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Les "forces de l'invisible" dans la vie sociopolitique au Cameroun : le cas de la localité de Boumnyebel

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par Alain Thierry NWAHA
Université Yaoundé 2 (Soa) - D.E.A Science Politique 2008
  

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6.2. Les mÉthodes de recherche

Pour conduire adéquatement notre étude, nous avons eu recours à deux (2) principales méthodes d'analyse à savoir : la méthode historique et l'interactionnisme.

6.2.1. La méthode historique

La « méthode historique », nous a permis non seulement de tenir compte du temps court, mais aussi du temps long, car comme le relève pertinemment P. GESCHIERE (1996 : 82), en Afrique, le rapport entre sorcellerie et politique se renouvelle permanemment sur le plan local, national et même international. Il est donc indispensable de tenir compte de l'évolution du problème, de « l'histoire du problème » pour paraphraser HEGEL, avant de l'étudier dans notre contexte actuel, car les « forces de l'Invisible » vivent et se transforment (s'adaptent) au fil des années. Autrement dit, nous avons essayé d'utiliser la méthode historique de manière à établir une « diachronie » et une « synchronie » de l'impact des forces de l'Invisible sur la vie sociopolitique des Camerounais en général et des Basaa de Boumnyebel en particulier. Concrètement, l'« analyse diachronique » nous a été utile pour étudier le phénomène (l'impact des forces de l'Invisible) sur le plan de son « évolution », c'est-à-dire, avant et pendant la colonisation européenne. Tandis que l'« analyse synchronique », quant à elle, a été mobilisée dans le but de tenter de ressortir : l'influence du recours aux forces de l'Invisible sur la vie sociale et surtout sur les relations de pouvoir telles qu'elles se présentent à « l'époque contemporaine » au Cameroun.

6.2.2. L'interactionnisme

L'« interactionnisme » étant également une méthode qui, certes, met en avant les « rôles », les « relations », les « choix » et les « aspirations » des acteurs (G. HERMET, B. BADIE, P. BIRNBAUM, P. BRAUD, 2001 : 142-143) tout en tenant compte du contexte social, culturel et politique dans lequel évoluent ces derniers, nous a permis, d'analyse l'influence des forces de l'Invisible, à partir de deux (2) perspectives étroitement liées : celle holiste et celle individualiste.

L'interactionnisme dans sa dimension holistique, nous a permis d'appréhender et d'étudier l'influence des « forces de l'Invisible » sur la vie sociopolitique de la communauté basaa de Boumnyebel comme un véritable « fait social » (E. DURKHEIM, 1968 : 11). En effet, les forces de l'Invisible peuvent être appréhendées comme des « manières occultes » d'agir, de penser et de sentir propres aux communautés humaines (en l'occurrence Basaa) et dotées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel elles s'imposent à tout membre appartenant à ladite communauté qu'il le veuille ou non. Dans cette perspective, nous cherchons donc à démontrer qu'au Cameroun en général et à Boumnyebel en particulier, les forces de l'Invisible constituent un ensemble d'« actes et d'idées magico-religieux » que les individus trouvent en naissant, qui sont antérieures à chacun (existent depuis la création du monde par notre Père à tous, Dieu) et s'imposent à tous (ceux qui y croient et ceux qui n'y croient guère). Nous avons, par ailleurs pu noter grâce à cette méthode, comment la communauté (à travers les ordalies par exemple) essaie de juguler les travers et les influences néfastes de ces forces occultes (notamment les pratiques de sorcellerie).

Dans une perspective plus individualiste, l'interactionnisme nous a permis de démontrer que s'il est admis que les individus n'existent sociologiquement qu'en relation (pour être « reconnu » comme membre dans une société, on ne peut vivre en autarcie), il est également admis qu'ils restent libres d'être ou de ne pas être en relation (on peut toujours exister en tant qu'individu sans être « reconnu » comme membre du société). Nous avons voulu, à ce niveau, partir davantage de l'individu en tant qu'acteur doté du « libre arbitre »37(*) au sein d'une communauté humaine, afin de mieux comprendre et analyser l'influence des forces de l'Invisible. En fait, lorsqu'un acteur choisit de recourir à la « goétie » au lieu de la « théurgie » pour réussir sur le plan politique par exemple, il ne s'agit pas d'un choix qui serait automatiquement dicté par la société (dans l'ensemble, les sociétés « traditionnelles » ou « modernes » ont toujours réprimé les pratiques de sorcellerie), mais d'un choix personnel obéissant notamment à la soif de pouvoir de l'acteur concerné. Ce dernier, dans cette perspective, se sert simplement des « atouts secrets » (en l'occurrence maléfiques) que lui offre la société pour atteindre ses objectifs. L'individu au sein d'un groupe ou d'une communauté ne perd donc pas son « individualité » (ELUNGU P.E.A, 1987 : 41), mais tend à renforcer sa personnalité (constructive ou destructrice).

En somme, l'interactionnisme est mobilisé, dans notre étude, de manière à nous permettre d'étudier l'influence des forces de l'Invisible en partant de deux (2) angles de vue différents et intrinsèquement liés : au niveau « supra » de la communauté et au niveau « infra » des individus (sujets actifs et passifs selon les différentes configurations de la vie quotidienne) des forces de l'Invisible. Ainsi donc, dans une perspective individualiste, nous avons cherché à démontrer que malgré les liens familiaux (communautaires) qui peuvent le rattacher à son terroir, le Camerounais en général et le Basaa de Boumnyebel en particulier, ne s'approprient pas toujours les forces de l'Invisible dans l'intérêt de la communauté, c'est-à-dire, dans le sens de la préservation de la « Vie » (notamment quand ils recourent à la sorcellerie pour s'élever sur le plan social et politique), mais plutôt pour lui-même en tant qu'individu ambitieux et prêt à tout pour réussir sur le plan sociopolitique, même si cela doit entraîner l'anéantissement de ses frères et concitoyens. Ici, le recours aux forces de l'Invisible devient en conséquence une véritable « action sociale », précisément, une « action sociale occulte » orientée vers autrui et porteuse d'un sens (positif ou négatif), donc significative pour les acteurs au sein de la configuration. Il est important de préciser ici que, en utilisant le concept d'« action sociale occulte » inspiré de celui d'« action sociale » de M. WEBER, nous voulons démontrer que : d'une part, lorsque le guérisseur traditionnel, par exemple, soigne ou « blinde » un patient (l'immunise contre des attaques occultes à venir), il accomplit une « action sociale occulte » qui est positive. Autrement dit, en utilisant sa connaissance mystique (des plantes et des ancêtres ou tout autre esprit bénéfique) pour soulager son prochain (en le guérissant ou le « blindant » contre les affections occultes des sorciers), il effectue une « action sociale » qui, parce qu'elle touche ou s'attaque à l'invisible (les maladies dites mystiques), devient « une action sociale occulte positive ». Au départ, cette « action sociale occulte positive » peut ne pas être significative pour le patient (le cas d'un patient qui ignore le monde de l'Invisible et des sorciers, mais qui, après avoir fait le tour des hôpitaux en vain, se résout à consulter un tradi-praticien sous le conseil de ses proches plus avisés38(*) ), mais elle finit toujours par prendre un sens singulier lorsque les effets positifs (par exemple, la guérison d'un mal que l'on trimbalait depuis des années et que la médecine occidentale n'arrivait pas à endiguer) se font ressentir sur le corps et sur l'esprit du patient. Notons également que lors des cérémonies de guérisons, le patient est exhorté à participer physique (en effectuant certaines tâches mentionnées par le guérisseur) et spirituellement (en ayant foi en sa guérison). Le guérisseur et le patient sont donc ici dans une « relation », dans une « configuration interactionniste » où se mêlent le « visible » (plantes, potions, objets divers...) et l'« Invisible » (l'esprit du guérisseur, l'esprit dudit patient et les esprits bénéfiques, Dieu). D'autre part, lorsque le sorcier ou la sorcière utilise sa connaissance mystique, cette fois non plus pour soulager autrui, comme mentionné plus haut, mais pour le nuire (en le « mangeant » ou en le rendant mystiquement malade), il accomplit aussi une « action sociale occulte », sauf qu'il s'agit en l'occurrence d'une « action sociale occulte négative ». Cette dernière est toujours significative pour le sorcier (quand il pose l'acte maléfique, il le fait en son âme et conscience), mais le devient également pour sa victime lorsqu'elle en subit les effets désastreux et se voit parfois obligée de consulter un guérisseur traditionnel.

7. LES ARTICULATIONS DE L'ÉTUDE

Notre travail présente un plan à la fois « diachronique » et « synchronique ». L'approche diachronique, comme nous l'avons souligné plus haut, nous a permis de tenir compte de « l'évolution » du recours aux forces de l'Invisible en allant explorer, dans le passé, les différents procédés employés par les individus qui, au sein de la communauté étaient chargés de veiller à la « Vie » (religieuse, politique et sociale). Quant à l'approche synchronique, elle nous a permis de voir comment « l'occulte » est utilisé dans un « contexte moderne » et complètement transformé dans lequel : les vieilles solidarités ont tendance à s'estomper laissant place à la lutte impitoyable où la seule règle qui, a priori, a droit de cité est celle du « Dieu pour tous et chacun pour soi »39(*).

Notre étude présente en conséquence deux (2) grandes articulations. Dans la première (Première partie), nous avons essayé de souligner l'influence des « forces de l'Invisible dans la localité de Boumnyebel pendant la colonisation » et dans la seconde (Deuxième partie), nous nous sommes évertués à montrer que cette influence des « forces occultes » reste toujours aussi prégnante à Boumnyebel depuis l'accession à l'« indépendance ».

* 37 « Le libre arbitre est cette capacité que Dieu a doté à chacune de ses créatures faites à son image de choisir entre le Bien et le Mal, selon ses aspirations, ses desseins » (« Mbombok A.»).

* 38 Ce fut le cas d'une « Dame » que nous avons rencontrée chez un Mbombok et qui souffrait du « Likang » (une affection occulte qui attaque les membres inférieurs). Pour plus de détails voir la seconde partie de notre travail.

* 39 J. F. BAYART (dir.) (1993).

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon