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La conception d'un projet d'établissement: Entre politique, ingénierie et pragmatisme

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par Simon MAMORY
Université de Nantes - Master Pro Direction d'Etablissement ou Organisme de Formation (DEOF) 2002
  

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A. Analyse de contenu à l'aide d'Alceste

1. Analyse de contenu

Une précision préalable est indispensable : travailler sur un document pour procéder à l'analyse de contenu n'a rien à voir avec l'analyse documentaire. En effet, "opération

ou ensemble d'opérations visant à représenter le contenu d'un document sous une forme différente de sa forme originelle afin d'en faciliter la consultation ou le repérage dans un stade ultérieur"153, l'analyse documentaire fait partie des activités au service de la gestion d'un centre de documentation.

Au croisement entre les techniques "artisanales" et l'informatisation, l'analyse

de contenu recouvre une palette de pratiques allant de l'analyse traditionnelle faite à la main, à l'utilisation de logiciels spécialisés. Cet état de fait résulte naturellement de l'évolution de la méthode et de son usage accru depuis l'après-guerre. Il vient aussi d'une rencontre entre les théories du langage et l'informatique. L'efficacité de ses résultats a rependu l'utilisation de l'analyse de contenu dans la psychologie, la sociologie, la politologie ainsi que dans les sciences

de gestion.

L'étude de notre corpus - le projet d'établissement de l'Université de Nantes -

ne trouve pas mieux comme outil d'investigation. La définition qu'en a donnée B. Berelson pourrait suffire déjà pour s'en convaincre :

"L'analyse de contenu est une technique de recherche pour la description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de la communication."154

Bien entendu, une telle définition datée des années 40-50 est loin d'être satisfaisante tant elle est restrictive. Depuis, il est revenu sur sa propre définition pour déclarer : "L'analyse de contenu, comme méthode, n'a pas de qualités magiques" et "on en retire rarement davantage que ce que l'on y met et quelquefois moins - en fin de compte, il n'y a pas de substitut aux bonnes idées". Dans ce cas à quoi bon s'y attarder encore ? L'évolution de cette technique reflète peut être tout simplement les caractéristiques de l'épistémologie d'une science carrefour puisque L. Bardin, dans la première partie de son ouvrage, retrace l'historique d'une technique marquée de hauts et de bas ; des aventures plus ou moins solitaires à la convergence d'attention entre plusieurs disciplines pour aboutir à une approche pluridisciplinaire en faisant collaborer des branches de la linguistique avec les statistiques et l'informatique. Aujourd'hui, l'analyse de contenu a atteint un niveau de sophistication tel dans ses outils, tout en restant commode d'utilisation, que son usage couvre des champs aussi diversifiés que la lexicométrie, l'énonciation linguistique, l'analyse de conversation, l'analyse documentaire...etc. au service des linguistes,

des chercheurs en sciences humaines et sociales, en journalisme, jusqu'aux sciences politiques.

153 Laurence Bardin (2003), L'analyse de contenu, Paris, coll. Le psychologue, PUF, p. 50.

154 Idem, p. 21

Une idée motive le recours aux outils méthodologiques en sciences sociales comme en gestion : la recherche de plus d'objectivité. Ce qui est à distinguer du scientisme. Pour

y parvenir, il y a deux déclinaisons opératoires :

- Dépasser les limites des possibilités offertes par les cinq sens humains, si puissants qu'ils puissent être. C'est l'occasion par ailleurs de plus de distanciation.

- Accroître l'échantillonnage, voire l'exploitation du matériau dans sa totalité, quelle qu'en soit la taille, sans qu'il faille le saucissonner en plusieurs morceaux entre plusieurs regards avant une impossible recomposition des résultats.

Au final, l'objectif étant d'obtenir des résultats délestés du plus de préjugés possibles, heuristiques et, de ce fait, répondant au plus près aux interrogations du chercheur dans

sa précision tout en fournissant des arguments solides de confirmation, d'infirmation ou de découverte. Alors, quel en est le champ d'application ? P. Henry et S. Moscovici répondent : "Tout ce qui est dit ou écrit est susceptible d'être soumis à une analyse de contenu." 155 De cela découle la définition de l'analyse de contenu par L. Badin comme "Un ensemble de techniques d'analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de description du contenu du message, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l'inférence des connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées) de ces messages."156

La méthodologie Alceste figure parmi la courte liste des outils/méthodes les plus performants et prisés par la majorité de la communauté scientifique du moment. Enfin, pour enfin être plus opératoire, explorons Alceste sans trop nous attarder sur les détails pointus des outils statistiques dont elle se sert mais qui, raisonnablement, peuvent être considérés comme acquis avant le cycle Master ou à acquérir dans les ouvrages abondants qui lui sont dédiés.

2. Principes du fonctionnement d'Alceste

Dès 1974, M. Reinert met au point une méthode de Classification Descendante Hiérarchique (CDH) qui s'inspire de l'Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) du Mathématicien J.-P. Benzecri. Et il va se démarquer à la fois de l'analyse de contenu, de l'approche linguistique des textes et de la lexicométrie.

155 In Laurence Badin (2003), op. cit. p. 36.

156 Laurence Badin (2003), op. cit., p. 47.

Conçue à l'intersection de l'analyse des données statistiques appliquée à la linguistique de J.-P. Benzécri et l'analyse de contenu en psychologie sociale, la Méthode Alceste (Analyse des Lexèmes Cooccurrents dans les Énoncés)157 de M. Reinert s'inscrit dans le courant

de statistique textuelle de P. Achard. Elle a pour objectif la quantification d'un texte pour en extraire les structures les plus significatives qui sont liées à la distribution des mots. Or, cette distribution, qui n'est pas un fruit du hasard, dessine un univers dit "monde lexical".

À l'affirmation de Foucault selon laquelle le thème d'un discours circule d'énoncé en énoncé, Reinert poursuit en précisant que : "Ce qui reste de cette circulation du sens dans un discours, c'est le texte. Mais le sens [note : En cela le sens se différencie nettement de la signification] n'est pas dans le texte, le sens était dans le temps de cette circulation, dans le dynamisme d'une parole réelle. Il reste cependant dans le texte, une trace formelle du passage de l'objet, non seulement à travers les significations construites, représentées, mais aussi à travers ce

qui se montre seulement comme des traces de pas. Si le sens particulier à l'origine du texte semble à jamais perdu, un ordre temporel, linéaire, s'y est déposé, dont la lisibilité dépendra de l'expérience réelle d'un lecteur, avec sa propre scansion, susceptible de mettre en résonance sa propre histoire. (...) notre propos avec Alceste n'est pas d'analyser la signification représentée dans un texte dans sa complexification progressive. Le texte est déjà là dans toute sa complexité

et suffit à la montrer. Notre propos est plutôt d'aller à contre-sens, vers cette origine objective et dynamique, présente dans les traces les plus immédiates, les moins pensées. Et pour cela il faut déconstruire le texte ; à chaque pas, cerner une marque de ce qui s'offre spontanément. Pour cela,

le discours doit s'entendre dans le rythme de ses moments toujours renouvelés. Ce n'est pas tant

qui parle, ou ce qui se dit, qui nous intéresse mais d'où ça parle, à chaque instant ! (...) Aller vers l'origine topique du sens plutôt qu'à sa poursuite, telle fut notre premier désir avec Alceste." (M. Reinert, 2001)158.

Purement formelle, la logique d'Alceste ne s'occupe pas des critères de contenu. Ainsi, plus important deviennent les relations entre les classes que les classes elles- mêmes bien qu'il ne faille pas, pour autant, les négliger.

Le monde lexical est la "trace lexicale" d'un "référent" (dont la matérialité n'est

pas obligatoire) ou "point de vue" qui sert à l'orateur pour construire ses énoncés. Pour illustrer cette idée de monde lexical, reprenons deux énoncés proposés par M. Reinert lui-même :

157 ALCESTE : Analyse des Lexèmes Cooccurrents dans les Énoncés. Nous reviendrons plus tard sur la signification logique de ce nom.

158 Max Reinert (2001), "Alceste, une méthode statistique et sémiotique d'analyse de discours ; Application aux 'Rêveries

du promeneur solitaire", La Revue française de Psychiatrie et de Psychologie Médicale, V (49), pp. 32-36.

Énoncé 1 : "Camarades si impérialisme déclare guerre aux soviets notre position sera conformément aux directives troisième internationale position des membres parti communiste français."

Où la trace lexicale est : l'idéologie communiste

Énoncé 2 : "Des orages artificiels sur des baraques de chiffons dont les fenêtres sont faites de roseaux jaunes."

Où la trace lexicale est : un espace naturel

L'analyse des traces lexicales d'un ensemble de discours permet de différencier globalement les référents qui sont les lieux à partir desquels l'énonciateur énonce. Or justement,

la méthodologie Alceste vise à mettre en évidence les "lieux" les plus fréquentés par l'énonciateur grâce à la fréquence des traces lexicales identifiables statistiquement.

Un monde lexical est donc la trace statistique d'un "lieu" fréquemment "habité"

par l'orateur. Les mondes lexicaux d'un corpus s'identifient à l'aide d'une simple analyse statistique puisqu'il s'agit des traces purement sémiotiques gravées dans le texte en lui-même. Ces traces sont des données brutes et neutres que seule l'interprétation, qui dépend de l'objectif

du lecteur, permet de donner du sens. À noter enfin qu'un monde lexical se définit toujours de façon systémique, par rapport aux interactions (fréquence, absence, opposition) qu'il entretient avec d'autres mondes lexicaux.

"Un monde lexical est donc à la fois la trace d'un lieu référentiel et l'indice d'une forme de cohérence liée à l'activité spécifique du sujet-énonciateur" (M. Reinert)159. Le référent n'est donc pas, pour nous, un continent de la réalité extérieure au sujet mais intrinsèquement lié à son activité, ses désirs, sa mémoire, lieu à la fois des représentations individuelles et sociales (Moscovici)160. Mais il existe aussi de par ses interactions (rapprochement, opposition) avec d'autres lieux, d'autres manières d'être, de s'exprimer, etc. Ces croisements conflictuels ou collaboratifs des référents sont à la base même des activités réflexives. Et pour terminer, selon l'auteur de cette méthode, l'investissement de l'orateur de ces "lieux" le conduit aussi à suivre obligatoirement, malgré lui, une sorte de logique de contenu qui leur est intrinsèque. Ce qui permet de conclure à l'efficacité et l'efficience de la méthode Alceste

dans la démarche d'interprétation plus libre des contenus d'un corpus.

159 Max Reinert (n. d.), extrait de l'article "Les "mondes lexicaux" des six numéros de la revue Le surréalisme au service

de la révolution" in page web de l'Équipe de Recherches Cliniques en Psychanalyse et Psychologie (ERC).

160 In Max Reinert, op. cit.

Notons pour terminer qu'une méthodologie, et encore plus un logiciel au service d'une méthodologie, n'est autre qu'un outil qui doit servir l'objectif du chercheur. Ce serait une sorte de prolongement des cinq sens qui l'aide à gagner du temps dans le traitement d'une masse d'informations qui, manuellement, accaparerait trop de temps. Mais aussi une double interface entre lui et son sujet/objet d'étude ; puis entre lui et la communauté des chercheurs détentrice du pouvoir de reconnaissance sur le caractère scientifique ou non de la recherche, de la validité ou non des résultats obtenus. De ce fait, nous ne lui accordons pas plus

de poids que d'autres outils pourvu qu'ils soient appropriés à notre sujet/objet d'étude. Par conséquent, l'utilisation du logiciel Alceste sera forcement complétée par une démarche plus compréhensive, donc qualitative, plus intuitive, en tout cas plus libre. Les entretiens formels ou informels en amont et pendant toute la durée de travail auprès des chefs d'établissement, des personnels de l'université ayant été ou étant encore impliqués à la conception de ce document qui nous occupe ainsi de la mise en oeuvre proprement dite de ce Projet, complètent ce travail principal et que nous avons choisi de mettre plus en lumière. Pour y parvenir, un long et fastidieux travail de préparation ont été nécessaires sur le document brut.

Voyons maintenant, très rapidement, les étapes préparatifs qui précèdent la soumission du corpus à l'analyse proprement dite.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand