 filles-4 mecs. »147(*)

Cependant, les modifications de statuts ne se font pas naturellement ou de manière linéaire. Nous avons pu assister à une réunion de préparation destinée à préparer les derniers changements de statuts. L'atmosphère y était plutôt tendue. Les attitudes affichées par chacun (affichage ostensible des procurations), les manières de se placer des différents groupes, les silences suivant certaines prises de positions étaient révélatrices de certaines tensions bien sensibles.

Cette capacité à faire évoluer l'association en fonction des crises et des problèmes de fonctionnement nous apparaît comme un gage de continuité pour l'association. La possibilité de modifier fréquemment (deux fois en un an) les statuts et de les adapter au fonctionnement réel de l'association a permis, en tous cas, de redonner une dynamique nouvelle dans des moments où l'association s'essoufflait. Cette formule résume bien le caractère modelable de l'association :

« Tu te rends compte que c'est que des personnes qui veulent essayer de faire des choses ensemble et que si le mode de fonctionnement ne va pas, il suffit de le changer ensemble. » 148(*)

Pour finir, on pourrait donc dire que l'évolution des statuts est une façon de maintenir une certaine cohésion dans l'association malgré les tensions. La définition du fonctionnement de l'association au fur et à mesure est un instrument de régulation de la diversité des militants :

« Disons qu'au niveau des statuts, c'est vrai qu'au départ, ça correspondait... c'était une structure beaucoup plus traditionnelle, loi de 1901, c'était une structure traditionnelle. Comment analyser les changements de statuts ? Moi je dirais que, je crois que c'est Alain Madelin qui disait que pour lui, ATTAC, c'était une auberge espagnole et c'est vrai, c'est une auberge espagnole. Et je pense que les statuts un peu atypiques qu'on a, ça répond peut-être à la diversité des gens. »149(*)

C. Le fonctionnement de l'association

C'est dans le fonctionnement de l'association et son organisation souple que nous voyons un dernier facteur de réussite et de coopération dans l'association. Nous verrons ensuite comment se déroule une AG et le rôle de ces réunions.

Souplesse du fonctionnement

Un point troublant quand on lit les statuts de l'association est leur relative imprécision. S'il est évoqué parfois la régularité des réunions à tenir ou ce genre de détails, les différentes instances de l'association s'organisent comme elles l'entendent. Il faut noter ici que cela est rendu possible par la latitude d'organisation presque totale offerte par la Charte qu'ATTAC-national propose aux comités locaux.

Il faut dire également que nulle part dans les statuts n'est défini la façon dont les actions doivent se dérouler et sur quel schéma. C'est donc l'improvisation qui a prévalu lors de la mise en place des différents groupes ou commissions.

Seules deux lignes dans le règlement intérieur concernent les actions. Les groupes proposant une action doivent avoir l'aval de l'AG et désigner un référent. Chaque action doit donner lieu à un bilan présenté en AG. En dehors de ces deux obligations, l'organisation interne des groupes et de leurs actions est totalement libre. Ce point apparaît d'ailleurs très importants pour les militants. L'organisation du fonctionnement de l'association ne doit pas être trop directive ou formaliste pour laisser la place à l'improvisation et aux volontés de chacun.

La dernière crise qui toucha l'association était d'ailleurs liée aux modalités d'organisation des actions. Deux conceptions s'opposaient avec d'un côté (celui surtout de l'ancien trésorier) une volonté que les actions soient définies, avec des résultats escomptés, des bilans, et de l'autre (surtout du côté des jeunes militants mais pas uniquement) une préférence pour des actions plus désorganisées mais plus sympathiques :

« Enfin, un problème de mode de fonctionnement, de point de vue sur comment ça doit fonctionner... Bon, lui il est hyper tatillon, toutes les règles doivent être suivies à la lettre. Et puis d'un autre côté, il y a des gens qui ont envie de bosser plus tranquillement, et puis si tout est pas suivi à la lettre, ça empêche pas d'avancer et puis au niveau de l'ambiance c'est un peu plus agréable, quoi. »150(*)

La souplesse du fonctionnement est donc un élément important. Nous y reviendrons d'ailleurs plus tard pour évoquer l'autonomie des groupes. Avant, nous allons nous intéresser au rôle de l'AG comme instance de régulation.

Le rôle de l'AG

Instance décisionnelle principale depuis 2003, l'AG mensuelle joue également un rôle régulateur et fédérateur dans l'association. Elle est débutée depuis quelques mois par un débat sur un thème particulier, aboutissant ou non à un vote (selon que le sujet est en rapport avec une décision à prendre pour l'association ou non). Celui-ci est l'occasion d'échanger des informations et de trouver des positions communes à l'association hors du cadre des commissions. Bien que certains militants, plus rompus à la prise de parole en public, s'accordent un temps de parole supérieur aux autres, tout le monde a la possibilité de s'exprimer. Le président de séance (un des membres du bureau à tour de rôle) distribue la parole et veille à ce que les tours soient respectés, que les militants ne soient pas coupés. C'est également lui qui délimite le temps accordé à chaque sujet.

Surtout , l'AG est le seul endroit où peuvent se rencontrer tous les militants qui ne se rencontrent pas forcément dans le cadre des différentes actions. Bien que la moyenne des présents ne soit que d'une trentaine, il est clair que la plupart ne se voient pas plus régulièrement. Malgré sa courte durée ( environ 3 heures), elle permet de passer en revue les activités de l'association. Avec le bouche à oreille, le site internet et le journal, c'est le seul moyen pour les membres de se tenir informés des activités des autres groupes. D'ordinaire, il y a entre 20 et 30 points à l'ordre du jour entre l'actualité de l'association, les actions du mois des différents groupes et celles prévues pour le mois suivant. Ceci nécessite un rythme soutenu et donc d'écourter parfois certains sujets. L'ordre du jour est donc déterminé à l'avance et il est souvent délicat de trouver du temps à la fin pour ajouter des sujets. D'autant plus qu'il est impossible de repousser l'horaire car la Maison des Associations où se déroulent les AG ferme ses portes à 23 heures. Cependant, chaque groupe a l'occasion de faire la publicité de ses actions, de demander de l'aide ou de présenter son bilan.

Si l'AG permet de voir quels sont les membres réellement actifs de l'association, tous n'y sont pas présents. Elle n'est, en effet, pas un passage obligatoire. Certains militants agissant régulièrement dans l'association se passent très bien de ce long parcours du combattant où le temps accordé à chaque sujet est limité.

Mais l'AG permet également de prendre le pouls de l'association. Les tensions y sont visibles, la répartition des membres autour de la table faisant apparaître les groupes affinitaires et les commentaires privés allant bon train. Selon l'ambiance, sympathique ou pesante, il est possible de sentir la santé de l'association. Surtout, il faut noter que lorsque le moral de l'association est au plus bas, la fréquentation de l'AG baisse sensiblement. Le nombre de présents à l'AG est donc un indicateur sur la santé de l'association.

Enfin, l'AG est l'occasion de répartir les tâches collectives de l'association comme le fait de tenir la permanence le mercredi ou de chercher des volontaires pour certaines actions. Bien plus efficacement que par mail ou téléphone, il est possible de s'adresser directement aux militants qui s'impliquent pour chercher des coups de mains.

Bien évidemment, c'est également en AG que se prennent les décisions importantes concernant l'association. La pratique du vote est celle qui est utilisée, le comité strasbourgeois se démarquant par-là d'autres comités ayant des pratiques plus consensuelles.

L'AG joue donc un rôle de régulation dans l'association et permet de prendre conscience de toutes les activités de l'association. Se poursuivant souvent en petits groupes sur le trottoir ou dans un bar, elle permet en outre de réunir les militants dans les périodes où il y a peu d'actions pour mobiliser les énergies. S'il n'y a parfois rien de fort épanouissant dans ces réunions relativement formelles, elles sont nécessaires au fonctionnement de l'association et sont le lieu où se cristallisent toutes les facettes de l'association. Le respect et l'autocontrôle dont font preuve les militants ainsi que la liberté de parole accordée à chacun confortent la satisfaction des militants.

Nous avons pu le voir dans cette sous-partie, le succès d'ATTAC auprès des membres tient en grande partie à l'organisation de l'association et à sa souplesse. Non seulement, la structure d'ATTAC est évolutive, ce qui permet de surmonter les crises et de s'adapter à l'évolution de son fonctionnement réel, mais cette évolution se fait vers une plus grande transparence. La démocratie interne qui se développe permet à toutes les sensibilités de s'exprimer. Le caractère souple du fonctionnement assure à chacun de pouvoir agir selon ses envies propres sans se plier à un schéma prédéfini. L'existence d'une réunion collective tous les mois met les militants au centre de l'association et assure qu'ils aient réellement les connaissances nécessaires pour en être aux commandes. La liberté qui existe dans le fonctionnement de l'association se retrouve d'ailleurs dans la façon dont chacun façonne son militantisme.

III. Un engagement à géométrie variable

Le dernier facteur favorisant la satisfaction de militants aux attentes diverses nous paraît être lié à la façon dont les militants façonnent leur propre engagement dans ATTAC. Le fonctionnement de l'association donne à l'initiative militante une place centrale, ce qui permet à chacun d'être maître de son militantisme sans contrôle. Malgré des attentes différentes, les membres trouvent dans la diversité des actions possibles de quoi les satisfaire. Enfin, nous verrons comment se façonne un militantisme de plus en plus individuel et « sur mesure » dans ATTAC, permettant à l'association de fonctionner malgré la diversité des membres.

A. Initiative et autonomie des militants

Il apparaît dans un premier temps que l'initiative offerte aux militants en termes d'actions à mener est un gage de satisfaction évidente et met les militants au centre de l'organisation politique. L'autonomie dont ils jouissent à l'intérieur des groupes leur assure de travailler selon leur rythme sans être jugés par des militants aux attentes différentes. Ceci est renforcé par le relatif cloisonnement des activités.

Initiative des militants

Un des facteurs les plus intéressants car les plus originaux d'une association comme ATTAC et, tout spécialement de ses comités locaux, est l'initiative centrale du militant. En effet, ATTAC attend beaucoup de ses militants. Puisqu'elle refuse de se doter d'instances centralisées ou limitent leurs prérogatives, et que celles-ci ont davantage un rôle régulateur qu'un rôle d'initiative dans l'association, c'est des membres que doivent venir les propositions d'actions. ATTAC n'apparaît alors pas comme une organisation dont la politique et les priorités seraient définies par des instances dirigeantes et où le rôle du militant serait d'appliquer, mais comme un lieu de coopération d'individus divers cherchant un cadre pour se mobiliser. A ATTAC-Strasbourg, les actions sont effectivement impulsées par les militants. Ceci permet aux militants d'agir selon leurs envies, leurs intérêts particuliers, les thèmes qui leur tiennent à coeur et de choisir la façon de s'engager qui leur correspond le mieux.

Si un ou plusieurs d'entre eux ont une idée et souhaitent la mettre en pratique, ils la proposent en AG et la mettent en oeuvre. Il est très rare qu'une proposition d'action soit refusée, cela n'étant arrivé qu'une fois. La soumission au groupe est plus une étape de principe, bien qu'elle soit inscrite dans le règlement intérieur  :

« Et puis l'opportunité effectivement de création d'un groupe, ben ouais, c'est discuté par tout le monde, quoi. Parce que sinon, on peut faire un groupe sur la couleur du ciel ou je sais pas... C'est important que tout le monde puisse décider même si les choses à priori, on les a discutées entre nous, comme ça avant. Je crois pas que ce soit arrivé qu'une création de groupe soit refusée, quoi. Puisqu'on ne fonctionne pas de manière pyramidale, on essaye de pas fonctionner de manière pyramidale. Les adhérents, s'ils ont envie de faire quelque chose, ils le font. »151(*)

Si l'action proposée correspond à la philosophie générale de l'association et est légale, son adoption par l'AG est quasiment acquise. Il est alors possible pour d'autres membres de rejoindre le groupe dont le fonctionnement sera défini ensuite.

Un trop fort contrôle des initiatives et des activités de chacun aboutirait à une forte insatisfaction des militants. Le cas s'est d'ailleurs produit et a menacé l'existence de l'association car cela aboutissait à décourager les membres :

« Oui, mais ça je trouve que c'est bien ce côté un peu tous azimut comme ça. Et c'est justement ça qu'on a depuis deux-trois mois, depuis que X est plus là pour tout le temps dire « non, ça c'est nul, ça c'est nul, ça c'est pas construit, ça c'est pas dans la ligne du parti ». Parce que du coup, chaque fois que quelqu'un lançait une idée, il était sabré donc au bout d'un moment les gens s'en vont. Si chaque fois qu'ils disent « tiens, on pourrait faire ça », on répond « non, c'est nul, casse-toi », ben ils ont vite compris et ils ne reviennent plus. »152(*)

La grande initiative des militants nous paraît clairement lié au caractère local de l'engagement et à l'autonomie des comités locaux :

« ... c'est ça qui est intéressant aussi, c'est aussi ça qui m'attire dans ATTAC, c'est qu'en tant que comité local, on a quand même une autonomie, une indépendance certaine. Forcément nos positions sont proches du national, on peut difficilement contredire complètement ce qui est dit par le national, mais par contre au niveau du choix des actions, du choix des thèmes qu'on aborde, on a la liberté totale. Et ça, je trouve ça extrêmement positif et ça fait que les comités locaux ont chacun leur vie propre et chacun leurs thèmes de prédilection et c'est important, quoi. »153(*)

Le caractère local de l'engagement permet donc d'augmenter sensiblement le poids du militant. C'est certainement un des plus gros avantages du « penser global, agir local » de l'association.

Avant d'aller plus loin, il faut ouvrir une parenthèse pour relativiser nos propos. On pourrait avoir l'impression que tous les militants d'ATTAC sont doués d'une forte initiative et entreprennent des actions de manière autonome. Il faut malheureusement nuancer ce tableau. S'il existe effectivement un certain nombre de militants qui ont des idées et les mettent en oeuvre, une bonne partie des membres de l'association ne fait que suivre, comme dans toute organisation :

« J'ai appris que malgré les beaux discours sur la démocratie, « tous égaux », il y aura toujours forcément besoin d'un leader. Ca, on y peut rien. Que le leader aura toujours forcément besoin de cadres sur lesquels s'appuyer. Et qu'il y aura toujours forcément des fidèles qui auront besoin qu'on leur dise quoi faire. Après, ce sont des gens super sympas à côté, qui ont un excellent humour et qui sont adorables. Mais ils sont incapables malgré qu'ils aient 60 ans et 40 ans de militantisme derrière eux, et il y en a à ATTAC, ils seront incapables de prendre des décisions eux-mêmes. »154(*)

Le poids des habitudes héritées des engagements passés et la variabilité d'investissement des militants engendrent donc une situation un peu plus contrastée. Tous les militants ne saisissent pas la chance de produire leurs actions. Ils restent cependant libres de participer aux actions de leur choix et de rejoindre un groupe déjà constitué. Ces groupes fonctionnent d'ailleurs de manière autonome.

Autonomie des groupes

Ce point nous paraît capital. Non seulement, les groupes choisissent leurs activités mais ils s'organisent de plus de manière autonome. Même s'ils tiennent régulièrement les autres membres au courant de leurs actions, ils sont libres de fonctionner comme ils l'entendent sans contrôle de la part du conseil ou des autres membres. Le fonctionnement s'établit au fur et à mesure :

« Et c'est vrai que je trouve ça plutôt stimulant que des groupes, comme ça, informels se créent au départ et puis imaginent ensemble comment faire des choses. C'est-à-dire que moi par exemple pour les affichettes j'avais une idée de départ mais ça évolue au fur et à mesure et avec les gens qui participent. »155(*)

La gestion par les militants des différentes actions, indépendamment de structures de contrôle, est un gage de satisfaction évident pour les militants. Le journal de l'association par exemple est géré par les membres qui désirent s'en occuper et chacun peut y écrire :

« Le journal justement ce qu'on essayait de faire, c'est que c'était pas le journal d'ATTAC, c'est le journal des adhérents d'ATTAC. C'est-à-dire qu'il n'y a personne du bureau ou du conseil qui peut dire « cet article on le veut pas, etc... ». C'est que des choses qu'on fait, que des adhérents qui viennent, font en commun. Qui disent « ton article me plaît pas donc je fais un contre-article », « tu ne devrais pas mettre ça parce qu'on ne comprend pas bien », etc... mais il n'y a pas du tout de censure ou il faut parler de ce problème, etc... Et ce journal, comme il  est rédigé par des personnes et pas par un organisme avec une direction et une tête, il se destine un petit peu à tout le monde. »156(*)

Les militants jouissent donc d'une grande liberté dans leurs actions. Les membres qui composent une commission particulière détiennent le choix des thèmes à traiter. Ils adoptent le rythme qu'ils préfèrent et ne sont pas tenus à une certaine productivité. Cette liberté nous apparaît être un gage de satisfaction central pour les militants. Ayant des visions et des attentes de l'engagement diverses, ils peuvent choisir ou proposer l'action qui leur correspond le mieux. Il leur est possible de se former en petits groupes autonomes, sur des affinités ou des sujet communs, et de fonctionner avec les individus qui ont les visions de l'engagement le plus proche d'eux. Ceci limite donc les frictions possibles dans l'association.

Cela ajoute également au sentiment de liberté qui règne dans l'association puisque, de A à Z, les militants sont maîtres de leurs actions. Ils peuvent à la fois être à l'origine d'une action et la mener à bien comme ils l'entendent.

Nous avions vu en première partie que les militants affichaient une grande autonomie à l'égard des mouvements auxquels ils participent. Celle-ci se retrouve dans la volonté d'autonomie au sein du mouvement. Un des aspects qui satisfait le plus les membres dans leur participation, est la liberté de parole et d'action proposée. Ce qui amène les militants à s'engager est justement la rupture avec une vision dirigée et uniformisée de l'action militante et ceci chez les anciens comme chez les nouveaux militants.

Dans ATTAC, la rupture avec le fonctionnement des partis politiques est soulignée. L'engagement a lieu dans la mesure où le mouvement impose peu de choses :

« J'avais envie un peu de m'approprier la politique mais sans être un militant bien discipliné d'un parti politique. »157(*)

Les militants recherchent une structure où ils peuvent « se prendre en main » et créer les dimensions de leur militantisme. Le schéma de l'engagement qui les caractérise est à l'opposé de celui des « petits soldats ». L'autonomie, la possibilité de choisir et d'être les instigateurs des actions auxquelles ils participent est un aspect central de leur choix de structure. Ce qu'ils trouvent de plus dans ATTAC que dans un autre mouvement est donc la liberté d'agir. Liberté vis-à-vis d'instances supérieures et vis-à-vis des autres membres qui ont des priorités différentes.

Tout comme pour l'initiative, l'autonomie des militants n'est possible que si l'association limite son contrôle sur les activités de chacun. En l'absence de critères communs pour juger les actions de chacun, le plus simple et le plus sûr est encore de ne pas le faire. Le fait que l'association adopte un mode de fonctionnement très lâche et flou est donc capital pour permettre à l'association de fonctionner. Ces commentaires sur la dernière crise qui a secoué l'association en sont la preuve :

« C'est même pas un problème politique, c'est un problème d'ordre comportemental, quoi. C'est impossible de faire des choses avec cette personne, qui est issue d'une culture (pour le coup, quand je disais que ça pouvait poser des problèmes) radicalement différente. Et qui voit tout en termes de programme et d'efficacité millimétrée et de compte-rendus et machin, nous on peut pas fonctionner comme ça, quoi. On est des êtres humains complexes, on est pas à tous ranger dans des cases, quoi. Donc c'est pour ça que ça ne fonctionnait plus et puis on se rend compte que c'est super fragile une association. Puisqu'une personne qui pense pas tout à fait pareil, qui réagit pas de la même manière aux choses, ça fait éclater la cohésion du groupe et puis une association très facilement, en fait. »158(*)

L'association laisse donc une grande liberté aux militants. Ici aussi, c'est le caractère local de l'engagement nous paraît permettre cette résurgence du militant en tant qu'acteur. Nous nous permettrons de mettre ce fait en parallèle avec l'analyse de Jacques Ion qui voit dans  « le local » le lieu privilégié de l'engagement militant actuel, bien que les revendications dépassent ce cadre. La favorisation de la base s'effectue surtout comme échappatoire à toute « structuration trop contraignante »159(*), souci dont nous avons vu qu'il marquait fortement les militants. Le déclin du système fédéral au profit de la coopération témoigne pour lui « de relations en quelque sorte plus libres entre les individus et les groupements auxquels ils participent »160(*), répondant en cela aux caractéristiques des militants que nous présentions plus haut.

Le cloisonnement des activités

Il faut dire en outre que les activités dans l'association sont assez cloisonnées. Nous avions vu que l'AG permettait justement aux membres de s'informer mutuellement sur leurs activités. Nous avons dit également que des tentatives étaient régulièrement faites pour que les différents groupes coopèrent. Cependant, par manque de temps ou parfois d'intérêt, il faut dire que les membres ne sont pas forcément au courant de ce qui se passe dans les autres groupes. Il n'y a pas du tout d'automaticité dans le fait de se rendre à la conférence ou au débat organisé par certains membres de l'association :

« Ici, notamment, je dirais pas que c'est éclaté mais c'est vrai qu'il y a des commissions... je sais pas si les gens se mélangent dans les groupes. Ca c'est effectivement un débat qu'on avait eu à un moment en bureau. C'était comment relayer le travail des commissions à toute l'association.[...]

Mais ça reste les mêmes qui participent à telle action, les mêmes qui participent à telle autre... » 161(*)

Des individus ayant des points de vues totalement opposés peuvent donc aisément s'éviter et, en tous cas, n'ont pas forcément à agir ensemble. Hormis aux AG, où il arrive même parfois que tous les membres d'un groupe soient absents, les groupes ne sont pas amenés à se rencontrer forcément. Personne n'est obligé de participer à une action qu'il désapprouve, ce qui permet à chacun d'être satisfait dans sa logique d'engagement propre.

Les oppositions qui existent entre les volontés d'agir de chacun, notamment en ce qui concerne les actions classiques et les actions plus spectaculaires ne se ressentent donc pas forcément. Si chacun peut émettre des doutes sur l'efficacité des actions des autres, le fait qu'ils n'aient pas à y participer et que celles-ci ne soient qu'une possibilité parmi d'autres atténue les divergences.

Mais il faut dire par contre de ce cloisonnement que, s'il présente des avantages certains, peut également engendrer une certaine méconnaissance, voire dénoter d'une indifférence au travail des autres et, du coup, créer des frustrations. Cet ancien militant d'ATTAC-Strasbourg, présent dans le comité de pilotage de l'association et responsable du site web et des listes de diffusion jusqu'à l'été 2000 illustre ce cas :

« Et moi, j'ai toujours dit et je continue à le dire aujourd'hui, il y avait quelque chose à faire avec ce site web, et les membres ne suivaient pas et le pire, le conseil d'administration ne suivait pas. C'était une erreur monumentale. Et... encore pire au niveau du mail. [...] Et le conseil, enfin, sa Présidente, malheureusement n'a jamais suivi ça, pour une raison très simple, c'est que sa boîte e-mail était toujours pleine, elle la vidait jamais. Et je trouvais ça détestable dans la mesure où je remplissais un rôle, je me cassais le cul pendant une heure par jour, à recevoir tous les mails, à les trier à les envoyer, etc... Et je n'avais quasiment aucun retour, et ça c'est extrêmement frustrant. Ce qui est marrant, c'est que quand je râlais, personne ne me disait rien enfin sauf, on me disait qu'il n'y avait pas de raisons à ce que je râle. Jusqu'au jour où quelqu'un a pris la relève, et là, il a compris. » [...]

« J'ai quand même pas mal investi de mon temps, il n'y a pas eu de retour, du style, une tape sur l'épaule et : « Tiens c'est pas mal le travail que tu fais ». Juste ça, quoi, moi, je connais l'importance de ça. Je l'ai vécu, je le vis encore tous les jours, donc ça... Absence de collégialité, absence de reconnaissance du travail de l'autre, ça fait chier à force, il y en a marre. »162(*)

L'initiative laissée et attendue des militants, l'autonomie des groupes et l'absence de contrôle des actions de chacun permet donc de préserver l'unité du mouvement. C'est principalement sur ces points que l'association se doit d'être attentive pour éviter les conflits. Elle doit s'interdire notamment d'adopter un fonctionnement trop formalisé et d'évaluer ou de juger les actions de chacun. On comprend mieux dans ce cas que l'association puisse se passer d'instances dirigeantes.

B. Variété et évolution des activités

Nous avons vu dans la première partie combien les intérêts et les attentes des militants étaient divers. Nous avons vu également comment la présence d'ATTAC sur de nombreux thèmes attenant au néo-libéralisme permettait d'alimenter la dynamique d'adhésion à l'association. Nous allons voir ici comment la diversité des possibilités d'actions permet à chacun de trouver sa place selon sa logique d'engagement propre.

Des activités dans des cadres variés

Nous avons vu en première partie que les sensibilités politiques et les thèmes de prédilection des militants étaient divers. Ces militants ne peuvent donc agir ensemble que dans la mesure où l'association a vocation à traiter de nombreux thèmes et où elle est capable de mobiliser ses membres sur de nombreux terrains. La multiplication des thèmes de l'association, si elle est vue parfois comme un facteur de déstabilisation, en ce qu'elle peut faire apparaître des divergences entre les militants, est vitale pour l'association.

La spécificité d'ATTAC est ici de lier les thèmes attenant à la question du travail, débordant sur le terrain des organisations syndicales, et les thèmes issus des Nouveaux Mouvements Sociaux des années 70. C'est donc une position hybride qu'adopte l'association entre des traditions différentes.

Elle permet donc aux militants issus du mouvement ouvrier de continuer à se mobiliser sur des thèmes proches de leurs engagements précédents. En manifestant contre les licenciements ou en étant présents lors de quasiment tous les mouvements sociaux (retraites, sécurité sociale, mobilisation de la fonction publique), elle s'inscrit dans une réaction quotidienne à la précarisation salariale et aux politiques gouvernementales libérales. Le militantisme correspond ici à un militantisme très classique de manifestations et tractages. La vocation économique de l'association lui permet donc d'être dans une certaine continuité avec les formations syndicales ou les mouvements ouvriers. Les militants ayant une forte culture de la manifestation, et il y en a beaucoup, apprécient de pouvoir se retrouver dans la rue pour s'exprimer dans une ambiance parfois festive. Mais ce souci prend forme également dans les commissions. L'existence d'un groupe « conditions de travail », se proposant d'enquêter sur l'évolution des conditions de travail dans le secteur public et privé avant de rendre public ses conclusions, illustre ce fait.

Mais, fidèle aux alliances nouées dans la rue dans les années 90 entre le mouvement ouvrier et les prolongements des NMS, l'association est également ouverte aux thèmes plus récents que le mouvement ouvrier n'avait pas su intégrer. Elle coopère donc fréquemment avec d'autres organisations plus spécialisées.

Par son partenariat avec diverses associations écologistes, et sa présence lors de Foires Bio en Alsace où l'association tient souvent un stand, elle permet aux militants les plus concernés par les problèmes d'environnement de s'investir. Ceci d'ailleurs dans la mouvance de l'association nationale qui prend position pour un développement durable et contrôlé, respectueux de l'environnement et des générations futures. Il existe également une commission « OGM » à ATTAC-Strasbourg visant à impulser un débat clair sur ce problème et des coopérations avec la Confédération Paysanne locale.

L'association s'inscrit également dans une mouvance internationaliste ou mondialiste. En prenant partie pour le Tiers-Monde ou en encourageant le commerce équitable, elle permet de satisfaire la vocation altruiste de certains militants. La coopération avec des organisations spécialisées sur ces thèmes prend souvent la forme d'un stand de l'association sur les lieux des évènements organisés et d'un coup de main pour la publicité ou l'organisation de ceux-ci.

Les militants les plus proches de ces thèmes se présentent comme volontaires pour ces actions, informent les autres et les invitent à s'y rendre. Par le biais du comité local, il est donc possible de s'engager dans des domaines divers, avec de multiples organisations spécialisées.

L'ouverture de l'association sur les thèmes des années 70 permet également à certains membres d'ajouter des thèmes qui leur tiennent à coeur. L'existence d'une commission « femmes et mondialisation » illustre bien ce fait. En mettant en rapport un sujet et le thème central de l'association, il est possible aux militants dont nous avons vu la capacité d'initiative, de choisir sur quels sujets ils peuvent agir et de les intégrer au cadre de l'association. La variété des thèmes abordables, renforcée par l'initiative accordée aux militants leur permet donc de réinvestir des connaissances particulières dans des thèmes périphériques.

Il y a actuellement dix groupes de travail dans l'association. Seuls quatre sont effectivement centrés sur les thèmes de départ de l'association et concernent directement la remise en cause du néo-libéralisme par l'éducation populaire : les groupes « décroissance », « éducation populaire », « Philosophie et libéralisme » et « revue de presse ». Les autres concernent des problèmes plus ciblés (« OGM », « femmes et mondialisation », « conditions de travail ») ou sont directement destinés à un public extérieur (« Affichage et espaces publics », « ATTAC Campus » et « Ciné ATTAC »). Les activités de l'association sont donc clairement orientées en fonction des choix des militants et débordent de ce fait le cadre strict de l'association163(*).

Variété des niveaux d'action : local-national-international

Nous allons voir ici que les multiples dimensions de l'association offrent des possibilités d'actions variées. En effet, ATTAC est présente à la fois au niveau local par l'implantation et l'action autonome des comités locaux et au niveau national et international par l'existence de l'association mère. Cette diversité donne la possibilité d'inscrire son engagement dans des perspectives multiples. Mais les activités de l'association se découpent également entre des activités destinées à faire vivre l'association elle-même et celles qui doivent particulièrement toucher un public extérieur.

De fait, ATTAC-Strasbourg mène des actions au niveau local. En coopérant avec diverses associations culturelles, elle est à même de satisfaire des militants cherchant une intégration sociale dans leur engagement associatif :

« Et puis faire tout simplement partie de la vie associative locale. De faire vivre une ville par ses idées et puis c'est riche. Moi ça me fait avancer, ça me donne envie de faire d'autres choses, ça me fait rencontrer des gens... Parce qu'en fait quand on est dans ATTAC, on est pas seulement dans ATTAC puisqu'on croise plein d'autres associations, on fait des choses avec le cinéma Star, avec toutes sortes d'organismes. On est amené à découvrir des choses qu'on aurait pas découvertes autrement. Enfin c'est quelque chose de très, très riche. »[...]

« Ouai, de s'intégrer et puis de s'enrichir, je trouve pas d'autre mot... Disons que je sais pas ce que je ferais si je faisais pas ça. Il y a plein d'autres modes de sociabilisation mais que ça se fasse par le biais d'ATTAC par exemple, je trouve ça chouette. Alors après, je fais aussi du badminton, j'ai des amis qui ne sont pas à ATTAC, ça existe quand même... C'est vrai que je passe beaucoup de temps, que je vois pas mal de gens qui naviguent autour d'ATTAC, quoi. »164(*)

La dimension locale permet donc de côtoyer des publics divers investis dans la vie associative locale. Mais elle offre aussi la possibilité d'interpeller les autorités publiques locales sur le cadre de vie et d'avoir donc une activité « citoyenne ». Elle correspond donc bien à des militants souhaitant agir à la base sur des questions relatives à la qualité de vie. L'association tente par exemple de s'intégrer dans la vie politique locale. Lors des dernières municipales, elle s'est fait fort, par exemple, d'interpeller chaque liste sur des points particuliers en leur demandant de clarifier leurs positions. La politique municipale du maire (UMP) de la ville entraîne également des prises de positions de la part de l'association, notamment lorsqu'il s'agit de défendre les subventions des associations culturelles.

A l'opposé de cette action purement locale, l'engagement dans ATTAC, même s'il s'inscrit matériellement au niveau local, est déterminé par des données nationales ou internationales. Une autre richesse du mouvement, permettant un recrutement large, est effectivement le jeu à plusieurs niveaux, à savoir au niveau local, national et international.

« Contrairement à pas mal de gens dans ATTAC, moi, j'ai plutôt tendance à privilégier les actions, ou à relayer des actions nationales et internationales. C'est vrai que certaines personnes seront intéressées en lisant les DNA (Dernières Nouvelles d'Alsace), ils verront qu'il y a tel truc local pour ça... je pense pas que... c'est très intéressant mais c'est vrai que s'inscrire dans une logique plus globale, pour moi c'est important. »165(*)

Cette « globalité » permet de donner la parole aux citoyens sur des sujets sur lesquels ils n'ont habituellement pas de prise. L'action d'ATTAC est en effet très riche car elle permet de lier le caractère local de la plupart de ses actions avec des sujets ou évènements nationaux ou internationaux. Les citoyens peuvent donc agir et réagir sur certains thèmes sans forcément aller à Paris. Qu'il s'agisse de sujets nationaux (choix de politique gouvernementale, plans sociaux, débats de société...) ou internationaux (réunion du G8 ou de l'OMC), ATTAC offre le cadre d'une réaction locale, immédiate, facile et variée.

« C'est vraiment cette idée de ... requête qui soit reprise, je dirais localement, mais avoir une vision globale, nationale, internationale de ces problèmes. »166(*)

Elle offre donc la possibilité à ses membres de se réapproprier localement et ponctuellement certains thèmes qui les dépassaient. Les manifestations et actions qui ont eu lieu en 2003 contre la guerre en Irak avec notamment une manifestation franco-allemande sur l'initiative d'ATTAC (entre autres organisations) sont un bon exemple. Mais en plus de cette action possible dans le cadre local, ATTAC permet et organise les déplacements en France ou à l'étranger lors de manifestations internationales de mouvements altermondialistes. En effet, lors de sommets du G8 ou de l'OMC ou encore de réunions du Conseil Européen, les militants ont l'occasion de se rendre dans d'autres villes d'Europe ou du monde et de « rappeler à l'ordre » les gouvernants. L'action de ces militants prend donc une nouvelle dimension en s'extrayant du cadre national. Au-delà du simple déplacement et du principe de suivre les organes décisionnels là où ils se réunissent, c'est la protestation internationale avec des mouvements venus de partout qui joue un rôle dans la perception du mouvement. Hors de la cellule locale d'ATTAC, c'est tout un réseau, une multitude d'associations ou de groupements de tous les pays qui existe et qui donne à l'action des cellules locales d'ATTAC une réalité et un sens.

La possibilité des déplacements à l'étranger pour des manifestations (Johannesburg) ou des colloques internationaux (Porto Alegre, L'autre Davos) existe depuis le début de l'association. Cependant, le rythme des rassemblements internationaux et des contre-sommets s'est sensiblement accéléré depuis. Ainsi, il y a des exemples de militants, qui bien que remettant en cause l'efficacité des rassemblements, perçus comme des « grands-messes » d' « auto-congratulation », étaient présents lors du contre-sommet du G8 à Evian, au Larzac et au FSE à Paris pendant l'année 2003.

Les différentes dimensions de l'association offrent donc un panel d'actions assez larges et peuvent correspondre à la fois à des militants mettant une priorité à la dimension locale de leur engagement et à des militants soucieux d'inscrire leur engagement dans un cadre plus large.

Action vers l'intérieur ou vers l'extérieur

Une autre richesse d'action réside dans la possibilité d'avoir un engagement tourné vers l'extérieur ou destiné à l'association elle-même. En effet, il faut noter qu'ATTAC- Strasbourg offre de nombreuses possibilités de s'investir pour l'association. Les postes à responsabilité entrent par exemple dans cette catégorie. La participation au journal de l'association ou la gestion des listes de diffusion internet en font également partie. Dans une certaine mesure, certaines commissions ont une activité presque essentiellement destinée à partager des connaissances avec les membres du mouvement. De la gestion quotidienne des affaires de l'association au partage d'informations, il existe donc de nombreux postes qui permettent d'avoir une action militante tournée vers le groupement. Ces tâches sont essentielles car elles permettent de donner une cohésion à une association dont nous avons vu qu'elle fonctionnait souvent sur un mode très cloisonné.

Mais il existe également des activités tournées vers l'extérieur de l'association et visant à toucher des non-adhérents. Celles-ci sont à même de satisfaire les militants pour qui la croissance des idées de l'association est capitale. Qu'il s'agisse de projections de films ou documentaires dans le cadre d'un partenariat avec un cinéma local, de la mise en place de campagnes d'affichage public ou de la création d'un groupe ATTAC sur le campus universitaire, les domaines d'activité sont variés. Il peut également s'agir d'organiser des actions spectaculaires pour dénoncer les dérives du système commercial, comme le déversement de prospectus publicitaires sur la place Kléber et d'inviter les habitants à en faire autant. Ou plus récemment, ATTAC organise des conférences dans des lycées où ils sont invités afin de présenter l'association.

Nous avions également vu que les militants avaient des attentes différentes vis-à-vis de l'action ou de l'éducation dans le mouvement. Ceux qui s'engagent prioritairement dans la recherche d'informations relèvent donc de ce travail tourné vers l'intérieur de l'association. Ils en profitent et en font profiter les autres membres167(*). Ils trouvent tout loisir de le faire puisque la production intellectuelle représente la majorité des activités de l'association. Cependant, nous avons vu aussi que ceux qui étaient en attente d'action et de modes d'engagement originaux ne sont pas en reste. Il s'inscrivent plutôt dans une démarche de contact avec l'extérieur.

L'initiative donnée aux militants et les diverses possibilités d'actions offrent aux militants un choix très large de manières de s'engager, répondant par-là à la diversité des attentes que nous avons évoqué en première partie.

C. Un militantisme individualisé

Nous allons voir ici que la forme et le fonctionnement de l'association permettent aux militants de se tailler un engagement sur mesure. Cette possibilité offerte par l'association de militer en fonction de ses propres convictions, capacités ou objectifs permet à chacun de trouver sa place et d'être satisfait de son engagement.

Un militantisme sur mesure

On l'a vu, les nombreuses possibilités offertes en termes d'activité militante offrent un choix très intéressant pour les militants. Le fait qu'ils puissent s'investir sur des thèmes larges et de leur choix, qu'ils puissent choisir entre différentes formes d'engagement et en impulser d'autres, permet à chacun de se façonner un engagement qui lui convienne. Au vu de la diversité des militants, une organisation comme ATTAC n'aurait certainement pas connu le même succès si elle avait imposé une manière uniforme de s'engager. La liberté accordée aux militants, l'improvisation qui caractérise l'association, permet à chacun de s'engager dans la même association en suivant sa logique propre.

Ainsi, selon l'origine politique, les sensibilités, les thèmes de prédilection et les attentes, les militants adoptent des postures différentes : tournés vers le local ou l'international, vers l'intérieur ou vers l'extérieur, recherchant la formation ou l'action, une action à court ou long terme, sur les instances politiques ou la vie quotidienne, proches de l'écologie ou de l'économie...

Le militant qui émerge de ces nouveaux mouvements s'affiche comme un acteur, et non comme un atome anonyme qui revêtirait des fonctions déterminées ou une identité d'emprunt.

«  Ce qui m'intéresse en fait dans ATTAC, c'est que justement, c'est chaque personne qui est acteur ou actrice de son militantisme. » 168(*)

C'est donc l'individu qui agit dans le mouvement, il n'est pas agi par le mouvement. Il faut comprendre « acteur », ici, dans le sens opposé à « marionnette ». Le militant est maître de

son engagement et en choisit les formes. Non seulement, le militant est acteur de son militantisme mais il en est donc également le metteur en scène. En fonction des thèmes qui les intéressent, le temps qu'ils choisissent d'investir, leurs compétences particulières, les militants façonnent les dimensions de leur militantisme.

Nous avons remarqué que les militants, puisqu'ils jouissaient d'une grande liberté et d'une grande initiative, s'engageaient là où ils détenaient des ressources particulières. Les capacités en informatique se traduisent dans la participation au site web ou la gestion des listes de diffusion, les connaissances en mise en page sont réinvesties dans le journal, et ainsi de suite. Chaque militant peut donc participer au groupement en fonction de ses capacités et de ses préférences. Tirant parfois les leçons de leurs engagements précédents, les membres de l'association peuvent donc recentrer leur engagements sur les activités qui les attirent le plus :

«On va dire que c'est mon expérience des « chômeurs et précaires » qui m'a aidé à mettre en place mon engagement correctement. Parce que les « chômeurs et précaires » c'est comme partout dans les mouvements que tu as dans les petites villes, on est peu nombreux et il y a beaucoup de choses à faire, donc tu peux vite tomber dans un activisme effréné et tu t'épuises et tu t'arrêtes totalement parce que tu as ta vie à côté, ton boulot... et donc quand je suis revenue à ATTAC, je me suis dit, je vais agir là où je suis bien, là où je peux prendre du plaisir mais où je suis bien. C'est-à-dire pas être à tout, quoi. Moi, je suis décoratrice et plasticienne donc à ATTAC j'essaye d'utiliser cette fibre là.

Donc c'est plus pour faire une illustration des analyses d'ATTAC, moi, j'utilise leur travail d'analyse, j'en profite, je suis bien contente d'apprendre ce que les copains d'ATTAC m'apprennent, quoi. Je mets après des performances, des trucs visuels dans la rue. »169(*)

Le grand nombre de militants de l'association, la diversité des activités et l'initiative offerte permet donc aux militants de créer les dimensions de leur engagement. Ils partagent et retirent de leur engagement ce qu'ils veulent, sur le modèle d'une Auberge Espagnole. Les militants tirant les leçons du passé, se concentrant sur les thèmes qui les attirent le plus et réinvestissant leurs compétences, leurs connaissances ou carnets d'adresse dans les activité qu'ils choisissent, l'engagement dans ATTAC apparaît comme résolument individualisé. Ceci correspond tout à fait avec ce que nous dit Jacques Ion pour qui « ce n'est plus à se conformer aux attentes du groupement qu'il apparaît le plus utile à ce dernier, mais c'est inversement en mettant à son service la variété de ses disponibilités même éphémères, qu'il participe pleinement au groupement »170(*). Cette phrase a, en outre, le mérite de faire apparaître le caractère volatile et limité de l'engagement des membres.

Un engagement distancié

Dans une étude sur un comité parisien d'ATTAC, Maxime Szczepansky171(*) dresse une typologie des façons de participer ou d'adhérer à ATTAC. Des plus au moins engagés, il distingue des participants actifs, des participants actifs-passifs, des participants passifs, des adhérents actifs et des adhérents passifs. Sans entrer dans les détails, nous pouvons dire que cette typologie illustre la variété des pratiques qui traduisent l'engagement dans cette association. On pourrait distinguer dans les participants actifs qui nous intéressent dans cette étude autant de types de « militance ».

Ce terme, utilisé pour définir un engagement plus libre et distancié des militants par rapport au mouvement est bien illustré également par la grande maîtrise de leur temps qu'affichent les militants. Ils déterminent leur engagement en fonction de leurs possibilités personnelles et professionnelles. Leur engagement politique vient au second plan. Ceci ne signifie pas que les militants d'un comité local d'ATTAC s'engagent forcément moins que dans une structure politique traditionnelle. Certains anciens militants reconnaissent d'ailleurs avoir un engagement plus soutenu que dans les organisations dans lesquelles ils ont milité précédemment. Mais ceci correspond à un choix de leur part. Surtout, cela signifie qu'ils ont un engagement plus volatile. L'actualité politique et sociale est déjà un facteur déterminant le temps dédié à l'association. Cette fluctuation est renforcée par le fait que les militants décident de s'investir plus ou moins selon les périodes. Certains militants connaissent ainsi des mois où ils accordent trois ou quatre heures à l'association, et d'autres où cela va jusqu'à 20, des périodes où ils s'investissent dans une activité de l'association, et d'autres où ils participent à trois ou quatre groupes simultanément. Les militants déterminent donc au jour le jour le temps qu'ils désirent accorder à leur activité militante. Cette liberté qu'ils s'accordent et qui est acceptée par l'association172(*) nous paraît rendue possible par la façon dont les membres d'ATTAC-Strasbourg considèrent l'engagement politique. Celui-ci n'est pas vu comme un « sacerdoce » ou une « religion » qui pourrait empiéter sur tous les aspects de leur vie. Certains militants déterminent donc de façon précise les moments qu'ils accordent à leur engagement politique et celles qui sont réservées à leur famille par exemple, en tenant compte également des engagements de leur conjoint:

« Moi, j'ai trois enfants. Et j'ai un mari qui est aussi engagé dans des trucs donc...[...]Lui, il a été longtemps à Aides-Alsace, donc il avait aussi pas mal de réunions. Maintenant il continue à suivre des gens en individuel, en aide comme ça. Donc ça veut dire qu'il est pris le soir aussi. Donc voilà, il faut qu'on jongle pour savoir qui s'occupe des gamins quand les deux sont pris. En gros, j'ai réservé le lundi mais des fois il a des trucs aussi le lundi qu'il ne peut pas changer. C'est vrai qu'après, les enfants râlent. Et puis on les voit déjà pas de la journée, donc si en plus on les voit pas le soir, ça fait pas beaucoup. Et moi je crois que si on s'engage politiquement, ça c'est vraiment un truc auquel je crois profondément, c'est bien de s'engager dans la politique ou dans la vie de la cité mais pas au prix de délaisser ses enfants.[...] Donc je ne veux pas sacrifier mes gamins à l'engagement que je peux avoir à l'extérieur. Je pense que les deux sont liés et que j'ai une responsabilité vis-à-vis de mes enfants. Eux, ils n'ont rien demandé et c'est moi qui ai décidé de les faire. Donc je peux pas dire après «écoute, j'ai pas le temps de m'occuper de toi«. Je peux déjà pas être femme au foyer parce que ça me rend dingue donc forcément ça veut dire que je n'ai pas beaucoup de temps à leur consacrer donc le peu de temps que j'ai, je vais pas en plus, tout le temps être en réunion. »173(*)

Les militants posent ainsi les conditions de leur engagement au préalable, qu'il s'agisse des dates des réunions ou des séances de travail. Le fonctionnement de l'association et des groupes de travail s'adapte donc aux possibilités de chacun. Le fait que la permanence de l'association ait lieu le mercredi après-midi n'est par exemple pas étranger au fait qu'ATTAC soit fortement composé d'enseignants qui sont libres dans ce créneau.

Les rôles des élus de l'association n'étant pas répartis de manière stricte, il est également possible aux militants de poser les conditions de leur participation :

« Je suis surtout chargée de rédiger le bulletin. Le bulletin mensuel qu'on fait après l'AG. Donc normalement, à chaque AG, on débat des actions à venir, je note toutes les dates. Et normalement, chaque responsable de commission est censé donner la date de la prochaine réunion. Et à la suite de ça, dans les deux jours qui suivent, j'écris le bulletin et je l'envoie par mail et après, il y a quelqu'un qui le tire pour l'envoyer. Pour l'instant, j'ai dit que c'était tout ce que je prenais parce que je savais que j'aurais pas beaucoup le temps pour faire plus. »174(*)

Le peu de militants (et surtout de militantes, ce qui est plus problématique depuis que la parité a été installée) volontaires pour occuper les postes du bureau explique en partie cette facilité pour chacun de définir le niveau de sa participation. Mais gageons que ce n'est pas seulement pour cette raison que l'association sait s'adapter aux militants.

La vie de l'association suit donc en partie le rythme de l'engagement de ses membres. Ainsi, suivant l'évolution du temps disponible des militants responsables d'un groupe, certaines activités peuvent cesser ou être mises entre parenthèse. Le déménagement d'un membre a par exemple mis fin aux forums publics organisés sur une péniche. Les autres membres n'ayant pas le temps ou l'envie de les organiser, ils ont été abandonnés. Ou selon les priorités de certains meneurs, certaines commissions peuvent dormir un moment :

« Là j'ai un peu diversifié en fait parce que j'avais une action continue sur « les femmes et la mondialisation ». On était en train de faire une brochure donc ça impliquait de faire un suivi d'articles, tout ça donc... mais là elle est sortie depuis quelques mois et c'est vrai que la commission est un peu en suspend. J'essaierai de la relancer un peu plus tard mais pour l'instant, c'est vrai qu'on était surtout en train de travailler sur les questions européennes. Enfin moi, personnellement, j'étais en train de travailler sur les questions européennes. »175(*)

Nombre de soirées limité pour l'association, week-ends banalisés pour « prendre du recul », les militants délimitent parfois strictement leur activité militante. Il est donc effectué une différence entre la sphère militante et la sphère familiale voire amicale. Même s'il est évident que des affinités se créent entre certains militants qui débordent du cadre politique, certains se refusent à mélanger les genres. Le temps de la coopération politique et le temps personnel sont différenciés comme en témoignent les commentaires de ce militant sur le type de relations qu'il a établi avec les autres membres du mouvement :

L'engagement dans ATTAC ne nécessite donc pas un engagement total de sa personne et n'est pas exclusif. Les militants opèrent des séparations entre leur engagement et leur vie privée. L'engagement est donc beaucoup moins prégnant que dans des organisations traditionnelles du type mouvement ouvrier. Ceci a tendance, nous semble-t-il, à relativiser pour les militants l'importance des différences qui existent entre eux.

L'engagement dans ATTAC-Strasbourg est donc à la fois modulable et respectueux du mode d'engagement que souhaitent adopter les membres. Cet engagement distancié et volatile assure que chacun trouve sa place sans se sentir envahi par son activité politique. Les moments partagés dans la réflexion ou l'action sont donc des moments voulus et les militants en retirent une satisfaction plus grande.

Pour une satisfaction partagée

Cet engagement sur mesure et distancié permet donc à chaque militant de créer son propre militantisme. Quelle meilleure réponse pouvait-on apporter à la diversité des militants en termes de centres d'intérêts et d'attentes de l'engagement ?

La grande liberté des militants qui est vantée par l'association, et qui est caractéristique de la recomposition de l'espace politique, apparaît donc surtout comme une nécessité. Permettre à chaque militant de proposer et mener des actions, d'apporter ou de privilégier certains thèmes, de s'engager selon ses envies et les disponibilités qu'il détermine, nous apparaissent comme les conditions nécessaires à la coopération, dans une même structure, de militants jaloux de leur liberté et refusant d'être dupes de leur engagement.

L'établissement de ce type d'engagement nous apparaît être à la fois la conséquence du renforcement du poids du militant dans l'association et alimenter celui-ci. Expliquons-nous. Puisque les militants ont leur mot à dire, ils favorisent l'établissement d'un type d'engagement qui soit respectueux de leurs spécificités. Mais la diversité offerte nécessite ensuite qu'on la préserve et qu'on évite les situations où un groupe particulier pourrait tenter d'imposer ses vues particulières. Les décisions doivent donc être prises par tous. La démocratie interne et l'engagement flexible s'alimentent donc mutuellement.

Finalement, vu l'importance que prennent la gestion de la diversité et la satisfaction individuelle des militants, on pourrait penser que ce sont les militants eux-même qui sont au coeur du projet politique dans les comités locaux d'ATTAC, les résultats matériels de l'action venant au second plan. Ceci n'est bien-sûr pas dit de cette manière par les militants, ceux-ci s'engageant avant tout pour lutter contre le néo-libéralisme, mais c'est ce qui ressort de notre étude sur le fonctionnement d'ATTAC-Strasbourg.

Il aura donc fallu que l'engagement politique décline à tel point qu'on annonce sa disparition et que la situation semble bien désespérée pour que les mouvements politiques donnent plus de poids aux militants et que les divergences de vues soient surmontées dans l'action.

C'est à cette condition que les militants actuels parviennent à retirer une satisfaction commune de leur engagement. Celle-ci se matérialise surtout par la fierté d'agir ensemble, de ne pas se résigner. Ce sentiment partagé de fierté, l'impression de lutter, seuls contre tous, est un facteur d'unité symbolique dans le mouvement. Finalement, la conscience partagée des problèmes et la sensation que, seule la mobilisation collective peut amener à les résoudre, semblent l'emporter sur les divergences.

Cette dernière sous-partie nous permet de mieux apprécier le rôle joué par le type d'engagement qui existe dans l'association en terme de gestion de la diversité. Le fait que chaque individu puisse impulser des actions ou choisir dans un vaste panel d'activité permet à chacun de s'investir où et comme il l'entend. Les différents groupes fonctionnant de manière autonome et cloisonnée, les divergences de vues sur les actions à mener sont minimisées et les militants peuvent se sentir réellement libres dans l'organisation. La possibilité pour chacun de se créer un engagement sur mesure en termes de manières de militer, de satisfaction retirée ou de temps investi assure que chacun trouve dans l'association ce qu'il vient y chercher. La flexibilité de l'engagement dans ATTAC apparaît donc comme une réponse excellente à la diversité des attentes.

Synthèse

Reprenons ici rapidement les conclusions que nous pouvons tirer de notre deuxième partie. Trois types de facteurs expliquent, pour nous, la coexistence dans l'association de militants aux profils divers et facilitent leur coopération.

Il y a dans un premier temps des facteurs unificateurs ou permettant l'agrégation de militants divers. Nous avons vu, par exemple, que l'appartenance à la classe moyenne de la plupart des membres de l'association pouvait alimenter un ressenti historique partagé et engendrer une vision commune des problèmes. Les caractéristiques d'ATTAC, dont on peut retenir principalement le positionnement hors de la compétition électorale et la variété des thèmes traités et abordables, semblent jouer comme une assurance contre la démagogie et les prises de pouvoir. Enfin, nous relevons l'existence d'un certain nombre de stratégies unificatrices qui visent à faciliter la coopération des militants et à leur donner des bases communes. De la mobilisation du consensus par la presse, à l'éducation populaire, qui unifie les cadres de références, tout un travail est réalisé pour passer outre les différences de vues et donner un socle de connaissances commun aux militants. L'autocontrôle des militants, l'atténuation des conflits et le soucis de préserver l'image de l'association pour que chacun s'y sente bien viennent compléter ce dispositif. Toutes ces données viennent donc relativiser un peu les divergences de positionnement ou de parcours politiques que nous avons vu en première partie et dénotent des efforts fournis par l'association pour relever le pari de la diversité.

Dans un second temps, nous avons vu comment le fonctionnement de l'association permettait à chacun de pouvoir être entendu. L'évolution des statuts de l'association vers un fonctionnement plus démocratique dénote clairement de l'attention accordée à ce que le pouvoir et l'orientation de l'association ne soit pas confisqués par des individus ou des groupes particuliers. La démocratie interne, qui a un coût en termes d'efficacité politique, assure donc que chaque sensibilité puisse être respectée. Ce souci se retrouve bien dans les évolutions statutaires qui viennent parfois juguler des crises internes et adapter les statuts au fonctionnement réel de l'association. Enfin, la souplesse de fonctionnement et le poids donné au militant par le pouvoir de l'AG nous paraît être de nature à satisfaire des militants dont nous avons vu le refus des mécanismes de délégation ou de fonctionnement imposé.

Enfin, la possibilité pour les militants de se forger un militantisme sur-mesure vient assurer que chacun puisse trouver sa place dans l'association. Il nous est en effet apparu que les militants avaient un grand choix en termes de thèmes, de types ou de niveaux d'action et de rapport à l'engagement et qu'ils pouvaient également en proposer d'autres. Agissant en autonomie avec les militants qu'il choisit, sur ses thèmes de prédilection et précisément là où il peut réinvestir des connaissances ou des savoir-faire, « le militant est roi » à ATTAC. Ce type d'investissement variable permet aux militants d'agir en fonction de leurs caractéristiques propres. Il nous apparaît donc comme une condition centrale du fonctionnement d'ATTAC Strasbourg, en même temps qu'il permet à l'association de tirer le meilleur parti de la diversité des ses membres.

ANNEXES

Bibliographie

Statuts d'ATTAC-Strasbourg

Règlement intérieur

Charte régissant les rapports entre ATTAC et les comités locaux

Bibliographie :

C. Ouvrages

BARTHÉLÉMY Martine, Associations : un nouvel âge de la participation ?, Paris, PFNSP, 2000.

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HIRSCHMAN Albert, Défection, prise de parole et loyauté, Fayard, Paris, 1995.

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PERCHERON, Annick, « La mémoire des générations : la guerre d'Algérie, Mai 68. », in Etat de l'opinion, 1991, p. 39-57

SZCZEPANSKY Maxime, « Du militantisme à la militance, une étude des modalités de participation des militants « anti-mondialisation » à travers l'exemple d'un comité local de l'ATTAC. », in Regards sociologiques, N°24, Strasbourg, 2003.

Contributions au colloque du GERMM sur « les mobilisations altermondialistes », 3-5 décembre 2003 :

AGRIKOLIANSKy Eric, « De l'anticolonialisme à l'altermondialisme, généalogie(s) d'un nouveau cadre d'action collective ».

CONTAMIN Jean-Gabriel, « Les mobilisations altermondialistes avant les mobilisations altermondialistes : réflexions autour de l'alignement des cadres ».

CRUZEL Elise : « Trajectoires militantes à ATTAC : les adhérents de Gironde et de Haute Garonne. »

DENIS J-M « Décloisonnement revendicatif et constitution d'un front anti-libéral : L'Union Syndicale Groupe des Dix Solidaires et ATTAC ».

FOUGIER Eddy, « L'influence des mouvements contestataires ».

MOUCHARD Daniel, « Les mobilisations contre l'AMI : Un « moment fondateur » du mouvement altermondialiste ? ».

SZCZEPANSKY Maxime, « Les usages militants de la lecture et de l'écriture. L'exemple du Monde Diplomatique ».

Mémoires universitaires :

MAGNIN Blaise, « L'engagement au sein d'ATTAC, archétype d'une nouvelle forme de participation politique ? », mémoire de DEA de sociologie politique, IEP Paris, dirigé par D. Boy, 2000-2001.

PFEUTY Achim, « Multiappartenances et transformations du militantisme : Les militants d'ATTAC », mémoire de DEA de sociologie politique, IEP Paris, dirigé par Nonna Mayer, 2002-2003.

Compte-rendu d'observation

AG extraordinaire d'ATTAC-Strasbourg

Le 18 février 2004 à la maison des associations à 20H.

AG de préparation à la révision des statuts de mars 2004

J'arrive un peu avant 20 heures et discute avec l'ancien président d'ATTAC que j'avais interrogé il y a deux ans. Il me dit qu'il fait toujours passer mon mémoire de licence aux gens intéressés par la sociologie d'ATTAC.

Cette AG est spécialement consacrée à la préparation de nouveaux statuts pour l'association. Les points à traiter concernent la question des responsabilités, de la parité et du mode d'élection au conseil. Benjamin qui a reçu un mandat pour préparer l'AG qui votera les nouveaux statuts, dirige la soirée. Il y a très peu de personnes présentes à 20H. Je salue Benjamen et discute avec un nouveau. Le seul qui viendra m'aborder. Les autres me regardent avec circonspection quand ils ne me connaissent pas ou me saluent discrètement. Quelques discussions discrètes avant le début de la séance. Il y a un peu de tension, quelques procurations sont posées sur la table.

L'AG démarre à 20H30 avec une vingtaine de membres. Quatre rangées de tables forment un rectangle. Au début, le président de séance est seul d'un côté et les gens se répartissent en face et sur ses côtés. Cela le gène un peu. Il me demande même si je ne veux pas m'asseoir à côté de lui. Je préfère rester à ma place, hors de la table. Je l'ai interviewé peu de temps avant. Je lui demande de m'introduire juste avant le début de la séance. Il m'invite à me présenter. Je me lève et expose rapidement mon enquête et ma demande d'assister à leur AG. Personne ne s'y oppose et je reprends ma place.

La séance commence. Le premier point abordé concerne la responsabilité des membres du conseil. Qu'en est-il ? Qui décide quoi ?

Un point de vue : L'association doit être visible de l'extérieur à travers ses responsables. Le contrôle doit se faire à posteriori. Les membres du conseil étant responsables juridiquement et financièrement, ils doivent avoir les décisions financières et être libres pour leurs responsabilités extérieures. 2 personnes s'expriment avec conviction sur ce sujet. Le poids de l'AG ralentit les décisions, oblige à débattre plusieurs fois sur le même sujet : en bureau et en AG. Alors que de toutes façons, le conseil peut revenir sur une décision de l'AG. Le plus virulent sur le thème des responsabilités et des prérogatives qui doivent aller avec est M, le dernier président de l'association. Il parle en vieux routier des associations, connaissant bien les conditions de leur efficacité. Au bout d'un moment, ses interventions enflammées sont suivies de blancs gênés, de sourires en coin. Après sa diatribe, il se lève et fait quelques pas puis reste un peu près de la porte. Il y a à peu près 25 personnes à la table.

Le débat continue plus calmement sur des questions techniques : qui propose ? qui décide ?

Il faut suivre un certain formalisme mais laisser le champ libre aux décisions d'urgence à cause de l'actualité.

Ce qui fait peur aux responsables, c'est qu'une idée votée avec enthousiasme par l'AG fasse un bide car finalement au moment de travailler il n'y ai plus personne et que le conseil se retrouve avec tout à faire ou à être financièrement responsable des déficits. Ca a failli arriver pour l'organisation d'un concert qui a fait un flop. La puissance de l'AG malgré le peu d'investissement des membres effraie ceux qui voudraient des postes à responsabilité. Il faut un exécutif fort. Débat opposant efficacité à démocratie.

Pendant ces débats quelques conversations dans les coins, quelques petits mots qui passent. Vers 21H10, les gens commencent à aller fumer dans l'entrée.

Deuxième point, supprimer une des deux instances du conseil ou du bureau car 2 sont inutiles. Bureau agrandi ou conseil rétréci ? Comment assurer la parité alors que les candidatures sont individuelles ? Sur 25 présents, il y a 5 femmes à la table.

Le problème est qu'il y a peu de gens qui ont envie d'investir beaucoup de temps, « ça ne doit pas être un job à temps complet ». Une femme fait remarquer qu'une réunion du bureau par semaine, plus une permanence, plus les commissions, c'est beaucoup trop. Ca va pour un jeune homme célibataire mais pas pour une mère de famille. Les gens qui n'ont pas trop de temps sont donc exclus des responsabilités. Pour Marc qui se lève à nouveau, c'est là une illustration de la paralysie engendrée par la démocratie à ATTAC, démoralisation des personnes motivées par ceux qui veulent être au conseil sans s'investir. Un ancien secrétaire, assis près d'une ancienne présidente, fait valoir que de son temps, il y avait une réunion par semaine au bistrot et que c'était très bien.

Que faut-il rédiger du fonctionnement du bureau ? Faut-il plutôt le laisser libre de s'organiser, lui faire confiance ? différence entre les formalistes et les non-formalistes.

Benjamin rappèle à l'ordre, il est 22H, il faut faire des propositions concrètes. Les débats s'échauffent un peu, des remarques personnelles commencent à fuser, on se coupe, on prend mal les choses, on n'écoute plus l'autre.

On passe ensuite à un sujet plus léger concernant une action prévue, on prendra contact rapidement. Puis parenthèse fermée.

Ben rappèle l'heure, il faut passer au vote. On expose ostensiblement ses procurations.

Vote pour fusion bureau-conseil : majorité de oui

Certains sont pressés d'en finir, ceux qui ont l'habitude des réunions qui s'éternisent. Paradoxalement, les bavardages se multiplient à droite et à gauche.

Vote sur le nombre de conseillers : 6,8,10,ou 12 ? Nombre pair pour parité. C'est le 8 qui gagne facilement (20 voies)

C'est donc vers un comité avec beaucoup de responsabilités et de participation que va l'assoc.

Vote sur nombre de voies pour être élu.

23H : les gens commencent à partir sur fond de débat sur la légitimité de cette AG à faire des propositions.

Séance levée. Proposition de nouveaux statuts en mars sur la base des votes de ce soir.

Je recueille quelques coordonnées à la sortie et m'en vais assez rapidement.

Une majorité de jeunes entre 25 et 35 ans. Grande majorité d'hommes.

Les gens qui parlent sont souvent les mêmes, la grande majorité des gens réalisent une ou deux interventions seulement. Parfois trois interventions sur un thème particulier puis plus rien. D'autres qui ont des procurations en réalisent entre 6 et 10.

Lors des discussions, le ton monte parfois mais on reste correct. Petits conflits sur le statut de chacun et leur poids respectif dans l'assoc en fonction du temps qu'ils veulent donner à l'association. Ceux qui ont peu de temps à consacrer ont peur que l'association soit confisquée par les membres très actifs. Ces derniers veulent plus de liberté par rapport à l'AG et aux membres peu actifs. Réunion comme dans toutes les assocs au niveau des tensions. Le président de soirée anime et placé en arbitre au milieu, au début, personne à côté de lui. Quelques violations du tour de parole, très peu appréciées.

Débats assez ennuyeux sur la fin, on ne s'écoute plus.

ATTAC STRASBOURG
LES STATUTS DE L'ASSOCIATION
REMPLACÉS PAR LES STATUTS ADOPTÉS LE 10 MARS 2003

1ER MARS 1999

I. CONSTITUTION - OBJET - COMPOSITION

ARTICLE 1. Constitution - Objet

Il est formé, entre les soussignés, ainsi que les personnes, physiques ou morales qui adhéreront par la suite aux présents statuts, une association inscrite au Registre des Associations du Tribunal d'Instance de Strasbourg, régie par les articles 21 à 79 du Code civil local, maintenu en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par la loi d'introduction de la législation civile française du 1er juin 1924, ainsi que par les présents statuts.

Elle a pour objet de produire et communiquer de l'information, ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l'ensemble du monde. Parmi ces moyens figure la taxation des transactions sur les marchés des changes (taxe Tobin).

L'association exerce ses activités en liaison avec l'association nationale ATTAC (Action pour la Taxation des Transactions pour l'Aide aux Citoyens) dont le siège social est situé à Paris.

Dans tous les cas, l'association ne poursuit aucun but lucratif, politique ou religieux.

ARTICLE 2. Dénomination

L'association prend la dénomination suivante : ATTAC-Strasbourg.

ARTICLE 3. Durée - Siège

La durée de l'association est illimitée. Son siège social est fixé à la Maison des Associations 1a, place des Oprhelins à Strasbourg. Il peut être déplacé sur simple décision du Conseil d'Administration.

ARTICLE 4. Rapports avec l'association nationale ATTAC

Le sigle et la dénomination ATTAC étant protégés, ATTAC-Strasbourg : soumet les présents statuts au Bureau de l'association nationale ATTAC pour approbation ; veille à ce que toutes les structures locales des organisations fondatrices (lorsqu'elles existent localement) de l'association nationale ATTAC soient invitées aux Assemblées générales ordinaires ; s'assure que tous ses membres sont également membres de l'association nationale ATTAC ; adresse chaque année, trois mois avant l'assemblée générale de l'association nationale ATTAC, un bilan de ses actions qui est incorporé au rapport de l'association nationale ATTAC.

En cas de non-respect de ces clauses par l'association, le Bureau de l'association nationale ATTAC peut lui retirer l'utilisation du sigle et la dénomination ATTAC.

ARTICLE 5. Membres - Adhésion - Responsabilité

L'association se compose exclusivement de membres actifs : personnes physiques ou personnes morales. Toutes ces personnes sont également membres de l'association nationale ATTAC.

Les personnes physiques et morales sont membres de l'association ATTAC-Strasbourg dès paiement de la cotisation annuelle. Une personne morale est représentée par une personne mandatée.

La qualité de membre se perd : par décès, par dissolution de la personne morale adhérente, par démission adressée par écrit au président de l'association, par exclusion prononcée en Assemblée Générale ordinaire pour tout acte portant préjudice moral ou matériel à l'association, par radiation prononcée par le Conseil d'administration pour non-paiement de la cotisation.

Avant l'exclusion, le membre intéressé est appelé, au préalable, à fournir des explications écrites.

ARTICLE 6. Cotisation

Une cotisation est fixée annuellement par l'Assemblée générale, sur proposition du Conseil d'administration. Elle comprend la cotisation nationale complétée par la cotisation locale. Tous les membres y sont alors soumis.

II. ORGANES ET FONCTIONNEMENT

ARTICLE 7. Organes

Les organes de l'association sont : l'Assemblée générale ; le Conseil d'Administration ; le Bureau.

ARTICLE 8. Le Conseil d'Administration

8-1. Composition

Le Conseil est composé d'administrateurs choisis parmi les membres de l'association et élus par l'Assemblée générale.

Le Président est désigné par le Conseil à la majorité absolue aux premier et deuxième tours, et à la majorité simple au troisième.

Le Conseil élit en son sein, à la majorité simple, un Secrétaire général, un Trésorier, et pourvoit, selon les besoins, tout autre poste, dont celui d'un ou plusieurs Vice-présidents.

Le nombre des personnes morales siégeant au Conseil doit être inférieur à 30 %.

8-2. Durée du mandat

La durée du mandat des membres du conseil d'administration est de deux ans, à compter du jour de leur élection par l'Assemblée générale. Ils sont rééligibles sans limitation. Au terme de la première année de leur mandat, 50 % des sièges des administrateurs, tirés au sort, font l'objet d'un renouvellement. En cas de vacance, de nouveaux administrateurs peuvent être cooptés par le Conseil pour la durée du mandat du Conseil qui reste à courir.

Nul ne peut faire partie du Conseil s'il n'est majeur.

8-3. Fonctionnement

Le Conseil d'administration se réunit aussi souvent que l'intérêt de l'association l'exige, sans que le nombre de réunions puisse être inférieur à deux par an, sur convocation du Président. Celui-ci peut réunir le Conseil d'administration en séances supplémentaires.

En cas d'impossibilité pour le président de réunir le conseil d'administration, une réunion du Conseil d'administration peut être convoquée, dans un délai maximal de quinze jours, sur demande écrite du quart des membres du Conseil.

La présence de la moitié au moins de ses membres est nécessaire pour que le Conseil d'administration puisse délibérer valablement.

Le Conseil peut inviter toute personne dont il estimera la présence utile à ses travaux.

Les réunions sont présidées par le Président, ou en cas de vacance par le Vice-président ou le Secrétaire général, il dirige les discussions, assure l'observation des statuts et du règlement intérieur et veille au suivi de l'ordre du jour. Lorsque le Vice-président ou le Secrétaire général préside, il exerce les pouvoirs du Président.

Chaque membre du Conseil d'administration doit participer en personne aux séances. Toutefois, chaque administrateur peut se faire représenter par un autre administrateur. Les pouvoirs sont écrits. Nul ne peut détenir plus d'un pouvoir.

Les décisions sont prises à la majorité des présents et représentés. En cas d'égalité, la voix du président est prépondérante.

8-4. Pouvoirs

Les pouvoirs d'administration sont confiés au Conseil d'administration qui prend toutes les décisions et mesures relatives à l'association, autres que celles expressément réservées par la loi et par les présents statuts à la compétence de l'Assemblée générale.

Il se prononce, à la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés, sur toute proposition de modification des statuts ou toute autre décision à soumettre à l'Assemblée générale extraordinaire.

8-5. Rémunérations

Les fonctions des membres du Conseil d'administration sont gratuites. Toutefois, les frais et débours occasionnés par l'accomplissement de leur mandat leur sont remboursés au vu des pièces justificatives. Le rapport financier présenté à l'Assemblée Générale ordinaire doit faire mention des remboursements de frais de mission, de déplacement ou de représentation payés à des membres du Conseil d'administration. Le Conseil d'administration ne doit pas être mis devant le fait accompli sauf cas très exceptionnel dûment argumenté.

ARTICLE 9. Le Bureau

9-1. Le Bureau est composé du Président, du secrétaire général, du Trésorier, et par d'éventuels membres du conseil d'administration.

9-2. Le Bureau est chargé de la gestion des affaires de l'association, dans le cadre des orientations fixées par le Conseil d'administration.

ARTICLE 10. Le Président

10-1. Le Président anime l'association et dispose des pouvoirs les plus étendus pour assurer sa représentation, tant en France qu'à l'étranger, auprès des pouvoirs publics et des tiers.

Il dirige les discussions du Bureau, du Conseil d'administration et de l'Assemblée générale, qu'il préside.

Il surveille et assure l'observation des statuts et du règlement intérieur. Il signe tous actes, toutes mesures ou tous extraits des délibérations intéressant l'association, fait ouvrir les comptes. Il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs.

10-2. Le Président représente l'association en justice, soit comme demandeur, soit comme défendeur, soit comme partie civile.

ARTICLE 11. L'Assemblée générale

11-1. Composition - Réunion

L'Assemblée générale se compose de tous les membres de l'Association à jour de leur cotisation. Elle se réunit en séance ordinaire une fois par an, au jour et sur l'ordre du jour fixé par le Conseil d'administration, et sur convocation du Président.

Il pourra être tenu des Assemblées générales ordinaires, réunies extraordinairement, quand les intérêts de l'association l'exigent, soit à l'initiative du Conseil d'administration, soit sur demande signée du quart des membres de l'association. Dans ce cas, la convocation est de droit.

11-2. Convocation

Les convocations sont faites par écrit, sauf urgence, au moins quinze jours à l'avance, et portent indication précise des questions à l'ordre du jour.

11-3. Ordre du jour

L'Assemblée générale ne peut délibérer que sur les questions inscrites à l'ordre du jour fixé par le conseil d'administration dans la séance qui précède l'Assemblée générale.

Tout membre peut demander l'inscription à l'ordre du jour de toute question qu'il désire voir traitée. Il adresse, à cet effet, une lettre recommandée avec accusé de réception au Président avant la réunion du Conseil qui précède l'Assemblée générale. Le Conseil statue sur cette demande.

11-4. Accès

Les membres ne sont admis aux Assemblées générales que sur présentation d'une pièce justificative de leur qualité. Ils signent à leur entrée le registre de présence.

11-5. Représentation

Tout membre a le droit de se faire représenter par un autre membre en remettant à ce dernier un mandat écrit. Nul ne peut détenir plus d'un pouvoir.

11-6. Pouvoirs

L'Assemblée générale est l'organe souverain de l'association dans les matières dont la loi et les statuts lui réservent expressément la compétence exclusive.

La présidence de l'Assemblée Générale appartient au président ou, en son absence, au vice-président ; l'un ou l'autre peut déléguer ses fonctions à un autre membre du Conseil d'administration. Le Bureau de l'Assemblée est celui de l'association.

L'Assemblée entend les rapports sur la gestion du Conseil d'administration et notamment sur la situation morale et financière de l'association. Les vérificateurs aux comptes donnent lecture de leur rapport de vérification.

L'Assemblée, après avoir délibéré et statué sur les différents rapports, approuve les comptes de l'exercice clos, vote le budget de l'exercice suivant et délibère sur toutes les autres questions figurant à l'ordre du jour.

Elle pourvoit à la nomination ou au renouvellement des membres du Conseil d'administration dans les conditions prévues à l'article 8-2 des présents statuts.

L'Assemblée Générale ordinaire désigne également pour un an les deux vérificateurs aux comptes qui sont chargés de la vérification annuelle de la gestion du trésorier.

Elle fixe le montant de la cotisation annuelle.

Elle est seule compétente pour prononcer l'exclusion d'un membre pour un acte portant préjudice moral ou matériel à l'association.

Les décisions de l'Assemblée Générale ordinaire sont prises à la majorité des membres présents. Toutes les délibérations sont prises à main levée. Toutefois à la demande d'un quart au moins des membres présents, les votes doivent être émis au scrutin secret. Cependant, pour l'élection des membres du Conseil d'administration, le vote secret est obligatoire.

Les délibérations sont constatées par des procès-verbaux inscrits sur un registre spécial et signé par le président et le secrétaire.

11-7. Assemblée générale extraordinaire.

Conformément à l'article 33 du Code civil local, les décisions de l'Assemblée générale extraordinaire relatives à la modification des statuts ou à la dissolution sont prises à la majorité des trois quarts des membres présents ou représentés.

L'Assemblée générale extraordinaire ne peut délibérer que si la moitié plus un des membres de l'association sont présents ou représentés, sur première convocation, et quel que soit le nombre des membres présents ou représentés pour les suivantes.

Toutefois, pour une modification des buts de l'association, il faut l'accord unanime de tous les membres présents ou représentés ; l'accord des membres non présents ou représentés doit être donné par écrit.

Aucune demande de modification des statuts ne peut venir en discussion à l'Assemblée générale extraordinaire si elle n'est pas proposée par le Conseil d'administration délibérant à la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés, qui devra présenter un rapport motivé. Les statuts modifiés devront respecter les clauses de l'article 4.

III. RESSOURCES - CONTRÔLE FINANCIER

ARTICLE 12. Ressources

Les ressources de l'association se composent : du produit des cotisations ; des contributions bénévoles ; des subventions, des dons et des legs qui pourraient lui être versés ; du produit des fêtes et manifestations, des intérêts et redevances des biens et valeurs qu'elle pourrait posséder a insi que des rétributions pour services rendus ; le reversement, par l'association nationale ATTAC, d'une fraction, fixée par le Conseil d'administration de l'association nationale ATTAC, des cotisations qui lui ont été versées par les membres de ATTAC Strasbourg ; toutes autres ressources qui ne seraient pas contraires aux lois en vigueur.

ARTICLE 13. Comptabilité - Dépenses

Le Trésorier, tient au jour le jour, une comptabilité en recettes et dépenses pour l'enregistrement de toutes les opérations financières.

Les dépenses sont ordonnées par le Président. Leur paiement est effectué par le Trésorier.

ARTICLE 14. Vérificateurs aux comptes

Les comptes tenus par le trésorier sont vérifiés annuellement par deux vérificateurs aux comptes. Ceux-ci, membres de l'association, sont élus pour un an par l'Assemblée générale ordinaire et sont rééligibles sans limitation. Ils doivent présenter à l'Assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes un rapport écrit de leurs opérations de vérification.

Les deux vérificateurs aux comptes ne peuvent exercer aucune fonction au sein du Conseil d'administration.

IV. DISSOLUTION - MODIFICATIONS STATUTAIRES

ARTICLE 15. Dissolution - Modifications statutaires

L'association peut être dissoute, sur proposition du Conseil d'administration, par vote de l'Assemblée générale extraordinaire, conformément à l'article 11-7. Les statuts peuvent être modifiés selon la même procédure, en respectant les clauses de l'article 4.

ARTICLE 16. Liquidation

En cas de liquidation volontaire, l'Assemblée générale extraordinaire de liquidation nomme un ou plusieurs liquidateurs. En aucun cas, les biens ne peuvent être répartis entre les membres de l'association. Ils sont dévolus à l'association nationale ATTAC.

V. RÈGLEMENT INTÉRIEUR - FORMALITÉS ADMINISTATIVES

ARTICLE 17. Règlement intérieur

Un règlement intérieur peut être établi par le Conseil d'administration, qui le fait alors approuver par l'Assemblée générale.

Ce règlement éventuel est destiné à fixer les divers points non prévus par les statuts, notamment ceux qui ont trait au fonctionnement pratique des activités de l'association.

ARTICLE 18. Formalités administratives

Le Conseil d'administration devra déclarer au Registre des Associations du Tribunal d'Instance de Strasbourg les modalités ultérieures désignées ci-dessous : le changement de dénomination : le transfert de siège ; les modifications apportées aux statuts ; les changements survenus au sein du Conseil d'administration la dissolution de l'association.

VERS UNE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE
LES STATUTS D'ATTAC STRASBOURG
ADOPTÉS PAR L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE

10 MARS 2003

Préambule : Vers une démocratie participative ?

La confiance est l'attitude spontanée que nous voulons cultiver à l'égard des initiatives personnelles et des débats d'opinion. Nous préconisons, c'est bien connu, l'avènement d'une démocratie participative où chacun puisse participer et être écouté. Il est donc normal de veiller à ce que le fonctionnement même d'Attac soit régi par ces principes. Pour manifester ce souci nous proposons une modification des statuts de l'association dans le sens d'une ouverture au vote de tous les présents aux réunions mensuelles, dans le sens aussi d'une disparition symbolique de la fonction présidentielle.

Des Assemblées générales tous les mois. La volonté de donner la parole à tous les membres présents aux réunions mensuelles procède d'un double désir. Premièrement il y a le désir de recueillir l'avis du plus grand nombre. Nous sommes persuadés que les meilleures solutions surgissent souvent d'un débat libre et respectueux, nous en faisons l'expérience constante. Or il est difficile d'attendre la parole de quelqu'un à qui l'on a fait savoir qu'il ne pourra pas voter, c'est là mettre un frein inutile et stérile, nous l'avons constaté. Deuxièmement, il y a aussi le désir d'améliorer la qualité des débats par la pratique. Ouvrir les vannes de la parole et du scrutin c'est s'obliger à des pratiques de paroles toujours plus argumentatives, accessibles et respectueuses. À terme ces pratiques pourraient finir par constituer un esprit Attac que chacun aura à coeur de cultiver.

Plus de président mais des porte-parole. Nous proposons, comme la loi nous en laisse licence, de renoncer au titre de président dans les statuts de notre association et de nous cantonner aux fonctions de secrétaire, de trésorier et de porte-parole ? ceux-ci au nombre de deux ou trois. Nous obtenons ainsi une responsabilité collégiale de seize membres avec seules trois fonctions caractéristiques. Par ce biais la personnification possible de notre association vue de l'extérieure est abandonnée, sa nature délibérative est manifestée et la pluralité des porte-parole renforce encore cette visibilité.

Une responsabilité judiciaire et extrajudiciaire collégiale. Comme la loi exige de disposer des noms des responsables de l'association, ce sont les seize membres du Conseil qui assumeront ensemble la responsabilité judiciaire et extrajudiciaire de l'association. À ce titre ils pourront s'opposer à une décision prise par l'Assemblée mensuelle, si cette décision met en question la survie financière de l'association ou leur responsabilité pénale, ou bien s'avère non conforme aux buts de l'association. Pour contrebalancer ce pouvoir, le Conseil peut être révoqué sous certaines conditions.

Vers la parité femmes - hommes. Dans un souci de démocratie, d'égalité et de liberté entre toutes et tous, nous veillerons à un égal accès des femmes et des hommes aux prises de décisions et aux responsabilités. Ceci passe par l'élection des conseillers sur le mode de la parité femmes - hommes.

Nous pensons que ces modifications contribueront à rendre la parole plus fluide et plus féconde entre nous. Nous ne disposons d'aucun programme préétabli, ni d'aucun savoir supérieur, mais seulement de la capacité de réflexion de chacun de nos membres. Si notre association se veut d'éducation populaire, c'est une éducation fondée sur l'écoute des expériences et des paroles de toutes et de tous, et la diffusion de pratiques et d'analyses élaborées collectivement.

TITRE I. CONSTITUTION ET OBJET

Article 1. Constitution

Il est formé, entre les soussignés, ainsi que les personnes, physiques ou morales qui adhéreront par la suite aux présents statuts, une association inscrite au Registre des associations du Tribunal d'instance de Strasbourg, régie par les articles 21 à 79 du Code civil local, maintenu en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par la loi d'introduction de la législation civile française du 1er juin 1924, ainsi que par les présents statuts.

Article 2. Objet

Elle a pour objet de produire et communiquer de l'information, ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l'ensemble du monde. Parmi ces moyens figure la taxation des transactions sur les marchés des changes (taxe Tobin).

L'association exerce ses activités en liaison avec l'association nationale ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens) dont le siège social est situé à Paris. Dans tous les cas, l'association ne poursuit aucun but lucratif, politique ou religieux.

Article 3. Dénomination

L'association prend la dénomination suivante : ATTAC-Strasbourg.

Article 4. Durée et siège

La durée de l'association est illimitée. Son siège social est fixé à la Maison des associations 1a, place des Orphelins à Strasbourg. Il peut être déplacé sur simple décision du Conseil.

Article 5. Rapports avec l'association nationale ATTAC

Le sigle et la dénomination ATTAC étant protégés, ATTAC-Strasbourg : soumet les présents statuts au Bureau de l'association nationale ATTAC pour approbation ; veille à ce que toutes les structures locales des organisations fondatrices (lorsqu'elles existent localement) de l'association nationale ATTAC soient invitées aux Assemblées générales solennelles ; s'assure que tous ses membres sont également membres de l'association nationale ATTAC ; adresse chaque année, trois mois avant l'assemblée générale de l'association nationale ATTAC, un bilan de ses actions qui est incorporé au rapport de l'association nationale ATTAC.

En cas de non-respect de ces clauses par l'association, le Bureau de l'association nationale ATTAC peut lui retirer l'utilisation du sigle et la dénomination ATTAC.

TITRE II. COMPOSITION

Article 6. Membres

L'association se compose exclusivement de membres actifs : personnes physiques ou personnes morales. Toutes ces personnes sont également membres de l'association nationale ATTAC.

Les personnes physiques et morales sont membres de l'association ATTAC-Strasbourg dès paiement de la cotisation annuelle. Une personne morale est représentée par une personne mandatée.

Article 7. Cotisations

Une cotisation est fixée annuellement par l'Assemblée générale solennelle, sur proposition du Conseil. Elle comprend la cotisation nationale complétée par la cotisation locale. Tous les membres y sont alors soumis.

Article 8. Perte de la qualité de membre

La qualité de membre se perd : par décès, par dissolution de la personne morale adhérente, par démission adressée par écrit au Conseil, par non-paiement de la cotisation, par exclusion prononcée en Assemblée générale extraordinaire pour tout acte portant préjudice moral ou matériel à l'association.

Avant l'exclusion, le membre intéressé est appelé, au préalable, à fournir des explications écrites.

TITRE III. ORGANES ET FONCTIONNEMENT

Article 9. Organes

Les organes de l'association sont : l'Assemblée générale, le Conseil et le Bureau.

Article 10. L'Assemblée générale

10-1. Composition

L'Assemblée générale se compose de tous les membres de l'association à jour de leur cotisation.

10-2. Réunion

L'Assemblée générale se réunit en séances solennelles, régulières ou extraordinaires.

10-3. Convocation

Pour les réunions en séances solennelles et extraordinaires, les convocations sont faites par écrit, sauf urgence, au moins quinze jours à l'avance, et portent indication précise des questions à l'ordre du jour.

10-4. Accès

Les membres ne sont admis aux Assemblées générales que sur présentation d'une pièce justificative de leur qualité. Ils signent à leur entrée le registre de présence.

10-5. Représentation

Tout membre a le droit de se faire représenter par un autre membre en remettant à ce dernier un mandat écrit. Nul ne peut détenir plus d'un pouvoir.

10-6. Pouvoirs

L'Assemblée générale prend toutes les décisions et mesures relatives à l'association, dans les limites énoncées à l'article 11-4 alinéa 2 à propos du Conseil.

10-7. Résolutions

Les décisions de l'Assemblée générale sont prises à la majorité des membres présents. Toutes les délibérations sont prises à main levée. Toutefois à la demande d'un quart au moins des membres présents, les votes doivent être émis au scrutin secret. Cependant, pour l'élection des membres du Conseil, le vote secret est obligatoire.

Les délibérations sont constatées par des procès-verbaux approuvés par le Conseil et inscrits sur un registre spécial tenu par le secrétaire.

10-8. L'Assemblée générale solennelle

L'Assemblée générale solennelle se réunit une fois par an. Il pourra être tenu des réunions supplémentaires, soit à l'initiative du Conseil, soit sur demande signée du quart des membres de l'association. Dans ce cas la convocation est de droit.

L'Assemblée générale solennelle est présidée par le Conseil.

Elle ne peut délibérer que sur les questions inscrites à l'ordre du jour par le Conseil au cours de sa dernière réunion. Tout membre peut demander, par écrit, l'inscription à l'ordre du jour de toute question ; le Conseil statue sur cette demande. En cas de convocation à l'initiative du quart des membres, le Conseil ne peut pas refuser les points d'ordre du jour proposés par ces membres.

L'Assemblée générale solennelle entend les rapports du Conseil sur la gestion de l'association, et notamment sur sa situation morale et financière. Les vérificateurs aux comptes donnent lecture de leur rapport de vérification.

Après avoir délibéré et statué sur les différents rapports, elle approuve les comptes de l'exercice clos, vote le budget de l'exercice suivant, désigne pour un an deux vérificateurs aux comptes, fixe le montant de la cotisation annuelle et délibère sur toutes les autres questions figurant à l'ordre du jour.

Elle pourvoit à la nomination ou au renouvellement des membres du Conseil dans les conditions prévues à l'article 11-1 des présents statuts. Elle seule a le pouvoir de révoquer le Conseil. Les motifs de révocation et les arguments du Conseil sont alors joints à la convocation écrite.

10-9. L'Assemblée générale régulière

L'Assemblée générale régulière se réunit aussi souvent que l'intérêt de l'association l'exige. La fréquence et les modalités ? en particulier l'établissement de l'ordre du jour ? de ses réunions sont fixées par le règlement intérieur ; toute modification de cette fréquence doit être communiquée aux membres de l'association à titre de convocation.

Les pouvoirs de l'Assemblée générale régulière sont ceux de l'Assemblée générale qui ne sont pas expressément réservés aux séances solennelles, par l'article 10-8 alinéa 4 à 6, et extraordinaires, par l'article 10-10 alinéa 3 et 4.

Ses délibérations ne sont valables que si la moitié au moins des membres du Conseil sont présents ou représentés.

10-10. L'Assemblée générale extraordinaire

L'Assemblée générale extraordinaire est convoquée par le Conseil qui en fixe l'ordre du jour.

Elle ne peut délibérer valablement que si la moitié plus un des membres de l'association sont présents ou représentés, sur première convocation, et quel que soit le nombre des membres présents ou représentés pour les suivantes.

Conformément à l'article 33 du Code civil local, les décisions de l'Assemblée générale extraordinaire relatives à la modification des statuts ou à la dissolution sont prises à la majorité des trois quarts des membres présents ou représentés.

Toutefois, pour une modification des buts de l'association, il faut l'accord unanime de tous les membres présents ou représentés ; l'accord des membres non présents ou représentés doit être donné par écrit.

L'Assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour prononcer l'exclusion d'un membre pour un acte portant préjudice moral ou matériel à l'association.

Article 11. Le Conseil

11-1. Composition

Le Conseil est composé de seize conseillers choisis parmi les membres de l'association et élus par l'Assemblée générale solennelle. Les conseillers sont élus sur le mode de la parité femmes - hommes.

La durée de leur mandat est de deux ans. Nul ne peut effectuer plus de deux mandats consécutifs. En cas de vacance d'un quart des membres du Conseil, une Assemblée générale solennelle est convoquée pour pourvoir aux postes vacants.

Aucune personne morale ne peut siéger au Conseil. Nul ne peut faire partie du Conseil s'il n'est majeur.

11-2. Réunion

Le Conseil participe obligatoirement à chaque réunion de l'Assemblée générale régulière.

Il peut tenir des réunions supplémentaires, convoquées dans un délai maximal de quinze jours, sur demande d'un quart de ses membres.

La présence de la moitié au moins de ses membres est nécessaire pour que le Conseil puisse délibérer valablement.

Le Conseil peut inviter toute personne dont il estimera la présence utile à ses travaux ou a ceux de l'Assemblée générale.

11-3. Fonctionnement

Le déroulement pratique des réunions est fixé par le règlement intérieur.

Chaque membre du Conseil doit participer en personne aux séances. Toutefois, chaque conseiller peut se faire représenter par un autre conseiller. Les pouvoirs sont écrits. Nul ne peut détenir plus d'un pouvoir.

Les décisions sont prises à la majorité des présents et représentés. En cas d'égalité persistante, le vote est reporté à une prochaine réunion.

11-4. Pouvoirs

Les membres du Conseil assurent collectivement la représentation judiciaire et extrajudiciaire de l'association, prévue par l'article 26 du Code civil local.

À ce titre, le Conseil a le pouvoir de s'opposer, aux décisions de l'Assemblée générale régulière. Il doit motiver son opposition.

Il se prononce, à la majorité des deux tiers des membres présents ou représentés, sur toute proposition de modification des statuts ou de dissolution de l'association, ou toute autre décision à soumettre à l'Assemblée générale extraordinaire, à laquelle il présentera un rapport motivé.

Article 12. Le Bureau

12-1. Composition

Le Bureau est composé du Secrétaire, du Trésorier et de plusieurs porte-parole, tous élus par et parmi les membres du Conseil. Il peut inviter toute personne dont il estimera la présence utile à ces travaux.

12-2. Pouvoirs

Le Bureau est chargé de la gestion des affaires courantes de l'association, dans le cadre des décisions prises par l'Assemblée générale et le Conseil. Il veille à l'observation des statuts et du règlement intérieur

12-3. Le Secrétaire

Le Secrétaire anime les discussions du Bureau. Il signe tous actes, toutes mesures ou tous extraits des délibérations intéressant l'association, fait ouvrir les comptes. Il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs.

12-4. Le Trésorier

Le Trésorier a la charge de la comptabilité de l'association dans les modalités fixées à l'article 14.

12-5. Les Porte-parole

Les Porte-parole assurent la représentation de l'association vis à vis des tiers, dans le cadre des décisions prises par l'Assemblée générale et le Conseil.

TITRE IV. RESSOURCES ET COMPTABILITÉ

Article 13. Ressources

Les ressources de l'association se composent : du produit des cotisations ; du reversement, par l'association nationale ATTAC, d'une fraction, fixée par le Conseil d'administration de l'association nationale ATTAC, des cotisations qui lui ont été versées par les membres de ATTAC-Strasbourg ; des contributions bénévoles ; des subventions, des dons et des legs qui pourraient lui être versés ; du produit des fêtes et manifestations, des intérêts et redevances des biens et valeurs qu'elle pourrait posséder ainsi que des rétributions pour services rendus ; de toutes autres ressources qui ne seraient pas contraires aux lois en vigueur.

Article 14. Comptabilité

Il est tenu, au jour le jour, une comptabilité en recettes et dépenses pour l'enregistrement de toutes les opérations financières.

Article 15. Dépenses

Les dépenses sont ordonnées par le Conseil et le Bureau. Leur paiement est effectué par le Trésorier.

Article 16. Contrôle financier

Les comptes tenus par le Trésorier sont vérifiés annuellement par deux vérificateurs aux comptes. Ceux-ci, membres de l'association, sont élus pour un an par l'Assemblée générale solennelle et sont rééligibles sans limitation.

Ils doivent présenter à l'Assemblée générale solennelle appelée à statuer sur les comptes un rapport écrit de leurs opérations de vérification.

Les deux vérificateurs aux comptes ne peuvent faire partie du Conseil.

Article 17. Rémunérations

Les fonctions des membres du Conseil sont gratuites. Toutefois, les frais et débours occasionnés par l'accomplissement de leur mandat leur sont remboursés au vu des pièces justificatives.

Le rapport financier présenté à l'Assemblée générale solennelle doit faire mention des remboursements de frais de mission, de déplacement ou de représentation payés à des membres du Conseil.

Le Conseil ne doit pas être mis devant le fait accompli sauf cas très exceptionnel dûment argumenté.

Aucun membre de l'association ne peut percevoir de rémunération de ce fait.

TITRE V. MODIFICATION DES STATUTS ET RÈGLEMENT INTÉRIEUR

Article 18. Modification des statuts

Les statuts peuvent être modifiés, sur proposition motivée du Conseil, par un vote de l'Assemblée générale extraordinaire. Ils devront toutefois respecter les clauses de l'article 5. Ils feront l'objet d'un bilan soumis à la prochaine Assemblée générale solennelle.

Article 19. Règlement intérieur

Un règlement intérieur est établit par le Conseil qui, outre les points prévus par les présents statuts aux articles 10-9 alinéa 1 et 11-3 alinéa 1, fixe modalités du fonctionnement pratique de l'association.

TITRE VI. DISSOLUTION

Article 20. Dissolution

L'association peut être dissoute, sur proposition motivée du Conseil, par un vote de l'Assemblée générale extraordinaire.

Article 21. Liquidation

En cas de liquidation volontaire, l'Assemblée générale extraordinaire de liquidation nomme un ou plusieurs liquidateurs. En aucun cas, les biens ne peuvent être répartis entre les membres de l'association. Ils sont dévolus à l'association nationale ATTAC.

TITRE VII. INSCRIPTION

Article 22. Inscription

Le Conseil devra déclarer au Registre des associations du Tribunal d'instance de Strasbourg les modalités ultérieures désignées ci-dessous : les changements survenus au sein du Conseil ; le changement de dénomination ; les modifications apportées aux statuts ; le transfert de siège ; la dissolution de l'association.

LES STATUTS D'ATTAC STRASBOURG
ADOPTÉS PAR L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE

18 MARS 2004

TITRE I. CONSTITUTION ET OBJET

Article 1. Constitution

Il est formé, entre les soussignés, ainsi que les personnes, physiques ou morales qui adhéreront par la suite aux présents statuts, une association inscrite au Registre des associations du Tribunal d'instance de Strasbourg, régie par les articles 21 à 79 du Code civil local, maintenu en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle par la loi d'introduction de la législation civile française du 1er juin 1924, ainsi que par les présents statuts.

Article 2. Objet

Elle a pour objet de produire et communiquer de l'information, ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l'ensemble du monde. Parmi ces moyens figure la taxation des transactions sur les marchés des changes (taxe Tobin).

L'association exerce ses activités en liaison avec l'association nationale ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens) dont le siège social est situé à Paris.

Dans tous les cas, l'association ne poursuit aucun but lucratif, politique ou religieux.

Article 3. Dénomination

L'association prend la dénomination suivante : ATTAC Strasbourg.

Article 4. Durée et siège

La durée de l'association est illimitée. Son siège social est fixé à la Maison des associations 1a, place des Orphelins à Strasbourg. Il peut être déplacé sur simple décision du Bureau.

Article 5. Rapports avec l'association nationale ATTAC

Le sigle et la dénomination ATTAC étant protégés, ATTAC Strasbourg : soumet les présents statuts au Bureau de l'association nationale ATTAC pour approbation ; veille à ce que toutes les structures locales des organisations fondatrices (lorsqu'elles existent localement) de l'association nationale ATTAC soient invitées aux Assemblées générales solennelles ; s'assure que tous ses membres sont également membres de l'association nationale ATTAC ; adresse chaque année, trois mois avant l'assemblée générale de l'association nationale ATTAC, un bilan de ses actions qui est incorporé au rapport de l'association nationale ATTAC.

En cas de non-respect de ces clauses par l'association, le Bureau de l'association nationale ATTAC peut lui retirer l'utilisation du sigle et la dénomination ATTAC.

TITRE II. COMPOSITION

Article 6. Membres

L'association se compose exclusivement de membres actifs : personnes physiques ou personnes morales. Toutes ces personnes sont également membres de l'association nationale ATTAC. Nul ne peut être adhérent de plus d'un comité local.

Les personnes physiques et morales sont membres de l'association ATTAC Strasbourg dès paiement de la cotisation annuelle. Une personne morale est représentée par une personne mandatée.

Article 7. Cotisations

Une cotisation peut être fixée annuellement par l'Assemblée générale, sur proposition du Bureau. Tous les membres y sont soumis. Cette cotisation est indépendante de celle, obligatoire, à l'association nationale Attac.

Article 8. Perte de la qualité de membre

La qualité de membre se perd : par décès, par dissolution de la personne morale adhérente, par démission adressée par écrit au Bureau, par non-paiement de la cotisation, par exclusion prononcée en Assemblée générale extraordinaire pour tout acte portant préjudice moral ou matériel à l'association.

Avant l'exclusion, le membre intéressé est appelé, au préalable, à fournir des explications écrites. En cas d'appel, la mesure est suspendue jusqu'à la saisine de la commission d'arbitrage prévue dans la charte des relations entre l'association ATTAC et ses comités locaux.

TITRE III. ORGANES ET FONCTIONNEMENT

Article 9. Organes

Les organes de l'association sont : l'Assemblée générale et le Bureau.

Article 10. L'Assemblée générale

10-1. Composition

L'Assemblée générale se compose de tous les membres de l'association à jour de leur cotisation.

10-2. Réunion

L'Assemblée générale se réunit en séances solennelles, régulières ou extraordinaires.

10-3. Convocation

Pour les réunions en séances solennelles et extraordinaires, les convocations sont faites par écrit, sauf urgence, au moins quinze jours à l'avance, et portent indication précise des questions à l'ordre du jour.

10-4. Accès

Les membres ne sont admis aux Assemblées générales que sur présentation d'une pièce justificative de leur qualité. Ils signent à leur entrée le registre de présence.

10-5. Représentation

Tout membre a le droit de se faire représenter par un autre membre en remettant à ce dernier un mandat écrit. Nul ne peut détenir plus d'un pouvoir.

10-6. Pouvoirs

L'Assemblée générale prend toutes les décisions et mesures relatives à l'association, dans les limites énoncées à l'article 11-2 alinéa 2 à propos du Bureau.

10-7. Résolutions

Les décisions de l'Assemblée générale sont prises à la majorité des membres présents. Toutes les délibérations sont prises à main levée. Toutefois à la demande d'un quart au moins des membres présents, les votes doivent être émis au scrutin secret. Cependant, pour l'élection des membres du Bureau, le vote secret est obligatoire.

Les délibérations sont constatées par des procès-verbaux approuvés par le Bureau et inscrits sur un registre spécial tenu par le Secrétaire.

10-8. L'Assemblée générale solennelle

L'Assemblée générale solennelle se réunit une fois par an. Il pourra être tenu des réunions supplémentaires, soit à l'initiative du Bureau, soit sur demande signée du quart des membres de l'association. Dans ce cas la convocation est de droit.

L'Assemblée générale solennelle est présidée par le Bureau.

Elle ne peut délibérer que sur les questions inscrites à l'ordre du jour par le Bureau au cours de sa dernière réunion. Tout membre peut demander, par écrit, l'inscription à l'ordre du jour de toute question ; le Bureau statue sur cette demande. En cas de convocation à l'initiative du quart des membres, le Bureau ne peut pas refuser les points d'ordre du jour proposés par ces membres.

L'Assemblée générale solennelle entend les rapports du Bureau sur la gestion de l'association, et notamment sur sa situation morale et financière. Les vérificateurs aux comptes donnent lecture de leur rapport de vérification.

Après avoir délibéré et statué sur les différents rapports, elle approuve les comptes de l'exercice clos, vote le budget de l'exercice suivant, désigne pour un an deux vérificateurs aux comptes, fixe le montant de la cotisation annuelle et délibère sur toutes les autres questions figurant à l'ordre du jour.

Elle pourvoit à la nomination ou au renouvellement des membres du Bureau dans les conditions prévues à l'article 11-1 des présents statuts. Elle seule a le pouvoir de révoquer le Bureau. Les motifs de révocation et les arguments du Bureau sont alors joints à la convocation écrite.

10-9. L'Assemblée générale régulière

L'Assemblée générale régulière se réunit aussi souvent que l'intérêt de l'association l'exige. La fréquence et les modalités - en particulier l'établissement de l'ordre du jour - de ses réunions sont fixées par le règlement intérieur ; toute modification de cette fréquence doit être communiquée aux membres de l'association à titre de convocation.

Les pouvoirs de l'Assemblée générale régulière sont ceux de l'Assemblée générale qui ne sont pas expressément réservés aux séances solennelles, par l'article 10-8 alinéa 4 à 6, et extraordinaires, par l'article 10-10 alinéa 3 et 4.

Ses délibérations ne sont valables que si la moitié au moins des membres du Bureau sont présents.

10-10. L'Assemblée générale extraordinaire

L'Assemblée générale extraordinaire est convoquée par le Bureau qui en fixe l'ordre du jour.

Elle ne peut délibérer valablement que si la moitié plus un des membres de l'association sont présents ou représentés, sur première convocation, et quel que soit le nombre des membres présents ou représentés pour les suivantes.

Conformément à l'article 33 du Code civil local, les décisions de l'Assemblée générale extraordinaire relatives à la modification des statuts ou à la dissolution sont prises à la majorité des trois quarts des membres présents ou représentés.

Toutefois, pour une modification des buts de l'association, il faut l'accord unanime de tous les membres présents ou représentés ; l'accord des membres non présents ou représentés doit être donné par écrit.

L'Assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour prononcer l'exclusion d'un membre pour un acte portant préjudice moral ou matériel à l'association.

Article 11. Le Bureau

11-1. Composition

Le Bureau est composé de huit membres - quatre femmes et quatre hommes - choisis parmi les membres de l'association et élus par l'Assemblée générale solennelle. Les candidats devront obtenir un nombre de voix au moins égal à un dixième du nombre des adhérents pour être élus.

La durée de leur mandat est de deux années civiles. Nul ne peut effectuer plus de deux mandats consécutifs.

Les postes vacants sont pourvus par l'Assemblée générale régulière pour la période courant jusqu'à la prochaine Assemblée générale solennelle. Toutefois, en cas de vacance de la moitié ou plus des postes du Bureau, une Assemblée générale solennelle doit être convoquée pour pourvoir aux postes vacants.

Aucune personne morale ne peut siéger au Bureau. Nul ne peut faire partie du Bureau s'il n'est majeur.

11-2. Pouvoirs

Le Bureau est chargé de la gestion des affaires courantes de l'association, dans le cadre des décisions prises par l'Assemblée générale. Pour cela, il élit en son sein un Secrétaire, un Trésorier et plusieurs Porte-parole.

Les membres du Bureau assurent collectivement la représentation judiciaire et extrajudiciaire de l'association, prévue par l'article 26 du Code civil local. À ce titre, le Bureau a le pouvoir de s'opposer aux décisions de l'Assemblée générale régulière. Il doit motiver son opposition.

Le Bureau veille à l'observation des statuts et du règlement intérieur. Il se prononce, à la majorité des trois quarts des membres présents ou représentés, sur toute proposition de modification des statuts ou de dissolution de l'association, ou toute autre décision à soumettre à l'Assemblée générale extraordinaire, à laquelle il présentera un rapport motivé.

11-3. Réunion

Le Bureau se réunit aussi souvent que l'intérêt de l'association l'exige. De plus, il participe obligatoirement à chaque réunion de l'Assemblée générale régulière.

La présence de la moitié au moins de ses membres est nécessaire pour que le Bureau puisse délibérer valablement. Chaque membre du Bureau doit participer en personne aux séances. Toutefois, chaque membre du Bureau peut se faire représenter par un autre membre du bureau. Nul ne peut détenir plus d'un pouvoir.

Le Bureau peut inviter toute personne dont il estimera la présence utile à ses travaux.

11-4. Le Secrétaire

Le Secrétaire anime les discussions du Bureau. Il signe tous actes, toutes mesures ou tous extraits des délibérations intéressant l'association, fait ouvrir les comptes. Il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs.

11-5. Le Trésorier

Le Trésorier a la charge de la comptabilité de l'association dans les modalités fixées à l'article 13.

11-6. Les Porte-parole

Les Porte-parole assurent la représentation de l'association vis à vis des tiers, dans le cadre des décisions prises par l'Assemblée générale.

TITRE IV. RESSOURCES ET COMPTABILITÉ

Article 12. Ressources

Les ressources de l'association se composent : du produit des cotisations ; du reversement, par l'association nationale ATTAC, d'une fraction, fixée par le Bureau d'administration de l'association nationale ATTAC, des cotisations qui lui ont été versées par les membres de ATTAC-Strasbourg ; des contributions bénévoles ; des subventions, des dons et des legs qui pourraient lui être versés ; du produit des fêtes et manifestations, des intérêts et redevances des biens et valeurs qu'elle pourrait posséder ainsi que des rétributions pour services rendus ; de toutes autres ressources qui ne seraient pas contraires aux lois en vigueur.

Article 13. Comptabilité

Il est tenu, au jour le jour, une comptabilité en recettes et dépenses pour l'enregistrement de toutes les opérations financières.

Article 14. Dépenses

Les dépenses sont ordonnées par le Bureau. Leur paiement est effectué par le Trésorier.

Article 15. Contrôle financier

Les comptes tenus par le Trésorier sont vérifiés annuellement par deux vérificateurs aux comptes. Ceux-ci, membres de l'association, sont élus pour un an par l'Assemblée générale solennelle et sont rééligibles sans limitation.

Ils doivent présenter à l'Assemblée générale solennelle appelée à statuer sur les comptes un rapport écrit de leurs opérations de vérification.

Les deux vérificateurs aux comptes ne peuvent faire partie du Bureau.

Article 16. Rémunérations

Les fonctions des membres du Bureau sont gratuites. Toutefois, les frais et débours occasionnés par l'accomplissement de leur mandat leur sont remboursés au vu des pièces justificatives.

Le rapport financier présenté à l'Assemblée générale solennelle doit faire mention des remboursements de frais de mission, de déplacement ou de représentation payés à des membres du Bureau.

Le Bureau ne doit pas être mis devant le fait accompli sauf cas très exceptionnel dûment argumenté.

Aucun membre de l'association ne peut percevoir de rémunération de ce fait.

TITRE V. MODIFICATION DES STATUTS ET RÈGLEMENT INTÉRIEUR

Article 17. Modification des statuts

Les statuts peuvent être modifiés, sur proposition motivée du Bureau, par un vote de l'Assemblée générale extraordinaire. Ils devront toutefois respecter les clauses de l'article 5. Ils feront l'objet d'un bilan soumis à la prochaine Assemblée générale solennelle.

Article 18. Règlement intérieur

Un règlement intérieur est établi par l'Assemblée générale sur proposition du Bureau qui, outre les points prévus par les présents statuts à l'article 10-9 alinéa 1, fixe les modalités du fonctionnement pratique de l'association.

TITRE VI. DISSOLUTION

Article 19. Dissolution

L'association peut être dissoute, sur proposition motivée du Bureau, par un vote de l'Assemblée générale extraordinaire.

Article 20. Liquidation

En cas de liquidation volontaire, l'Assemblée générale extraordinaire de liquidation nomme un ou plusieurs liquidateurs. En aucun cas, les biens ne peuvent être répartis entre les membres de l'association. Ils sont dévolus à l'association nationale ATTAC.

TITRE VII. INSCRIPTION

Article 21. Inscription

Le Bureau devra déclarer au Registre des associations du Tribunal d'instance de Strasbourg les modalités ultérieures désignées ci-dessous : les changements survenus au sein du Bureau ; le changement de dénomination ; les modifications apportées aux statuts ; le transfert de siège ; la dissolution de l'association.

CONSEIL DU 31 MARS 2003
RÈGLEMENT INTÉRIEUR

1. Les Assemblées générales régulières

a. Les Assemblées générales régulières se tiennent tous les premiers lundis de chaque mois. Si des réunions supplémentaires sont nécessaires, les adhérents doivent être convoqués par écrit.

b. L'ordre du jour de l'Assemblée générale régulière est établi par le Bureau. Les propositions doivent être soumises au Secrétaire de l'association au plus tard le mercredi précédent la réunion de l'Assemblée. Le Bureau motive ses refus.

c. Les membres du Conseil assurent à tour de rôle la présidence et le secrétariat de séance.

d. En début de séance, l'Assemblée générale régulière approuve l'ordre du jour et le compte-rendu de la réunion précédente. Les points de l'ordre du jour non traités sont reportés à la réunion suivante.

e. Le président de séance répartit le temps de parole et veille au respect de l'ordre du jour.

f. Les décisions de l'Assemblée générale régulière sont mentionnées dans le bulletin mensuel.

2. Le Conseil

a. Les candidats au Conseil sont adhérents depuis plus de trois mois.

b. Deux absences non excusées d'un conseiller, aux réunions du Conseil et de l'Assemblée générale régulière, entraînent son exclusion du Conseil.

c. Aucun Conseiller ne peut se faire représenter par procuration à ces réunions plus de trois fois par année associative.

3. Le Bureau

a. Le Bureau est convoqué à la demande de l'un de ses membres, et ne peut être réuni sans la présence du Secrétaire et du Trésorier, ou d'un Conseiller mandaté par eux pour l'occasion.

b. Les porte-parole sont au nombre de trois. Il se partagent la représentation d'Attac Strasbourg auprès des tiers : Attac France, les autres comités locaux, la presse, les autres organisations, les partis politiques, les élus, etc.

c. Le Bureau rend compte de son action à chaque Assemblée générale régulière.

4. Actions

a. Toute proposition d'action doit être soumise à l'Assemblée générale régulière qui doit désigner un référent.

b. Chaque action doit faire l'objet d'un bilan en Assemblée générale régulière.

Charte des relations entre

l'association Attac et les comités locaux d'Attac

Préambule

Dans ce texte, nous entendons par « Attac » ou « association Attac » l'association dont le siège social se situe au 6 rue Pinel 75013 Paris.

Nous entendons par « comité local » toute association cosignataire, avec l'association Attac, de la présente charte.

Enfin nous entendons par « mouvement Attac France » l'ensemble des acteurs reconnus par l'association Attac comme moteurs de la bonne réalisation des objectifs définis dans sa plate-forme fondatrice et dans les orientations adoptées chaque année en Assemblée générale.

A ce jour, le mouvement Attac France est riche de l'association Attac dont ses instances statutaires (conseil d'administration, bureau, conseil scientifique), ses personnes physiques et morales fondatrices, ses adhérents (personnes physiques et morales), ses groupes de travail nationaux, son groupe international ; et des comités locaux d'Attac, des groupes locaux, des collectifs universitaires, d'un réseau de villes et autres collectivités adhérentes et de coordination d'élu(e)s membres d'Attac.

En outre, le mouvement Attac France est partie prenante du mouvement international Attac comprenant l'ensemble des associations Attac fondées dans d'autres pays du monde et des diverses structures se situant dans leur mouvance.

Par la présente charte, l'association Attac prend acte de l'existence et du rôle des comités locaux qui participent à l'animation et à la vie du mouvement Attac. Il s'agit d'un engagement contractuel mutuel où chaque partie, autonome, se reconnaît d'un même mouvement : le mouvement Attac. En conséquence de quoi, la signature de cette charte est obligatoire pour toute association locale se revendiquant du mouvement Attac, souhaitant accéder au statut de « comité local d'Attac ».

La présente charte définit les droits et devoirs de chacun. Elle propose des modes de fonctionnement des comités locaux et une définition souple de leur espace d'intervention. Elle définit les grandes lignes de leur place au sein du mouvement.

Il est rappelé que la logique de fonctionnement interne du mouvement Attac associe la démocratie représentative, la démocratie participative et la recherche des convergences construites sur l'explication préalable des positions en présence.

Dans un souci de démocratie, d'égalité et de liberté de tous, il est rappelé que nous devons veiller à ce qu'un égal accès des femmes et des hommes à des prises de décisions et de responsabilités soit respecté au niveau national et au niveau des comités locaux. Ce qui passe par la recherche et, si possible, la réalisation de la parité représentative au sein des instances décisionnelles.

 

Ce texte définit la place politique des comités locaux, notamment par leur représentation au sein de la Conférence Nationale des Comités Locaux (CNCL). Les comités locaux s'engagent, par la signature de la présente charte, à ne pas adhérer à l'association Attac.

La notion de « zone géographique » des comités locaux n'est pas définie ici. Notamment selon que l'implantation se réalise en zone rurale ou urbaine et selon l'intensité locale de l'activité du mouvement Attac, la pertinence de cette zone varie. Ainsi est-il demandé à chaque comité local de se constituer sur des bases géographiques pertinentes, en concertation avec les comités locaux pouvant agir à proximité. Il est en outre souhaitable d'éviter un trop grand nombre de comités locaux sur le territoire français, pouvant aboutir à une perte de cohésion, d'énergie et d'efficacité.

Nul ne peut être membre de plusieurs comités locaux.

Il est rappelé que seule l'association Attac est propriétaire du logo et du nom Attac. En conséquence de quoi elle est la seule à pouvoir attribuer ou retirer ce label national à un comité local.

Il est convenu que seule l'association Attac peut se prévaloir de signer un texte ou de se faire valoir du seul nom d'Attac. Au plan local, toute signature d'un comité local ou d'un groupe local doit être accompagnée du nom complet de celui-ci, mettant bien en évidence la nature locale de l'engagement.

Art. 1.- Définition d'un comité local et de son rôle dans le mouvement

Le modus vivendi d'un comité local comme de l'association Attac doit tenir compte du principe de démocratie participative. C'est-à-dire qu'un comité local doit favoriser la participation du plus grand nombre - et en particulier tendre vers la parité homme-femme- à la réflexion, aux décisions et à la mise en oeuvre de celles-ci dans le respect de la dignité de chacun.

1.1. Définition et création

Un comité local est une association de fait ou loi 1901, cosignataire, avec l'association Attac, de cette charte.

Un comité local d'Attac regroupe des adhérent(e)s d'Attac qui, faisant l'acte d'adhésion à ce comité, s'associent pour participer, sur une zone géographique donnée, à la réalisation de l'objet de l'association Attac.

Les comités locaux d'Attac et l'association Attac reconnaissent mutuellement qu'elles sont des organisations associatives autonomes.

Si un comité local fait le choix de se fonder en association loi 1901, l'association Attac a rédigé des statuts type d'un comité local joints en annexe de ce texte. Dans ce cas précis, l'association Attac demande que chaque comité local se conforme explicitement à au moins trois de ses articles :

L'article 1 sur la constitution et l'objet de l'association.

L'article 4 sur les rapports avec l'association nationale Attac.

L'article 5 sur les membres et l'adhésion.

Si un comité local fait le choix d'une organisation de fait, l'association Attac demande à ses animateurs de rédiger et de lui communiquer, lorsque ce n'est pas la cas à la signature de la présente charte, un règlement intérieur intégrant au moins les trois articles précités des statuts type.

L'attribution du label Attac à un comité local nécessite au préalable la vérification et la validation de ses statuts - si ce comité local est constitué sous forme de loi 1901 -, sinon de son règlement intérieur. Celles-ci sont effectuées par des membres du conseil d'administration d'Attac.

Lors de l'assemblée générale constitutive d'un comité local, il est demandé de convoquer formellement tous les représentants locaux des membres fondateurs de l'association Attac, ainsi que les adhérent(e)s d'Attac présents sur sa zone géographique, à l'exception de celles et ceux d'entre eux qui ont explicitement exprimé leur refus d'être mis en relation avec les comités locaux.

1.2. Commission de médiation et d'arbitrage

Deux commissions de médiation et d'arbitrage sont créées, une commission A et une commission B. Elles interviennent pour régler les éventuels conflits relatifs à la définition et à l'assise géographique des comités locaux - la commission A intervient si ces divergences se situent entre comités, la commission B si ces divergences se situent entre un ou des comités et l'association Attac. La commission A peut également intervenir en cas de conflits graves internes aux comités locaux.

Ces commissions peuvent être saisies soit par un comité local soit par le CA national soit par au moins 15% des adhérent(e)s de l'association nationale Attac de la zone géographique d'un comité local. La commission A est composée de deux représentants des comités, désignés par la CNCL, et deux représentants du CA d'Attac. La commission B est composée de deux représentants des comités, désignés par la CNCL, et de deux représentants du collège des membres fondateurs d'Attac, désignés parmi les membres fondateurs non-membres du CA d'Attac. Les membres de ces commissions sont désignés pour un an. La parité homme/femme est respectée au sein de chaque représentation. Après avoir entendu les parties concernées, la commission saisie essaie de rapprocher les points de vue, et en cas d'échec tranche à la majorité de ses membres. La décision s'impose aux parties concernées, sauf en cas d'appel. Dans l'hypothèse où un des membres de la commission est concerné par le litige, il est remplacé par l'instance (CNCL, CA d'Attac ou collège des fondateurs) qui l'a désigné. En cas d'appel d'une décision de la commission A, le CA d'Attac tranche. En cas d'appel d'une décision de la commission B, le collège des membres fondateurs d'Attac tranche.

1.3. Fonctionnement

Est dit « rattaché administrativement » à un comité local tout membre de l'association Attac ayant explicitement déclaré auprès de cette dernière que ce comité local était son comité de rattachement, et celui n'ayant pas déclaré de comité local de rattachement mais dont l'adresse se situe sur la zone géographique de ce comité local.

L'association Attac fournit mensuellement à chaque comité local la mise à jour du fichier des adhérent(e)s qui lui sont rattachés administrativement et qui n'ont pas exprimé d'opposition à cette communication de renseignements personnels.

Lors de chaque assemblée générale annuelle statutaire d'un comité local il est demandé de convoquer formellement tous les représentants locaux des membres fondateurs de l'association ainsi que les adhérent(e)s d'Attac présents sur le fichier défini au précédent paragraphe.

L'association Attac verse périodiquement à chaque comité local une quote-part des cotisations nationales. Celle-ci est calculée au prorata du nombre des membres rattachés administrativement au comité local sur la base d'une péréquation nationale. Quant au montant de cette quote-part, elle est fixé par le conseil d'administration d'Attac, après approbation par l'assemblée générale annuelle statutaire des adhérent(e)s d'Attac.

Chaque comité local désigne au moins deux correspondants électroniques, ayant explicitement la charge au nom du comité local de recevoir les informations provenant de l'association Attac ou d'autres comités locaux, informations circulant par le biais d'outils électroniques de l'association Attac, de les diffuser au sein du comité local, et de transmettre, en retour, des informations ou des documents en provenance de ce comité local en direction du mouvement Attac.

De la même manière, chaque comité local est tenu de désigner au moins un de ses membres comme référent local. Sa fonction est d'assurer le suivi des relations organiques entre le comité local et l'association Attac.

L'association Attac s'engage à transmettre aux comités locaux les informations et les documents utiles au bon fonctionnement du mouvement Attac France, à ses activités d'éducation populaire et à ses actions. Le comité local est associé à toute initiative de l'association Attac sur sa zone géographique. Lorsqu'une ou un responsable de l'association Attac est invité(e), à ce titre, sur cette zone géographique, le comité local doit en être informé.

Les comités locaux ne peuvent être représentés ès qualité à l'assemblée générale des adhérent(e)s. Toutefois, au vu de leur importance dans la vie de l'association Attac, il leur est demandé, au plus tard trois mois avant l'assemblée générale annuelle statutaire des adhérent(e)s d'Attac, d'adresser un rapport d'activité à l'association nationale et publier celui-ci sur le site d'Attac. Une synthèse de ces rapports d'activité sera présentée à l'assemblée générale annuelle statutaire.

1.4. Attributions et missions

Le comité local a une mission de mutualisation humaine, matérielle et financière pour favoriser l'expression et les initiatives de tous les membres du mouvement Attac mais aussi pour améliorer l'efficacité et la portée des actions menées sur sa zone géographique.

Sur sa zone géographique, le comité local a une double mission politique : stimuler et coordonner les actions visant à réaliser les objectifs de l'association Attac ; veiller à la pluralité de points de vue et à l'ouverture, ainsi qu'au respect de la plate-forme fondatrice d'Attac. Les comités locaux popularisent les objets de l'association Attac, définissent leurs propres priorités et leurs sujets de travail, dans le respect de l'identité de mouvement d'éducation populaire tourné vers l'action.

Du local au global, chaque comité local a vocation à tisser des liens avec d'autres composantes du mouvement Attac et d'autres partenaires, à sa périphérie ou encore partout en France et à l'international. Ces relations enrichissent et renforcent le mouvement Attac. Elles pouvent générer une forme intermédiaire de mobilisation et d'actions.

Ils doivent être en relation avec les groupes locaux de travail dont il est question à l'article 3 de la présente charte.

Chaque comité local est en droit de mandater un ou une de ses membres à chaque Conférence Nationale des Comités Locaux. Ses frais de transport et d'hébergement sont alors pris en charge par l'association Attac selon un barème communiqué à chaque comité local.

Art. 2.- Les relations politiques entre les comités locaux et l'association Attac

2.1. La Conférence nationale des comités locaux (CNCL) est l'organe de représentation des comités locaux d'Attac.

2.2. La CNCL a pour premier objet de contribuer à la mise en oeuvre des décisions prises par l'Assemblée générale annuelle des adhérent(e)s. Elle peut faire des propositions au CA sur son ordre du jour.

2.3. La CNCL est aussi un lieu d'échange et de débats entre les comités locaux, le bureau et le CA.

2.4. Outre des engagements d'action, des orientations nationales peuvent y être élaborées, débattues et validées, y compris par un vote. Pour que ces orientations, qui engagent seulement à ce stade les comités dont le représentant mandaté s'est prononcé favorablement sur le sujet, deviennent des orientations nationales de l'association, elles doivent être entérinées par le CA d'Attac. Celui-ci a l'obligation de se prononcer sur chacune de ces orientations.

2.5. La CNCL se réunit ordinairement au moins trois fois par an. Elle peut se réunir de façon extraordinaire à la demande du CA, du bureau ou d'au moins un tiers des comités locaux.

2.6. Chaque comité local y est représenté par un délégué mandaté par son comité, dont le voyage est pris en charge par Attac-national. Chaque comité peut disposer d'un délégué supplémentaire. Celui-ci ne prend pas part au vote.

2.7. L'ordre du jour de la CNCL est déterminé conjointement par les comités locaux et le CA, ou le bureau par délégation. Un projet d'ordre du jour est communiqué aux comités locaux au minimum un mois avant la CNCL et est adopté par les délégués en début de séance.

2.8. La présidence de la CNCL est assumée conjointement par le bureau et un comité local. Ce dernier est désigné par la CNCL en fin de réunion pour la cession suivante.

2.9. La CNCL peut décider de fonctionner, si nécessaire, en commission.

2.10. La CNCL peut se doter d'une structure de préparation et de suivi.

2.11. La CNCL peut se doter d'un règlement intérieur.

 Art. 3. - Les relations entre les différents groupes, les comités locaux et l'association nationale

Le développement du mouvement Attac en France a donné naissance non seulement à des comités locaux mais aussi à divers types de regroupements qui participent pleinement de la vie et de l'animation du mouvement. Ces regroupements rassemblent des personnes qui ont choisi de travailler, durablement ou provisoirement, sur un objet spécifique, dans le respect de la plate-forme fondatrice d'Attac.

Il convient d'en établir une typologie pour mieux définir leur rôle, leur statut et préciser leur articulation avec les comités locaux et avec l'association Attac.

Se différenciant d'abord selon leur zone géographique, on distingue les groupes locaux (de travail, thématique, de proximité), les groupes associant plusieurs comités dit inter-comités et les groupes nationaux.

Informel, chacun de ces groupes est placé sous la responsabilité d'un ou de plusieurs comités locaux, ou de l'association nationale. Ainsi il ne peut prétendre, sans accord préalable, à l'utilisation du label "Attac". En outre, il ne peut bénéficier directement du reversement de parts de cotisations ou être représenté en tant que tel à la Conférence nationale des comités locaux.

Par ailleurs, des adhérent(e)s peuvent se regrouper sur des lieux d'enseignement supérieur et constituer des collectifs universitaires.

Gages de souplesse et de dynamisme, ces différents groupes auront le souci de la complémentarité et du développement coordonné de l'ensemble des activités au sein du mouvement Attac, gage d'efficacité et de cohésion pour le mouvement.

C'est pourquoi, les différents acteurs du mouvement (groupes, comités, collectifs universitaires, association nationale) s'engagent à échanger régulièrement entre eux, à respecter le travail de chacun et à éviter tout cloisonnement.

3.1. Les groupes locaux.

Le groupe local réunit des adhérent-e-s d'Attac issu-e-s de la zone géoraphique d'un comité local. De ce fait ce groupe est rattaché à ce comité local, il est sous la responsabilité de celui-ci. Selon qu'il s'attache à une activité organisationnelle (préparation de débats, publication d'un bulletin, confection de tracts et d'affiches, etc.) ou à une tâche de réflexion autour d'une thématique (étude ou synthèse de documents, production de réflexions ou de documents pédagogiques, action de formation, etc.) ou qu'il répond au besoin d'une plus grande proximité géographique (le quartier, la commune,...), on parlera respectivement de "groupe local de travail", de "groupe local thématique", de "groupe local de proximité".

Dans le cas où les membres d'un groupe local ne sont pas également membres du comité le plus proche géographiquement, il leur est demandé de se mettre en relation avec celui-ci. Il est souhaitable que chaque groupe local puisse être représenté directement ou indirectement au sein des organes décisionnaires et statutaires du comité local de rattachement.

Chaque groupe local rend compte régulièrement, à son comité local, de ses activités.

3.2. Les groupes inter-comités

Durablement ou provisoirement, plusieurs comités peuvent décider librement de se coordonner pour mener des réflexions ou des initiatives en commun, à une échelle correspondant à l'ensemble des zones géographiques d'influence de ces comités.

Cette démarche peut aboutir à la mise en place d'espaces de coordination informels où chaque comité décide d'être représenté. L'ensemble des activités menées dans ce cadre est sous la responsabilité des comités associés. 

Les groupes inter-comités rendent comptent régulièrement, à leurs comités locaux, de leurs activités.

3.3. Les groupes thématiques nationaux

Les groupes thématiques nationaux sont des groupes rattachés au CA de l'association nationale. L'objectif est d'assurer une meilleure coordination dans l'approfondissement de certains thèmes.

Ils regroupent des membres du conseil d'administration, du conseil scientifique, des fondateurs et des membres de comités locaux intéressés.

Autant que faire se peut, chaque comité local désigne une ou plusieurs personnes pour assurer le suivi et les relations avec chacun des différents groupes nationaux. Les comités locaux veillent également à ce que les groupes locaux thématiques travaillant sur une thématique " nationale " soient en relation étroite avec le groupe thématique national correspondant.

Les groupes thématiques nationaux rendent comptent régulièrement, au CA d'Attac, de leurs activités.

3.4. Les collectifs universitaires

Sont considérés comme « collectifs universitaires » les regroupements d'adhérent(e)s à Attac situé(e)s sur un lieu d'études supérieures (campus, université, école). Ils sont composés d'étudiant(e)s et de personnels.

Les collectifs universitaires ne sont ni des comités locaux, ni des groupes locaux. Ils participent, sans droit de vote, à la conférence nationale des comités locaux.

Une charte définira les relations entre les collectifs universitaires et les autres composantes du mouvement Attac.

Signé à Paris, le ____________________

Pour le comité local, Pour l'association Attac,

Le(la) président(e), Le(la) Président(e).

Le(la) porte-parole,

Le(la) représentant(e).  

* 1 Selon l'expression d'Isabelle Sommier

* 2 Par exemple le colloque du GERMM sur les « mobilisations altermondialistes » en décembre 2003.

* 3 Dont le développement des classes moyennes et du secteur tertiaire au détriment du secteur secondaire. Il faut dire cependant que cette évolution n'est pas aussi tranchée qu'on a voulu la faire apparaître. On lira par exemple pour s'en convaincre, Pialoux et Baud, Retour sur la condition ouvrière,... La « classe ouvrière » n'a bien-sûr pas disparu, comme on aurait voulu le faire croire. En témoigne par exemple la redécouverte des ouvriers lorsqu'il s'agit d'expliquer le vote pour le Front National. Ex Nonna Mayer, Bernard Schwengler,

* 4 In Béroud, Mouriaux, Vakaloulis, Le mouvement social en France, essai de sociologie politique, ed. La Dispute, 1998.

* 5 Idem.

* 6 Voir à ce sujet, Bernard Cassen (dir.)  Tout sur Attac , ed. Mille et une nuits, coll. Les petits libres N°38, octobre 2002

* 7 En l'absence d'un terme plus approprié, nous n'entrerons pas ici dans le débat existant sur la validité de la notion de « militantisme » alors que l'engagement se fait de plus en plus distancié et qu'il perd son caractère sacrificiel. Nous adopterons donc une définition large et dynamique du militantisme qui inclut les modifications qui touchent cette activité politique. Nous partirons du constat que cette activité est aujourd'hui variable et individuelle et qu'elle reflète de nombreuses réalités, de nombreux types de participations actives dans le cadre d'une organisation politique.

* 8 Il s'agit là des représentants des organisations, syndicats ou publications qui se sont réunis pour créer ATTAC. 

* 9 Bernard Cassen (dir.), Tout sur ATTAC, ed. Mille et une nuits, coll. Les petits libres N°38, octobre 2002.

* 10 Idem.

* 11 Les 12 premiers entretiens ont été réalisés successivement dans le cadre d'un mémoire de licence et d'un mémoire de maîtrise de sociologie entre 2001 et 2003. Les 7 derniers entretiens, plus approfondis, ont été réalisés en 2004 dont deux avec des militants que nous avions interrogés en 2001 et 2002 . Un vingtième entretien a été réalisé avec Jacques Nikonoff, Président d'ATTAC national, afin de réunir plus d'informations sur le fonctionnement et les orientations d'ATTAC, les rapports entre l'association nationale et les comités locaux... Bien qu'il ne représente pas le même intérêt, il a été joint au corpus d'entretiens.

* 12 L'expression d'Isabelle Sommier permet effectivement de mieux rendre compte de la réalité que celle de « Nouveaux Mouvements Sociaux », marquée par la sociologie Tourainienne, renvoyant aux mouvements des années 70 et étant utilisée à profusion sans réelle définition.

* 13 Suzanne Barthélémy, Associations, le nouvel âge de la participation...

* 14 Isabelle Sommier, Les nouveaux mouvements contestataires à l'heure de la mondialisation, Dominos, Flammarion, 2001.

* 15 Jacques Ion, La fin des militants, Les éditions de l'Atelier, Paris, 1997.

* 16 Selon l'expression de Sydney Tarrow dans Democracy and Disorder : Protests and Politics in Italy - 1965-1975, Clarendon Press, Oxford, 1989.

* 17 Pour comprendre les stratégies des syndicats et leur participation à un mouvement comme ATTAC, on pourra consulter avec profit la contribution de J-M Denis au colloque du GERMM sur « les mobilisations altermondialistes », intitulée « Décloisonnement revendicatif et constitution d'un front anti-libéral : L'Union Syndicale Groupe des Dix Solidaires et ATTAC ».

* 18 Cette perspective dont l'intérêt a été souligné, entre autres, par Olivier Fillieule dans le volume 51 de la RFSP intitulé « Devenirs militants », s'applique en effet particulièrement bien aux militants d'un mouvement comme ATTAC.

* 19 Entretien 1.

* 20 Sur les 11 militants de cette catégorie, trois sont enfants de militants. Les parents de l'un sont militants au parti communiste (entretien 14), du second dans des associations humanitaires et caritatives. Les parents de la troisième étaient militants dans un Groupe d'Action Municipal (GAM).

* 21 Entretien 16.

* 22 La moitié des 14 personnes qui rédigèrent les premiers statuts étaient des jeunes, des étudiants pour la plupart.

* 23 Les critères de Maastricht réduisent en effet lourdement les marges de manoeuvres budgétaires et rendent à peu près impossibles toute politique budgétaire volontariste par les gouvernements.

* 24 Ce discours est sensiblement le même lors du gouvernement Juppé de 95 à 97 que lors du gouvernement Raffarin depuis 2002.

* 25 La taxe Tobin, qui fut au départ l'axe central de l'association a joué un rôle essentiel. Proposition concrète et précise, cette taxe fournit un objectif palpable qui représenterait également symboliquement le retour des citoyens, et la supériorité des Etats sur les marchés financiers.

* 26 Daniel Gaxie soulignait déjà ce fait à propos des partis politiques...

* 27 Entretien 5.

* 28 En effet, si ATTAC peut se targuer d'avoir contribué à ternir l'image de la « mondialisation libérale » et à décrédibiliser les politiques néolibérales, les campagnes politiques menées par l'association, notamment sur la Taxe Tobin, sont des échecs. Ce point de vue est notamment développé par Eddy Fougier dans sa contribution au colloque sur « les mobilisations altermondialistes » du GERMM, intitulée « L'influence des mouvements contestataires ».

* 29 Nous avons donc un ex-militant du PC, un ex-militant du PS tendance PSU, une ex-militante de la LCR et un ex-militant de LO. De la gauche réformiste à l'extrême gauche, c'est donc un large spectre qui apparaît.

* 30 Ce point est notamment souligné dans la contribution au colloque du GERMM sur les « mobilisations altermondialistes » d'Elise Cruzel : « Trajectoires militantes à ATTAC : les adhérents de Gironde et de Haute Garonne. »

* 31 Howard Becker, Outsiders, Paris, Métaillié, 1985.

* 32 O. Fillieule, « Propositions pour une analyse processuelle de l'engagement individuel », in RFSP, volume 51, N°1 et 2, Février-Avril 2001, P: 201.

* 33 Entretien 2.

* 34 Cet aspect prend toute son ampleur avec les organisations d'extrême gauche et notamment avec le PC qui avait développé tout un réseau social autour de l'organisation. L'exclusion ou le retrait de celle-ci, dans le contexte de forte identification des membres au mouvement qui marque le PC, ferme l'accès à ces cercles périphériques du mouvement. Le système établi de défense et de découragement de la défection avec le recours à un vocabulaire précis et connoté (social-traître, anarchiste, gauchiste, trotskiste,...) facilite la rupture totale entre le mouvement et l'ancien membre.

* 35 Entretien 1.

* 36 L'inscription dans ce collectif est d'ailleurs fort intéressante. En effet, la mobilisation contre l'Accord Multilatéral sur l'Investissement a été la première victoire de l' « internationale civile » naissante et a permis le développement d'ATTAC...

* 37 Entretien 17

* 38 idem

* 39Jacques Ion, La fin des militants, les éditions de l'atelier, coll. Enjeux de société, 1997.

* 40 Entretien 17.

* 41 A ce sujet, on pourra consulter la contribution de Jean-Gabriel Contamin au colloque du GERMM sur « les mobilisations altermondialistes » intitulée « Les mobilisations altermondialistes avant les mobilisations altermondialistes : réflexions autour de l'alignement des cadres ».

* 42 La création des comités locaux s'est effectuée de manière incontrôlée, le plus souvent sur des initiatives locales. La charte des rapports entre ATTAC et les comités locaux laissent les membres libres de s'organiser et d'agir « dans le respect de la plate-forme d'ATTAC ». Il n'y a pas de supériorité ou de contrôle du mouvement national sur les comités locaux.

* 43 Isabelle Sommier, Les nouveaux mouvements contestataires à l'heure de la mondialisation, Dominos Flammarion, Paris, 2001.

* 44 On pourra consulter à ce sujet, Maxime Szczepansky, « Du militantisme à la militance, Une étude microsociologique des modalités de participation des militants « antimondialisation » à travers l'exemple d'un comité local de l'ATTAC », in Regards sociologiques, Strasbourg, N°24, 2003, p23-34.

* 45 L'existence de réseaux dans le monde politique n'est pas nouvelle en soi. Cependant, le fait que ces réseaux soient constitués sur le principe de la collaboration d'égal à égal et non sur un modèle de domination d'organisations satellites par un mouvement central nous paraît novateur. Cf Jacques Ion, op. cit.

* 46 Entretien 12.

* 47 Jacques Ion, La fin des militants, les éditions de l'atelier, coll. Enjeux de société, 1997.

* 48 Même pour la LCR qui s'est pourtant vite intégrée à la dynamique altermondialiste. On peut d'ailleurs penser que Besancenot bénéficié d'un vote de sympathie important des militants altermondialistes lors du premier tour des présidentielles de 2002... qui risque d'être le dernier, les militants ayant l'air d'avoir très peu apprécié son duo avec Arlette Laguiller.

* 49 Entretien 10.

* 50 In Serge Bernstein (dir.), Les cultures politiques en France, coll. L'univers historique, Ed. Seuil, 1999.

* 51 Idem.

* 52 M. Hastings et S. Strudel expliquent très bien l'importance de ce discours commun qui, ici, semble subsister ensuite hors du mouvement d'origine : « Chaque sous-culture politique détient une sorte de capital sémantique privilégié produit par le jeu incessant des oppositions idéologiques et des connotations affectives. Patrimoine de mots marqueurs qui offrent à ceux qui les partagent la satisfaction de toucher les dividendes symboliques de leur appartenance à une même communauté, réelle ou fantasmée, et d'endosser les gratifications d'une identité chaleureuse et rassurante. » In Bréchon, Laurent et Perrineau (dir.), Les cultures politiques des français, Presses de Science Po, 2000.

* 53 Entrent dans cette catégorie un ancien membres du PCF, une ancienne et un actuel membres de la LCR et deux jeunes anarchistes.

* 54 Entretien 16.

* 55 Entretien 20.

* 56 Entretien 14.

* 57 Entretien 18.

* 58 Entretien 17.

* 59 Voir à ce sujet Serge Bernstein, op cit.

* 60 Entretien 19.

* 61 La remise en cause des systèmes de redistribution et de protection sociale qui suit de peu l'effondrement du bloc soviétique plaide dans ce sens. Jusque là, la crainte d'un mouvement révolutionnaire qui se nourrirait du contexte de concurrence idéologique avec le bloc de l'est expliquait que le système puisse être aménagé.

* 62 In Serge Bernstein, op cit.

* 63 Entretien 11.

* 64 Entretien 17.

* 65 De ce point de vue, la création d'une association hors du cadre électoral nous semble être déterminée par le système électoral français. Le scrutin majoritaire entraîne en effet la domination du jeu politique par deux grands partis. La création d'un parti concurrent serait très coûteuse par rapport aux chances d'arriver au pouvoir. Ceci implique donc d'essayer d'influer sur les partis politiques. Nombre de militants ont déjà essayé de faire ceci de l'intérieur, sans succès. Il s'agirait donc ici de le faire de l'extérieur.

* 66 Entretien 17.

* 67 Idem.

* 68 Entretien 17.

* 69 La difficulté étant précisément que le domaine de l'association soit large et fluctuant par nature. Il est donc perpétuellement à définir.

* 70 Entretien 17.

* 71 Entretien 10.

* 72 Entretien 18.

* 73 Entretien 16.

* 74 Pour comprendre la présence de ce genre de thématiques anciennes dans ATTAC, on pourra lire la contribution d'Eric Agrikoliansky au colloque du GERMM sur les « mobilisations altermondialistes » intitulée « De l'anti-colonialisme à l'altermondialisme : Généalogie(s) d'un nouveau cadre d'action collective ».

* 75 Entretien 15.

* 76 Entretien 18.

* 77 Cf. Isabelle Sommier, op. Cit., P: 46.

* 78 Mc Carthy et Zald , « Resource Mobilization and Social Movements, a Partial Theory », American Journal of Sociologie, vol.82, 1977, p1212-1241.

* 79 Entretien 14.

* 80 Entretien 6.

* 81 Entretien 12.

* 82 Entretien 16.

* 83 Olson Mancur, Logiques de l'action collective, PUF, Paris, 1978.

* 84 Entretien 17.

* 85 Entretien 14.

* 86 Cf Elise Cruzel, op. Cit., P :17-18.

* 87 Entretien 2.

* 88 Entretien 4.

* 89 Entretien 7.

* 90 Daniel Gaxie, « Economie des partis et rétribution du militantisme », RFSP, N°27, 1977, P :123-154.

* 91 Entretiens 9 et18.

* 92 Entretien 14.

* 93 Entretien 17.

* 94 Entretien 20.

* 95 Entretien 15.

* 96 Entretien 16.

* 97 Du coup, l'inscription dans l'histoire de l'engagement de chacun est très différente. Le rapport au temps n'est pas le même pour les différentes catégories de militants. Ce qui crée quelque fois des divergences de vue sur le rythme de l'action politique que doit avoir l'association. Ainsi, les militants chevronnés trouvent souvent trop rapide le développement et l'éparpillement des actions de l'association, se heurtant par-là à l'impatience des plus jeunes.

* 98 Entretien 15.

* 99 Entretien 12.

* 100 Jacques Ion, Op. Cit.

* 101 Entretien 17.

* 102 Sur les 17 membres du comité local interrogés, 4 sont professeurs, 3 travaillent dans la fonction publique nationale ou territoriale et 2 s'y destinent.

* 103 Entretien 14.

* 104 Christian De Montlibert, in Regards Sociologiques N°21 « le néo-libéralisme », 2001.

* 105 Luc Rouban éclaire quelque peu sur quoi repose la coopération des fonctionnaires : « il faut en revanche retenir [l'hypothèse] d'une attitude coopérative ou professionnelle qui dépasse le choix individuel mais qui ne se confond pas non plus avec l'appartenance à des ensembles idéologiques plus ou moins bien balisés. L'appartenance au secteur public commande donc des réflexes politiques pour autant qu'ils concernent des intérêts professionnels communs. C'est là que s'arrête l'identité collective. » In, Bréchon, Laurent et Perrineau (dir.), Les cultures politiques des français, Presses de Science Po, 2000.

* 106 De la première élection de François Mitterrand en 81 au camouflet reçu au premier tour des présidentielle de 2002 par Lionel Jospin.

* 107 La « grande réforme » des 35 heures apparaissant malheureusement plus comme une mesurette contre le chômage, d'ailleurs peu efficace, que comme issue d'une réelle réflexion sur la place du travail dans notre société.

* 108 Entretien 20.

* 109 idem

* 110 Hirschmann souligne par exemple le fait que l'acte électoral est trop épisodique et dilué et que la déception des électeurs peut les amener à s'engager dans une mobilisation collective. Hirschmann Albert, Bonheur privé, action publique, Fayard, Paris, 1995.

* 111 Entretien 18.

* 112 Qui était d'ailleurs choqué que son nom et la Taxe qu'il préconisait soient associés à des mouvements de gauche. Celle-ci était en effet destinée principalement à assurer une plus grande stabilité sur les marchés financiers.

* 113 Pourtant, c'est bien sur ce genre de campagnes politiques que l'association a le moins de succès. On consultera pour s'en convaincre la contribution d'Eddy Fougier au colloque du Germm « les mobilisations altermondialistes » intitulée « l'influence des mouvements contestataires ».

* 114 Bourdieu souligne par exemple que les groupes sociaux ont des capacités inégales à discerner entre les discours politiques et donne une bonne explication de l'inégalité devant la compétence technique : « La compétence technique, comme toutes les compétences, est une compétence sociale. Cela ne signifie pas que la compétence technique n'existe pas, mais cela veut dire que la propension à acquérir ce que l'on appelle la compétence technique est d'autant plus grande que l'on est compétent socialement. C'est-à-dire que l'on est reconnu socialement comme digne, donc tenu d'acquérir cette compétence ».

* 115 Ironiquement, la vulgate simplifiée et tant décriée des organisations populaires avait le mérite d'être assimilable par les couches défavorisées et de les amener à l'engagement plus efficacement qu'un discours compliqué d'économiste, qui ne fait que leur rappeler leur propre incompétence.

* 116 Karl Marx utilisa cette expression dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte pour désigner la classe paysanne, dépourvue de conscience de soi et dont « la similitude [des] intérêts ne crée entre eux aucune communauté, aucune liaison nationale ni aucune organisation politique ».

* 117 On peut comprendre ce fait, étant donné que le sigle ATTAC, qui signifiait lors de la rédaction de la plate-forme « association pour une taxe Tobin d'aide au citoyen » pour être finalement lors de la création de l'association « Association pour la taxation des transactions financières et l'aide au citoyen », est très centré sur l'aspect financier. La majorité de la plate-forme traite surtout de mondialisation, de finance et de taxation de celle-ci. ATTAC peut donc apparaître comme fortement liée à ce thème, celui-ci étant le premier « chantier » de l'association. Le fait que le point important pour les créateurs de l'association ait surtout été l'acronyme « attaque » a pu ne pas être compris par certaines personnes.

* 118 On peut rappeler par exemple le fait que Jean-Pierre Raffarin soit originaire de Démocratie Libérale, parti dont le programme politique repose sur les analyses économiques néo-libérales.

* 119 Entretien 10.

* 120 Entretien 9.

* 121 Daniel Gaxie, « Economie des partis et rétribution du militantisme », RFSP, N°27, 1977, P :123-154.

* 122 Et c'est ce qui suscite le plus d'interrogations quant à sa lisibilité, son avenir et son efficacité politique.

* 123 Entretien 18.

* 124 Par exemple lorsqu'il s'agit de savoir si un membre peut signer un article sur internet en spécifiant qu'il est membres d'ATTAC-Strasbourg alors son article traite d'un thème extérieur aux revendications d'ATTAC.

* 125 Entretien 17.

* 126 C'est d'ailleurs sous la pression des militants que l'idée de ces listes a été abandonné. Cependant, vu la teneur des communiqués de l'association nationale, il semble que l'idée ne soit pas définitivement écartée.

* 127 Entretien 17.

* 128 Entretien 20.

* 129 Klandermans B., « Mobilization and participation: Social-psychological expansions of resource mobilisation Theory », American Sociological Review, vol.49, 1994, p583-600.

* 130 in Fillieule Olivier, Péchu Cécile, Lutter ensemble. Les théories de l'action collective, L'Harmattan, Paris, 93, 221p.

* 131 Agissant là comme un réel « entrepreneur de cause » ou « entrepreneur de protestation » comme les définissent Mc Carthy et Zald dans « Resource Mobilization and Social Movements, a Partial Theory », American Journal of Sociologie, vol.82, 1977, p1212-1241. On pourra également consulter sur le rôle Du Monde Diplomatique, « Les usages militants de la lecture et de l'écriture. L'exemple du Monde Diplomatique », contribution de Maxime Szczepansky au colloque du GERMM « les mobilisations altermondialistes ».

* 132 Passant là à la phase de « mobilisation de l'action » pour transformer les sympathies obtenues en passages à l'acte. Cf Klandermans, op cit.

* 133 Entretien 12.

* 134 Entretien 17.

* 135 Entretien 14.

* 136 Entretien 14.

* 137 Loi de 1908 en Alsace, qui sur ce point dépend encore d'un régime spécifique, légèrement plus favorable qu'ailleurs.

* 138 Les trois exemplaires de statuts ainsi que le règlement intérieur de l'association sont joints en annexe.

* 139 Jointe en annexe.

* 140 Entretien 20.

* 141 Entretien 19.

* 142 Entretien 12.

* 143 Entretien 20.

* 144 Entretien 12.

* 145 Entretien 15.

* 146 Entretien 16.

* 147 Entretien 20.

* 148 Entretien 16

* 149 Entretien 19.

* 150 Entretien 15.

* 151 Entretien 16.

* 152 Entretien 20.

* 153 Entretien 15.

* 154 Entretien 12.

* 155 Entretien 16.

* 156 Entretien 16.

* 157 Entretien 11.

* 158 Entretien 16.

* 159 in Jacques Ion, La fin des militants, les éditions de l'atelier, coll. enjeux de société, 1997

* 160 idem

* 161 Entretien 19.

* 162 Entretien 12.

* 163 Dans son travail sur les comités locaux de Haute Garonne et de Gironde, Elise Cruzel note également cette possibilité pour les militants d'inaugurer des modes d'action « hors cadre » en fonction de leurs parcours ou leurs orientations. Op. Cit. P: 20.

* 164 Entretien 16.

* 165 Entretien 19.

* 166 Entretien 6.

* 167 Il faut tout de même souligner que les commissions ont au départ un objectif plus large et visent à toucher des personnes extérieures à l'association. Cependant, dans les faits, elles touchent presque exclusivement, à quelques exceptions près, les militants de l'association. Pour illustrer ceci, nous pouvons évoquer la dernière réunion publique de l'association sur la constitution de européenne. La présence d'une vingtaine de personnes étrangères à l'association y a été perçue comme un succès. Si l'on considère que certains étaient présents au titre de leur appartenance à telle ou telle organisation politique ou syndicat, cela fait pourtant assez peu.

* 168 Entretien 8.

* 169 Entretien 11.

* 170 In Jacques Ion, La fin des militants, les éditions de l'atelier, coll. enjeux de société, 1997, P: 50.

* 171 Maxime Szczepansky, « Du militantisme à la militance, une étude microsociologique des modalités de participation des militants « anti-mondialisation » à travers l'exemple d'un comité local de l'Association pour la Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens (A.T.T.A.C.) », in Regards Sociologiques n°24, 2003

* 172 Ce qui apparaît naturel puisque les autres membres du mouvement entendent également pouvoir disposer de leur temps. Il n'y a donc pas de comptes à rendre en ce qui concerne le temps dédié par chacun à l'association, du moment que les personnes remplissent au moins leurs obligations électives lorsqu'elles en ont, bien entendu.

* 173 Entretien 20.

* 174 Entretien 20.

* 175 Entretien 19.

* 176 Entretien 18.






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