WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'influence des attentats de Casablanca sur la politique antiterroriste au Maroc

( Télécharger le fichier original )
par el azzouzi el idrissi hicham
Université de Perpignan - master II droit privé 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§I : La notion étendu du terrorisme

Il n'est toutefois pas sans intérêt de revenir sur l'expression précédente de «Justice sans Limite», expression typique d'un oxymoron, c'est à dire d'une contradiction dans les termes. L'essence même de la Justice est en effet d'avoir des limites, celles des recherches contradictoires de la preuve, celles du temps du débat judiciaire et de l'adaptation de la sanction au crime, si celui-ci est établi. Une Justice sans Limite ne peut être qu'une vengeance ou l'explosion des foudres de la colère de Dieu; en tout cas, elle ne peut qu'effrayer ceux qui essayent de rendre chaque jour une Justice humaine.

Dans cette ambiance d'apocalypse digne d'un tableau de Jérôme Bosch, La commission européenne a proposé le 20 septembre 2001 aux Ministres de l'Intérieur et de la Justice de l'Europe des 15 de pulvériser la procédure d'extradition, d'augmenter les pouvoirs d'Europol, et d'Eurojust (services de coopération policière et judiciaire européenne en matière de lutte contre la criminalité internationale), et surtout d'étendre la définition des actes de terrorisme. Les chefs d'Etats et de gouvernements de l'Union Européenne vont entériner comme un seul homme ces projets liberticides, mais tellement dans le vent médiatique et électoral.

Ainsi tout acte qui vise à menacer, à porter gravement atteinte ou à détruire les structures politiques, économiques ou sociales d'un pays sera désormais passible de deux à vingt ans de prison. Donc, les manifestations anti-mondialisation et les arrachages de plantes transgéniques vont devenir des actes terroristes. Ne visent-ils pas clairement à menacer les structures économiques de l'Europe ultra-libérale en proposant un autre modèle de développement ?

Et que veut dire « menacer les structures politiques d'un pays ? » La loi marocaine dit : « l'atteinte grave à l'ordre public », Cette incrimination peut être interprétée très largement, comme le savent bien les avocats défenseurs des droits de l'homme en Tunisie par exemple, où il suffit que des étudiants communistes ou islamistes distribuent un tract critiquant le régime, pour se retrouver en prison, et leur avocat avec eux. Pendant la guerre d'Algérie, des intellectuels n'ont-ils pas été jugés par le Tribunal de la Seine, pour atteinte à la sûreté de l'Etat, parce qu'ils manifestaient leur opposition à l'Etat colonial ? Désormais les luttes de libération nationale en Europe, sans actes de violence, seront concernées par cette nouvelle définition du terrorisme. La semaine dernière déjà, le Tribunal de Grande Instance de Lure a infligé 1 an d'emprisonnement ferme à un homme qui avait crié «vive Ben Laden''. Enfin, le glissement sémantique opéré par les professionnels de la sécurité, et relayé par certains médias, entre terrorisme et Islam, donc immigration, risque d'accentuer la tendance lourde de ces dernières années: le renforcement des contrôles policiers aux frontières de l'Europe de Schengen pour refouler les demandeurs d'asile et les immigrés de la misère, os à ronger donné à «l'opinion publique»pour remplacer l'absence de résultats de la chasse aux terroristes.

§2 La pratique judiciaire

Une législation d'exception va donc désormais s'appliquer dans toute l'Europe comme au Maroc à des personnes soupçonnées d'actes terroristes, comme celle dont s'est dotée la France depuis 1986, et aujourd'hui par la loi marocain du 28 mai 2003 avec le manque d'efficacité que l'on sait: Délais de gardes à vue allongés( 4 jours en France, au Maroc la durée de garde à vue est du 96 renouvelable deux fois !), Droits de la Défense ignorés( il faut attendre 72 heures de garde à vue pour pouvoir s'entretenir avec un avocat), sections spéciales antiterroristes de parquets et de Juges d'Instructions, aux méthodes musclées et aux résultats anorexiques. Après beaucoup de fulminations de la Justice-spectacle de la section antiterroriste de Paris, le procès «Chalabi», du présumé réseau éponyme d'islamistes, a abouti en tout et pour tout à la condamnation l'année dernière de 9 personnes, alors que 80 avaient été raflées dans un de ces mémorables coups de filet, technique préférée de nos spécialistes. Dommage pour ceux ou celles qui ont moisi en détention provisoire pendant des mois en attendant l'arrêt de relaxe de la Cour d'Assise spéciale, car le délai de détention provisoire peut atteindre 2 ans, en matière de terrorisme, sans craindre les foudres de la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

La mort annoncée de la procédure d'extradition, et son remplacement par le mandat d'arrêt européen, sont encore plus inquiétants. Décidées par un sanhédrin européen, auquel manque la légitimité démocratique des urnes, elles vont ouvrir largement le champ des poursuites policières en Europe, sans les boucliers de protection des libertés individuelles que sont actuellement en matière d'extradition, la procédure contradictoire, l'audience collégiale et les voies de recours.

L'actuelle procédure d'extradition est accusée de ralentir l'action des croisés de l'anti-terrorisme, mais elle garantit les personnes de la précipitation avec laquelle un juge d'instruction, par hypothèse unique et, par expérience, facilement instrumentalisé par les services de police spécialisés en la matière, risque de délivrer un mandat d'arrêt européen. Il était pourtant loisible à la France de ratifier les conventions d'extradition de 1995 et 1996, et la convention d'entraide pénale de 2000, si la Chancellerie se préoccupait sérieusement de l'efficacité et de la rapidité d'exécution des décisions judiciaires en Europe. Il était aussi possible au gouvernement français, s'il s'intéressait au financement des réseaux terroristes, de plaider pour l'instauration de la taxe Tobin et pour la transparence des transactions financières internationales, ce qui suppose la volonté politique de supprimer les paradis fiscaux comme le demande ATTAC depuis des années.

Au lieu de tout cela, on crée un effet de vitrine à destination du futur électeur: la suppression de l'extradition, mesure nécessaire dans le cadre d'un état unique européen, mais tout à fait incohérente avec le maintien de systèmes judiciaires nationaux. En France, cette procédure relève de la chambre de l'Instruction, donc d'une juridiction composée de trois magistrats, ce qui permet à l'avocat de la personne extradée de connaître les charges pesant sur son client, et d'exercer à l'audience les droits de la défense. Au contraire, le mandat d'arrêt européen ne fera plus l'objet d'aucun débat judiciaire dans l'Etat requis. Il sera exécuté sans autre forme de procès par les services de police, marquant une régression de l'Etat de droit au profit de la toute-puissance policière, déjà sensible dans l'activité quotidienne des tribunaux français.

Il suffira d'être soupçonné d'avoir commis une infraction punie seulement d'un an d'emprisonnement pour être la cible éventuelle d'un mandat d'arrêt européen; c'est dire que pratiquement toutes les infractions du Code Pénal français seront concernées, des tags aux assassinats, en passant par le séjour irrégulier des étrangers. Ainsi tout français accusé par la police italienne de violences au sommet de Gênes, ou d'homosexualité ou d'avortement par la police irlandaise, pourra être arrêté en France et transféré devant les tribunaux de ces pays . Il était jusqu'ici impossible à un état d'Europe de livrer un de ses citoyens nationaux à un autre état pour qu'il y soit jugé. Désormais, sous couvert de la lutte contre le terrorisme, les manifestants, les étrangers.14(*)

* 14 Textes syndicaux, Thématique : Défense des libertés, article d'Evelyne Sire-Marin, paru dans Libération du mardi 2 octobre 2001

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery