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Les populations rurales du Burkina Faso à  l'épreuve du déboisement : l'exemple du département de Toma

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par Jean Paulin KI
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA en sociologie 2009
  

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    UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

    FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
    DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

    Mémoire de DEA

    Les populations rurales du Burkina Faso

    a l'épreuve du déboisement : l'exemple

    du Département de Toma

    Source : KESSLERJ.J. et GERLING C.

    Source : KONATE Yacouba

    Présenté par : Sous la direction de :

    Jean Paulin KI M. Moustapha TAMBA

    Maître de Conférences

    SOMMAIRE

    SOMMAIRE 2

    DÉDICACE 3

    REMERCIEMENTS 4

    SIGLES ET ABRÉVIATIONS 5

    INTRODUCTION 6

    PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE 9

    CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE 10

    CHAPITRE II : CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 30

    DEUXIÈME PARTIE : PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES
    RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE
    35

    CHAPITRE III : ÉVOLUTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LE DÉPARTEMENT DE
    TOMA 36

    CHAPITRE IV : LES CONSÉQUENCES SOCIOCULTURELLES DU DÉBOISEMENT
    DANS LE DÉPARTEMENT DE TOMA 45

    CHAPITRE V : DÉBOISEMENT ET CHANGEMENT SOCIAL DANS LE DÉPARTEMENT DE TOMA 51

    CONCLUSION GÉNÉRALE 56

    ANNEXES 59

    BIBLIOGRAPHIE 67

    TABLE DES TABLEAUX 72

    TABLE DES PHOTOGRAPHIES 72

    TABLE DES ANNEXES 72

    TABLE DES MATIÈRES 73

    DÉDICACE

    À la Fondation Jean-Paul II Pour le Sahel

    REMERCIEMENTS

    Du Burkina Faso au Sénégal,

    ils sont nombreux, les hommes et les femmes de bonne volonté, à contribuer, par tout moyen, à la réussite de mes études doctorales à Dakar. En attendant la thèse, ce mémoire de DEA est le premier fruit visible de leurs efforts. Je leur en sais gré. Je ne nommerai personne au risque d'en oublier. Mais, je ne saurai non plus passer sous silence mon Directeur de recherche le Professeur Moustapha TAMBA dont j'ai bénéficié particulièrement des conseils et des encouragements.

    Puisse Dieu récompenser les uns et les autres au centuple de leurs bienfaits.

    SIGLES ET ABRÉVIATIONS

    FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture CILSS : Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel

    UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture ONG : Organisation non gouvernementale

    DPAHRH : Direction provinciale de l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques

    DPECV : Direction provinciale de l'environnement et du cadre de vie
    ADRTOM : Association pour le développement de la région de Toma

    CODESRIA : Council for the Development of Social Science Research in Africa (Conseil pour le Développement de la Recherche en Science Sociales en Afrique)

    CRDI : Centre de Recherche pour le Développement International IRD : Institut de Recherche et de Développement

    UCAD : Université Cheikh Anta Diop de Dakar

    ENDA Tiers-monde : Environmental Development Action in the third world (Environnement et développement du Tiers-monde)

    Ha : hectare

    RAF : Réorganisation Agraire et Foncière

    UGPN : Union Générale des Producteurs du Nayala

    ADPNA : Association pour le Développement de la Province du Nayala M : Mètre

    Km : Kilomètre

    INTRODUCTION

    Le présent travail de recherche socio-anthropologique porte sur le thème suivant « Les populations rurales du Burkina Faso à l'épreuve du déboisement : l'exemple du Département de Toma ». Ce thème nous a été inspiré par le constat d'un déboisement massif de plus en plus croissant dans le Département de Toma et par un contexte mondial et national où les problèmes environnementaux deviennent de plus en plus préoccupants. En effet, depuis la Conférence des Nations Unies tenue à Stockholm (Suède) en 1972, les problèmes environnementaux tels que les changements climatiques (surtout le réchauffement), la « pollution transfrontière », la déforestation ou déboisement, la dégradation des sols, la désertification, la sécurité de la diversité biologique...ne sont plus vus uniquement comme des problèmes écologiques ou géographiques mais aussi et surtout comme des problèmes sociaux. C'est pourquoi le PNUD déclare : « Lorsque le réchauffement planétaire modifie les tendances météorologiques de la Corne de l'Afrique, les récoltes sont mauvaises et les gens meurent de faim, ou bien les femmes et les filles passent des heures à chercher de l'eau »1. En clair, les conséquences des phénomènes naturels n'épargnent pas les humains vivant en société.

    À l'échelle nationale du Burkina Faso qui est un pays sahélien enclavé au coeur de l'Afrique occidentale, les problèmes environnementaux sont de deux ordres : les aléas climatiques et l'action humaine. Ceux-ci sont causes de la dégradation de la diversité biologique, accélèrent la désertification et mettent en péril la vie des populations. Au compte de l'action humaine, on peut citer les pratiques suivantes :

    - la pratique des feux de brousse ;

    - le surpâturage ;

    - la coupe anarchique du bois et les défrichements ;

    - la mauvaise utilisation des pesticides (culture de coton et maraîchage) ; - le braconnage ;

    - la divagation des animaux ;

    - les pollutions et nuisances diverses.

    On ne peut que s'inquiéter à l'idée des conséquences de telles pratiques, ainsi que l'insinue Schumacher : « Étudiez quel traitement une société fait subir à sa terre, et vous arriverez à des conclusions relativement dignes de foi quant à l'avenir qu'elle se réserve ».2 En effet, les impacts de ces actions humaines sont certes écologiques mais surtout

    1 PNUD, La lutte contre le changement climatique : un impératif de solidarité humaine dans un monde divisé. Résumé. Rapport mondial sur le développement humain 2007-2008, PNUD, 2008, p.9.

    2 SCHUMACHER, E. F., cité par GIRI, J., Le Sahel demain. Catastrophe ou renaissance ? Paris, Karthala, 1983, p.81.

    économiques et sociaux sinon même culturels. La vulnérabilité humaine aux changements environnementaux est donc un fait certain. Et l'on ne saurait en chercher les causes en dehors de la société, c'est-à-dire de l'action humaine.

    Le Département de Toma, cadre géographique de notre étude, est à un seuil critique quant aux conséquences du déboisement dans la mesure où les populations disent : « La brousse est finie ». Et lorsque les Sanan3 (peuple habitant le Département de Toma) disent que la brousse est finie, ils entendent par là la disparition des espèces végétales et animales dont l'existence contribue au maintien et à la qualité de la vie humaine sur terre. C'est pourquoi notre souci a été d'étudier en profondeur les conséquences du phénomène en termes de transformations sociales. Notre étude se situe ainsi dans la perspective de l'analyse dynamique des structures sociales du monde rural burkinabè confronté au déboisement. L'étude se présente dans sa globalité comme une analyse des rapports des populations avec leur environnement naturel. À cause du phénomène du déboisement, la dynamique de ces rapports fait apparaître une transformation des perceptions de la nature chez les paysans. La nature tend, de nos jours, à n'être vue que comme un gisement de ressources où chacun peut puiser sans s'interroger sur les risques de son épuisement. Or, autrefois la nature était sacrée, il fallait la respecter à cause la vie qu'elle garantissait. C'est là que notre étude se situe comme une socio-anthropologie du monde rural san, burkinabè et africain confronté à des mutations profondes. Voilà pourquoi nous avons choisi le concept opératoire de changement social pour cette étude.

    L'originalité de notre étude réside dans le fait qu'il n'existe pas, à notre connaissance, de recherche préalable sur le déboisement dans le Département de Toma. Dès lors, notre recherche fait office de pionnière dans la réflexion sur les questions environnementales dans cette localité. C'est cela qui justifie d'une part son intérêt. D'autre part, l'intérêt de la recherche est la prise en compte des problèmes du monde rural burkinabè dans un contexte national d'insuffisance des ressources naturelles et de réorganisation de l'espace par l'Etat (Cf. la loi n°014 du 23 mai 1996, portant réorganisation agraire et foncière au Burkina Faso). D'où également l'importance du foncier rural dans cette étude. Les différentes crises environnementales à l'échelle mondiale, le contexte sahélien du Burkina Faso et la question du foncier rural sont autant de situations qui expliquent l'actualité et la pertinence du thème de notre recherche. Le déboisement en Afrique sahélienne doit, pensons-nous, être de plus en

    3 Les Sanan forment le groupe ethnique qui parle la langue san. Le terme san désigne également le groupe social et l'individu membre de la société.

    plus une préoccupation des chercheurs en sciences sociales et non seulement l'affaire de certaines ONG.

    S'agissant maintenant de l'utilité pratique de la recherche, nous pouvons dire que le rapport final est une banque de données disponible sur l'environnement et le déboisement dans le Département de Toma certes, mais surtout en milieu rural africain. Les ONG telles que la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, SOS-Sahel (déjà basée à Toma), les Instituts de recherche en questions environnementales, le Ministère burkinabè de l'environnement et du cadre de vie, les chercheurs et les étudiants sont les potentiels bénéficiaires de cette étude, sans oublier les populations locales.

    Notre recherche comporte deux parties. La première partie est consacrée au cadre théorique et méthodologique tandis que la deuxième présente et analyse les résultats de la recherche de terrain.

    PREMIÈRE PARTIE :

    CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE

    CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE

    Ce chapitre premier portant sur le cadre théorique de notre recherche s'articule autour des éléments suivants :

    - la revue critique de la littérature

    - la problématique

    - les objectifs de la recherche

    - les hypothèses

    - le concept opératoire

    - le modèle théorique et le modèle d'analyse.

    I.1. Revue de la littérature sur le déboisement

    Cette revue de la littérature est élaborée sur fond d'une option, peut-être arbitraire, qui distingue la production de chercheurs occidentaux et celle de chercheurs africains sur le déboisement. Certes, la science est une, mais notre préoccupation est de rendre visible les différentes productions scientifiques, surtout celles des Africains sur des problèmes qui concernent l'Afrique. Nous pensons que c'est là aussi l'intérêt d'une certaine « sociologie africaine ». De nos jours, une abondante littérature existe sur le déboisement et la déforestation dans le monde en général et en Afrique en particulier. Nous précisons d'ores et déjà que nous ne faisons aucune distinction entre les termes « déboisement » et « déforestation » qui sont synonymes4, quoiqu'il y ait une différence entre une forêt (primaire, secondaire) et une savane arborée. De plus, certains auteurs utilisent indifféremment les deux termes.

    I.1.1. Le déboisement en Afrique vu par des chercheurs occidentaux

    Le point de vue de chercheurs occidentaux sur la question du déboisement en Afrique tient lieu ici de « regard extérieur » qui a son importance dans l'analyse critique et différentielle des faits sociaux. Sur un certain nombre d'auteurs lus, nous choisissons de présenter le point de vue de sept d'entre eux selon l'ordre chronologique de leurs publications.

    4 Le mot déboisement est formé du préfixe de qui indique la cessation, de la racine bois tiré du latin boscus qui signifie lieu, terrain couvert d'arbres, et enfin du suffixe ement qui renvoie à une action. De son côté, le terme déforestation est formé du préfixe de (cessation), de la racine forest (du latin forestis : grande étendue de terrain couverte d'arbres) et du suffixe ation qui indique une action. Comme cela apparaît, la différence entre boscus et forestis vient de la taille de l'étendue boisée. C'est pourquoi nous utilisons indifféremment les termes « déboisement » et « déforestation » pour signifier le processus par lequel, sous l'effet d'actions (humaines ou animales), un espace couvert d'arbres devient nu, c'est-à-dire perd ses arbres.

    Ce choix des sept s'est fait en fonction de deux critères : l'Afrique de l'Ouest et le Sahel dont font partie notre pays (le Burkina Faso) et notre zone d'étude (le Département de Toma).

    Dans les années 1980, Jacques Giri tirait déjà sur la sonnette d'alarme de l'Afrique sahélienne par un livre au titre choquant : Le Sahel demain. Catastrophe ou renaissance ?5 Dans cet ouvrage, Giri présente l'évolution du Sahel depuis les périodes des grands empires africains jusqu'aux années 1980. L'auteur fait état d'une dégradation progressive du Sahel aussi bien sur le plan environnemental qu'économique et politique. Pour la question environnementale qui intéresse notre problématique, le constat de l'auteur est alarmant : une « déforestation galopante » met à nu les terres sahéliennes qui se dégradent rapidement et n'arrivent plus à nourrir une population qui est, elle aussi, galopante. L'auteur ne cache pas la réalité aux Africains : le Sahel vit une crise de développement. Les solutions sont inadaptées aux problèmes et les perspectives inquiétantes. La déforestation qui ne cesse de croître a pour conséquence la rupture d'un certain nombre d'équilibres « qui s'étaient maintenus pendant des siècles, peut-être pendant des millénaires, entre l'homme et l'arbre ».6 Face à cette réalité catastrophique, il y a nécessité et urgence d'action pour changer le cours des choses, car la renaissance est possible.

    Il nous faut souligner ici la pertinence de l'observation et de l'analyse de l'auteur au sujet de cette rupture des équilibres de l'écosystème environnemental. Face aux conséquences du déboisement qui sont toujours négatives pour la survie des populations et pour l'ensemble de la diversité biologique, des alternatives doivent être nécessairement trouvées par les populations concernées d'abord. Mais Giri semble donner priorité aux grands programmes politiques nationaux. Telle n'est pas notre préoccupation dans cette étude.

    Pour sa part, Jean Roger Mercier7 s'intéresse à l'état de la déforestation dans le monde et en Afrique. L'auteur affirme que le phénomène est mal mesuré sur le contient africain alors qu'il est en pleine accélération. Ses principales causes sont la pauvreté et l'explosion démographique. En outre, les effets pervers de la législation sur les forêts ou même le manque de législation font apparaître des conséquences graves en termes de conflits, d'accentuation de la pauvreté, de déplacement ou disparition d'ethnies et groupes humains, etc. C'est pourquoi, au regard de ces impacts sociaux, l'auteur souligne que « détruire les arbres, qui sont des êtres vivants, peut aussi conduire à détruire la vie de ceux et celles qui vivaient de/dans la

    5 GIRI, J., Le Sahel demain. Catastrophe ou renaissance ? Paris, Karthala, 1983.

    6 Ibidem, p. 143.

    7 MERCIER, J.R., La déforestation en Afrique. Situation et perspectives, Aix-en-Provence, Edisud, 1991.

    forêt ».8 L'auteur propose alors des stratégies de lutte contre la déforestation ; mais celles-ci restent générales et ne tiennent pas compte de la spécificité des régions fortement déboisées. En effet, il n'est pas sûr que le prélèvement d'une taxe forestière auprès des exploitants, comme le suggère l'auteur, permettra de freiner la déforestation. Également, le développement de l'agroforesterie, tel que préconisé, risque d'être une solution purement technique sans prendre en compte les réels besoins des populations rurales dépendantes des ressources naturelles et dont l'auteur lui-même signale la pauvreté et l'accroissement numérique.

    Venant quatre ans après Mercier et douze ans après Giri, Gérard Buttoud fait remarquer que « la déforestation constitue, en effet, l'un des problèmes majeurs auxquels se trouvent confrontés les paysans d'abord, mais aussi les pouvoirs publics, africains ».9 En ce qui concerne l'ampleur du déboisement, l'auteur précise que si l'on en croit les satellites, l'Afrique sèche perdrait chaque année 2, 2 millions d'hectares de ses espaces boisés tandis que la bande sahélienne allant du Sénégal au Tchad enregistrerait une déforestation annuelle moyenne de 400 000 hectares. Pour l'auteur, même si ces données sont sujettes à caution, elles donnent un ordre de grandeur et sont indicatrices d'une réalité grave. Les efforts de reboisement entrepris depuis les indépendances par les gouvernements avec l'appui des organisations internationales et non gouvernementales n'ont pas produit l'effet positif escompté. Ces efforts, marqués par un esprit de règlementation purement légaliste visant à interdire, n'étaient pas accordés avec les savoirs locaux des populations paysannes et ont créé des résistances. Face au taux élevé de déforestation dans les pays pauvres de l'Afrique tropicale, la solution consiste à changer de politiques forestières en repensant la gestion de l'espace et de l'environnement. La nouvelle perspective devra donc intégrer les perceptions paysannes de l'arbre et de la forêt.

    L'importance du politique est bien démontrée ici dans le traitement de la crise environnementale africaine. Les analyses de l'auteur montrent que l'Etat a un rôle de catalyseur des efforts de reboisement jusque dans les brousses reculées.

    De son côté, Fleur Enriquez-Sarano10 s'intéresse à la situation des habitants du Sahel face à la déforestation, en général, ainsi qu'aux activités quotidiennes et à la lutte des femmes en particulier. Dans ce contexte sahélien où « la désertification se vit au jour le jour » à cause

    8Ibidem, p. 97.

    9 BUTTOUD, G., La forêt et l'État en Afrique sèche et à Madagascar. Changer de politiques forestières, Paris, Karthala, 1995, p. 6.

    10 ENRIQUEZ-SARANO, F., « Les habitants du Sahel face à la déforestation. Activités quotidiennes et lutte des femmes », Le courrier de l'environnement, N° 41, octobre 2000. Disponible sur le site : http://www.inra.fr/internet/Produits/dpenv/fleurc41.htm (consulté le 26/03/2010).

    des aléas climatiques mais surtout de l'action humaine, l'auteur montre comment les femmes s'engagent dans la lutte contre la déforestation pour la protection de l'environnement avec l'appui d'organisations internationales telles que la FAO, l'UNESCO et de projets régionaux comme le CILSS (Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel). Organisées en associations, groupements et coopératives, les femmes du Sahel s'impliquent dans divers projets de sauvegarde de l'environnement : reboisements, foyers améliorés, opérations de conservation des eaux et des sols, cultures de contre saison, etc.

    Si le thème de l'étude d'Enriquez-Sarano est intéressant du point de vue de sa problématique, il reste néanmoins que l'auteur a plus développé les causes de la déforestation (5 pages sur 7) au détriment de ce qui en est l'objet même, à savoir les activités quotidiennes et la lutte des femmes. Egalement, l'étendue de la zone d'étude (le Sahel) a fait que l'auteur est resté assez générale dans la présentation des données. Il nous faut cependant retenir que la pertinence de l'étude se trouve dans l'approche genre qui en a été faite. Du fait que chaque couche sociale subit les conséquences du déboisement et de la désertification, chacune est invitée à s'impliquer dans la sauvegarde de l'environnement. Or le rôle des femmes à ce niveau n'est pas négligeable.

    Selon Pierre Ozer11, bien que la question de la déforestation soit une « problématique environnementale majeure du XXIe siècle », elle reste encore peu maîtrisée faute de statistiques fiables, surtout en ce qui concerne l'Afrique sahélienne. Présentant une synthèse des connaissances sur la consommation du bois de feu en Afrique sahélienne occidentale (Mauritanie, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), l'auteur montre combien cette consommation n'a cessé de croître et est une cause majeure du déboisement au Sahel. Pour lui, la solution à la déforestation consiste en « une réforme profonde de la politique énergétique dans les pays concernés »12. A contrario, il faudra s'attendre à un cercle vicieux constitué de migrations massives, d'un accroissement de la pression anthropique sur l'environnement et d'une multitude de tensions et conflits.

    Bien qu'elle soit circonscrite à l'Afrique occidentale sahélienne, l'étude de P. Ozer soulève des questions sociologiques importantes pour tout le continent africain. Les risques que craint l'auteur constituent déjà une réalité dans certaines régions de l'Afrique tel que le Burkina Faso où les populations se déplacent du Nord vers l'Ouest et le Sud-ouest posant ainsi le problème d'intégration dans les communautés ou sociétés d'accueil. Chaque

    11 OZER, P., « Bois de feu et déboisement au Sahel : mise au point », Sécheresse n°3, Vol. 15, Septembre 2004, pp. 243-251.

    12 Ibidem, p. 249.

    hivernage voit la montée des conflits entre agriculteurs et éleveurs se disputant les espaces. C'est cet ensemble de dynamiques sociales induites par le déboisement qui en fait la question sociale majeure du XXIe siècle et qu'il faut résoudre urgemment.

    Elisabeth Benoît13 analyse les impacts des changements climatiques sur le monde de la médecine traditionnelle au Burkina Faso. S'intéressant d'abord aux causes humaines de ces changements climatiques, l'auteur signale que la « surutilisation » du bois et la déforestation sont mentionnées au premier rang comme facteurs explicatifs des changements environnementaux. En effet, au Burkina Faso, le bois est coupé à grande échelle parce qu'il est la principale source d'énergie domestique. En outre, il est une source de revenus pour les populations rurales. Quant aux impacts des changements climatiques et environnementaux sur les conditions sociales, l'auteur ne manque pas de relever les difficultés qu'éprouvent les phytothérapeutes (appelés tradipraticiens) dans leur fonction de médecins traditionnels, socialement reconnus, à cause de la rareté des plantes médicinales ; rareté occasionnée par la diminution de la pluviosité d'une part et par le déboisement d'autre part. Cette situation inconfortable conduit les tradipraticiens à des adaptations individuelles et collectives telles que la pratique de l'agroforesterie, la création de jardins botaniques, la recherche du soutien des ONG et de l'Etat, etc.

    L'étude de E. Benoît est intéressante pour notre problématique pour deux raisons fondamentales : la première étant la zone d'étude qui est le Burkina Faso, notre pays et notre champ d'étude et la deuxième le thème abordé. Cette étude montre la relation étroite entre le déboisement et les changements climatiques. Ces changements climatiques sont, comme le déboisement, facteurs de changements sociaux non moindres. Jusqu'où peuvent s'étendre les capacités d'adaptation des populations concernées dans un contexte géographique et national déjà fragilisé ? C'est dire que la vulnérabilité dont parle l'auteur est un problème d'actualité à prendre en compte dans les recherches.

    James Fairhead et Melissa Leach14 remettent en cause les estimations actuelles sur la déforestation de l'Afrique de l'Ouest au XXe siècle. Selon eux, il y a eu une tendance à l'exagération de la déforestation dans cette partie du continent alors que, selon toute vraisemblance, la surface de forêt perdue depuis 1900 serait seulement d' « un tiers des

    13 BENOIT, E., « Les changements climatiques : vulnérabilité, impacts et adaptation dans le monde de la médecine traditionnelle au Burkina Faso », Vertigo, Vol. 8, N°1, Avril 2008, p. 9. Version électronique sur le site : http://vertigo.revues.org/1467 . (Consulté le 30 mars 2010).

    14 FAIRHEAD, J. et LEACH, M., « Réexamen de l'étendue de la déforestation en Afrique de l'Ouest au XXe siècle », http://www.afriquedurable.org/2009/08/reexamen-de-letendue-de-la.html ou http://www.fao.org/docrep/w7126f/w7126f06.htm (consulté le 30 mars 2010).

    chiffres qui circulent actuellement dans les études scientifiques internationales ». Le problème de fond est celui de la définition même de la forêt et le fait du manque de remise en cause des sources historiques ou même de manque d'utilisation de données historiques. Or aujourd'hui la télédétection permet, avec assez de précision, « de déduire la nature et l'étendue du couvert forestier d'antan, et l'échelle de temps de sa disparition, à partir d'observations de la végétation actuelle, associées à plusieurs hypothèses ». Partant donc de la définition de la forêt donnée par Hall15 selon laquelle celle-ci est un « couvert végétal dominé par des arbres, sans sous-étage d'herbe ou de végétation adventice et n'ayant pas été cultivé récemment », nos auteurs limitent leur étude aux forêts caractéristiques des zones humides et semi-humides d'Afrique de l'Ouest et utilisent des descriptions du paysage, des photographies aériennes, des cartes et des témoignages comme outils de renseignement. Les deux auteurs refusent la thèse du « déboisement continu et irréversible » de l'Afrique de l'Ouest.

    Disons que même si cette étude de Fairhead et Leach comporte beaucoup de précisions par rapport aux études antérieures en raison des moyens modernes d'investigation, il n'en reste pas moins vrai que le déboisement à grande échelle qu'ont connu le Ghana, le Libéria et surtout la Côte d'Ivoire au XXe siècle est un danger pour la sous-région ouestafricaine et rien ne prouve que cette végétation perdue sera remplacée d'ici peu si l'on en croit la thèse de la démographie galopante. Il y a aujourd'hui une réelle savanisation progressive de ces zones humides et semi-humides déboisées dont les conséquences, à plus ou moins long terme, sont déjà prévisibles et dommageables pour les populations.

    Une synthèse de la littérature occidentale sur le déboisement en Afrique révèle plusieurs approches du phénomène. C'est ainsi que le problème de définition des termes « forêt », « déforestation », « déboisement » ne facilite pas le débat scientifique. Tandis que certains constatent une déforestation galopante en Afrique, d'autres affirment qu'il y a une exagération du phénomène. Cependant, il y a une unanimité autour des causes de la déforestation : prélèvements humains à but commercial, agriculture, pastoralisme, consommation élevée du bois comme source d'énergie, surpopulation, etc. Les conséquences de cette action humaine pour les populations consistent essentiellement en des bouleversements des sociétés. Quel regard les chercheurs africains posent-ils sur le déboisement et ses conséquences en Afrique ?

    15 HALL, J.B., «Conservation of forest in Ghana», Universitas, n°8, 1987, pp. 33-42.

    I.1.2. Littérature africaine sur le déboisement en Afrique

    Comme pour leurs homologues occidentaux, nous présentons cette revue littéraire d'auteurs africains dans l'ordre chronologique des publications. Chez eux aussi, le problème du déboisement ou de la déforestation demeure de tout temps celui du rapport de l'homme ou des sociétés à leur environnement en vue de satisfaire les besoins de subsistance. C'est dans ce rapport dynamique que certains auteurs (surtout les anthropologues) révèlent que tout n'est pas qu'une question d'exploitation de ressources naturelles.

    Par exemple, selon Jean Baptiste Ouédraogo16, les usages de l'espace rural et les stratégies de survie, qui permettent de comprendre les enjeux environnementaux, sont fonction de la perception que les différentes sociétés ont de leur environnement. L'espace naturel occupé devient un espace culturel où sont projetées les structures et les valeurs des sociétés. Pour les Mossi, si la nature est une ressource inestimable elle n'est cependant pas inépuisable. D'ailleurs les périodes de sécheresse, en l'occurrence celle exceptionnelle entre 1968 et 1984, l'ont fait comprendre. Ouédraogo montre que ces aléas climatiques ainsi que la forte croissance démographique, facteurs de raréfaction de « l'espace richesse », conduisent les Mossi à modifier leurs structures sociales et économiques : taille réduite des villages, occupation rationnelle de l'espace en distinguant espace de culture et espace d'installations humaines, pratique de l'agriculture couplée de l'élevage, établissement de « règles d'affectation et d'utilisation » de l'espace, adoption de nouvelles techniques agricoles telles que le « Zay » (technique locale de fertilisation des sols), etc.

    Sans parler explicitement de déboisement, Ouédraogo montre un rapport dynamique sur fond culturel entre les populations mossi et la nature pourvoyeuse en ressources. Les stratégies de survie sont le signe d'une recherche de maîtrise de l'environnement ainsi que d'une capacité d'adaptation aux changements environnementaux. L'auteur démontre bien une interaction entre dynamiques naturelles et dynamiques sociales, mais ne met pas en relief la dimension conflictuelle des dynamiques sociales qui intéresse notre problématique.

    Sur l'état de l'environnement sahélien, l'étude de Kélétigui A. Mariko, datant de 1996, est intéressante. En effet, dans La mort de la brousse17, l'auteur présente une dégradation progressive de l'environnement sahélien depuis les indépendances. En trois décennies, cette dégradation a atteint aujourd'hui « le stade irréversible de la désertification, de la mort de la

    16 OUEDRAOGO, J.B., « Perception de l'environnement et usages de l'espace rural par les Mossi du Burkina : stratégies de survie et enjeux environnementaux », Science et technique, Sciences sociales et humaines, Vol. 21, N° 2, 1994-1995, pp.80-88.

    17 MARIKO, K.A., La mort de la brousse. La dégradation de l'environnement au Sahel, Paris, Kartala, 1996.

    brousse et de la mort de la terre »18. Pour les mêmes raisons (surpopulation, accroissement du cheptel, conjonction des facteurs écologiques et humains) avancées par d'autres auteurs, occidentaux et africains, Mariko conclut que le bilan de la gestion et de l'exploitation des ressources naturelles du Sahel est catastrophique et totalement négatif. Une telle gestion de l'environnement sahélien a pour conséquences, selon l'auteur, la ruine économique des populations, les migrations, l'exode rural et la mendicité dans les centres urbains.

    Si l'on peut admirer la justesse de l'observation de cet ancien expert du CILSS (Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel), on peut aussi lui reprocher de ne pas prendre en compte les différentes tentatives de lutte pour sauvegarder l'environnement et renverser la tendance de la vitesse de désertification du Sahel. Ce manque d'intérêt à ces initiatives fait de l'ouvrage une étude descriptive avec un arrière-fond pessimiste, puisque l'auteur parle d'irréversibilité de la désertification du Sahel. Ce débat portant sur le futur n'intéresse pas le sociologue que nous sommes.

    Tout autre est l'approche de l'anthropologue Séverin Cécile Abéga19. Partant de la littérature orale badjue du Cameroun, celui-ci analyse la forêt comme culture. Transcendant l'approche économiste et matérialiste qui fait de la forêt « seulement un gisement de ressources », l'auteur focalise son attention sur les aspects culturels des rapports entre l'homme badjue et son milieu naturel. Il fait ressortir comment le milieu naturel forestier a structuré toute la vie des peuples depuis des millénaires. En effet, « le Badjue, vit la forêt consciemment ou inconsciemment. Sa culture, son mode de vie donne à celle-ci une dimension religieuse, sociale, psychologique »20.

    Bien que ne traitant pas spécifiquement du déboisement, cette étude a son importance pour notre problématique puisqu'elle met en relief les représentations socioculturelles d'un peuple par rapport à son environnement dont il est dépendant et avec lequel il entretient des rapports dynamiques. En cela elle révèle le rôle structurant de la forêt. Egalement, cette étude aide à comprendre que le déboisement, tel qu'il apparaît aujourd'hui chez les peuples de la savane, se produit à une phase de leur histoire où certaines valeurs culturelles se changent en lois économiques de consommation. Or dès lors qu'une société arrive à ce seuil, il va de soi que sa perception de son environnement poussera à des comportements qui créeront la rareté

    18 Ibidem, p. 51.

    19 ABEGA, S.C., Adzala. Espèces et Espaces dans la forêt badjue, Yaoundé, Presses Universitaires de Yaoundé, 1999.

    20 Ibidem, p. 10.

    des ressources. Cette rareté elle-même engendrera des conflits de tous genres : « conflits aussi de limites, conflits d'intérêts, alors que la forêt est un espace de paix ».21

    Dans la même perspective que M. Abéga, les chercheurs burkinabè Doti Bruno Sanou et Yacouba Traoré22 s'intéressent à la dimension culturelle de la sauvegarde de l'environnement. Pour ce faire, ils proposent une méthode pour l'étude des questions environnementales : « la génétique culturelle ». Cette méthode de la génétique culturelle consiste à partir de l'histoire des communautés locales, c'est-à-dire à s'appuyer sur les traditions multiséculaires des sociétés dans la gestion de leur environnement, pour appréhender les nouveaux systèmes afin de proposer des comportements en vue d'une gestion, non seulement durable mais responsable, des ressources naturelles. Quoique le concept de génétique culturelle soit discutable, cet ouvrage à l'avantage d'inviter les chercheurs socio-anthropologues, s'investissant dans la recherche appliquée, à ne pas négliger les traditions des peuples.

    Diarra-Doka et Anne Luxereau23, quant à elles, montrent que si la désertification et le déboisement sont une réalité dans certaines régions du Niger, il y a cependant un renversement de tendance dans la région de Maradi où on observe une évolution positive de la végétation c'est-à-dire une multiplication des ligneux, grâce aux innovations et techniques maîtrisées de conservation des sols et aux efforts de reboisement consentis par les paysans. « Les perceptions paysannes de la nature et de sa dynamique ont changé ainsi que les attitudes vis-à-vis des plantes et des végétations ».24 À partir des discours et pratiques des acteurs ainsi que des travaux de terrain antérieurs, Diarra-Doka et Luxereau analysent les dynamiques sociales complexes où la diffusion des savoirs et les possibilités de valorisation économique sont à l'avantage des populations : replantations de fruitiers locaux, créations de vergers exotiques et de petits bois d'oeuvre.

    L'étude de ces auteurs révèle chez les populations de Maradi une réelle volonté de changement de leurs conditions de vie. Et cela montre que la désertification n'est pas une fatalité, contrairement à Mariko25 qui parle d'irréversibilité de la situation. La désertification peut être combattue par des moyens appropriés évitant ainsi aux populations des migrations interminables.

    21 Ibidem.

    22 SANOU, D.B. et TRAORE, Y., Culture et sauvegarde de l'environnement. Essai d'une méthode d'approche des communautés par la génétique culturelle, Bobo-Dioulasso, Edition du CAD, 1999.

    23 DIARRA-DOKA, M. et LUXEREAU, A., « Déboisement-reboisement en pays haussa : évolution des paysages et du rapport à l'arbre », Annales de l'Université Abdou Moumouni, N° spécial, 2004.

    24 Ibidem, p.140.

    25 MARIKO, K.A., La mort de la brousse. La dégradation de l'environnement au Sahel, Paris, Kartala, 1996.

    S'agissant justement du rapport entre déboisement et migration, l'apport de Ram Christophe Sawadogo26 sur le phénomène au Burkina Faso est précieux. En effet, M. Sawadogo fait état du rapport dynamique entre migration, environnement et dégradation écologique au Burkina Faso. S'appuyant sur des études antérieures, il montre comment les migrations internes de départ et celles de retour ont eu, dans les régions centre, centre-ouest, nord-ouest du pays, des conséquences négatives sur l'environnement. En effet, ces études ont révélé clairement des « comportements dépradateurs » (sic) ainsi qu'une « conscience non suffisamment éveillée sur la fragilité de l'écosystème » 27 chez les populations migrantes comme chez celles d'accueil. En outre, la raréfaction de l'espace utile dans certaines localités donne lieu à des sentiments d'hostilité des populations autochtones à l'endroit des migrants. C'est pourquoi l'auteur pense qu'il faut élargir la relation entre la migration et l'environnement à celui, plus général, de la fragilisation de l'écosystème où entrent en ligne de compte d'autres facteurs importants comme la pollution atmosphérique et la péjoration climatique. Sawadogo signale cependant que malgré cette situation de fragilisation de l'écosystème, des études récentes révèlent un renversement des tendances grâce aux innovations technologiques initiées dans les régions appauvries et délaissées par les flux d'émigrants. Cette transformation des rapports à l'environnement pose toute la problématique du changement social où les actions de sensibilisation ainsi que d'autres types d'interventions des services publics ou des ONG sont considérés comme facteurs externes et le génie propre des groupes sociaux à s'adapter à de nouvelles contraintes affectant leurs conditions d'existence comme facteur endogène.

    Remarquons que c'est en connaisseur du milieu (le Burkina Faso) et des problèmes liés à la migration que Ram Christophe Sawadogo a fait ce bilan du rapport des migrants à l'environnement. Il soulève dans son étude le problème de la quotidienneté des rapports entre les populations et leur environnement, d'une part, et des rapports sociaux entre autochtones et populations migrantes autour des ressources naturelles, d'autre part. La dynamique de ces différents rapports sociaux, surtout en contexte de rareté des ressources naturelles, se manifeste en tensions et conflits parfois armés (cas récurrent des pasteurs peuls et des agriculteurs ça et là au Burkina). Le changement social qui résulte de cette situation est le signe non seulement de la capacité des populations à s'adapter à leurs nouvelles conditions de vie mais encore de leur détermination à trouver des solutions pour un mieux vivre, c'est-à-dire à améliorer leurs conditions d'existence, ce qu'on appelle développement. Et de fait, comme

    26 SAWADOGO, R. C., Migrations et développement au Burkina Faso : Expériences de recherches, pratiques de développement et perspectives, Thèse de Doctorat d'État, UCAD, Dakar, 2009-2010.

    27 Ibidem, p. 323.

    nous l'avons déjà signalé ailleurs, la question singulière du déboisement et celle, générale, de la dégradation de l'environnement posent fondamentalement le problème du développement ou du mal développement des populations rurales et de l'humanité tout entière.

    En résumé, la littérature africaine sur l'environnement en général et sur le déboisement en particulier, telle que nous venons de la présenter, prend en compte les perceptions et représentations sociales de l'espace. En effet les auteurs sont conscients que celles-ci structurent le mode de vie des sociétés. D'où l'importance de la dimension culturelle du rapport société-environnement dans leurs recherches. Dans ce rapport dynamique, des paramètres tels que la densité, les dysfonctionnements du marché, les besoins liés aux conditions de vie des populations sont déterminants dans le rythme de la pression sur les ressources naturelles, surtout ligneuses. Les migrations, comme cela a été montré, sont elles aussi, à la fois, causes et conséquences des pressions sur les ressources naturelles.

    Au total, il ressort de cette revue de la littérature sur le déboisement que le phénomène est d'actualité dans le monde et en Afrique, surtout sahélienne. Les proportions qu'il prend en Afrique, à cause de l'accroissement de la population, des méthodes culturales, de la pauvreté, et bien d'autres facteurs, sont le signe de la rupture progressive des équilibres de l'écosystème dont dépend en grande partie l'équilibre de la vie des sociétés. Il s'en suit donc un ensemble d'effets, en termes de changements sociaux, auxquels le sociologue doit être attentif. Telle est l'ambition de cette étude que nous avons entreprise sur le déboisement dans le Département de Toma au Burkina Faso.

    I.2. Problématique

    Dans son rapport de 2010 portant sur l'évaluation des ressources forestières mondiales, la FAO28 note que bien qu'il y ait un recul de la déforestation durant ces dix dernières années à cause des programmes nationaux de reboisement et de la législation sur les forêts, la déforestation se poursuit à un rythme alarmant dans certaines régions du monde (Amérique du Sud, Afrique et Océanie). S'agissant de l'Afrique, le continent aurait perdu environ 4 millions d'hectares de forêt par an de 2000 à 2005, soit près d'un tiers de la superficie déboisée dans le monde. Entre 2000 et 2010, l'Afrique aurait perdu 3, 4 millions

    28 FAO, Évaluation des ressources forestières mondiales 2010. Résultats principaux, p.3. Disponible sur le site : www.fao.org/forestry/static/data/fra2010/KeyFindings-fr.pdf, (consulté le 12 avril 2010).

    d'hectares de forêts29. Cette brève présentation de l'état du déboisement dans le monde et en Afrique par l'institution onusienne, montre combien le problème est d'actualité et invite à se préoccuper de ses conséquences.

    Pour ne parler que de la région sahélienne de l'Afrique, l'histoire révèle qu'elle a connu, des périodes dures et successives de sécheresse qui ont eu des conséquences désastreuses sur la végétation et sur les populations à majorité agricoles et dont les récoltes dépendent des pluies. On peut citer entre autres conséquences le manque d'eau, la désertification, la perte de la biodiversité et la dégradation des sols. Malheureusement, à ces phénomènes naturels, il faut ajouter ceux, humains, qui ont aggravé la dégradation de l'environnement en Afrique sahélienne. Au nombre de ces facteurs anthropiques de la dégradation de l'environnement sahélien se trouvent « le surpâturage, particulièrement dans les terres sèches, le défrichement de grande étendue de végétation pour l'agriculture, la déforestation, la culture extensive sur des terres à faible rendement, l'utilisation de techniques agricoles non appropriées, la mauvaise gestion des terres arables... »30 Cette dégradation de l'environnement sahélien a connu une vitesse terrible depuis les indépendances sous la poussée de la pression démographie et des nouvelles méthodes de production agricole. Ainsi, la conjonction des facteurs écologiques et des facteurs humains laisse dire à Mariko Kélétigui que « le bilan de la gestion et de l'exploitation des ressources naturelles du Sahel est catastrophique et totalement négatif ».31

    Le déboisement est un fait réel et inquiétant, surtout en milieu rural africain, et pose particulièrement le problème de la gestion des ressources naturelles. A grande échelle, le déboisement ouvre la voie à la désertification et au déplacement des populations. C'est ainsi qu'au Burkina Faso on constate une migration permanente des populations des zones arides du nord vers celles semi-arides ou humides de l'ouest et du sud-ouest. Face à cette réalité, le gouvernement burkinabè a adopté en 2000 un programme de lutte contre la désertification et de protection de l'environnement visant à sensibiliser, former et engager les communautés villageoises dans la lutte pour la sauvegarde de l'environnement. C'est dire combien, face au phénomène croissant du déboisement, cette lutte se présente comme une urgence dans toutes les provinces du Burkina Faso.

    En effet, dans le Département de Toma, situé au coeur de la province du Nayala, le déboisement a pris des proportions importantes avec l'introduction de la culture du coton et des moyens de transport de grande capacité que sont les charrettes tirées par les ânes. La

    29 ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE, Situation des forêts du monde 2009, Rome, 2009, p. 4.

    30 PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR L'ENVIRONNEMENT, Indicateurs de l'état de l'environnement pour l'Afrique de l'Ouest, novembre 2002, p.11.

    31 MARIKO, K. A., op. cit., p. 63.

    culture attelée aussi a augmenté les superficies déboisées. En outre, une étude révèle que « chaque année près de 50% des superficies de la province sont brûlées par les feux de brousse ».32 On peut dire qu'au cours des 50 dernières années l'évolution de l'environnement végétal dans la province du Nayala, en général, et dans le Département de Toma, en particulier, a connu une dégradation graduelle. En effet, des vieux témoignent encore aujourd'hui de l'existence, à une époque reculée, d'une végétation dense abritant une faune abondante et parfois dangereuse. Des forêts villageoises, il ne reste plus, de nos jours, que des résidus sinon le souvenir. Patrice Toé confirme cette observation des vieux au sujet de l'ensemble du pays san (dont relève la province du Nayala) en ces termes : « Cette végétation est en constante dégradation, liée à l'action déprédatrice de l'homme ; et les survivances d'une tradition religieuse menacent, encore de nos jours, la forêt par les feux de brousse ».33 Ceci dit combien la culture locale contribue elle aussi au déboisement.

    Au nombre des activités qui occasionnent le déboisement par la coupe des arbres, on ne saurait oublier de citer cette activité commerciale des femmes qui absorbe une grande quantité de bois : la préparation de la bière de mil (le dolo). On compte dans le Département de Toma plus d'une centaine de brasseries de cette boisson alcoolisée dont la préparation dure en général deux jours et nécessite au minimum deux charrettes de bois.

    Il va sans dire que si le déboisement est une réalité dans le Département de Toma, ses conséquences socioculturelles sont aussi importantes que l'ampleur du phénomène dans cette région du Burkina où les populations sont agricoles, pauvres et dépendantes de leur environnement. En effet, l'arbre semble être aujourd'hui la principale source de revenus des populations dans cette zone rurale où il n'y a pas d'industrie et où l'artisanat est peu structuré. Dans un tel contexte où la pauvreté et l'accroissement démographique se conjuguent et où les besoins humains dépassent toujours les ressources, le déboisement nous apparaît comme un facteur sérieux de changement social qu'il importe d'étudier. Notre problématique se structure autour de la question suivante : Quelles sont les transformations socioculturelles opérées par le déboisement dans le Département de Toma ? S'interroger sur les mutations socioculturelles liées au déboisement c'est poser le problème fondamental de la gestion sociale de l'environnement dans notre zone d'étude. Pour nous, le problème du déboisement dans le Département de Toma s'inscrit dans l'ensemble de la crise environnementale qui sévit à l'échelle nationale et mondiale. C'est pourquoi, il nous importe également de chercher à

    32 KABA, A., et TOE, R.M., Monographie de la province du Nayala, Tougan, Décembre 1998, p. 17.

    33 TOE, P., Contribution à l'étude des transformations socio-agraires en Afrique tropicale : une approche anthropologique des politiques d'innovation dans l'agriculture en pays san méridional (Burkina Faso),Thèse de doctorat, EHESS, Paris, 1994, pp.39-40.

    comprendre comment les populations du Département réagissent face au problème de la dégradation de leur environnement. En d'autres termes, comment les populations du Département de Toma s'impliquent-elles dans la lutte pour la sauvegarde et la protection de l'espace naturel qu'elles occupent ? Telle est la deuxième question qui sous-tend notre recherche.

    I.3. Objectifs

    L'objectif général de notre recherche est de déterminer les conséquences socioculturelles du déboisement sur les populations rurales du Burkina Faso.

    Les objectifs spécifiques sont :

    - Déterminer les conséquences socioculturelles du déboisement sur la vie sociale dans les villages du Département de Toma.

    - Identifier les stratégies utilisées par les populations du Département de Toma dans la coupe et le transport du bois.

    - Identifier les actions de lutte contre la dégradation de l'environnement végétal dans le Département de Toma.

    I.4. Hypothèses Notre hypothèse principale est la suivante :

    Le déboisement, comme facteur de changement social, déstructure les communautés villageoises, instaure de nouvelles socialités et est une cause de paupérisation des populations du Département de Toma.

    Cette hypothèse est sous-tendue par trois hypothèses secondaires qui sont :

    - Le déboisement crée des dysfonctionnements dans les systèmes traditionnels de gestion communautaire des ressources naturelles dans le Département de Toma.

    - Plus les autorités administratives taxent la coupe de bois, plus les populations développent des stratégies raffinées d'exploitation des ressources ligneuses.

    - Le degré d'implication des populations dans la protection de l'environnement est fonction de l'appui institutionnel dont elles bénéficient. Autrement dit, plus les populations perçoivent comme avantageuses pour elles les interventions des services étatiques et des ONG, plus elles participent à la protection de l'environnement.

    I.5. Concept opératoire : le changement social

    Dans la mesure où notre étude s'intéresse aux dynamiques du monde rural en tentant d'analyser les effets socioculturels du déboisement sur la vie sociale des populations, le concept opératoire de changement social nous semble pertinent comme outil de théorisation. Qu'est-ce que le changement social ? En quoi est-il pertinent pour notre recherche ?

    Lorsque l'on consulte Le petit Larousse illustré (1995), on y trouve plusieurs termes synonymes du verbe « changer » dont le substantif est « changement ». Ce sont : remplacer, rendre différent, modifier, transformer, faire passer d'un état à un autre. Tous ces verbes sont des verbes d'action renvoyant à un mouvement. C'est pourquoi le même dictionnaire définit le changement comme l'«action, le fait de changer, de se modifier, en parlant de quelqu'un ou de quelque chose ». Le changement social y est défini comme « ensemble des mécanismes permettant la transformation lente des sociétés et non leur reproduction ». Cette définition laisse ainsi entendre le changement social comme un processus dynamique, évolutif et visible des sociétés. En effet, Guy Rocher définit le changement social comme « toute transformation observable dans le temps, qui affecte, d'une manière qui ne soit pas que provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire ».34 Le changement social est, toujours selon Rocher, « le changement de structure qui résulte de l'action historique de certains acteurs ou de certains groupes à l'intérieur d'une collectivité donnée ».35

    Mais l'histoire de l'évolution du concept montre que le changement social est un phénomène complexe, difficile à cerner. Selon Raymond Boudon et François Bourricaud36, le processus dynamique (et historique) dont il est question ci-dessus avait été l'objet d'une théorisation d'abord par les philosophes puis ensuite par les sociologues. Tandis que chez les philosophes comme Hegel et Marx37 le changement social est « le résultat de différentes «contradictions» », chez Nisbet38, il « résulte de causes externes ». La sociologie classique qui a développé une pléthore de théories sur le changement social s'est préoccupée d'en rechercher le « primum mobile », le moteur et les formes. La sociologie moderne, quant à elle, rejette l'idée d'une cause dominante du changement social et admet une pluralité de types de changement (endogène, exogène, mixte, linéaire, oscillatoires, prévisibles et difficilement prévisibles).39 Pour Raymond Boudon cette « diversité des processus de

    34 ROCHER, G., Introduction à la sociologie générale. T3, Le changement social, Ltée, éd. HMH, 1968, p. 22.

    35 Ibidem, p. 24.

    36 Cf. BOUDON, R. BOURRICAUD, F., Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1982, p. 70.

    37 Cités par BOUDON, R.et BOURRICAUD, F., op. cit., p. 70.

    38 Idem.

    39 Ibidem, p. 71.

    changement » oblige le sociologue, qu'il est, à admettre l'inexistence d'une théorie générale du changement social et à insister sur la distinction entre processus endogènes et processus exogènes sans pour autant opter entre une « théorie endogéniste » et une « théorie exogéniste ». C'est pourquoi il est préférable, et nous sommes d'avis avec Boudon, de parler de changement « exogène-endogène » car il en va ainsi de la réalité. « En effet, un changement exogène provoque toujours une cascade plus ou moins complexe de conséquences qui représentent des ajustements endogènes ».40

    Claude Rivière a la même approche que Guy Rocher lorsqu'il se fonde sur la dimension historique des processus pour définir le changement social. « Identifiable dans le temps comme ensemble de transformations dans les conditions et modes de vie d'une collectivité ou comme succession d'états (t1, t2, t3,...), le changement social se détermine positivement comme phénomène à la fois historique, collectif et structurel affectant l'organisation sociale, sinon dans sa totalité, du moins dans certaines de ses composantes ».41 Tout autre est l'approche de Michel Crozier et Erhard Friedberg pour qui « le changement n'est ni une étape logique d'un développement humain inéluctable, ni l'imposition d'un modèle d'organisation sociale meilleur parce que plus rationnel, ni même le résultat naturel des luttes entre les hommes et de leurs rapports de force. Il est d'abord la transformation d'un système d'action (...) C'est-à-dire que les hommes doivent mettre en pratique de nouveaux rapports humains, de nouvelles formes de contrôle social ».42 Vu sous l'angle de l'analyse systémique, il va de soi que le changement social apparaisse comme tel à ces auteurs. Mais toutes ces approches montrent toujours la complexité du phénomène et donne raison à Raymond Boudon. Finalement ce que le sociologue moderne doit admettre, dans le cadre d'une théorisation sur le changement social, c'est que :

    « Il est vain de chercher à ramener le changement social à un cas de figure unique. Certains processus de changement social résultent de conflits entre groupes antagonistes. D'autres résultent d'innovations techniques. D'autres encore de changements dans l'ethos des groupes. Certains dérivent peut-être de changements dans la structure de la personnalité (qui s'expliquent eux-mêmes par d'autres facteurs). D'autres proviennent d'états de « déséquilibre » engendrés par la structure de certains systèmes d'interdépendance ou d'interaction. Mais aucun de ces

    40 BOUDON, R., La logique du social. Introduction à l'analyse sociologique, Paris, Hachette, 1979, p. 232.

    41 RIVIÈRE, C., L'analyse dynamique en sociologie, Paris, PUF, 1978, p.22-23.

    42 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., L'acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil, 1977, p. 383.

    mécanismes ne peut être tenu pour général, ni même comme plus important que les autres. »43

    La pertinence du concept de changement social, dans le contexte de notre étude, provient du fait que le déboisement, comme fait social, est un phénomène observable sur une longue durée dans le Département de Toma et prend, au fur et à mesure du temps, des proportions importantes. Certains facteurs explicatifs du phénomène sont connus comme la croissance démographique, la pauvreté, les dysfonctionnements du marché, etc. Ces facteurs accélèrent le déboisement qui engendre une série de conséquences sur les conditions de vie des populations. Ce sont ces effets dans le temps que nous entendons étudier et qui constituent des transformations socioculturelles dans le Département de Toma. En somme, nous voulons rendre compte de la dynamique des rapports sociaux dans cette localité du Burkina, parce qu'il nous semble que le changement est, d'après Gilles Ferréol « le coeur de la nature des choses »44.

    I.6. Modèle théorique et modèle d'analyse I.6.1. Modèle théorique

    Le modèle théorique qui sous-tend notre recherche à caractère socio-anthropologique est le fonctionnalisme. D'emblée, nous signalons que nous sommes averti de la position de certains auteurs selon laquelle le fonctionnalisme appréhende difficilement le changement, car comme le souligne Robert K. Merton, « les fonctionnalistes tendent à porter toute leur attention sur la statique de la structure sociale et à négliger l'étude des changements structurels ». Or, toujours selon Merton, « Le concept de dysfonction, qui est lié au concept de tension, d'effort et de contrainte au niveau structurel, fournit un point de vue analytique à l'étude de la dynamique sociale ».45 Il nous apparaît donc que, même si ce n'est totalement du moins partiellement, le fonctionnalisme qui étudie le système social dans sa globalité peut intégrer le changement, puisqu'aucun système social n'est statique mais toujours dynamique. L'analyse d'Emile Durkheim qui est une étude de la dynamique sociale concernant la division du travail n'est-elle pas fonctionnaliste ? Pour nous, les notions de fonction (ou dysfonction) et de structure comptent. Étudiant le déboisement comme un phénomène social qui prend de plus en plus de l'ampleur dans la société san et dans les villages du Département de Toma, il nous semble donc que ce phénomène n'est pas sans effet sur la structure ou encore

    43 BOUDON, R., La logique du social. op. cit., p. 236-237.

    44 FERRÉOL, G., Dictionnaire de sociologie, 3ème éd., Paris, Armand Colin, 2004, p. 11.

    45 MERTON, K., R., Éléments de théorie et de méthode sociologique (traduits de l'américain et adaptés par Henri Mendras), Paris, Plon, 1965, p. 104.

    l'organisation de la société concernée. Toutefois, il nous faut définir le fonctionnalisme et montrer en quoi il prend en compte notre problématique du changement social.

    Selon Philippe Descola, « les ethnologues qualifient de fonctionnaliste une certaine manière de décrire et d'interpréter les faits sociaux, de poser et de traiter des problèmes, étayée par une représentation d'ensemble de l'état de la société ».46 En effet, pour les fonctionnalistes, l'explication causale (durkheimienne) se dit en termes de fonction : la fonction d'une institution, d'un objet dans une société est la cause de son existence. S'inscrit dans la même perspective de l'analyse fonctionnelle la théorie des besoins élaborée par Malinowski47. Il distingue des besoins primaires (conditionnés par la nature de l'homme et par les caractéristiques écologiques du milieu où il évolue) et des besoins secondaires liés à la culture. Comme cela apparaît clairement, cette théorie « malinowskienne » des besoins est très fondamentale dans notre recherche sur le Département de Toma où besoins primaires et secondaires des populations rurales sont conditionnés et orientés par le phénomène du déboisement galopant. C'est pourquoi, nous retenons comme fondement justificatif de notre choix de ce modèle théorique cette assertion de Malinowski selon laquelle « Dans tous les types de civilisation, chaque coutume, chaque objet, chaque idée, chaque croyance remplit une fonction vitale, a une tâche à accomplir, représente une partie indispensable d'une totalité organique ». 48

    D'un autre côté, le fonctionnalisme nous permet, d'une part, d'identifier et de comprendre les rôles joués par les différents acteurs sociaux intervenant dans le phénomène du déboisement (charretiers, femmes préparant le dolo, agriculteurs, sculpteurs, agents du service administratif de l'environnement, ...) et, d'autre part, de mettre en relief comment les structures de la société san sont modifiées dans les villages et fonctionnent désormais en intégrant le phénomène du déboisement massif. En effet, les différents rôles, appréhendés en termes d'interactions et d'interdépendances entre divers acteurs sociaux rendent compte des liaisons fonctionnelles au sein des communautés villageoises du Département de Toma et du changement social en cours.

    Avec Lewis Coser (1956) le fonctionnalisme aborde, avec une originalité particulière, la question des conflits. Mais pour Coser les conflits ne déstructurent pas forcément la société. Au contraire « un conflit, à l'intérieur d'un groupe, peut contribuer à créer son unité, ou à ramener l'unité et la cohésion lorsque celles-ci ont été menacées par des sentiments hostiles

    46 DESCOLA, P., Les idées de l'anthropologie, Paris, Armand Colin, 1988, p. 63.

    47 MALINOWSKI, B., Une théorie scientifique de la culture, Paris, Maspero, 1968.

    48 MALINOWSKI, cité par DESCOLA P., op. cit., p. 99.

    et opposés parmi ses membres ». 49 Le conflit donne naissance à de nouvelles institutions. Or le conflit est inhérent aux phénomènes du déboisement et du changement social. C'est là donc qu'apparaît visiblement le rôle structurant et déstructurant de déboisement comme phénomène de changement social dans les villages que nous étudions. Henri Mendras nous éclaire davantage : « Toute société comporte des groupes différents dont les intérêts divergents entrent à un moment ou à un autre en conflit et l'idée qu'une société idéale serait une "harmonie" sans tension n'est évidemment qu'un rêve dont il faut se défaire. »50 En effet, le déboisement dans le Département de Toma est source de conflits entre propriétaires fonciers, autorités administratives et coupeurs de bois. Il crée des ruptures dans l'écosystème rendant ainsi caduques certaines pratiques culturelles (raréfaction du gibier et rôle fictif des grandes chasses traditionnelles), mettant en échec certaines fonctions religieuses (prêtre faiseur de pluie) et rendant difficile l'approvisionnement en bois de construction et en produits de la médecine traditionnelle.

    Par ailleurs, les différents conflits dont il est question font naître chez les acteurs des stratégies visant à une exploitation optimale de la ressource naturelle arbre. C'est pourquoi l'analyse stratégique de Michel Crozier, que nous empruntons comme approche théorique du phénomène de déboisement dans le Département de Toma, se révèle d'une importance sans précédant. Selon cette théorie, chaque acteur social est un stratège dans les systèmes où il évolue et où il fait jouer sa liberté en tentant d'avoir une maîtrise des zones d'incertitude. En effet, dans les relations de pouvoir comme celles entre les autorités administratives de contrôle de l'environnement à Toma et les coupeurs de bois (clandestins et officiels) ou mêmes les agriculteurs, les différents acteurs développent de part et d'autre des stratégies visant la maximisation de la coupe de bois pour les uns et la sauvegarde de l'environnement pour les autres. C'est pourquoi l'analyse stratégique proposée par Michel Crozier dans le cadre de l'étude des organisations convient aussi dans notre étude. Comme le disent si bien Henri Mendras et Michel Forsé, « Le changement, ce n'est pas seulement des forces historiques et macrosociales, c'est aussi l'interaction des stratégies multiples de très nombreux acteurs ».51

    I.6.2. Modèle d'analyse : le changement social selon Michel Crozier

    Après cette présentation de notre modèle théorique, le modèle d'analyse que nous privilégions dans notre étude sur le déboisement est celui développé par Michel Crozier et

    49 COSER, L., Les fonctions du conflit social, Paris, PUF, 1982, p. 83.

    50 MENDRAS, H., Eléments de sociologie, Paris, Armand Colin, 1996, p. 203.

    51 MENDRAS, H., FORSÉ, M., Le changement social, tendances et paradigmes, Paris, Armand Colin, 1983, p. 11.

    Erhard Friedberg dans leur ouvrage intitulé L'acteur et le système.52 Pour ces auteurs, le changement est d'abord la transformation d'un système d'action et mise en place de nouveaux rapports humains avec de nouvelles formes de contrôle social.

    Il est bien vrai que, traitant du déboisement, nous ne sommes pas dans le cadre d'une organisation bureaucratique. Toutefois, parce que dans la perspective de l'analyse fonctionnaliste que nous adoptons, la société est comme un système vivant composé d'éléments qui interagissent, le modèle de Crozier permet, dans un système social évolutif tel que celui du Département de Toma, d'analyser les rapports de l'individu à l'espace et de bien mettre en relief les rapports du trinôme société-pouvoir-espace. Dans cette perspective, et conformément au modèle d'analyse de Crozier, pouvoir, zone d'incertitude, stratégie et enjeu, conflit, système d'action concret sont des concepts clés qui définissent et permettent d'interpréter les relations entre acteurs dans un contexte donné, tel que celui, ici, du déboisement en particulier et d'utilisation ou de gestion des ressources naturelles en général.

    En somme, dans ce contexte du déboisement, c'est la dynamique des rapports entre acteurs individuels et collectifs (autorités administratives, propriétaires fonciers, coupeurs de bois, brasseuses de dolo,...) qui rend compte du changement social dans le Département de Toma.

    52 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p. 383.

    CHAPITRE II : CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

    Ce chapitre qui traite du cadre méthodologique de notre recherche prend en compte les éléments suivants : le champ d'étude, les méthodes et techniques de collecte des données, le déroulement de l'enquête et les difficultés rencontrées.

    II.1. Champ d'étude

    Le Département de Toma53 se trouve au coeur de la province du Nayala située ellemême au nord-ouest du Burkina entre 02°30' et 03°30' de longitude Ouest et 12°30' et 13°30' de latitude Nord. Le Département de Toma s'étend entre 02°45' et 03°30' de longitude Ouest et entre 12°20' et 12°55' de latitude Nord. Avec une superficie de 3 829 km2, il regroupe 16 villages et est limité au Nord et au Nord-Est par le Département de Yaba, au Sud-Est par le Département de Didyr, au Sud par le Département de Gossina, au Sud-Ouest par le Département de Yé et à l'Ouest par le Département de Kougny.

    II. 1.1. Climat

    Les conditions climatiques du Département de Toma sont celles de l'ensemble du Burkina : rudes (8 à 9 mois de saison sèche et 3 à 4 mois de pluies aléatoires variant entre 500 et 1000 mm par an), avec chaque année des perturbations du cycle agricole et une mauvaise répartition des pluies. Les populations subissent tantôt des sécheresses tantôt des inondations et sont, de ce fait, exposés à l'insécurité alimentaire. Le tableau ci-dessous nous donne une idée de la répartition de la pluviométrie sur les dix dernières années. Les précipitations s'étendent sur une période de 39 à 54 jours.

    Tableau 1 : Pluviométrie des 10 dernières années dans le Département de Toma

    Années

    Hauteur d'eau en mm

    Nombre de jours

    2000

    670,5

    39

    2001

    512,3

    39

    2002

    760,8

    51

    2003

    554,3

    37

    2004

    1187,5

    58

    2005

    565

    37

    2006

    612,2

    45

    2007

    691,1

    54

    2008

    929,9

    39

    2009

    886,2

    47

    Source : DPAHRH/Nayala, août 2010.

    53 Nous tirons les données statistiques sur le Département de Toma de deux documents principaux : le Plan communal de développement de Toma (décembre 2009) et la Monographie de la province du Nayala (octobre 2007).

    II.1.2. Végétation et sols

    Comme pour l'ensemble de la partie nord-ouest du Burkina, la végétation du Département de Toma est clairsemée. Elle est en fait une savane arbustive composée d'arbres épars comme le karité (Vitellaria paradoxa), le néré (Parkia biglobosa), le tamarinier (Tamarindus indica), le baobab (Adansonia digitata), le kapokier (Bombax costatum), le Balantes aegyptiaca et des variétés d'acacia telles que l'acacia albida, l'acacia nilotica et l'acacia seyal. Dans les zones d'habitation, on trouve des plantations d'eucalyptus camaldulensis, de neems (Azadirachta indica) et de manguiers (Mangifera indica). La végétation constitue également une savane herbacée. Il n'y a pas de forêt, mais quelques bosquets près de certains villages. En outre, malgré les luttes contre la désertification, le déboisement ne cesse de prendre de l'ampleur. D'importantes superficies (non évaluées par les services administratifs compétents, faute de moyen) sont brûlées chaque année par les feux de brousse.

    Les sols sont composés des types suivants :

    - les sols argileux qui comprennent les sols bruns argileux et les sols argileux sableux favorables à la culture des céréales et du coton ;

    - les sols gravillonnaires, presque incultes ;

    - et les sols ferrugineux favorables aussi à la culture des céréales, du coton et de l'arachide.

    Les sols connaissent une dégradation due aux actions anthropiques telles que les méthodes culturales extensives, les défrichements anarchiques, la coupe abusive du bois vert et les feux de brousse.

    II.1.3. Population

    Selon les résultats du dernier Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 2006, le Département de Toma compte 29 451 habitants. Une répartition de cette population par sexe donne 14 632 hommes, soit 49,68%, et 14 819 femmes, soit 50,32%. Le taux de croissance de la population est de 2,37%. Selon ce taux la population du Département atteindra 34 835 habitants en 201454.

    Les ethnies qui peuplent le Département sont, les Sanan, les Mosse, les Gourounsi et les Peuhls. La cohabitation est pacifique entre ces différents groupes ethniques. L'aspect anthropologique de notre travail ne prendra en compte que la culture de la société san que

    54 COMMUNE DE TOMA, Plan communal de développement de Toma 2010-2014, Toma, 2009, p.23.

    nous connaissons mieux par rapport aux autres groupes ethniques, ce d'autant plus qu'elle est la société autochtone qui a accueilli les autres.

    II.2. Méthodes et techniques d'observation et de collecte des données

    Sous ce titre, nous entendons exposer comment nous avons mené notre recherche et quels outils nous avons utilisés.

    II.2.1. La recherche documentaire et les entretiens exploratoires

    Afin de faire de point des connaissances sur notre question de recherche et de construire ainsi la partie théorique de notre travail, une exploration documentaire a été nécessaire. Celle-ci s'est faite avant la construction de la problématique et s'est poursuivie durant la rédaction de la revue de la littérature et l'analyse des données. Outre les bibliothèques de l'UCAD et de l'université de Ouagadougou, nous nous sommes rendu dans divers centres de documentation (CODESRIA, CRDI, IRD, ENDA Tiers-monde, les Ministères de l'environnement du Sénégal et du Burkina, ...) pour chercher l'information.

    Cette recherche documentaire a été complétée par des entretiens exploratoires réalisés auprès de spécialistes de l'environnement ainsi que des professeurs et étudiants de l'UCAD.

    II.2.2. Méthodes d'observation

    Au regard du caractère socio-anthropologique de notre recherche, nous avons opté d'utiliser la méthode qualitative. Cette méthode comprend deux techniques : l'enquête par entretien et l'enquête par observation. S'agissant des entretiens, la collecte des données s'est faite à travers les types semi-directifs et les focus-group. En réalité, c'est l'objectif de la recherche qui impose la technique à utiliser. Selon Madeleine Grawitz, « lorsque les comportements vécus, la présence des autres, les processus dynamiques sont en cause, l'emploi des techniques de groupe s'impose ».55 Dans la mesure où techniques de groupe et techniques individuelles ne s'excluent pas mais se complètent, nous avons opté pour les deux techniques. A cet effet, un guide d'entretien nous a servi d'outil de collecte des données.

    Les informations ont été recherchées auprès d'un échantillon significatif (c'est-à-dire capable de fournir des informations de grande qualité) et stratifié composé comme suit :

    - Une catégorie de personnes composée de responsables coutumiers (5), de phytothérapeutes ou « tradipraticiens » (3), d'autorités administratives (2 : le

    55 GRAWITZ, M., Méthodes des sciences sociales, 11ème éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 532.

    Directeur provincial de l'agriculture et le Directeur provincial de l'environnement), de charretiers coupeurs et vendeurs de bois (5) et des vieux septuagénaires (5). Soit un total de 20 personnes choisies dans 5 villages où le problème du déboisement se pose avec acuité.

    - Deux focus-group composés de 10 femmes chacun, et dont la moitié sont des préparatrices de dolo. Soit également un total de 20 personnes.

    Au total, la taille de notre échantillon était de 40 personnes choisies en fonction de la quantité et de la qualité des informations que nous recherchions et qu'elles pouvaient nous fournir sur le phénomène du déboisement. Les charretiers coupeurs et vendeurs de bois étaient des jeunes et des adultes d'âge compris entre 30 et 55 ans. Dans la mesure où nous n'avions pas opté pour la méthode quantitative mais plutôt pour la méthode qualitative, le rapport de la taille de l'échantillon à la population globale n'était pas nécessaire ; ce qui justifie la taille réduite de notre échantillon.

    S'agissant de l'enquête par observation, elle a consisté en une observation directe non participante. A l'aide d'une grille d'observation, il s'est agit pour nous d'observer « de l'extérieur » le phénomène de la coupe de bois et des stratégies de transport de celui-ci en vue de la livraison chez les acheteurs. L'observation directe nous a permis de saisir les comportements des acteurs sociaux sur le vif.

    II.3. Déroulement de l'enquête

    Nous avons mené notre recherche de terrain durant le mois d'août. Avant d'engager l'enquête elle-même, nous avons procédé à une pré-enquête conformément à l'enseignement de la méthodologie. Celle-ci nous a permis de nous imprégner du terrain et d'ajuster certaines questions de notre grille d'entretien. Cette phase de pré-enquête a eu pour avantage de tester la pertinence de nos outils d'investigation. La pré-enquête s'est déroulée le 30 juillet 2010.

    L'enquête proprement dite s'est déroulée du 1er au 31 août 2010. Elle a couvert principalement cinq villages du Département : Toma, Koin, Nièmè, Sien et Zouma.

    II.4. Difficultés rencontrées

    Notre première difficulté était la maîtrise du temps d'investigation limité au mois d'août, période hivernale où les paysans, à cause des travaux champêtres, ne sont pas disponibles dans la journée pour des entretiens. Ceci nous a amené à faire certaines interviews la nuit. Nous avons compté aussi avec le dimanche qui est un jour de repos, mais parce qu'il est aussi jour de prière pour les chrétiens, il nous a fallu attendre la fin des cérémonies

    religieuses, parfois très longues, pour aller à la rencontre des enquêtés. Certains rendez-vous n'ont pu être respectés par des enquêtés qui ont profité du dimanche pour voyager.

    Sur certaines questions, la crainte des autorités administratives n'a pas facilité le dialogue avec certains enquêtés tels que les coupeurs de bois clandestins. Il nous a fallu les rassurer par rapport à la publication des résultats de l'enquête. S'agissant par exemple des stratégies de coupe et de transport du bois par les clandestins, nous étions contraint de passer par d'autres personnes pour être renseigné.

    Les tradipraticiens aussi pensaient que nous étions intéressé par la connaissance des leurs secrets médicinaux en interrogeant sur les plantes qui soignent et dont la rareté ou la disparition intéressait notre problématique dans le cadre du déboisement. Un tradipraticien du village de Koin a refusé de répondre à nos questions.

    La période de notre enquête (mois d'août) a coïncidé avec le ralentissement des activités de déboisement à savoir la coupe de bois, le défrichement et les feux de brousse. Nous n'avons pratiquement pas pu faire une observation participante. L'idéal aurait été de pouvoir faire le terrain en deux phases : une phase en saison sèche et une autre en hivernage. Car selon l'une ou l'autre saison la végétation se présente différemment. En outre, il n'y a pas d'activité de chasse collective en hivernage.

    Enfin, nous avons souhaité entrer en contact avec quelques informateurs du Service de l'environnement placés dans les villages, mais le secret a été gardé autour de leurs noms par ledit service.

    DEUXIÈME PARTIE :

    PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES
    RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE

    CHAPITRE III : ÉVOLUTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LE
    DÉPARTEMENT DE TOMA

    Le présent chapitre s'intéresse à l'évolution de l'environnement naturel dans le Département de Toma afin de mieux rendre compte du phénomène du déboisement. En l'absence de toute documentation et de repères historiques précis, nous nous appuyons sur ce que la mémoire de nos enquêtés a conservé, en essayant de remonter le cours de l'histoire le plus loin possible. C'est cette mémoire humaine qui rend compte d'une dégradation progressive de l'ensemble de la biodiversité et en donne les causes socioculturelles que nous analysons.

    III.1. Dégradation de la biodiversité

    La dégradation de la biodiversité est un fait avéré dans le Département de Toma. Les enquêtés parlent d'une disparition progressive du couvert végétal. En langue locale san ce phénomène s'appelle « Dô ne nyan » (« la brousse est finie »). Pour les populations, cette « fin » de la brousse s'observe à partir des espèces végétales et animales disparues. Une femme de Nième, âgée de 60 ans environ, témoigne ainsi lors du focus-group que nous avions organisé le 19/08/2010 : « Avant, la brousse était touffue et la forêt était danse, difficile à pénétrer. On ne coupait que du bois mort. Aujourd'hui, avec la préparation du dolo, les gens ont tout coupé. Il y avait beaucoup d'animaux sauvages. A l'époque où nous étions bergers et gardions les chèvres, il y avait un lion qui rugissait non loin de la rivière à côté (environ 1 km du lieu où nous étions). Nous le voyions et il ne nous menaçait pas. Parfois, quand il avait faim, il fonçait sur un mouton et l'enlevait en toute vitesse sans que nous osions nous approcher pour l'en empêcher. Aujourd'hui, est-ce que les enfants connaissent le cri du lion ou de l'hyène ? Les hyènes aussi criaient les soirs. Voici la forêt des Toé à côté (elle indique l'endroit à environ 800 m), quand nous étions jeunes filles, il y avait un lion dedans. Il y en avait aussi à kitan (colline située à 4 km environ). C'est le fusil et le poison qui ont fait disparaître ces bêtes sauvages. Pour tuer le lion de la forêt des Toé, on a versé du poison sur une chèvre qu'on a attachée dans la forêt. Le lion l'a mangée et en est mort. Son corps a été jeté dans un puits tari du village. Un homme de Toma, nommé Guinti, fils de Kèkoro, chassait les lions avec son fusil. Il en a tué non loin d'ici, sous nos yeux ».

    Ce témoignage fait état d'une époque récente, environ une cinquantaine d'années, où la végétation était encore abondante et où les populations villageoises et les bêtes sauvages se partageaient les mêmes espaces. Ainsi, entre la période de disponibilité des ressources

    autrefois et celle de la rareté constatée aujourd'hui, suite à la dégradation progressive de la biodiversité, il y a lieu de souscrire à la thèse de Marshall Sahlins lorsqu'il écrit : « âge de pierre, âge d'abondance »56. La déforestation et la chasse, avec des moyens modernes (pesticides, fusils,...), ont fait que les grands mammifères carnassiers et herbivores ont totalement disparu du Département de Toma. Au sujet cette dégradation de la biodiversité végétale et animale, le Professeur Joseph Ki-Zerbo préfaçant un ouvrage de Mariko Kélétigui écrit :

    « Nous pouvons nous-mêmes attester que, dans les années 30, notre village de Toma (Burkina Faso) avait des puits débordant d'eau, presque en permanence, des brousses et des plans d'eau foisonnant de vie sauvage : canards, sarcelles, outardes, crocodiles, batraciens divers, faune de gros, moyen et menu gibier depuis l'éléphant et le buffle jusqu'au lièvre qui, par ailleurs peuplait de ses exploits les contes que nous écoutions la nuit. Aujourd'hui, les nappes phréatiques s'enfoncent, le désert avance, la brousse se stérilise et devient muette : elle se cadavérise ».57

    Dans le tableau ci-dessous, nous donnons une présentation des différentes espèces disparues ou menacées de disparition.

    Tableau 2: Répartition indicative des espèces disparues ou en voie de disparition par catégorie

    Flore

    Faune

    Oiseaux

    Nom scientifique

    Nom en
    langue san

    Nom
    français

    Nom en
    langue san

    Nom
    français

    Nom en
    langue san

    Burkea africana Cassia sieberiana

    Holarrhena florinbunda Combretum glutinosum Combretum nigricans Acacia seyal

    Vitex doniana

    Grewia flavescens Sterculia setigera

    Yiiti

    Guissiin Donõnosewo Kièkiè

    Tãan

    Guintien kourountii

    Ziaa

    Kõnforo

    Lion

    Panthère Gazelle Eléphant Cerf

    Hyène

    Zèbre Hippopotame Porc-épic

    Yara Goé Sèssia

    Dônadii

    Zou Kourou

    Woré

    Bere Boussou

    Pintade sauvage Poule sauvage Pigeon sauvage

    Dô-ga

    Dô-koo

    Compian Tabaan Lônti

    Faucon

    56 SAHLINS, M., Âge de pierre, âge d'abondance. L'économie des sociétés primitives, Paris, Gallimard, 1976.

    57 KI-ZERBO, J., « Un homme bien planté dans un Sahel déboisé » (Préface), in MARIKO K.A., La mort de la brousse. La dégradation de l'environnement au Sahel, Paris, Kartala, 1996, p.10.

    Prosopis africana

    Koron

    Boa

    Miengolo

     
     

    Parkia biglobossa

    Koin

    Phacochère

    Dô-birii

     
     

    Detarium senegalensis

    Koro

    Cob

    Lou

     
     

    Bombax costatum

    Bèrè

    Antilope

    tiaan

     
     
     

    Paparè

    Buffle

    Zo

     
     

    Ceiba plutendra

    guèssè diwi

     

    Mouifoua
    Guèwoda

     
     
     
     
     

    Source : inspiré de DEHOTIBAYE Alfred (2002, p.57 et p.62)

    III.2. Les causes socioculturelles de la dégradation de l'environnement

    Qu'il s'agisse du déboisement en particulier ou de la dégradation de l'ensemble de l'environnement en général, une explication sociologique existe. C'est cette explication que nous tenterons de donner ici à partir des données d'enquêtes où sont cités la préparation du dolo, les techniques agro-pastorales, la diffusion technologique, les feux de brousse, la croissance démographique, la pauvreté et les méthodes de gestion des autorités administratives en charge de l'environnement.

    III.2.1. La préparation du dolo

    En zone rurale comme le Département de Toma, la source d'énergie principale reste le bois qui est utilisé pour la préparation des aliments mais surtout du dolo. Au Burkina Faso, le gaz n'existe que dans les villes où, de nos jours, il se fait rare et cher. Dans les villages du Département, comme dans l'ensemble du pays san, le dolo est devenu une boisson courante et un objet de commerce alors qu'auparavant il était préparé seulement par les vieilles personnes et consommé uniquement par les adultes. « De nos jours, dit un enquêté de Koin, tout le monde consomme cette boisson alcoolisée, surtout les enfants et les jeunes. Avant, les brus n'ouvraient pas de cabarets, elles travaillaient avec leurs belles-mères. Mais aujourd'hui, la recherche de l'argent et du bien-être individuel fait que chaque belle-fille ouvre son cabaret. Le dolo est exporté vers les villes comme Bobo-Dioulasso et Ouagadougou. Les cars s'arrêtent ici et nous voyons les bidons de 20 litres chargés de dolo»58. Comme le signale cette personne, la consommation du dolo est devenue un fait social total dans la localité au point que sa généralisation atteint les grandes villes. Selon nos informateurs, des revendeurs de cette boisson en font leur activité principale en ville. Or la grande consommation du dolo

    58 Koin, le 20 /08/2010.

    implique sa préparation fréquente qui nécessite beaucoup de bois. Pour préparer cent litres (100 l) de dolo, il faut au moins deux charrettes de bois, soit environ trois stères59. En 2000, un recensement des sites de préparation du dolo dans l'ancienne délimitation de la commune de Toma dénombrait 75 unités de préparation ou cabarets.60 Aujourd'hui, dans chacun des 16 villages du Département de Toma une concession sur deux est un site de préparation du dolo qui constitue l'activité économique principale des femmes. Et la forte fréquence des préparations de dolo accélère le rythme du déboisement. Il s'en suit donc, à long terme, une dégradation de l'environnement accentuée par les techniques agro-pastorales.

    III.2.2. Les techniques agro-pastorales

    L'agriculture et l'élevage constituent les principales activités économiques du monde rural. Celles-ci nécessitent des méthodes rationnelles en vue de rendements optimaux et sans grand dommage pour la nature. Or dans les villages du Département de Toma, les populations pratiquent une agriculture extensive et « itinérante », comme il ressort de ce récit : « Chaque homme a son champ aujourd'hui, s'exprime une enquêtée. Il y a trop de champs. Les gens ne travaillent plus ensemble comme autrefois. Chaque jeune fait son champ dès qu'il se marie et n'accepte plus de travailler dans la grande famille. Les champs sont côte-à-côte et l'espace

    est vide. Il n'y a plus de brousse. Certains jeunes ne durent même pas dans l'espace découpéet vont ailleurs pour faire d'autres champs ».61 A l'analyse de ce qui est dit, on s'aperçoit

    que la végétation disparaît à causes des méthodes culturales mais également à cause de l'éclatement de la grande famille et donc de la structure sociale villageoise dont nous parlerons plus loin. Les défrichements se font par brûlis. L'introduction de la culture attelée par l'ADRTOM62 à partir de 1968 et le développement de la culture du coton ont permis, d'une part, d'agrandir les superficies des champs et, d'autre part, d'utiliser des pesticides.

    Le surpâturage et la divagation des animaux font partie des méthodes pastorales dans les villages. Les animaux ne connaissent l'enclos qu'en hivernage. Et, parce que les feux de brousse ont incendié la nature en saison sèche, les éleveurs sont contraints de défolier les arbres pour nourrir leurs bêtes. A cause de cette même divagation des animaux, les femmes font des palissades de bois pour protéger leurs jardins potagers. Dans le seul village de Sien,

    59 La Direction Provinciale de l'Environnement et du Cadre de Vie (DPECV) à Toma évalue la charrette à 1, 5 stère.

    60 http://www.inforoute-communale.gov.bf/english/monographie nouveau/monographie de toma.htm, (consulté le 14 septembre 2010).

    61 Enquête réalisée à Nièmè, le 19/08/2010.

    62 Association pour le Développement de la Région de Toma, créée en 1968 par le Père RENDERS sous le nom « Projet-Toma ». Elle crée un centre de formation rurale à Tô et un centre de culture attelée à Zouma. Sur l'ADRTOM et ses activités, lire TOE Patrice, Contribution à l'étude des transformations socio-agraires en Afrique tropicale : une approche anthropologique des politiques d'innovation dans l'agriculture en pays san méridional (Burkina Faso), Thèse de Doctorat, EHESS-Paris, 1994, pp.227-241.

    nous avons compté 165 jardins potagers, chacun nécessitant au moins trois à quatre stères de bois. Les palissades de bois sont renouvelées chaque année.

    Photo 1: vue d'un champ

    Photo 2: Palissade de jardin potager

     
     

    Cliché KI J. P., Koin, le 09/08/2010

    Cliché KI J. P., Nièmè, le 17/08/2010

    III.2.3. La diffusion technologique

    L'arrivée de certaines technologies nous a été signalée comme faisant partie des causes du déboisement et de la dégradation de l'environnement dans le Département de Toma. En effet, si autrefois la chasse et les battues se faisaient au gourdin, l'introduction du fusil de chasse par les anciens combattants a été une véritable révolution dans les méthodes de chasse. Grâce à ce nouvel outil, un individu pouvait abattre, à lui seul, le gibier que tout un village mettait des jours à traquer. C'est ainsi que progressivement, les grands mammifères carnassiers et herbivores ont totalement disparu de la région.

    D'un autre côté, l'introduction, dans les années 1965-1970, de la charrette et de la culture attelée et, aujourd'hui, des tracteurs continue d'avoir un impact sérieux sur l'environnement. Du point de vue de l'organisation sociale traditionnelle du travail, dans la société san, la coupe du bois pour les besoins domestiques (cuisines et jardins potagers) est attribuée aux femmes qui collectent généralement en brousse le bois mort et le transportent sur leurs têtes avec un outil appelé gian en langue san. Le chargement de cet outil est fonction, d'une part, de la capacité de chaque femme à porter une charge plus ou moins lourde et, d'autre part, de la distance à parcourir pour arriver à domicile. De nos jours, la charrette et le vélo ont remplacé cet ancien moyen de chargement du bois.

    Photo 3 : Un gian Photo 4 : Photo 5 : Femme Photo 6 : Un

    Technique de gian transportant du bois chargement de

    sur la tête avec un gian charrette

    Cliché KI J.P., Toma, le 10/08/2010.

    Cliché KI J.P., Toma, le 10/08/2010.

    Cliché KI J.P., Sien, le 18/08/2010.

    Cliché KI J.P., Sien, le 26/08/2010.

    Les nouvelles technologies ont non seulement permis de transporter une plus grande quantité de bois, mais ont également introduit de nouveaux acteurs que sont les hommes dans la coupe du bois. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre IV. Et si le nombre de charrettes, il y a une vingtaine d'années, était réduit, aujourd'hui, dans la plupart des villages du Département de Toma, on compte une à deux charrettes par concession.

    III.2.4. Les traditions culturelles de feux de brousse

    La société san, comme tant d'autres du monde, vit au rythme de fêtes coutumières suivant le cycle des activités agricoles. Parmi ces fêtes culturelles se trouve la fête traditionnelle du feu de brousse qu'on appelle tèdiè : chaque année, dans chaque village san, le feu est rituellement mis à la brousse à la fin des récoltes (novembre-décembre) par un chef coutumier, responsable de cette fonction coutumière du feu de brousse. Ce rituel de tèdiè ouvre également la saison des flûtes qui s'arrêtera avec l'hivernage suivant. A l'occasion, tout le village prépare du dolo et de la nourriture : c'est la fête. Le jour du tèdiè, ainsi que le lendemain, le village organise une battue pour traquer le gibier. Ce rituel du tèdiè a pour conséquence l'embrasement de la nature, chaque année, par les feux de brousse malgré les sensibilisations des agents des eaux et forêts. Selon les responsables coutumiers, les feux de brousse ont traditionnellement pour rôle d'éloigner les fauves, les reptiles et les esprits mauvais qui rôdent autour du village.

    Ces traditions culturelles de feux de brousse, comme nous les désignons, révèlent que la coupe du bois n'est pas le seul facteur important de déboisement. Elles montrent également qu'une part du déboisement peut être liée à la culture d'un peuple. Dans ce cas, le déboisement lui-même devient un trait culturel dont la société aura de la difficulté à s'en défaire malgré ses conséquences négatives sur l'environnement et sur la société elle-même fortement ancrée dans ses traditions.

    III.2.5. La croissance démographique et la pauvretéPlus une population croît, plus sa pression sur les ressources naturelles est grande.

    C'est ainsi que dans le Département de Toma la croissance démographique explique en partie le déboisement. Comme nous l'avons signalé plus haut (Cf. II.1.3), le taux de croissance démographique du Département est de 2,37%. Dans ce milieu rural, les besoins en nouveaux champs pour l'agriculture tout comme d'autres besoins d'ordre économique ne manquent pas. Il est clair donc que la densité de la population ou, pour utiliser les expressions de Durkheim, « le volume de la société, et le degré de concentration de la masse ou...la densité dynamique »63 ne sont pas sans effets dommageables à l'environnement naturel. En effet, pour Durkheim, « tout accroissement dans le volume et dans la densité dynamique des sociétés, en rendant la vie sociale plus intense, en étendant l'horizon que chaque individu embrasse par sa pensée et emplit de son action, modifie profondément les conditions fondamentales de l'existence collective ».64 Dans cette perspective durkheimienne, le déboisement comme fait social dans le Département de Toma, s'explique comme une conséquence de l'accroissement démographique et une forme de division du travail. Dans la province du Sourou (à 40 km de Toma) plus que dans le Nayala, les migrations accélèrent la croissance démographique ainsi que la pression sur le milieu naturel. Certes, dans les villages où les Mosse sont installés, les autochtones se plaignent du fait qu'ils coupent même les arbres fruitiers. « Les Mosse sont dangereux pour les arbres. Là où ils s'installent, ils déblaient tout autour d'eux. Ils aiment beaucoup la sauce du kapokier (Bombax costatum) mais pour cueillir les fruits du kapokier, ils coupent les branches. Quand un mossi s'installe dans un village, il fait venir d'autres parents. C'est pour cela que certains villages les refusent. Il y a une seule famille mosse à Oury, les gens n'acceptent pas de donner leurs terres aux nouveaux arrivants »65. Il nous faut signaler ici que les populations rurales ont peut-être conscience des risques de la migration pour l'environnement, mais leur refus de donner leurs terres aux migrants ne vise pas à protéger la nature mais à conserver leur patrimoine.

    Par ailleurs, parce qu'il n'y a pas d'unité industrielle à Toma, la population n'a principalement pour source de revenu que la production agro-pastorale. Le revenu des ménages ne suffit pas à faire face aux besoins multiples de la vie moderne : santé, scolarité des enfants, etc. Ces nouvelles contraintes de la vie poussent les populations villageoises à faire une forte pression sur les ressources naturelles. Dans ce cas, le déboisement devient une manifestation de la pauvreté dont on peut faire une approche objective basée sur une donnée

    63 DURKHEIM, E., Les règles de la méthode sociologique, 13ème édition, Paris, PUF, 2007, p. 112.

    64 Ibidem, p. 114.

    65 Un enquêté de Sien, le 10 août 2010.

    quantitative (monétaire ou non) et une approche subjective basée sur la perception que les populations ont de leurs conditions d'existence. S'agissant de l'approche objective, il nous a été donné de constater que beaucoup de greniers dans les villages ne sont plus remplis de céréales comme autrefois et même que les greniers nouvellement construits ont des dimensions réduites par rapport aux anciens. Et pourtant le peuple san, qui est agriculteur, mettait sa fierté dans la taille et le nombre de greniers pleins construits en devanture des concessions pour plus de visibilité (Voir photo, Annexe 6). Consommer le mil récolté la même année était jadis signe de honte. Or, de nos jours, rares sont les greniers qui ne sont pas vides avant le mois d'août. Quant à l'approche subjective, un charretier, vendeur de bois depuis 15 ans, donnait son point de vue sur les raisons de ce métier, en ces termes :

    « Au Burkina, qu'est-ce que le paysan a comme ressource ? Rien. J'ai cultivé le coton, mais le prix élevé des engrais m'a appauvri. Je me suis même endetté pour rembourser. Le mil ne murit pas bien ; et si tu élèves des poules, la maladie vient les tuer. Avant, il n'y avait pas de maladie de poules de la sorte. La vie est devenue chère. Même avec la vente du bois, je ne gagne rien. Parfois même, avant de livrer le bois à la préparatrice de dolo, je prends une avance avec elle pour résoudre mes problèmes. Le jour de la livraison je n'ai rien ».66

    On voit bien que pour justifier son métier de vendeur de bois, notre enquêté peint en noir la vie économique des paysans du Burkina entier. Certes, la pauvreté est une réalité qui peut être aggravée en zone rurale par les aléas climatiques influant directement sur les rendements agricoles, mais elle ne justifie pas la vente de bois. C'est parce qu'il y a une demande de bois sur le marché qu'il y a offre, c'est-à-dire vente, et par conséquent coupe de bois.

    III.2.6. Les méthodes de gestion de l'environnement par les autorités administratives

    Pour une grande majorité de nos enquêtés, les méthodes de gestion de l'environnement par les agents des eaux et forêts sont à mettre au compte des causes du déboisement. Les permis payants67 de coupe et de transport du bois qui ont normalement pour but de freiner le déboisement produisent un effet pervers chez les populations qui coupent davantage le bois

    66 Un enquêté de Sien, le 10 août 2010.

    67 Selon les renseignements qui nous ont été fournis par la Direction Provinciale de l'Environnement et du Cadre de Vie (DPECV), le permis de coupe d'un stère de bois est de 450 F CFA et son transport 300 F, soit un montant global de 750 F. A ce montant global s'ajoute une taxe de la mairie d'un montant de 100 F. Au total, le permis de coupe et de circulation s'élève à 850 F CFA. S'agissant de la clôture de leurs jardins potagers, les femmes nous ont informé qu'elles paient deux mille francs (2000 F CFA) au service forestier, sans reçu ni quittance. Dans certains villages, les femmes s'entendent et cotisent mille francs (1000F) par personne pour « supplier » les agents forestiers.

    avant la péremption de leur permis (La validité du permis est d'un jour). Pour certains enquêtés, le service administratif de contrôle des eaux et forêts s'est transformé en « vendeur de la brousse ».

    En somme, nous pouvons dire que les causes sociales du déboisement et de la dégradation de l'environnement dans le Département de Toma sont structurelles et liées au fonctionnement global de la société. Les deux modes (traditionnel et moderne) d'organisation sociale favorisent le déboisement.

    En conclusion à ce chapitre, notons que l'évolution de l'environnement dans le Département de Toma a été tributaire des changements sociaux internes à la société san en particulier et au Burkina Faso en général. La diffusion technologique, la croissance démographique, la dynamique interne des institutions, etc., témoignent bien du progrès qu'a connu le Département et des nouveaux besoins des populations dans un contexte géographique où les ressources naturelles ne sont pas inépuisables et où les aléas climatiques imposent des contraintes sérieuses aux paysans.

    CHAPITRE IV : LES CONSÉQUENCES SOCIOCULTURELLES DU
    DÉBOISEMENT DANS LE DÉPARTEMENT DE TOMA

    Le chapitre précédent nous a permis d'apprécier la dégradation de l'environnement dans le Département de Toma et d'en connaître certaines causes. A présent, il importe, par rapport à l'objectif même de cette étude, d'en étudier les conséquences sur les populations. D'un point de vue sociologique, celles-ci se définissent en termes de « fonction » et de « dysfonction », pour utiliser les expressions fonctionnalistes de Robert K. Merton.68 Ces conséquences se perçoivent au niveau de la structure sociale, des systèmes traditionnels de gestion communautaire des ressources naturelles et des relations interpersonnelles marquées essentiellement par le conflit.

    IV.1. Déboisement et dysfonctionnement de la structure sociale san

    La notion de structure fait appelle à celle d'organisation, de système. Pour Gilles Ferréol, la structure se définit plus généralement comme « ensemble d'éléments interdépendants formant système ».69 La structure sociale comme système organisé fait apparaître des rôles, des normes et des valeurs. Les conséquences du déboisement en termes de dysfonctionnement sont ressenties à ces niveaux dans les villages du Département de Toma.

    Au Burkina Faso, la société san qui habite le Département de Toma occupe un territoire qui couvre deux provinces : le Sourou et le Nayala. La société san parle le san comme langue et ses habitants s'appellent les Sanan. D'autres peuples ou groupes ethniques les appellent Samos. Les Sanan sont un peuple d'agriculteurs et, par conséquent, sont sédentaires.

    La société san est une société segmentaire avec une organisation sociale basée essentiellement sur l'autonomie des villages. C'est dire qu'il n'y a pas pour toute la société un gouvernement central laissant percevoir une organisation pyramidale comme chez certains peuples tels que les Mosse. « L'organisation sociale des Sanan révèle cinq principaux groupes horizontaux de parenté dans chaque village san. Chaque groupe, formant un quartier, est repérable à son patronyme : Ki, Toé, Sô, Go, Parè. Chaque groupe exerce une fonction sociale

    68 MERTON, K., R., Éléments de théorie et de méthode sociologique, (traduit de l'américain et adaptés par Henri Mendras), Paris, Plon, 1965.

    69 FERRÉOL, G., (sous la direction de), Dictionnaire de sociologie, 3ème éd., Paris, Armand Colin, 2004, p. 203.

    reconnue par les autres : les chefs de village (Ki), les chefs de terre (T), les griots (Sô), les forgerons (Go) et les juges (Parè). »70 Il est important de signaler ici que dans l'organisation sociale san, les chefs de terre et les chefs de village jouent conjointement un rôle capital dans le domaine environnemental : du point de vue religieux, il leur revient d'offrir des sacrifices en cas de sécheresse afin qu'il pleuve et, sur le plan social, ils doivent veiller au respect strict des interdits liés à la nature71 et gérer les conflits fonciers.

    Au chapitre précédent (III.2.3), nous expliquions qu'avec les nouvelles technologies telles que le vélo et la charrette, de nouveaux acteurs, c'est-à-dire les hommes, sont entrés dans l'arène de la coupe du bois. Or dans l'organisation sociale traditionnelle san l'activité de collecte de bois était réservée uniquement aux femmes qui avaient la charge des préparations culinaires. Le phénomène du déboisement massif a créé un changement dans la structure sociale faisant de la recherche du bois une activité des deux sexes. Mais, les moyens employés par les hommes dans cette coupe de bois étant plus performants que ceux des femmes, on peut dire que la part de déboisement des hommes surpasse celle des femmes au point d'en faire une affaire masculine. Ce qui est certain désormais c'est que la problématique genre et déboisement est créée et reste à débattre.

    De plus, lorsque les femmes seules cherchaient le bois, elles pratiquaient une certaine sélection puisque dans la société san il y a des espèces d'arbres que la femme ne doit couper sous aucun prétexte, à commencer d'abord par les arbres fruitiers dont on se nourrit. Ici, le lien structural entre l'arbre fruitier et la femme qui donne la vie est très apparent. Ensuite, d'autres espèces telles que le guissii (cassia sieberiana), le kwii (Gardenia erubescens), le boélèbondan (Ozoroa insignis), et le donoonensewo (Holarrhena florinbunda) qui remplissent des fonctions thérapeutiques, symboliques et religieuses sont également épargnées. En effet, dans la société san, les racines du guissii servent en décoction pour laver les bébés ; le kwii est utilisé pour bannir quelqu'un du village ou pour empêcher de boire l'eau d'un puits sur un terrain litigieux ; par sa sève blanche, le boélèbondan qui signifie « la mère du chevreau qui doit vivre » est rattaché au lait maternel, tandis que le donoonensewo est mis en rapport avec les génies puisque sa signification est « le poison des génies ». A ces espèces, il faut joindre celles liées aux différents totems des familles que chaque nouvelle épouse en arrivant doit scrupuleusement respecter sous peine d'être répudiée. Enfin, en rapport à la cuisine, les femmes connaissaient les espèces fumigènes et n'en voulaient pas comme bois de feu.

    70 KI, J.P., Les technologies appropriées en zone rurale : cas du moulin à grain dans le Département de Toma, Mémoire de Maîtrise, Yaoundé, 2000, p. 47.

    71 Chez les Sanan la brousse est sacrée ; c'est pourquoi il est interdit d'avoir des rapports sexuels dans la nature. Il est également interdit de couper tout arbre fruitier, même pour des raisons agricoles. A la chasse, on ne tue pas un animal en gestation ou en train de mettre bas ni un boa en train d'avaler sa proie. Le crocodile est objet d'une protection sérieuse : le tuer, même par inadvertance, exige des sacrifices de réparation avec un mouton.

    Aujourd'hui, les charbonniers et les charretiers vendeurs de bois n'épargnent aucune espèce et coupent même de gros troncs. Or, selon un groupe d'experts en environnement, « lorsque l'espèce en cause joue un rôle symbolique ou religieux, sa disparition peut saper l'identité culturelle et mener à une déstructuration de la société traditionnelle, voire sa destruction physique (alcoolisme, violences, suicides) ».72

    Au niveau des actions collectives, les grandes chasses traditionnelles connaissent moins de participation qu'autrefois à cause du manque de gibier. Pour certaines chasses les gens accomplissent symboliquement le rituel sans aller loin en brousse.

    Dans l'organisation sociale san, la gestion des terres se fait par lignage. Ainsi, les sols sont la propriété de groupes de familles. L'on ne saurait aller couper du bois sur le sol d'un autre lignage, ni mettre le feu à la jachère d'autrui. Aujourd'hui, les vendeurs de bois violent les propriétés des autres et se servent en bois. De nombreux conflits interpersonnels ont été engendrés dans les villages par ces actes de violation.

    En somme, retenons que le phénomène du déboisement met à mal aujourd'hui le système traditionnel de gestion des terres, des arbres et, d'une manière générale, des ressources naturelles parce que les normes et les valeurs traditionnelles ne sont plus respectées. Ce non-respect des normes et valeurs pose au niveau de la structure villageoise le problème du respect de l'autorité traditionnelle et celui du contrôle social en général. Comme nous le verrons dans le chapitre prochain, le pouvoir de l'autorité traditionnelle en matière de contrôle social est aujourd'hui transféré au niveau des autorités administratives chargées de la gestion de l'environnement. Ce sont celles-ci que les populations craignent le plus et auxquelles elles obéissent bon gré mal gré.

    IV.2. Les conflits sociaux

    Selon nos enquêtés les conflits fonciers apparaissent dans les villages ou bien entre villages à l'approche de la période hivernale, lorsqu'il s'agit d'agrandir les champs ou de défricher de nouveaux champs. La pratique de l'agriculture extensive et itinérante est la cause directe de ces conflits. Un cas classique de ces conflits est celui qui existe depuis 1982 entre les habitants de Sien et Nièmè et qui, d'hivernage en hivernage, se réveille comme un volcan. Parfois il dégénère en conflit armé entre les familles réclamant la propriété des terres.

    72 ENTREPRISES POUR L'ENVIRONNEMENT, Problèmes d'environnement. Dires d'experts, Éd. Entreprises pour l'environnement, 1996, p. 20.

    D'autre part, la coupe du bois dans la propriété d'autrui a également créé de nombreuses bagarres dans les villages. Selon les témoignages de nos enquêtés, il est arrivé que certains coupeurs de bois, pris sur les faits, se voient retirer le bois qu'ils viennent de couper. Mais d'autres ont refusé de remettre le bois coupé en brandissant l'argument du permis de coupe qui leur a été délivré par le service forestier. Ces refus d'obtempérer ont occasionné des conseils de familles. Nous traduisant son mécontentement un propriétaire foncier posait la question suivante : «Est-ce que le service forestier, en délivrant le permis de coupe, a dit que c'est chez moi qu'il faut couper le bois ? »73 Il faut dire que la loi nationale sur Réforme Agraire et Foncière (RAF) et le code forestier respectivement en application depuis 1996 et 1997 ne prennent suffisamment pas en compte les coutumes locales et sont de ce fait sources de conflits. Avec la RAF de 1996, la terre appartient soit à l'Etat, soit aux particuliers qui ont des titres fonciers74. Les populations rurales ont du mal, d'une part, à accepter l'idée d'un titre foncier pour être propriétaire sur une terre ancestrale et, d'autre part, à comprendre comment un permis de coupe de bois peut autoriser un individu à « violer » la propriété d'autrui.

    Aujourd'hui dans le Département de Toma, les conflits opposent d'abord des individus coupeurs de bois et des lignages dont la propriété foncière a été violée. Ensuite, le conflit est latent entre les autorités administratives représentant l'Etat et les autorités traditionnelles qui se sentent dépossédées de leur pouvoir dans la gestion du foncier et de l'environnement. Enfin, pour des raisons personnelles telles que la difficulté d'insertion dans le milieu, certains agents du service forestier étatique ont des rapports tendus avec les populations locales qui exploitent les formations ligneuses. Ce qu'il faut retenir de ces conflits, c'est qu'ils sont des conflits d'intérêts autour des ressources naturelles dont les uns et les autres ont conscience de la raréfaction avec le temps. Et comme nous le signifie Lewis Coser, « il y a des occasions de conflit dans toutes les formes de structure sociale car les individus et les sous-groupes sont toujours susceptibles de se plaindre de manquer de ressources, de prestiges ou de pouvoir ».75

    Dans la logique du changement social, les conflits dont nous parlons relèvent des dysfonctionnements. Ceux-ci sont liés à la structure sociale. En effet selon Guy Rocher, « il ne suffirait pas, par exemple, d'expliquer les conflits sociaux en termes exclusivement psychologiques comme s'ils ne résultaient que de sentiments personnels, de l'humeur ou des émotions des membres de la société. C'est dans la structure de l'organisation sociale, dans

    73 Un enquêté de Zouma, le 7 août 2010.

    74 Cette mesure est stipulée dans les articles 4 et 5 de la loi N° 014/96/ADP du 23 mai 1996 portant réorganisation agraire et foncière au Burkina Faso.

    75 COSER, L., A., Les fonctions du conflit social, Paris, PUF, 1982, p. 84.

    son mode de fonctionnement, qu'il faut retrouver la source permanente qui provoque et alimente les conflits ».76 D'une manière générale, les conflits dont il est question ici peuvent s'expliquer sociologiquement par la nouvelle restructuration redistribuant des pouvoirs où les uns et les autres y trouvent peu ou prou leur compte. En réalité, ces conflits sont les réponses (réponses sociopolitiques) de la société globale face au problème écologique qui est créé par les populations elles-mêmes. Ils mettent en présence divers acteurs dont les intérêts et les moyens sont variés. Il convient à présent de considérer une autre conséquence du déboisement qu'est l'insécurité alimentaire et sanitaire.

    IV.3. L'insécurité alimentaire et sanitaire

    L'insécurité alimentaire et sanitaire fait partie des conséquences du déboisement dans le Département de Toma. Les populations ont conscience de cette réalité comme risque du déboisement. « C'est la coupe du bois et les feux de brousse qui font que la brousse est finie, s'exprime un de nos enquêtés septuagénaire. Il n'y a plus de gibier sauf les perdrix, le lièvre même a disparu. Les sols sont morts, nous ne gagnons plus du mil comme autrefois. C'est tout cela qui amène la famine. »77. Un autre s'exprime : « Tant que nous n'arrêterons pas la préparation du dolo, la famine ne finira pas chez nous ; c'est le dolo qui fait que les gens coupent la brousse (entendre par brousse les arbres) ».

    De fait, les populations du Département de Toma connaissent des périodes de graves pénuries céréalières qu'elles imputent aux caprices de la pluviométrie dont la conséquence serait un déficit céréalier. Or, la part de céréales injectée dans la préparation du dolo durant toute l'année n'est pas négligeable. La récurrence de la pénurie est telle que certains villages, comme Sien (à 7 km de Toma), se sont organisés et ont mis en place une banque de céréales. Mais très peu de paysans mettent un lien entre les arbres et la pluie. Pour la majorité, surtout ceux qui n'ont pas été à l'école, la pluie est une création de Dieu que l'homme ne saurait expliquer. De fait, dans la langue san les termes « Dieu » et « pluie » ont la même racine : Dieu = Lawa ; pluie = lamou (La : Dieu, mou : eau ; d'où l'eau de Dieu). D'une manière générale, pour les Sanan s'il y a sécheresse ce n'est pas parce qu'il y a savanisation suite à la déforestation mais plutôt parce que quelqu'un a offensé la nature ; et généralement parce qu'il y a eu rapport sexuel dans la nature. A chaque hivernage, il n'est pas rare d'entendre la rumeur circuler d'un village à l'autre que quelqu'un a eu des rapports sexuels en brousse.

    76 ROCHER, G., Introduction à la sociologie générale, T. 3, Le changement social, Ltée, Éd. HMH, 1968, p. 110.

    77 Enquête réalisée à Sien le 09/08/2010.

    Tant que les populations ne mettront pas de lien entre la pluie et l'arbre la menace de l'insécurité alimentaire sera omniprésente.

    De leur côté, les phytothérapeutes interrogés sont unanimes pour dire leur difficulté à trouver de plus en plus certaines plantes médicinales. « Avant, il suffisait de sortir derrière la maison pour trouver une plante et soigner rapidement un enfant. Aujourd'hui, il faut aller loin et parfois il faut des jours de promenade en brousse avant de trouver la plante que tu cherches »78. Ces propos révèlent une exposition dangereuse des populations rurales aux maladies tropicales dans un contexte général de pauvreté où celles-ci peinent à payer les frais des ordonnances médicales des centres de santé. Or, « La déforestation modifie le mode de vie des populations autochtones. En plus d'une déstructuration potentielle de ces sociétés, le défrichement de la forêt favorise la diffusion du paludisme et de la fièvre jaune ».79

    Dans le fond, le déboisement est non seulement une menace pour la stabilité écologique mais pour les populations exposées à l'insécurité alimentaire et sanitaire parce que la production agricole a baissé et que les produits phytosanitaires sont rares. La conséquence logique de la rareté des plantes médicinales est la disparition progressive de la science médicale locale et la dépendance des populations au système pharmaceutique moderne. C'est pourquoi le déboisement est un facteur sérieux de changement social qu'il convient d'analyser dans le prochain chapitre.

    78 Enquête réalisée à Koin, le 18/08/2010.

    79 ENTREPRISES POUR L'ENVIRONNEMENT, Problèmes d'environnement. Dires d'experts, Éd. Entreprises pour l'environnement, 1996, p. 18.

    CHAPITRE V : DÉBOISEMENT ET CHANGEMENT SOCIAL DANS LE
    DÉPARTEMENT DE TOMA

    L'étude des conséquences du déboisement dans le Département de Toma nous permet à présent de dégager les éléments qui en font un facteur de changement social dans cette localité du Burkina Faso. A cet effet, une analyse sociologique profonde de la structure sociale s'impose. D'ailleurs, Claude Rivière écrit : « Le changement social se détermine positivement comme phénomène à la fois historique, collectif et structurel affectant l'organisation sociale, sinon dans sa totalité, du moins dans certains de ses composantes ».80 Le changement induit par le déboisement dans le Département de Toma se traduit en un changement de valeurs, en de nouvelles formes de contrôle et un développement des capacités d'adaptation dans l'espace.

    V.1. Un changement de valeurs

    Que désigne-t-on par valeurs dans une société ? Selon Henri Mendras,

    « Les valeurs s'organisent en un `idéal' que la société propose à ses membres, et qui est autre chose qu'un simple futur vers lequel on aspire. Cet idéal oriente les pensées et les actes, et selon le mot de Durkheim, « une société ne peut pas se constituer sans créer de l'idéal». Dans une société donnée, les valeurs s'organisent en un système ou une échelle de valeurs qui doit avoir une certaine cohérence ; même s'il comporte certaines contradictions ».81

    La société traditionnelle san proposait à ses membres un idéal de vie où le sens de la parenté et de la famille ainsi que le respect de la nature et du sacré sont en honneur. Dans le Département de Toma, le phénomène du déboisement a introduit dans les villages un changement dans la perception de l'espace et de l'arbre, le non-respect de la propriété d'autrui et une certaine fragilisation des solidarités familiales.

    S'agissant du changement dans la perception de la nature et de l'arbre, la brousse n'est plus tellement sacrée et l'arbre, surtout fruitier, a perdu sa valeur nutritive et médicinale pour être aujourd'hui un objet de commerce. Autrefois, des interdits portaient sur des arbres à ne pas brûler tels que le kwii (Gardenia ternifolia) ou à ne pas couper quand on défriche un

    80 RIVIÈRE, C., L'analyse dynamique en sociologie, Paris, PUF, 1978, p. 23.

    81 MENDRAS, H., Éléments de sociologie, Paris, Armand Colin, 1989, pp. 86-87.

    champ. C'est le cas pour le karité (Vitellaria paradoxa), le néré (Parkia biglobosa) et le koro (Detarium microcarpum) Les forêts villageoises qui jadis étaient considérées comme sacrées sont aujourd'hui coupées et vendues. C'est ainsi que la forêt de Sien a complètement disparu, celles de Nième et d'autres villages telles que Bouroun (entre Koin et Sien) sont en passe de l'être.

    Le non-respect ou la violation de la propriété d'autrui est le signe d'une certaine fragilisation ou une rupture des solidarités familiales et villageoises. Tout cela est le signe d'un éveil d'individualisme où chacun ne pense et n'agit qu'en fonction de ses intérêts. Il s'en suit alors un accroissement de conflits. Ce changement de valeurs est un indicateur d'un changement général de la société san dans ses structures sous l'influence de facteurs internes et externes, car tout système social est un système ouvert. Dans la dynamique actuelle de ce changement, de nouvelles formes de contrôle social et des stratégies multiples sont développées par les différents acteurs impliquées dans le déboisement.

    V.2. De nouvelles formes de contrôle social et stratégies des acteurs

    Le changement dont il est question dans cette étude doit être compris comme un « phénomène systémique », pour utiliser les termes de Michel Crozier et Erhard Friedberg, toutefois non plus en référence au contexte bureaucratique mais à l'ensemble de la société. Or toute société présente les propriétés d'un système, c'est-à-dire avec des éléments en relations d'interdépendance, ce qui permet de parler en sociologie de système social. Ce système qui est toujours dynamique connaît des transformations dans le temps et l'espace, changeant ainsi de nature, c'est-à-dire de forme et de caractère. C'est ainsi que dans le Département de Toma les nouvelles formes de contrôle social, les nouvelles règles de gestion de l'environnement mises en place par les services étatiques viennent remplacer les anciennes normes du système traditionnel. Les coupeurs de bois sont non seulement sous la surveillance des propriétaires terriens et des chefs coutumiers mais aussi sous celle des agents du service forestier administratif. En outre, une catégorie de personnes désignée par le service forestier et appelée « les informateurs » est dissimulée dans les populations villageoises, avec pour rôle principal de fournir des informations sur les coupeurs d'arbres. Dans la perspective de notre étude du changement social, la mise en place d'un tel système confirme bien l'analyse de Crozier selon laquelle le changement est « transformation d'un système d'action », en d'autres termes « pour qu'il y ait changement, il faut que tout un système d'action se transforme, c'est-à-dire que les hommes doivent mettre en pratique de nouveaux rapports humains, de nouvelles

    formes de contrôle social ».82 Le nouveau système de contrôle et de gestion environnementale implique une multitude d'acteurs, dans la mesure où il tente d'impliquer les responsables coutumiers malgré les contradictions et les conflits.

    En effet, les incompréhensions entre les agents forestiers et les populations locales rendent leurs rapports conflictuels. De plus, du côté des populations, on enregistre la crainte ou la peur. Le directeur provincial de l'environnement et du cadre de vie nous confiait ceci dans l'entretien que nous avions eu avec lui : « La tenue militaire, avec l'arme à côté, compromet la sensibilisation ».83 Il va alors de soi que dans un tel climat de relations, les différents acteurs développent des stratégies multiples. C'est ainsi que de leur côté, les coupeurs d'arbres ont plusieurs manières de les abattre et de les transporter pour la vente. Nous ont été citées les méthodes qui consistent à faire un trou dans le tronc de l'arbre pour qu'il crève plus tard ou encore à passer au feu le bois vert afin de laisser croire à l'agent forestier qu'il provient d'un nouveau champ défriché. Une autre stratégie est de camoufler les instruments de coupe du bois dès qu'on entend le bruit de la moto de l'agent forestier et de jouer au passant. Pour les stratégies de transport du bois, la circulation se fait la nuit entre 2 h et 3h du matin ou bien dans la journée à 13 h, heure où l'agent forestier est descendu de travail. Les coupeurs de bois se passent également les permis de coupe. De leur côté aussi, les agents forestiers tentent de surprendre les coupeurs ou transporteurs de bois en flagrant délit. D'où l'institution d'informateurs par village, l'abandon du port de la tenue militaire, le déchirement du permis de coupe pour qu'il ne serve pas pour plusieurs transports de bois.

    Ainsi, contrairement à notre hypothèse disant que plus les autorités administratives taxent la coupe de bois, plus les populations développent des stratégies raffinées d'exploitation des ressources ligneuses, il apparaît clairement ici que le raffinement des stratégies est plutôt fonction du degré de coercition du contrôle exercé par les autorités administratives sur les populations. En somme, les rapports entre les agents forestiers et les populations paysannes, surtout les coupeurs d'arbres, sont faites de surveillance mutuelle. Dans cette relation de surveillance apparaît comme dit Crozier « un jeu de pouvoir et d'influence auquel l'individu participe et à travers lequel il affirme son existence malgré les contraintes ».84 Le phénomène du déboisement a contribué aussi au développement des capacités d'adaptation dans l'espace naturel.

    82 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p. 383.

    83 Entretien du 9/08/2010.

    84 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p. 386.

    V.3. Un développement des capacités d'adaptation dans l'espace naturel

    Face aux conséquences géo-physiques du déboisement telles que la dégradation des sols, les populations du Département de Toma, avec l'appui d'ONG (UGPN, ADPNA, SOS-Sahel), de la Direction provinciale de l'agriculture et de la Direction provinciale de l'environnement et du cadre de vie, procèdent collectivement à la restauration et à la fertilisation des sols. Les initiatives englobent les techniques de compostage, l'installation de cordons pierreux dans les champs, le creusage de « demi lunes » et les techniques du « zaï » (ou « zay ») (voir photo : annexe n° 5).

    Les cordons pierreux sont des alignements de cailloux sur le sol aride perpendiculairement à la pente. Cette technique a pour avantage de réduire le lessivage du sol sous l'action des pluies et de permettre la reconstitution des couches de sol arable. L'activité elle-même exige beaucoup de cailloux pour couvrir les superficies des champs qui sont entre deux à trois hectares par paysan. C'est pourquoi la recherche et l'alignement des cailloux se font collectivement avec des charrettes ou avec un camion dans le cas de l'appui d'une ONG.

    Les « demi-lunes » sont des trous creusés dans les champs en forme de demi-lune et dont la dimension est comprise entre un et deux mètres de diamètre. Orientées en fonction de la pente du sol, ces demi-lunes sont remplies de composte et recouverte de terre. C'est dans cet espace que le paysan sème sa semence.

    Le « zaï » est, quant à lui, circulaire. Approprié aux sols plats, sa technique de remblayage est identique à celle de la « demi-lune », c'est-à-dire avec du composte. Son diamètre varie entre quelques centimètres et un mètre. Généralement, il se creuse en saison sèche et, à l'hivernage, on y sème directement les grains.

    Toutes les techniques de restauration des sols et d'accroissement des rendements agricoles sont des activités qui exigent la coopération des paysans. C'est pourquoi nous pouvons convenir avec Crozier et Friedberg que le changement peut être considéré comme un problème sociologique dans le sens où ce sont les hommes qui changent, non pas passivement mais « dans leur collectivité et comme une collectivité : non pas individuellement, mais dans leurs relations les uns avec les autres et dans leur organisation sociale ».85 Ces différentes activités initiées pour faire face aux conséquences du déboisement contribuent à créer de nouvelles solidarités villageoises et à développer des capacités d'adaptation dans l'espace géographique que l'homme doit toujours dominer par la technique afin de pouvoir y vivre.

    85 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p. 379.

    Ces nouvelles solidarités restructurent le tissu social pour donner lieu à de nouvelles sociabilités qui intègrent les contraintes de l'environnement auxquelles on ne peut faire face que collectivement. Ici, comme on le perçoit, au-delà des conflits, populations locales, ONG et services étatiques sont tous impliqués dans la même action collective. Si nous faisons une sociologie de l'action collective, nous voyons ici qu'il y a un aménagement des comportements en vue d'une coopération. Se vérifie alors notre hypothèse selon laquelle plus les populations perçoivent comme avantageuses pour elles les interventions des services étatiques et des ONG, plus elles participent à la protection de l'environnement. Le degré d'implication des populations dans la protection de l'environnement est donc fonction de l'intérêt qu'elles tirent de l'appui institutionnel.

    Conclusion partielle

    En trois chapitres, cette partie de notre travail a présenté et analysé les données de notre recherche sur de déboisement dans le Département de Toma. Au fur et à mesure du temps, le paysage naturel n'a cessé de se détériorer sous l'action de l'homme créant ainsi un déséquilibre dans l'écosystème naturel. Ce déséquilibre lui-même n'est pas resté sans effets sur la vie sociale, économique et culturelle des populations de ladite localité, faisant ainsi du déboisement un réel facteur de changement social.

    CONCLUSION GÉNÉRALE

    Le Département de Toma, au Burkina Faso, vit une crise environnementale sérieuse à savoir le déboisement. Face à une telle situation créée par les populations elles-mêmes et qui ne cesse de prendre de l'ampleur, au point d'être un « fait social total », nous nous sommes intéressé aux conséquences du phénomène dans cette recherche en partant de la question suivante : Quelles sont les transformations socioculturelles opérées par le déboisement dans le Département de Toma ?

    Pour répondre à cette question, nous avions émis l'hypothèse que le déboisement, comme facteur de changement social, déstructure les communautés villageoises, instaure de nouvelles sociabilités et est cause de paupérisation des populations du Département de Toma. De fait, nos recherches ont révélé que cette crise environnementale qui est la résultante d'une dynamique entre les populations villageoises et le milieu naturel affecte la structure sociale en créant des dysfonctionnements. Ces dysfonctionnements se situent, d'une part, au niveau général de l'écosystème où la dégradation progressive de la biodiversité crée des ruptures dans le système social traditionnel san. En effet, la raréfaction progressive des ressources naturelles a conduit les populations à changer de modes de vie. C'est ainsi que le système traditionnel de gestion des ressources naturelles a été mis à rude épreuve, avec des difficultés pour se maintenir en équilibre. En effet, dans la société san habitant le Département de Toma, les terres et leur contenu sont la propriété des lignages qui les gèrent de génération en génération. Au niveau de chaque village, les fonctions sociale et religieuse de contrôle des patrimoines et de propitiation en cas de violation des interdits sont dévolues aux chefs de terre et de village. Tant que les rapports à l'arbre et à la terre sont restés dans les limites du respect des valeurs traditionnelles de parenté et du sacré (respect des forêts sacrées), le système social est resté en équilibre. Or, avec le phénomène du déboisement massif et la modernité, les perceptions paysannes de la nature ont changé ainsi que les comportements et attitudes à l'égard des plantes, faisant de l'arbre non plus une ressource nutritive et sanitaire mais bien une ressource commerciale importante pour la préparation du dolo. Il en a résulté ce que l'on constate dans les villages : non-respect des normes anciennes de gestion de l'environnement, violation des propriétés foncières et conflits.

    D'autre part, les dysfonctionnements apparaissent également dans le système moderne et étatique de gestion de l'environnement qui a pour rôle de freiner le déboisement. En effet, la loi de 1996 sur la réforme agraire et foncière reste difficilement applicable dans la pratique

    et occasionne de multiples tensions entre les populations et le service forestier et entre les populations elles-mêmes à qui le service forestier délivre des permis payants de coupe de bois. L'effet pervers de ces permis se situe au niveau même de leur compréhension par les paysans qui non seulement exagèrent la coupe du bois mais également s'octroient un droit de coupe dans les propriétés foncières ne leur appartenant pas. Ceci n'était pas possible dans le système traditionnel. En effet, dans la société san, du moment où la terre a une dimension religieuse c'est-à-dire sacrée, les rapports à cette terre et même les rapports sociaux concernant cette terre ne sauraient être uniquement juridique. Un conflit latent autour du contrôle social existe désormais entre autorités administratives chargées de l'environnement et autorités coutumières ainsi qu'avec les populations villageoises. Tout ceci contribue à confirmer notre hypothèse selon laquelle le déboisement déstructure les communautés villageoises.

    Mais également, face aux proportions que prend le déboisement, les populations villageoises du Département de Toma commencent à prendre conscience des dangers qui les guettent tels que l'insécurité alimentaire et entreprennent collectivement des initiatives de restauration des sols. C'est là aussi que le deuxième aspect de notre hypothèse se trouve confirmé, en ce sens que le déboisement instaure de nouvelles sociabilités. Mais il est cause de paupérisation des populations parce que le recul de la végétation ou même sa disparition diminue les rendements agricoles dont la conséquence est la famine. Celle-ci, ainsi que d'autres besoins, poussent de nouveau les populations à recourir à la coupe du bois pour avoir de l'argent.

    Cette recherche nous a permis de comprendre comment le déboisement est un phénomène social et un facteur de changement social. Nous avons découvert sur le terrain que les nouvelles formes de contrôle social introduites par le service forestier étatique contribuent au raffinement des stratégies des coupeurs de bois. Cette nouvelle dimension de la réalité infirme partiellement notre hypothèse qui se focalisait uniquement sur les taxes et soutenait que plus les autorités administratives taxent la coupe du bois, plus les populations développement des stratégies raffinées d'exploitation des ressources ligneuses. Par contre, dans les actions collectives de restauration et de fertilisation des sols initiées avec l'appui des ONG et les institutions étatiques, les populations paysannes montrent leur capacité à dépasser les conflits pour préserver leurs intérêts. A travers cette dimension de la réalité sociale, se vérifie notre dernière hypothèse selon laquelle le degré d'implication des populations dans la protection de l'environnement est donc fonction de l'intérêt qu'elles tirent de l'appui institutionnel.

    A la fin de cette étude, nous restons conscient des limites de notre travail et savons que nous n'avons pas épuisé toute la question du déboisement dans le Département de Toma. Pour être complète, cette étude devrait intégrer les représentations de la nature ou de l'arbre. Cette dimension, pensons-nous, pourra faire l'objet d'une recherche ultérieure.

    ANNEXES

    Annexe 1: Guide d'entretien

    Date de l'entretien

    1. Identification de l'enquêté(e) : Nom et prénoms : Sexe : Âge :

    2. Evolution de l'environnement depuis au moins 10 ans

    - Historique ou état des lieux de l'environnement

    - Les espèces végétales existantes il y a 10 ans

    - Les espèces végétales inexistantes aujourd'hui

    - Estimation des superficies déboisées (feux de brousse, coupe de bois, etc.) - Les espèces animales connues mais inexistantes aujourd'hui

    3. Les causes du déboisement dans le Département

    - Les causes économiques

    - les causes culturelles

    - les causes sociales

    4. Les changements sociaux, culturels et économiques observés depuis le déboisement

    massif

    - Au niveau global du village

    - Au niveau inter-villages du Département

    5. Initiatives de sauvegarde de l'environnement

    - Au niveau de la Direction provinciale de l'environnement - Au niveau global du village

    - Au niveau de groupes et associations

    - Initiatives privées

    6. Les rapports autorités administratives-populations villageoises - Direction provinciale de l'environnement-populations

    - Préfecture-populations

    - Mairie-populations

    Annexe 2 : Grille d'observation de la coupe et du transport de bois

    Identification de l'acteur : âge, sexe

    Outils de coupe du bois

    Espèce d'arbre coupé

    Technique de coupe

    Parties de l'arbre coupé : branches, tronc, ...

    Moyen de transport : vélo, charrette, ...

    Heure de circulation

    Existence ou non-existence de permis de coupe et de circulation

    Annexe 3 : Localisation de la province du Nayala au Burkina Faso

    Annexe 4 : Localisation du Département de Toma

    Annexe 5 : Photos de différentes techniques de restauration des sols et de production agricole

    Photo 1 : demi-lunes

    Photo 2 : « zaï »

    Photo 3 : cordons pierreux

    Photo 4 : Cordons pierreux et « zaï » dans un champ

    Clichés KI J.P., le 09/08/2010

    Annexe 6 : Greniers du pays san

    Cliché KI J.P., Zouma, le 7/1/2000

    Annexe 7: Préparation du dolo

    Photo 1 : Foyer de préparation

    Photo 2 : Cuisson

    Cliché KI J. P., Toma, le 25/08/2010

    Cliché KI J. P., Toma, le 26/08/2010

    Cliché KI J.P., le 27/08/2010

    Photo 3 : Transport de bois par charrette

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    TABLE DES TABLEAUX

    Tableau 1 : Pluviométrie des 10 dernières années dans le Département de Toma 30

    Tableau 2: Répartition indicative des espèces animales disparues ou en voie de disparition par flore, faune et oiseaux 37

    TABLE DES PHOTOGRAPHIES

    Photo 1: vue d'un champ 40

    Photo 2: Palissade de jardin potager 40

    Photo 3 : Un gian 41

    Photo 4 : Technique de gian sur la tête 41

    Photo 5 : Femme transportant du bois avec un gian 41

    Photo 6 : Un chargement de charrette 41

    TABLE DES ANNEXES

    Annexe 1: Guide d'entretien 60

    Annexe 2 : Grille d'observation de la coupe et du transport de bois 61

    Annexe 3 : Localisation de la province du Nayala au Burkina Faso 62

    Annexe 4 : Localisation du Département de Toma 63

    Annexe 5 : Photos de différentes techniques de restauration des sols et de production agricole

    64

    Annexe 6 : Greniers du pays san 65

    Annexe 7: Préparation du dolo 66

    TABLE DES MATIÈRES

    SOMMAIRE 2

    DÉDICACE 3

    REMERCIEMENTS 4

    SIGLES ET ABRÉVIATIONS 5

    INTRODUCTION 6

    PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE 9

    CHAPITRE I : CADRE THÉORIQUE 10

    I.1. Revue de la littérature sur le déboisement 10

    I.1.1. Le déboisement en Afrique vu par des chercheurs occidentaux 10

    I.1.2. Littérature africaine sur le déboisement en Afrique 16

    I.2. Problématique 20

    I.3. Objectifs 23

    I.4. Hypothèses 23

    I.5. Concept opératoire : le changement social 24

    I.6. Modèle théorique et modèle d'analyse 26

    I.6.1. Modèle théorique 26

    I.6.2. Modèle d'analyse : le changement social selon Michel Crozier 28

    CHAPITRE II : CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 30

    II.1. Champ d'étude 30

    II. 1.1. Climat 30

    II.1.2. Végétation et sols 31

    II.1.3. Population 31

    II.2. Méthodes et techniques d'observation et de collecte des données 32

    II.2.1. La recherche documentaire et les entretiens exploratoires 32

    II.2.2. Méthodes d'observation 32

    II.3. Déroulement de l'enquête 33

    II.4. Difficultés rencontrées 33
    DEUXIÈME PARTIE : PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES

    RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE 35

    CHAPITRE III : ÉVOLUTION DE L'ENVIRONNEMENT DANS LE DÉPARTEMENT DE

    TOMA 36

    III.1. Dégradation de la biodiversité 36

    III.2. Les causes socioculturelles de la dégradation de l'environnement 38

    III.2.1. La préparation du dolo 38

    III.2.2. Les techniques agro-pastorales 39

    III.2.3. La diffusion technologique 40

    III.2.4. Les traditions culturelles de feux de brousse 41

    III.2.5. La croissance démographique et la pauvreté 42

    III.2.6. Les méthodes de gestion de l'environnement par les autorités administratives 43

    CHAPITRE IV : LES CONSÉQUENCES SOCIOCULTURELLES DU DÉBOISEMENT

    DANS LE DÉPARTEMENT DE TOMA 45

    IV.1. Déboisement et dysfonctionnement de la structure sociale san 45

    IV.2. Les conflits sociaux 47

    IV.3. L'insécurité alimentaire et sanitaire 49
    CHAPITRE V : DÉBOISEMENT ET CHANGEMENT SOCIAL DANS LE

    DÉPARTEMENT DE TOMA 51

    V.1. Un changement de valeurs 51

    V.2. De nouvelles formes de contrôle social et stratégies des acteurs 52

    V.3. Un développement des capacités d'adaptation dans l'espace naturel 54

    CONCLUSION GÉNÉRALE 56

    ANNEXES 59

    BIBLIOGRAPHIE 67

    TABLE DES TABLEAUX 72

    TABLE DES PHOTOGRAPHIES 72

    TABLE DES ANNEXES 72

    TABLE DES MATIÈRES 73






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld