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Contre histoire de la philosophie / le laboratoire de la philosophie vivante chez Michel Onfray

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par Rania Kassir
Universite Libanaise - DEA 2008
  

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Chapitre V : Un autre 18ème siècle : les ultras des Lumières.

Onfray voit que le 18ème siècle, à l'instar des autres siècles, est profondément divisé c'est-à-dire séparé par deux pensées différentes, voire divergentes et opposées. Il recèle alors des « Lumières pâles » célébrées par l'historiographie dominante et des « Lumières radicales » absolument enterrées.392(*) C'est Michel Onfray lui-même qui a baptisé ces deux lumières du nom de « Lumières pâles » et de « Lumières radicales » et ceci pour bien marquer dans la dénomination même qu'en ce siècle des Lumières, toute lumière ne fut pas radicale.393(*)

Pour commencer, Onfray se réfère tout d'abord à Kant - appelé couramment « le parangon des Lumières » - qui ramasse la théorie des « Lumières pâles » dans son opuscule publié en 1784 et intitulé Réponse à la question : qu'est- ce que les Lumières ?394(*)

A. Les Lumières pâles :

Pour Kant : «  Les Lumières sont la sortie de l'homme de la minorité où il est par sa propre faute. »395(*) Ceci veut dire que les Lumières contrastent avec la minorité car elles poussent l'homme à disposer de son entendement sans aucune contrainte et sans aucun recours à un tiers. La responsabilité de cette minorité repose sur les épaules de chaque homme puisqu'il suffit de se servir de sa raison pour mettre fin à toute obéissance passive. Sapere aude396(*) ou Ose te servir de ton propre entendement : Nous voilà en présence de la formule des Lumières. Sur ce point, Kant et les Lumières radicales peuvent bien s'accorder.397(*)

En revanche, en affinant son propos, Kant nous montre que les femmes398(*), le nègre ou le samoyède, le paysan, le domestique, l'employé, en un mot, les citoyens passifs ou les « torchons populaires » sont exclus de l'humanité. L'homme concerne seulement la petite caste des intellectuels ou l'élite philosophique.399(*) Dans cette logique, les Lumières pour Kant ne peuvent être le fait de tout un chacun.

De même les Lumières ne peuvent être utilisées n'importe comment.

Il importe, dès lors, de saisir cette distinction entre usage public et usage privé de la raison. L'usage public, c'est quand le philosophe communique ses idées, le plus souvent rétives et révolutionnaires, aux lecteurs c'est-à-dire à un large public ou quand il désapprouve publiquement l'ordre établi, l'Etat et ses lois. L'usage privé c'est lorsque le philosophe écrit pour les siens, s'adresse à ses semblables dans les cénacles, les cafés et les salons bourgeois. En ce second cas, affirme Kant, le philosophe peut s'exprimer ouvertement et de façon manifeste.400(*) Critiquer le clergé, la religion et la monarchie est possible, certes, mais uniquement en coulisse et en secret.401(*)

Cette définition des Lumières prônée par Kant 402(*)est nettement visible chez la majorité des idéalistes de ce 18ème siècle : Rousseau, Montesquieu, Diderot, Voltaire, d'Alembert... tous ménagent le pouvoir officiel ; la monarchie et se moquent des gens du commun incapables de pensée et de philosophie.403(*) Pour ne prendre ici qu'un exemple, Onfray trouve que Rousseau, l'auteur de Du Contrat social, prend soin de composer avec la monarchie. Certes, il la dénomme autrement mais il reste qu'il ne renie jamais à son principe qui est de concentrer le pouvoir dans la main d'un seul.404(*) Dans le livre II, chapitre 6 de son ouvrage Du Contrat Social, il dit que le gouvernement républicain est le meilleur régime. Mais il ajoute que la monarchie est elle-même une république puisqu'elle est guidée par la loi.405(*)

A cet égard, Onfray constate qu' : « avec ce genre de citoyen, la famille royale peut dormir en paix »406(*). De même, dans son ouvrage Discours sur les sciences et les arts, Rousseau, au dire d'Onfray, plaide pour le maintien du peuple dans l'obéissance et il s'oppose radicalement à tout désir révolutionnaire et rebelle.407(*)

Il est notable que l'attitude des Lumières pâles, sur ce point, est analogue à celle des libertins baroques, défendeurs des deux mondes. Une question se pose ici : Pour quelle raison, Onfray reproche-t-il aux Lumières pâles leurs attitudes alors qu'il s'est réservé de critiquer les libertins baroques avant eux ? Nous pouvons répondre qu'il étudie, probablement, l'histoire de la philosophie dans sa propre évolution. Les libertins baroques sont novateurs par rapport à leurs siècles : Descartes, Bossuet, Fénelon, Pascal... Mais les Lumières pâles du 18ème siècle sont dépassées par des Lumières plus radicales et plus efficaces.

C'est à ce hiatus entre usage public et usage privé de la raison que les Lumières radicales entreprennent de mettre fin.408(*) Tous ces philosophes soutiennent la nécessité d'écrire pour le peuple, de militer pour son affranchissement, et de condamner avec vigueur la monarchie409(*). Mais il est tout aussi remarquable que certains d'entre eux comme Meslier et d'Holbach vont mêmes plus loin et affichent une pensée radicalement athée. Cette attitude novatrice ne se repère dans aucun corpus des philosophes dominants. Onfray souligne qu'« on chercherait en vain dans la carte postale philosophique du 18ème siècle, des athées revendiqués : le Rousseau de La Profession de foi du vicaire savoyard, le Voltaire du Dictionnaire philosophique, le Montesquieu de toujours, celui des Pensées surtout, le Kant de (...) la critique de la raison pure, Critique de la raison pratique -, le premier Diderot des Pensées philosophiques, l'Encyclopédie même, avec l'abbé Yvon et son article l'« Athéisme », tous affirment l'existence de Dieu. »410(*)

Michel Onfray s'est penché particulièrement sur l'Encyclopédie411(*) car il voit qu'on oublie le plus souvent que ce monument éditorial est épris de l'esprit des idéalistes et non des alternatifs de ce siècle.

De tous temps, on a considéré à tort que l'Encyclopédie passe pour le modèle des Lumières et de la modernité. Pour faire l'économie de cette idée erronée, Onfray va critiquer l'un des participants à l'Encyclopédie ; L'abbé Yvon (1714-1791). Cet abbé n'a dit jamais du bien des athées : ces derniers qui nient la providence, profanent les choses sacrées, blasphèment contre Dieu et la religion catholique méritent à ses yeux les plus strictes sanctions. Il va jusqu'à dire qu'on doit périr les athées et les faire mourir. Ce sont un grand danger pour une société pacifique412(*). On trouve alors un partisan de « la peine de mort » au sein d'une Encyclopédie considérée communément comme l'intelligence d'un siècle. De même, ce curé inquisiteur et exterminateur défend absolument dans son article « Âme » les principes de l'orthodoxie catholique en ce qui concerne l'immortalité et l'immatérialité de l'âme.

Cette attitude de l'abbé Yvon jette le doute sur les directeurs de l'Encyclopédie ; Diderot et d'Alembert, autres idéalistes de ce 18ème siècle.

Michel Onfray soutient l'idée que l'abbé bénéficiait de la confiance de ces deux pour s'être vu attribuer les articles les plus décisifs « Âme » « Dieu » « Athéisme ». A ce propos, il se demande pourquoi Diderot et d'Alembert s'abstiennent de donner ces articles à d'Holbach413(*), le curé athée à même de diffuser l'athéisme. Au lieu de ceci, d'Holbach se voit confier des questions pas tout à fait tranchantes : chimie, sciences naturelles, géologie, minéralogie.414(*)

En résumé, les Lumières pâles ne trouvent satisfaction chez notre philosophe. Il voulait des lumières plus déterminantes qui donnèrent un coup de fouet à la réflexion philosophique. D'où leur double originalité : l'antimonarchisme et l'athéisme. On se propose dans le chapitre suivant de présenter les analyses de Meslier et d'Holbach qui, à l'encontre des autres alternatifs de ce siècle, se consacrent simultanément, à l'examen des deux termes.

* 392 Cf. Les ultras des Lumières, op.cit., p.23

* 393 Ibid., p.25

* 394 Ibid., p.21

* 395 Collectif, Philosophie des Lumières - Leibniz Hume Kant, France Loisirs, 2001, (chapitre : Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières) pp.971-979.

* 396 Sapere aude  ou « ose savoir ! » est une maxime de l'Aufklärung empruntée à un poète Latin Horace (Epître I 2, 40). Ibid., p.979

* 397 Cf. Les ultras des Lumières, op.cit., p.25

* 398 Kant disait à propos des femmes qu'elles ne peuvent faire un pas hors du parc.

Le parc est pris ici dans un sens figuré et signifie : comme les enfants ne savent marcher sans le parc roulant, sans soutien, de même les femmes ont besoin d'un tuteur.

Ibid., p. 972 ; p.979

* 399 Cf. Les ultras des Lumières, op.cit., p.26

* 400 Mais il ne professe jamais l'athéisme

* 401 Ibid, p.26 ; p.27.

* 402 Plusieurs expressions utilisées par Nietzsche fournissent l`attestation de l'idée établie par Onfray, à savoir que Kant n'est pas le philosophe des Lumières que l'on croyait.

Dans l'Antéchrist §10, Nietzsche avait écrit : «  le succès de Kant n'est qu'un succès de théologien » et dans l'aphorisme § 11 nous lisons : « seul l'instinct théologique le prit sous sa protection ! (...) Kant s'idiotisa. » . De même, dans le Crépuscule des idoles, Nietzsche a considéré Kant comme un « chrétien perfide ».

* 403 Cf. Les ultras des Lumières, op.cit., p. 23

* 404 Ibid., p.30

* 405 Cf Florence KHODOSS, Profil textes philosophiques - Du contrat social Rousseau -, Paris, Hatier, 1990, p.68

* 406 Les ultras des Lumières, op.cit., p.30

* 407 Ibid., p.22

* 408 Ibid., p.26

* 409 Certes, Meslier a écrit le Testament dans la clandestinité pour des raisons qu'on a déjà citées ( voir deuxième partie, chapitre I ). Pour autant, son livre s'adresse au public, aux pauvres pour qu'ils se révoltent. Le Testament est donc une bombe à retardement.

* 410 Ibid., p.33

* 411 L'Encyclopédie ou le dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers est la première encyclopédie française. Celle-ci est dirigée par Diderot et d'Alembert. Elle est éditée de 1751 à 1772 et totalisera 35 volumes

* 412 La Chronique - Union des athées soutient les idées d'Onfray en cette question.

Cf. atunionfree.fr/chro007.html

* 413 Il est lui-même collaborateur de dix-sept volumes.

* 414 Cf. Les ultras des Lumières, op.cit, p.33 ; p.34 ; p.35 ; p.36

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand