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La relation maà®tre disciple dans le monachisme primitif, d'après les écrits de Jean CASSIEN

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par Isabelle PEREE
Université de Strasbourg - Master 2009
  

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Chapitre 1 : Rappel historique.

I. Objectif du chapitre. Si le moine fuit le monde, ce n'est pas par refus de la vie séculière mais par désir de

chercher Dieu. Le désert transforme parce qu'il dépouille l'homme des habitudes mondaines. Les départs successifs des différents pionniers comme Paul de Thèbes, Antoine le Grand, Pachôme, Amoun et Evagre seront présentés ici de manière chronologique afin de donner une idée générale des débuts du monachisme. Nous décrirons avec l'aide des études d'Antoine Guillaumont8 les différentes colonies monastiques et leurs fondateurs, avec présentation d'une carte sur laquelle nous avons, d'après les informations transmises par Cassien, réparti les Pères par communauté. Nous présenterons enfin Cassien et les quinze Pères des Conférences qu'il dit avoir interrogés.

II. Quelques points de repère.

Le monachisme tient une place importante dans plusieurs religions. Des chercheurs 9 ont considéré le mouvement essénien comme l'archétype du monachisme chrétien. D'autres rapprochements avec quelques rares données empruntées à l'Egypte ptolémaïque se sont révélés à l'analyse, inconsistants. D'autres encore ont renoncé à établir un lien entre ces différents styles de vie pour n'en chercher la source que dans l'Eglise primitive et particulièrement dans la vie et l'enseignement du Christ. Celui-ci a vécu caché dans le silence et la discrétion de Nazareth, a vécu la quarantaine au désert dans la prière et a lutté par le jeûne contre la tentation satanique. C'est son attitude de renoncement qui en a fait le modèle du moine chrétien. Jésus a prêché le renoncement à soi-même et a prêché sur la montagne, appelant à la perfection des coeurs. Sa vie d'ascèse, achevée par le martyre en fait l'idéal du moine. Sans l'étude du sens profond de l'enseignement du Christ, on ne peut rien saisir de la finalité monastique. Antoine Guillaumont10 tente de montrer que l'idéal monastique considéré dans ses origines, a des liens étroits avec la vertu fondamentale de l'éthique judéo-chrétienne, la simplicité : haplotês. Le monachos est parent de celui que l'on qualifiait de haploûs, c'està-dire de celui qui n'est pas dipsuchos, qui n'a pas l'âme double : c'est donc celui qui évite de

8 A.GUILLAUMONT : fouilles. Source : www.saint-seraphin.net

9 A.VEILLEUX in « Conférence sur les origines du monachisme chrétien ». Source : http://users.skynet.be/scourmont et R. PANNIKAR in « Eloge du simple » Albin Michel 1995.

10 A.GUILLAUMONT in « Esquisse d'une phénoménologie du monachisme. » Numen, Vol 25 N°1 PP.40-51.

se partager dans ses activités, qui met l'unité dans sa vie, se consacrant tout entier au service de Dieu. Dans la première moitié du IIIème siècle, la vie chrétienne se caractérise encore par une rigueur et un ascétisme développés. Le célibat apparaît comme un modèle de vie plus pur que le mariage. Le luxe excessif est condamné, la nourriture doit être simple, l'alcool consommé avec modération, les spectacles sont interdits à cause des passions idolâtres qu'ils suscitent. Le christianisme, même s'il n'a pas de statut officiel, est ancré dans la société païenne.

C'est vers 250, aux dires de Saint Jérôme11, que Paul de Thèbes que l'on considère

comme le prédécesseur d'Antoine père du désert, s'enfonce dans les montagnes du désert il vivra quatre-vingts ans sans voir personne et opte définitivement pour la vie érémitique.

« Plusieurs ont douté quel a été celui d'entre tous les solitaires qui a le premier habité les déserts; et il y en a qui, remontant bien loin jusque dans les siècles passés, veulent que les premiers auteurs d'une si sainte retraite soient le bienheureux Hélie et saint Jean-Baptiste ; dont l'un me semble devoir plutôt être considéré comme un prophète que comme un solitaire, et l'autre a commencé à prophétiser avant même que de naître. D'autres assurent, et c'est la commune opinion, que saint Antoine doit être considéré comme le maître de ce projet; ce qui est vrai en partie puisque, bien qu'il n'ait pas été le premier de tous les solitaires qui en fuyant le monde ait passé dans le désert, il a été le premier qui par son exemple a montré le chemin et excité l'ardeur de tous ceux qui se sont portés à embrasser une vie si sainte; car Amatas et Macaire, deux de ses disciples dont le premier l'a mis en terre, nous assurent encore aujourd'hui qu'un nommé Paul Thébéen a été celui qui a commencé à vivre de cette sorte, en quoi je suis bien de leur avis. Il y en a aussi d'autres qui, feignant sur cela tout ce qui leur vient en fantaisie, voudraient nous faire croire que Paul vivait dans un antre souterrain, et que les cheveux lui tombaient jusque sur les talons; à quoi ils ajoutent d'autres semblables contes faits à plaisir, et que je n'estime pas devoir prendre la peine de réfuter, puisque ce sont des mensonges ridicules et sans apparence.

Or, d'autant que l'on a écrit très exactement, tant en grec qu'en latin, la vie de Saint- Antoine, j'ai résolu de dire quelque chose du commencement et de la fin de celle de Saint-Paul, plutôt à cause que personne ne l'a fait jusqu'ici que par la créance d'y pouvoir bien réussir; car quant à ce qui s'est passé depuis sa jeunesse jusqu'à sa vieillesse, et aux tentations du diable qu'il a soutenues et surmontées, personne n'en a connaissance 12. »

De gros doutes existent quant à l'historicité de Paul de Thèbes. Jérôme aurait-il voulu imiter Athanase et sa Vie d'Antoine ? Il dit lui-même que l'on ne sait rien de la jeunesse, de la vieillesse, ni des tentations dont Paul a été victime. Mais l'intention de Jérôme est sans doute de démontrer le fonctionnement du désert : on s'y retire et l'on se met sous l'autorité d'un plus sage qui transmet l'expérience de la vie solitaire. Il est donc démontré qu'Antoine non plus, n'a pas échappé à cette tradition, à ce schéma typique de la vie anachorétique.

11 Saint JEROME in « OEuvres mystiques. » Bibliothèque numérisée de l'abbaye St Benoît de Port Valais. www.Abbaye-saint-benoit.ch/saints/jerome/index.htm

12 Ibid.

Athanase écrit que vers 270, Antoine, père des moines, se retire au désert et s'adonne à la vie solitaire dans un fortin romain abandonné entre le Nil et la Mer Rouge. Antoine est un « spoudaioi » (zélé) explique D.J. Chitty 13 , terme utilisé durant toute la période du monachisme primitif pour désigner les hommes voués à la vie chrétienne intégrale sans que rien de particulier ne les distingue de la communauté chrétienne en général. Vers 323, Pachôme, après s'être exercé à la vie solitaire à Chenoboskion, près de Nag Hammadi, fonde la première communauté de cénobites dans un village abandonné de Tabennisi, en Haute Egypte. Le développement du monachisme vient désormais relayer, par le rayonnement des monastères et leur proximité de la population, l'action que menait jusque là le clergé séculier.

Vers 325, Amoun fonde un centre monastique dans le désert de Nitrie. Vers 330, Macaire établit son premier monastère au désert de Scété. Vers 335, fondation d'un nouveau centre monastique aux Kellia par Amoun et Antoine. Vers 340, Pachôme crée pour sa soeur un couvent de femmes. En 356, Antoine meurt plus que centenaire et c'est à ce moment qu'Athanase écrit sa vie qui sera traduite en Latin par Evagre d'Antioche en 375. Cet ouvrage suscitera de nombreuses vocations et exercera une influence considérable. Vers 382, Evagre le Pontique s'installe à Scété où il mourra en 399. Sa doctrine spirituelle nourrie de toute l'expérience accumulée par les grands solitaires, exercera une profonde influence. En 384, Jean Cassien devient moine. Il restera en Egypte jusqu'aux alentours de l'an 400 avant d'aller fonder l'abbaye de Saint Victor de Marseille. Ses écrits, les « Conférences » et les « Institutions, » nourriront, plus tard, toute la spiritualité occidentale.

C'est dans la solitude du désert, loin des foules et des querelles des intellectuels chrétiens qu'Antoine participe à sa façon à la défense de l'orthodoxie. C'est par son exemple et son témoignage qu'il multiplie les anachorètes et les regroupe en centres dont celui du désert de Nitrie qui compte environ cinq mille moines, celui des Kellia qui en contient plusieurs centaines, puis Scété fondé par Macaire, où s'illustre Evagre. Le style de vie qu'adoptent les moines anachorètes n'est pas une innovation : l'anachorèse est le commun recours dans l'Egypte antique pour tous ceux qui ont une bonne raison de fuir la société : criminels, bandits, débiteurs insolvables et asociaux de toutes espèces... L'anachorèse est en sorte une forme de protestation et quelquefois l'unique porte de sortie qui restait à ces déracinés.

Ava÷copsiv = s'éloigner. (Ava = éloignement. Xcopsiv = aller.)

13 D.J.CHITTY in « Et le désert devint une cité. » S0. N°31. Bellefontaine.1980.

Le moine, lui, semble choisir ce départ au désert pour des motifs d'ordre spirituel. Il ne « fuit » pas, il « va vers... » Il rompt les liens qui l'unissaient avec sa famille, son village ou sa ville mais également avec l'organisation ecclésiastique régnante. A.Guillaumont dit que le moine renonce avant de s'éloigner et nous touchons à une notion essentielle de la démarche monastique qui est la îevzveza, donc la démarche par laquelle le moine s'arrache à son milieu naturel, sa famille et sa patrie pour s'en aller vivre ailleurs14. Les anciens se côtoient essentiellement le jour de la synaxe ou en semaine lorsque les disciples ou les frères viennent leur rendre visite. Les rapports avec le monde varient selon les Pères. Certains d'entre eux ne se montrent pas et vivent davantage en solitaire que d'autres. La « vie d'Antoine » nous relate que l'ont voit des « choeurs de moines » dispersés mais unis, des cellules d'ermites absolument seuls et aussi de petits groupements autour d'un ancien. Abba Antoine lui-même goûtait parfois à la solitude mais recevait également pour des guérisons ou encore se rendait lui-même dans la ville à la rencontre des gens. Les anachorètes choisissent une recherche directe de Dieu, sans intermédiaire d'aucune sorte, Eglise incluse. L'anachorète lutte seul et les ennemis qu'il doit vaincre sont l'ennemi personnel, le corps et son expression, la sexualité et le démon. Pour lui, il n'existe pas de péché social, tous les péchés sont individuels. Dans sa retraite, l'anachorète rencontre fréquemment d'autres ermites qui ont fui pour des raisons différentes des motifs religieux. Ils sont bandits, assassins, déserteurs des armées, viennent vivre fréquemment avec ces moines et plusieurs fois se convertissent dans la recherche de Dieu.

La communauté de Nitrie est dirigée par un abbé prêtre, secondé par un collège de sept anciens, prêtres également, mais dont le rôle est essentiellement administratif et disciplinaire. Ceux-ci ne sont pas « supérieurs » des communautés. (Les groupes de semi anachorètes sont appelés « communautés » parce qu'ils sont en groupes organisés.)

Nitrie, ayant souffert des querelles doctrinales, disparaîtra au profit des monastères d'Alexandrie et du désert de Scété. Les Kellia sont fondées par Amoun également, pour assurer aux ascètes la solitude qu'ils ne trouvaient plus en raison de l'affluence des moines. A la tête de cette communauté : Macaire d'Alexandrie. Scété est fondé par Macaire d'Egypte et est florissant jusqu'à nos jours. (C'est l'actuel Wadi Natrun.) C'est là-même que Paphnuce, accueillit Cassien et Germain.

14 A.GUILLAUMONT in « Aux origines du monachisme chrétien » Paris 1979.

Pallade décrit la vie de Nitrie :

« ... cinq mille hommes environ y habitent, ayant différentes sortes de manières de vivre, chacun se comportant selon ses capacités ou son choix. Ainsi, il est permis de demeurer seul, à deux ou au sein d'un groupe. On trouve sur cette montagne sept boulangeries pour le service de ses habitants et aussi pour celui des anachorètes du grand désert qui sont au nombre de six cents (...) A proximité de l'église, l'hôtellerie accueille l'étranger qui se présente. Les Pères l'y reçoivent aussi longtemps qu'il le désire jusqu'à ce qu'il choisisse librement de partir. Ils lui accordent une semaine d'oisiveté puis l'invitent à travailler soit au jardin, soit à la boulangerie, soit à la cuisine (...) Ils ne se rendent à l'église que le samedi et le dimanche. Huit prêtres en ont la direction, mais tant que vit le premier d'entre eux, aucun autre ne célèbre, ne prêche ni ne prend de décision. Ils siègent seulement près de lui en observant un paisible silence 15. »

Pallade se réfère peut-être à des souvenirs personnels mais également à des souvenirs entendus d'autres personnes où un large espace est fait à des éléments légendaires. Son but est de mettre en exergue le sens spirituel de la vie érémitique et non de partager avec précision le quotidien de ce qu'il aurait réellement vécu au désert de Nitrie. Sa description relève de l'hagiographie et la prudence s'impose à l'abord de ces textes.

Il se dégage au travers des Conférences que c'est essentiellement dans la communauté de Scété que Cassien séjourna16, même s'il apparaît dans ses écrits qu'il visita également les Kellia ainsi que les colonies de Diolcos et Panéphysis. Quant à Nitrie, sans doute était-elle déjà dissoute puisque Cassien n'en fait pas mention dans ses écrits. Les différents groupements de moines répartis en « laures » (ermitages séparés) ne comprennent qu'une seule église qui rassemble les moines pour la synaxe dominicale. Pallade décrit un réfectoire, car ils se réunissent pour un repas communautaire le dimanche après la liturgie, une boulangerie et une réserve de provisions. Il y a également les locaux du frère économe et celui pour l'accueil des hôtes puisque déjà, à cette époque, l'hospitalité semble avoir son importance avant même la création des communautés cénobitiques par Pachôme quelques décennies plus tard. Pendant la semaine, les Pères vivent seuls ou à quelques uns (souvent un ancien pour deux ou trois disciples) dans des laures éloignées du centre de réunion hebdomadaire. Dans la Vie d'Antoine, il est question de povaovçpzov qui désigne toujours la demeure d'un ascète individuel, un ermitage. C'est pourquoi on parlera également chez Cassien de « monastère » lorsqu'il s'agit d'un groupement de plusieurs laures. Les Pères du désert travaillent le jonc pour en fabriquer des nattes et des paniers, en même temps qu'ils prient. On dit qu'ils connaissaient par coeur (en raison de l'analphabétisme de certains) les cent cinquante psaumes qu'ils récitaient, tout en tressant le jonc. Quelques-uns louent leurs

15 PALLADE in : « Histoire lausiaque. » Spiritualité orientale n°75. Bellefontaine 1999.

16 Sr.MARIE-ANCILLA in « Saint Jean Cassien, sa doctrine spirituelle. » LA THUNE/ Marseille. 2002.

services dans des fermes, d'autres, les plus intellectuels d'entre eux, travaillent comme copistes. Scété comptait quatre groupements de communautés semi-anachorétiques. Tous les quatre étaient placés sous la direction du Père de Scété. (D'abord Macaire d'Egypte, puis Paphnuce et enfin Jean Kolobos.)

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery