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La Prolifération des Services de Jeûne et de Prière dans le milieu chrétien capois à partir de 1990

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par Jean Marc-Antoine PREDESTIN
Université chrétienne du nord d'Haiti : Faculté de Théologie - Licence en Théologie 2004
  

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CHAPITRE 5

VERS UNE COMMUNAUTÉ CHRETIENNE

CONSCIENTE À LA FOIS DES BESOINS SPIRITUELS ET TEMPORELS

Le docteur Casséus Jules parle de l'Homme Intégrale (Corporo- Spirituel)7(*)6, il possède à la fois corps et âme ; ce qui sous-entend qu'il a des besoins spirituels et aussi des besoins corporels ou matériels. L'Eglise qui est formée d'hommes doit tenir compte à la fois de ces deux types de besoins. Selon une réflexion faite par les catholiques romains :

L'Eglise est née de l'amour du Père éternel, fondée dans le temps par le Christ rédempteur, rassemblée dans l'Esprit saint (cf. Ep. 1, 3; 5, 6.13-14.23), l'Église poursuit une fin salvifique et eschatologique qui ne peut être pleinement atteinte que dans le siècle à venir. Mais, dès maintenant présente sur cette terre, elle se compose d'hommes, de membres de la cité terrestre, qui ont vocation de former, au sein même de l'histoire humaine, la famille des enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu'à la venue du Seigneur. Unie en vue des biens célestes, riche de ces biens, cette famille a été constituée et organisée en ce monde comme une société par le Christ, et elle a été dotée de moyens capables d'assurer son union visible et sociale. A la fois assemblée visible et communauté spirituelle, l'Église fait ainsi route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l'âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu7(*)7 .

Ce chapitre considéré comme la partie « recommandation » de ce travail traite des besoins à la fois spirituels et temporels de l'homme et de la nécessité d'une nouvelle église haïtienne qui, selon les termes du Docteur Casséus Jules, « prie et qui agit pour le bien-être social et spirituel du peuple haïtien7(*)8 ». Nous sommes convaincus que ces réflexions pourraient aider la communauté chrétienne, à oeuvrer pour une église haïtienne plus utile à la société, une église qui délivre des messages plus réalistes et plus conformes à la réalité biblique.

5.1.- LES BESOINS SPIRITUELS 

Ce qui vient d'être indiqué n'épuise pas encore le rapport de la foi au monde. Les besoins des hommes et des femmes, qu'ils soient enfants, jeunes, adultes ou d'âge avancé, ne sont en effet pas seulement d'ordre matériel, socio-économique ou socio-psychologique. Ils sont aussi, et l'on s'en rend compte de plus en plus semble-t-il, d'ordre spirituel. Nous savons que l'homme ne peut pas vivre sans le pain, mais il ne peut non plus vivre de pain seulement, nous dit Jésus dans l'Evangile de Matthieu 4 : 4 : « Ce n'est pas seulement de pain que l'Homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu ». Au contraire, les besoins spirituels sont même prioritaires pour l'Homme, car plus loin, toujours dans l'évangile de Matthieu, Jésus nous dit encore : « cherchez le royaume et la Justice de Dieu, et les autres choses vous seront données par surcroît (Matthieu 6 : 33) ». Le plus important c'est de se soucier du Salut donné par Jésus Christ. Dans la Profession de la foi du peuple de Dieu, nous lisons :

Nous confessons que le Royaume de Dieu commencé ici-bas en l'Église du Christ n'est pas de ce monde, dont la figure passe, et que sa croissance propre ne peut se confondre avec le progrès de la civilisation, de la science ou de la technique humaine, mais qu'elle consiste à connaître toujours plus profondément les insondables richesses du Christ, à espérer toujours plus fortement les biens éternels, à répondre toujours plus ardemment à l'amour de Dieu, à dispenser toujours plus largement la grâce et la sainteté parmi les hommes7(*)9

L'Église, pour sa part, qui a reçu la mission de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui est la fin ultime de l'homme, révèle en même temps à l'homme le sens de sa propre existence, c'est-à-dire sa vérité essentielle. L'Église sait parfaitement que Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du coeur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres8(*)0. Dès lors, l'Église pourvue des dons de son Fondateur et attachée à Ses préceptes de charité, d'humilité et d'abnégation, reçoit la mission d'annoncer et d'instaurer en toutes les nations le Royaume du Christ et de Dieu dont, sur terre, elle constitue le germe et le commencement. Dans l'intervalle, à mesure qu'elle grandit, elle aspire à l'accomplissement du Royaume, elle espère et souhaite de toutes ses forces être unie à son Roi dans la gloire8(*)1.

L'Église offre aux hommes l'Évangile, document prophétique qui répond aux exigences et aux aspirations du coeur humain: il est toujours "Bonne Nouvelle". L'Église ne peut se dispenser de proclamer que Jésus est venu révéler le visage de Dieu et mériter, par la Croix et la Résurrection, le salut pour tous les hommes8(*)2. Sans la présence de Dieu dans une vie ou dans une communauté, aucun progrès réel ne peut être réalisé, c'est pourquoi un changement dans le bon sens dans la vie de l'église haïtienne, de chaque individu qui la compose ne peut être réellement possible que par la recherche de la croissance spirituelle, de la consécration à son service, de la sanctification et de la communion avec Dieu. Le seul fait de persévérer quotidiennement et constamment dans les services de jeûne et de prière ne suffit pas pour que l'église haïtienne remplisse son double rôle de représentant du royaume de Dieu et d'agent de développement communautaire.

5.1.1.- La croissance spirituelle 

Nous sommes convaincus qu'il est tout à fait impossible à l'homme de poser des actes positifs sans l'aide du Saint-Esprit, disons mieux sans être guidé par le Saint- Esprit. Jésus a déclaré que l'Esprit est plein d'ardeur mais la chair est faible (Matthieu 26: 41). Et plus loin, l'apôtre Paul, dans sa lettre aux chrétiens de Galatie, nous exhorte de marcher sur l'impulsion de l'esprit, afin de ne pas commettre les oeuvres de la chair qui sont libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haine, discorde, jalousie, emportements, rivalités, dissensions, factions, envies, beuveries, ripailles et autres choses semblables. Tandis que les fruits de l'esprit sont : l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi, etc.( Galates 5 : 16-22, TOB.). La communauté chrétienne haïtienne en général et celle du Cap-Haïtien en particulier a besoin d'être grandi spirituellement. La production des fruits de l'esprit que nous venons de citer constitue pour nous la condition sine qua non de cette croissance spirituelle dont la nécessité s'impose pour chaque Chrétien haïtien ; qu'il soit leader, pasteur, prêtre, etc.

5.1.2.- La Foi 

Nous voulons mettre un accent particulier sur la foi. Dans le cas de la société haïtienne, la foi est indispensable. Le pays est tellement dans une situation critique, il y a tellement de choses à faire pourqu'en fin cette nation puisse sortir de l'abîme du sous-développement, de la misère, l'église haïtienne a l'ultime obligation d'agir sa foi en Dieu. Elle doit mener le combat avec la foi pour avoir le courage et la force nécessaire de vaincre tous les obstacles : les vieilles mentalités et les vieilles conceptions à l'intérieur comme à l'extérieur de l'église qui pourraient l'empêcher de prendre ses responsabilités de sel et de lumière dans la société haïtienne. Pour être supportée par Dieu dans ses entreprises, l'église haïtienne doit avoir la foi en Jéhovah, car la bible nous dit que sans la foi, il est impossible d'être agréable à Dieu ( Hébreux 11: 6).

Dans la lutte des chrétiens capois pour être effectivement des représentants de Jésus dans la communauté, ils doivent s'attacher à la Personne absente de Christ. Pour atteindre l'objectif d'une société chrétienne utile à la communauté, la foi est indispensable. Car, elle rend présent l'avenir et visible l'invisible : c'est ce qui fait la force du croyant. La Foi réalise les choses que l'on espère, comme si on les tenait déjà ; ces choses existent pour le coeur : on a l'assurance de leur réalité. En même temps, elle est une démonstration intérieure des choses que l'on ne voit pas, une conviction intime de leur existence. La foi est une vue de ce qui est caché ; elle nous donne sur l'invisible la même certitude que nous avons pour les choses qui sont sous nos yeux. Ce dont la réalité ne paraît point encore, la foi nous en donne la substance. 

5.1.3.- La Consécration au service de Dieu 

Il y a une très grande différence entre le fait de se reposer sur les bénédictions de Dieu et celui de se reposer sur Dieu lui-même. Les responsables d'églises et les chrétiens haïtiens doivent se reposer sur Dieu plus que sur ses bénédictions. Parfois certains messagers haïtiens ont tendance à mettre dans la tête des fidèles que la raison principale de leur attachement à Dieu doit être la réception de bénédictions. Il faut attendre les bénédictions matérielles de Dieu parce qu'il les a promis à ceux qui se confient en lui, mais le plus important c'est de se consacrer à lui d'abord. Pour l'accomplissement de sa mission spirituelle et sociale, l'église haïtienne a besoin de s'attacher à Dieu. Elle doit être entièrement disponible pour Dieu et séparée de tout ce que Dieu redoute. La consécration à Dieu est la voie la plus efficace pour obtenir la puissance, la capacité de transformer le mal en bien, le faux en vrai. L'église haïtienne doit vivre uniquement selon la volonté de son seigneur. Un théologien en parlant de la consécration a fait la réflexion suivante : «  par la prière nous nous présentons devant le Seigneur, dans l'attente d'une effusion particulière sur une activité ou d'une puissance particulière pour guérir les malades, pour changer notre société il nous faut commencer par nous consacrer nous-mêmes à Dieu, prêts à accepter de porter tout fardeau, même le plus lourd, dont il pourrait nous charger, si tel était son bon plaisir8(*)3». Donc la consécration à Dieu est importante parmi les mesures de redressement que l'église haïtienne doit prendre pour accomplir ses responsabilités de sel et de lumière d'Haïti.

Le fait de se consacrer à Dieu ne veut pas dire que les chrétiens doivent devenir des anges. Ce n'est pas devenir un de ces piétistes préoccupés uniquement de leur propre sainteté. C'est au contraire se préoccuper toujours davantage de la cause de Christ. Le Seigneur n'a été ni un reclus, ni un ascète. Son mode de vie était celui de chacun, aussi les gens religieux de son temps l'appelaient-ils mangeur et buveur (Matthieu 11 :19). Cependant rien n'a pu faire obstacle à l'entière consécration de son énergie spirituelle. La consécration comme vie exige une vie réellement consacrée dans la liberté et l'amour intense en acte et en vérité. Il faut par conséquent la vivre en toute fidélité. Bref, la grandeur de la consécration, c'est qu'elle est une expression de foi, d'espérance, d'amour et de liberté.

5.1.4.- La Sanctification 

La sanctification est aussi un autre aspect important sur lequel doivent mettre l'accent l'église et les chrétiens haïtiens. Recherchez la paix avec tous et la sanctification sans laquelle personne ne verra le seigneur (Hébreux 12 : 14). Et plus loin, l'apôtre Paul dévoile la volonté de Dieu concernant la sanctification (1Thess. 4 : 3). Pour plaire à Dieu, nous devons nous abstenir de l'impudicité, de la corruption et de la méchanceté. La sanctification c'est la séparation d'avec le mal, nous dit le Docteur Jules Casséus8(*)4. Ainsi le chrétien qui est véritablement régénéré sait qu'il ne doit pas se mêler des choses impures, il ne doit pas s'associer à la corruption et aux abominations du monde dépravé. Il est impossible d'être béni par Dieu sans se courber à ses commandements, sans l'aimer, sans une sanctification pratique. Il est obligatoire pour tous ceux qui veulent attirer la faveur de Dieu de prendre garde de ne pas s'associer à des choses qui souilleraient leurs mains, chargeraient leur conscience, attristeraient le Saint-Esprit et interrompraient leur communion avec Dieu. Soyez fermement décidés de tout votre coeur à vous en abstenir ! Renoncez immédiatement à tout ce qui est impur, quoi qu'il vous en coûte ; quelle que soit la perte qui puisse en résulter pour vous, abandonnez-le ! Aucun gain mondain, aucun avantage terrestre ne saurait compenser la perte d'une conscience pure, d'un coeur rempli de paix et la jouissance d'une communion sans entrave avec Dieu, notre Père, et avec son Fils, notre Seigneur.

La sanctification est fondée sur une oeuvre parfaite de réconciliation avec Dieu déjà accomplie. Le chrétien est envisagé, dans les écritures, comme parfaitement sanctifié. La sanctification s'effectue par l'opération de l'Esprit-Saint qui, en nous communiquant la nouvelle nature, nous sépare entièrement du monde. Il est important de maintenir cette vérité et de nous tenir pour déjà sanctifiés, autrement la sanctification pratique n'est plus que l'amélioration de l'homme naturel ; elle devient tout à fait légale ; le chrétien rentre après sa réconciliation dans le doute et l'incertitude, parce que, quoique justifié, il n'est pas considéré comme étant prêt pour le salut ; son acceptation dépend, pense-t-il, de ses progrès, de sorte que la justification ne lui procure pas la paix avec Dieu. Par de telles vues, l'oeuvre de la rédemption est affaiblie, pour ne pas dire détruite, c'est-à-dire l'appréciation de cette oeuvre par la foi dans nos coeurs. Pris comme pécheurs dans le monde, nous sommes mis à part par le Saint-Esprit pour jouir de toute l'efficacité de l'oeuvre de Christ selon les conseils du Père.

5.1.5.- La communion avec Dieu 

L'église haïtienne ne pourra rien faire sans être en communion avec Dieu. La communion avec Dieu nous empêche d'accomplir des actes qui sont incompatibles à sa volonté. Elle favorise chez les chrétiens l'esprit de discernement; ils sont toujours disposés et prêts à accomplir des très bonnes actions. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'homme séparé de Dieu est dans l'impossibilité d'accomplir de bonnes oeuvres, la sagesse sans Dieu n'est que folie, seule la lumière du Saint- Esprit peut donner à l'homme la possibilité d'agir positivement et de grandir dans le vrai sens. La proximité morale à l'égard de Dieu et la communion avec lui, sont les seuls moyens de croître réellement dans la connaissance de ses voies et des bénédictions dont il fait part à ses enfants, parce que c'est la seule position dans laquelle on peut les saisir ou dans laquelle on en est moralement capable. Toute conduite qui ne convient pas à cette proximité de Dieu, toute pensée légère que sa présence ne comporte pas, nous font perdre ces communications de la part de Dieu et nous rendent incapables de les recevoir.

La plus grande bénédiction est le fait pour le chrétien de connaître Dieu, d'être en communion avec lui. Très souvent les chrétiens attendent de recevoir des biens matériels pour se considérer comme étant bénis par le seigneur, mais ils oublient que la présence de Dieu en eux vaut mieux que toutes les richesses du monde. Nous sommes tout à fait d'accord avec le texte de Doreen Palmer traduit par Gérard Rakoto qui fait remarquer que :

Les pensées de l'homme à l'égard de la bénédiction sont trop souvent limitées aux choses de la terre, alors que la vraie bénédiction consiste à connaître Dieu. Une telle bénédiction est inconnue de ceux qui s'accommodent de ce que le Seigneur ne saurait agréer, et qui pensent que des mots, de simples mots auxquels rien ne correspond dans leur vie, une profession sans pratique, la vérité dans la tête mais sans réalité dans le coeur, suffisent devant Celui qui est aussi le saint et le Véritable. Plus sa présence sera réalisée et manifestée, plus elle apparaîtra incompatible avec tout ce qui est opposé à sa nature et ne répond pas à la perfection de son être8(*)5.

5.2.- LES BESOINS TEMPORELS 

« Ce n'est pas seulement de pain que L'homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu, nous dit le sauveur, le christ ( cf. Matthieu 4 : 4) ». Cela sous-entend que le pain tout aussi bien que la parole de Dieu est important pour l'Homme. Les chrétiens sont des hommes et non des anges, ils ont des besoins matériels comme tous les autres êtres humains. En ce sens, l'église haïtienne doit tenir compte de ces besoins matériels du Chrétien haïtien, elle a une responsabilité à aider ses membres et même la communauté où elle est placée à satisfaire leurs besoins. Ainsi, nous partageons les idées du docteur Casséus selon lesquelles l'Eglise a la responsabilité de s'immerger, de s'incarner dans le milieu social, à l'instar de son fondateur8(*)6. L'église haïtienne doit développer une doctrine sociale destinée à guider la conduite des gens. Cette doctrine devrait avoir pour conséquence l'engagement pour la justice de chaque chrétien, de chaque leader suivant son rôle, sa vocation et sa condition.

L'Église, on le sait, n'est point séparée du monde; elle vit dans le monde. Les membres de l'Église subissent l'influence du monde; ils en respirent la culture, en acceptent les lois et en adoptent les moeurs. Tout ce qui est humain regarde l'Eglise. Les chrétiens ont en commun avec toute l'humanité la nature, c'est-à-dire la vie, avec tous ses dons, avec tous ses problèmes. Comme l'a fait remarquer un document de l'église catholique romaine :

Nous acceptons de partager cette première universalité; nous sommes tous disposés à accueillir les requêtes profondes de ses besoins fondamentaux, à applaudir aux affirmations nouvelles et parfois sublimes de son génie. Et nous avons des vérités morales, vitales, à mettre en évidence et à consolider dans la conscience humaine, car elles sont bienfaisantes pour tous. Partout où l'homme se met en devoir de se comprendre lui-même et de comprendre le monde, nous pouvons communiquer avec lui8(*)7

De même que l'homme ne peut pas vivre sans Dieu, il n'est pas non plus fait pour vivre sans le pain. Les besoins spirituels sont plus importants pour lui, mais il doit tenir compte des besoins temporels et ces besoins ne doivent pas laisser l'Eglise indifférente, car il est de sa responsabilité d'aider ses fidèles à satisfaire dignement tous ces besoins qui sont entre autres des besoins économiques, de développement personnel, des besoins sociaux et même des besoins politiques. Nous disons des besoins politiques parce que les chrétiens, en tant que citoyens terrestres ont leur mot à dire dans la gestion de leur société, il ont des droits politiques qu'ils sont libres d'exercer tout en tenant compte des règles de la moralité chrétienne.

5.2.1.- Les Besoins économiques 

L'église haïtienne doit tenir compte des différents besoins économiques de la communauté chrétienne, elle doit aider à créer des conditions réelles pour la satisfaction de ces besoins. L'église haïtienne doit encourager les chrétiens au travail et ne doit pas les supporter dans la paresse, dans l'oisiveté. Il ne suffit pas de faire comprendre aux Chrétiens que Dieu promet à ses fidèles la bénédiction abondante, mais elle doit penser aussi à les sensibiliser à travailler. Cette église a la responsabilité d'oeuvrer à l'épanouissement économique de ses membres en les encadrant, en les éduquant et en les encourageant à prendre des initiatives personnelles susceptibles d'améliorer leur condition de vie socio-économique. Dieu est un Dieu dynamique qui travaille constamment, il veut aussi que ses serviteurs soient aussi dynamiques. Comme a dit le docteur Casséus:  

Quand Dieu promet la vie abondante à son enfant, il n'a pas en tête de faire de lui un paresseux, un receveur perpétuel de manne. La condition socio-économique précaire de notre pays porte beaucoup de chrétiens et de leaders chrétiens à se comporter comme des disciples de pains, de manne. Comme conséquence, l'église haïtienne devient une église marginale qui n'est pas en mesure d'exercer son rôle véritable de sel et de lumiere8(*)8.

En remplissant son rôle de sel et de lumière, l'église doit être en mesure de participer à la création de toutes les conditions nécessaires capables d'améliorer la situation économique et financière des chrétiens. Ces derniers peuvent demander à Dieu de la direction dans les services de jeûne et de prière, mais ces services ne doivent pas constituer le seul moyen pour eux d'avoir les biens matériels dont ils ont besoin.

5.2.2.- Le développement personnel du Chrétien 

Chaque être humain à l'obligation de se développer, le chrétien haïtien aussi doit se développer en tant qu'être humain. Le programme des nations unies pour le développement définit le développement humain comme :

Un processus qui conduit à l'élargissement de la gamme des possibilités qui s'offrent à chacun. En principe, elles sont illimitées et peuvent évoluer avec le temps. Mais quel que soit le stade de développement, elles impliquent que soient réalisées trois conditions essentielles : vivre longtemps et en bonne santé, acquérir un savoir et avoir accès aux ressources nécessaires pour jouir d'un niveau de vie convenable. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, de nombreuses possibilités restent inaccessibles.8(*)9

Si les responsables d'églises haïtiennes adoptent la vision de répondre aux besoins des personnes de la communauté chrétienne et du milieu environnant, ils auront avantage à être attentifs aux aspirations globales de la société actuelle. Michel Lacroix explique qu'une des caractéristiques de la société occidentale contemporaine est la recherche de développement personnel. Elle regroupe un nombre croissant de personnes désireuses d'accroître leurs facultés et d'actualiser leur «potentiel9(*)0». Cette quête est l'objet de personnes en recherche d'épanouissement, de réalisation de soi, de créativité, d'accomplissement, de plénitude. On se situe dans une recherche qui va au-delà de la simple réalisation des besoins de base. Ce sont les nécessités d'un niveau supérieur que l'on souhaite actualiser, celles que Maslow appelle besoins de développement ou d'accomplissement9(*)1. Michel Lacroix poursuit en disant : « Le développement personnel adopte une approche fondée sur le comment: Comment puis-je, concrètement, remédier à ma situation ?  Comment s'acquièrent la confiance en soi, l'optimisme, le bonheur ? Comment développer sa vie intérieure ? Comment les êtres exceptionnels fonctionnent-ils ?9(*)2 ».

Ce sont autant de questions auxquelles l'église en général et le Chrétien haïtien en particulier doit se poser, en rapport avec son développement personnel. La philosophie du développement personnel considère qu'il y a en chaque être un potentiel à développer et c'est à chacun de collaborer avec sa tendance naturelle à se réaliser. À ce niveau, on se situe dans la pensée de Maslow, qui compare le processus de la réalisation de soi à un « gland qui tend à devenir chêne ». « Se développer, c'est actualiser le potentiel que l'on porte en soi, c'est mobiliser ses ressources9(*)3 ». En quoi consistent ces ressources ? Elles peuvent concerner autant la pensée, l'intelligence, la créativité, la mémoire, la volonté, le sens de la communication, les états émotifs, que les valeurs et les croyances. On cherche à maîtriser ses émotions, contrôler son stress, augmenter sa confiance9(*)4.  

5.2.3.- Les Besoins sociaux 

Les besoins sociaux sont aussi considérés parmi les besoins importants des Chrétiens haïtiens. Comme tous les êtres humains, ils ont besoins de bonnes écoles et d'universités, de soins de santé, d'hôpitaux, de logements adéquats, d'eau potable, d'un bon système de justice et de sécurité, etc. Selon un résumé du programme des Nations-Unies pour le développement, les besoins sociaux en gros rendent compte:

· du niveau et de la qualité de satisfaction des besoins essentiels d'une société ;

· de la base de consommation sociale des biens et des services produits ;

· de la solvabilité des consommateurs ;

· de la capacité des membres de la société de piloter et de gérer le système de consommation sociale ;

· de l'autonomie et de la capacité d'innovation du système de consommation sociale9(*)5.

L'église haïtienne a la responsabilité de travailler pour la satisfaction des ces besoins au profit des fidèles d'église. Elle a un rôle à jouer pour aider les chrétiens à avoir accès aux services sociaux de base. Elle a la responsabilité de lutter pour aider chaque haïtien à vivre une vie réellement humaine9(*)6. Dans un document officiel de l'église catholique romaine, nous lisons que: « devant les perturbations et les incertitudes de l'heure présente, l'Église a un message spécifique à proclamer, un soutien à donner aux hommes dans leurs efforts pour prendre en main et orienter leur avenir[....]. Nous-mêmes déjà avons prolongé ces orientations par notre encyclique Populorum Progressio: "Aujourd'hui, disions-Nous, le fait majeur dont chacun doit prendre conscience est que la question sociale est devenue mondiale9(*)7». Et l'on poursuit dans un autre document qu'"Une prise de conscience renouvelée des exigences du message évangélique fait un devoir à l'Église de se mettre au service des hommes pour les aider à saisir toutes les dimensions de ce grave problème et pour les convaincre de l'urgence d'une action solidaire en ce tournant de l'histoire de l'humanité9(*)8". Donc, il nous semble utile de signaler que la notion de développement social exprime l'un des aspects essentiels de l'accomplissement de l'être social. L'église haïtienne doit aider chacun de ses membres à s'épanouir dans la société.

5.2.4.- Les Besoins politiques 

En parlant des besoins politiques, nous voulons surtout considérer les droits politiques des chrétiens haïtiens en tant que citoyens à part entière. Il est également important de souligner que la jouissance des droits politiques énumérés dans les normes et les traités de l'ONU indépendamment de «la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou autres, des origines nationales ou sociales, la propriété, la naissance ou autre statut». Le chrétien peut ne pas vouloir exercer son droit politique, il peut décider de ne pas mener des activités politiques, mais ce n'est pas parce qu'il est malsain pour lui d'exercer des droits politiques. Il est tout aussi important à ce que l'église haïtienne ne cherche pas à détourner les chrétiens haïtiens de leurs droits de citoyen, au contraire elle doit les sensibiliser à les exercer dans un état d'esprit d'accomplir leur noble mission de sel et de lumière du monde.

Dans le document « Exhortation Apostolique post-synodale de l'église catholique romaine », on fait un assez large développement de la doctrine sociale de l'Eglise. Nous voulons dans ce travail, présenter cet extrait :

La doctrine sociale de l'Église, qui propose un ensemble de principes de réflexion, de critères pour le jugement et de directives pour l'action, s'adresse tout d'abord aux membres de l'Église. Il est essentiel que les fidèles engagés dans la promotion humaine aient une solide compréhension de ce précieux corpus d'enseignement et le considèrent comme partie intégrante de leur mission évangélisatrice[...] Les responsables chrétiens dans l'Église et dans la société, spécialement les laïcs, hommes et femmes ayant une responsabilité dans la vie publique, ont besoin d'être bien formés à cet enseignement, de sorte qu'ils puissent inspirer et animer la société civile et ses structures avec le levain de l'Évangile.
Le pratique d'activités politiques par de vrais chrétiens contribuent à mieux gérer les choses publiques. Le chrétien à cause de son honnêteté s'abstiendra de toute manoeuvre incompatible à la loi et à la morale chrétienne9(*)9

5.3.- LA VOIE DU RENOUVEAU DE L'EGLISE

ET DE LA SOCIETE HAITIENNE 

Il y a un peu plus de 500 ans1(*)00 depuis que l'Eglise est présente en Haïti, pourtant il est alarmant de constater qu'elle n'est jamais bien vue par une grande partie de la population. On l'accuse de prêcher la résignation, de servir les intérêts des ennemis du peuple, etc. Qu'elle soit catholique romaine ou protestante, on sent vraiment que l'église haïtienne tout entière ne gagne pas comme on devrait s'y attendre la sympathie de ceux qui luttent pour le changement des conditions de vie des pauvres dans ce pays. Ils ne se sentent pas supportés par cette église, au contraire, ils ont tendance à la dénoncer, à l'accuser de conservatisme, de travailler au maintien du statut quo. La question alors est de savoir si ces gens-là ont tort de considérer l'église haïtienne comme telle. Nous pensons qu'elle ne mérite pas le traitement que lui infligent ses détracteurs, mais une chose est certaine, elle doit faire davantage d'effort pour être plus utile dans le processus de développement de la société haïtienne. Plusieurs responsables et partisans de l'église haïtienne sont conscients qu'il y a beaucoup de choses qu'il reste à faire par cette l'église pour jouer effectivement son rôle de sel et de lumière du monde. Le docteur Casséus Jules, conscient de la faiblesse de l'église haïtienne, fait la déclaration qui suit : « A considérer le faible impact de cette Eglise sur la société haïtienne actuelle, il y a lieu de conclure que l'Eglise est mal partie 1(*)01». Parlant particulièrement du Protestantisme haïtien, il avance qu'il faut une « réorientation socio-spirituelle du protestant haïtien, il nous faut une Théologie Protestante Haïtienne de la libération qui aidera le protestant haïtien à avoir une nouvelle conception..., de la participation chrétienne au développement de la communauté haitienne1(*)02. »

Au lieu d'encourager les pauvres à attendre la manne du ciel, à rester sans rien faire sous prétexte que Dieu pourvoira à tous leurs besoins dans les services de jeûne et de prière, il arrive le temps pour que l'église haïtienne s'implique convenablement dans le processus de développement de l'Homme haïtien en général et de la communauté chrétienne en particulier. Pour que cela puisse être possible, il faut des conditions, il faut un effort de la part des responsables d'église d'abord; en tant que leaders, ils doivent être conscients que l'église en Haïti ne contribue pas assez au développement de la communauté haïtienne. L'église haïtienne prêche le salut et aide des âmes à rencontrer Dieu, mais pour ce qui est du développement humain, elle ne fait pas grand chose. C'est comme a dit le docteur Jules Casseus: « L'église haïtienne doit être une église d'influence. Elle est apparemment forte dans le domaine des choses spirituelles et de l'au-delà, mais elle est sans pouvoir en face des réalités de l'existence en Haiti1(*)03».

Nous n'avons pas la prétention de proposer toutes les conditions pour un renouveau de l'église haïtienne, mais nous savons qu'un changement de mentalité de la part des chrétiens et des responsables d'église, la pratique du vrai jeûne et de la vraie prière, le travail et l'intégration de l'église haïtienne dans la société sont des conditions essentielles pour atteindre ce but. Car, comme nous l'avons souligné à maintes reprises, l'élévation de la dignité humaine et la christianisation de la société ne pourraient se réduire, pour ce qui est de l'identification des moyens d'action, à la simple prédication de la moralisation de l'homme1(*)04.

5.3.1.- Le changement de mentalité 

Une campagne de motivation et de sensibilisation est nécessaire pour un changement de mentalité chez tous les Haïtiens en général et les Chrétiens haïtiens en particulier. Ils doivent renouveler leur conception et être conscients du rôle à jouer sur la terre en tant qu'êtres créés à l'image et à la ressemblance de Dieu. Ils doivent être conscients des multiples potentialités que Dieu a mises en eux, ils doivent croire qu'avec eux Dieu peut changer la situation de ce pays et en faire une place où les Haïtiens peuvent vivre sans être inquiétés de la nourriture, du logement, du paiement de la scolarité, etc. Les chrétiens haïtiens doivent être convaincus que Dieu est le Dieu du Peuple haïtien comme il est le Dieu des pays développés. Ils ne doivent pas penser que pour être quelque chose il faut nécessairement s'immigrer dans les grands pays riches du monde. Les Haïtiens sont comme tous les autres peuples, des créatures de Dieu et par conséquent, ils jouissent des mêmes privilèges que tous.

Les responsables d'église ainsi que les fidèles chrétiens haïtiens doivent changer de mentalité en ce sens qu'ils doivent cesser de croire que leur délivrance viendra d'une terre étrangère ou d'une mission étrangère, d'un « blanc », d'un « bon papa », d'un mariage avec  un « élément de la diaspora », etc. Il faut changer l'esprit de superstition, de pessimiste, de méfiance, de traditionalisme, de fatalisme et de providentialisme à l'intérieur de l'église1(*)05. L'attente continue de la manne et de l'aide infinie fait de l'église haïtienne une institution peu progressiste et parasitaire.

5.3.2.- Le vrai Jeûne et la vraie prière 

Le jeûne associé à la prière est un moyen pour le chrétien de communiquer avec Dieu, d'être en contact continue avec lui. L'homme ne peut accomplir aucune bonne oeuvre, comme nous l'avons déjà dit, sans être en bonne relation avec Dieu. Ainsi le renouveau de l'église haïtienne, tel que nous l'entendons, ne pourra être possible sans la pratique du vrai jeûne et de la vraie prière. Nous précisons vrai jeûne et vraie prière, parce qu'il est possible de jeûner et de prier sans répondre à la volonté de Dieu.

Selon le pasteur Kayayan : « la véritable prière ne nous est jamais naturelle. Si certains ont des tendances mystiques, si d'autres sont terre à terre, la vraie prière reste l'oeuvre du Saint-Esprit et suppose des luttes »1(*)06. La vraie prière est fondée sur l'immense privilège d'avoir avec Dieu des intérêts communs. La simplicité dans la prière indique une foi sincère et la foi sincère obtient ce qu'elle demande. Une prière présentée au nom de Jésus ne saurait être repoussée aussi longtemps qu'elle se tienne dans les limites de la volonté de Dieu et de sa Parole. Les demandes qui sont contraires à l'Écriture ou qui ne sont pas en accord avec la volonté de Dieu, ne pourront pas être agréées. Mais, « si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute... et nous savons que nous avons les choses que nous lui demandons. Si nous demeurons en Christ, nos prières seront exaucées(Jean 15:7) ».

 

Si les chrétiens haïtiens veulent être vainqueurs dans leurs prières, ils doivent livrer un combat sans merci contre toute forme d'infidélités. Aussi longtemps qu'ils caressent le péché et qu'ils sont en désaccord avec les principes de Dieu, leurs prières ne pourront pas être exaucées. Lorsque, dans les moments d'entretien avec Dieu, une chose s'interpose obstinément entre lui et ceux qui prient, cela entrave cette prière. Les chrétiens haïtiens doivent travailler à supprimer dans leur mentalité tout ce qui n'est pas conforme à la Parole de Dieu. La prière, dictée par l'Esprit-Saint, cultive et développe dans l'âme toutes les grâces de Dieu : l'humilité, la foi, l'espérance et l'amour.  

5.3.3.- La promotion du Travail 

L'église haïtienne doit enseigner l'amour du travail à ses fidèles. Au lieu de les encourager à attendre la manne du ciel, elle a la responsabilité de les inciter au travail. Il faut mettre dans la tête des Chrétiens que le travail est un élément organique de la vie humaine. Selon le livre de la Genèse, au commencement, «il n'y avait pas d'homme pour cultiver le sol (Gn. 2, 5) »; ayant créé le jardin d'Eden, Dieu y plaça l'homme «pour le cultiver et le garder» (Gn. 2 : 15). Le travail est le dévoilement créatif de l'homme, à qui, de par sa ressemblance initiale avec Dieu, il est donné d'être co-créateur et collaborateur du Seigneur. Cependant, après que l'homme se fût éloigné de son Créateur, le travail prit un autre caractère: « à la sueur de ton front tu gagneras ton pain, tant que tu ne reviendras pas à la terre dont tu es sorti, car tu es né de la poussière et retourneras à la poussière (Gn 3, 19) ». Le caractère créatif du travail s'est ainsi estompé; il est devenu pour l'homme déchu principalement un moyen de gagner sa vie.

La Bible présente deux motivations morales du travail: travailler pour se nourrir soi-même sans être à la charge de personne et travailler pour partager avec ceux qui sont dans le besoin. L'apôtre écrit: «Qu'il prenne plutôt la peine de travailler de ses mains au point de pouvoir faire le bien en secourant les nécessiteux (Eph 4, 28) ». Le travail éduque alors l'âme et fortifie le corps de l'homme, donne au Chrétien la possibilité de révéler sa foi dans des actes agréables à Dieu, de miséricorde et d'amour du prochain ( Matt 5, 16; Jc. 2, 17 ). Le mot de l'apôtre Paul est clair pour tous: «si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus (2 Thes. 3, 10) ». La signification éthique du processus du travail est soulignée par les pères et les docteurs de l'Eglise. Ainsi, Clément d'Alexandrie appelle-t-il le travail «école de justice sociale ». Saint Basile le Grand assure que «l'intention de piété ne doit pas servir de prétexte à la paresse et la fuite du travail, mais être au contraire le moteur d'un travail plus intense ». Saint Jean Chrysostome appelle à considérer « comme un déshonneur non pas le travail mais, l'oisiveté1(*)07 ».

Toujours dans le même sens, Max Weber rapporte les idées de Bartex selon lesquelles: « le repos éternel des saints a son siège, lui, dans l'au-delà; sur terre, l'homme doit, pour assurer son salut, « faire la besogne de Celui qui l'a envoyé, aussi longtemps que dure le jour » [Jean IX, 4]. Ce n'est ni l'oisiveté ni la jouissance, mais l'activité seule qui sert à accroître la gloire de Dieu, selon les manifestations sans équivoque de sa volonté »1(*)07bis

5.3.4.- L'Intégration sociale de l'église 

Nous débutons cette partie avec la déclaration suivante du docteur Casséus Jules à propos de l'attitude que l'église haïtienne doit afficher vis-à-vis de la société haïtienne. Il avance que : «quand Jésus avait conçu et institué l'Eglise, il ne l'avait pas placée au ciel, il l'avait placée dans le monde ». Il poursuit que contrairement à ceux-là qui rêvent d'une Eglise désincarnée, désocialisée, une Eglise avec un évangile de l'au-delà, supraterrestre, transcendant. Jésus a établi une Eglise incarnée dans le socio-culturel avec un évangile pour l'ici-bas et maintenant1(*)08 ». L'intérêt actif que doit porter l'église haïtienne à la question sociale, c'est-à-dire à ce qui a pour fin un développement authentique de l'homme haïtien et de la société haïtienne, de nature à respecter et à promouvoir la personne humaine dans toutes ses dimensions, doit être manifesté de manière à guider les hommes pour qu'ils répondent, en s'appuyant, comme l'a dit le document de l'église catholique romaine, sur la réflexion rationnelle et l'apport des sciences humaines, à leur vocation de bâtisseurs responsables de la société terrestre1(*)09».

L'Eglise, organisme divino-humain, n'est pas seulement d'essence mystique, indifférente aux aléas de ce monde: elle est aussi Eglise historique, en contact et en interaction avec le monde extérieur, y compris avec l'Etat. De son côté, l'Etat, dont l'objet est l'organisation de la vie, est également confronté à l'Eglise et amené à entrer en contact avec elle1(*)10.

CONCLUSION

Certains responsables et leaders ecclésiastiques, au lieu de chercher à encadrer et à encourager les fidèles à prendre des initiatives privées capables d'améliorer leur condition de vie matérielle et celle de leur communauté, préfèrent créer çà et là des rendez-vous de prière et à toutes les heures de la journée, avec l'idée que Dieu fera tomber du ciel de la manne. Nous estimons que cette façon d'agir constitue un encouragement à la paresse et à l'inaction. Cela risque d'empêcher aux chrétiens de prendre des initiatives personnelles susceptibles d'assurer leur épanouissement économique et social. Et de plus, l'organisation exagérée des ces services désengage de plus en plus les participants à la résolution de la crise pluridimensionnelle qui ne cesse de ravager la population haïtienne en général et celle du Cap-Haïtien en particulier. Le seul fait pour un Chrétien ou une communauté de chrétiens de passer tout son temps à jeûner et à prier est insuffisant pour pouvoir résoudre les différents problèmes matériels. La bible a bien fait remarquer que le jeûne et la prière ne peuvent être une source de bénédiction matérielle que lorsqu'ils sont pratiqués selon les normes et conditions établies par Dieu lui-même.

Le Travail occupe une très grande fonction dans le développement personnel de chaque individu et celui également de sa communauté. Toutes les grandes inventions de la science sont dues au labeur incessant des scientifiques; ainsi beaucoup de bonnes choses sont possibles grâce au Travail et rien de positif ne peut être fait avec un comportement de passif et de paresseux. Le chrétien haïtien en tant qu'être humain doit prendre conscience que quiconque ne veut pas travailler n'aura pas non plus droit à la nourriture ( 2 Thess. 3:10). Il est temps pour que tout un chacun le sache, l'organisation de façon incontrôlée de services de jeûne et de prière n'apportera pas les solutions souhaitées aux différents problèmes matériels que confrontent l'église haïtienne et la nation tout entière. Mais, les problèmes matériels peuvent être résolus en combinant la prière et le travail. Le chrétien, particulièrement, doit mettre en oeuvre l'intelligence que Dieu a mise en lui pour acquérir les biens matériels dont il a besoin pour vivre sur cette terre. Il doit prier et jeûner selon les conditions et les normes établies par la bible, la parole révélatrice de Dieu et de son fils Jésus Christ.

Ce travail de recherche ne veut nullement déconseiller les chrétiens à la pratique du jeûne et de la prière. Au contraire, nous voulons aider nos frères et soeurs chrétiens à faire le bon usage du jeûne et de la prière conformément aux prescrits de la bible. Nous voulons inciter les Chrétiens haïtiens à être dynamiques en tant que fils et filles du Dieu Intelligent et Laborieux qui a créé l'homme à son image et selon sa ressemblance pour dominer et régner sur toute la terre ( Gen. 1:26). En traitant ce thème, nous ne faisons que rejoindre d'autres théologiens haïtiens tels le pasteur Jules Casséus, le Pasteur Joël D. Alexandre, pour ne citer que ceux-là, qui ont toujours lutté, à travers leurs écrits, à faire de l'église haïtienne le sel et la lumière de la société, tout en traitant le rapport que l'église haïtienne devrait entretenir avec la société haïtienne pour une meilleure condition de vie des chrétiens tant sur le plan matériel que spirituel.

En gros, ce travail a considéré la notion de jeûne et de prière selon une approche historique et biblique du concept. Nous avons fait un survol historique du jeûne et l'accent a été mis sur la position de l'Ancien et du Nouveau Testament concernant le jeûne biblique. Nous avons donné de nombreux exemples du jeûne pratiqué sur le plan personnel et communautaire dans l'ancien testament. Ces exemples nous montrent que le jeûne est un signe extérieur d'une tristesse intérieure. Les prophètes tels que Esaïe (chap. 58) et Zacharie (chap. 7) nous donnent des avertissements concernant les motivations de notre jeûne. Et dans le Nouveau Testament, Jésus nous explique le pourquoi et le comment de notre jeûne dans Matthieu 6. L'apôtre Paul, de son côté, nous met en garde contre l'extrémisme (Rom. 14:20). Et l'église primitive nous montre l'utilité de la pratique du jeûne biblique dans le cadre de l'église locale (Actes 13:3). D'autres considérations générales ont été faites autour du jeûne et de la prière, notamment l'association du jeûne et de la prière et leur application au cours des grands moments de l'histoire du judaïsme et du christianisme.

Ce travail serait incomplet, s'il s'agissait pour nous d'attirer seulement l'attention sur le problème, analyser les causes et conséquences sans jamais proposer des pistes de solutions à la communauté chrétienne pour que l'église haïtienne soit plus présente dans toutes les sphères de la vie sociale. Dans le dernier chapitre de ce travail, nous interpellons la conscience de tous les chrétiens, de l'église haïtienne en tant que personne morale, des différents leaders ecclésiastiques (Pasteurs, Prêtres, évêques, laïcs) à jouer leur rôle pour que puissent être satisfaits, à la fois, les besoins spirituels et les besoins temporels du chrétien haïtien. L'église haïtienne doit tenir compte d'abord des besoins spirituels conformément aux paroles de Jésus selon lesquelles, il faut chercher premièrement le royaume et la Justice de Dieu. Et ensuite les besoins temporels, car l'homme ne peut pas vivre sans le pain selon l'esprit des paroles de Jésus trouvées au quatrième verset de Matthieu 4 : « Ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra ».

Nous avons plaidé dans ce travail pour que l'église haïtienne soit plus active en ce qui a trait à sa mission sociale. L'action missionnaire ne doit pas viser seulement à offrir un salut eschatologique (pardon des péchés et espérance de la vie éternelle), mais elle doit se soucier aussi du bien temporel des personnes ; disons un salut global qui inclut le corps et l'esprit. La pauvreté humaine, dans ses différents aspects (spirituel, psychologique, sociale, politique et matériel ), doit être l'objet de la mission de l'église haïtienne. Il s'agit de lutter contre les différents niveaux de la pauvreté humaine et de faire cheminer les être humains et la société tout entière vers l'amélioration de ses conditions de vie.

L'Eglise n'est pas de ce monde, de même que son Seigneur, le Christ, n'est pas de ce monde. Mais Il est venu dans le monde, prenant la condition du monde, qu'il devait sauver et rétablir. Son objectif est non seulement le salut des hommes dans ce monde, mais aussi le salut et la restauration du monde lui-même. Ainsi l'église haïtienne doit agir dans ce monde à l'image du Christ, à témoigner de lui et de son Royaume. Les membres de l'église sont appelés à devenir participants de la mission du Christ, de son service dans le monde, service que l'Eglise ne peut concevoir que comme « conciliaire »1(*)11, «afin que le monde croie» (Jean 17, 21). L'église haïtienne est appelée à oeuvrer pour le salut d'Haïti, car le Fils de l'Homme lui-même «n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (Marc 10, 45) ». Le Sauveur dit de Lui-même: «Je suis au milieu de vous comme celui qui sert (Luc 22, 27) ». Le service au nom du salut du monde et de l'homme ne peut être limité à aucun clan ou secte religieux, comme le dit clairement le sauveur dans la parabole du Bon Samaritain.

Enfin, nous n'avons pas eu la prétention d'épuiser tout le sujet, c'est pourquoi nous ne restons pas là, nous continuerons à oeuvrer à travers d'autres recherches en vue d'aider l'église haïtienne à jouer en bonne et due forme son rôle de sel et de lumière dans la société haïtienne. Il y a beaucoup de chemins à parcourir, nous encourageons d'autres théologiens, d'autres étudiants en théologie à poser la problématique de la pratique des activités de jeûne et de prière dans le milieu Chrétien du Cap-Haïtien et pourquoi pas dans le milieu haïtien en général. Nous félicitons notre aîné le révérend Charlot Delens1(*)12 qui a déjà contribué au processus de prise de conscience des chrétiens vis-à-vis de la pratique de la prière dans la ville du Cap-Haïtien. Que d'autres collègues, frères et soeurs, de l'église haïtienne continuent à le faire et un jour cette église, les leaders des services de jeûne et de prière, les participants à ces services finiront par mieux appliquer les principes bibliques concernant le jeûne et la prière. Ils seront ainsi actifs dans la société tout en utilisant les multiples potentialités que Dieu a mises en eux. Par la pratique convenable du jeûne et de la prière, que la communauté chrétienne capoise participe au relèvement du peuple haïtien en général !


* 76 Jules CASSÉUS, Op. Cit., p. 107.

* 77 Constitution Pastorale sur l'église dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes, n. 40), 7 decembreb 1965.

* 78 Jules CASSÉUS, OP. Cit.,p.98.

* 79 Sollicitudo Rei Socialis sur la question sociale, 30 décembre 1987, n. 41.

* 80 Constitution Pastorale sur l'église dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes, n. 41), 7 décembre 1965.

* 81 Constitution dogmatique sur l'église ( Lumen Gentium, n. 5), 21 novembre 1964.

* 82 Lettre encyclique sur la valeur permanente du précepte missionnaire (Redemptoris Missio, n. 11), 7 décembre 1990.

* 83 http://www.paroledevie.org, site consulté le 15 novembre 2003.

* 84 Jules CASSÉUS, les grandes Doctrines de la Bible ed. STBH/UCNH, Limbé 1997, p. 83.

* 85 http://www.sourcedevie.com, consulté le 10 décembre 2003.

* 86 Jules CASSÉUS, Op. Cit., p. 48..

* 87 Lettre encyclique sur l'église(Ecclesiam Suam, n. 97), 6 août 1964.

* 88 Jules CASSÉUS, Haïti: « Quelle Eglise...Quelle Libération? » , STBH/UCNH, 1991, p. 95.

* 89 Programme des Nations-Unies pour le Développement/PNUD : Rapport mondial sur le développement humain de 1990.

* 90 Michel Lacroix est agrégé de philosophie et maître de conférence à l'université d'Évry et à l'IUFM de Versailles.

* 91 Michel. LACROIX, Le développement personnel, Évreux, Éditions Flammarion, 2000, pp. 15-18.

* 92 Ibid., p.22.

* 93 Ibid., p.24.

* 94 Ibid., pp. 23-26.

* 95 Programme des Nations Unies pour le développement, rapport 2000 sur le Développement Humain.

* 96 Jules CASSÉUS, Op. Cit., p. 8.

* 97 Lettre encyclique sur le développement des peuples (Populorum Progressio, n.3), 26 mars 1967.

* 98 Lettre apostolique Octogesima Adveniens, n. 5, un appel à l'action, 14 mai 1971.

* 99 Exhortation Apostolique post-synodale (Ecclésia in Asia, n. 32), 19 novembre 1999.

* 100 Jules CASSÉUS, Op. Cit., p.93.

* 101 Ibid.

* 102 Ibid. p.59.

* 103 Ibid, p.9

* 104 erban IONESCU, «Mi°carea social-cre°tinã °i reforma vieþii sociale», Solidaritatea, IV, no. 4-6, 1923, page. 7

* 105 Jules CASSÉUS, Op. Cit., p. 65.

* 106 Aaron R. KAYAYAN, La prière en Esprit, Perspectives réformées, page 18.

* 107 Les bases de la conception sociale de l'Eglise orthodoxe russe, Traduit du russe par Claire Jounievy

* 107bis Un document produit en version numérique sur L'ouvrage de Max Weber «L'Éthique Protestante et l'Esprit du Capitalisme» par Jean-Marie Tremblay, dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales", p.111.

Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

* 108 Jules CASSÉUS, « L'Eglise, Aujourd'hui, Ici et Maintenant! » , STBH/UCNH, 1998, p.41

* 109 Lettre encyclique sur la question sociale(Sollicitudo Rei Socialis, n.1), 30décembre 1987.

* 110 ibid.

* 111 Les bases de la conception Sociale de l'église orthodoxe russe.

* 112 DelensCharlot, Une Analyse objective de la Pratique de la Prière dans le milieu Evangélique Capois, Mémoire de Sortie pour l'obtention du grade de licenciée en Théologie, Mai, 2000.

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