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Contre histoire de la philosophie / le laboratoire de la philosophie vivante chez Michel Onfray

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par Rania Kassir
Universite Libanaise - DEA 2008
  

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E. Une pédagogie de la mort :625(*)

Dans la dernière partie de son ouvrage Féeries anatomiques, Michel Onfray s'applique à saisir la question de l'euthanasie ou la mort douce. Au premier abord, on croit que la mort douce va mal avec l'ensemble des techniques analysées ci-dessus : mort contre vie, souffrance contre hédonisme, soumission contre liberté et nature contre culture. Pour autant, en examinant bien les choses, on remarque que l'euthanasie se situe dans l'alignement de l'ensemble. Pour y parvenir, Michel Onfray va tracer une ligne de démarcation entre l'euthanasie (Bioéthique prométhéenne) et son alternative les soins palliatifs (Bioéthique conservatrice).

Il dit tout d'abord : « militer pour les soins palliatifs consiste à voter non pas pour la vie, mais pour la mort. Car cette technique prolonge la mort, pas la vie. »626(*). En lisant cette citation, on s'aperçoit que l'opposé des soins palliatifs doit inéluctablement défendre la vie. Reste à savoir le comment de cette défense. En fait, au coeur de la revendication de la mort, se trouve chez le malade une sympathie pour la vie ; la vie épanouie. La vie dans laquelle seul l'emploi du temps qui compte et non le temps en soi. L'euthanasie va donc de pair avec le bien vivre. Les Romains revendiquent le suicide quand tout va bien. Alors que pour Onfray le suicide est légitime uniquement quand on n'est plus qu'un mort-vivant, un vivant sur le point de sombrer.627(*) Autrement dit, quand la pulsion de mort a primé sur la pulsion de vie. A ce titre, donner des soins palliatifs à ce mort-vivant c'est prolonger le triomphe de la mort au profit de la vie. Onfray signale que : « vivre pour vivre, rien ne paraît plus stupide. »628(*)

Outre ce primat de la mort sur la vie, les soins palliatifs réalisent celui de la souffrance sur l'hédonisme. Sauvegarder cette vie qui chemine vers la mort ne va pas de soi. Mais c'est une occasion pour que le malade soit le plus consciemment en présence de sa cruelle souffrance. D'ailleurs l'étymologie du mot palliatif « pallium » signifie la dissimulation, la tromperie, le déguisement, en somme, soigner en apparence.629(*) Ceci dit, le malade qui souffre va examiner sa conscience et demander pardon à Dieu pour se racheter. Passer à la mort sans pardon est inconcevable. La douleur exigée de temps en temps par les soins palliatifs a donc une fonction salvatrice ou rédemptrice.630(*) Dans le même ordre d'idée, ce désir de salut emporte le soignant lui-même qui refuse l'euthanasie (qui elle sauve de la souffrance) sous peine d'être damné par Dieu : on aime autrui, on veille sur le malade, mais non pour sa personne mais pour l'amour de Dieu.631(*) A ce propos, Onfray entend rappeler la phrase célèbre de Kafka, sur son lit de mort, à son médecin « si vous ne me tuez pas, vous êtes assassin. »632(*). Les soins palliatifs formulent donc une morale de l'indifférence au mal alors que l'euthanasie incarne selon Onfray une  « éthique de la pitié ». En faisant son calcul hédoniste et en s'apercevant que la somme des déplaisirs l'emporte sur celle des plaisirs, les défenseurs de l'euthanasie trouvent qu'il est atroce de continuer à vivre quand on a mis à notre disposition un instrument qui tue immédiatement. 633(*)

Nous arrivons maintenant au dernier point ; la liberté contre la soumission ou la nature contre la culture. Ici, nous posons la question suivante : En revendiquant notre mort ne trouvons-nous pas devant notre soumission ? Autrement dit, dans de telles circonstances, la nature ne prend-t-elle pas le pas sur la culture ? Pour résoudre cette aporie, Onfray remonte au suicide romain qui établit son raisonnement à partir de ce paradoxe : En voulant ce qui a été décidé par le destin, je reprends d'une certaine manière ma liberté. Dans cette logique, Onfray proclame: «  je veux la mort voilà la seule façon de rester à l'épicentre de soi-même... ». La liaison entre le suicide et la liberté (hors l'hôpital, pas seulement l'euthanasie) a tourmenté depuis longtemps Platon et les chrétiens. Platon dans le Phédon condamne le suicide pour la bonne raison que nos corps ne nous appartiennent pas mais ils sont la propriété de Dieu, de leur auteur et créateur634(*). Cette idée trouve son équivalence dans le christianisme. L'Eglise n'interdit-elle pas les cérémonies funéraires pour quiconque se donnait la mort volontaire ? Cette idée trouve son fondement dans le premier décalogue de Moïse « tu ne tueras point »635(*) Ce premier commandement de Moïse va être élargi par les exégètes pour inclure son propre meurtre. La deuxième référence est saint Augustin qui dans la Cité de Dieu636(*) énumère les différentes raisons de se suicider et les fustige toutes excepté si le suicidaire répond à l'appel de Dieu : le martyr qui se fait dévorer par les lions...637(*) Dans ce cas, on évite de parler de suicide car la mort dépend du vouloir de Dieu et non plus de notre bon vouloir.

« Ethique élective », « érotique solaire » et « bioéthique prométhéenne » ont commandé toutes trois la liaison entre l'hédonisme et « l'athéisme athée » et ont signalé la discorde entre la sculpture de soi et le nihilisme européen. A ces trois disciplines s'ajoutent trois autres qui vont également reprendre ce projet de déchristianisation de la société. Ces disciplines sont les suivantes : « l'esthétique cynique », « la gastronomie » et « la politique libertaire ». Toutefois, nous proposons une approche générale de ces trois disciplines sans tenir compte des points de détail et ceci pour la raison suivante : la comparaison établie, au sein de chacune de ces disciplines, entre l'épistémè judéo-chrétienne mortifière et la pensée athée hédoniste n'est pas assez développée. Ce qui fait qu'on risque de s'écarter du thème choisi : la déconstruction de l'épistémè judéo-chrétienne.

* 625 Ibid., p.295 ; p.305 ; pp.339-373.

* 626 Ibid., p.367.

* 627 Ibid., pp.340-343

* 628 Ibid., p.340

* 629 Ibid., p.351

* 630 Ibid., p.298 ; p.304

* 631 Ibid., p.361.

* 632 Ibid., p.368.

* 633 Jean-François Mattei, un médecin français, décrit dans son ouvrage de bioéthique Les droits de la vie  la machine à donner la mort :

« Cet appareil dispose d'un ordinateur à clavier muni d'un écran qui indique la marche à suivre : Voulez-vous passer à l'acte ? Si oui, pressez la touche Yes. La seringue de l'aiguille enfoncée dans le bras du malade est alors automatiquement activée. C'est donc le patient et non le médecin qui déclenchera l'injection mortelle ».

Le Figaro, 2 juillet 1996 in Jean-François MATTEI, Les droits de la vie, Paris, Odile Jacob, 1996, p.118.

* 634 Cf. Phédon, op.cit, VI, p.110

* 635 Toutefois, ajoute Onfray, que l'histoire a montré que les chrétiens ont tué les autres.

* 636 Voici quelques extraits du livre premier de La Cité de Dieu qui traitent du suicide.

« Il y a bien une raison si l'on échoue à trouver dans le canon des Ecritures un précepte divin ou une permission sur quoi l'on appuierait pour se donner la mort, que ce soit pour gagner la vie éternelle, ou pour prévenir ou écarter un mal. Nous devons nous le tenir pour interdit ce précepte de la Loi « Tu ne tueras point » (Ex 20, 13) (Saint Augustin, La Cité de Dieu, livre premier, chapitre XX : Qu'il n'est jamais permis de se donner la mort, Gallimard, 2000).

« Mieux vaut garder la qualification de grand pour un courage capable d'assumer une vie difficile au lieu de la fuir. » (Ibid., Livre premier, chapitre XXII, p.33)

* 637 Peut être tel est le cas du Socrate platonisé qui désire le contact avec l'intelligible.

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