Dans le souci de comprendre la réinsertion sociale des
enfants sortis des forces et groupes armés tels qu'effectués par
les organisations à Bukavu et ses environs, nous nous inscrivons dans
la théorie structuro fonctionnelle de Talcott
PARSONS.
Cette théorie résulte de la symbiose du
structuralisme et du fonctionnalisme. Ces deux théories
considèrent la société comme un système social.
Pour le structuralisme, le système social est constitué des
éléments susceptibles de perturber l'équilibre
nécessaire à la persistance, tandis que pour le fonctionnalisme,
le système social a des fonctions qui permettent de maintenir son
équilibre indispensable à sa persistance.
Nous avons utilisé la méthode structuro
fonctionnelle dont le schéma nous a permis de trouver les fonctions que
remplissent les approches dont se servent les organisations locales s'occupant
de la réinsertion des enfants soldats dans la vile de Bukavu et ses
environs.
PARSONS donne quatre postulats appelés
impératifs fonctionnels auxquels fait face tout système social
pour exister et se maintenir en équilibre. Ces impératifs
fonctionnels sont la stabilité normative, l'intégration,
l'adaptation et la poursuite des buts.41
Parsons appelle adaptation l'ensemble
des unités-actes qui servent à établir des rapports entre
le système d'action et son milieu extérieur.
Tel que défini par Parsons, le milieu extérieur
au système d'action est généralement un autre ou plusieurs
autres systèmes, qui peuvent être des systèmes d'action ou
de non-action. L'adaptation consiste à aller puiser dans ces
systèmes extérieurs les diverses ressources dont le
système a besoin, à offrir en échange des produits qui
proviennent du système lui-même et à aménager et
transformer ces ressources pour les faire servir aux besoins du système.
Cette fonction comprend, comme son nom l'indique, les activités
destinées à assurer que le système s'adapte à son
environnement, à ses
40 Grand dictionnaire encyclopédique LAROUSSE
Tome 7, Librairie Larousse, Paris, 1984, P.7740.
41 G.ROCHER, Talcott Parsons et la Sociologie
Américaine,
, PUF, 1972, P.49
contraintes, ses exigences et ses limites, et celles aussi
par lesquelles le système adapte l'environnement à ses besoins,
le modifie, le contrôle, l'exploite.
Ainsi, les organisations locales de la réinsertion,
par le biais de leurs approches, assurent aux enfants sortis des forces et
groupes armés, des formations en métiers qui leur permettent de
se réinsérer économiquement dans les structures de la
société, et grâce à ces métiers, ils gagnent
des ressources dans le même environnement que les autres membres de la
société, ressources qui leurs permettent de réadapter
à la vie civile à Bukavu et ses périphéries.
La poursuite des buts constitue la
deuxième dimension de tout système d'action. Parsons classe dans
cette catégorie toutes les actions qui servent à définir
les buts du système, à mobiliser et gérer les ressources
et les énergies en vue de l'obtention de ces buts et à obtenir
finalement la gratification recherchée.
C'est précisément la capacité de se
fixer des buts et de les poursuivre méthodiquement qui distingue le
système d'action des systèmes de non-action, c'est-à-dire
des systèmes physique ou biologique.
Les organisations de réinsertion des enfants sortis
des forces et groupes armés, grâce et leurs approches
d'interventions, inculquent à ces derniers des connaissances qui sont
des moyens qui leurs permettent de réaliser leurs fins. Ces
connaissances sont entre autres celles scolaires, l'apprentissage des
métiers, l'alphabétisation...
Dans tout système d'action, certaines
unités-actes sont destinées à établir des
contrôles, à inhiber les tendances à la déviation,
à maintenir la coordination entre les parties et à éviter
les perturbations trop profondes. À cet ensemble d'actions, Parsons
donne le nom d'intégration. Il s'agit
de la dimension stabilisatrice du système, c'est-à-dire celle
où se retrouvent les actions qui tendent à protéger le
système contre des changements brusques et des perturbations majeures et
à y maintenir l'état de cohérence ou de «
solidarité » nécessaire à sa survie et à son
fonctionnement. A ce titre, les actions dont bénéficient les
enfants ex combattants de la part des organisations locales à Bukavu et
ses environs leurs permettent d'entrer en contact avec les autres membres de
société. Ces contacts renforcent leur réintégration
dans la vie civile à Bukavu et ses périphéries.
Enfin, tout système d'action a besoin d'un ensemble
d'unités-actes qui servent à assurer chez les acteurs la
motivation nécessaire. Il s'agit en quelque sorte ici de l'accumulation
d'un réservoir de motivation dont doit disposer tout système
d'action, réservoir qui doit toujours se renouveler parce qu'il se
déverse sans cesse. Le système d'action a besoin que
l'énergie provenant de la motivation se maintienne au moins à un
certain niveau minimal. Cette fonction apparaît donc comme une sorte de
système de canalisation qui sert à la fois à accumuler de
l'énergie sous forme de motivation et à la diffuser. C'est
pourquoi Parsons a donné à cette dimension le nom de
latence. Celle-ci est en même temps le
point de contact entre le système d'action et l'univers symbolique et
culturel. Ce dernier appartient au système d'action d'une manière
particulière, en ce qu'il fournit les symboles, les idées, les
modes d'expression et les jugements qui sont nécessaires pour
créer la motivation et la canaliser vers l'action. Grâce aux
soins
psychosociaux des traumatismes que les enfants
reçoivent des organisations, ils reconnaissent leur culpabilité
s'il l'échait, et se réconcilient avec les membres de la
communauté pour le maintien de la cohérence du système des
valeurs et la résolution des tensions qui existeraient dans la
communauté.
Cette théorie du structuro fonctionnalisme de Talcott
PARSONS a été complétée par le
modèle théorique d'analyse pro active d'impact des
politiques de gestion des conflits (conflict impact assessment) mis
sur pied par Luc REYCHLER.42
Par cette théorie d'analyse proactive de
prévention proactive des conflits, on entend l'analyse des effets qui
engendrent et renforcent les structures durables qui elles mêmes
amplifient les possibilités d'une co-existence pacifique,
réduisant les possibilités d'éclatement, de
récurrence ou de persistance d'un conflit violent.
Il est question dans cette théorie d'analyser tous les
effets politiques, économiques, et sociaux qui amplifient les
possibilités de réagir à un conflit d'une manière
violente.
Le but d'une analyse pro active d'impact des possibilités
sociopolitiques de gestion des conflits est de :
· Connaître à temps l'impact positif et ou
négatif de plusieurs types d'interventions (ou leur absence) sur les
conflits.
· De contribuer au développement d'une
prévention des conflits et d'une politique de construction de la paix
plus cohérente,
· De servir d'outils de sensibilisation aux
élites politiques, sociaux, en les aidant à identifier certaines
faiblesses dans leur approche comme points oubliés (incohérences
des actions, priorités inadéquates, etc.).
· De stimuler les efforts de développement et de
construction de la paix.
Cette théorie se veut un rappel pour les gens de
terrain en l'occurrence les organisations de la réinsertion des enfants
sortis des forces et groupes armés (BVES, CELPA, LAV, RECOPE) qui
s'occupent de la prévention des conflits et la construction de la
paix.
Le système d'analyse pro active d'impact des
politiques des conflits comprend six critères pour évaluer les
politiques en fonction de leur capacité à construire la paix. Ces
critères sont les suivants :
> La définition claire et attractive de la paix
qu'on veut atteindre et un cadre conceptuel valable qui indique les conditions
qui stimulent ou empêchent la réalisation de cette paix,
> Une analyse complète des besoins ou de la
présence (ou absence) des conditions mentionnées plus haut dans
la zone conflictuelle,
> Un plan d'action cohérent,
> Une exécution effective de ce plan,
42 Luc REYCHLER, Tatien MUSABIMANA, Stefan CALMEY,
défi de la paix au Burundi : théorie et
pratique, Paris, Harmattan, 1999.
> La reconnaissance et l'inclusion des acteurs primaires
dans le processus de transformation du conflit,
> La prise de conscience et le démantèlement
des murs sentimentaux qui entravent la réalisation des critères
précédents.
En appliquant cette théorie à notre travail, il
sera question de porter un regard perspicace sur les, objectifs, actions, ainsi
que les stratégies mis en place par les organisations de
réinsertion des enfants sortis des forces et des groupes armés,
en analysants les points forts ainsi que les points faibles de leurs politiques
grâce à l'analyse praxéo-configurationnelle qui sera
mobilisée pour cette fin, ce point sera donc traité dans notre
troisième chapitre.
I.3. SECTION TROISIEME : PRESENTATION DU MILIEU
D'ETUDE
Cette section présente les organisations auprès
desquelles nous avons effectué nos recherches.
Il s'agit des organisations suivantes :le Bureau pour le
Volontariat au service de l'Enfance et de la Santé,BVES en sigle , de
l'organisation LAISSER L'AFRIQUE VIVRE, de Communauté des Eglises Libres
de Pentecôte en Afrique CELPA en sigle et du Réseau Communautaire
de Protection de l'Enfance RECOPE en sigle.
I.3.1 Le bureau pour le volontariat au service de
l'enfance et de la santé BVES