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L'intégration des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) dans l'économie mondiale par les APE (Accords de partenariat économique): leurre imposé ou ambition réaliste pour le développement ?

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par Stéphanie de Halleux
Université Libre de Bruxelles - D.E.S. en Coopération au développement 2008
  

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II.1.3. Des préférences commerciales qui n'ont pas eu les retombées positives espérées

Malgré le fait que le régime commercial préférentiel de Lomé soit considéré comme le plus généreux au monde, le bilan posé après 25 années de coopération s'avère décevant. Les statistiques témoignent de cet échec. En effet, entre la signature de Lomé I (1975) et l'expiration de Lomé IV bis (2000), la part des pays ACP sur le marché européen a diminué de plus de moitié, passant de près de 6,7 % à environ 2,8 %50, largement au profit d'autres pays en développement, comme les pays d'Asie du Sud-Est51, qui bénéficiaient pourtant d'un niveau d'accès au marché de l'UE moins favorable que Lomé. Il s'avère ainsi que les expériences réussies d'utilisation des préférences par les ACP se limitent à quelques secteurs et quelques pays dont Maurice, le Botswana, la Côte d'Ivoire, la Jamaïque et le Zimbabwe52. Si la part des pays ACP a diminué sur le marché européen, l'UE est resté néanmoins le principal partenaire des pays ACP et plus particulièrement des pays africains53 en concentrant 41 à 46 % de leurs exportations54. Le système de préférences non réciproques n'a pas conduit à la transformation structurelle des économies et peu d'activités industrielles ont connu un processus de maturation les conduisant à une pleine compétitivité au niveau international. Aussi, les préférences commerciales n'ont pas empêché la marginalisation des pays ACP dans l'économie mondiale dont

50 ECDPM, De Lomé à Cotonou, op.cit.

51 La part du marché des pays asiatique est passée entre 1975 et 1995 de 4,2 % à 13 %. Voir : SEBAHARA, P., op.cit., p.9.

52 COMMISSION EUROPEENNE, Livre vert sur les relations entre l'UE et les pays ACP à l'aube du 21ème siècle, Luxembourg : Office des publications officielles des Communautés européennes, 1997. p.12.

53 La dépendance commerciale de la Caraïbe et du Pacifique à l'égard du marché européen s'élève au moment de la rédaction du livre vert (1996) à 18 et 23 %. Voir : COMMISSION EUROPEENNE, Livre vert sur les relations entre l'UE et les pays ACP à l'aube du 21ème siècle, op.cit., p. 12.

54 LOGOSSAH, K., SALMON, J-M., SOLIGNAC, H-B., « L'accord de Cotonou et l'ouverture économique; un partenariat modèle entre l'UE et les pays ACP? », Revue Région et Développement, n°14, Paris : éd. L'Harmattan, 2001, pp. 13-36.

la part du PIB régional dans le PIB mondial est tombée à 1 %. En outre, ce régime commercial n'a pas permis la diversification dans la mesure où les produits primaires dans les exportations contribuent à hauteur de 90 % des exportations totales pour l'ensemble de la région africaine55.

Divers éléments sont invoqués pour expliquer l'échec du régime commercial de Lomé. Voici, dans les grandes lignes, les diverses raisons mises en exergue dans la littérature. Kinvi Logossah évoque le problème de l'offre pour expliquer l'échec des conventions de Lomé. Il explique ainsi dans son article qu'il faut considérer que « l'offre subit de lourdes contraintes à la fois microéconomiques (accès au crédit, coût unitaire du travail, coûts des facteurs) et macroéconomiques (surévaluation du taux de change, instabilité de la croissance...) qui l'ont empêché de répondre aux incitations mises en place (...). Les pays ACP présentent une vulnérabilité intrinsèque ( niveau d'éducation, petite taille du pays, croissance démographique forte) générant ou accompagnant de fortes instabilités macroéconomiques56 ». L'auteur ajoute que cette situation est aggravée par la mauvaise gouvernance et le détournement des ressources publiques à des fins privées, par leurs gouvernements et leur clientèle.

L'échec du système de préférence de Lomé est également imputable à l'érosion57 des préférences en raison de la libéralisation multilatérale découlant de la mise en oeuvre des accords du cycle de l'Uruguay (mise en place de l'OMC) et des accords commerciaux conclus par l'UE avec d'autres régions du monde. Comme l'explique Gwénaëlle Corre, l'UE a abaissé progressivement ses barrières commerciales dans le cadre multilatéral (le GATT) au profit de tous les membres de l'OMC ou de certains d'entre eux d'une part, et d'autre part, au niveau bilatéral, en multipliant les accords préférentiels avec certains pays tiers (Europe de l'Est, Turquie, Maghreb et Moyen- Orient, Afrique du Sud, etc.)58

Finalement, Gwenaëlle Corre évoque les lourdes pressions subies par le régime
commercial de Lomé pendant la décennie nonante59. En effet, la légitimité de ce
régime commercial est largement mise à mal dans le contexte de la montée en

55 LOGOSSAH, K., SALMON, J-M., SOLIGNAC, H-B., op.cit., p.16.

56 Ibid.

57 L'érosion des préférences résultent de l'effet naturel des négociations commerciales qui, en abaissant les droits NPF (droits de la nation la plus favorisée), abaisse dès lors ces derniers au niveau de celui des préférences, ce qui a pour effet de réduire d'autant la marge préférentielle dont bénéficient les pays ACP.

58 CORRE, G. (ECDPM), « La coopération ACP-UE : un partenariat innovant », Cycle de formation CTB, 2007, p.14.

59 Ibid.

puissance du système commercial multilatéral, symbolisé par l'OMC60. C'est surtout l'affaire de la banane qui va sonner le glas des préférences non réciproques et ébranler profondément la politique communautaire de coopération au développement61. Ainsi, l'organisation commune (UE-ACP) des marchés de la banane62 établie en 1993, fut vivement contestée par les pays d'Amérique latine, producteurs de banane, soutenus par les Etats-Unis. En 1994, les pays d'Amérique latine producteurs de bananes, appuyés par les Etats-Unis, attaquèrent ces dispositions dans le cadre du GATT. Le GATT, après avoir examiné ce régime commercial préférentiel en 1994, condamna l'organisation commune des marchés de la banane et établit un premier rapport qui conseillait aux parties contractantes du GATT d'adopter une dérogation en faveur de la convention de Lomé. Cette dérogation fut adoptée le 9 décembre 1994, quelques jours avant la constitution de l'OMC. En 1996, les Etats-Unis, le Mexique, le Guatémala, le Honduras et le Costa Rica lancèrent une procédure devant l'organe de règlement des différents63 de l'OMC qui condamna en 1997 le régime communautaire d'importation64. Ce dernier jugea la politique communautaire de coopération non réciproque incompatible avec les principes du GATT et particulièrement en son article 1er, qui aborde la clause de la nation la plus favorisée65. Les deux raisons invoquées pour justifier l'incompatibilité de Lomé avec l'article 1er étaient les suivantes : d'une part, la convention de Lomé n'était pas considérée comme un accord de libre échange et constituait dès lors une dérogation illégale à la clause de la nation la plus favorisée ; d'autre part les préférences commerciales non réciproques instauraient une discrimination entre les PED eux-mêmes.

60 Le système commercial multilatéral a été développé dans le cadre de plusieurs cycles de négociations commerciales organisées sous les auspices du GATT. Le cycle de l'Uruguay (1986-1994) a conduit à la création de l'OMC. Voir : site Internet de l'OMC : www.wto.org

61 VINCENT, P, « Définition et mise en perspective historique de l'accord de Cotonou », Le Sud sans voix. Les pays ACP et l'accord de Cotonou, Les Cahiers de la coopération internationale, n°1-09, CNCD, 2005, p.9.

62 L'organisation commune des marchés de la banane d'un point de vue externe, opérait une distinction entre plusieurs types de bananes. Ainsi, les importations de bananes originaires des pays ACP bénéficiaient d'une exemption de droits de douane dans la limite des quantités que ces pays exportaient vers le marché communautaire. Au-delà de ces quantités, un contingent tarifaire de deux millions de tonnes pour l'ensemble de la Communauté était mis en place. Dans le cadre de ce contingent tarifaire, les bananes originaires des pays ACP étaient toujours soumises à un droit de douane nul, tandis que les importations de bananes des pays tiers (essentiellement les pays d'Amérique latine producteurs de bananes) étaient soumises à un droit de douane de 100 écus par tonne. Lorsque la limite du contingent était atteinte, les importations de bananes (aussi bien des ACP que des pays tiers) étaient soumises à un tarif prohibitif : 750 écus par tonne pour les bananes ACP et 850 écus par tonne pour les bananes des pays tiers. Voir : VINCENT, P., op.cit., p.9.

63 Dans le cadre de la procédure de règlement des différents du GATT, il était toujours possible à un pays d'empêcher l'adoption du rapport condamnant sa législation comme incompatible avec les principes du GATT. Par contre, dans le cadre de la nouvelle procédure du règlement des différents de l'OMC, le rapport est adopté automatiquement sauf si consensus contraire. Voir : VINCENT, P., op.cit., p.9.

64 Ibid.

65 En vertu de cet article, tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordées par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes. Voir : site Internet de l'OMC : www.wto.org

Devant le bilan mitigé du régime commercial de Lomé et les pressions croissantes de mise en conformité aux règles internationales, la Commission européenne jugea utile de publier un Livre vert en 1996 dont l'objectif était de « revitaliser les relations ACP-UE, d'ouvrir de nouveaux horizons et d'accroître les chances de succès66 ». Sur base de multiples consultations, ce document mettait en perspective quatre scenarii67 possibles pour l' après Lomé. C'est le scénario prévoyant une réciprocité différenciée sur la double base des niveaux de développement (PMA, non PMA) et du processus d'intégration régionale qui fut retenu. Comme l'explique Kinvi Logossah, les négociations pour l'établissement d'une nouvelle convention de coopération débutèrent formellement en septembre 1998 et débouchèrent sur la signature d'un nouvel accord en 200068. Néanmoins, l'auteur fait remarquer dès le début des négociations, des prises de positions très divergentes pour la signature d'un nouvel accord de coopération69. Il explique effectivement que l'UE souhaitait revoir profondément Lomé afin de répondre plus efficacement aux enjeux de la mondialisation, à la lutte contre la pauvreté et du développement durable. D'après Kinvi Logossah, l'UE était effectivement favorable à une sélectivité et une différenciation plus grandes dans le traitement des pays ACP, ainsi qu'un lien entre l'aide et les performances70. Selon l'auteur, l'UE affirmait clairement que le régime des échanges devait être compatible avec les règles de l'OMC. Ces positions ont suscité une vive inquiétude de la part des pays ACP qui craignaient une marginalisation plus forte dans les priorités de l'UE en matière de politique et d'aide, une augmentation des interférences politiques et des conditionnalités, et, plus que tout, la perte de l'accès préférentiel aux marchés de l'UE. Néanmoins, comme le précise Kinvi Logossah dans son article, les pays ACP acceptèrent finalement les APE comme une option possible, « conscients des difficultés juridiques et politiques à maintenir la non réciprocité71 ».

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld