WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La conception d'un projet d'établissement: Entre politique, ingénierie et pragmatisme

( Télécharger le fichier original )
par Simon MAMORY
Université de Nantes - Master Pro Direction d'Etablissement ou Organisme de Formation (DEOF) 2002
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A. Les diverses origines du concept

Le maniement d'une notion très usitée dans presque tous les domaines de l'activité humaine se révèle souvent délicat. Le projet n'échappe pas à un tel constat. Étant au fondement de la lecture des phénomènes complexes (J.-L. Le Moigne, 1999), considérer ces notions ouvre donc une voie qui mène vers la compréhension d'un phénomène social tel que le devenir d'une entreprise de formation. Nous prenons, par conséquent, une orientation clairement ancrée dans la partie de la sociologie des organisations et de la psychologie, qui se retrouvent dans les sciences de gestion.

Il a été vu dans le repère épistémologique combien la complexification itérative

du vivant était le garant fondamental de la conservation, de l'évolution et, par conséquent, le facteur explicatif de l'écart entre l'individu monocellulaire du départ à l'homo sapiens d'aujourd'hui. Ce qui rejoint exactement la thèse de J. Monod (1970)94 selon laquelle les organismes vivants seraient des organismes à projet. Si "le projet fait partie de cette catégorie de concepts, tel celui d'identité, qui abondent dans notre culture langagière, auréolés de positivité"

(J.-P. Boutinet, 2003)95, s'il va de pair avec le développement du vivant jusqu' à l'artefact qu'est l'organisation, son importance est alors sans conteste. Auquel cas, sa circonscription s'impose.

Formuler le fondement théorique d'une telle notion passe par une explication sémantique. Or, les fouilles successives à travers les époques et les diverses activités humaines

ont permis de découvrir quatre vestiges dont la reconstitution fait apparaître le profil d'un concept qui ne cesse d'évoluer pour aboutir à son sens actuel. Ainsi, "le concept de projet apparaît donc comme un concept instable chargé des présupposés de la culture ambiante" affirme

à juste titre J.-P. Boutinet96, avant de conclure qu'il nous obligeait à l'appréhender d'un point de vue multidimensionnel.

Les quatre repères que sont l'architecture, la pragmatique, la philosophie et la politique, ont apporté, chacune, leur part de briques à l'édifice dans la constitution généalogique

du projet. D'où l'intérêt de les voir successivement même de manière synthétique.

94 Jacques Monod (1970), Le hasard et la nécessité, Paris, Le Seuil in J.-P. Bréchet et A. Desreumaux (2005), op. cit.

95 Jean-Pierre Boutinet (2003), op. cit., p. 14

96 Jean-Pierre Boutinet (2003), op.cit, p. 82.

1. Retour à l'étymologie

Projet vient du latin projicere signifiant "jeter en avant" ; mot à connotation spatio-temporelle qui implique un processus : lancer, à partir d'un point de départ, vers un but situé en avant. D'où projectus (jeté en avant) devenu projectile en français. L'ascendance latine directe focalise l'attention de tous ceux se penchent sur cette notion. Nous proposons de compléter celle-ci par un léger détour hellénique97. En grec on se réfère plutôt à proballein, jeter

en avant aussi. Mais au figuré proballein c'est poser une question, devenu problèma en latin dont

le dérivé problématique occupe une place considérable dans la façon de pratiquer la science.

Ainsi, du projicere à proballein, se déduit un certain lien entre problème, questionnement et projet. Schématiquement, une situation problématique entraîne un questionnement dont la résolution fait appel aux interventions possibles modifiant l'état actuel, pour l'amener, dans un futur plus ou moins proche, vers un état plus bénéfique. Dans une autre acception on peut aussi l'entendre au sens de mettre en avant dans l'espace, comme par exemple

le balcon sur une façade. Cette dernière est certainement issue de l'usage architectural.

Mais comme tout concept de vieille ascendance et d'usage tous azimuts, le projet a connu, à travers les siècles, des mutations et des mouvements sémantiques au gré des paramètres contextuels des disciplines à travers lesquelles il a été appréhendé. C'est ainsi du projicere et proballein, le concept a connu des apports de l'architecture, l'économie, la philosophie politique, la phénoménologie et d'autres domaines plus pragmatiques, pour lui donner les significations qu'il a prises en ce début du XXIe siècle. Passons en revue quelques unes de ces significations dont les différences paraissent être souvent une question de nuances ou

de champ d'application. Pour autant, entre deux auteurs, deux propositions de définition peuvent occasionner des débats sémantiques car circonscrire, de manière rigoureuse et universelle, un concept flou semble hors de portée des esprits les plus brillants, à moins de se donner collectivement la responsabilité d'y parvenir en effectuant un travail interdisciplinaire et de longue haleine. Pour le moment, une telle proposition ne fait pas encore partie du projet de nos scientifiques. Alors, allons revisiter les différentes pensées des différentes époques grâce auxquelles on peut mieux saisir tout ce que peut renfermer l'idée de projection. De même qu'il nous a fallu identifier nos enracinements et ceux du terrain de cette recherche, il va falloir aussi

parcourir les différentes couches à l'origine du concept.

97 Notre culture scientifique étant issue d'une double racine gréco-latine, même si cela ne saute pas aux yeux, aller

au-delà de l'évidence nous procurerait plus d'informations heuristiques quand la tâche consiste à remonter les origines de certaines notions.

2. Les différentes pensées

Au Quattrocento (Renaissance italienne), c'est avec la construction de la coupole de l'église Santa Maria Del Fiore à Florence par Filippo Brunelleschi, de 1420 à 1436, que l'architecture marque son empreinte dans l'histoire du concept. F. Brunelleschi apporte l'un

des premiers projets architecturaux, en dissociant dans le temps le projet de son exécution. Ce

qui révolutionne réellement le métier des bâtisseurs où l'architecte dirigeait le chantier en décidant phase par phase.

L'univers pragmatique, quant à lui, aborde le projet comme une anticipation instrumentalisée. Ce qui a donné un vaste ensemble de techniques dédiées à l'ingénierie de projet

de nos jours. Presque aucun domaine d'activité collective humaine n'a intégré le concept dans l'idée, au moins, que chaque secteur se fait de son métier. Cela va du projet industriel de l'ère victorienne au projet de transfert technologique du XXIe siècle ; du projet d'aménagement d'un ouvrage de travaux publics au projet commercial d'une entreprise mercantile ; du projet d'investissement en équipement médical au projet de recherche épidémiologique d'envergure internationale, etc. Bref, l'univers pragmatique a contribué et poursuit sa contribution.

La philosophie quant à elle a nourri la notion de deux manières :

- en associant le projet au progrès pour former le volet collectif que constitue la philosophie politique matérialisée, entre autres, par Émile ou de l'éducation (J.-J. Rousseau,

1750) qui propose un véritable projet éducatif censé être fondateur d'une société peuplée de femmes et d'hommes meilleurs ; par la suite Du contrat social (Rousseau, 1762) harmonise la cohabitation entre eux. Il sera plus facile alors de mettre en oeuvre un Projet de paix perpétuelle

(E. Kant, 1795) permettant de faire se communiquer en bonne intelligence les nations.

- en s'associant avec la psychologie pour approfondir les racines individuelles

de la projection. À commencer par J. G. Fichte qui, en interprétant Kant, propose un idéalisme absolu où le moi justifie l'existence du monde et son sens. À sa suite, plusieurs générations de penseurs tels que le psychologue-philosophe F. Brentano, le phénoménologue E. Husserl et l'existentialiste J. P. Sartre ont théorisé en mettant l'individu au centre du système avec l'intention projective.

Dans une perspective globale, le projet sociétal traduit l'orientation qu'une société en mutation entend se donner98, alors que les cultures et sociétés industrielles valorisent le projet pour affirmer et assurer leur propre emprise sur la nature et leur devenir. Mais la fin des

98 Alain Touraine (1973), Production de la Société, Paris, Le Seuil, in J.-P. Boutinet (1993).

Trente Glorieuses s'est traduite par l'abandon de cette vision sociétale et le repli vers des projets plus restreints porteurs de microréalisations. Depuis, en Occident, de nombreuses industries ont cédé la place à une économie basée, de plus en plus, sur le service donnant ainsi une société dite Postindustrielle. Celle-ci continue cependant à considérer le projet comme une opportunité culturelle à saisir pour quiconque (individu ou groupe) veut assurer une relative maîtrise de son avenir face à la croissante complexification de tous les contextes technologiques, économiques, sociaux et professionnels. Aujourd'hui, depuis les adolescents au collège jusqu'aux adultes postulant pour une formation, sans oublier les entretiens professionnels (de recrutement ou d'évaluation) on demande aux individus de se projeter. Quelque fois, on peut s'interroger tout de même sur la pertinence de l'exigence, de la part de l'administration, imposée aux personnes en grande difficulté sociale de justifier d'un projet bien élaboré. Comme toute extrémité souvent, se servir du projet comme d'un outil omni fonctionnel ("couteau suisse") pour régler tous les maux risque de frôler l'absurdité.

Mais après cette généalogie inscrite dans l'étymologie, l'architecture, la philosophie et la psychologie, la suite de la démarche ne peut pas se dispenser d'une réflexion qui tend vers une modélisation du concept projet.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry