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La diversité et sa gestion dans un comité local d'ATTAC.

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par Jean Engel
Université Paris 1 - Sorbonne - Dea Sociologie Politique 2004
  

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L'alignement des cadres de références

Au niveau national, le travail de production d'information, s'il est un moyen de lutter contre le libéralisme, est surtout à même de créer des liens entre les membres et d'unifier les cadres de référence. Le travail d'information ou de formation des membres s'apparente à la nécessité de définir les contours du mouvement et d'homogénéiser les discours et les références.

Il nous semble que le travail de construction du mouvement politique n'est pas ici à négliger, notamment en ce qui concerne la « mobilisation du consensus ». Les travaux de Klandermans129(*) sur la dimension stratégique de ce travail de préparation nous permettent de saisir quelques faits intéressants quant à la création d'ATTAC. Nous retiendrons, pour faire simple, l'analyse de Filleule et Péchu qui disent que pour être suivi, un mouvement doit « identifier un problème, le qualifier en termes politiques, désigner des responsables, proposer une solution au problème, persuader que cette solution peut être obtenue par l'action collective »130(*). Il nous semble que les créateurs d'ATTAC ont attaché une certaine importance à ces différentes étapes. Le travail effectué à ce titre dans Le Monde Diplomatique131(*) nous paraît exemplaire en ce qui concerne la dénonciation des problèmes (par exemple, la criminalité financière) et des responsables ( les spéculateurs), et les solutions ( la taxe Tobin). La ligne éditoriale du journal avant 98 et le ton utilisé nous apparaissent donc comme une vaste campagne de sensibilisation dont l'enjeu principal résidait dans la sensibilisation d'une population prête à se mobiliser sur des sujets relatifs à la globalisation financière et l'instabilité internationale ainsi que sur leurs conséquences nationales. Le journal ira jusqu'à accueillir dans ses colonnes l'appel à la création d'ATTAC par Ignacio Ramonet132(*), fameux pour ses éditoriaux et articles dénonciateurs du désordre économique et de la criminalité financière.

Mais ce travail de mobilisation du consensus ne s'arrête pas là et trouve sa continuation dans les actions de l'association une fois formée. L'omniprésence d'ATTAC sur tous les sujets et dans de nombreuses manifestations, sa vocation médiatique, son attachement à un sigle facilement reconnaissable et l'utilisation de concepts et d'un vocabulaire rapidement répandus et assimilés donnent un poids supplémentaire et participent à l'implantation de l'association dans le monde militant et dans les esprits.

Le travail d'éducation populaire, qu'il soit fait au niveau national (on pense alors au conseil scientifique) ou au niveau local (dans le cadre des revues de presse, commissions ou forums) permet aux membres de partager certaines représentations. Le vocabulaire adopté, qui se démarque du vocabulaire des organisations traditionnelles, permet d'éviter qu'apparaissent de manière trop flagrante les différences de sensibilités, par rapport par exemple au capitalisme. Le fait de donner un vocabulaire commun aux membres permet de gagner du temps dans les discussions et de bien circonscrire ce qui concerne l'engagement dans ATTAC et ce qui doit rester en dehors. C'est tout un travail d'apprentissage collectif qui a été fait par les membres du comité dans les premières années :

« Ca, c'est venu au fur et à mesure de la formation... parce que j'appèle ça une formation vraiment, où enfin de compte, il a fallu, pour tout le monde d'ailleurs, étoffer les arguments, commencer à savoir parler, etc... »133(*)

Le travail des commissions, bien qu'il soit destiné également à des personnes extérieures à l'association, attire quasiment uniquement des membres. L'information produite sert alors à donner des références communes aux membres. Le stock commun d'informations produites peut être utilisé par tous dans le cadres de leurs actions ou en dehors. Celui-ci, même s'il n'est pas forcément d'un niveau très élevé puisqu'il s'agit surtout de vulgariser, est investit d'une certaine confiance par les membres. En effet, le fait que ce travail soit « artisanal » et sorte des circuits médiatiques habituels est fort apprécié car il est considéré comme un gage d'objectivité. De plus, les membres ont conscience d'apprendre ensemble et au même rythme ce qui peut participer à l'établissement d'un relatif sentiment communautaire. L'enseignement est d'autant plus apprécié qu'il vient de quelqu'un que l'on connaît et qui partage un certain savoir. La reconnaissance n'est ici pas étrangère à l'établissement de liens plus resserrés entre les militants. De temps à autres, les différents groupes tentent d'agir de concert et de réinvestir les connaissances communes. Ainsi, certains s'attachent-ils à rédiger des articles dans le journal interne pour rendre compte du travail d'une commission ou à faire des affiches publiques pour diffuser ces travaux. Cependant ces actions restent assez marginales.

* 129 Klandermans B., « Mobilization and participation: Social-psychological expansions of resource mobilisation Theory », American Sociological Review, vol.49, 1994, p583-600.

* 130 in Fillieule Olivier, Péchu Cécile, Lutter ensemble. Les théories de l'action collective, L'Harmattan, Paris, 93, 221p.

* 131 Agissant là comme un réel « entrepreneur de cause » ou « entrepreneur de protestation » comme les définissent Mc Carthy et Zald dans « Resource Mobilization and Social Movements, a Partial Theory », American Journal of Sociologie, vol.82, 1977, p1212-1241. On pourra également consulter sur le rôle Du Monde Diplomatique, « Les usages militants de la lecture et de l'écriture. L'exemple du Monde Diplomatique », contribution de Maxime Szczepansky au colloque du GERMM « les mobilisations altermondialistes ».

* 132 Passant là à la phase de « mobilisation de l'action » pour transformer les sympathies obtenues en passages à l'acte. Cf Klandermans, op cit.

* 133 Entretien 12.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand