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L'émigration dans le Damga: l'exemple du village de Wodobéré dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal

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par Abdoulaye THIOYE
Université Cheikh Anta Diop - Maà®trise en Géographie 2009
  

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I.4 : La végétation

La particularité de cette partie du pays est la présence du fleuve Sénégal. La formation végétale est influencée par les différentes phases de l'évolution du fleuve. Ainsi, grâce à la crue certaines espèces ont pu pousser sur les différents sols. Sur le lit majeur du fleuve la végétation est peuplée par les mimosacées, asclépiadacées et des rhamnacées.

Sur les terres limoneuses ou argileuses se trouvent le Zizyphus mauritiania, l'accacia nilotica et accacia seyal et quelques espèces grégaires. Sur les terres du diéri (hollaldé), se trouve la savane arbustive claire avec des espèces adaptées à la sécheresse (feuilles réduites, épines) telles que les calotropis procera et les balanites aezyptiaca. Le tapis herbacé discontinu, présent durant l'hivernage, est composé de graminées annuelles comme cenchrus biflorus.

II : Le cadre humain

II.1. Le village de Wodobéré : des origines à nos fours

II.1.1. L'historique du peuplement et l'avènement de l'émigration

Fondé vers 1734 selon la tradition orale par Déwo Alako Ndiaye, le nom du village de Wodobéré dériverait du Pulaar « Ina wandi béré » qui signifie littéralement il y a des nids de poissons. Ainsi, rattachant le poisson à une catégorie spécifique de la population,

on en déduit que les Suubalbé sont les premiers habitants de ce village.

En effet, dès sa création le fondateur fut confronté à des conflits qui l'opposaient aux habitants des villages environnants. Parmi ses plus farouches détracteurs il y avait le nommé Sawa Sadio, un habitant de Thiemping, un village qui se trouve à quelques 3km au Nord-est de Wodobéré. A l'époque, ce sont les terres se situant à cheval entre les deux villages et l'exploitation des eaux poissonneuses qui constituaient le casus belli.

Dominé par son adversaire, Déwo Alako fit appel à son neveu Yéro Dégo Sow, un guerrier réputé par son invincibilité et son sens du combat. Grâce à ce dernier, les deux protagonistes trouvèrent un consensus et finirent par retrouver la paix. Ainsi, Déwo Alako et son neveu s'installèrent sur le site appelé Godobel qui est à quelques encablures de l'emplacement actuel du village. A l'époque le village était peuplé essentiellement par la

caste des Suubalbé et de Sebbe, Déwo Alako son chef.

Avec l'instabilité de l'ensemble du royaume du Tékrour, le village commence à enregistrer petit à petit ses premiers habitants venus du Tooro. « En dehors de la communauté des sebbe, Damga et Nguenaar sont le domaine de colonisation (kooddi) à

partir du Tooro, du Law, des Yirlaabe-Hebbiyaabe, du Booseya et du Haayre :
Ndulumaaji, les trois Dumga, Wuro-soogi, Seedo, Kanel, Sincu Bamambe, Wodobere,

[...]. »12 Ces habitants apportèrent avec eux certains attributs de leurs origines. L'existence des quartiers de mêmes noms tels que Yénaké et de Gouloum aussi bien à Wodobéré que dans certains villages du département de Podor est très illustratif. Le peuplement du village est également consécutif à l'éclatement de l'empire du Mali et aux vagues migratoires venues du Djolof.

Ces différentes vagues seraient à l'origine du peuplement du village par les autres

catégories socioprofessionnelles. Ainsi, au fil du temps, la caste des Se??e devenait
beaucoup plus représentative et prenait les rênes du village au détriment des Suubal?é. Ils

dirigeaient la vie politique et économique du village. Ainsi, pendant une longue période la fonction du chef de village était âprement disputée entre les familles Thioye et Sow avant de devenir la chasse gardée de la famille Sow.

De son origine aux années soixante, les habitants du village vivaient essentiellement des ressources tirées des quatre activités traditionnelles à savoir l'agriculture, l'élevage, la pêche et la cueillette. A l'époque, les plus riches étaient ceux qui détenaient plus de terre et par conséquent plus de ressources dérivées de l'agriculture comme le mil. L'émigration, interne ou internationale, était méconnue par les populations durant cette période de leur histoire.

Le fleuve Sénégal restait le moyen de transport dominant parce que l'essentiel des déplacements se faisait par la voie fluviale. La pirogue resta jusqu'à une époque très récente l'un des rares moyens de transport. Jusqu'aux années deux mille, elle permettait la liaison entre Matam et Wodobéré, distants de vingt cinq kilomètres. Par ailleurs, les animaux ont également joué un rôle de premier plan dans les modes de déplacements des populations et le plus utilisé à l'époque fut l'âne. L'apparition des charrettes tirées par des chevaux sonnait le début d'une révolution dans les modes de déplacements des populations contemporaines.

Cette période se caractérisait également par le manque criard des services sociaux de base puisqu'il n'existait ni école de type occidental, ni structure de santé encore moins de moyens de communications efficaces. A titre illustratif, les habitants s'approvisionnaient en eau potable à partir du fleuve et pour communiquer avec les villages environnants ils se déplaçaient à d'os d'âne. La seule école qui existait à l'époque était l'école Coranique.

12 Kane Oumar : La première hégémonie peule : le Fuuta Tooro de Kolli Tennela à Almaami Abdul, p204

L'avènement de l'émigration

Jusqu'aux années 1940, 1950 voire 1960, le village n'avait pas connu de changements importants ni dans sa structuration ni dans son mode de fonctionnement. Le seul fait marquant était la création d'un nouveau quartier dénommé HLM. Ce quartier, qui constituait une extension du village, n'était composé que de quelques maisons. L'essentiel des matériaux de l'habitation était en banco. La solidarité, l'entraide et la fraternité étaient les maîtres mots de la vie communautaire. La hiérarchisation de la société aidant, les rapports sociaux étaient conviviaux et permettaient une certaine stabilité.

La deuxième guerre mondiale fut la première cause de déplacement des populations de ladite localité. Certains actifs étaient enrôlés dans les rangs des combattants pour défendre les couleurs de la France. Plusieurs personnes avaient participé à cette guerre fratricide. Ainsi, l'après guerre constitua un tournant important dans l'évolution du village, parce qu'au retour des combattants et d'après leurs récits de voyage, leurs frères et enfants voulurent découvrir le monde extérieur. Ainsi, les premières émigrations volontaires commencèrent à partir de 1953. Depuis lors, le nombre des émigrés ne cesse d'augmenter.

Cependant, les principales dates marquantes de l'histoire de l'émigration de cette localité sont 1960 et 1970. La première date constitue le point de départ de l'émigration internationale à partir du village. C'est à partir de 1961 plus précisément que le village a enregistré le premier migrant vers la France. Toutefois, il existait une émigration intraafricaine de moindre importance dès 1953. La deuxième date marquante, c'est-à-dire 1970, coïncidait avec la période de sécheresse qui avait frappait le monde rural. Les populations qui étaient frappées de plein fouet par cette sécheresse adoptèrent la mobilité comme stratégie de survie. Ainsi, fort de cette contrainte, plusieurs jeunes se retrouvèrent d'abord dans les régions sénégalaises les moins touchées et par la suite dans certains pays ouestafricains.

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Déjà, dès cette période qui marquait les débuts de l'émigration dans le village, le complexe des non-émigrés face aux émigrés se faisait sentir à travers les chansons des jeunes filles. Ceux qui avaient voyagé bénéficiaient beaucoup plus de considération par rapport à leurs concitoyens restés au village. Parce que le choix de voyager, d'affronter le monde extérieur était considéré comme un acte de courage et de bravoure pour ceux qui le pratiquaient. En plus de cela, l'émigration avait resté un vecteur de changement et d'évolution comportementale des populations. De là, vienne l'engouement de la population actuelle pour l'émigration qui a très vite pris des proportions importantes aussi bien par le nombre de candidats aux départs que par les réalisations découlant directement des ses

retombées. Car, juste après le retour des premiers émigrés l'on commençait à noter des changements dans les comportements des habitants et dans la vie communautaire.

Aujourd'hui, en plus de l'école élémentaire construite en 1962, le village de Wodobéré dispose d'une deuxième Ecole élémentaire ouverte en 2008, d'un Collège d'Enseignement Moyen (CEM) inauguré en 2006, d'un Bureau de poste en 1991, d'un château d'eau, d'une maternité et d'un Poste de santé opérationnel depuis 2006.

Grâce aux émigrés, nonobstant l'absence de l'action de l'Etat, dans ce petit village de 3873 habitants, les habitants ont accès à l'éducation, à l'internet, à l'électricité, à l'eau potable, aux outils de télécommunication pour ne citer que cela. A travers leurs différentes associations et par le biais des transferts de fonds, les émigrés ont permis la réalisation des ouvrages dans le domaine de l'éducation et de la santé par exemple. Le développement de cette partie fera l'objet d'un chapitre dans ce mémoire.

II.1.2. La structuration du village

Le village se composait à l'origine de deux quartiers, Yénaké et Gouloum. Aujourd'hui, avec l'accroissement de la population, de nouveaux quartiers ont vu le jour. Il s'agit du quartier des HLM créé vers 1970, du quartier Bassoudji qui a vu le jour lors des évènements Sénégalo-mauritaniens de 1989 et celui de Dow Koddé récemment créé. Si dans les quartiers Yénaké, Gouloum et HLM on trouve toutes les couches sociales, ceux de Dow Koddé et Bassoudji sont habités respectivement par des familles qui ont en leurs seins des émigrés et des refugiés de 1989. Le quartier Dow Koddé se reconnait par la forte présence des bâtiments en dur alors que Bassoudji est essentiellement en banco ou en paille. Néanmoins, dans tous les quartiers il existe des émigrés et on note une hausse substantielle du niveau de vie.

En effet, il est unanime que l'action des émigrés n'est au détriment d'aucun quartier car la plupart des réalisations est d'ordre social et religieux, donc bénéfique à l'ensemble de la communauté villageoise. << La gestion collective des transferts migratoires a un impact beaucoup plus direct et déterminant sur l'économie locale et régionale que les actions entreprises individuellement ou au niveau des ménages»13. Les émigrés investissent souvent dans des secteurs à intérêt collectif.

13 Lanly Guillaume : << Les associations d'immigrés et le développement du lieu d'origine : l'exemple de deux communautés rurales de l'Etat de Oaxaca », p2

II.2 : Les aspects démographiques actuels

La population totale de la communauté rurale d'Ouro-Sidy s'élève à 301165 habitants répartis dans 43 villages administratifs. Wodobéré, avec 3873 âmes, est le village le plus peuplé, loin devant le chef-lieu de communauté rurale, 1658 habitants. Le village de Wodobéré est aujourd'hui le plus peuplé de cette communauté rurale. Il se caractérise en effet, à l'instar de la population sénégalaise, par la jeunesse de sa population et la forte présence des femmes.

II.2.1. La répartition de la population selon le sexe

Avec un taux d'accroissement naturel de 3,7%14 par an, le village de Wodobéré est marqué par une forte présence des femmes. Il n'existe que 68 hommes pour 100 femmes (Tableau n°2). Cette prédominance des femmes est le résultat de plusieurs facteurs. Il s'agit de facteurs naturels tels que la mortalité, plus élevée chez les hommes que chez les femmes, mais aussi des facteurs anthropiques comme l'émigration sélective.

En effet, les hommes sont très tôt confrontés à la précarité et aux dures conditions de vie. Outre les pénibles travaux, ils sont exposés à la drogue, à la cigarette et autres pratiques qui sont à l'origine des maladies telles que le Sida ou le cancer. Cette exposition aux maladies dues à la mobilité des hommes combinées aux efforts incommensurables qu'ils fournissent pour assouvir les besoins de leurs familles est la cause d'une mortalité masculine plus élevée. La prédominance des femmes sur les hommes est aussi une conséquence de l'émigration sélective puisque dans cette partie du Sénégal, avec une société inégalitaire et très hiérarchisée, l'homme est le maître et le garant de sa famille. Il est non seulement le protecteur physique et moral de la famille mais aussi il doit assurer sa survie au quotidien.

Ainsi, durant ces dernières décennies, avec une pluviométrie déficitaire et des sècheresses épisodiques, les productions agricoles sont devenues très médiocres et ne parviennent plus à couvrir les besoins des paysans. Pour diversifier leurs ressources et assurer la survie de leur famille, les hommes ont adopté l'émigration comme stratégie. Cette dernière ponctionne plusieurs villages de leurs hommes. Ce qui se traduit sur le plan démographique par une absence des hommes et particulièrement de la population active.

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14 D'après les sources de l'Agence Nationale de la Démographie et des Statistiques.

Tableau 2 : Répartition de la population résidente de Wodobéré selon l'âge et le sexe

Sexe Ages

Féminin

Masculin

Total

RM

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

 

00-19

166

35,32

177

55,14

343

43,37

106

20-64

261

55,53

114

35,51

375

47,4

55

65 +

43

9,15

30

9,35

73

9,23

69

Total

470

100

321

100

791

100

68

Source : Enquêtes de terrain, 2008

II.2.2: La répartition de la population selon l'âge

L'analyse de la situation actuelle de la structure par âge révèle qu'à l'image de la population sénégalaise, la population de Wodobéré est caractérisée par la prédominance des jeunes et des femmes. Si dans le tableau ci-dessus la classe d'âge des actifs est plus importante, cela est dû uniquement à la prépondérance des femmes de 20 à 64 ans. Elles représentent 55,53% contre seulement 35,51% d'actifs. Les jeunes de moins de vingt ans engrangent à eux seuls 43,37% de la population résidente. Les vieux de plus de soixante cinq ans représentent 9,23% (Tableau 2).

La forte présence des jeunes, due à la forte natalité résultante du chômage et de l'oisiveté des hommes, va multiplier les problèmes d'accès à l'éducation et à la santé. Même si des mesures d'accompagnement telles que la multiplication des écoles et des collèges sont amorcées ça et là, il n'en demeure pas moins qu'il se pose avec acuité l'épineuse question de l'accès à l'emploi.

En effet, partant de l'idée qu'au delà de 7% de vieux la population est vieillissante, nous pouvons affirmer que la structure par âge de la population de Wodobéré est marquée par la prépondérance des personnes âgées. D'ici 20 ans il n'y aura que 4 actifs pour chaque personne âgée de 60 ans et plus si des politiques démographiques et d'appropriation du milieu par les jeunes ne sont pas instaurées dans cette localité. Ce vieillissement de la population n'est pas sans conséquences. Il se traduit par des surplus du coût de la santé et par le délaissement des activités agricoles.

Enfin, le faible taux des hommes actifs de la classe d'âge 20-64 est dû à l'émigration. Cette dernière concerne essentiellement les hommes âgés de vingt ans et plus. Très tôt, les jeunes actifs se tournent vers la recherche du numéraire au détriment de l'agriculture devenue pour eux une activité vétuste et non rentable.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984