WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les jeunes face au cannabis en Guadeloupe

( Télécharger le fichier original )
par Chantal Dongal
Université Paris V - DU addictologie 2008
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

INTRODUCTION

Notre pratique professionnelle en qualité d'Educatrice Spécialisée au service de prévention du Conseil Général de la Guadeloupe nous conduit à accompagner des familles dont la problématique des conduites addictives est souvent présente, soit au niveau des parents soit au niveau des jeunes.

Le cannabis représente la substance psycho-active illicite la plus utilisée en Guadeloupe.

En 2003, les usages d'alcool, de tabac et de cannabis sont à la hausse par rapport à 2002 ; l'usage régulier du cannabis augmente de 4 points (ESCAPAD 2003, OFDT).

Département français d'outre mer, l'archipel guadeloupéen composé de plusieurs îles (la Guadeloupe, les Saintes, Marie-Galante, Désirade, Saint Martin et Saint Barthélémy) est situé dans le bassin caribéen.

Le chapelet d'îles que constitue l'Arc Antillais favorise le trafic illicite de cannabis en provenance des îles anglophones (Dominique, Sainte Lucie, etc...) peu éloignées les unes des autres. L'approvisionnement local se fait facilement d'îles en îles.

Par sa position géographique, la Guadeloupe n'échappe pas au trafic de produits illicites dont le cannabis. En 2006, lors du dernier recensement, la Guadeloupe compte 458 000 habitants, les jeunes représentent 31,7 % de cette population.

La consommation de cannabis souvent associée à l'alcool est révélatrice du mal être de bon nombre de jeunes Guadeloupéens quel que soit leur milieu social.

Interpellés par des parents en détresse qui attendent des professionnels des réponses à leurs problèmes, nous les orientons vers les structures spécialisées.

Les consultations cannabis constituent les structures les mieux adaptées à ce type de public. Passerelle entre la prévention et le soin, elles répondent partiellement ou totalement au besoin des jeunes de faire le point sur leur consommation et de prendre conscience des risques sanitaires encourus. Les parents y trouvent un lieu d'écoute et de conseil.

Des échanges avec les professionnels du réseau et nos observations personnelles nous amènent à constater que les mères s'impliquaient plus fortement que les pères dans la prise en charge de leurs enfants consommateurs de cannabis.

Par ailleurs, les mères, souvent à l'origine de la démarche de consultation accompagnent les jeunes, faisant état de leurs inquiétudes quant à une éventuelle dépendance et déchéance physique et mentale de leurs enfants.

Nos observations révèlent bien souvent que la présence du père n'est pas systématique auprès de la mère lors du premier entretien d'accueil. Le père n'est pas habituellement à l'origine de la demande d'aide et de soin. Absent, celui-ci l'est trop souvent physiquement, mais également dans le discours de la mère. Son évocation par cette dernière est généralement négative et péjorative, son image dénigrée.

Cette attitude et cette verbalisation mettent en exergue une réalité de l'organisation familiale aux Antilles où la place et le statut du père sont désignés par des qualificatifs tels que : père absent, irresponsable, immature...

Le jeune dans ce contexte historique familial et social développe une représentation en adéquation avec le discours de la mère, cependant l'expression émotionnelle du lien enfant-père oscille de façon ambivalente entre la mise à distance du père et le désir de sa présence.

La consultation cannabis constitue un espace d'accueil et d'écoute permettant de renouer les liens avec les jeunes et de pointer les éventuels dysfonctionnements de la dynamique familiale.

· Partant du constat que dans cette consultation, lieu de thérapie brève des jeunes consommateurs, le travail avec la famille est primordial,

· Observant en général la non présence du père à cette consultation,

nous posons la question de savoir s'il s'agit d'un marqueur significatif des dysfonctionnements familiaux ?

L'hypothèse suivante est donc formulée:

L'implication du père des jeunes consommateurs de cannabis lors des consultations cannabis constitue-t-elle un facteur déterminant de la prise en charge du jeune consommateur ?

I - PARTIE THEORIQUE

A) JEUNES ET CANNABIS

Le cannabis ou marijuana est la drogue la plus répandue dans le monde et la plus utilisée par les jeunes.

L'usage et le trafic de cannabis constituent toujours un délit puni par la loi.

En Guadeloupe le mode de consommation le plus courant est le joint, on peut situer l'usage du cannabis dans le sillage du mouvement rasta dans les années 1970 avec comme personnage emblématique le célèbre chanteur Bob Marley.

Les rastafariens prônent l'usage rituel du cannabis (ganja, kaya coolie), herbe sacrée.

Fumer constitue pour eux un moyen de relaxation et de communication spirituelle positive avec Jah (Dieu). Ils préconisent un mode de vie en harmonie constante avec la nature considérée comme toute puissante.

Dans la même logique ils ne consomment pas d'alcool et sont végétariens et se laissent pousser les cheveux (Dreadlocks). L'usage «religieux» des premiers consommateurs rastafariens a dérivé vers un usage toxicomaniaque classique en s'élargissant à d'autres catégories d'utilisateurs.

Dans son ouvrage « Crack et cannabis » le professeur Aimé Charles Nicolas met en évidence la représentation négative du cannabis par la population antillaise. Bien que minimisée par la Direction Générale de la Santé du fait de sa faible toxicité, la consommation de cannabis inquiétait le corps social antillais.

Nous assistons dès lors à une «diabolisation» de l'herbe. A la différence des îles anglophones, le cannabis ne faisait pas partie intégrante de la culture des Antilles françaises. «L'herbe» c'était la DROGUE, on ne disait pas il fume «l'herbe» mais «il prend» de la drogue. Le mouvement rasta suscitant la méfiance d'une grande majorité de la population était considéré comme une «secte».

Ce mouvement prônait un mode de vie inhabituel, de nouveaux rites, de nouveaux modes de communication, vocabulaire (exemple : cool, tchad etc.), de nouvelles musiques et préconisait aussi un retour aux sources à savoir la culture africaine (roots).

Fascinés par ce mode de fonctionnement une partie des jeunes Antillais l'adoptèrent, notamment ceux qui étaient psychologiquement fragiles et en manque de repères dans le but de se démarquer des adultes et de s'opposer aux règles établies.

L'usage du cannabis s'est considérablement développé dans les années 1980, cet usage étant répandu d'une part dans les quartiers défavorisés de la périphérie pointoise (de Pointe-à-Pitre, ville principale de la Guadeloupe), ainsi que chez certains jeunes de conditions «sociale élevée», à savoir les parents «fonctionnaires» ou de profession libérale.

La consommation étant liée au désir de connaître des sensations fortes ou dans un contexte de révolte par rapport à l'ordre établi surtout en opposition au modèle familial.

Actuellement, l'usage du cannabis s'est répandu dans l'ensemble des communes de la Guadeloupe.

Par ailleurs, la consommation et la vente qui se faisaient en cachette, se font au grand jour, alors qu'auparavant, il existait une nette séparation entre les consommateurs d'alcool et les fumeurs de cannabis (l'alcool étant considéré comme la drogue des vieux) ; la plupart des jeunes consommateurs pratique le mélange des deux substances, ce qui augmente la dangerosité de la consommation.

Une boisson très prisée par les jeunes consommateurs se présente sous la forme d'un vin blanc liquoreux de très mauvaise qualité qu'ils appellent communément «macaque», en référence à l'étiquette qui représente un animal ressemblant à un singe.

La consommation se fait en plus en groupe dans des lieux publics, appelés traditionnellement des «biks» où se réunissent des jeunes pour la plupart en échec scolaire ou en chômage.

L'absorption excessive d'alcool et de cannabis se termine quelquefois de manière dramatique (accident de booster, bagarre, meurtre) au désespoir de la famille et des autorités locales.

L'adolescence, période de transformation physique et de transition entre l'enfance et l'âge adulte constitue une période de vulnérabilité pendant laquelle la vigilance et l'attention des parents s'imposent.

Comme l'exprime le professeur Daniel Marcelli, Psychiatre spécialiste de l'adolescence «les concepts de drogues douce ou dure n'ont aucune utilité seul le mode de consommation est à prendre en compte».

Il distingue ainsi 4 catégories de fumeurs :

· le fumeur occasionnel ou l'usage récréatif convivial qui n'a aucune conséquence sur la santé ou la scolarité,

· le petit fumeur régulier de 5 à 15 grammes par mois avec des pointes le Week-End, cette consommation peut correspondre à un moment difficile à passer pour l'adolescent,

· le fumeur auto thérapeutique de 20 à 60 grammes, l'effet recherché est un effet anxiolytique ou hypnotique. Cette consommation devient problématique car elle entraîne des troubles inévitables : amoindrissement de la concentration, perte de toute motivation en dehors de désir de fumer d'où nécessité d'une psychothérapie,

· le toxicomane de 60 à 150 grammes par mois, ces fumeurs (une minorité) s'excluent rapidement du système scolaire. Ils peuvent avoir des troubles graves de la personnalité d'où la nécessité d'un traitement dans un centre spécialisé obligatoire.

L'âge des consommateurs est également à prendre en compte comme le souligne le docteur Alain Morel Psychiatre, Secrétaire général de la Fédération Française d'Addictologie.

Entre 13 et 16 ans le cerveau se réorganise, met en place de nouvelles connexions et trop de cannabis à cette période perturbe le développement de l'adolescent et l'handicape dans la recherche de son équilibre psychique sans compter le risque de tomber un jour sur un produit trop fortement dosé qui conduit tout droit à un «Bad trip».

B) UN NOUVEAU DISPOSITIF DE PRISE EN CHARGE DES JEUNES CONSOMMATEURS : «LES CONSULTATIONS CANNABIS».

Nous constatons depuis quelques années, un durcissement de la politique de lutte contre les toxicomanies. La loi du 3 février 2003 punit de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, toute personne ayant conduit sous influence de substances ou plantes classées comme stupéfiant.

Des contrôles avec un dépistage d'usage de stupéfiants peuvent être réalisés par les policiers et les gendarmes.

En 2005, une circulaire appelait à une réponse pénale « plus systématique, plus efficiente.

Parallèlement, le dispositif de Consultation Cannabis a été mis en place en 2005.

L'augmentation de la consommation du cannabis par une population de plus en plus jeune et vulnérable, les usages à risques associés à la prise d'alcool ou d'autres produits provoquent l'inquiétude des politiques et des professionnels du milieu médico-social.

De ce fait le ministère des solidarités de la santé et de la famille, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ont mis en place un programme de prévention de l'usage du cannabis avec en février 2005 une campagne médiatique de sensibilisation et la mise en place dans les départements «de consultations spécifiques destinées à tous ceux qui ont ou pensent avoir une consommation problématique du cannabis».

Comme le précise Didier Jayle, Président de la MILDT interrogé sur l'ampleur de la campagne de sensibilisation sur le cannabis :

« En France, le cannabis est de loin le produit illicite le plus consommé chez les jeunes. Nous avons voulu mettre en garde contre les effets de la consommation avec un souci constant ni banalisation, ni diabolisation.

Le cannabis n'est peut être pas le fléau qui pourrit notre jeunesse mais ce n'est certainement pas comme le pensent beaucoup un produit anodin».

Baptiste Cohen, Psychologue directeur DATIS (Drogue Alcool Tabac info service) met en évidence la philosophie de la notion de consultation cannabis :

«Les consultations cannabis ont été mises en place pour traiter de l'entrée en toxicomanie, plus que de sa sortie, bien que rattachées au dispositif médico social, elle supposent des compétences que les intervenants doivent partager avec les acteurs de la prévention, notamment lorsqu'il s'agit de repérer les usages problématiques des jeunes » quels sont les objectifs de ces consultations ?

Il s'agit de :

- permettre aux jeunes de mieux évaluer leur consommation notamment pour ce qui concerne les conséquences sur leur vie sociale, leur travail scolaire ou autre, leur santé,

- délivrer aux jeunes consommateurs des conseils et des informations adaptées à leur situation, qui s'appuient sur des données scientifiquement validées.

- proposer aux consommateurs abusifs une prise en charge brève.

- accueillir et soutenir le ou les parents en difficulté du fait des consommations de leurs enfants.

Les missions sont les suivantes :

- favoriser une évaluation partagée de la situation de jeune consommateur et un diagnostic de l'usage nocif,

- offrir une information et un conseil personnalisés aux usagers à risque,

- offrir une prise en charge brève aux jeunes ayant un usage nocif.

- offrir un accueil aux parents en difficultés du fait de la consommation de leurs enfants.

- proposer un accueil conjoint parents- enfants.

- susciter la motivation au changement en matière de comportements de consommation.

Pascal Hachet, Psychologue responsable d'un point écoute jeunes situe la Consultation Cannabis dans le prolongement du point accueil écoute-jeunes  qui assure une aide psychologique et l'accompagnement éducatif ponctuel auprès des jeunes consommateurs ou non, et de leurs parents à la différence des consultations cannabis qui s'adressent aux jeunes fumeurs de cannabis dépendants. Il qualifie les consultations cannabis de «greffons institutionnels qui ne peuvent être efficaces que si ils sont correctement pris ».

Il cite l'expérience d'un dispositif similaire mis en place par Jean-Marc Couteron, Chef de service et Psychologue dans un CSST de l'association Cedet à Mantes la Jolie.

Partant d'un double constat, J-M Couteron dit :

- «que la demande était souvent initiée par l'adulte inquiet du devenir de l'adolescent,

- et le fait que l'expérience de l'adolescent consommateur est souvent riche à son insu d'informations susceptibles de l'aider à mieux en garder la maîtrise tout en permettant à l'adulte de comprendre ce qu'il y trouve. »

La consultation jeunes usagers de cannabis  offre à des adolescents n'ayant eu aucun contact avec un centre de soin, un contact constructif sur la question de l'usage de cannabis et d'autres substances dans la phase d'installation de la consommation.

Selon Alain Morel, Psychiatre directeur médical du centre le trait d'union, le bilan qualitatif de l'expérience des consultations cannabis met en évidence 6 notions :

· La notion de rencontre

Cette notion, préambule de toute intervention thérapeutique, est déterminante pour la suite de la prise en charge. La difficulté de cette première rencontre est le fait que les jeunes ne sont généralement pas demandeurs, ce qui nécessite certaines conditions, notamment «aller vers eux et puisqu'il s'agit de parler d'un comportement qui est socialement réprouvé, ouvrir des espaces protégés où puisse être entendue et discutée leur expérience individuelle, sans jugement a priori»

· La notion de d'expérience

L'expérience ne se mesure ni à l'expérimentation ni au seul comportement. Elle est tout à la fois le lieu où peut s'apprendre quelque chose sur soi, sur l'autre ou sur le monde, au sens où l'on acquiert de l'expérience, et le temps d'un ressenti, de l'émotion, où de l'apprentissage se trouve possiblement débordé par l'intensité de ce qui est vécu : plaisir, détente ou douleur et souffrance. Il ne s'agit pas de l'entériner, ou de la condamner, mais de la reconnaître et de rendre possible une parole à son sujet et un échange donc un questionnement.

· La notion d'aide à l'auto - évaluation

L'objectif est de susciter l'auto-observation et une réflexion active sur les consommations.

· La notion de repérage

Elle permet d'identifier les usages en utilisant des questionnaires d'évaluation.

· La notion de motivation

Elle recouvre la compréhension des motivations à consommer et l'aide à la motivation au changement de pratique de consommation.

· La notion d'accompagnement

Elle regroupe les cinq notions précédentes et peut être fluctuante en fonction de la personne pouvant être une présence, une écoute, et une aide à la réflexion, parfois une aide au changement ou une orientation.

C) L'EXPÉRIENCE DE LA CONSULTATION CANNABIS DE L'ASSOCIATION COREDAF (UNITÉ D'ADDICTOLOGIE) À POINTE-À- PITRE EN GUADELOUPE.

L'étude, la recherche et les réflexions de ce présent mémoire ont été menées dans cette structure. Le centre se compose d'un CSAPA (Centre d'accompagnement, de prévention et d'addiction) et d'un centre de Consultation Cannabis.

Créé en septembre 2006, la Consultation Cannabis répond à l'augmentation des demandes de prise en charge de jeunes consommateurs par le centre de soins. Situé en milieu urbain, en plein centre de Pointe-à-Pitre dans un immeuble occupé par d'autres entreprises, il est facile d'accès et est bien desservi par les transports en commun.

L'équipe thérapeutique est composée d'un médecin, d'une assistante sociale et d'un psychologue.

La consultation a pour finalité d'oeuvrer à la restauration de la personnalité du patient. L'essentiel pour l'équipe de professionnels et intervenants est de construire chez l'usager et avec son concours, une autonomie à l'égard de la substance toxique consommée. C'est à partir de cette première démarche que l'on pourra commencer à parler de possible insertion.

A la mise en place de la structure, une action médiatique a été instituée afin d'informer les partenaires des différents institutions et structures qui accompagnent des jeunes (éducation nationale, centre médico-sociaux...). Cette action s'avérait nécessaire afin de clarifier vis-à-vis des partenaires, les modalités de ce nouveau type de prise en charge.

Un premier bilan après quatre mois d'activités, de septembre à décembre 2006, peut nous donner un aperçu de l'impact de ce nouveau dispositif. Le nombre de patients accueilli est de 28 avec une nette prédominance masculine s'élevant à 82,14 % et d'une tranche d'âge prioritaire de moins de 18 ans. La consommation de cannabis débute précocement dès le collège ; 89 % des jeunes suivis sont logés par leur famille, car la plupart à moins de 18 ans. Ils sont lycéens ou collégiens, et de ce fait n'ont pas de ressources propres sur le plan social, ils sont pris en charge par leurs parents. On constate que le problème du cannabis touche les familles quelle que soit leur appartenance sociale.

La plupart des familles sont monoparentales où les deux parents sont vivants, mais séparés de corps. Le lien avec la mère reste privilégié tandis que pour le père, il semble assez sporadique mais présent tout de même.

Les parents de jeunes consommateurs ont souvent besoin d'écoute et de soutien face aux difficultés liées à la consommation de leurs enfants et à la crise d'adolescence qu'ils rencontrent.

La plupart a tendance à dramatiser la situation.

Les jeunes consommateurs sont souvent d'une grande fragilité affective, de ce fait le comportement et les réponses inadéquates des parents peuvent contribuer à accentuer leur mal-être.

Le Centre de Consultations Cannabis offre aux parents un espace de parole.

Lors de la première séance, le jeune sera reçu avec ses parents en début d'entretien, l'objectif étant d'entendre brièvement les parents et de définir les modalités d'intervention.

A l'issue de cette première séance, une autre sera proposée aux parents en dehors des 3 séances qui sont réservées au jeune. Cette rencontre devra permettre de répondre aux interrogations et préoccupations des parents, de les informer sur les substances, les risques liés à leur consommation et les possibilités de prise en charge. Ils auront aussi des informations sur la réalité de l'adolescent.

A partir des informations recueillies et celles qui auront été portées à la connaissance des parents, un soutien dans leur mission éducative peut leur être proposé. Si nécessaire, à la fin de ce quatrième entretien réalisé avec les parents, le jeune y sera associé, l'objectif étant de rétablir les liens distendus.

D) LA FONCTION PATERNELLE AUX ANTILLES

La prise en compte de l'environnement familial dans la prise en charge des jeunes consommateurs s'avère importante. Nous allons axer notre étude sur la fonction paternelle, à savoir l'implication du père, cependant il est nécessaire de tenir compte de la dynamique familiale du triangle père-mère-enfant.

Dans le vocabulaire médico-psycho-social, la fonction parentale est définie par le terme «parentalité», «parentalité qui désigne de façon très large la fonction d'être parent, en y incluant à la fois des responsabilités juridiques telles que la loi le définit, des responsabilités morales telles que la socio-culture l'impose et des responsabilités éducatives...» Serge Raquideau, Espace Social, septembre 1997.

Bruel, Président du Tribunal pour enfants de Paris, dans un article «Modernité sur l'interrogation du père», mettait en évidence le fait que la paternité ne peut s'appréhender hors de la triangulation mère-père-enfant. La prise en compte de la dynamique familiale permettant d'expliquer le fonctionnement des différents acteurs ne peut se présenter en dehors du contexte culturel et historique d'une civilisation, ce qui nous conduit à analyser l'organisation familiale aux Antilles :

Le modèle familial matrifocal, modèle prédominant de la société antillaise

«Ce concept émane de l'anthropologue RT Smith qui le définit comme une propriété des relations internes des maisonnées, maisonnée de préférence à famille, au regard de la complexité des dispositifs familiaux existants que celles-ci soient conduites par un homme ou par une femme».

Dans la Caraïbe, selon les travaux réalisés par N. Solien Gonzalez sur les structures de parenté, la principale unité fonctionnelle est représentée par la maisonnée qui se caractérise par la variabilité des liens de parenté et par la suprématie sans contexte du lien mère-enfant sur le lien père-enfant.

Selon Smith, on peut comprendre le complexe matrifocal que si l'on tient compte, d'une part des relations domestiques où le partage des rôles assure à la femme une prépondérance, et d'autre part, des relations intra familiales qui privilégient les relations mère-enfants, frères- soeurs, et accordent peu de place à la relation conjugale, marginalisant de ce fait le partenaire masculin. La relation mère-enfant constitue l'unité centrale de base du groupe familial». Livia Lesel, Le père oblitéré.

Dans ce modèle, les pères semblent graviter à la périphérie de la famille sans toutefois être invisibles ou absents ou en conflit.

De ce fait, un rôle dominant est assuré par les femmes s'agissant de l'éducation des enfants.

Fritz Graccus dans «Les lieux de la mère», nous met en garde de ne pas réduire la notion de matrifocalité à l'illégitimité familiale. «Cette alternative matrimoniale illégitime au regard de la loi est sociologiquement légitime. Utiliser le concept de matrifocalité pour désigner l'organisation familiale sans père, c'est négliger un des niveaux de cette matrifocalité. La matrifocalité fonctionnelle où la famille tout en répondant au principe de légitimité, avec un père reconnu par la loi, fonctionne avec un père légitime marginalisé puisque tous les pouvoirs reviennent de fait à la mère.»

L'organisation matrifocale prendrait ses sources dans le contexte de l'esclavage.

A l'organisation de la famille, était stipulée dans le Code Noir, élaboré par Colbert au XVIIème siècle ( 1685).

Article 12 : «les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves appartiendront au maître des femmes esclaves et non à leurs mères, si le mari et la femme ont des maîtres différents.»

Article 13 : «Si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants tant mâles que les filles suivent la condition de leur mère... si le père est libre et la femme esclave, les enfants seront esclaves pareillement».

Les esclaves étaient considérés comme des biens meubles et n'avaient pas de nom de familles. La filiation n'était pas fondée par un couple géniteur, mais par la mère seule. Dans la société post esclavagiste, le modèle familial le plus courant restait le concubinage, le mariage est toujours resté secondaire.

Un autre paramètre à prendre en compte est celui de l'organisation polygame de tribus d'Afrique, peuples dont sont originaires les Antillais, ce qui tend à légitimer le comportement des hommes qui multiplient les enfants dans plusieurs foyers. Mais à la différence du modèle africain, ils n'assument pas forcément les besoins matériels et éducatifs des enfants.

Une des conséquences de l'organisation matrifocale est que le concubinage constitue le mode d'union prédominant des hommes et des femmes aux Antilles (INSEE), avec une famille élargie capable de subvenir aux besoins des enfants en cas de défaillance du père.

Sylvia Lesel, Le père oblitéré, parlant de l'homme antillais :

La femme antillaise a de l'homme père antillais une représentation très négative avec des appréciations très dévalorisantes.

Chez les mères célibataires, l'image négative du père semble portée par l'insatisfaction d'une attente affective.

La représentation de l'homme se confond avec celle du père, car l'homme antillais, en pratiquant de donjuanisme, «sème» et «donne» des enfants de manière inconsidérée «à tort et à travers» comme cela revient fréquemment dans les discours et il est souvent qualifié d'irresponsable.

L'expression «prendre ses responsabilités» revient fréquemment dans le langage des femmes et plus particulièrement des mères s'agissant de l'éducation des enfants.

L'homme est donc considéré comme responsable s'il est capable d'entretenir ses enfants et la ou les mères de ceux-ci.

Dans le cas où la mère est seule, c'est envers elle que le père doit prendre ses responsabilités ; l'intervention du père transite par la mère.

En 2005, 7 enfants sur 10 sont nés de parents non mariés, cependant comme le souligne Sylvia Lesel dans l'ouvrage Le père oblitéré : «La conjugalité est le modèle dominant souhaité par la femme antillaise, le mariage apparaît comme un passage obligé pour accéder à la réussite sociale, à une certaine notoriété... ».

Le mariage est considéré pour la femme comme un privilège ; elle est privilégiée d'avoir trouvée un homme qui s'engage envers elle et ses enfants pour leur assurer une sécurité matérielle et financière, à la différence des mères célibataires qui doivent assurer seules l'entretien de la famille. Cette recherche de stabilité pousse la femme à «donner un enfant» à son compagnon, avec l'espoir de fonder un foyer stable, mais en vain certaines fois, car l'homme fuyant ses responsabilités la laisse seule avec le ou les enfants ; on constate que ces femmes peuvent reproduire ce schéma avec d'autres hommes, ce qui aboutit à des familles avec plusieurs pères différents.

Parallèlement, la maternité célibataire antillaise apparaît socialement et culturellement acceptée. La famille s'avère être un espace ouvert et accueillant pour la «fille mère» et son enfant.

Si le discours commun s'inscrit dans une vision négative de l'homme antillais, la mère, elle par contre, est acceptée comme mère célibataire, car l'accent est mis sur son courage puisqu'elle assure seule l'éducation des enfants.

La richesse du modèle matrifocal

Le réseau familial et social riche et étendu offre d'immenses possibilités de partage des tâches et de soutien mutuel, d'attachement émotionnel, de stabilité et de protection, ainsi que des modèles identificatoires très diversifiés et une ouverture sur le monde extérieur que les familles d'organisation nucléaire sont loin de pouvoir procurer.

L'environnement social exerce un rôle contenant extrêmement puissant.

II - RECHERCHE ET METHODOLOGIE

A) HYPOTHESE

Partant du constat que dans les Consultations Cannabis, lieu de thérapie brève des jeunes consommateurs, la place de la famille est primordiale ;

Constatant les réticences du père antillais à s'impliquer dans la prise en charge, rôle dévolu à la mère dans la plupart des cas ;

Nous posons l'hypothèse suivante :

L'IMPLICATION DU PÈRE DES JEUNES CONSOMMATEURS DE CANNABIS LORS DES CONSULTATIONS CANNABIS EN GUADELOUPE, CONSTITUE-T-ELLE UN FACTEUR DÉTERMINANT DE LA PRISE EN CHARGE DU JEUNE CONSOMMATEUR ?

B) METHODOLOGIE

Nous proposons de mettre en place deux questionnaires :

Un à destination des jeunes consommateurs de cannabis, usagers du Centre de Consultations Cannabis du COREDAF, et un à destination des professionnels du Centre de Consultations : à savoir le médecin, le psychologue et l'assistante sociale.

Ces questionnaires figurent en annexe de notre mémoire. Ces questionnaires sont composés de questions fermées et de questions ouvertes, permettant de recueillir des données sur :

- la consommation du jeune consommateur.

- la présence ou l'absence du père,

- la nature du lien jeune/père,

- l'implication du père,

- la dynamique familiale.

Nous procéderons à des rencontres avec les professionnels afin de recueillir des données sur la teneur des séances.

C) POPULATION

· Critères d'inclusion

Jeunes consommateurs de cannabis, usagers du Centre de Cannabis vivant chez leurs parents.

· Critères d'exclusion

Jeunes placés dans des institutions sociales.

D) LIEU DE LA RECHERCHE

Nous avons effectué cette recherche au Centre de Consultations Cannabis du COREDAF. Nous avons contacté cette structure connue pour avoir déjà suivi un stage dans le cadre du Diplôme d'Educateur et en tant qu'adhérente de l'association.

E) TRAITEMENT DES DONNEES

Nous allons procéder au traitement des données en mettant en évidence la présence à la Consultation Cannabis des membres de la famille du jeune :

- père

- mère

- parents ensemble.

Nous analyserons la présence du père dans les types de situations familiales rencontrées :

- la famille monoparentale

- le couple

- les parents divorcés ou séparés

III - RESULTATS ET DISCUSSION

PRESENTATION DE LA POPULATION ENQUETE

30 exemplaires du questionnaire ont été envoyés.

Le nombre de répondants : 24 jeunes.

Sexe

- 15 ans

16-20 ans

21-25 ans

Garçons

2

15

2

Filles

 

2

4

Nous constatons un nombre plus important de jeunes du sexe masculin, ce qui est représentatif de la population de jeunes consommant du cannabis.

Le plus jeune accueilli est âgé de 12 ans, ce qui interpelle sur la précocité des usagers. A cet âge où le cerveau se réorganise, la consommation importante de cannabis peut perturber le développement psychique du jeune.

- La totalité des jeunes est de nationalité française et réside à Pointe-à-Pitre et dans les communes environnantes.

1) COMPOSITION DE LA FAMILLE

Nous constatons que :

- 46% des familles vivent en couple

- 38 % de familles monoparentales

- 16 % de familles divorcées ou séparées.

2) ORIGINE DE LA DEMANDE

Sur 24 jeunes interrogés :

- 22 demandes ont été initiées par les parents

- 2 par le médecin traitant.

Nous devons nous poser la question suivante : qu'est-ce qui intrinsèquement motive les parents à consulter ?

Les professionnels de la consultation évoquent la grande inquiétude et la détresse des parents face à la consommation de cannabis de leurs enfants.

3) SITUATION PROFESSIONNELLE DES PARENTS

Nous constatons que l'ensemble des pères a une activité professionnelle sauf un à la retraite.

80 % des mères travaillent.

Les catégories socio-professionnelles sont diverses (infirmier, cadre de collectivités territoriales, employé de cantine).

Il s'agit de familles socialement insérées. Ce paramètre peut expliquer le fait qu'ils consultent.

4) PATHOLOGIES PARENTALES

Nous avons pu déceler dans la population :

- 1 cas de père alcolo-dépendant

- 1 cas de mère

- 1 père dépendant de cannabis

- 1 cas de mère atteinte de faible débilité.

B) RESULTATS DE L'ENQUETE

Effets produits par la substance

a) Réponses des jeunes consommateurs

Les réponses des jeunes à cette question sont les suivantes

Effets positifs

- délire

- plaisir intense

- apaisement

- sentiment d'appartenance

à un groupe

- «Cela me permet d'oublier»

- «Je me sens mieux dans ma peau»

- «je ne pense à rien »

- détente

- euphorie

- créativité

- facilitateur de communication

- «je me sens dans du coton»

Effets négatifs

- trouble du sommeil

- trouble du comportement

- coût : 10 à 15 e par semaine

- trouble de mémoire

- conflit familial

- irritabilité

- céphalées

- difficultés de concentration entraînant des mauvais résultats scolaires

- somnolence, apathie

- agressivité

- rupture avec les anciens amis

- repli sur soi (consommation solitaire)

b) Analyse

L'usage du Cannabis par les jeunes consommateurs interrogés ne se traduit pas seulement par le besoin d'expérimentation qui correspond à un rite de passage de l'adolescence à l'âge adulte.

En effet, il peut s'agir simplement d'un usage récréatif qui correspond à une recherche plaisir et à un besoin d'évasion.

L'usage peut être révélateur d'un mal-être profond du jeune qui se traduit par le besoin de fuir un quotidien trop douloureux liés à des difficultés d'ordre familial ou à des problématiques d'ordre personnel.

Les réponses : «cela me permet d'oublier», «je me sens comme dans du coton», sont significatives. Il s'agit d'une consommation auto-thérapeutique, facilitateur de consommation.

L'usage s'explique également par la recherche identitaire propre à l'adolescent se traduisant par le besoin d'appartenance à un groupe. Il éprouve le désir d'être avec ses pairs : «cela me permet d'être avec les copains».

L'importance du groupe est indéniable par opposition à la famille.

Le groupe est le lieu de différenciation entre les générations. Ce lien avec les pairs implique que l'on fasse comme les autres ; de ce fait, la consommation du produit est étroitement liée à l'intensité des relations du groupe.

L'effet euphorisant du produit est recherché. Cette consommation se pratique en petit groupe de copains souvent en fin de semaine pendant les vacances ou les fêtes.

« Recherche de plaisir intense», «délire», «euphorie».

Il est à noter que les jeunes interrogés sont conscients des effets négatifs occasionnés par la prise de produits et arrivent à verbaliser avec précision les impacts sur leur santé (trouble de sommeil, irritabilité, céphalées).

Les difficultés d'ordre social : Repli sur soi, troubles du comportement, rupture avec les anciens amis. Les conséquences financières : coût 10 à 15 € par semaine.

S'agissant du cursus scolaire, nous constatons une baisse des résultats scolaires.

Les conséquences de la consommation sur la dynamique familiale sont inévitables.

Tenant compte de tous ces paramètres, il s'agira pour les professionnels de la consultation cannabis de faire une évaluation clinique de la consommation et de la situation du jeune, puis de proposer aux parents une écoute et un soutien.

2) Jeunes vivant dans une famille monoparentale

Population

Nous avons identifié 9 jeunes vivant dans des familles monoparentales


Ages
Sexe

10-15

16-20

21-25

Garçons

1

5

 

Filles

 

1

2

Nous constatons une majorité de garçons de 15 à 20 ans.

a) Origine de la demande de soin

Parents : 8

Médecin traitant : 1

b) Présents à la consultation

- les 2 parents : 1

- mère seule : 7

- père seul : 1.

d) Analyse

Nous constatons que dans les familles monoparentales

- 1 cas où 1 père accompagne seul son enfant à la consultation

- 1 cas où les 2 parents accompagnent leur enfant

7 mères sont seules à accompagner leurs enfants.

Il est important de s'attarder sur les situations où le père est présent afin de définir le discours des jeunes et la perception qu'ils ont du climat familial.

1) Le cas où le père accompagne son fils.

Il s'agit d'un jeune de 20 ans qui « se sent petit garçon devant son père ». A l'annonce de la consommation de cannabis de son fils : « le père était furieux mais a réfléchi et veut l'aider ».

Les liens avec le père sont fréquents et celui-ci est impliqué dans l'éducation du jeune. Il dit « aimer son fils » et veut l'aider à s'en sortir.

Le fils se sent rassuré en présence de son père mais a du mal à lui faire face. Il ressent une certaine inhibition en sa présence.

Nous dénotons parmi les facteurs de risques familiaux, une insatisfaction relationnelle jeune/parents.

Nous constatons une ambivalence entre la mise à distance du père et le désir de sa présence qui est rassurante.

2) Le cas des 2 parents ensemble

Dans une situation la présence du père est perçue comme une intrusion. L'annonce de la consommation de cannabis par le fils a généré une colère de la part de son fils. Les relations entre le jeune et le père sont très conflictuelles.

Réaction du père liée à son vécu avec son fils, la présence du père est vécue comme une intrusion.

7 mères seules accompagnent leurs jeunes parmi les 7 situations :

un cas de père non présent mais qui s'implique dans l'éducation, mais ne vit pas dans le département ce qui explique sa non présence.

Le jeune souhaiterait la présence du père mais est conscient que l'éloignement géographique ne permet pas le lien.

3) Jeunes vivant chez des parents en couple

a) Population

11 jeunes consommateurs sont issus de parents vivant en couple

Age

Sexe

10-15

16-20

21-25

Masculin

1

8

1

Féminin

 
 

1

Nous constatons une majorité de jeunes entre 15 et 20 ans.

Le plus jeune consommateur a 12 ans, ce qui nous a interpellé. Il serait intéressant de s'attarder sur cette situation lors de l'analyse des données.

b) Origine de la demande de soin

Parents : 10

Médecin traitant : 1

c) Présents à la consultation :

les 2 parents : 1

mère seule : 6

père seul : 4

d) Analyse

* Présence des 2 parents à la consultation

Nous sommes interpellés par la seule situation où la jeune (il s'agit d'une jeune fille) est accompagnée par les 2 parents

Le père est impliqué dans l'éducation. Il a de bonnes relations avec sa fille mais elle trouve «qu'il parle trop» et « qu'il la persécute par rapport à la consommation ».

Il a été très déçu en apprenant sa consommation de cannabis.

L'attitude du père est significative du désarroi des parents face à la prise de produit par leur enfant. Il se focalise sur le produit et ses effets somatiques, mais ne cherche pas à analyser les raisons de la prise de produits.

L'inquiétude du père est révélatrice de la représentation négative du cannabis aux Antilles.

Des échanges avec les professionnels mettaient en exergue la dramatisation des effets du cannabis par les parents.

* Présence du père seul à la consultation

Dans les 4 situations le père s'implique totalement, il est très pressenti et est seul parce que la mère travaille dans 2 cas et garde son enfant dans 1 autre cas.

La quatrième situation s'explique par une légère débilité de la mère. De ce fait, le père occupe une place prépondérante dans l'éducation. La présence du père est vécue comme rassurante peut-être à cause de la défaillance de la mère.

Dans ces 4 situations, le lien affectif qui existe entre le jeune et son père est très fort.

A la question : «quelle est la nature des relations avec votre père ?», dans les 4 situations, la réponse est «bonne».

A la question : «comment le jeune perçoit la présence du père ?», les réponses sont significatives de l'importance de la présence, à savoir : «rassurante», «très bien», «très présent».

* Présence de la mère seule à la consultation

6 situations où les parents vivent en couple, les pères ne sont pas impliqués dans la prise en charge.

Comment expliquer cette absence. Les réponses au questionnaire sont les suivantes :

- «s'occupe de ses affaires»

- «indifférent»

- «père très en colère préfère ne pas venir, très occupé»

Qu'en est-il de la nature des liens :

Liens très conflictuels, relations distantes, père froid et autoritaire.

Ces réponses sont caractéristiques d'un non implication flagrante dans tous les domaines relatifs à l'éducation des enfants.

Il s'agit là comme l'explique Fritz Graccus d'un modèle type de matrifocalité fonctionnelle où la famille tout en répondant au principe de légitimité avec un père reconnu par la loi, fonctionne avec un père légitime marginalisé puisque tous les pouvoirs reviennent de fait à la mère.

4) Jeunes dont les parents sont divorcés ou séparés

a) Population

4 jeunes sont concernés

Age

Sexe

10-15

16-20

21-26

Masculin

 

1

1

Féminin

 

1

1

b) Origine de la demande de soins :

Parents : 4

c) Présents à la consultation

Les 2 parents : 0

Mère seule : 2

Père seul : 2

d) Analyse

Dans les 4 situations, nous constatons des difficultés relationnelles entre les parents.

A la question posée au jeune : «Parlez-moi des relations entre vos parents», les réponses sont les suivantes : très mauvaises, conflictuelles, inexistantes.

Quelles sont les réactions du père en apprenant la consommation de son fils ou de sa fille ?

Dans 2 situations, le père a récupéré son fils.

Les réactions oscillent entre colère et culpabilité.

La consommation de cannabis de son enfant lui renvoie un sentiment d'échec dans l'éducation.

Le fait de récupérer l'enfant peut se traduire par la volonté de réparer les failles causées par la rupture avec la mère.

Dans les 4 situations, il apparaît un lien entre la prise de produit et la relation avec les parents.

Comment le jeune perçoit-il la présence du père ?

Dans les 2 situations où le jeune vit avec le père :

- l'un n'est pas gêné et profite pour parler de la tension qu'il y a entre eux ;

- par contre l'autre jeune considère que son père est trop exigeant.

S'agissant des 2 situations où la mère vit seule avec sa fille, les relations entre les parents sont inexistantes.

Les jeunes ne se prononcent pas sur l'absence du père.

Par contre, la réaction d'un père a été très violente alors qu'il ne s'occupe pas de sa fille. Il est très mécontent en apprenant la consommation de sa fille.

IV - RETOUR A L'HYPOTHESE

Nous reprenons l'hypothèse formulée à la page 16

L'implication des pères des jeunes consommateurs de cannabis lors des consultations cannabis constitue-t-elle un facteur déterminant de la prise en charge du jeune consommateur ?

Nous constatons que dans la majorité des situations dans lesquelles il s'implique, la présence du père est bénéfique. Il est vrai que la qualité du lien ne peut se quantifier d'où la difficulté de confirmer l'hypothèse.

Cependant, si nous prenons en compte la dimension émotionnelle et les ressentis des jeunes qui verbalisent clairement leurs sentiments de satisfaction face à la présence du père. Cette présence peut être l'occasion de faire le point sur le délitement des liens qui peut être à l'origine de sa consommation.

Les échanges avec les professionnels de la Consultation Cannabis confirment l'importance de la présence paternelle dans les consultations et mettent tout en oeuvre, en vue de renouer les liens entre le jeune et son père.

Il s'agit de prendre en compte le désir du jeune à tenter de nouveau cette expérience qui peut être vécu douloureusement.

La mère sert de facilitateur dans cette démarche lorsqu'elle y adhère.

Le souci des professionnels dans leur approche est de mettre tout en oeuvre pour aboutir au mieux-être et à l'épanouissement de tous les acteurs de la dynamique familiale.

CONCLUSION

Ce travail de recherche nous a permis un enrichissement personnel dans le domaine des addictions.

Des échanges fructueux avec les professionnels et une prise de conscience plus grande de la souffrance des familles et des jeunes consommateurs face à l'ampleur des conduites addictives dans notre département.

Les réflexions menées sur la place du père dans la société guadeloupéenne, les observations de leur mode de fonctionnement, ont suscité une remise en question de notre mode de pensée concernant l'implication des pères dans l'éducation de leurs enfants.

Peut-être devons-nous changer notre approche en écartant tous les a priori sur les pères antillais (absents, irresponsables) qui renvoient à une vision négative de la fonction paternelle.

Il serait peut-être plus judicieux de mettre tout en oeuvre pour l'intégrer au processus de soins et de mener un travail d'approche auprès des mères pour arriver à un objectif commun qui est l'épanouissement du jeune.

Limites du travail

Nous avons rencontré des difficultés dans le traitement des données en terme quantitatif qui ne nous permettaient pas d'avoir une visibilité du rendu des réponses.

De ce fait, nous avons insisté sur le contenu des réponses et mis en évidence les ressentis des personnes interrogées.

RESUME

Notre travail de recherche mené

au Centre de Consultations Cannabis

du COREDAF en Guadeloupe a porté

sur l'interrogation suivante :

« L'implication des pères des jeunes consommateurs de Cannabis

lors des consultations Cannabis

en Guadeloupe, constitue-t-elle

un facteur déterminant de la

prise en charge du

jeune consommateur ? »

Nous avons tenu compte des paramètres suivants pour mener à bien nos réflexions :

- les modes d'usage des jeunes consommateurs

- l'organisation familiale aux Antilles dans laquelle la mère occupe une place prépondérante

- la présence du père lors de la consultation

- la nature du lien entre le jeune et son père dans la dynamique familiale.

Summary

Cannabis Counseling in Guadeloupe carried our research on the following question  :

«Is the participation of fathers of young cannabis consumers in consultation sessions in Guadeloupe a determining factor in getting young cannabis users to subscribe to the program ?»

To answer this question we have taken the following variables into account :

- consumption method of young users ;

- family organization in the Caribbean where the mother usually takes the predominant position ;

- presence of the father during consultations ;

- relationship between the young consumer and this father within the familiy

BIBLIOGRAPHIE

· Les lieux de la mères dans les sociétés afroaméricaines.

Fritz GRACCUS - Editions Caribéenne.

· Le père oblitéré - Chronique antillaise d'une illusion.

Livia LESEL - Editions l'Harmattan

· Prévenir les toxicomanies

Alain MOREL - Edition Dunod.

· Psychotropes. Addictions : en sortir

Vol. 12 - n° 3-4 2006.

· Toxicomanies

Abrégés : P. Angel, D. Richard, M. Valleur, E. Chagnard - 2è édition. Edition Masson

§ Crack et cannabis dans la Caraïbe

Aimé Charles Nicolas

Edition L'Harmattan

REVUES

· Nouvel Observateur

26 octobre/1er Novembre 2006

· Santé de l'homme n° 386

Novembre-Décembre 2005

· Cannabis ce qu'il faut savoir

· La parentalité

(de la généalogie aux pratiques éducative)

Espace Social - Revue du CNAEMO

ANNEXES

ANNEXE 1

Questionnaire à destination des jeunes

II) Identification

Age :

Sexe : £ F £ M

Adresse : ......................... .... .................................... .................................... .................................... .....................

.................................... .................................... .................................... .................................... ....................................

.................................... .................................... .................................... .................................... ....................................

Nationalité :

Situation professionnelle des parents:

Père :

Mère :

Situation familiale:

£ Monoparentale

£ Couple

Nombre de frères et soeurs:

du même père:

de pères différents:

Pathologies des parents à préciser:

.................................... .................................... .................................... .................................... .....................................

.................................... .................................... .................................... .................................... ....................................

.................................... .................................... .................................... .................................... ....................................

.................................... .................................... .................................... .................................... ....................................

III) Consultation

Origine de la demande de soin:

£ Education nationale

£ Parents

£ Jeune

£ Services sociaux

£ Autre.................................... .................................... .................................... ...............................

Présent à la consultation:

Père Mère Autre Famille Amis Autre

Raisons de l'absence du père lors de la consultation

£ Parents séparés

£ Père inconnu par le jeune

£ Père connu mais absent dans l'éducation

£ Père décédé

£ Autres .............................. .............................. .............................. ..............................

Raisons de l'absence de la mère lors de la consultation

£ Parents séparés

£ Mère inconnue par le jeune

£ Mère connue mais absente dans l'éducation

£ Mère décédée

£ Autres.........................................................

Liens du jeune avec son père :

£ Fréquents

£ Sporadiques

£ Sans

£ Sans objet

Réactions lors de la consultation

- Que pensez-vous de l'absence de votre père (mère) lors de la consultation ?

...............

- Parlez moi de votre relation avec votre père (mère):

...........................................................................

- Quels effets constatez-vous lors de la prise du produit :

effets positifs:

..........................................

effets négatifs:

........................

- Avez-vous constaté une augmentation de votre consommation depuis le départ de votre père (mère) ?

..................

- Quelle a été la réaction de votre père en apprenant votre consommation de cannabis ?

.........

- Parlez-moi des relations entre vos parents ?

.........

ANNEXE 2

JEUNES VIVANT DANS DES FAMILLES MONOPARENTALES

Réponses au questionnaire

1) Que pensez-vous de l'absence de votre père (mère) lors de la situation ?

- Indifférent (3)

- Il vit en France ne peut pas être présent

- Absence bénéfique pour la famille parce qu'il est toxicomane

- Vit en France.

2) Parlez-moi de votre relation avec votre père ?

- bonne (2)

- aucune

- très mauvaise

- très conflictuelle

- je me sens petit garçon devant lui

- mauvaise

- vagues souvenirs d'enfance.

3) Quelle a été la réaction de votre père en apprenant votre consommation de cannabis ?

- Indifférence

- Grande déception, colère

- Très affligé veut m'aider, veut me faire entrer en France

- Très furieux mais a réfléchi et veut m'aider

- Indifférent

- Pas surpris pense que cela arrive à beaucoup de jeunes.

4) Parlez-moi des relations entre vos parents

- bonnes relations (3)

- inexistantes (2)

- très distantes

- très distantes du fait de l'éloignement.

5) Perception de la présence du père par le jeune

- Intrusion dans sa vie, ne supporte pas

- Voudrait que son père soit là mais l'éloignement géographique contribue à l'éloignement moral

- Se sent rassuré en présence de son père mais n'arrive pas à lui faire face, inhibition en sa présence.

6) Lien entre la relation père/jeune et la prise de produit

- Dépendance

- Carence affective.

ANNEXE 3

JEUNES DONT LES PARENTS VIVENT EN COUPLE

Réponses au questionnaire

1) Que pensez-vous de l'absence de votre père (mère)

- Indifférent

- Père très occupé

- Père très en colère préfère ne pas venir

- S'occupe de ses affaires.

1) Parlez-moi de votre relation avec votre père

- Distante

- Père très protecteur

- Bonne mais parle trop

- Bonne (2)

- Aucune

- Relation distante père froid et autoritaire

- Relation très conflictuelle

- Pas de dialogue pas de communication

- Plutôt bonne, père sévère mais ouvert au dialogue

- Relation conflictuelle il est égoïste.

2) Quelle a été la réaction de votre père en apprenant votre consommation de cannabis ?

- Malade

- Très surpris, très en colère mais veut m'aider

- Déception

- Déception et culpabilité

- Colère

- Très déçu et très en colère

- Furieux, voulait me battre

- Surpris et déçu

- Mécontent, agressif.

3) Parlez-moi des relations entre vos parents

- Beaucoup trop de disputes

- Peu de dialogue

- Bonnes (3)

- Bonne entente

- Très bonnes

- Distantes, chacun agit de son côté

- Mère soumise à l'autorité du père

- Plutôt bonnes

- Conflictuelles.

4) Perception de la présence du père par les jeunes

- Peur

- Rassurante (2)

- Persécution par rapport à la consommation

- Très présent (favorable)

- Très favorable

- Distante source de conflit

- Gênante à l'origine d'un nouveau conflit.

5) Lien entre la relation père/jeune et la prise de produit

- Disputes fréquentes entre père et mère favorisant la consommation de cannabis

- Dépendance

- Carence affective

- Compensation de carence affective

- L'indifférence du père le blesse.

ANNEXE 4

JEUNES ISSUS DE PARENTS DIVORCES

Réponses aux questionnaires

1) Que pensez-vous de l'absence de votre père (mère) lors de la consultation ?

- Mère ne vit pas au domicile

- Mère n'est pas impliquée dans l'éducation

- Père vit en France ne s'occupe pas de moi.

2) Parlez-moi de votre relation avec votre père (mère)

- Relations tendues avec mon père

- Mère surprotectrice

- Relations limitées conflictuelles

- Pas de relation avec mon père.

3) Quelle a été la réaction de votre père en apprenant votre consommation de cannabis ?

- Il m'a récupéré

- Colère, culpabilité

- Pas de réaction car consommateur

- Très mécontent (privation).

4) Parlez-moi de la relation entre vos parents

- Mésentente

- Très mauvaise

- Conflictuelles

- Inexistantes.

5) Perception de la présence du père par le jeune

- Pas gêné, profite pour parler de la tension existante entre eux

- Trop exigeant.

6) Existe-t-il un lien entre la relation père/jeune et la prise de produit ?

- Rupture familiale

- Dynamique familiale perturbée

- Dissociation familiale.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe