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Les jeunes face au cannabis en Guadeloupe

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par Chantal Dongal
Université Paris V - DU addictologie 2008
  

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D) LA FONCTION PATERNELLE AUX ANTILLES

La prise en compte de l'environnement familial dans la prise en charge des jeunes consommateurs s'avère importante. Nous allons axer notre étude sur la fonction paternelle, à savoir l'implication du père, cependant il est nécessaire de tenir compte de la dynamique familiale du triangle père-mère-enfant.

Dans le vocabulaire médico-psycho-social, la fonction parentale est définie par le terme «parentalité», «parentalité qui désigne de façon très large la fonction d'être parent, en y incluant à la fois des responsabilités juridiques telles que la loi le définit, des responsabilités morales telles que la socio-culture l'impose et des responsabilités éducatives...» Serge Raquideau, Espace Social, septembre 1997.

Bruel, Président du Tribunal pour enfants de Paris, dans un article «Modernité sur l'interrogation du père», mettait en évidence le fait que la paternité ne peut s'appréhender hors de la triangulation mère-père-enfant. La prise en compte de la dynamique familiale permettant d'expliquer le fonctionnement des différents acteurs ne peut se présenter en dehors du contexte culturel et historique d'une civilisation, ce qui nous conduit à analyser l'organisation familiale aux Antilles :

Le modèle familial matrifocal, modèle prédominant de la société antillaise

«Ce concept émane de l'anthropologue RT Smith qui le définit comme une propriété des relations internes des maisonnées, maisonnée de préférence à famille, au regard de la complexité des dispositifs familiaux existants que celles-ci soient conduites par un homme ou par une femme».

Dans la Caraïbe, selon les travaux réalisés par N. Solien Gonzalez sur les structures de parenté, la principale unité fonctionnelle est représentée par la maisonnée qui se caractérise par la variabilité des liens de parenté et par la suprématie sans contexte du lien mère-enfant sur le lien père-enfant.

Selon Smith, on peut comprendre le complexe matrifocal que si l'on tient compte, d'une part des relations domestiques où le partage des rôles assure à la femme une prépondérance, et d'autre part, des relations intra familiales qui privilégient les relations mère-enfants, frères- soeurs, et accordent peu de place à la relation conjugale, marginalisant de ce fait le partenaire masculin. La relation mère-enfant constitue l'unité centrale de base du groupe familial». Livia Lesel, Le père oblitéré.

Dans ce modèle, les pères semblent graviter à la périphérie de la famille sans toutefois être invisibles ou absents ou en conflit.

De ce fait, un rôle dominant est assuré par les femmes s'agissant de l'éducation des enfants.

Fritz Graccus dans «Les lieux de la mère», nous met en garde de ne pas réduire la notion de matrifocalité à l'illégitimité familiale. «Cette alternative matrimoniale illégitime au regard de la loi est sociologiquement légitime. Utiliser le concept de matrifocalité pour désigner l'organisation familiale sans père, c'est négliger un des niveaux de cette matrifocalité. La matrifocalité fonctionnelle où la famille tout en répondant au principe de légitimité, avec un père reconnu par la loi, fonctionne avec un père légitime marginalisé puisque tous les pouvoirs reviennent de fait à la mère.»

L'organisation matrifocale prendrait ses sources dans le contexte de l'esclavage.

A l'organisation de la famille, était stipulée dans le Code Noir, élaboré par Colbert au XVIIème siècle ( 1685).

Article 12 : «les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves appartiendront au maître des femmes esclaves et non à leurs mères, si le mari et la femme ont des maîtres différents.»

Article 13 : «Si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants tant mâles que les filles suivent la condition de leur mère... si le père est libre et la femme esclave, les enfants seront esclaves pareillement».

Les esclaves étaient considérés comme des biens meubles et n'avaient pas de nom de familles. La filiation n'était pas fondée par un couple géniteur, mais par la mère seule. Dans la société post esclavagiste, le modèle familial le plus courant restait le concubinage, le mariage est toujours resté secondaire.

Un autre paramètre à prendre en compte est celui de l'organisation polygame de tribus d'Afrique, peuples dont sont originaires les Antillais, ce qui tend à légitimer le comportement des hommes qui multiplient les enfants dans plusieurs foyers. Mais à la différence du modèle africain, ils n'assument pas forcément les besoins matériels et éducatifs des enfants.

Une des conséquences de l'organisation matrifocale est que le concubinage constitue le mode d'union prédominant des hommes et des femmes aux Antilles (INSEE), avec une famille élargie capable de subvenir aux besoins des enfants en cas de défaillance du père.

Sylvia Lesel, Le père oblitéré, parlant de l'homme antillais :

La femme antillaise a de l'homme père antillais une représentation très négative avec des appréciations très dévalorisantes.

Chez les mères célibataires, l'image négative du père semble portée par l'insatisfaction d'une attente affective.

La représentation de l'homme se confond avec celle du père, car l'homme antillais, en pratiquant de donjuanisme, «sème» et «donne» des enfants de manière inconsidérée «à tort et à travers» comme cela revient fréquemment dans les discours et il est souvent qualifié d'irresponsable.

L'expression «prendre ses responsabilités» revient fréquemment dans le langage des femmes et plus particulièrement des mères s'agissant de l'éducation des enfants.

L'homme est donc considéré comme responsable s'il est capable d'entretenir ses enfants et la ou les mères de ceux-ci.

Dans le cas où la mère est seule, c'est envers elle que le père doit prendre ses responsabilités ; l'intervention du père transite par la mère.

En 2005, 7 enfants sur 10 sont nés de parents non mariés, cependant comme le souligne Sylvia Lesel dans l'ouvrage Le père oblitéré : «La conjugalité est le modèle dominant souhaité par la femme antillaise, le mariage apparaît comme un passage obligé pour accéder à la réussite sociale, à une certaine notoriété... ».

Le mariage est considéré pour la femme comme un privilège ; elle est privilégiée d'avoir trouvée un homme qui s'engage envers elle et ses enfants pour leur assurer une sécurité matérielle et financière, à la différence des mères célibataires qui doivent assurer seules l'entretien de la famille. Cette recherche de stabilité pousse la femme à «donner un enfant» à son compagnon, avec l'espoir de fonder un foyer stable, mais en vain certaines fois, car l'homme fuyant ses responsabilités la laisse seule avec le ou les enfants ; on constate que ces femmes peuvent reproduire ce schéma avec d'autres hommes, ce qui aboutit à des familles avec plusieurs pères différents.

Parallèlement, la maternité célibataire antillaise apparaît socialement et culturellement acceptée. La famille s'avère être un espace ouvert et accueillant pour la «fille mère» et son enfant.

Si le discours commun s'inscrit dans une vision négative de l'homme antillais, la mère, elle par contre, est acceptée comme mère célibataire, car l'accent est mis sur son courage puisqu'elle assure seule l'éducation des enfants.

La richesse du modèle matrifocal

Le réseau familial et social riche et étendu offre d'immenses possibilités de partage des tâches et de soutien mutuel, d'attachement émotionnel, de stabilité et de protection, ainsi que des modèles identificatoires très diversifiés et une ouverture sur le monde extérieur que les familles d'organisation nucléaire sont loin de pouvoir procurer.

L'environnement social exerce un rôle contenant extrêmement puissant.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon