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Mouvements de résistance et culture politique au Sud-Kivu. Mise en évidence des fondements idéologiques et des actions revendicatrices.

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par Philippe KAGANDA MULUME-ODERHWA
Université officielle de Bukavu - Diplôme d'études supérieures en sociologie politique 2009
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE OFFICIELLE DE BUKAVU é Adéi 20082009

« U.O.B. »

B.P. 570 BUKAVU

E-mail : univoffbukavu('yahoo.fr

Scientia spendet et conscientia

FACULTE DES SCIENCES SOCIALES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES

Département de Sociologie

MOUVEMENTS DE RESISTANCE ET CULTURE

POLITIQUE AU SUD-KIVU

ADMINIST

Mise en évidence des fondements F

Idéologiques et des actions revendicatrices

Par KAGANDA MULUME-ODERHWA

Mémoire présenté et défendu pour l'obtention du Diplôme d'Etudes Supérieures en Sociologie Politique

Directeur : Mr. KAZADI KIMBU Professeur ordinaire à l'UNILU

DEDICACE

A ma chère épouse NIZIGAMA NTAMAGIRO Else

Au Recteur honoraire de l'U.O.B., le professeur ordinaire NYAKABWA MUTABANA et le Secrétaire général administratif de l'U.O.B, le Directeur NYABYENDA WA TABURA

A tous les mouvements de résistance qui nous ont partagé leurs connaissances empiriques

REMERCIEMENTS

La matérialisation de ce mémoire de Diplôme d'Etudes Supérieures (Diplôme d'Etudes Approfondies) en Sociologie a bénéficié du concours de plusieurs personnes se trouvant dans notre univers social, académique et professionnel. Nous tenons à les remercier vivement sans les citer nommément. Néanmoins, je m'en voudrais de ne pas faire mention de la contribution remarquable du professeur KAZADI KIMBU, le directeur de ce mémoire, pour ses orientations et son dévouement à ma promotion scientifique. C'est le cas aussi du professeur PILO KAMARAGI, doyen de la F.S.S.P.A. à l'U.O.B. pour son engagement inconditionné à mon encadrement scientifique et à l'implantation de l'U.O.B.

KAGANDA MULUME-ODERHWA

SIGLES ET ABREVIATIONS

A.F.D.L. : Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération

CNDP : Congrès National pour la Défense du Peuple

D.D.R. : Désarmement, Démobilisation et Réinsertion

DDRRR : Désarmement, Démobilisation, Rapatriement,

Réinstallation et la Réintégration

DES : Diplôme d'Etudes Supérieures

Ed. : Edition

F.D.D. : Forces Démocratiques de Défense

F.D.L.R. : Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda

F.N.L. : Forces Nationales de Libérati

F.S.S.P.A. : Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Administratives

FARDC : Forces Armées de la République Démocratique du Congo

MMM : Mouvement Mai-Mai

MPAP : Mode Populaire d'Action Politique

Op. Cit : Opus Citatus

p. : Page

P.R.M. : Patriotes Résistants Mai-Mai

P.U.F. : Presses Universitaires de France

pp. : D'une page à une autre

R.C.D. : Rassemblement Congolais pour la Démocratie

R.D.C. : République Démocratique du Congo

T.F.C. : Travail de Fin de cycle

U.C.L. : Université Catholique de Louvain

U.O.B. : Université Officielle de Bukavu

UNAZA : Université Nationale du Zaïre

UNIKIS : Université de Kisangani

Vol. : Volume

INTRODUCTION GENERALE

1. Objet, objectifs et intérêt de l'étude

La définition de l'objet de la présente étude prend en compte tout le contexte factuel qui l'entoure. L'idéologie mai-mai, objet de notre étude, trouve sa construction théorique (objet construit) dans la sociologie de l'action. Elle se présente comme un ensemble de représentations qui guident les actions des groupes sociaux et les structures (les mouvements de résistance).

En abordant cet objet d'étude, nous avons assigné à la présente réflexion scientifique des objectifs précis. A côté de l'objectif général de produire une oeuvre à portée scientifique dans le cadre d'un mémoire de DES d'une part, et de contribuer à l'évolution des connaissances sociologiques dans un système social (le Sud-Kivu), d'autre part, cette étude s'est fixé les objectifs opérationnels ci-dessous :

· Identifier et décrire les mouvements de résistance opérationnels au Sud-Kivu ainsi que leurs origines.

· Repérer, classifier et analyser les fondements du système d'idéaux des mouvements de résistance au Sud-Kivu, dans une orientation théorique déterminée.

· Examiner les actions protestataires comme dimension axiologique des idées véhiculées par les mouvements de résistance.

· Déterminer le rôle des mouvements de résistance dans la construction d'une culture politique en tant qu'acteur au processus d'historicité de la société.

Comme cela se dessine à travers les objectifs ci-dessus, un intérêt indéniable peut être accordé à cette étude. Il peut se situer à trois niveaux : scientifique, pratico-social et individuel. Au niveau scientifique, cette recherche est un apport à l'étude de la dimension politique de la réalité sociale dans un système social précis. En effet, grâce à la méthode sociologique, cette étude élargit les connaissances sociologiques, particulièrement par la confrontation des théories existantes aux faits réels nouveaux dans un contexte socio-historique singulier. Dès lors, elle éclaire l'esprit scientifique sur les manifestations observables du phénomène mouvement de résistance et son rôle idéologique dans le SudKivu en particulier en relevant les processus qui en résultent (contradiction, consensus, composition- recomposition, structurationdéstructuration, transfiguration etc.).

Au niveau pratico-social ou praxéologique, cette étude oriente les choix de la société par rapport à l'élan naturel de l'auto-détermination reconnue à tout groupe humain. A cet effet, elle constitue un outil reprenant certains aspects de la mémoire de la société susceptible, d'un côté, d'orienter les choix rationnels dans les actions et idéaux ainsi que les recherches avenir, et de l'autre côté, d'éveiller la conscience nationale en valorisant la citoyenneté responsable.

Au niveau personnel, enfin, cette étude nous permet de mener une réflexion scientifique et non partisane sur un phénomène dans lequel nous avons été impliqué en tant qu'acteur pendant plus ou moins 41 jours en 1996 à l'entrée de l'A.F.D.L. Il s'agit d'un exercice à l'effort d'objectivation devant des faits subjectifs dont un prisme sentimental ou idéologique risquerait de biaiser le résultat.

2. Contexte et état de la question

La littérature scientifique sur les mouvements de résistance et leurs idéologies est moins abondante. La production de ce phénomène dans la forme actuelle a été sujette à des interprétations scientifiques

diverses. Cependant, nombreuses études n'ont pas encore été menées (du moins au Sud-Kivu) sur ce phénomène au point d'analyser les aspects fondamentaux, et dégager, si nécessaire, des lois sociales qui en découlent.

Dans leur manifestation concrète, les mouvements de résistance se présentent comme des acteurs sur la scène politique nationale et locale en quête de la transformation sociale. Leur existence a progressivement entrainé des mutations dans les structures des sociétés concernées tant du point de vue des schèmes conceptuels que de celui des actions visibles. Les processus sociaux engagés pour la stabilisation du pays obligent les mouvements de résistance à construire des nouvelles rationalités qui tiennent compte leur intégration dans la société nationale, et partant abandonner leur idéologie. Des considérations idéologiques sur les mouvements de résistance nées d'une transposition de la pensée scientifique occidentale confèrent auxdits mouvements de résistance un statut marginal sinon un rôle perturbateur de l'équilibre social et de l'ordre politique établi. En dépit des initiatives nationales et des représentations idéologiques, les mouvements de résistance existent soit en latence soit de manière manifeste en tant que système de pensées ou d'idées.

C'est dans ce contexte d'insuffisance des recherches scientifiques sur les idées-forces des mouvements de résistances, et d'émergence des discours idéologiques d'approbation ou de désapprobation que nous voulons expliquer ce phénomène dans une approche anthropo-sociologique. Il sera question de produire une connaissance scientifique en opérant une rupture entre les discours idéologique et les discours scientifiques. Une telle entreprise recommande comme préalable la maîtrise de la position actuelle du problème par la recension des recherches antérieures étant donné que cette recherche couvre la période de 1996-2009.

Avant d'opérer un élargissement théorique aux hypothèses émises par Alain Touraine et Muncur Olson sur respectivement les mouvements sociaux et les actions collectives, il nous a paru nécessaire de faire mention de quelques études appliquées traitant sur le phénomène de mouvement de résistance.

Dans sa thèse de doctorat, Jérôme Lafargue (1) a analysé les mobilisations collectives et les actions protestataires dans un contexte de démocratisation. Grace à l'approche comparative, il a étudié les exemples Kenyan et zambien. Il a essentiellement focalisé son attention sur les motivations qui animent les acteurs du système d'action protestataire ainsi que les représentations qui les traversent. En plus, il a démontré comment dans les deux cas, les logiques factuelles et patrimoniales l'auraient importé sous couvert d'un multipartisme en trompe-l'oeil. Situé dans des processus de démocratisation, les contestations manifestées ont combiné les dimensions stratégiques et symbolico-cognitive. La protestation répressive a été plus observée au Kenya qu'en Zambie tel qu'on peut le lire dans le tableau des caractéristiques principales des systèmes d'action protestataire Kenyan et zambien.

La différence des enquêtés dans les deux exemples suite à la répression au Kenya pendant les recherches est une limite méthodologique qui se dégage. Par ailleurs, le tableau des caractéristiques fait ressortir des éléments comparatifs sans dégager, en définitive, les variables particulières et communes.

Kabuya Lumuna (2) a mené une étude sur les idéologies zaïroises. Il a démontré que celles-ci manipulent la tribu pour capturer les adhérents d'une part, et cristallise le tribalisme pour en faire une

1 J. LAFARGUE, Mobilisations collectives, démocratisation et système OfElftIRClSLRNTtEtEILIl$CElyTIllfRPSELél des exemples Kenyan et zambien, Thèse de Doctorat en science politique, Faculté de Droit,

G11( FRnRPI} }tNG}llf }stERQ EUQ3}134 G}13 au }EG}s 3 D VG} l'AGRNET11117

2 KABUYA LUMONA, Idéologies zaïroises et tribalisme (Révolution paradoxale), Thèse de doctorat, U.C.L, 1985.

ressource nécessaire dans l'espace public. Il a analysé les idéologies qui ont prévalu à la veille et au début de l'indépendance du Zaïre qui, à cause du tribalisme ont conduit à des révolutions sans projet de formation d'un Etat indépendant fort pour succéder à l'Etat colonial.

Dans son mémoire de DES, Amuri Misako (3) a étudié les milices mai-mai du Maniema comme mode de participation politique à partir de la mise en relation entre le niveau d'intégration socioéconomique et le niveau d'intégration politique, entre la pauvreté et le besoin de participation politique, entre la violence et l'existence politique chez les masses rurales dont relèvent les milices mai-mai. Après un riche travail herméneutique ayant abouti au constat que le phénomène est peu étudié au Maniema, il révèle dans son analyse dialectique que le déclin de l'Etat a favorisé la réappropriation de la violence par des entités rurales qualifiées sans atténuation de subordonné ou isolé.

Ces considérations tranchées ajoutées à celles qui attribuent aux communautés rurales la prédisposition à faire usage de la violence pour s'affirmer ou s'exprimer semblent contredire l'autonomie relative reconnue à chaque système social mais aussi son insertion dans le système global.

Quelques travaux de fin d'études réalisés par les étudiants de la Faculté des sciences sociales, politiques et administratives à l'université Officielle de Bukavu ont fait partie du patrimoine herméneutique de cette étude. Il s'agit des monographies et mémoires de licence inédits suivants :

P. MWETAMINWA WANGACHUMO, Les guerres armées comme moyen de changement de régime politique en R.D.C : Analyse des crises politiques et les événements subséquents de 1996-2004, Mémoire de licence, FSSPA, UOB, 2003-2004.

3 F.D. AMURI MISAKO, Les Milices Mai-Mai au Maniema (Août 1998- Juin 2003) : Un mode d'affirmation politique des masses rurales ?, Mémoire de DES, UNIKIS, 2007-2008.

MWISHA FUKU, Leadership et la lutte armée au Sud-Kivu. Etude appliquée aux Mai-Mai de Bunyakiri de 1996-2006, Mémoire de licence, FSSPA, UOB, 2005-2006.

G. ASA WILONDJA, Militarisation et participation politique des bembe en territoire de Fizi au Sud-Kivu, Mémoire de licence, FSSPA, UOB, 2007-2008.

ZIHALIRWA NKUBAGIRE, Les groupes armés et la problématique de développement de la chefferie de Burhinyi, TFC, FSSPA, UOB, 2005- 2006.

WAKILONGO WAUBENGA, Recours aux armes comme mode de participation politique en République Démocratique du Congo. Cas des mai-mai de Bunyakiri 1998-2007, T.F.C, F.S.S.P.A, UOB, 2006- 2007.

Quoique limités aux entités réduites et à portée plus descriptive, les travaux de fin ce cycle et mémoires de licence ci-dessus contiennent des informations de terrain sur la manifestation du phénomène mai-mai.

Sans rompre d'avec les réflexions antérieures dont les hypothèses émises sont intéressantes, notre étude, quant à elle, met l'accent sur les idéologies qui guident les actions protestataires des

mouvements de résistance. Elle s'intéresse particulièrement aux

fondements et à la nature des actions observables. Par ailleurs,

l'approche suivie écarte des déterminismes pour considérer les actions des acteurs ou sujets dans la lutte contradictoire du contrôle de l'historicité. Les faits empiriques observés sur le terrain méritent d'être problématisés.

3. Problématique

Poser une problématique consiste à préciser la position du problème en donnant la perspective théorique qui guide la pensée mais aussi les questions adressées aux faits empiriques observés.

Les mouvements de résistance du Sud-Kivu sont théoriquement envisageables comme le phénomène de mouvement social tel qu'étudié par A. Touraine (4) et ses continuateurs (Albert Melucci) (5)et les autres. Dans cette perspective théorique, ceux-ci s'imposent dans le système social comme des acteurs aux logiques instrumentales en s'opposant à l'ordre social et politique existant. Les mouvements de résistance ont revendiqué dans un contexte de guerre le contrôle du système d'idées en faisant prévaloir des fins « nationalistes ». En effet, les guerres successives de 1996-2001 peuvent être perçues comme la conséquence d'un processus politique conflictuel pour la démocratisation de la République Démocratique du Congo. L'émergence de ce phénomène résistant est liée au prolongement du processus de démocratisation et des guerres qui l'ont suivi. Dans ces conditions, ils constituent à la fois un moyen violent d'expression des revendications et en meme temps un vecteur des idées nouvelles dans la société. Parlant du rapport entre les mouvements sociaux et la démocratie, Alain Touraine précise ce qui suit :

« D'un côté, si un système politique ne considère les mouvements sociaux que comme l'expression violente de demandes impossibles à satisfaire, il perd sa représentativité et la confiance des électeurs (...). De l'autre côté, il n'y a de mouvement social que si l'action collective se donne des objectifs sociétaux, c'est-à-dire reconnait des valeurs ou des

4 Dans l'ouvrage La voix et le regard, Paris, Seuil, 1978 Alain Touraine entend par mouvement social « (...) la conduite collective organisée d'un acteur de classe luttant contre son adversaire de classe pour la direction sociale de l'historicité dans une collectivité concrète » (p.103).

5 Dans la continuation de la pensée touranienne, Alberto Melucci émet des considérations enrichissantes sur ce qu'il convient bien d'appeler les nouveaux mouvements sociaux. Dans « Société et changement et nouveaux mouvements sociaux » publié dans la Revue sociologie et société, Vol. 10, n°2, 1978, il souligne qu'un mouvement social se définit comme une action collective indiquant la lutte de deux acteurs pour l'appropriation de valeurs et ressources sociales, lutte dont les modes d'expression cassent les normes institutionnalisées dans les rôles sociaux, débordent les règles du système politique et attaquent la structure des rapports sociaux (Lire J. Lafargue cité plus haut, p. 106).

intérêts généraux de la société et, par conséquent, ne réduit
pas la vie politique à l'affrontement de camps ou de classes,
en meme temps qu'elle organise et développe des conflits »

(6).

Du point de vue empirique, il s'est observé la formation de plusieurs mouvements de résistance appelés mai-mai sur l'étendue de la Province du Sud-Kivu. Le contexte de guerre évoqué ci-haut a été une condition favorable à leur existence. La genèse de ces mouvements de résistance semble intégrée à la fois le contexte social et le contexte historique. Ce qui est frappant c'est l'existence des systèmes d'idées fondées sur les acquis historiques des rebellions et autres formes de résistance ainsi que les actions protestataires qu'elles entraînent. Les idéologies véhiculées recèlent des contradictions et sont mouvantes en fonction de contextes conjoncturels. Elles se fondent sur le sentiment d'une situation d'occupation, d'envahissement, d'injustice sociale d'une part, et propose un système d'idées nationalistes comme solution à travers la lutte armée ou la violence politique.

Les mouvements de résistance se sont manifestés davantage dans les sociétés rurales. Ils se sont servis des ressources tirées de ces milieux « naturels », mais aussi ils ont remué les germes des conflits identitaires et fonciers en latence entre les communautés.

A travers leurs idées et actions, les mouvements de résistance ont participé quoiqu'avec violence aux processus politiques engagés dans le pays. Ils ont perturbé l'équilibre des contrées occupées. Le processus de brassage des troupes et de démobilisation mené par le système politique semble inaugurer la fin des mouvements de résistance.

Au regard de notre perspective d'analyse et des faits empiriques problématisés, nous avons formulé une préoccupation

6 A. TOURAINE, Qu'estRWWWWWWWWWW ?, Paris, Seuil, 1994, pp.87-88.

principale consistant à savoir pourquoi persiste-t-il des idéologies de résistance au Sud-Kivu qui ont conduit à l'émergence de nouvelles formes de mouvements de résistance en plein processus de démocratisation ? En plus de celle-ci, nous avons posé trois questions secondaires à savoir :

- Quelles sont les origines des mouvements de résistance au Sud-

Kivu ?

- Quels sont les fondements de l'idéologie de mouvements de résistance ainsi que la nature des actions revendicatrices exprimées ?

- Quel est le rôle du système d'idées construit et les actions qu'il génère dans la recherche de l'idéal démocratique ?

4. Hypothèses

Les questions-problèmes relevées ci-dessus méritent des réponses provisoires qui seront soumises au principe épistémologique de la vérification ou falsifiabilité à travers l'analyse des faits observés.

Les mouvements de résistance au Sud-kivu tirent leurs origines dans les rebellions historiques connues dans le Kivu.

Les idées contestataires qui ont présidé à la formationdéformation-reformation des mouvements de résistance au Sud-Kivu sont justifiables du contexte de guerre et de l'inefficacité des pouvoirs publics à résorber les tensions sociales et à assurer l'intérêt général. Cette crise conjoncturelle a permis de légitimer les idées protestataires dont la manifestation sous forme de mouvement de résistance est une expression collective du refus de l'ordre politique établi.

politique national des communautés rurales et l'éclosion des survivances révolutionnaires. Les actions menées sont de nature violente.

Le choix de la violence attribue aux mouvements de résistance un rôle freinateur pour la construction d'une culture démocratique qui se veut pacifiste et légaliste.

Le respect des principes méthodologiques de la recherche nous permettra de faire une analyse objective des faits avec l'objectif de confirmer, d'infirmer ou de nuancer les hypothèses ci-dessus formulées.

5. Méthodologie

Le phénomène étudié étant complexe, nous avons opté pour une attitude méthodologique holiste. En outre, compte tenu de la nature de l'objet d'étude, nous avons fait recours à la méthode d'histoire immédiate telle que conçue par Benoit Verhaegen. Les principes opérationnels de cette méthode qui s'inscrivent dans le prolongement de la méthode dialectique de Karl Marx, nous ont permis de déceler les contradictions apparentes et cachées que recèle le système d'idées des mouvements de résistance et leurs actions revendicatrices au sein d'un système social dynamique qu'est la Province du Sud-Kivu particulièrement. Ainsi, en situant les sujets historiques dans le contexte des crises existantes, leurs témoignages ont permis de comprendre et d'expliquer les bases de leur idéologie ainsi que la nature des actions observables.

La méthode d'histoire immédiate a été étayée par des techniques de recherche dont la position fonctionnelle dans ce procès de connaissance a consisté à récolter les données sur le terrain et à les dépouiller. A cet effet, nous avons utilisé les techniques suivantes : l'observation désengagée, l'interview semi directive, l'échantillonnage,

l'analyse de contenu et l'analyse statistique. Ces moyens méthodologiques sont développés dans le premier chapitre.

6. Difficultés rencontrées

La recherche que nous avons menée a connu certaines difficultés dont les effets n'ont pas eu d'incidence notable sur son aboutissement. Il nous est de mentionner essentiellement la difficulté d'atteindre les leaders du mouvement FRF à cause de désengagement dans le processus du retour à la paix au sein du programme Amani. C'est pour cette raison que nous n'avons pas développé la sociogenèse de ce mouvement.

7. Economie générale du mémoire

Hormis l'introduction, et la conclusion ainsi que les préliminaires et la bibliographie finale, ce mémoire est subdivisé en quatre chapitres. Le premier fait une présentation de notre champ d'étude, le Sud-Kivu et un développement des aspects méthodologiques et théoriques de la recherche. Le deuxième aborde, dans une approche descriptive, la sociogénèse des mouvements de résistance ainsi que leurs ressources. Quant au troisième chapitre, il analyse les fondements de l'idéologie des mouvements de résistance ainsi que leurs actions protestataires.

Enfin, le quatrième chapitre tente de définir le mai-maisme comme idéologie, et de démontrer son rôle dans la construction de la culture politique démocratique.

15
CHAPITRE PREMIER :

CONSIDERATIONS GENERALES, THEORIQUES ET
METHODOLOGIQUES

Introduction

Ce chapitre est à la fois la description de quelques aspects identitaires du champ d'étude et des mouvements de résistance relevés au Sud-Kivu ainsi que la présentation de la démarche scientifique de cette recherche.

Le Sud-Kivu est naturellement caractérisé par une diversité d'aspects qui lui confèrent une particularité identitaire par rapport aux autres Provinces de la R.D. Congo. Il n'est pas question de les relever tous ici sous peine d'une monographie d'en souligner certains ayant un rapport direct avec le sujet traité. La recherche scientifique entant que processus rationnel et méthodique se doit d'être justifiée dans toutes les étapes qui la fondent. C'est pourquoi, il nous a paru nécessaire à ce stade de recherche d'expliciter la démarche suivie de la conception du sujet à la composition voir la rédaction de ce travail. Ainsi, il sera fait un balisage théorique, conceptuel et méthodologique de notre recherche.

1.1. Le Sud-Kivu : un espace géographique, politique et multiculturel

Le Sud-Kivu est un espace où s'agrègent et se désagrègent plusieurs enjeux dont sont justiciables des processus sociaux antinomiques et contradictoires : intégration, désintégration, conflit, ethnicité, étatisation, richesse, pauvreté, mouvement des populations, compétition politique, etc.

1.1.1. Le Sud-Kivu comme espace géographique

La Province du Sud-Kivu a une superficie de 69.130Km2. Elle est limitée à l'Est par les Républiques du Rwanda, du Burundi et de la Tanzanie ; au Sud-Est par la Province du Katanga ; au Sud, à l'Ouest et au Nord-Ouest par la Province du Maniema ; au Nord par la Province du Nord-Kivu.

Son relief est varié. En effet, l'Est est caractérisé par un relief montagneux tandis que le centre et l'ouest ont respectivement les hauts plateaux et les bas plateaux. Le relief le plus bas s'observe dans la plaine de la RUZIZI (depuis Uvira jusqu'à Kamanyola).

Le climat varie selon qu'on se trouve à l'Est, au centre ou à l'Ouest, dans la plaine de la RUZIZI : le climat de montagne aux températures douces à l'Est ; le climat équatorial au centre et à l'Ouest et le climat tropical à tendance sèche dans la plaine de la RUZIZI. La végétation est montagnarde à prédominance herbeuse ainsi que la forêt.

L'hydrographie y est abondante avec la présence de deux lacs à savoir : le Lac Tanganyika (773 m) et le lac Kivu (1.470m) ainsi que plusieurs cours d'eau appartenant au bassin hydrographique du Fleuve Congo.

La situation pluviométrique est caractérisée par des pluies abondantes dans les territoires de Fizi, Mwenga et Shabunda à raison de 9 mois de saison de pluie et 3 mois de saison sèche ailleurs.

Le sol est argileux (Kabare, Walungu, Idjwi, Kalehe) et sablonneux (Fizi, Uvira, Mwenga, Shabunda).

En général, il est fertile et favorable à l'agriculture. Des minerais divers (or, coltan, cassitérite, orflamite, etc.) sont signalés à plusieurs endroits particulièrement à Mwenga, Shabunda, Fizi et Kalehe.

Les activités économiques s'exercent en plusieurs secteurs, notamment l'énergie (eau, électricité, braise,...), le transport, la télécommunication, l'environnement et le tourisme, l'éducation, la santé, les mines, l'industrie, les banques et autres institutions financières.

L'économie de cette Province est encore faible. A côté d'une économie informelle en pleine expansion, il s'observe une insuffisance criante ou une inexistence quasi-totale de l'industrie lourde, l'industrie de transformation, l'industrie agro-alimentaire. Le chômage est élevé à la suite du taux faible des emplois capables de consommer l'importante masse laborieuse disponible et compétente. Les structures économiques sont désarticulées au point de limiter la production des richesses pour un développement local et la compétition économique nationale et internationale.

Les statistiques démographiques existantes ne sont pas fiables faute d'un recensement général systématique. Selon l'Inspection provinciale de la santé, la population du Sud-Kivu est estimée au mois de septembre 2007 à 4.783.775 habitants.

Les enjeux qui résultent de cet espace géographique déterminent les réseaux des relations sociales et économiques qui structurent et restructurent les groupes sociaux. L'occupation de l'espace devient un objectif des acteurs sociaux pour assoir sinon améliorer leurs positions sociales dans les réseaux relationnels, et contrôler les agrégats économiques voire la structure politique.

En effet, l'occupation de l'espace et partant le contrôle des ressources a été une motivation à la création des mouvements de résistance voire des tensions sociales entre les groupes ethniques ou claniques.

1.1.2. Le Sud-Kivu comme espace politique

Le Sud-Kivu est l'une de 24 provinces de la RDC. Il comprend deux institutions, à savoir un gouvernement provincial et une Assemblée Provinciale. Il est composé de la ville de Bukavu et de huit territoires: FIZI (15.786Km2), Idjwi (281Km2), Kabare (1.960Km2), Kalehe (5.707Km2), Mwenga (11.172Km2), Shabunda (25.216Km2), Uvira (3.146Km2), Walungu (1.800Km2) comme l'indique la carte administrative ci-dessous.

Fig. n° 1 : Carte administrative de la Province du Sud-Kivu

Les institutions politiques en place sont l'émanation d'un processus politique des élections pluralistes de 2006. Plusieurs partis politiques et compris les acteurs de la société civile sont en compétition pour le contrôle de l'espace politique. A côté d'eux, se sont développés les groupes informels qui, par des moyens violents cherchent à contrôler les enjeux politiques. Ce sont les mouvements de résistance, dits « MaïMaï ». Ils ont des revendications - souvent mal cristallisées - adressées à la société politique, et dont certaines expriment la volonté de participer à la gestion de la « cité ».

Dès lors, l'espace politique devient un enjeu qui alimente les mécontentements, les débats politiques, les positions sociales, les symboles et idéologies dans l'imaginaire collectif.

1.1.3. Le Sud-Kivu comme espace multiculturel (7)

Le Sud-Kivu est formé des populations appartenant à plusieurs communautés ethniques. L'ethnographie du Sud-Kivu retient une diversité de groupes ethniques notamment :

- Babembe : en Territoire de FIZI

- Bafuliro : en Territoire d'Uvira

- Bahavu : en Territoire de Kalehe et Idjwi

- Balega : en Territoire de Mwenga, Shabunda, FIZI

- Banyindu : en Territoire de Walungu et Mwenga

- Bashi : en Territoire de Walungu, Kabare, Kalehe et Mwenga

- Bavira : en Territoire d'Uvira

- Batwa : en Territoire de Kalehe, Idjwi, Kabare

7 Le concept de multiculturalisme « recouvre en réalité trois grandes significations qui se superposent : il exprime d'abord un constat, celui de la coexistence au sein de nos sociétés de plusieurs cultures, il fait ensuite référence à un idéal ethnique et politique soucieux de concilier l'égalité et la reconnaissance des différences culturelles, il sert enfin à désigner les réponses politiques apportées par certains Etats aux discriminations liées à l'appartenance à des minorités ethniques et culturelles ». (Lire J. ETIENNE et Alii, Dictionnaire de Sociologie, Paris, Hatier, 2004, p.291).

Citant B. Verhaegen, I. Ndaywel et L. de Saint Moulin, G. Muheme retient les ethnies suivantes au Sud-Kivu : Bafulero, Bavira, Baluna, Aluba, Ankurshu, Matapa, Bakongolo, Wazimba, Malela, Babembe, Bangubagu, Bahombo, Babuyu, baholoholo, Batumbwe et Balumbu(8)

Il cite en plus de groupes ethniques comme les Bashi, Bafuliro, Bahavu, Bulega, Babembe, Babuyu, Bweri, etc.(9) on retrouve ces groupes ethniques dans la carte élaborée par Léon de Saint Moulin pour l'ethnographie du Kivu.

Fig. n° 2 : Carte ethnographique du Kivu

Source : L. de SAINT MOULIN, « Conscience nationale et identités ethniques. Contribution à une culture de la paix » in Congo-Afrique, n° 372, Février 2003, pp. 93-128

8 G. MUHEME, Les guerres imposées au Kivu, Intérêt économique ou management social, Louvain-la-Neuve, Bruylant-academia, 1999, p.44.

9 Ibidem, p.44 et passim

Le Sud-Kivu n'est pas une catégorie socio-culturelle homogène. Il est plutôt un cadre géographique multiculturel. En effet, l'existence de plusieurs groupes ethniques au Sud-Kivu (multiculturalisme) entraîne naturellement des revendications identitaires qui sont à leur tour source des tensions et de conflits entre groupes. En effet, ethnicité qui s'observe devient un enjeu, une ressource de mobilisation des groupes. L'exacerbation de ces logiques identitaires aux fins économistes ou belliqueuses à travers les mouvements collectifs est manifestement favorisée par l'incapacité avérée de l'Etat à positiver ou à réduire la pertinence de l'ethnicité. A ce sujet, nous retenons de Benoît Nemery ce qui suit :

« Il n'est pas utile de nier ou de refouler le fait ethnique, car cela ne fait qu'exacerber l'ethnicisme, mais il faut domestiquer l'ethnicité et lui faire perdre sa pertinence sur les plans politiques, sociaux et économiques »(10).

Expliquer un objet d'étude aussi complexe dans un environnement dynamique et aux enjeux contradictoires impose le respect rigoureux des principes de la démarche scientifique.

1.2. Démarche de la recherche

A la suite de F. Dépelteau, nous avons préféré utiliser le terme « démarche » pour exprimer toute la procédure suivie dans la réalisation de cette étude. Il s'agit de fixer avec précision les principes et règles épistémologiques qui ont guidé nos recherches. Pour ce faire, il importe de dire un mot sur le sujet et le type de raisonnement qu'il inspire, le cadre théorico-conceptuel ainsi que les aspects méthodologiques de l'étude.

10 B. NERMERY « Ethnogenèse au Rwanda et au Burundi » in La Revue Nouvelle, n°10, octobre 1990, p.

1.2.1. Sujet d'étude et mode de raisonnement

La formulation de notre sujet de recherche présente deux aspects : l'un, empirique, les mouvements de résistance ; l'autre, théorique, la culture politique. Deux types d'erreur épistémologique peuvent en découler : vouloir insérer la pratique sociale dans la théorie ou chercher à adapter la théorie à la pratique sociale.

En réalité, cette étude considère les mouvements de résistance et la culture politique comme des éléments du vécu, ou des faits empiriques analysables à travers des pratiques susceptibles d'être catégorisées en termes de variables, concepts en vue d'une prise en charge théorique.

En d'autres termes, les deux éléments sont d'abord des objets réels qui, par un effort de construction scientifique (conceptualisation), sont transformés en objet de connaissance exprimé dans un langage scientifique. C'est la rupture gnoséologique et la rupture praxéologique(11).

La conjonction qui relie les deux termes du sujet exprime un rapport. Il est question de démontrer dans quelle mesure les mouvements de résistance comme acteur historique participent à travers leur idéologie et action, à l'émergence d'un type de culture

11 KAMBAJI WA KAMBAJI retient trois types de ruptures :

La rupture épistémologique : elle pose le problème de l'acceptabilité des connaissances sociologiques. Elle est une opération qui consiste à se dépouiller des « prénotions » (Bourdieu), des « assertions gratuites » (Gouldner), d onc des préjugés de toutes sortes dans le but de formaliser la pensée sociologique, de la rendre cohérente et logique.

La rupture gnoséologique : elle est relative à l'irréductibilité entre l'ordre des phénomènes empiriques, concrets, globaux et complexes, de l'ordre des phénomènes logiques, théoriques, abstraits, partiels et simples. Elle pose le problème d'intelligibilité ou de la théorisabilité ayant trait au degré d'adéquation théorique des paradigmes sociologiques au système concret.

La rupture praxéologique : c'est une dérivé de la rupture gnoséologique, car il est question de l'irréductibilité de la praxis à la théorie sociale. Elle soulève le problème de l'applicabilité des schèmes sociologiques qui est relatif à leur validation par rapport au champ empirique.

Lire KAMBAJI WA KAMBAJI « Quelques réflexions sur les fondements épistémologiques de la connaissance sociologique Problèmes théoriques et perspectives d'avenir» in QUEST, Vol.II, n°2 Lukasa : UNAZA, 1988, pp.53-72 cité par MASCOTCH NDAY WA MANDE, Critique des fondements de l'hexagone philosophique de LONGANDJO. Essai d'élargissement épistémologique à la lumière de la Grille de lecture Kambajienne, Mémoire de DES, UNILU, 2002, pp. 25-26. Inédit.

politique. Les deux catégories sont analysées à travers principalement les idéologiques véhiculées ainsi que les actions revendicatrices.

Par ailleurs, il ne serait pas indiqué d'adopter une démarche empiriste du fait de partir des phénomènes concrets sous peine d'historiographie ou de monographie. Par contre, le fait que les phénomènes sous analyse sont circonscrits dans un cadre théorique déterminé, nous avons opté pour un raisonnement hypothético-déductif. C'est pourquoi, nous avons formulé des hypothèses empiriques et théoriques. Le schéma de la démarche hypothético-déductive classique se présente comme suit selon F. Dépelteau.

Fig. n° 3 : Schéma de la démarche hypothético-déductive selon Dépelteau
Question de recherche

Processus de déduction et/ou d'induction

Adoption ou construction d'une théorie et d'une ou plusieurs hypothèses

Processus de vérification empirique et d'analyse des données (ou tests empiriques)

Conclusion :

La théorie et la ou les hypothèses concordent ou ne concordent pas avec les faits

Deux possibilités

a) Si la théorie et la ou les hypothèses passent le

test empirique, aucune autre action n'est nécessaire car la réponse à la question de la recherche est trouvée (« vérifiée ») ;

b) Si la théorie et la ou les hypothèses ne passent pas le test empirique, la théorie est rejetée ou amendée

La théorie est rejetée La théorie est amendée

en faveur d'une nouvelle selon les nouveaux faits

théorie

Source : F. DEPELTEAU, La démarche d'une recherche en sciences humaines. De la question de départ à la communication des résultats, Bruxelles, De Boeck, 2000, p.63.

Dans ce schéma, F. Dépalteau retient quatre temps de la démarche hypothético-déductive. Le premier temps consiste à se poser une question de recherche. Dans le deuxième temps, le chercheur procède à des déductions et/ou des inductions selon les prémisses et les connaissances

empiriques du sujet qu'il possède. Dans le troisième temps, il adopte ou construit une théorie et une ou des hypothèses de recherche. Dans un quatrième temps, le chercheur procède à des tests empiriques dont le but est de vérifier ou d'infirmer la ou les hypothèses de la recherche.12

1.2.2. Cadre théorico-conceptuel

Cette étude est orientée par certains acquis théoriques existants. Les concepts fondamentaux qui la fondent trouvent leurs significations particulières à l'intérieur des théories ou paradigmes choisis. Nous voudrions élargir ces théories à d'autres sphères géographiques et culturelles avec une ambition future d'en augmenter la portée pour expliquer la problématique de développement politique et concevoir un modèle de construction de la paix.

1.2.2.1. Construction théorique

La recherche est fondamentalement inscrite dans le schéma de raisonnement sociologique d'Alain Touraine appelé sociologie de l'action(1). Elle mobilise également le paradigme de « mode populaire d'action politique >> (MPAP) de Jean-François Bayart(2) et celui de mobilisation des ressources initiée par Anthony Obershall et compagnons(3). Enfin, elle recourt à l'approche psychosociale (4) pour interpréter le comportement collectif dans les Mouvements de résistance.

Un paradigme est, selon Michel Miaille « un cade théorique, une manière de trouver des solutions parce qu'il est une manière de poser les problèmes >>(5). Il poursuit en attribuant deux sens à un paradigme. D'une part, le paradigme constitue une armature théorique fondamentale, rendant compte de la science à un moment donné, connaissance de certains objets. D'autre part, le paradigme est ce à quoi adhère un groupe

12 F. DEPELTEAU, Op. Cit., pp. 63-65.

scientifique, c'est-à-dire les croyances, les valeurs et techniques communes aux membres d'un groupe donné et que l'on peut dénommer le sens sociologique du paradigme.(13)

Pour mieux cerner la pensée touranienne, il importe de reproduire son modèle sociologique et son schéma d'analyse.

Fig. n° 3 : Modèle sociologique d'Alain Touraine

Historicité

Domination

Système d'action Système des

Historique rapports des classes

Champ d'histoire

Influence

Emprise

Système politique

institutionnel

 

Innovation

Pouvoir

Revendication

Détermination

Modernisation

Différenciation

Système organisationnel

Source : A. TOURAINE, Pour la sociologie, Paris, seuil, 1974.

Ce modèle tourainien retient 3 sous-systèmes : le système organisationnel, le système institutionnel et le champ d'historicité. Le premier est marqué par des relations de différenciation entre statuts et rôles des acteurs sociaux. Le deuxième est le champ d'expression des relations d'influence entre forces politiques. Le troisième enfin comprend les relations de domination entre classes sociales (acteurs historiques). Ce dernier, le champ d'historicité est le plus élevé dans la hiérarchie des sous-systèmes. En effet, l'historicité est, dans la conception touranienne, la capacité de la société de se transformer, de produire des orientations sociétales et culturelles. Il est le siège de l'enjeu collectif, culturel des

13 M. MIAILLE, Op. Cit., p.30.

rapports des classes où émerge progressivement l'ordre qui imprime une orientation aux pratiques.

Ainsi, l'analyse sociologique peut suivre la démarche indiquée cidessous.

Figure n° 4 : Démarche d'analyse actionnaliste selon Touraine

ACTION

historicité

rapports de classe

institution

ORDRE

modernisation

adaptation

Développement

CHANGEMENT

répression

règle

reproduction

dysfonctionnement

blocage

domination

décadence

organisation

CRISE

Source : A. TOURAINE, la voix et le regard, Paris, seuil, 1978, p.101.

Jérôme LaFargue note ce qui suit à propos de ce schéma d'Alain Touraine.

« D'après ce schéma, l'historicité se transforme en organisation sociale, ce qui suppose la formation d'un pouvoir, créateur de l'ordre, lequel décompose directement ou indirectement les relations sociales en opposition entre l'inclusion et l'exclusion ; ce qui a été mis hors société peut devenir agent de changement social si l'Etat cherche à répondre à des demandes nouvelles de l'environnement ».14

14 J. LAFARGUE, Op. Cit, p. 105.

Le schéma théorique d'Alain Touraine admet une approche dialectique dans l'explication du social. De ce fait, il rejette toute conception déterministe. La société n'a ni lois, ni base, elle n'est pas un édifice d'instances. La société n'est pas un édifice politique et culturel construit sur des bases matérielles.

Il n'y a pas des lois des sociétés capitalistes, il n'y a pas de lois d'évolution des sociétés qui iraient inévitablement vers le socialisme et la société des classes. Il n'y a pas de déterminisme par les forces de production et par l'évolution technologique. Les acteurs n'agissent pas de manière mécanique en réponses aux valeurs.

La théorie touranienne permet ainsi de manipuler des concepts opératoires comme l'historicité, les rapports de classes, le système institutionnel et l'organisation sociale, le changement social, les mouvements sociaux.

Parlant des mouvements sociaux en particulier, leur étude sociologique a été inaugurée par Mancur Olson(15) sous le terme de l'action collective. Cette dernière est simplement une action concertée visant à attendre des objectifs communs au sein d'un environnement donné. Il met l'accent sur la perspective de l'individualisme méthodologique pour justifier une action individuelle et non sur la communauté des intérêts. Il convient donc de rechercher la logique de l'action collective au-delà de la logique de l'action individuelle (c'est le paradoxe de l'action collective). La mobilisation a les chances de réussir dans les petits groupes où existent des relations denses et en fait, le sentiment d'appartenance. L'aptitude pour un groupe à produire des incitations sélectives ou des mesures coercitives est également une condition pour une action collective.

15 M. OLSON, LRIIIXeUEIUlWIRQUIROBEV, Paris, P.U.F., 1966.

Tableau n°1 : Caractéristiques principales des paradigmes de l'action collective

 

« Ancien paradigme »

« Nouveau paradigme »

Acteurs

Groupes socio-économiques

agissant dans l'intérêt du

groupe et impliqués dans le
conflit pour la redistribution

Groupes socio-économiques

n'agissant pas comme tels.

Revendications

Croissance économique et

distribution ; sécurité sociale

et militaire ; contrôle social

Préservation de la paix,

l'environnement, des droits de l'homme et d'une organisation du travail non aliénante

Valeurs

Liberté et sécurité de la

consommation privée ;
progrès matériel

Autonomie de la personne et identité, en tant qu'opposées au contrôle centralisé

Modes d'action

a) au niveau interne :

organisation formelle ;

association représentative de
grande taille

b) au niveau externe :

intermédiaire pluraliste ou

corporatiste des intérêts ;

compétition entre partis
politiques ; loi de la majorité

a) au niveau interne :

structure informelle ;

spontanéité ; faible degré de

différentiation horizontale et

verticale

b) au niveau externe : actions protestataires fondées sur les demandes formulées dans des termes surtout négatifs

Source : J. LAFARGUE, Op.cit., p. 110.

La richesse théorique du paradigme de la « politique par la bas >> se rapportant à notre étude peut se lire à travers ces considérations de Daniel Bourmaud reprises par Amuri Misako:

« Inaugurée avec le lancement de la revue politique africaine au détour des années 80, le thème de la « politique par le bas >> se propose de remettre la pyramide africaniste sur ses pieds. Elle s'inscrit en réaction contre le déterminisme dépendantiste et développementalisme (sic), tout en refusant les

approches juridico-politiques telles qu'elles ont pu se manifester en France notamment durant les années 60 et 70. L'appellation « politique par le bas >> se veut une méthode d'analyse des sociétés africaines en même temps qu'une théorie sociale et politique >>.16

Ainsi, « les modes populaires d'action politique >> suggère au chercheur de quitter le sphère supérieure de gestion de la cité pour analyser le niveau inférieur de la structure sociale :

« Il convient donc de déplacer la perspective classique concentrée autour de l'étude de l'Etat, au sens libéral de l'acceptation, et de ses capacités à réagir la société dans une relation univoque de dominants à dominés. Au contraire, le politique doit accorder une attention prioritaire aux mécanismes par lesquels les dominés manifestent leurs capacités d'innovation, de résistance et de contestation de l'ordre établi >>(17).

Le paradigme de la « mobilisation des ressources >> est tout autant nécessaire pour cette étude dans la mesure où il nous permet à la suite de John Mac Carthy et Meyer Zald (conception économiste de la théorie de la mobilisation des ressurces) et Anthony Oberschall (conception politiste de la théorie de la mobilisation des ressources) de comprendre davantage notre objet d'étude.

Pour la conception économiste, D. La Peyronnie souligne ce qui

suit :

« La création d'une action collective se comprend comme la rencontre entre les objectifs d'un entrepreneur ou d'un ensemble d'entrepreneurs et l'achat par des clients des produits de l'entreprise. Les entrepreneurs agissent en essayant de satisfaire au mieux les préférences des consommateurs, les incitants ainsi à acheter leurs produits. L'action collective se crée

16 F.D. AMURI MISAKO, Op.Cit., p. 17.

17 J. F. BAYART, Op. Cit., p.53.

lorsque les objectifs d'une organisation rencontrent les préférences pour le changement d'un ensemble d'individus, transformant leur sympathie en participation. En faisant correspondre ses objectifs avec les intérêts du secteur qu'elle cherche à mobiliser, une organisation doit pouvoir convertir les sympathisants en militants »(18).

Trois notions ressortent de cette conception à savoir : l'organisation de mouvement social, l'industrie de mouvement social et le secteur des mouvements sociaux.

Quant à la conception d'Obers Chall- ce dernier étant considéré à juste titre comme le précurseur de cette théorie avec une empreinte politiste marquée par les présupposés olsoniens- elle met l'accent sur la structuration d'un mouvement social (liens internes solides) combinant la dimension verticale et la dimension horizontale ; l'organisation de la collectivité. Pour lui, la mobilisation consisterait à recruter les groupes d'acteurs organisés et actifs, et non pas à rassembler une masse inorganisée d'individus plus ou moins isolés. Du coup, la segmentation devient un facteur de mobilisation.

Le paradigme de la « mobilisation des ressources » suggère le mode de raisonnement suivant :

« L'approche en termes de mobilisation des ressources se focalise à la fois sur les supports et les contraintes sociétales des mouvements sociaux. Elle examine la variété des ressources qu'ils doivent mobiliser ; les liens entre les mouvements sociaux et les autres groupes, leur dépendance à l'égard de soutien et les tactiques

18 D. LAPEYRONNIE, « Mouvements sociaux et action politique : Existe-t-il une théorie de la mobilisation des ressources ? »in Revue française de Science Politique, Volume 29, n°4, 1988, pp.604- 605 cité par J. LAFARGUE, Op. Cit., p.96.

utilisées par les autorités pour les contrôler ou les infiltrer >>(19).

L'on retient de Douz McAdam, John McCarthy et Meyer Zald une synthèse présentée en ces termes :

« Ce n'est qu'en combinant les préoccupations conceptuelles des anciennes et des nouvelles approches que l'on peut espérer atteindre une compréhension complète de la dynamique des mouvements (...) Selon nous, un travail complet sur les mouvements sociaux implique deux choses : d'abord, il faut prendre en compte les processus et les variables opérant aux niveaux macro et macro. Secundo, on doit éclairer les dynamiques expliquant la stabilité et le changement dans les mouvements déjà existant en même temps que les processus qui, initialement, donnent naissance à ces mouvements >> (20).

S'agissent de l'approche psychosociale des mouvements de résistance, elle permet à l'analyse de ne pas passer sous silence les phénomènes de motivation, contagion, imitation qui sont déterminants dans la production et/ou la re-production des mouvements de résistance. Patrice Mann souligne ce qui suit à ce sujet :

« L'interprétation psychosociale prend en compte le jeu de l'influence, le rôle des croyances, des attentes, des frustrations et des espérances des individus qui s'engagent dans les mouvements collectifs alors que le second courant met l'accent sur la rationalité des individus qui, alors qu'ils sont confrontés à une situation

19 J-D. MCCARTHY et M.-N ZALD cités par J. LAGROYE, Sociologie politique, Paris, Presse de la Fondation

Nationale des Sciences Politiques et Dalloz, 1991, p. 300.

20 D. MCADAM, J-D. MCCARTHY et M.-N ZALD, « Social mouvement » cité par J. LAFARGUE, Op. Cit.,

p. 127.

de choix, essaient d'atteindre leur but de la façon la plus efficace ou la moins coûteuse »(21).

Tout autant riches et élaborés qu'ils soient, ces paradigmes ci-haut présentés trouvent indéniablement leur place ici pour autant qu'ils correspondent à l'objet sous analyse. En effet, l'étude des mouvements de résistance considérée comme mouvements sociaux se situe dans le champ de la sociologie de l'action. Leur présence analysable en termes de composition - re-composition - décomposition, structuration - restructuration - déstructuration, intégration - désintégration traduit évidemment l'expression d'une frustration, un conflit face à un pouvoir, à un environnement. Le but est certainement le contrôle au sein du système social national (RDC) ou local (Sud-Kivu) de l'historicité.

Il faut reconnaître que parler du système social national ou local crée une confusion des frontières géographiques de notre investigation.

Il n'est pas question d'élargir le champ d'étude mais plutôt de considérer les deux systèmes sociaux dans leurs relations systémiques constantes. Dans cette perspective, les mouvements de résistance sont perçus comme des acteurs historiques ayant leurs logiques. Ils sont également conscients de leur existence fonctionnelle porteurs des projets-rationnels ou nonvéhiculés à travers des idéologiques diverses dont les actions logiques et non logiques sont susceptibles d'induire des changements dans un processus dichotomique soutien-récupération/opposition-conflit. Face au pouvoir et autres acteurs de la société politique, les mouvements de résistance n'est pas une classe sociale contestataire. C'est plutôt un partenaire pour maîtriser les enjeux de la stabilisation et de l'occupation spatiale ainsi que de l'autorité. Faut-il rappeler que dans la théorie touranienne la conception déterministe de la classe sociale est fortement désagrégée sinon sans valeur heuristique. Fustigeant cette conception, Alain Touraine précise dans l'une de ses oeuvres récentes ce qui suit :

« Cette place centrale occupée par l'idée de société, et la définition de celle-ci comme un système social doté de ses mécanismes de fonctionnement et de changement, a pour contrepartie, il faut le souligner, un rejet de toute analyse et de toute forme d'organisation sociale qui considère l'acteur autrement que par la place qu'il occupe dans la société »(22).

Pour construire les idéologies et poser des actions, les mouvements de résistance mobilisent des ressources symboliques et matérielles issues des rationalités parfois contradictoires (fétichismes, vol, détournement, etc.). Les stratégies sont aussi diversifiées : consensus, coopération, intégration, violence.

En partant des mouvements de résistance, il ressort nettement une prise en compte des modes populaires d'action politique. Des changements sociaux peuvent être perceptibles à partir de l'analyse des mouvements de résistance à l'intérieur desquels les acteurs individuels ont des motivations personnelles, subissent la contagion d'attitude ou de jeu d'influence, assurent la conduite du groupe (leader).

Le schéma théorique qui guide notre étude se présente comme suit :

22 A. TOURAINE, Un nouveau paradigme pour comprendre le monde aujourd'hui, Paris, Fayard, 2005, p.93.

Paradigme de
mobilisation
des ressources

Motivation Contagion Leadership

John Mac Carthy Meyer Zald

Anthony Obershall

Jean-François Bayart

Figure n°5 : Schéma du cadre théorique

Mancur Olson

Paradigme de
l'action collective

Sociologie de
l'action

Approche
psychosociologique

Paradigme de
MPAP

Ce schéma indique en synthèse le cadrage théorique de cette étude. Au centre, on trouve la sociologie de l'action soutenue par les apports des paradigmes de mobilisation des ressources, des modes populaires d'action politique, de l'action collective ainsi que l'approche psychosociale. Les flèches vers le centre indique une coopération tandis que celles verticales et horizontales expriment en même temps un continuum et une coopération entre toutes les théories mises en contribution. Les concepts opératoires de cette étude trouvent leurs significations à l'intérieur des paradigmes ci-haut élucidés.

1.2.2.2. Conceptualisation de l'étude

En ce qui concerne les concepts clés qui forment le sujet de cette recherche, il faut souligner que l'occasion n'est pas indiquée pour superposer les définitions élaborées en sociologie, science politique ou philosophie. C'est plutôt une manière d'apporter un entendement précis se rapportant à cette recherche et inscrit dans le cheminement théorique choisi en vue de construire un cadre conceptuel opérationnel.

Le concept de mouvement de résistance mérite une précision sémantique et conceptuelle. Nous aurions pu utiliser les termes « Mai-Mai », milices ou milices Mai-Mai(23). Mais celui de « Mouvement de résistance » nous semble une catégorie opérationnelle adaptée au concept de « mouvement social » que Alain Touraine définit comme suit :

« Ne sont caractérisés comme véritables mouvements

sociaux que ceux qui dépassent les simples

23 Dans son étude déjà citée plus haut, AMURI MISAKO emploie le concept milice pour désigner selon lui ce type des forces armées ou combattantes privées, comportant des empreintes ethniques/tribales marquées et prétendant exprimer leurs aspirations et revendications par l'action violente faute d'espace démocratique pour les modes conventionnels de participation politique.(p.20) Il y fait dériver le concept de « milicianisation » considérée comme la mise en relief de l'activisme des groupes interethniques ainsi que leurs actions se déployant dans le cadre des terroirs ou espaces locaux par rapport aux groupes politiques dominants qui sont en lutte et qui, par conséquent, tentent de les aligner pour leur donner une signification politique et leur assigner un rôle dans l'ordre institutionnel établi ou à établir. Aussi, il reprend la définition de milice proposée par Kate Mengher : « Les milices sont des instruments créés pour satisfaire des besoins sociaux, mais qui finissent par servir des causes totalement différentes dans la mesure où elles se retrouvent phagocytées par d'autres sociales (...) les milices doivent être perçues non pas comme le fruit des cultures perverses mais plutôt comme le produit des cadres institutionnels pervers ».

revendications d'un groupe ou d'une classe pour mettre en cause la domination établie et viser le contrôle du développement >>(24).

Ou encore :

« L'action collective par laquelle un acteur de classe

lutte pour la direction sociale de l'historicité >>(25).

Située dans le prolongement tourainien mais globalisante et

opérationnelle, l'appréhension de François Chazel semble rejoindre notre

propre considération. Elle entend par mouvement social :

« Une entreprise collective de protestation et de contestation, visant à imposer des changements d'une importance variable dans la structure sociale et/ou politique par le recours fréquent, mais pas nécessairement exhaustif, à des moyens non institutionnalisés >> (26).

Dans cette étude, les mouvements de résistance sont des entreprises collectives sous forme des groupes sociaux intégrées ou non créés au sein des communautés pour s'opposer voir empêcher un ordre socio-politique existant à un moment donné en utilisant des moyens non institutionnels.

En effet, ils sont des entreprises collectives car relevant de l'action collective. Entant que groupes sociaux, ils sont le produit des communautés mais dont l'intégration peut ne pas être acquise définitivement. Ils sont des acteurs collectifs porteurs des projets, rationalités propres et idéologies. A leur sein, les motivations et inspirations individuelles s'agrègent et se désagrègent par le jeu des statuts et rôles sociaux pouvant conduire à des contradictions internes. Comme acteurs, ils mobilisent des ressources diversifiées - rationnelles ou

24 A. TOURAINE, Cité par J. ETIENNE et Alii ; Op. Cit., p.284.

25 Ibidem, p.287.

26Ibidem, p.285.

non - qui soutiennent leurs actions protestataires à l'endroit de la société politique.

Par ces considérations, nous pensons avoir donné un élargissement conceptuel à la notion de mouvement social de conception tourainienne dans la mesure où elle s'étend sur un nouveau contexte socio-historique et tient compte d'un processus d'intégration de l'acteur pour l'efficacité des actions sociales. Ainsi conçus, les mouvements de résistance obéissent aux valeurs téléonomiques (27) et aux principes (28) de tout mouvement social.

1.2.2.3. Culture politique

Les études les plus citées sur cette catégorie herméneutique de la sociologie politique sont celles de Gabriel Almond et Sidney Verba dans leur célèbre ouvrage The Civic Culture Revisited (1980).

Selon eux, une culture politique est « un ensemble de savoirs, de perceptions, d'évaluations, d'attitudes et de dispositions qui permettent aux citoyens d'ordonner et d'interpréter les institutions et processus politiques ainsi que leurs propres relations avec les institutions et processus ».(29)

Rapprochée de la précédente, la définition retenue par Philippe Braud souligne ce qui suit :

« La culture politique est constituée d'un ensemble de connaissances et de croyances permettant aux individus de donner sens à l'expérience routinière de leurs rapports au pouvoir qui le gouverne, et aux groupes qui leur servent de références identitaires ».

27 Pour D. La Peyronnie cité par Jérôme Lafargue, plus haut cité (p.102), « l'objectif d'un mouvement social est de favoriser la promotion des intérits d'un groupe, c'est-à-dire sa participation sociale ou économique par le moyen d'une augmentation de sa participation politique. Un mouvement social est la conjonction d'une action politique menée par une élite qui vise le pouvoir et de la mobilisation des intérits d'un groupe social à travers une action collective ».

28 A en croire Touraine, Tout mouvement social se constitue à partir de trois éléments : la définition du groupe revendicateur (principe d'identité), l'indentification de l'adversaire (principe d'opposition), l'élaboration d'un projet social ou politique alternatif (Principe de totalité).

29 G. ALMOND et S. VERBA, The Civic culture Revisited, Boston, Little Brown, 1980, p.340.

En accord avec Widvsky, Braud retient un triple rôle de la culture politique : meaning function (dégager des catégories qui fassent sens, notamment sur le plan identitaire) ; responsability function (poser des normes qui délimitent le niveau de responsabilité des individus dans leurs comportements), Bovandery maintenance function (identifier les modes de comportements inacceptables, les Ways of life exclus par le groupe).

Par ailleurs, Braud relève trois groupes d'approches de la culture politique : les approches anthropologiques, les approches sociohistoriques et les approches néo-institutionnalistes.

Les premières ont valorisé les enquêtes empiriques et établissent une typologie de culture politique fondée sur les valeurs et les représentations. C'est la culture politique parochiale (Almond, Verba, Nye). Les deuxièmes représentées par Max Weber, recherchent les modes de légitimation du pouvoir. Cette dernière s'obtient soit par la cérémonie du sacré soit par le suffrage universel identifiant ainsi une culture politique donnée (sociologie historique élaborée par Bertrand Badie). Les troisièmes enfin, représentées par Alfred Schütz, Peter Berger et Thomas Luckmann se fondent sur la notion d'institution en tant qu'elle renferme non seulement les normes formelles mais aussi le système de symboles, les schèmes cognitifs et modèles moraux. Cette approche, dit Braud, associe intimement les phénomènes purement culturels avec des phénomènes politiques et juridiques de pouvoir.

Selon Peter Berger et Thomas Luckmann(30), les processus d'institutionnalisation s'effectuent en trois phases successives : « la typification réciproque » d'action habituelles par les acteurs, l'intériorisation des catégories comme fait extérieur et contraignant, la légitimation par les rôles assumés par les individus.

Ce regard néo-institutionnel sera pris en compte dans ce travail sans nier la richesse de deux autres approches. Cependant, il est possible de dépasser l'orientation fonctionnaliste consacrée de la culture politique en valorisant le jeu des acteurs historiques qui non seulement tentent de s'y conformer mais aussi la remettent en question par des voies protestataires et/ou institutionnelles en vue de transformer les structures politiques, sociales ou économiques. N'est-ce pas là une tentative nébuleuse d'élargissement actionniste du concept de culture politique.

1.2.2.3. Fondement idéologique

- Définir l'idéologie

Ce concept a connu une dédale sémantique à la base de plusieurs

discussions entre Ecoles. Plus simplement, une idéologie est une

représentation du monde réel. L'un des théoriciens modernes de

l'idéologie reste Karl Mannheim.(31) Jean Etienne et ses compagnies

reprennent de manière admirable les considérations en ces termes : « C'est à Karl Mannhein que revient le mérite d'avoir clarifié les différents usages sémantiques du mot idéologie en les regroupant en deux grands types de définition : dans son sens évaluatif, l'idéologie est assimilée à l'erreur, au mensonge politique ; dans son sens général, le processus d'idéologisation est lié à toute forme d'engagement politique qui incline à ne voir

le réel que d'un point de vue particulier, en fonction d'une seule perspective. En ce sens, toutes les classes sociales, y compris le prolétariat, ont une idéologie »

(32).

31 Son apport élaboré sur l'idéologie est contenu dans l'oeuvre intitulée Idéologie et utopie, Paris, Ed. de la Maison des Sciences de l'homme, 2006.

32 J. ETIENNE, Op. Cit., p.239.

L'idéologie a une dimension représentative et une dimension axiologique. En effet, l'idéologie fournit une interprétation de la réalité sociale, elle est un élément dynamique de la société, elle offre une autojustification à un groupe social, une représentation de soi qui définit la place et le rôle joué par l'individu ou le groupe social.

- Fondements idéologiques

L'interprétation ou l'explication des fondements idéologiques des mouvements de résistance n'est pas l'histoire des idées politiques de ces groupes sociaux. Olivier Nay note que :

« L'histoire de la pensée politique permet en effet de comprendre comment les individus et les groupes produisent des registres d'intelligibilité pour penser le monde social, son organisation, son fonctionnement et sa légitimité » (33).

Dans le cadre de cette étude, les fondements idéologiques signifient les éléments structurels et les rationalités qui constituent la base, le soubassement symbolique et matériel des idéologies véhiculées par les mouvements de résistance.

1.2.2.4. Actions protestataires

Pour notre étude, les définitions de l'action sociale proposées par Guy Rocher(34) s'avèrent inopérantes car teintées des considérations déterministes lesquelles s'écartent sans réserve de celles d'Alain Touraine dans l'analyse du social. Malheureusement, ce dernier n'en donne pas une définition globalisante. Toutefois, il note à ce propos ce qui suit :

« D'un coté, l'action ne peut se définir seulement

comme réponse à une situation sociale ; elle est avant

33 O. NAY, Histoire des idées politiques, Paris, Armand Colin, 2007, p.5.

34 G. ROCHER, Introduction à la Sociologie Générale L'action sociale, tome 2, Paris, Ed. HMH, 1968, pp.25- 30.

tout création, innovation, attribution de sens ; un mouvement social réel crée des conflits, des institutions, des rapports sociaux nouveaux, (...)

De l'autre, l'action ne peut pas davantage être conçue comme l'expression d'un mouvement de l'histoire » (35).

Les actions protestataires sont des comportements rationnels ou non observables auprès des mouvements de résistance entant qu'acteur intégré dans « un système d'action histoire » (36).

35 A. TOURAINE, Sociologie de l'action, Essai sur la Société Industrielle, Nouvelle édition, Ed. du Seuil, 1965, pp. 16-17.

36 Expression chère à Alain Touraine pour désigner des rapports sociaux, en particulier de domination, à travers lesquels l'historicité est mise en oeuvre.

43

Figure n°6: Cadre conceptuel de l'étude

Environnement

Culture politique

Motivation Objectif

Structures sociales, politiques et économiques

Mouvements de
résistance : idéologie,
actions protestataires ou
revendicatrices, acteurs

Stratégies
ressources
symboliques et
matérielles

1.2.2. Aspects méthodologiques de l'étude

Ce paragraphe expose la manière dont nous avons procédé pour récolter les informations sur le terrain et les analyser. Il précise les moyens méthodologiques utilisés. Soulignons de prime abord que la méthodologie est selon une formulation claire de Maurice Angers :

« Ensemble des méthodes et des techniques qui

orientent l'élaboration d'une recherche et qui guident la

démarche scientifique >>.(37)

Et Raymond Quivy et Luc Van Campenhoudt d'affirmer ceci :

« Il importe avant tout que le chercheur soit capable de concevoir et de mettre en oeuvre un dispositif d'élucidation du réel, c'est-à-dire, dans son sens le plus large, une méthode de travail. Celle-ci ne se présentera jamais comme une simple addition de techniques qu'il s'agirait d'appliquer telles quelles mais bien comme une démarche globale de l'esprit qui demande à être réinventée pour chaque travail >>(38).

1.2.3.1. Phases de la recherche

Notre recherche a connu quatre moments clés, à savoir : la documentation, les pré-enquêtes, les enquêtes proprement dites, l'analyse des données et la rédaction.

- Documentation

Après une formulation provisoire de notre sujet d'étude qui, avouons-le, a connu plusieurs modifications avant la version finale, nous avons consulté plusieurs ouvrages, articles pour essayer de comprendre la thématique à aborder et élaborer des conjectures théoriques. Cet exercice de lecture

37 M. ANGERS, Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines, Anjou, Centre éducatif et culturel, 1992, p.353.

38R. QUIVY et L. V. CAMPENHOUDT, Manuel de recherche en Sciences sociales, 2e éd. Paris, Dunod, 1995, pp.3-4.

pour la recherche a commencé aussitôt qu'il nous a été demandé de formuler un sujet de mémoire de DES et un sujet provisoire de thèse, et s'est poursuivi jusqu'à la rédaction finale de résultat de notre recherche.

- Pré-enquêtes

Ce stade a consisté en des interviews semi-structurées auprès de quelques anciens Mai-Mai intégrés ou démobilisés et certains chefs coutumiers. Les pré-enquêtes se sont déroulées dans certains milieux jugés accessibles ou sécurisés principalement dans la ville de Bukavu, la cité d'Uvira et le Territoire de Kabare. Ces pré-enquêtes nous ont permis de formuler les hypothèses empiriques et d'explorer tant soit peu le terrain de recherche.

- Enquêtes proprement dites

C'est le stade de collecte des données sur le terrain. Pour ce faire, nous nous sommes rendu dans tous les territoires de la province du Sud-Kivu et la ville de Bukavu pour rencontrer des sujets sélectionnés rigoureusement et parfois accidentellement en vue de nous fournir les informations.

Les catégories sociales choisies sont les autorités coutumières, les combattants Mai-mai et ex-combattants Mai-mai, les chefs de groupes armés nationaux, les autorités politico-administratives, les acteurs de la société civile.

Nous avons ainsi observé les phénomènes sous analyse dans leur manifestation (Camp de transit, activités économiques, effets de la guerre, etc.) et recueilli des témoignages et opinions des personnesressources triées dans les catégories sociales ci-haut énumérées. Ces enquêtes se sont déroulées entre Juin 2008 - Juillet 2009.

Nos fiches d'enquêtes, à savoir le protocole d'interview et la grille d'observation fournissent les renseignements suivants :

- Bukavu : presque toute la période d'enquête

- Territoire de Mwenga : Juin 2009

- Territoire de Fizi : Juillet 2009

- Territoire de Shabunda : Août 2009

- Territoire de Kabare : Novembre 2009

- Territoire de Walungu : Novembre 2009

- Territoire de Kalehe : Février 2009

- Territoire d'Uvira : Juin 2009

Le territoire d'Idjwi n'a pas été pris en compte car le phénomène de mouvement de résistance ne s'y était pas manifesté. Nous avons passé en moyenne 4-5 jours par Territoire.

- Analyse des données

Les données récoltées sur le terrain ont été analysées grâce aux méthodes quantitatives et qualitatives. La combinaison de ces deux types de méthodes est liée à la nécessité pour une recherche de rendre compte de la complexité du social qui a des dimensions à la fois quantifiables, qualifiables voire objectivables. Cependant, il faut reconnaître que les méthodes quantitatives telle la méthode statistique n'a servi qu'au traitement des données et peut, à ce titre, être considérée comme une technique car n'ayant pas conduit à des données approfondies d'explication des faits.

La prégnance des méthodes qualitatives est liée à la nature des faits étudiés. Grâce à ce type des moyens nous avons pu construire les variables et leurs indicateurs, les types-idéaux ; déterminer les homologies ; dégager les relations entre les variables ; construire des typologies ; interpréter et expliquer le rapport entre les mouvements de résistance et la culture politique par une analyse interactionniste.

S'agissant de la complémentarité entre les méthodes qualitatives et celles quantitatives, l'on retient de Madeleine Grawitz les propos suivants :

« En fait, la plupart des savants et chercheurs en sciences sociales admettent qu'il n'y a pas une seule technique, un seul moyen utilisable dans toutes les sciences sociales. Ils reconnaissent qu'il n'y a pas oppositions entre qualitatif et quantitatif, mais un continuum allant de la recherche qualitative systématisée jusqu'à des formes plus rigoureuses »(39).

- Redaction

C'est le dernier moment de notre recherche par lequel nous avons rédigé sous le format exigé notre mémoire contenant les résultats de l'investigation scientifique. Le travail présenté est, de ce fait, un moyen de communication rédigé selon les règles d'élaboration d'un travail scientifique rédactionnel.

1.2.3.2. Techniques d'investigation utilisées

La collecte des données en bibliothèque comme sur le terrain a été réalisée par l'usage des outils méthodologiques suivants : la technique documentaire, l'interview semi-directive, le focus group et l'observation directe, la technique d'échantillonnage.

Par la technique documentaire, nous avons d'abord identifié et sélectionné des documents (herméneutique), ensuite procédé à leur lecture systématisée, enfin dégagé des synthèses sur des fiches de lecture (heuristique). Ainsi, nous avons lu un nombre considérable d'ouvrages, d'articles, de dictionnaires spécialisés, de thèses de doctorat, des

39 M. GRAWITZ, Méthodes des Sciences sociales, 11e éd., Paris, Dalloz, 2001, pp.374-375.

mémoires de D.E.S. et de licence, de T.F.C. sans oublier différent sites Internet grâce au moteur de recherche Google ( www.google.com).

Les interviews semi-directives ont consisté à des échanges verbaux avec les enquêtés dans des conditions requises moyennant leur accord préalable. Un protocole d'enquête contenant des questions généralement ouvertes nous a permis d'obtenir des informations nécessaires. Pendant le processus d'entretien, l'accent a été mis sur les données qualitatives. Chaque interview durait en moyenne de 60 ou 70 minutes par enquêté. Dans les territoires d'Uvira, Shabunda, Mwenga et Fizi, nous étions accompagnés par des interprètes pour faciliter la communication.

Dans le même ordre d'idées, nous avons organisé cinq focus group pour obtenir certaines informations et vérifier d'autres déjà recueillies. Ci-dessous, le tableau de focus group.

Tableau n°2 : Le focus group par entité et catégorie

Entité

Catégorie

Période

Fizi

- Chefs coutumiers - Ex-combattants

Juillet 2009

Mwenga

Ex-combattants démobilisés

Juin 2008

Shabunda

Ex-combattants démobilisés

Août 2009

Uvira

Ex-combattants en processus de démobilisation

Juin 2009

Bukavu

Goupe mixte : ex-combattants démobilisés et intégrés

Février

2009

L'observation a été menée sur base d'une grille d'observation. Les faits suivants ont été soumis à une observation systématique : les centres de transit, le niveau de vie, le milieu de vie, les activités économiques, les structures, les conséquences matérielles des guerres, etc.

L'univers d'enquête étant vaste, nous avons prélevé un échantillon par l'échantillonnage à choix raisonné. Un total de 124 sujets ont été soumis à l'interview dont 27 autorités coutumières et 7 notables. En plus, nous avons eu des entretiens avec 14 personnes ressources de certains mouvements de résistance dits « groupes armés » dont 11 retenus par le Programme Amani, 2 anciens groupes armés intégrés dans les Forces Armées de la République Démocratique du Congo et 1 groupe armé opérationnel dans les hauts plateaux de Minembwe (FRF). Enfin, nous avons échangé soit individuellement soit en groupe avec 76 ex-éléments des mouvements de résistance dont 36 étaient effectivement démobilisés, 24 en processus de démobilisation et 16 intégrés dans l'armée régulière. Pour la catégorie des ex-combattants Mai Mai, nous avons utilisé l'échantillonnage en boule de neige.

La distribution par sexe est extrêmement faible. En effet, 11 femmes ex-combattantes seulement ont été interrogées sur un échantillon de 124 individus (soit 8,8%) répartis comme suit :

Tableau n°3 : Répartition des enquêtés par catégories

Catégorie

Effectifs

Pourcentage

Autorités coutumières, politiques et

acteurs de la société civile

34

27,41

Mouvements de résistance

14

11,29

Ex-combattants

76

61,29

Total

124

100

Il ressort de ce tableau que le nombre des excombattants est élevé (59,4%) alors que celui des autorités coutumières et assimilés (chefs coutumiers, chefs de groupements, notables) et de mouvements de résistance sont inférieurs avec respectivement 27,9% et 12,6%. Une telle répartition se justifie par un nombre élevé des excombattants, la prise en compte des personnes-ressources dans les enquêtes pour les 2 dernières catégories.

Tableau n° 4: Distribution fréquentielle des enquêtes par
territoire, catégorie et sexe

Territoire

Catégorie

Sexe

Chef coutumie r

Chef de

groupemen t

Notable /

société civile

Che f

Gpe

Ex- combattant s

M

F

FIZI

7

-

-

3

8

15

3

MWENGA

1

-

-

1

6

7

1

SHABUNDA

1

-

-

2

10

12

1

UVIRA

1

4

1

2

8

16

-

KABARE

2

4

-

1

17

20

4

KALEHE

1

-

4

3

10

18

 

WALUNGU

1

5

-

2

6

14

-

BUKAVU

-

-

2

-

11

11

2

TOTAL

14

13

7

14

76

11

3

1
1

Ce tableau indique que la population d'enquête est formée par un nombre considérable des ex-combattants mai-mai( 61,2%) suivi successivement des chefs de mouvements de résistance ( 11,2%), des autorités coutumières ( 11,2% et 10,4%), des notables et acteurs de la société civile ( 5,6%). La répartition par sexe est trop faible, 8,8% de femmes contre 92,2% d'hommes. En fait la présence des femmes dans les mouvements de résistance est insuffisante.

Quant au traitement des données, il a été facilité par l'analyse du contenu qualitatif et l'analyse statistique. Ainsi, non seulement nous avons cherché à comprendre les significations des déclarations de nos enquêtés, mais aussi nous avons prélevé des fréquences, pourcentages pour des variables quantifiables.

1.2.3.3. La méthode d'analyse

Pour analyser les données recueillies, nous avons fait recours à la méthode de l'histoire immédiate représentée par Benoît Verhaegen. Le choix de cette méthode a été dicté par la nature de l'objet d'étude dans le but de dégager les contradictions dont recèlent les idéologies et actions protestataires des mouvements de résistance. Ainsi, nous avons analysé aux fins interprétatives et explicatives les informations fournies par les témoins privilégiés ou sujets historiques (personnes ressources sélectionnées) dans une approche à la fois diachronique et synchronique. Comme cela se dégage, des techniques choisies sont intégrées dans l'application de la méthode de l'histoire immédiate. Benoît Verhaegen note ce qui suit à propos de la méthode :

« La méthode (au singulier) est l'ensemble des règles et des principes qu'organisent le mouvement d'ensemble de la connaissance, c'est-à-dire les relations entre l'objet de recherche et le chercheur, entre les informations concrètes rassemblées à l'aide des

techniques et le niveau de la théorie et des concepts »(40).

Le contexte de crise a été certainement caractérisé par des contradictions qu'il importe de mettre à jour. Les sujets historiques qui y participent sont porteurs des projets que leurs témoignages peuvent révéler à un procès de connaissance. Leurs pensées et pratiques sont une participation aux enjeux sociopolitiques. Ce mode de raisonnement suggéré par la méthode d'histoire immédiate a guidé nos opérations intellectuelles dans le but d'apporter une explication systématique et intelligible au phénomène analysé. M. Nday Wa Mande souligne ce qui suit à propos des conditions pour appliquer la méthode d'histoire immédiate :

- une situation de crise : c'est le moment où les contradictions d'une société deviennent virulentes, intolérables, et où les luttes politiques commencent à prendre les pas sur les autres formes de changements sociaux ;

- il faut que les acteurs sociaux concernés par ces contradictions prennent conscience de leurs conditions, des enjeux politiques et s'engagent dans ses pratiques transformatrices révolutionnaires ;

- il faut que le chercheur repère les acteurs sociaux, observe leurs pratiques, les écoute et, si possible, instaure un dialogue avec eux41

40 VERHAEGEN, « Méthode et techniques. Pour une approche dialectique de leurs relations » in Analyses Sociales, Vol. I, numéro 2, Mars #177; Avril 1984, pp. 50-51.

41 MASCOTSH NDAY WA MANDA, Memento des méthodes de recherche en sciences sociales et humaines, Likasi, Editions Zoe-créativité, 2006, p.58.

CONCLUSION

A l'instar de toute recherche en sciences sociales, cette étude a été menée dans une société particulière, la Province du Sud-kivu. Sans être isolée du système national, cette province possède des spécificités qui justifient les contradictions dans les pratiques des sujets historiques ou acteurs sociaux. Un cadre théorique et conceptuel soutenu par une méthodologie approprié ont permis de fournir une explication du phénomène étudié.

54
CHAPITRE DEUXIEME :

SOCIOGENESE, PHYSIONOMIE ET DISTRIBUTION
GEOGRAPHIQUE DES MOUVEMENTS DE RESISTANCE AU
SUD-KIVU.

INTRODUCTION

En plus du Sud-Kivu, le phénomène de mouvement de résistance est vécu dans les autres Provinces de la RDC, particulièrement au Nord- Kivu, au Maniema et dans le Katanga. Des études « approfondies »42à ce sujet ont été menées sur les Provinces du Nord Kivu et du Maniema 43. Mais il est épistémologiquement imprudent de faire fi aux singularités reconnues à chaque système social même lorsque les homologies sont évidentes. C'est pourquoi, sans se défaire du contexte historique global de ces mouvements de résistance, nous voulons mettre en évidence leur spécificité historique justiciable des structures socio- politique et économique ainsi que d'un espace géographique particulier. C'est bien là une perspective géopolitique, historique et écologique se trouvant sur les pas de AMURI dans un exercice scientifique similaire au nôtre. Il affine à ce sujet :

« (....) fort du constat que le phénomène Mai- Mai ne saurait se manifester de la même manière partout ni comporter les même motivation chez le différents acteurs, nous proposons d'examiner les caractéristiques des milices Mai- Mai du Maniema pour en dégager la spécificité et la singularité historique(sic).

Cette perspective géopolitique, voire écologique et
historique, est susceptible d'éclairer l'opinion tant sur
les enjeux de la violence milicienne dans les espèces

42 Cette appréciation relève de nous.

43 Il ya lieu de rappeler ici le mémoire inédit de DES réalisé par F.D. AMURI MISAKO ayant pour titre Les Milices Mai- Mai au Maniema (Août 1998-fuin 2003) : Un mode d'affirmation politique des masses rurales, FSSPA, UNIKIS, 2008.

étatiques (enclavés) que sur l'impact des idéologies politiques et religieuses qui ont marquée les peuples de cette partie du territoire nationale dans leur évolution »(44).

Ce chapitre va faire un retour historique du phénomène dans le contexte national et de l'ancienne Province du Kivu.

Il analyse également le contexte d'émergence des mouvements de résistance, les motivations et la répartition géographique.

Avant d'entrer dans le vif de cette section, il nous semble nécessaire de faire un profil sociodémographique des mouvements de résistance soumis à l'observation systématique. Ainsi, nous invoquerons les aspects liés à l'âge, au niveau d'instruction, à la vie matrimoniale et au sexe. En effet la moyenne d'âge est de 35 ans chez les chefs de groupes et 22 ans chez les hommes de troupe. Le niveau d'instruction est du cycle d'orientation tandis que 95% sont mariés. 11 femmes ont été contactées contre 113 hommes.

2.1 Héritage historique

Les mouvements de résistance voire la militarisation n'est pas un

phénomène récent en RD Congo. Le mouvement messianique en a été

l'une de formes avant l'indépendance. Il s'agit principalement de Simon

Kimbangu et Kitawala. A ce sujet, Isidore Ndaywel et Nziem précise : « Lorsqu'on note les premières indices des
désobéissance civile, le pouvoir colonial est un prétexte pour lancer contre Kimbangu le mandant d'arrêt que les Pères Rédemptoristes réclament depuis longtemps. Réfugié dans la clandestinité, il demeura pendent trois mois, au nez et à la barbe de l'administration, à un endroit certainement connu par

ses milliers de fidèles. C'est au cours de cet épisode que le mouvement se teinte de xénophobie et d'hostilité à la colonisation. Le prophète annonça la venue imminente du Christ qui renverserait le pouvoir des Blancs. En attendant, il

fallait refuser de payer l'impôt et de se soumettre aux cultures obligatoires. »45

Plus tard, il souligne ce qui suit à propos de Kitawala :

« Le Kitawala connut un cheminement semblable. C'est à l'autre extrémité du pays, au Katanga qu'il amorça son action politico-religieuse (...) le Kitawala fut compris non seulement comme une instance d'éveil (des Noirs) mais aussi comme synonyme de « règne », « avènement » (sous-entendu « de Dieu) ».46

Ces mouvements messianiques ont des influences notables dans le vécu des peuples d'autres provinces notamment en alimentant les conflits. Au lendemain de l'indépendance (1960), les sécessions Katangaise et du Sud-Kasai furent aussi l'expression d'une protestation contre l'ordre politique existant quoique fondées sur des motivations essentiellement politiques.

Le germe de la nature actuelle des mouvements de résistance se

trouve dans la conquête révolutionnaire connue sous l'appelation des

rebellions. Nous retenons toujours de Ndaywel le récit suivant appuyé par

les recherches de Bengila, Bénoit verhaegen,Monguya Mbenge et d'autres. « (.......) la révolution lacée connut deux
mouvements : l'un à l'ouest et l'autre à l'est. Le

premier fut lancé et dirigé par P. Mulele dans le Kwilu à partir du mois d'ao~t 1963. Après ce premier succès, les amis de Mulele à Brazzaville s'efforcèrent de créer une voie d'accès par la quelle ce maquis pourrait être ravitaillé de l'extérieur. C'est ainsi que fut ouvert un second front dans la région de Bolobo-Mushie (juillet 1964). Cette région, baignée par le fleuve, permettait

45 I.NDAYWEL et NZIEM, Histoire générale du Congo. De l'héritage ancien à la République Démocratique,

Paris et Bruxelles, De Boeck et Larcier, 1998, pp. 416-417.

46 Ibide11, p.421.

un contact avec le Congo- Brazzaville en même temps qu'elle autorisait une fonction avec le maquis du Kwilu, pour navigation sur le Kasai, entre Mushie et Mangai. Le second mouvement, plus important par son ampleur, partait de la région Uvira-Fizi qui fut conquise en avril 1964 ; de là, il gagne le Nord- Katanga par la conquête d'Albertville (19 juin 1964), puis le Maniema dont la capitale fut occupée par après (24 juillet) et en fin le Haut -Congo où stanleyville conquise (5ao~t) devint la capitale d'une « République Populaire du Congo ».

(....) dans la région de l'est, les combattants proclamaient volontiers leur invulnérabilité au cri de << Mai- Mulele »

(...) A l'ouest comme à l'est, on entendait combattre les << néo-colonialistes », les << valets de l'impérialiste », << ceux- là qui ont rendu le Congo aux américains » et qu'on appelait les PNP (traduit par << penepene » na mundele). Ce n'étaient plus les Belges et les Américains qui étaient visés, mais plutôt les nationaux à leur solde. On luttait pour instaurer la << révolution » qui était la << deuxième indépendance », le règne de la << prospérité économique », du << partage égal », << de la paix, » << de la liberté totale, de la démocratie ».

En effet, en deux ans s'était instauré un véritable dualisme entre deux univers sociaux : d'un côté, la classe politique née de la décolonisation, qui détenait le monopole de la puissance bureaucratique et qui partageait avec les Blancs le pouvoir économique et social ; d'autre part, il y avait la masse, emportée plus gravement qu'auparavant aux problèmes du chômage, de la misère sociale et de la faim. On réclamait ainsi une plus grande justice politique et dans le même temps, la libération de Gizenga (surtout au Kwilu), le

jugement des assassins de Lumumba (surtout à l'est) et la défense de l'unité du pays (retour à six provinces au lieu de 21), Vendue (disséquée) par le « gouvernement fantoche » d'Adoula la conquête révolutionnaire précédait de la même manière à quelques nuance près l'exploitation des conflits locaux (entre tribus et entre parties locaux), l'utilisation des armes traditionnelles et des recettes ferrières locales (immunisation contre les balles ennemies, technique pour rendre invincible et donc invisible aux yeux de l'ennemie. >>(47).

Une autre variante influente historique, c'est la formation des groupes guerriers tribaux qui prirent un essor considérable dans la province du Nord - Kivu autour des années 1993. Les populations rurales, principalement dans les zones de Masisi et de Rutchuru ont construit des idéologies de xénophobie les unes contre les autres. Ce qui a conduit à la formation des milices populaires utilisant les méthodes superstitieuses de protection, des armes blanches et à feu pour s'anéantir. Ce sont des groupes armés à tendance ethnique dénommés : Katuku à Walikale, Ngilima à Masisi ; Batiri à Rutshuru, Lubero et Beni .

En 1993, des conflit fonciers ont opposé les populations autochtones (Hunde, Nyanga) à celles d'origine Rwandaise (Hutu, Tutsi). Ces derniers étaient organisés en une association dénommée Mutuelle des agriculteurs de Virunga MAGRIVI en sigle. Les Hunde et Nyanga s'étaient organisés aussi en mouvement « Katuku >>. Des combats violents allant aux tueries, déplacements des populations, destruction de l'économie avaient caractérisé ce conflit.

Un effet de contagion sur les nouveaux mouvements de résistance naissant qui exprimaient au paravent de besoin de protection locale avant de nourrir des ambitions à portée régionale voire nationale. D'autres, à

l'issue des divisions internes vont profiter d'un contexte politique de recherche effrénée de la paix après les élections de 2006.

En conséquence, une occupation spatiale de ces mouvements s'est manifestée sur toute la Province du Sud-Kivu à l'exception du Territoire d'Idjwi. Certains ont assuré une domination politique et militaire et d'autres se sont occupés essentiellement de la dimension militariste. C'est pourquoi, nous voulons comprendre séparément la genèse de ces mouvements de résistance, leur physiologie sociale et leur occupation géopolitique de l'espace.

2.2.1. Sociogénèse, physionomie et Leadership des mouvements de résistance.

Les informations recueillies permettent une classification de mouvements de résistance du point de vue de leur genèse.

Il s'agit de types suivants :

- les mouvements de résistance à tendance nationaliste

- les mouvements de résistance nés du contexte de guerre.

- les mouvements de résistance nés de l'opportunisme politique - les mouvements de résistance de défense locale

- les mouvements de résistance à tendance ethniciste.

2.2.1.1. Les mouvements de résidence à tendance nationaliste

hérités des rebellions.

Dans cette catégorie, nous avons retenu 2 mouvements de résidence à savoir : Mai- Mai de Fizi et Mai-Mai yakutumba situés en Territoire de Fizi.

Qu'est -ce qui justifierait leur tendance nationaliste ? En effet, l'histoire renseigne que les Babembe ont toujours mordu à la résistance militaire. A travers l'épopée « Mbavu dogo Michel » il est fait mention de la vaillance de certain fils bembe à la première guerre mondiale. L'élan nationaliste

s'est affirmé par le soutien accordé à Mulele dans la défendre des

« valeurs nationalistes ».

- Mai-Mai de Fizi

Laurent Désiré Kabila et Soumialot trouvèrent refuge dans le Fizi, et y organisèrent des milices contre le régime de Mobutu. Au début de la guerre menée par l'A.F.D.L., en 1996, L.D Kabila a bénéficié d'un appui de certains anciens combattants dont le feu général Lwetcha , le général Sikatenda, le colonel Lokole, etc. Les mouvements de résistance Mai-Mai Yakutumba et Mai-Mai Zabuloni sont dans ce prolongement dit

« nationaliste »48

- Mai- Mai Zabuloni

Zabuloni est le nom du chef de ce mouvement de résistance. Il a oeuvré au sein des milices Mai-Mai structurées par Dunia Mwenelwata pour appuyer le gouvernement de L.D. Kabila contre les forces du Rassemblement Congolais pour la Dénomination qui venait d'occuper une partie de l'est du pays en 1998.

Dans ce contexte, ce mouvement jouit d'une adhésion sociale massive surtout qu'il fallait aussi protéger les Babembe contre l'envahissement du peuple voisin Banyamulenge considéré comme des

« immigrés rwandais ».

- Mai- Mai Yakutumba

Ce mouvement est né en 2006 dans le territoire de Fizi. Deux facteurs sont à la base de sa création : les frustrations de certains miliciens mai-mai intégrés dans l'Armée régulière et les démobilisés d'une part ainsi que la persistance de conflit ethnique et foncier entre les Banyamulenge et les Babembe, d'autre part.

48 &eRP oVRQeRquMIIRSDRlRRIuj RP ouOeP eQVs Rde RribsisVaQce RP ais RejSriP e Rleur RVeQdaQce Rd'oriTiQe.

Son Chef militaire, Yakutumba dit « général » a bénéficié d'un appui de la communauté bembe, surtout dans le rassemblement des combattants de l'ancien groupe mai-mai de Fizi qui, pour les mêmes raisons n'ont pas participé au processus de désarmement, démobilisation et réinsertion mené par la Commission Nationale de Désarmement et Réinsertion (CONADER).

En général, ce groupe a connu une stabilité de son leadership. Il a résisté, jusqu'il y a peu, à toutes les initiatives de paix entreprise par le Gouvernement congolais.

2.2.1.2. Mouvements de résistance nés du contexte de guerre

- Mai-Mai de Bunyakiri

La bataille engagée entre les populations de Rutchuru et Masisi a eu entre autres comme effet, le déplacement des populations.

Pendant ce temps, le mouvement « Katuku » connaissait une expansion vers Nyamaboko ; ufandu (Masisi) et Walowa (Walikale) dans la lutte contre « l'occupation rwandaise » de leurs terres. Une tranche des populations en déplacement (exclusivement Hutu et Nyanga) s'étaient déplacées vers Bunyakiri en véhiculant l'idéologie de lutte contre l'occupation des espaces par les rwandais »49 en plein expansion. Ils ont ainsi convaincu les Batembo à s'organiser militairement pour faire face à l'ennemi commun. L'entreprise fut ainsi réalisée surtout que certains Batembo combattaient dans les rangs de Katuku. C'est le cas de Damiano,Mussambo, Mukoko, Padiri et les autres.

A partir de 1996, ce groupe a pris corps comme mouvement de résistance pour s'opposer à l'occupation rwandaise entretenue par l'AFDL.

49 Il s'agit ici des populations congolaises d'expression rwandaise qualifiées de rwandais par d'autres groupes ethniques

L'avènement de RCD va marquer un tournent décisif dans l'évolution de ce mouvement car il va devenir un véritable allié du Gouvernement de Kinshasa avant son intégration totale dans l'armée régulière à l'issue l'Accord global et inclusif de 2001.

Un ancien administrateur de Mai- Mai Bunyakiri déclare ce qui suit :

« Notre évolution a connu 3 étapes. Dans le 1er temps, il y avait des exactions des Hutu contre les autochtones.

Les jeunes s'étaient organisés par les contrer avec le mouvement Katuku venu du Nord- Kivu en guerre contre les Hutu et TUTSI (MAGRIVI) les premiers jeunes mobilisés prétendaient agir pour le compte du chef Moroba (on parlait de Katuku Ka Muroba). Dans le 2ère temps, les Hutu sont arrivés pourchassés par les Tutsi. Les jeunes ont solidarisé avec les nouveaux venus hutu en échange des fusils et munitions. L'attaque a été dirigée vers les tutsi devenus l'ennemi commun.

C'est ainsi qu'ils ont changé le nom : au lieu de Katuku on a parlée de combattants mai-mai. Le 3e temps c'est l'entrée de l'AFDL, le mouvement a pris l'appellation Forces Armées de Libération (FAL) puis Forces armées de Libération de Bantous ( FALBA). Après avoir été formé au mouvement Katuku et chez les mai-mai Kasidiens, Padiri Bulenda est venu formalisé les Mai-Mai de Bunyakiri devenus une force militaire contre l'AFDL, le RCD »50.

La genèse de ce mouvement est marquée par des influences, des contagions d'idéologie et de pratique, et surtout du contexte historique. La rencontre avec le mouvement Katuku et les guerres de l'AFDL et du RCD

50 Récit obtenu d'un administrateur au sein du Mouvement mai-mai de Bunyakiri en date du 15/04/2009 à Bukavu.

ont favorisé la création et l'émergence du mouvement de résistance Mai-Mai Bunyakiri.

Le Leadership du mai-mai Bunyakiri était, au début essentiellement militaire. Les activités liées aux combats étaient primordiales : entraînements, rituels mystiques, combats, etc. Plus tard, il a été mis sur pied une administration pour s'occuper des affaires politiques et judiciaires au sein du mouvement. Toutefois, le leadership dominant état militaire, et incarné par Padiri Bulenda.

- Simba Mai-Mai

Ce mouvement de résistance se réclame les mêmes origines que le Mai-Mai Bunyakiri. Il s'agit d'un cas type de dégénérescence recomposition après les tensions internes.

Il est important de souligner qu'après la réunification, le mouvement de résistance Mai- Mai Bunyakiri s'est inscrit dans le processus, et a opté pour la transformation politique. Nombreux leaders militaires ont obtenu des grades supérieurs dans l'armée après le brassage, et certains leaders civils ont accédé aux postes politiques. A titre illustratif, nous pouvons citer Mr. Padiri Bulenda devenu Général de brigade, Anselne Enerunga nommé Ministre de l'environnement.

Les insatisfactions et frustration issues de la récompense inégalement répartie et précédée par des divergences internes vont motiver quelques éléments de troupes et leaders politiques à retourner dans les zones de combat (maquis). A ce propos, nous pouvons retenir les déclarations de deux commandants rencontrés à Miti en Territoire de Kabare.

« Nous étions tous avec Padiri. Mais, il y avait déjà des
conflits entre les gens, notamment les Barongeronge
et les Batembo. Le Général Padiri n'a favorisé que ses

frères pour obtenir des grades supérieurs et des postes politiques. Malgré le sacrifice consenti, nous comme d'autres, véritables combattants, avons été lésés.

Nous sommes rentrées dans la forêt car il était caché beaucoup d'armes et de munitions »51

La mutinerie du colonel Mutebusi et sa dissidence avec le Général Laurent Nkunda va de nouveau alimenter le prétexte d'une réorganisation militaire avec pour but de chasser l'ennemie commun, le tutsi qui de reprendre les armes pour l'occupation du Congo.

Le chef militaire de ce mouvement précise ceci :

« Nous avons commencé longtemps avec le Général Padiri mais après la réunification, nos rivaux du RCD ont changé de vareuse dans le CNDP. En 2007, ils ont tenté de conquérir Goma. La même année nous avons décidé de créer simba Mai-Mai pour sauvegarder les intérêts du pays ».52

Le leadership de ce mouvement est caractérisé par une instabilité permanente mais aussi une juxtaposition de deux branches dirigeantes : une direction militaire et une direction civile. Ayant pris naissance à Bunyakiri, les originaires de cette contrée se réclament chef du mouvement pendant que, leurs voisin Bashi (chefferie de Ninja ; Groupement de Kalonge, Miti, etc.) ont pris le devant.

En plus, la direction civile, dont la plupart des cadres résident à Bukavu, ne jouit pas d'une influence notable sur la branche armée devenue bicéphale. Ces divergences ont conduit à l'indentification desdits leaders civils qui vivaient dans la clandestinité, et surtout leur arrestation : un prêtre de la Paroisse de Chimpunda du nom de Roger

51 Propos recuilli dans un entretien avec deux chefs des troupes de Simba Mai- mai à Bunyakiri (Territoire de Kalehe) le 06 février 2009.

52 Témoignage recueilli auprès du chef militaire de Simba Mai-Mai lors de son séjour à Bukavu en date du 8 mars 2009.

Masirika et l'ancien Bourgoumestre de la commune de Bagira, Mr Basirwa furent mis aux arrêts. Le leader militaire reconnu de ce mouvement se nomme Monsieur Bitu dit Général.

- Mai -Mai Kirikicho

La génère de ce mouvement se situe dans le même contexte que ceux de Bunyakiri et Simba Mai -Mai. Monsieur Kirikicho, le chef militaire de ce mouvement était commandant dans les rangs de Mai- Mai Bunyakiri. Après la réunification du pays, il a été intégré dans l'armée régulière, les F.A.R.D.C., et affecté au Nord- Kivu. Mécontent de son grade et surtout son lieu d'affectation car il avait souhaité rester au Sud -Kivu, il s'est décidé de regagner certaines éléments de ses troupes restées à Bunyakiri pour défendre les populations contre les exactions des FARDC. Il installe ainsi ses troupes à Ufamando, Ziralo et Bunyakiri. Son mouvement a eu une influence considérable au Nord- Kivu, précisément à Walowalwanda (walikale) et à Massisi (ufamando) où ses troupes ont fait faces aux FARDC et aux éléments du CNDP de Laurent Nkunda. Le mouvement se réclame une certaine vaillance à cause de son extension sur les Provinces du Nord et du Sud Kivu, d'une part, et de la paternité d'un mouvement réputé du Nord-Kivu, à savoir Mai -Mai Kifuafua. Ce dernier opérait au Sud-Kivu ( Kabare et Kalehe) jusqu'en 2009.

Ayant pour base Bunyakiri, ce mouvement Mai- Mai a connu un leadership stable à cause du charisme de son chef militaire, Mr Kirikicha. A l'instar d'autre, il n'avait pas une organisation politique avant la conférence de Goma.. La branche politique créée après la conférence de Goma n'a pas réussi jusqu'ici à intégrer la structure générale du mouvement ni à l'influencer.

- PARECO/SUD-KIVU ( Patriotes Résistants du Congo)

Ce mouvement est également une émanation des dissidences et mécontentements du sein du foyer Mai -Mai de Bunyakiri, et surtout du souci de créer un regroupement de tous les groupes mai-mai pour faire face au CNDP de Laurent Nkunda. Ses origines remontent vers les années 2007. Sa particularité est d'avoir crée un mouvement politico-militaire en s'inspirant des expériences de l'A.F.D.L.R. et du R.C.D. et dans le même contexte le CNDP. Ce mouvement de résistance a opéré au Sud-Kivu ( en Territoire de Kalehe surtout) et au Nord-Kivu. Il a bénéficié du soutient du Gouvernement de Kinshasa. L'objectif était de constituer un rapport de force vis-à-vis du CNDP mais aussi de créer un interlocuteur valable en cas de négociation qui associerait les mouvements politico-militaires. Cependant, l'activité politique a été quasiment absente, car, outre la défense des espaces occupés dans la chefferie de Kalehe, ce mouvement a été en guerre contre les F.D.L.R. et autres mai-mai qui avaient refusé d'entrer dans la coalition.

Le PARECO n'a pas connu la destabilisation de son leadership incarné par Mr Rutabura Sala piele. La branche politique a été effective à la Conférence de Goma.

- Mai -Mai Shikito(53)

Ce mouvement est né en 1998 après l'occupation politique du Sud-Kivu par les forces du R.C.D. Ses origines remonteraient à la fois du contagion à l'élan nationaliste contre « l'envahisseur tutsi » camouflé par le R.C.D. et la défense des populations contre les exactions menées sur elles par les autres mouvements de résistance (Mai-Mai) et les F.D.L.R. Nous retenons des propos du chef militaire de ce mouvement ce qui suit :

53 Shikito (mot lega) signifie en swahili « shina ya kitongo ». kitongo est une rivière qui prend sa source vers Kitumbo dans le Territoire de Mwenga. Shikito serait le lieu de provenance du chef militaire mais aussi le VyP EROKIEllaDEqDESIRtègI.

« Quand on a connu les agressions étrangères, on s'est retrouvé maltraité. Les « frères »54 des autres groupes armés et les Hutus des F.D.L.R. nous prenaient pour la cible. Les sages ont été fâchés par ces injustices, raison pour laquelle ils réunirent les jeunes pour créer une force locale. Les faits déplorés sont notamment les viols, les pillages des bétails, le déplacement des habitants, l'interdiction d'accès aux carrés miniers.

En 2003, on s'est rallié à d'autres mouvements pour le brassage. On été marginalisé dans l'octroi des grades et autres avantages. On s'était désolidarisé pour retourner dans la forêt et lutter aux côtés de nos populations »(55).

L'unicité de la direction a été un facteur favorable à la stabilité du leadership. Les aspects politiques n'ont pas été pris en compte jusque peu avant la conférence de Goma.

- Mai- Mai Kapopo

Ce mouvement de résistance déclare des origines proches dans la continuité des idéologies mulelistes à cause des accointances entre son chef militaire et le foyer de résistance de Fizi. En réalité, il est né du conte de guerre dans un processus ambivalent de contagion- dissidence - recomposition.

L'initiative de créer ce mouvement Mai-Mai commence pendant le règne politique du RCD à l'Est du territoire national. Elle résulte des frustrations et mésententes dans l'ancien mouvement Mai Mai de Fizi évoluant à Fizi et du prétexte de l'occupation étrangère des terres du Kivu par les forces étrangères.

54 Le mot « frère » exprime tout simplement les compatriotes engagés dans les autres mouvements mai-mai.

55 Entretien avec le chef militaire de Mai-Mai Shikito dit Général Richard MUKUMANYA en date du 7 avril 2009 à Bukavu.

Outre le fait que ce mouvement s'est occupé essentiellement de l'action militariste, il a traversé de moments de turbulences dans sa de direction. Des dissidences régulières auraient été enregistrées. La composante politique a vu le jour au lendemain de la conférence de Goma à l'Instar d'autres mouvements ci -haut décrits.

- Mai -Mai Ny'ikiriba

Né dans la plaine de la Ruzizi, spécialement sur les hauts et moyens plateaux d'Uvira, ce mouvement se situe dans le prolongement des anciens groupes armés. Il a une connotation tribalo- ethnique car le but principal était de protéger le terroir. Il s'agit ici de la continuité de l'idéologie de méfiance entre les Bafulero et les Banyamulenge. Ainsi, ce mouvement de résistance s'est créé à la suite d'une « menace » persistante entre ces deux peuples voisins ; les Banyamulenge étant accusés de tuer les populations Fuliro et Uvira à cause de leur positionnement favorable au sein du R.C.D.

Il sied de souligner que l'ancien chef militaire de cette contrée, Monsieur Nakabaka a été intégré dans l'armée régulière avec le grade de colonel. Il en est de même pour d'autres originaires du Territoire d'Uvira comme Monsieur Nakiriba. Bénéficiant du soutien communautaire, Monsieur Nakiriba chef militaire de ce mouvement va, au lendemain des l'Accord de Sun City et le processus de brassage, reprendre les armes au motif de protéger les siens contre les tutsi et bouter dehors les « envahisseurs rwandais ».

Le Mai- Mai ny'ikiriba a connu un leadership stable et efficace à la suite de son intégration dans les communautés villageoises qu'il prétendait défendre. Cependant, ses relations avec les F.N.L.56 a, par moment, effrité ses assises communautaires. Une branche politique sans

56 FNL ( Forces Nationales de Libération du Burundi) est un mouvement rebelle de la République voisine du Burundi qui a mené une lutte armée contre les institutions politiques au Burundi avant comme après les élections pluralistes. Elles ont longtemps commis des atrocités contre les populations civiles dans la pleine de la RUZIZI.

influence remarquable a été créée pour représenter le mouvement à la Conférence de Goma.

- Mudundo 40

C'est aussi l'un des mouvements qui est né pendant la rébellion du R.C.D. Son chef militaire, Monsieur Odilo Kurhengamuzimu a été influencé par les Mai- Mai Bunyakiri où il aurait servi comme militaire. La forme localiste ou ethno-tribale que prenaient les autres groupes Mai- Mai faussé à créer une résistance pour la tribu shi dont il est issu. Il aurait ainsi bénéficié du soutien total de sa communauté en hommes de troupes, munitions et armes et soutien logistique et financier. Un ancien Mai- Ma, actuellement Lieutenant colonel des FARDC a déclaré avoir été le 1er à créer une branche armée à walungu le 15/8/1998 après la prise de Bukavu par les forces du R.C.D. Il soutient aussi que c'est en 1999 que Monsieur Odilo a débuté son mouvement à walungu, bénéficiant du soutien de sa communauté.(57).

Le mouvement, Mudundu 40 a été soumis au processus de brassage en 2002. L'insatisfaction récoltée par son chef militaire l'a poussé à quitter l'armée régulière où il avait le grade de colonel. Il s'est ainsi résolu de retourner dans le maquis pour reprendre la résistance armée contre le Gouvernement.

Les conflits internes au sein de ce mouvement n'ont pas facilité l'efficacité du leadership. Le chef militaire a été accusé d'alliance avec le RCD, acte considéré abonnable dans un contexte de résistance populaire contre les forces étrangères. C'est ce qui a entraîné des dissensions voire le désengagement des combattants. La branche politique clandestinement opérante dans les milieux religieux, politiques et de la société civile s'est disloquée suite aux abus du chef militaire. La réorganisation proprement

57 Entretien avec un colonel de la 10e RM, ancien Mai-mai non originaire du Sud-Kivu et ex-rebelle contre le régime de Mobutu au Congo-Brazaville.

dite s'est faite à la veille de la conférence de Goma motivée par le souci de positionnement politique.

2.2.1.3 Mouvements de résistance nés de l'opportunisme politique.

A la veille de la Conférence de Goma, plusieurs mouvements de résistance ont vu le jour justifiant une organisation et des actions militaires en tant que groupes armés. Bien entendu, outre les avantages financiers qu'offraient ces assises pour la paix aux Nord- Kivu et Sud- Kivu, les enjeux politiques étaient de taille : reconnaissance officielle, nomination aux grades élevés dans l'armée nationale, nomination aux fonctions ministérielles, ou dans le portefeuille, l'administration territoriale, etc.

L'on retient dans cette catégorie les mouvements de résidence suivants : Mai -mai Mahoro, Mai -mai Shabunda. Tous les mouvements cités plus haut s'accusent mutuellement d'opportunisme. Il est vrai aussi que, certaines troupes éparpillées ici et là sous forme de bandes incontrôlées s'étaient réorganisées sous l'identité groupes armés afin de participer aux réunions organisées à Goma. Cette entreprise avait été cautionnée par certains politiques dans le but de faire nommer les originaires de leurs villages aux postes élevés dans l'armée particulièrement selon sept chefs de groupes armés.

Partant des témoignages concordants, nous avons retenu les mouvements de résistance suivants :

- Mai -Mai Shabunda dirigé par Pamphile Shegi

- Mai -Mai Mahoro dirigé par Mahoro Ngobarufu.

2.2.1.4. Mouvement de résistance de défense locale.

Dans cette catégorie, on peut ranger un seul mouvement de résistance appelé « Raiya mutomboki >>58

En effet, « Raiya Mutomboki » n'est pas une structure milicienne Mai -Mai comme les autres. Il est une initiative communautaire d'autodéfense populaire pour la protection de la société contre les abus perpétrés par les F.D.L.R. et les groupes armés nationaux. Tous les membres de la communauté sont impliqués dans cette initiative. Cette dernière résulte d'une prise de conscience de la nécessité d'une autoprotection contre les ennemis de la paix sociale (Iterahamwe, F.D.L.R., Groupes armés) à Shabunda59. Selon Monsieur DEVO'S, représentant de Raiya Mutomboki dans le programme Amani, c'est en 2004 que ce mouvement a commencé. Il résume en ces termes l'origine de ce mouvement de résistance :

« Nous n'avons pas existé pendant toutes les rebellions. C'est en 2004 que nous avons pris la décision de nous prendre en charge face aux tueries, viols, pillages commis par les Interahamwe, F.D.L.R., Mai- Mai sur nos populations. Nous assurons seuls l'administration et la sécurité de notre milieu. Dans ce programme Amani, nous n'avons besoins ni des grades ni des postes. Nous ne sommes pas un groupe armé mais une population fâchée qui a besoin de la sécurité >>60.

Ce type de mouvement de résistance semble particulier sinon atypique car il lie son existence à un besoin social immédiat, la paix sans ambition politique ou militaire, et sans structure de commandement.

58 Cette appellation swahili se traduit par « peuple fâché » ou « citoyens fâchés »

59 C'est le plus vaste Territoire de la Province du Sud-Kivu avec une superficie de 25.216Km2Km2. Cette superficie avoisine celle de la République de Rwanda. Cette entité regorge beaucoup de minerais. Il est le bastion de plusieurs groupes armés.

60 Entretien avec DEVO'S, représentant de Mai -Mai Raia Mutomboki au Programme Amani en date du 11/4/2009 à BUKAVU.

Dans ce cas, l'on est emmené à parler mieux d'une mobilisation populaire plutôt que d'un mouvement de résistance.

Le leadership se confond aux structures sociopolitiques traditionnelles du milieu. La stratégie, les moyens comme le plan des combats sont arrêtés par les instances décisionnelles. Les grands féticheurs dits « Docteurs » et autres personnes respectables sont associés à la prise de toute décision. D'où, la stabilité et l'efficacité du leadership. Selon Monsieur Devo's, tous les autochtones, hommes et femmes) sont impliqués dans les activités de combat. Les femmes sont exclues en période de menstruation

2.2.1.5. Mouvements de résistance à tendance ethniciste

Un seul groupe a été retenu dans ce type de mouvement de résistance : le FRF. Dirigé par BISOGO, se mouvement serait une dissidence du groupe armé du Général MASUZU qui a rejoint l'armé régulière. Ce mouvement reprocherait le Général MASUNZU de trahison par le fait de laisser les Banyamulenge sans protection locale face aux menaces persistantes des groupes ethniques babambe, bafuliro et bavira. Les données sur ce mouvement de résistance ne sont pas fouillées car pendant les enquêtes, il était toujours en activité militaire intense. Nous avons pu interroger un seul sujet qui appartenait jadis au groupe armé FRF.

2.2.2. Structuration et occupation géopolitique des mouvements
de résistance au Sud-Kivu.

2.2.2.1 Structuration

Les mouvements de résistance au Sud-Kivu existent sous forme des organisations. Ils ont des objectifs, structures propres, moyens et stratégies d'action.

Objectif

Les opinions exprimées par tous les sujets interrogés convergents vers un objectif principal commun, à savoir « lutter contre l'agression étrangère, « chasser hors du territoire les envahisseurs ». Il a été noté également un objectif secondaire : « protéger la population contre les Interahamwe et les F.D.L.R. ». Toutefois, seul le mouvement de résistance Raiya Mutomboki a comme objectif d'empêcher tout groupe armé (national ou étranger) y compris l'armée régulière d'opérer sur son territoire.

La notion d'étranger ou d'envahisseur est fortement changeante et ambiguë. En effet, le contour sémantique de ces deux termes prend en considération aussi bien les citoyens rwandais que les congolais d'expression rwandaise ainsi qu'une connotation raciale (le nilotique opposé au bantou). La plupart de mouvements de résistance au Sud-Kivu sont nés entre et pendant les rébellions de 1996 menées par L.D. Kabila et celle du R.C.D. Ils ont été idéologiquement alimentés par le contexte de crise socio- politique dans la Région des Grands -Lacs manifesté par la violence, les tueries et massacres, l'ethnocentrisme, les guerres entre Etats. La présence de l'armée rwandaise sur le sol congolais a été considérée par les populations congolaises comme une invasion, une tentative ainsi, l'étranger ou l'envahisseur est le citoyen rwandais se trouvent sur le territoire congolais dans le cadre des opérations militaires.

On peut lire ce contexte dans le texte rédigé par Emmanuel Lubala Mugisho :

« Depuis la première guerre du Kivu en 1996, les population de cette régions avaient suspecté l'engagement des troupes rwandaises, ougandaises et burundaises aux côtés des rebelles Banyamulenge, notamment à cause des déclarations du Président Bizimungu du Rwanda relevant les ambitions territoriales de son pays sur le Kivu (.....).

Ainsi pendant que la presse internationale

s'empressait à faire accréditer la thèse d'une « guerre de libération », les populations du Kivu, autres que les Banyamulenge, avaient la conviction de subir « une guerre d'occupation »

Et les faits ne les ont pas contredits. Car au lendemain de la victoire de l'AFDL, les Banyamulenge et leurs alliés de l'Ouganda, du Rwanda et du Burundi se sont comportés à l'égard de autres communautés ethniques comme des vengeurs envers les vaincus. On a même assisté, dans les premiers mois qui ont suivi la fin de la guerre, à des pratiques de bastonnade, de chicotte, des crachats sur les gens (parfois même dans la bouche) et d'autres, traitements inhumains et humiliants infligés aux membres des ethnies non tutsi. Tout se déroulait comme dans un régime d'occupation étrangère. Malgré les dénégations du Rwanda et de l'ouganda, il semble que l'occupation d'une partie ou de la totalité du territoire congolais, soit l'une des motivations de l'invasion qu'ils ont entreprise »61.

C'est aussi, tout citoyen congolais d'expression rwandaise mais de l'ethnie tutsi (ou nilotique)62. Dans le Sud de la Province particulièrement, cette stigmatisation prend souvent la signification de l'ennemi. Les populations Bembe, Vira et Fuliro qui vivent aux côtés de Banyamulenge, notamment dans les Territoires de Fizi et d'Uvira les perçoivent comme des ennemis à la suite des conflits fonciers. En

61 E. LUBALA MUGISHO, « l'émergence d'un phénomène résistant au sud- kivu (1996- 2000) » in L'Afrique des Grands Lacs. Annuaire 1999-2000, p. 200-2001.

62 Dans son article intitulé « les identités transnationales et la construction de la paix dans les pays multiculturels : le cas de la communauté rwandophone en R.D. Congo » Oswalde Ndeshyo note ceci à propos de la citoyenneté contestée des populations rwandophones du Congo : « A vrai dire, les transplantés sont des Banyarwanda congolais de nationalité. Mais en réalité, c'est plutôt l'amalgame et la confusion.

D'une manière distincte, les Banyarwanda congolais font, toutes catégories confondues, l'objet de rejet, d'exclusion, d'exactions et de massacres par délit de faciès, depuis quatre décennies. Ils constituent une source majeure, récurrente et indéracinable de toutes les guerres civiles congolaises de l'Est jusqu'à la première guerre mondiale africaine en cours. Pour les uns, le Congo est une patrie de Bantous seulement et n'existe pas du tout de Tutsi congolais. Pour d'autres, les Hutus et les Tutsi du Congo sont , sinon tous des étrangers, en tout cas de nationalité congolaise douteuse, malgré toutes les lois successives concordantes relatives à leur nationalité congolaise.(...). ( p.185)

conséquence, cette ambiguïté sémantique conduit à une dérision de l'objectif, et partant au changement de la nature de la résistance qui, dans le fait, devient ethnique et non politique.

Par ailleurs, l'acteur visé étant étranger, il y a naturellement absence d'une revendication adressée à l'Etat Congolais. Les mouvements de résistance au Sud-Kivu ont constitué du point de vue téléologique un soutien à l'Etat Congolais pour protéger l'intégrité territoriale. A cet effet, leur objectif ou du moins leur raison d'existence aurait pu être limité dans le temps.

Mais au contraire, après le retour des soldats rwandais suivi de la réunification du Pays grace à l'Accord global et inclusif de 2001, il a été observé la naissance de plusieurs mouvements de résistance exprimant à la fois des revendications internes (grades militaires, postes politiques ou d'administration du portefeuille) et « la protection » du territoire national.

Structure.

La structure des mouvements de résistance du Sud-Kivu présente deux dimensions : militaire et politique.

La structure militaire empruntée à l'organisation de l'armée a été, pendant longtemps, le type organisationnel des mouvements de résistances. Les termes qui distinguent les différents niveaux hiérarchiques relèvent du jargon militaire. Il s'agit entre des termes suivants : commandement général, brigade, Bataillon, Section, Général, Lieutenat-colonel, Colonel, Major, Capitaine, etc.

Quoiqu'incohérente, la structure mise en place instaurait un système d'organisation déterminant les positions (statuts) des acteurs et leurs rôles au sein du mouvement. Il faut souligner que l'organisation interne n'a pas toujours caractérisé les mouvements de résistance au Sud-

Kivu. Tous les anciens mouvements de résistance se contentaient des structures réduites combinant quelques responsabilités militaires et fétichistes.

La veille des négociations (Sun City ou la Conférence de Goma) est une occasion propice pour mettre en place des structures capables de faciliter le positionnement de certains cadres militaires.

Il en est de même de la dimension politique qui a été prise en compte plus tard à la suite des contingences et dynamiques politiques.

A titre d'exemplatif, ci-dessous les organigrammes de deux mouvements de résistance.

Figure n° 7 : Organigramme de Mouvement de résistance Mai- Mai de Bunyakiri.

COMMANDANT

COMMANDANT SECOND

COMMANDANT EM

EMS

DTR

SRT.GEN

T1

DSS

T2

QG

DOCTEURS

AUDI MIC

T3

T4

T5

6e

BG

 
 
 
 

1ère

2e

3e

4e

5e

BG

 

BG

BG

BG

BG

 
 
 
 
 

7e

8e

9e

10e

11e

12e

BG

 

BG

BG

 

BG

BG

BG

S4

S1

Légende :

- AUDI MIL : Auditorat Militaire - Bg : Brigades bataillon

- DSS : Direction des Services de Santé

- DTR : Direction de transmission

- EMS : Etat Major Spécial - QG : Quartier Général

- SRT GEN : Secrétariat Général

- T1 : Chef du personnel

- T2 : Service de renseignement

- T3 : Service cargé des opérations

militaires

- T4 : Service chargé de la logistique

- T5 : Service des relations publiques et

questions politiques

Source : Syllabus (sic.) du major Wenemubi K. Araffat cité par WAKILONGO WAUBENGA, Op. Cit., p. 23.

S2

S3

S5

COMPAGNIE

PELETON

SECTION

BATAILLON

Figure n° 8 : Organigramme de l'opération Sud-Kivu /Fizi

Chef d'état Major

Services Spécialisés

Information

Santé

Secrétaire général

Bureaux

Brigades

Bataillons

Bureau 3 T3

Bureau 5 T5

Bureau 1 T1

Bureau 2 T2

Bureau 4T4

Source : Nous détenons l'information du mémoire de licence de

Monsieur Asa Wilondja (p.29) intitulé Militarisation participation politique des Bembe en Territoire de Fizi au Sud- Kivu 2007-2008

Ressources et stratégies

sont de trois types : les ressources matérielles, les ressources financières et les ressources symboliques et les ressources humaines.

- Ressources matérielles

Les bases militaires "de tous les mouvement résistance se trouvaient dans les milieux ruraux dépourvus en infrastructures. Par conséquent ils ne disposaient pas des immeubles importants sinon de maisons de fortune en paille ou herbes mortes et parfais des tentes d'abri. Cependant, la logistique militaire, étaient régulièrement approvisionnée. Tous les anciens mai-mai et chefs de mouvement interrogés citent 3 sources principales de l'équipement militaire : récupération des armes abandonnées par l'ennemi, l'approvisionnement par le gouvernement et les dons.63 L'armement lourd n'a pas été utilisé. Ainsi, on pourrait trouver les effets suivants : Boats, vivres, produits pharmaceutiques, armes (lance roquette, mortier, mip 50, M16, canon, MAA, Mag, Fallon, Fal, FM Karachi, R4, G3, etc).

- Ressources humaines

Les mouvements de résistance ont utilisé un nombre considérable de personnes. Celles-ci peuvent être reparties en trois catégories : personnel politique et personnel d'appoint et personnel militaire. Ce dernier est le plus important dans tout mouvement de résistance. Il est formé des cadres de commandement (officiers et sous officiers) et des hommes de troupe. Quant au personnel politique, il est formé des cadres politiques recrutés à la suite des événements de négociation comme souligné plus haut généralement, ces cadres ne restant pas en brousse avec les militaires. Ils résident en ville où ils opèrent clandestinement sous forme d'agents de liaison. Enfin, le

63 Ce soutien du Gouvernement se faisait pendant l'occupation de la province par la rébellion menée par de R.D.C. Les mai-mai étaient utilisés pour déstabiliser le R.C.D., et l'emprcher d'occuper plusieurs entités.

personnel de soutien est formé des gens qui participent indirectement aux activités militaires par des taches diverses : ce sont les porteurs pour le déplacement des armes, les féticheurs dits « docteurs », les cuisiniers, etc.

Le mode de recrutement des militaires et assimilés est à la fois volontaire et forcé. Les jeunes (adultes et enfants) voire les vieux sont intégrés soit volontairement soit par contrainte. Les effectifs déclarés par des mouvements de résistance font état de 81.810 hommes en activité militaire tel qu'indiqué que dans le tableau ci - dessous.

Tableau N° 5 : Effectifs des militaires des mouvements de

résistance au Sud-Kivu.

MOUVEMENT DE RESISTANCE

EFFECTIFS

%

1

Mai-Mai Mahoro

1.600

1, 95

2

Mai-Mai Kapopo

800

0,97

3

Pareco/S-K

4.500

5,50

4

Mai-Mai Ny'ikiriba

1.625

1,98

5

Mai-Mai Shikito

1.800

2,20

6

Mai-Mai shabunda

2.500

3,05

7

Mai-Mai Mudundu 40

6.200

7,57

8

Mai-Mai Zabuloni

13.250

16,19

9

Mai-Mai Yakatumba

8.000

9,77

10

Mai-Mai kirikicho

9.000

11,00

11

Mai-Mai Simba/MRS

32.535

39,68

 

TOTAL

81.810

100

Source : PROGRAMME AMANI/SUD-KIVU, Plan de mise en oeuvre pour le désengagement 2009, pp. 4-11.

- Ressources financières

Le financement des mouvements de résistance n'est pas organisé. Les moyens financiers proviennent principalement des dons, prélèvement (taxes) sur les populations, exploitation des minerais et parfois des appuis de l'Etat. Ils ne disposent pas des fonds considérables susceptibles de répondre aux multiples exigences d'un mouvement armé, notamment le payement des militaires, les voyages, l'achat des armes, etc. Aucun mouvement des résistances au Sud-Kivu ne dispose d'un compte bancaire ou d'un circuit de financement clair, et stable.

Quant aux stratégies, nous avons relevé la formation

militaire, les correspondances et moyens médiatiques, l'accommodation aux cultures locales, la contrainte.

- Formation militaire.

Tous les mouvements de résistance étudiée ont assuré à leurs combattants des enseignements et entrainements militaires. Ceux-ci visaient à leur donner des capacités nécessaires aux opérations de guerres ou combats mais aussi quelques aspects de la discipline militaire.

- Correspondances et moyens médiatiques

L'écrit comme les medias ont permis aux mouvements de résistances d'entretenir des relations entre eux et avec les autres organisations d'un côté, et sensibiliser les autres catégories sociales à se joindre à leur lutte. Ainsi les échanges des lettres ont eu lieu entre les mouvements de résistance ; des messages écrits, tracts ont été véhiculés dans les populations sous forme d'alerte ou d'interpellation comme le prouvent les correspondances ci - dessous.

S'agissant des moyens médiatiques, non seulement certaines mouvements de résistances exprimaient leurs points de vue sur des chaines de radio nationales (Radio Maendeleo) et internationales ( BBC, RFI) mais aussi ils ont crée occasionnellement un émetteur radio pour annoncer les attaques.

- L'accommodation aux cultures locales

Nombres de mouvement de résistance au Sud-Kivu sont en réalité l'émanation des communautés paysannes ou villageoises qui, confrontées aux situations d'insécurité permanente, le considèrent comme un moyen d'autodéfense. Nous pouvons ranger dans cette catégorie les mouvements de résistance suivant : Mai-mai mahoro (mwenga), Mai-mai NY'iKiriba (Uvira), Mai-mai shikito (mwenga), Mai-mai Mudundu 40 (Walungu), Mai- mai Zabuloni (Uvira ), Mai-Mai yakutumba (Fizi), Raia mutamboki

(Shabunda) . Les entretiens avec les autorités coutumières de ces contrées révèlent que ces celles -ci ont soit participé à la création desdits mouvements de résistance soit contribuer substantiellement par des moyens divers (hommes de troupe, mécanisme, superstition pour l'invulnérabilité, nourriture, etc.).

- La contrainte

Tous les mouvements de résistance n'ont pas reçu un accueil favorable dans les zones contrôlées. Deux facteurs peuvent expliquer cela : l'extension désordonnée dans plusieurs régions et les exactions contre les populations. En effet, à l'exception de Mai-mai Raia Mutomboki, tous les autres groupes armés ont occupé plusieurs zones en dehors de

leurs fiefs. Les sociétés rurales, généralement « homogènes », ont

opposé une résistance à leur présence. Par ailleurs, les exactions

commises sur les populations rurales ont entrainé le rejet social de certains mouvements de résistance. Par conséquent, pour imposer leur présence dans les sociétés rurales, les mouvements de résistance ont utilisé la contrainte matérialisée par des arrestations, l'anéantissement

des autorités administratives et coutumiers, la déportation des enfants et surtout des filles, etc.

2.2.2.2. Occupation géopolitique

Les mouvements de résistance au Sud-Kivu ont imposé leur pouvoir sur des communautés rurales.

Du point de vue de l'occupation politique, le mouvement de résistance ont exercé deux formes de pouvoir dans le milieu occupés :le pouvoir politico-administratif et le pouvoir militaire. En général, on peut noter une incohérence dans la gestion politique et administrative des entités contrôlées. A Mwenga, Shabunda, kabare et Walungu, les mouvements de résistance collaboraient avec les autorités politicoadministratives nommées par le pouvoir légal (les Administrateurs de territoire ou les chefs de poste d'encadrement). Ailleurs, ils les avaient écartés en instaurant une administration parallèle. C'est le cas de kalehe (Bunyakiri) et Fizi. Toutefois ils convient de préciser que les mouvements de résistance n'ont pas instauré une administration permanente. L'administration territoriale était quasiment inexistante.

Il convient de relever que l'administration coutumière a été plus valorisée par rapport à la bureaucratie moderne. En plus, il s'observe l'importante accordée à l'organisation militaire.

Du point de vue de l'occupation géographique, les mouvements de résistance ont occupé plusieurs zones ou entités dans les milieux ruraux. Tous les Territoires de la province du sud - Kivu ont connu le phénomène mai-mai à l'exception du Territoire d'Idjwi (64).

Tableau n°6 : Occupation géographique de Mouvements de résistance

64 Le Territoire d'Idjwi est une grande île située dans le lac Kivu. Cette île a deux Chefferies. Elle a une superficie de 281Km2. Cette absence de mouvement de résistance pourrait s'expliquer notamment par sa situation géographique moins favorable aux opérations militaires et sa proximité avec le Rwanda, considéré comme le pays ennemi.

NOMS DE MOUVEMENTS DE RESISTANCE

ENTITES OCCUPEES( villages, localités)

MAI-MAI MAHORO

MWENGA, LWINDI, BURHINYI, LUHINJA, KALUNDU, MUHUZI, KASOLO, KIZUKA, LUBUNGA, KASIKA, RUBARIKA.

MAI-MAI KAPOPO

BATENDE, MAHEKA, MUGUNDA,

BIRIMBA, MULA, LUBUMBA, MIKI,

KITOKO, KALINGI, NGOMIANO,

KITIBINGI, MUBUTI, BYONGA,

MULUMBOZI, KALUNDU, KAZIBA,

KIPUPU

PARECO SUD- KIVU

CHAMBOMBO, SHANJE, LUMBISHI,

NYAMUGALE, NUMBI, KALOBA,

KARHANGO, KAVUMU, RWANGARA,
BUSHAKU.

MAI-MAI NYIKIRIBA

KALAMBI, KIGOGO, BURHINYI,

KAMANYOLA, KALUNGA, BWIGALA,

LUBAHIKA, KATOGOTA, LUVUNGI,
MUHONDA, LULENGE, KALINGURA

MAI-MAI SHIKITO

BARUNGOLO, LUGUSHWA, KAKEMENGE,
MELA, KITUTU, KITUMBA, KAZUBA,

BYONGA, BUGUMBU, NYAMIBUNGU,
KIBE, BILEMBO, KAMITUGA, KABUMBA,

KALAMBI, BUTETEKELE,

KAMBULUMBULU, KABIKOKOLE,

MBOKO, MUKUNGWE, KAGONGO, SANGE, LUVUNGI, LUBARIKA, KAUNGA, NKUVU, BULEGEYI, BUSHAKE, KATOGOTA, MITIMBI.

MAI-MAI SHABUNDA

PANZI, KAMPENE, KAILO, KASESE

PUNIA, KAYUYU , KALIMA, LUYUYU,

 

KALUNGE, MWENGA, MULUNGU,

NZOVU, MATILI, LULINGU, MATIMU,

KAZOZOLA, LUGUNGU, KALONGE,
KITINDI, MUKAMBA

MAIMAI MUDUNDO 40

MUSHINGA, NGWESHE, KAZIBA,

LUWINDJA, BURHINYI, MWENGA,

WALIKALE, FIZI, KALONGE, UVIRA ,
KALEHE

MAIMAI ZABULONI

MIRHIMBA, ITOMBWE, NGANDJI,

MASONGA, RUBUGA, SANGE, LUVUNGI, LEMERA, KANVIVIRA, KILIBA, MAKOBOLA,

MAIMAI YAKOTUMBA

NGABO, MBAVU, KAZIMIA, FIZI,

MIRIMBA, MUNDA, MANIEMA, MBOKO

MAI-MAI KIRIKICHO

CHIRAMBO, BIRIKO, TUSHUNGUTI,

TUONANE, W/C, KATALE/BUSHUGU.

SIMBA MAI-MAI

KABARE, MITI, MUNGANGANE, KAJEJE, KATANA, KAVUMU, TCHIFI, NYAMUKUBI, KALONGE, BIGIZI, BITALE, BULAMBIKA, KAMBEKETI, HOMBO, NINJA, KASHENYI, KASIMBA, IHEMBE, WALUNGU

RAIYA MUTOMBOKI

SHABUNDA

MAI-MAI BUNYAKIRI

BUNYAKIRI, KALEHE, KABARE,

WALUNGU, SHABUNDA

Source : PROGRAMME AMANI/SUD-KIVU, Plan de mise en oeuvre pour le désengagement 2009, pp. 4-11.

Figure n°8: Présence des mouvements de résistance dans les collectivités de la la province du Sud-Kivu

Le tableau et la figure ci-dessus indiquent clairement que c'est presque toute la Province du Sud-Kivu (particulièrement les milieux ruraux) qui a connu le phénomène de mouvement de résistance. Dans ces entités (territoire, collectivité, localité, village ou groupement) on peut trouver la présence pacifique ou conflictuelle de deux ou plusieurs mouvements de résistance. Cependant, l'on ne peut affirmer une occupation politique ou géopolitique effective dans toutes ces zones. L'existence de quelques éléments dans une zone déterminée se déclarant d'un mouvement de résistance donnée, et obéissant aux ordres d'un leader suppose une effectivité sans que celle-ci donne lieu nécessairement à une administration politique. Tout au moins, il y a évidemment des activités militaires.

CONCLUSION

Les mouvements de résistance au Sud-Kivu ont évolué. Ils tirent leur origine à la fois du contexte historique et conjoncturel marqué par les conflits à caractère politique et/ou ethnique. En fait, leur existence semble avoir été influencée par les crises sociales (conflits entre groupes ethniques) et les crises politiques (guerres entre la R.D.C. (ex Zaïre) et le Rwanda, rebellions internes : A.F.D.L. et R.C.D.) ainsi que l'incapacité de l'Etat congolais à garantir l'intérêt général et l'autorité de l'Etat.

Ces mouvements de résistance ont exercé leur pouvoir politique et militaire dans plusieurs zones ou entités de la province du Sud-Kivu grâce à diverses ressources matérielles, humaines, financières et symboliques appuyées par des stratégies.

88
CHAPITRE TROISIEME :

FONDEMENTS IDEOLOGIQUES ET ACTIONS
PROTESTATAIRES DES MOUVEMENTS DE RESISTANCE

INTRODUCTION

Ce chapitre met l'accent sur les éléments qui fondent les idéologies des mouvements de résistance ainsi que les actions qui les accompagnent. Il s'agit de l'analyse des idées qui justifient l'existence du phénomène mouvement de résistance en tant survivance culturelle et phénomène nouveau d'une part, et de l'examen critique des actions posées par lesdits mouvements de résistance en terme de contestation, revendication ou opposition, d'autre part.

Ce faisant, la première section va s'appesantir sur les fondements idéologiques tandis que la seconde évalue les actions protestataires des mouvements de résistance sous analyse dans la présente étude.

3.1. FONDEMENTS IDEOLOGIQUES DES MOUVEMENTS DE
RESISTANCE

Trois axes peuvent définir les fondements idéologiques des mouvements de résistance : l'axe philosophico-psychologique, l'axe politico-historique et l'axe anthropo-sociologique.

3.1.1. Axe philosophico-psychologique

Les idées-forces des mouvements de résistance ont un fondement philosophique et psychologique se présentant dans un continuum. La littérature philosophique sur l'action humaine - du moins ses déterminants - est fort diversifiée voire spéculative. Elle se prolonge

dans les présupposés psychologiques, lesquels s'avèrent plus

intelligibles.

En effet, nous retenons de l'oeuvre Cours de philosophie positive65 d'Auguste Comte deux préoccupations : édifier une philosophie des sciences et poser les principes d'une politique rationnelle. Prenant la défense de la raison et de la pensée comme principes de l'action humaine, Kant affirme que la théorie oriente l'action et lui donne sens (66). A travers Les confessions de Saint Augustin, on peut déduire que les individus ont la volonté de se proposer des modèles et de justifier des voies nouvelles, mais leur conscience des enrichissements liée aux erreurs, leur mise à jour des conflits entre spontanéité personnelle et nécessité de la tradition sociale, leur vivante expérience de l'obscurité personnelle de l'homme luimême. On y trouve le conflit entre des fins rationnelles ou intérieures et des motivations obscures, adhérentes et éventuellement corruptrices (67). Enfin, le marxisme révèle non seulement que l'histoire de toute société n'a été que l'histoire de luttes de classes (68) mais aussi que ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience (69).

Les recherches empiriques menées sur le terrain ont permis de retenir les catégories philosophico-phycologiques suivantes : la recherche de la liberté et du bonheur, la protection des valeurs, la lutte contre l'injustice, la protection du territoire. Les fréquences qui se dégagent selon les opinions des enquêtés sont les suivantes.

65 http// www.ac-grenoble.fr/philosophe

66 Idem

67 Idem

68 MARX, K. et Engels, F., Manifeste du Parti Communiste, trad. E. Bottigelli, Paris, Flammarion, 1998, p.40.

69 MARX, K., Le Capital, livre I, trad. J. Roy, Paris, Flammarion, 1999,p.32.

Tableau n°7 : Fréquences des catégories justifiant l'adhésion au mouvement de résistance chez les mai-mai

Catégories

Fréquences

%

Protection du territoire

90

100

Protection des valeurs

10

11,1

Recherche de la liberté et du bonheur

50

55,5

Lutte contre l'injustice

25

27,7

Ce tableau indique les fréquences des catégories qui fondent le choix d'adhérer dans un mouvement de résistance. Les interviews ayant été semi-directives, les sujets enquêtés exprimaient plusieurs raisons. Tous les sujets engagés directement dans les mouvements de résistance ont justifié leur présence par la défense du territoire. Dans le même ordre d'idées, ils ont parlé de la recherche de la liberté et du bonheur (55,5 %) suivie de la lutte contre l'injustice (27,7 %) et la protection des valeurs traditionnelles (11,1 %).

Protection du territoire

Les groupes humains comme les individus qui les composent se définissent par rapport à leurs terres, créant ainsi des liens mythiques et ontologiques. La terre joue à la fois le rôle identitaire et le substantiel.

Les mouvements de résistance au Sud-Kivu se sont illustrés pendant la période où les troupes étrangères du Rwanda, du Burundi et de l'Ouganda ont envahi le territoire congolais. Leur présence dans plusieurs villages ainsi que les discours de recolonisation, pillages des ressources, annexion, balkanisation, domination ont entrainé une psychose au sein des communautés, et en même temps, incité à l'auto-défense.

Le sentiment d' « envahisseur » ou de « pillard » a été développé entre communautés paysannes locales. En effet, les communautés ethniques ou claniques dont les éléments armés opéraient sur les terres des communautés rurales voisines étaient suspectées d'ambition expansionniste ou de domination. Ce climat de méfiance justifie en partie la création des mouvements de résistance dans plusieurs chefferies de la Province du Sud-Kivu.

A titre illustratif, la présence des « Katuku » venus du Nord-Kivu a conduit à la création de Mai-mai de Bunyakiri ; celle de Mai-mai Zabuloni a poussé les Bafulero et Bavira à créer le groupe Mai-mai Yakulumba ; celle du groupe Mai-mai de Bunyakiri a conduit à la formation des groupes Mudundu 40 à Walungu et Kabare, Simba Mai Mai à Kabare, Mai Mai Shikito à Mwenga, Raiya Mutomboki à shabunda, etc. Toutefois, ces mouvements de résistance étaient solidaires en cas d'attaques venues des troupes étrangères.

La territorialité exprimée ici se limite aux terres ethniques, claniques voire familiales et non à l'ensemble du territoire national. Les périmètres protégés sont souvent délimités en fonction des critères culturels et non géopolitiques.

Recherche de la liberté et du bonheur

La présence non désirée des troupes étrangères sur le territoire congolais a enfreint sur la liberté des citoyens (70). Les soumissions doublées des traitements dégradants et inhumains infligés aux populations par celles-ci traduisent l'absence de la liberté dans les contrées occupées par les forces rebelles occupantes avec leurs alliés. Il

70 Dans le sens philosophie, la liberté est la faculté d'agir selon la volonté en fonction des moyens dont on dispose sans ttre entravé par le pouvoir d'autrui. Dans le même prolongement, le sens politique la considère comme l'état d'une personne ou d'un peuple qui ne subit pas de contraintes, de soumission, de servitudes exercées par une autre personne, par un pouvoir tyrannique ou par une puissance étrangère. La liberté est une valeur abstraite et normative de l'action humaine et une réalité concrète et vécue.

www.toupie.org/dictionnaire/liberte.htm du 05/03/2010

A.LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 14e éd, Paris, P.U.F., 1983, pp.558-567.

en est de même des autres groupes armés étrangers (Interahamwe, FDLR, Rastas, ...) ou nationaux (Mai-mai), tous qualifiés de « forces négatives » par le langage politique. Les témoignages enregistrés auprès des sujets enquêtés relèvent concrètement des faits suivants : travaux forcés (transport sur la tête ou au dos des armes et munitions, vivres et autres objets) la torture, l'exploitation sexuelle des mineurs, tueries, l'obligation des tributs, barricades,...

La notion de bonheur telle qu'exprimée par les enquêtés est sémantiquement inopérante d'autant plus qu'elle ne signifie pas « un état de satisfaction complète de toute les tendances humaines » (71) mais plutôt réjouissance (« raha » en swahili).

Le taux considérable (55,5 %) d'expression de cette catégorie confirme également la prédominance d'un pressentiment de domination, de soumission, d'inhibition de la liberté et les activités expressives de la vie du groupe social (mariage, rites divers, etc.).

Lutte contre l'injustice

Cette variable comprend deux volets : juridique et politique. Le premier fait allusion aux actes d'injustice, de violation des droits de l'homme évoqués précédemment, et qui sont consécutifs à l'état d'occupation militaire, de soumission. Le second réfère aux insatisfactions enregistrés à l'issue du premier processus de réunification de l'armée nationale après l'Accord Global et Inclusif de décembre 2001.

D'une part, certains anciens chefs militaires Mai-mai n'ont pas été satisfaits des grades militaires leur attribués au sein de Forces Armées de la RDC. D'autre part, nombreux militaires ont déserté les lieux d'affectation après le brassage. Les sujets interrogés ont avancé le motif de non payement de leurs soldes et la non intégration réelle. A cet effet,

71 P. FOULQUIER, Dictionnaire de la langue philosophie, Paris, P.U.F., 1969, p.74.

nombre d'éléments insatisfaits sont retournés dans leurs villages et entités d'origine pour réorganiser les troupes et reprendre les activités militaires. Il s'agit, en fait, d'une guerre contre le système national et non les troupes étrangères dont la présence n'était plus effective au Congo après la « réunification » du pays, corolaire de l'Accord Global et Inclusif. La reprise des activités militaires par les mouvements de résistance Mudundu 40, Simba Mai-mai, Mai-mai shikito, Mai-mai Kapopo tire sa source dans ce motif essentiellement subjectif.

40 La protection des valeurs culturelles

Un taux relativement faible de sujets d'enquête ont inscrit la protection des valeurs culturelles comme soubassement de leur idéologie. En effet, les troupes étrangères, particulièrement celles rwandaises ont, à leur entrée sur le territoire congolais, détruit les sièges traditionnels des autorités coutumières en brûlant et en profanant des symboles traditionnels. La plupart de chefs coutumiers (Bami) ont été contraints au déplacement vers des villes du pays ou à l'étranger fuyant les menaces et exactions.

3.1.2. Axe politico-historique

L'axe politico-historique permet de retenir des variables suivantes : l'effondrement de l'Etat, l'éclosion des survivances révolutionnaires, le pouvoir politico-militaire.

10 L'effondrement de l'Etat congolais

L'affaiblissement de l'Etat congolais à la suite d'une mauvaise gouvernance s'est matérialisé dans l'incapacité de celui-ci à apporter des réponses aux problèmes de la société et à assurer le fonctionnement normal des institutions. En plus d'une crise idéologique

remarquable, il a été noté les conséquences suivantes : la dégradation sensible de conditions de vie des populations, la corruption, la concussion, le détournement au sein des institutions politiques et de l'administration publique, la détérioration des infrastructures socio-économiques de base, le chômage élevé, etc.

Les débâcles successifs des forces armées nationales devant les forces militaires rebelles et leurs alliés entre les années 1996-2000 ont permis aux mouvements de résistance à se manifester comme forces de << sécurisation » des populations et de << défense » de l'intégrité territoriale.

Dans l'ouvrage Effondrement de l'Etat (72), le concept de l'effondrement de l'Etat est d'une richesse heuristique certaine. L'accent est mis sur l'incapacité de l'Etat à accomplir ses fonctions. L'Etat repose sur trois fonctions à savoir : l'Etat est autorité souveraine, il est une institution ; il est le garant de la sécurité d'un territoire et de sa population. Les indicateurs de l'effondrement de l'Etat sont ainsi exprimés dans les considérations ci-dessous :

«Si l'Etat s'effondre, c'est qu'il ne s'acquitte plus de ses fonctions de base qu'il doit remplir telles qu'elles sont analysées dans les diverses théories. Les centre de décision du gouvernement est paralysé et impuissant ; on ne légifère plus, l'ordre n'est plus maintenu et la cohésion sociale se rel~che (...). L'Etat symbole d'identité n'est plus capable de conférer un nom à ses populations, non plus qu'un sens à l'action de la société (...). Son territoire ne jouit plus de la sécurité et des approvisionnements nécessaires qu'une organisation centrale souveraine doit normalement lui assurer (...). Institution politique dotée

72 y. ZARTMAN, Effondrement de l'Etat,

d'autorité, il a perdu sa légitimité qui est en quelque sorte mise à l'écran ; il a donc perdu le droit d'ordonner et de conduire les affaires publiques (...). Système d'organisation socioéconomique, son équilibre d'échange et de production est anéanti ; les populations ne le soutiennent plus, il n'a plus de pouvoir sur elles et n'est plus capables de leur apporter quoi que ce soit. Incapable de fonctionner, ne possédant plus aucune source de légitimité, qu'elle soit traditionnelle, charismatique, ou institutionnelle, il n'a plus le droit de gouverner » (73).

Il précise aussi que

« D'une part, l'effondrement de l'Etat est une rupture du bon gouvernement, de la loi et de l'ordre. Entité responsable de la prise de décisions, de leur application et de leur exécution, l'Etat n'est plus en mesure de décider, ni de faire respecter ses commandements. L'effondrement de la société, d'autre part constitue une rupture totale de l'harmonie sociale ; génératrice des institutions de cohésion et de maintenir, elle ne sait plus créer, rassembler ni exprimer les soutiens et les demandes qui forment les fondements de l'Etat (...). Ce sont là deux aspects de la décomposition ; à eux deux, ils se brisent les liens et les imbrications entre l'Etat et la société. L'échange normale de demandes et de réponses s'atrophie ; les processus politiques de légitimation populaire sont écartés ou détournés ; la vie politique et l'économique se rétrécit, se localise ; enfin, le centre s'éloigne des rouages de la société » (74).

Les faiblesses de l'Etat congolais s'étaient avérées particulièrement criantes et ce, dans tous les domaines. En 2007, nous avons analysé les forces et faiblesses de seize Gouvernements de transition en R.D.C entre 1990-1997. On peut lire dans la conclusion ce qui suit :

<< (...) l'on est loin de retrouver une action gouvernementale tendant à instaurer une culture politique démocratique et à consolider l'économie nationale, et partant, améliorer les conditions de vie des citoyens. Il s'était plutôt observé une instabilité politique et institutionnelle permanente délibérément entretenue par les acteurs politiques laissant libre cour à l'effondrement de l'Etat. >>(75).

Devant cet effritement de la mission régalienne de l'Etat, les

mouvements de résistance ont assuré à des communautés locales ou

tribales la sécurité des personnes et de leurs biens, substituant ainsi à

l'Etat dans un contexte crisique que G. Muheme présente comme suit : << A nouveau, le mois d'ao~t 1998, la révolte dite

des Rwandais-Banyamulenge a fait de Bukavu le lieu par excellence des revendications tutsi sur l'appartenance aux ethnies du Congo(...). Il va falloir attendre dix mois d'occupation avant que le Rwanda ne reconnaisse sa présence militaire au Kivu a déclaré, un mois après l'Ouganda, un cessezle-feu le vendredi 28 mai 1999, à minuit. L'intention ne se concrétisera pas. (...) >>(76).

75 P. KAGANDA MULUME-ODERHWA, « Evaluation critique du rôle des Gouvernements de la transition dans le développement politique et économique de la R.D.C.( 1990-1997) in Analyses Sociales, vol.X, numéro unique, Octobre 2007, p. 67.

76 G. MUHEME, Op. Cit., p. 8.

Outre le rôle militaire, les mouvements de résistance ont réussi une orientation idéologique des populations se trouvant sous administration des rebelles-qualifiés de "traitres"- et leurs alliés-qualifiés d'envahisseurs- Ils ont, avec l'appui de la société civile, réussi à véhiculer le patriotisme, le nationalisme dont ils étaient le porte-étendard pendant la période de guerre.

Les fonctions militaire et idéologique ont été accomplies avec beaucoup des limites et déviations. Elles ont changé la cible après les années 2000 en s'opposant aux institutions politiques en place. Par ce fait, les mouvements de résistance venaient de modifier leur but et s'ouvrir aux ambitions politiques dans le système politique national.

Eclosion des survivances historiques révolutionnaires et
conflictuelles

Les représentations de mouvements de résistance au SudKivu sont aussi fondées sur les survivances révolutionnaires de premières rebellions décrites dans le chapitre précédent. Pour le cas du Sud-Kivu, il s'agit de la rébellion muleliste qui a laissé des traces idéologiques dans le territoire de Fizi et d'Uvira, dont se servira Laurent Désiré Kabila pour mobiliser les gens à adhérer dans son mouvement rebelle en 1996. Cet acquis historique a poussé tous les autres mouvements de résistance formés à Bunyakiri, Kabare, Walungu, Mwenga, Uvira à garder le commandement général à Fizi pour coordonner les activités militaires contre la rebellions du RCD en appui au Gouvernement de Laurent-Désiré Kabila et de son successeur, Joseph Kabila. A l'exception de Fizi et dans une moindre mesure Uvira, toutes les autres contrées de la Province du Sud-Kivu ont connu le phénomène de résistance vers les années 1997.

terres entre certains peuples du Sud-Kivu (alors organisations politiques traditionnelles) et les banyarwanda (peuple rwandais de l'époque). C'est ce qu'on peut lire dans certains ouvrages ou la tradition orale (expressions, épopées, chansons, etc.). Par exemple, la tradition orale shi (à travers les épopées, légendes) enseigne aux jeunes générations les guerres traditionnelles qui ont opposé les Bashi aux Banyarwanda, et les invitent à pus de vigilance car ces dernies représentent toujours un danger. Cette pensée peut être trouvée dans le 956ème provrbe retenu

par Kagaragu en ces termes : « Eyonera Omuhanya, e Rwanda

ehubuka ». elle se traduit en français « la vache qui ravage le champ du malheureux vient du Rwanda », et s'interprète que la malchance atteint toujours le malheureux, même quand elle vient de loin77.

Dans le même ordre d'idées, on peut lire dans les lignes proposées par Paul Masson ce qui suit :

« Malgré les nombreuses dissensions intérieures qui minaient la vie politique des descendants de KabareKaganda établis au Bushi, les Rwanda (sic.), pourtant brillants soldats, ne purent se (sic.) les soumettre. Les invasions et inflitrations(sic) furent innombrables, surtout s'il faut compter toutes les razzias et expéditions de brigandage que les Watutsi opéraient sur la rive ouest. Jamais cependant, le pays ne fut entièrement conquis. Les Bashi retrouvaient toujours, au milieu de leurs disputes de famille ou des misérables famines, la solidarité nécessaire pour repousser les voisins belliqueux qui convoitaient leurs champs et pâturages. On peut même presque dire que, au cours des derniers règnes, cette solidarité devint un véritable sens national.

Quelques fois occupé, souvent défait par le Rwanda, le Bushi ne fut jamais soumis»(78).

77 KAGARAGU NTABAZA, Emigani Bali Bantu Proverbes et maximes des Bashi, 4èmé éd., Bukavu, Libreza, 1984, p. 123.

78 P. MASSON, Trois siècles chez les Bashi, 2ème édition, Bukavu, La Presse congolaise, 1966, p.102.

Le pouvoir politico-militaire

Le pouvoir politique et le pouvoir militaire constituent aussi le fondement des idées dans les mouvements de résistance. La direction politique ou le commandement militaire au sein des M.R a amené certains acteurs à pouvoir gouverner certaines entités rurales sur les plans administratif, économique, militaire. Les processus de réunification entamés à l'issue de l'Accord global et inclusif a permis à certains dirigeants politiques et militaires d'améliorer leurs statuts sociaux dans la structuration sociale nationale, notamment au sein des institutions politiques nationales et de l'armée nationale régulière.

A titre exemplatif, nous relevons quelques postes occupés par certains leaders des mouvements de résistance au Sud-Kivu au sein des institutions politiques de la transition.

Tableau n° 8 : Représentation des mouvements de résistance au sein des institutions politiques et d'appui à la Démocratie

Institutions

Postes

Nombre

Gouvernement

- Ministre de développement rural

- Ministre de l'agriculture

1

 

- Vice Ministre aux transports et

 
 

communication

1

 

- Vice ministre au travail et

 
 

prévoyance sociale

1

 

- Ministre de l'Economie

1

Commission vérité

et réconciliation

2e rapporteur

1

Commission

1er rapporteur

1

Electorale indépendance

 
 

A ces rangs et fonctions politiques s'ajoutent des grades militaires comme le grade de général attribué à certains chefs miliciens principalement à Bunyakiri et à Fizi. Nous citons les généraux Padiri Bulenda, Lwecha, Dunia, etc.

3.1.3. Axe anthropo-sociologique

Cet axe retient les bases idéologiques liées à la persistance de la conception traditionaliste de l'Etat, à l'isolement des sociétés rurales, à la valorisation de la superstition.

La conception traditionaliste de l'Etat

L'Etat traditionnel possède des caractéristiques parmi lesquelles nous pouvons mentionner les suivantes telles que présentées par Georges Balandier : une large place à l'empirisme ; il se crée à partir d'unités politiques préexistantes ; la diffusion ; la segmentation territoriale ; la relation avec le sacré (79).

Les mouvements de résistance réfèrent leur organisation politique, conception de l'Etat aux structures politiques traditionnelles et aux valeurs véhiculées par l'Etat traditionnel. Certes, il se remarque dans les mouvements de résistance une ambivalence organisationnelle, résultante de la confusion entre le moderne et le traditionnel dans les structures politiques. La territorialité limitée à la sphère culturelle, les dynamiques lignagères faisant prévaloir le critère de parenté pour la distribution des fonctions, la place prépondérante des moyens magicoreligieux pour justifier et exercer la commande du groupe des principes bureaucratiques laissent transparaître une vision traditionaliste de l'Etat au sein des mouvements de résistance.

79 G. BALANDIER, L'anthropologie politique, Paris, P.U.F., 1967, p.176.

Par contre, suite à la nécessité de l'intégration dans le système militaire national, les mouvements de résistance ont conformé progressivement leurs structures militaires à l'organisation moderne de l'armée. Ainsi, ils ont copié le modèle de la hiérarchisation et terminologie utilisée dans l'armée régulière sans en respecter les principes.

La superstition

Tous les mouvements de résistance sur lesquels notre travail porte reconnaissent recourir aux pratiques superstitieuses ou magico-religieuses. Tous les sujets interrogés, c'est-à-dire les acteurs directs (chefs de groupe, ex-mai-mai), les acteurs indirects (chefs coutumiers et notables ruraux) soutiennent de manière quasi évidente l'inexistence des mouvements de résistance sans les pratiques superstitieuses ou magico-religieuses. Ils expriment admirablement le rôle protecteur desdites pratiques comme on peut le lire à travers les déclarations ci-dessous d'un ex-mai-mai, actuellement colonel de FARDC, rencontré à Bukavu :

« Les effets étaient réels sur la protection des combattants, même de leurs armes. Les balles tombaient d'elles-mêmes. Mon histoire est riche : on m'avait pris le 25/9/1999 à Buholo 4. J'était entouré par 20 militaires qui ont tous tiré sur moi mais sans succès ».

Un vieillard ex- mai -mai rencontré à Sange a également déclaré ceci : « On en peut pas combattre sans les fétiches et Dieu.

Sans la force de nos fétiches, les rwandais nous auraient déjà exterminé. A l'heure où nous parlons, je suis protégé. Vous, les enfants de la ville, vous ne connaissez pas la force de nos herbes. As-tu déjà vu une personne disparaître comme du vent ? »

Il se dégage nettement que les pratiques superstitieuses jouent un rôle idéologique considérable dans les mouvements de résistance Elles impliquent le sacré, les rites, les acteurs, les interdits.

- Le sacré

Le principe du sacré s'observe dans les pratiques magicosuperstitieuses des mouvements de résistance au Sud-Kivu. Les représentations produisent la croyance aux forces surnaturelles protectrices pour lesquelles il faut observer le respect absolu. Ces pratiques expriment également une croyance en un Dieu unique. Les objets de cette croyance sont un Dieu suprême et les esprits des ancêtres à travers les "forces" contenues dans certaines espèces végétales. Tous les chefs des mouvements de résistance interrogés reconnaissent le caractère absolu, sacré de leurs pratiques magico-superstitieuses ainsi que la relation entre celles-ci et la nature. Les éléments de la nature cités sont certaines parties des espèces végétales (racines, écorces, feuilles) et l'eau. Leurs forces respectives seraient dépendantes de la prière et des sacrifices.

- Les rites

Ce sont des gestes exécutés et les formes prononcés par les adhérents dans le but de provoquer ou d'influencer les forces surnaturelles. N'ayant pas été au lieu de déroulement des rites, nous ne pouvons les décrire systématiquement. Néanmoins, des informations recueillies auprès des chefs des mouvements de résistance, ex combattants des mouvements de résistance et autorités coutumières, nous pouvons déduire quatre types de rites à savoir : le rite de « purification » des produits exécutés par le seul magicien dit « docteur » ; le rite d'initiation pour les nouvelles recrues ; le rite avant le combat ; le rite après le combat. Selon tous les sujets d'enquête susindiqués, le portions magiques (l'eau, la bouillie, le cendre, les herbes, ...) peuvent être utilisées pendant le combat en vue du renforcement de la

protection sans faire objet d'un rituel. Il se pratique le rituel de l'eau, le rituel de la bouillie ou le rituel de tatouage. L'expérimentation ou test de vérification se ferait sur les animaux, objets, arbres, etc. Le rituel se déroulerait en exécutant des chants de circonstance, des gestes et états stéréotypes (courber la tête, ne pas porter les habits, etc.).

- Les interdits

Les pratiques magico-superstitieuses des mouvements de résistance connaissent des interdits. Selon les idéaux des mouvements de résistance, les éléments des forces combattantes mortes pendant les affrontements armées sont censé avoir violé les interdits. Ces derniers sont des principes éthiques que tous les membres doivent observer. Nous avons relevé quelques interdits tels qu'ils ressortent de recherches empiriques :

Tableau n°9 : Quelques interdits dans les mouvements

de résistance

Interdits

Groupes concernés

Ne pas manger la viande de chèvre

Mai-Mai Bunyakiri

Ne pas coucher avec une femme

Tous

Ne pas manger les entrailles ou la peau des animaux.

Mai-Mai Bunyakiri

Ne pas dormir à son domicile

Raiya mutomboki

Ne pas saluer les gens après le rite

Raiya mutomboki

Ne pas manger tout autre aliment à l'exception du sombe

Raiya mutomboki

Ne pas manger la nourriture

préparée par une femme

Raiya mutomboki

Ne pas voler

Tous

Ne pas violer

Tous

- Les acteurs

Les acteurs concernés par ce système magico-superstitieux sont principalement les personnes directement engagés dans les activités militaires. Les cadres administratifs ou agents d'appoint ne sont pas concernés par les cérémonies magico-superstitieuses. Les rites sont souvent conduits par le grand magicien dit « docteur ». Le chef de groupe subit des rituels particuliers qui lui confèrent des forces prépondérantes sur les autres.

En somme, les mécanismes magico-superstitieux ont eu un impact psychologique, philosophique, historique et théologique au sein des mouvements de résistance. Ils ont pu maintenir l'unité des groupes et garantir la détermination pour une lutte commune.

L'isolement des sociétés rurales (80)

La désintégration de l'Etat congolais à cause des facteurs structurels (mauvaise gouvernance, l'affaiblissement du système économique) et conjoncturels (les guerres) n'a pas épargné les sociétés rurales. Celles-ci ont été isolées, c'est-à-dire non impliquées dans la participation de la construction de l'Etat. Leurs relations avec les sociétés urbaines (centres décisionnels) sont caractérisées par l'exploitation et la domination. Vu sous cet angle, les mouvements de résistance se sont présentés comme une stratégie, un moyen des sociétés rurales de revendiquer leur participation à la vie nationale. Ils ont été pour les groupes sociaux (communautés, familles) et les individus du monde rural un moyen d'affirmation de soi au niveau national, provincial ou local. Cependant, la présence des mouvements de résistance a bouleversé la

80 L'isolement des sociétés rurales n'évoque pas la rupture des liens entre la société globale et le monde rural. C'est plutôt une faible participation sinon des rapports d'exploitation des sociétés rurales par l'Etat moderne trop urbanise.

stratification sociale en imposant deux types d'autorités avec des logiques ou rationalités différentes. La première, traditionnelle est permanente, coutumière, et incarne l'unité culturelle du groupe ; la seconde est militaire, éphémère avec des qualités particulières.

L'affirmation communautaire ou individuelle a été

remarquée par l'élévation de certains membres des sociétés rurales aux statuts supérieurs dans la hiérarchie sociale nationale au sein des institutions positives, de l'armée et de la police nationales. Cette situation a provoqué des appositions internes au sein des mouvements de résistance, des confits au sein des groupes, et a incité les autres communautés rurales à encourager la création de leurs propres mouvements de résistance. Le mouvement de résistance Mai Mai de Bunyakiri a connu des divisions internes lorsque les combattants venus de Kabare, Nghweshe, Shabunda, Mwenga ont pris conscience des privilèges accordés aux Batembo qui risquaient de devenir un grande force dans les zones rurales de combat. Avec la complicité des autorités coutumières et des faiseurs d'opinions urbains sont nés Simba mai-mai à Kabare, Mudundu 40 à Walungu, Mai-mai Shikito à Mwenga, etc. La même situation s'est produite dans les hauts plateaux où les Bafuliro et Bavira ont créé leurs propres mouvements de résistance après scission au sein des groupes mai-mai de Fizi.

L'hypothèse de l'isolement des masses rurales comme fondement des idées directrices de mouvements de résistance semble être justifiée par le fait de l'isolement politique, l'isolement économique, l'isolement social et culturel que nombreuses études ont démontré. S'agissant de l'isolement politique en particulier, de nombreuses recherches tentent de démontrer que les mouvements de résistance sont un mode de participation politique choisi par les sociétés rurales. A titre illustratif, nous citons certaines hypothèses émises par Fraternel Divin Amuri Misako dans un passage de de conclusion :

« (...) le déclin de l'Etat a déjà été constaté par les masses rurales dont la prise en charge est demeuré pendant longtemps difficile à réaliser. D'où l'appropriation de la violence pour susciter la (re) définition de ou nouvelles politiques en vue de garantir l'autonomie maternelle de ces entités subordonnées et isolées » (81).

3.1.4. Les bases communautaires des mouvements de

résistance au Sud-Kivu

Les recherches empiriques auprès des autorités coutumières et assimilés (notables ruraux) et des chefs des organisations Mai Mai prouvent que tous les mouvements de résistance ont un lien direct ou indirect avec les communautés rurales. Statistiquement, les 14 chefs de groupes et 31 autorités coutumières et assimilés contactés ont reconnu qu'il existe des relations de collaboration entre le pouvoir coutumier et les mouvements de résistance d'une part, que ces derniers sont acceptés et soutenus par les populations locales, d'autre part. A cet effet, deux phénomènes dans le rapport mouvement de résistance-communauté peuvent être analysés : le mouvement de résistance comme émanation des communautés et le mouvement de résistance comme appropriation des communautés.

1° Le mouvement de résistance comme émanation des

communautés

Certains mouvements de résitance du Sud-Kivu ont été créés par les communautés pour assurer sa sécurité ou s'affirmer. A l'origine de ces mouvements de résistance l'on trouve la prise de conscience de l'insécurité et ses effets (tueries, vols, viols domination,

81 F.D. AMURI MISAKO, Op.cit., pp. 145-146.

etc.) orchestrés par les troupes militaires étrangères (Interhamwe, FDLR, armée rwandaise, armée burundaise) nationales (armée régulière) ou locales (autres mouvements de résitance.). Des réunions communautaires ont abouti à la mobilisation des moyens et stratégies nécessaires pour mettre sur pied une organisation d'auto-défense. Dans ce registre, nous citons les mouvements de résistance suivants : Raiya mutomboki à Shabunda, Mai- mai Shikito à Mwenga, Mai-mai Zabuloni à Fizi, Mai-mai Nakabaka à Uvira.

Le mouvement de résistance comme appropriation des communautés

Sous cette catégorie, on aligne les mouvements de résistance que les communautés acceptent soit par nécessité (besoin de sécurité) soit par contrainte (la force) sans ressortir de la volonté des populations. Le rôle jugé positif de ces mouvements de résistance les a intégrés dans les communautés auxquelles ils s'identifient actuellement. Les groupes non intégrés sont ceux présents dans certains milieux par souci d'expansion dans les zones jugées non contrôlées en vue d'accroître l'influence. Dans cette catégorie, nous citons les mouvements de résistance ci-après : Mai-mai Shabunda, Simba Mai-mai, Mudundu 40, Mai-mai de Bunyakiri, Mai-mai Yakutumba, Mai-mai Zabuloni, Mai-Mai Kirikicho, Pareco, Mai-mai Ny'ikiriba, Mai-mai Kapopo, Mai-mai Mahoro.

Quelle que soit la catégorie, les mouvements de résistance ont bénéficié de trois formes d'appui de la part des communautés rurales : matériel, humain et symbolique.

Modèle explicatif des fondements idéologiques des mouvements
de résistance

Axe anthroposociologique

Axe philosophicopsychologique

Axe historico-
politique

Base socio-politique et économique

L'axe philosophico-psychologique est au centre de l'explication de l'idéologie mai-mai avec des variables comme la protection du territoire et des valeurs traditionnelles, la recherche de la liberté et du bonheur, la lutte contre l'injustice. Les axes anthropo-sociologique et historico-politique sont liés à celui anthropo-sociologique, et alignent les variables suivantes : l'isolement des masses rurales, la superstition et la conception localiste de l'Etat pour le premier ; l'effondrement de l'Etat, les survivances historiques révolutionnaires et conflictuelles, le pouvoir politique et militaire pour le second. Entre les trois axes et la base sociopolitique et économique, il y a un rapport de détermination réciproque. Par contre, entre les 3 axes, il y a une imbrication suffisante qui appelle à une vigilance épistémologique soutenue pour distinguer et catégoriser les variables. Par le principe de la circularité, il y a lieu d'envisager que selon les contextes, chaque axe peut occuper le centre de l'explication.

109
3.2. ACTIONS PROTESTATAIRES ET REVENDICATRICES DES

MOUVEMENTS DE RESISTANCE

Le phénomène de mouvements de résistance s'est manifesté aussi à travers des actions posées par les acteurs impliqués, et exprimant ainsi la dimension praxéologique de toute idéologie. C'est dans ce sens que Guy Rocher affirme que l'idéologie a une fonction conative, elle pousse ou incite une collectivité à l'action, ou du moins dirige celle-ci en fournissant des buts et des moyens. Les actions retenues dans cette étude après les recherche empiriques sont à la fois d'ordre militaire et politico-administratif.

3.2.1. Opérations militaires et actes de violation des droits de l'homme

Opération militaires

- Combats contre les autres forces

Les 14 chefs de mouvements de résistance rencontrés ont reconnu l'engagement permanent de leurs troupes dans des combats armés contre soit les forces militaires étrangères, soit les forces rebelles, soit les forces armées régulières, soit les milices étrangères (F.D.L.R., Interahamwe, F.D.D., FNL,...), soit les forces militaires d'autres mouvements de résistance.

Les opérations militaires effectuées s'inscrivent dans le cadre de l'offensive ou la contre offensive dont la finalité est de conquérir des espaces ou de protéger le territoire déjà conquis contre les menaces de toute autre force. D'autres opérations militaires ont visé à mette hors d'état de nuire les groupes armés étrangères en activité sur le territoire congolais (F.D.L.R., Interahamwe, F.D.D., PASTAS) semant la terreur au

sein des populations par des actes de viol, vol, tuerie, déportation, tortures, etc.

Outre les chefs militaires interrogés, 48 ex-combattants ont confirmée trois sources d'armement des mouvements de résistance, à savoir : l'approvisionnement par le gouvernement, la récupération des armes abandonnées par l'ennemi vaincu au combat, le don ou l'achat d'armes auprès d'autres groupes armés (nationaux ou étrangers). En effet, les mouvements de résistance en lutte contre la rébellion menée par le R.C.D. ont bénéficié d'un appui en armement de la part du Gouvernement congolais dans le but d'anéantir la progression de celui-ci à en croire les chefs militaires interrogés. Tous les mouvements de résistance sur lesquels portent notre étude n'ont pas reçu les armes du Gouvernement car nombreux n'existaient pas encore. Toutefois, leurs chefs militaires, à l'exception de celui du mouvement de résistance Raia Mutomboki faisaient partie de précédents mouvements de résistance. Les dons et achats auprès des groupes armés étrangères ou nationaux prouvent l'existence de la collaboration entre tous les groupes armés opérationnels. Il faut noter qu'en dépit des intérêts particuliers à chaque groupe armé au Sud-Kivu, il y avait un ennemi commun, la rébellion du R.C.D. et son allié principal, le Rwanda. Ce qui a justifié des coalitions en cas d'attaques par l'ennemi commun.

- Violences interethniques ou tribales

Certains mouvements de résistance ont participé activement dans les conflits interethniques au Sud-Kivu. Car leur existence se justifierait notamment par la protection des groupes ethniques. Tous les groupes mai-mai de territoires de Fizi et d'Uvira ont participé dans les violences ethniques au motif de protéger leurs communautés.

Dans les deux territoires ci-haut citées, quatre groupes ethniques sont en conflit fondé sur l'occupation de l'espace : Bavira, Bafulero, Bubembe et Banyamulenge. Ces derniers sont considérés par la

mémoire collective de trois autres groupes comme des << envahisseurs », des << étrangers » dont les droits sur les terres qu'ils occupent seraient ambigües, et partant non acquis.

Par ailleurs, le soutien en hommes de troupes apporté par le groupe éthique Banyamulenge aux rebellions de l'A.F.D.L. puis du R.C.D., l'occupation forcée de certaines fonctions administratives, politiques et militaires, ainsi que les comportements jugés de << représailles », d'« humiliation », de << conquête » ou de << torture » ont développé une attitude de xénophobie des autres groupes ethniques de la Province du Sud-Kivu envers les banyamulenge.

Cette attitude de rejet mutuel et de conflit est encore présente jusqu'à ce jour tant dans la pensée collective que dans les luttes interethniques où les mouvements de résistance sont engagés. En date du ..., notre séjour à Lemera en territoire d'Uvira pour raison d'enquête a été écourté à la suite des combats apposant le mouvement de résistance N'yikiriba aux forces de F.R.F. à cause d'une partie des terres ancestrales de la chefferie de Bufulero dont les Banyamulenge voudraient s'approprier à en croire le chef de localité de Kigwena-Rubanga en groupement de Lemera, Collectivité de Bafuliro.

Actes de violation des droits de l'homme

Nous ne saurions identifier les actes de violation des droits de l'homme retenus particulièrement à charge des mouvements de résistance dans les zones à forte présence des groupes armées. Les statistiques que nous avancerons dans l'argumentaire ne concernent pas exclusivement les mouvements de résistance étudiés mais plutôt toutes les forces militaires en présence. Cette analyse globalisante tient au fait que tous les chefs des mouvements de résistance interrogés ainsi que les autorités coutumières et notables ruraux ont déploré plusieurs actes de violation

des droits de l'homme de la part des mouvements de résistance sans spécifier ni les quantifier.

- Tueries et massacres

Dans les zones occupées par les mouvements de résistance il a été déploré plusieurs cas des tueries et massacres soit commis par eux-mêmes, soit à la suite des combats avec d'autres groupes armés. D'autres éléments dits incontrôlés des mouvements de résistance ont été impliqués dans les tueries dans certains villages à la suite de la résistance ou vigilance des populations pendant une opération de vol ou de viol, d'un règlement de compte pour un conflit foncier ou un conflit matrimonial (opposition autour de la dot ou du divorce). Les 34 autorités coutumières ont confirmé ce fait tout en les attribuant aux éléments isolés et aux mouvements de résistance comme structure. Il y a eu des victimes connus et inconnus dans les villages occupés.

Citant la chefferie de Burhinyi, la monographie de Zihalirwa Nkubafire dénombre 82 cas de tueries et massacres des populations dans ladite chefferie pour le seul mois de mars 1999. Nous avons trouvé également d'autres chiffres avancés par Mwetaminwa Wangachumo (82) dans son mémoire de licence en citant plusieurs sources. Nous pouvons retenir :

- Janvier et février 1999 : enlèvement des civils à Burhale, Mushinga, Lubone et Mulangba.

- 01-03 janvier 1999 : 28 personnes tuées dans la chefferie de Ngweshe

82 MWETAMINWA MWANGACHUMO, les guerres armées comme moyen de changement de régime politique en RDC : Analyses des crises politiques et les événements subséquents. De 1996-2004, Mémoire, FSSPA, UOB, 2003-2004, pp 101-107.

- 17 mars 1999 : 146 personnes tuées à Budaha dans la chefferie de Burhinyi.

- 24/08/1998 : 451 personnes tuées à Kasika dans le territoire de Mwenga

- En 1999 : 818 personnes tuées à Fizi.

Les mouvements de résistance ont fait l'enrôlement des enfants. Une étude publiée par La coalition pour mettre fin à l'utilisation d'enfants a révélé que tous les rapports des experts de Nations Unies font état de l'enrôlement des enfants, y compris les filles, par les groupes armés maimai.83

- Extorsions, vols et viols

Plusieurs cas de vol sont déclarés par les autorités coutumières contres les mouvements de résistance. Il s'agit des extorsions des bétails et volailles, des produits alimentaires voire manufacturés, des habits et ustensiles de cuisine, etc. Ces cas d'extorsion ont appauvri les milieux ruraux occupés par les mouvements de résistance, et ont découragé les paysans aux activités agricoles. Par conséquent, plusieurs villages ont connu la rareté des produits agricoles ne fût-ce que pour la sécurité alimentaire locale. Alors que les autorités coutumières ont parlé des vols destructeurs, les chefs des mouvements de résistance ont reconnu le fait en le qualifiant de « extorsion par nécessité ». Deux de quatorze chefs des mouvements de résistance ont estimé qu'il s'agit plutôt d'une auto rétribution pour le rôle de protection des populations et de défense du territoire national. Des propos contradictoires émaillent les déclarations fournies par les chefs des mouvements de résistance, et poussent à affirmer que les vols sont

83 COALITION POUR METTRE FIN A L'UTILISATION D'ENFANTS SOLDATS, Le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats par les Mai-Mai : une pratique profondément ancrée et persistante, Février 2010.

réellement le fait du groupe et non des individus isolés et incontrôlés. En effet, la rupture entre les interdits (y compris celui le vol) et le vol par nécessité justifié par les communautés et les chefs des mouvements de résistance est révélatrice de cette contradiction.

S'agissant des viols, les autorités coutumières, les chefs des mouvements de résistance comme les ex-combattants reconnaissent l'existence desdits actes en les minimisant d'une part, et en les attribuant sans ambages aux éléments incontrôlés. Le viol est considéré par les mouvements de résistance comme une violation flagrante des interdits. Selon leur schème de pensée, tout auteur du viol doit mourir au front ou dans toute autre circonstance non élucidée suite à la « colère des ancêtres ». La philosophie des mouvements de résistance nourrie des représentations traditionnelles sur la femme, considère cette dernière comme pourvoyeuse de malheur et source d'anéantissement de la force mystique protectrice. En dépit de rejet institutionnel du viol par les mouvements de résistance, la communauté internationale à travers les ONG internationales et locales, le gouvernement de la R.D Congo retiennent la Province du Sud-Kivu parmi celles les plus touchées par le phénomène de viol. Les mouvements de résistance sont cités par plusieurs organisations des droits de l'homme comme un des auteurs des actes de viol. Les statistiques avancées sont trop parlantes. En effet, en 2007 et 2009 il a été dénombré respectivement 2773 et 2980 cas de viols au Sud-Kivu selon OCHA84. Dans une étude menée en 2004 sur le viol au Sud-Kivu, nous avons démontré la gravité de ces actes et leurs impacts psychologiques et culturels sur les populations victimes. Les enquêtes empiriques ont relevé que les groupes armés mai-mai font partie des auteurs des viols. Ces derniers sont en définitive un élément perturbateur de l'équilibre familial et de la culture tout entière(85).

84 www .populationdata.net

85 P. KAGAGANDA MULUME-ODERHWA « Violences sexuelles envers la femme et instabilité de la famille en période de guerre en R.D.C. » in Analyses Sociales, vol IX, numéro unique, Janvier-Décembre 2004, p. 149.

3.2.2. L'administration des zones occupées

La protestation des mouvements de résistance contre la présence des rebelles et autres forces étrangères et contre le gouvernement du pays s'est faite également par la mise en place d'une administration chargée de gérer les zones occupées. C'est l'expression d'une insoumission aux ordres de tout autre pouvoir. Nous avons l'existence d'une administration politico-administrative et d'une administration financière.

Administration politico-administrative

Dans toutes les entités occupées par les mouvements de résistance, les autorités légalement établies par l'Etat étaient remplacées par celles investies par ceux-ci. Néanmoins, ils gardaient les bonnes relations avec les autorités coutumières surtout lorsqu'ils opéraient dans leurs propres communautés.

Les mouvements de résistance n'ont pas instauré une administration classique, bureaucratique mais plutôt un pouvoir de facto chargé de gérer des cas ponctuels comme les conflits fonciers, les conflits matrimoniaux, les vols simples, etc. Les mouvements de résistance ont bel et bien administré des entités jusqu'en 2003. A titre d'exemple, une la lettre n° 5072/03/CAFI/E.M.M./05/04 du 20 / 0302004 adressé au Ministre de l'intérieur par le coordonnateur des affaires intérieures, Yves Butachabwa et le Chef de l'entité mai-mai, le Gnl Padiri Bulenda confirme au quatrième paragraphe la gestion de 1. 850 agents et fonctionnaires.

D'une manière générale, il n'y a pas séparation entre la hiérarchie militaire et l'administration du territoire occupé. Nous avons rencontré une exception à cette réalité d'administration confuse et partielle chez les Mai-mai de Bunyakiri. Dans le dernier mouvement de

résistance, il y avait une administration séparée de la structuration militaire qui, en plus des aspects administratifs internes (courriers, relations publiques, etc.) a assuré la gestion de population dans la zone de contrôle en collaboration avec les autorités coutumières.

Administration financière

L'administration financière des mouvements de résistance a pour finalité de canaliser les fonds pour satisfaire aux besoins essentiels (nourriture, armes, habillement, fétiches, ...). Les recettes sont généralement issues des taxes, collectes, extorsions sur les barrières, vente illicite des minerais.

D'après 11/14 chefs des mouvements de résistance, la gestion financière de leurs organisations ne répondait pas aux principes de bonne gestion.

3.2.3. Refus de participer au processus d'intégration dans l'armée
nationale

Première Phase

Après l'accord global et inclusif et la mise en place des institutions politiques, il a été conçu et exécuté un programme visant la réintégration et la démobilisation de toutes les forces dites milices maimai et celles des ex-mouvements rebelles. C'est le programme D.D.R.R. (Démobilisation, Désarmement, Réintégration, Réinsertion des excombattants). Certains mouvements de résistance ont adhérer au processus, notamment les Mai-mai de Bunyakiri et de Fizi. Toutefois, les informations empiriques révèlent qu'aucun mouvement de résistance n'a donné tous ses effectifs pour le brassage ou la démobilisation.

Deuxième phase

La multiplicité des mouvements de résistance à l'Est de la RDC après les élections de 2006 a conduit le Gouvernement congolais avec ses partenaires bilatéraux et multilatéraux à mettre en place des cadres institutionnels pour la réintégration de tous les groupes armés. La première étape de ce processus a été la conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord et Sud-Kivu tenue à Goma en janvier 2008.

Les accords conclus dans l'Acte d'engagement n'ont pas suffit pour mettre fin à l'activisme militaire des mouvements de résistance et ses conséquences sur l'autorité de l'Etat, le fonctionnement des institutions légales issues des élections et la vie des paisibles citoyens. Le programme Amani a servi des cadres institutionnels de mise en oeuvre des acquis de la conférence de Goma. Plusieurs mouvements de résistance ont refusé au début d'y participer avant d'accepter après plusieurs négociations. Jusqu'à la rédaction de cette étude, en décembre 2009, tous les groupes armés n'avaient pas encore rejoint les centres de brassage prévus à l'exception de Mai-mai Yakutumba. Il est difficile d'affirmer que tous les effectifs déclarés subissent le processus de brassage tant que tous les chefs des mouvements de résistance concernés n'ont cessé de nous déclarer qu'ils sont sceptiques sur l'issue des mécanismes enclenchés d'une part, et que les autorités coutumières estiment quant elles que le brassage, est un moyen pour le Gouvernement d'infiltrer dans leurs communautés des « étrangers », des « tueurs » ou des « envahisseurs ». D'autre part, les attitudes révèlent sans doute une crise de confiance entre les institutions politiques et les populations qu'elles gèrent. Autrement dit, il y a une résistance au processus de brassage en faveur d'une présence indépendante des mouvements de résistance dans certaines zones. Cette attitude est plus observée dans les territoires de Fizi, Uvira qui sont confrontés aux conflits interethniques ; territoire de Shabunda où le mouvement de résistance Raia Mutomboki

est plutôt une organisation communautaire contre tous les autres groupes armés.

CONCLUSION

Ce chapitre vient d'élucider les fondements idéologiques des mouvements de résistance au Sud-Kivu et les actions entreprises pour ce faire. Les valeurs traditionnelles symboliques et cosmiques, le contexte historique et politique sont mis a profit pour former un système de pensées qui guide les actions de résistance sous forme de contestation ou protestation contre les institutions légales, la rébellion du R.C.D., les forces étrangères ou tout autre groupe militaire ennemi.

119
CHAPITRE QUATRIEME :

CULTURE POLITIQUE DANS L'IDEOLOGIE DES
MOUVEMENTS DE RESISTANCE

INTRODUCTION

Ce chapitre est une analyse de la culture politique véhiculée par l'idéologie des mouvements de résistance. Il analyse les possibilités d'une autodétermination de la société congolaise à travers l'idéologie de mai-mai. Pour y parvenir, nous allons tenter, dans la première section, de définir l'idéologie de mouvements de résistance avant d'analyser, dans la seconde section, le rôle controversé que ces derniers jouent pour la construction de la culture politique démocratique au Sud-Kivu en particulier et en RDC en général.

4.1. DEFINIR LE « MAI-MAISME » COMME IDEOLOGIE

Le néologisme « mai-maisme » signifie tout simplement l'idéologie des mouvements de résistance. L'appellation « mai-mai », du reste préférée par les mouvements de résistance est, selon leurs chefs respectifs, chargée de sens sur le plan historique et exprimerait, la force, c'est-à-dire l'invulnérabilité à cause de la protection des ancêtres.

En affirmant l'existence du « mai-maisme » comme

idéologie, nous voulons lui attribuer le sens retenu par la sociologie

contemporaine telle que présentée par Guy Rocher en ces termes : « (...) on peut dire que les sociologues contemporains emploient généralement ce terme pour désigner un système d'idées et de jugement, explicite et généralement organisé, qui sert à décrire, expliquer, interpréter ou justifier la situation d'un groupe ou d'une collectivité et qui, s'inspirant largement de valeurs,

propose une orientation précise à l'action historique de ce groupe ou de cette collectivité » (86).

Le sens d'Althusser repris par Jean Etienne précise ceci :

<< (...) les idéologies sont définies comme des systèmes de représentation du monde, nécessaires à toute société, possédant << une logique et une rigueur propres » et qui permettent aux hommes de donner un sens à leur activité dans la société (fonction praticosociale) » (87).

Guy Rocher détermine les éléments de toute idéologie, déduits de la définition qu'il propose :

<< 1° L'idéologie revêt une forme qu'elle est explicite et verbalisé ; elle prend ainsi le caractère d'une << doctrine », au sens large du terme ; cette systématisation exige que des aspects de la situation soient mis en relief, qu'un accent particulier soit mis sur certains liens entre des éléments de la situation, ce qui donne à l'idéologie ce que F. Dumonrt a appelé non syncrétisme ; <<

2° L'idéologie fait abondamment référence à des valeurs, dont elles s'inspirent et qu'elle organise dans le schème de pensée qu'elle formule ; F. Dumont dit qu'on pourrait considérer l'idéologie comme « la rationalisation d'une vision du monde (ou d'un système de valeurs) ; <<

3° L'idéologie a une fonction conative, elle pousse ou incite une collectivité à l'action, ou du moins dirige celle-ci en fournissant des buts et des moyens » (88).

Le << mai-maisme » est alors un système d'idées ou de représentations qui justifient et guident les actions des mouvements de résistance en R.D Congo. A l'instar de toute idéologie, il « construit une

86 G. ROCHER, Introduction à la Sociologie : l'action sociale, Montréal, éd. HMH, 1968, p.127.

87 J. ETIENNE et alii, Op. Ci., p.239.

88 G. ROCHER, Op.Cit, pp. 127-128.

image de la société, désigne les forces et les ensembles tenus pour fondamentaux >>89. Il importe d'abord de définir de manière extensive de système d'idées (sans prétendre en faire une doctrine) avant d'en donner les forces et faiblesses ainsi que la situation actuelle face aux mécanismes nationaux d'inhibition voire de disparition des mouvements de résistance.

4.1.1. Particularité et orientation idéologique du « mai-maisme »

Particularité du système d'idées

D'emblée, d'aucuns peuvent être tentés de considérer le « mai-maisme » comme un ensemble d'idées dispersées, sans cohérence interne. Cette tendance est souvent influencée par le caractère oral, et souvent avec un prisme ethnocentriste traduit par « le traditionnel >>. Cette conception n'est pas soutenable dans la mesure où l'oralité ne signifie pas l'absence de la cohérence d'une part, et le traditionnel ne revoie pas sémantiquement à l'irrationnel.

Il nous semble que le « mai-maisme >> reste un système d'idées cohérent traduisant les rationalités et logiques des acteurs. Les particularités suivantes peuvent lui être attribuées pour soutenir son statut idéologique.

a) Objet

Le « mai-maisme » a pour objet le nationalisme et l'égalité. Le nationalisme signifie, ici, la valorisation de la Nation, de l'Etat comme un acquis qu'il faut protéger à tout prix contre toute menace extérieure ou tout pouvoir arbitraire. Cela justifie ainsi le patriotisme comme principe du « mai-maisme ». L'égalité signifie la répartition équitable des ressources nationales et la participation de tous à la gestion de la société. Le « mai-maisme >> actuel fait une rupture avec les anciennes rebellions

89 P. ANSART, Les Idéologies politiques, Paris, P.U.F., 1974, p. 14.

dont il est l'émanation du fait qu'il s'oppose à tout impérialisme extérieur, et défend l'égalité en faveur des masses rurales isolées et abandonnées par le pouvoir politique. Les mouvements de résistance contactés se réclament suivre les idées politiques de personnalités historiques et idéologies suivantes : Lumumba ( héros de l'indépendance du Congo), Alvaro 1er et 2ème, Sina Nguvu ( opposition à la pénétration portugaise dans le Royaume Congo et à la traite des noirs), MAU-MAU du Kenya, Simon Kimbangu, Bushiri du mouvement Kitawala. Notons que 7 chefs militaires ont déclaré incarné les idées de Laurent-Désiré Kabila tout en les situant dans le prolongement de Lumumba.

Cet objet est transmis lors de la socialisation, précisément dans les enseignements sur les grandes figures de la résistance africaine contre la domination de l'Occident, les chansons révolutionnaires dont voici un extrait :

Congo niya wa congomani

Congo niya wa congomani

Tu ungane wote kwaku gomboa inchi yetu

Ogopa Mungu ni mwanzo wa hekima

Tuna kataa unyanyasi na uvamizi wowote

b) Valeurs

Le « mai-maisme » prône certaines valeurs, notamment : la nation, l'égalité, la justice, le respect des traditions, la démocratie. L'idéologie mai-mai milite pour l'unité de tous les congolais. Il met l'accent sur l'égalité des chances, c'est-à-dire la prise en compte de toutes les couches sociales dans la planification nationale et le traitement équitable devant la loi. La valeur de la justice insiste sur le partage équitable des ressources sans discrimination. Le respect des traditions et le recours aux valeurs traditionnelles pour la construction d'un Etat fort. Ainsi, un accent particulier est accordé aux religions traditionnelles. La

démocratie implique la participation de tous les citoyens à la gestion de la société.

c) But

Le but poursuivi par l'idéologie mai-mai est d'empêcher toute action de domination des populations congolaises. L'élimination des groupes ethniques n'a pas été vérifiée pour le cas du Sud-Kivu comme but des mouvements de résistance. C'est plutôt le conflit à caractère foncier et/ou politique qui à plusieurs circonstances, a poussé les communautés des territoires de Fizi et d'Uvira dans la lutte ouverte en se servant des mouvements de résistance.

d) Moyens d'action

Le « mai-maisme » prône la lutte armée comme mode d'expression. Tous les mouvements de résistance actuels ont choisi la voie de la violence, la lutte armée comme moyen d'action pour atteindre leur but.

e) Ressources

Deux types de ressources ont été identifiés dans l'idéologie mai-mai : les ressources symboliques ainsi que les ressources humaines et matérielles.

- Ressources symboliques

Les ressources symboliques sont constituées de tous les idéaux culturels mis en évidence par le « mai-maisme » pour se donner une identité propre et mobiliser l'adhésion. Parmi les symboles, l'on note les pratiques magico-religieuses et la notion. Il convient de souligner que les moyens symboliques sont les points forts de l'idéologie mai-mai.

- Ressources matérielles et humaines

Comme indiqué au premier chapitre, l'idéologie mai-mai a utilisé les moyens matériels et humains. Si les ressources humaines ont dans une certaine mesure été importantes, il n'en a pas été autant pour les ressources matérielles et financières qui, par contre, sont faibles par rapport au but poursuivi.

- Stratégies

Les stratégies d'action qui se profilent au sein du « maimaisme » sont, d'une part, la socialisation partisane à travers les rites, les chansons, les enseignements ; la voie médiatique ainsi que la préparation militaire par les exercices aux combats ; et d'autre part, l'occupation politico-militaire des espaces par la lutte armée.

- Portée

Le « mai-maisme » est une idéologie à portée nationale. Elle s'adresse à la société congolaise et relève, de ce fait, des idéologies nationales selon la classification du sociologue Guy Rocher.

Nature du « mai-maisme »

L'idéologie mai-mai est essentiellement politique. Ses idées fondamentales constituent une vision sur les fonctions de l'Etat, précisément sa mission régalienne et ses fonctions sociales, économiques. A ce titre, elle s'oppose à toute attitude passive de l'Etat devant une menace extérieure d'une part, et aux inégalités sociales et politiques des sociétés rurales, d'autre part.

Partant de ces caractéristiques du "mai-maisme" et au regard des observations empiriques, nous pouvons dégager les forces et les faiblesses de l'idéologie mai-mai.

4.1.2. Forces et faiblesses du « mai-maisme »

A l'instar d'autres idéologies, le « mai-maisme » aligne des forces et faiblesses. Ces dernières ne lui enlèvent pas sa nature idéologique.

Forces

Nous retenons comme forces de l'idéologie mai-mai les catégories suivantes : la mise en valeur du contexte de crise, la manipulation des symboles et valeurs traditionnelles, le rôle hégémonique.

- La mise en valeur du contexte de crise

Le << mai-maisme » a pris un essor considérable pendant la période de crise profonde au sein de l'Etat congolais. C'est effectivement au moment de la présence des troupes étrangères sur le sol congolais en appui aux différentes rebellions que le mai-maisme s'est confirmé comme une vision contraire à l'impérialisme, à la domination civilisatrice au 20e siècle finissant et au pillage des richesses nationales. L'influence psychologique du << mai-maisme » lui a permis de canaliser les opinions tant en milieu rural qu'en milieu urbain. En plus, ce contexte d'instabilité a légitimé le mai-maisme comme << stratégie sécuritaire » et la << violence protestataire ou révolutionnaire »90 utilisée comme moyen d'action.

- Le rôle hégémonique substitutif

Les situations conjoncturelles liées aux guerres, notamment l'occupation des vastes étendues du territoire national par des mouvements rebelles et leurs alliées, et par conséquent la partition de facto du pays, n'a pas permis à l'Etat congolais d'exercer sa fonction

90 J. NIMUBONA, « La résolution des conflits au Burundi : Processus, acteurs, enjeux et incertitudes » in Afrique des Grands- lacs. Sécurité et paix durable, Butare, Ed. de l'Université Nationale du Rwanda, 2004 p. 149

idéologique. Le vide créé par ce fait a permis au "mai-maisme" de substituer à l'Etat dans son rôle hégémonique. Les populations sous administration des rebellions ont développé un mythe sur le "mai-maisme" considéré à ce moment comme le seul recours idéologique pour protéger le territoire national. Dans les zones rurales, l'adhésion et le soutien au mai-maisme ont été réels tandis que dans la ville de Bukavu ceux-ci n'ont été que virtuels. Toutefois, les enquêtes démontrent que les mouvements de résistance ont bénéficié des appuis divers de la société civile sous diverses formes (vivres, habits, argent, médicaments, conseils).

- La manipulation des symboles et valeurs traditionnelles.

La symbolique « nation » placée au centre des idées des mouvements de résistance a valu à leur idéologie un droit de cité sur le plan national et local. Quant aux valeurs traditionnelles, leur congruence avec les schèmes culturels des populations locales (rurales et urbaines) a renforcé la confiance et mobilisé les soutiens en termes d'adhésion ou d'appuis matériels.

- Le choix de la lutte armée comme moyen d'action.

Le « mai-maisme » a réellement rempli sa fonction praticosociale en adoptant la voie de l'arme pour barrer la route à l'occupation du territoire qui se pratiquait par la même voie. Cette expression praxéologique a rapporté au « maimaisme » plus de considération que les idéologies exclusivement théoriques dominantes dans les milieux urbains.

Les faiblesses

Les faiblesses du « mai-maisme » sont entre autres une structuration désarticulée, les conflits internes, l'insuffisance des ressources financière et matérielles, la prédominance des croyances magico-superstitieuses, la confusion entre le local et le national,

l'insuffisance des cadres instruits, l'absence des relations avec l'extérieur, l'ouverture à la manipulation et à la récupération politiques.

- Une structuration désarticulée

Les organisations qui incarnent le "mai-maisme" ont opéré sans une coordination d'ensemble. Elles étaient éparpillées et parfois isolées. Toutefois, il faut souligner que les opérations militaires contre le RCD étaient coordonnées dans une structure appelée Opération Sud-Sud (O.P.S.S) regroupant toutes les forces dites résistantes de l'Est appelée d'abord secteur opérationnel Est (SOE) puis SOSE (Secteur Opérationnel Sud-Est). Cette coordination, n'a pas fait longtemps suite aux malentendus entre mouvements de résistance, lesquels étaient fondamentalement liés aux conflits d'intérêts.

Par ailleurs, il convient de relever le caractère contingent des objectifs qui ont variés selon les circonstances : lutter contre les agresseurs rwandais, protéger l'unité du pays, protéger les populations civiles et autochtones contre toute menace, protéger les communautés et leurs terres contre les velléités des communautés voisines, etc.

- L'insuffisance des ressources financières et matérielles

L'insuffisance des moyens financiers et matériels est un aspect limitatif du « mai-maisme » surtout dans sa dimension axiologique et de diffusion. En effet, la diffusion d'un système de pensées est fonction des moyens mis en oeuvre. Le mai-maisme est resté une idéologie trop localiste faute des capacités d'expansion sur d'autres horizons. Point n'est besoin de démonter de nouveau que les mouvements de résistance ont manqué les moyens matériels et financiers pour réussir leur but. Cette faiblisse est bel et bien reconnu par tous les 14 chefs des mouvements de résistance interrogés à cette fin.

- La prédominance des croyances magico-superstitieuses

Le « mai-maisme » met l'accent sur le culte de la magie et de la superstition. Des telles pratiques cherchent à poursuivre des buts pratiques en utilisant des moyens métaphysiques dont la logique de l'action est difficile à démontrer. La négligence des entrainements militaires au profit des rituels magico-superstitieux a des effets négatifs sur la qualité des éléments des troupes. Les pertes en vies humaines lors des combats ont fait fuir certains combattants rescapés. 7/76 ex combattants ont estimé que « les fétiches » sont une tromperie car nombreux de leurs compagnons mouraient au front malgré le rituel d'invulnérabilité.

- Confusion entre le local et le national

Comme démontré plus haut, les mouvements de résistance ont oeuvré dans les limites culturelles de leurs communautés et non sur les frontières nationales. Ce qui rend le "mai-maisme" une idéologie localiste et non nationaliste dans la pratique. Cela est d'autant défendable car on ne peut affirmer que la multiplicité non coordonnée signifie une vision nationale. C'est plutôt, nous semble-t-il, une division du travail non conventionnelle consacrant une configuration localiste du "mai-maisme".

- L'insuffisance des cadres instruits

Le mai-maisme n'est pas l'émanation des cercles d'érudition mais plutôt des ruraux caractérisés par un faible niveau d'instruction. Les recherches empiriques font état d'un niveau moyen d'instruction de 3e secondaire pour les chefs de mouvements de résistance et de 4e primaire par les combattants. Ce niveau d'instruction situe les responsables à une immaturité intellectuelle criante et à l'illettrisme ne pouvant pas leur permettre de concevoir et d'appliquer une structuration fonctionnelle et efficace. A cet effet, il y a lieu d'établir une corrélation entre le faible

niveau d'instruction constaté ainsi que la prédominance des pratiques superstitieuses et la structuration désarticulée.

Jusqu'en 2008, à l'occasion de la conférence de Goma, tous les mouvements de résistance opérationnels n'avaient pas encore intégré la branche politique. La contrainte d'en avoir leur imposée par les organisateurs les a conduits à constituer des branches politiques formées en général par des cadres universitaires. Le clientélisme et la précipitation, l'influence de la parenté et surtout l'opportunisme ont caractérisé le choix desdits cadres politiques à cause des promesses des postes politiques et administratifs ainsi que les avantages financiers liés à la participation à cette conférence. Les branches politiques ont joué un rôle représentatif dans la conférence et au sein du programme Amani sans faire preuve d'un impact idéologique dans de leurs mouvements de résistance respectifs.

- L'absence des relations avec des formatons politicoidéologiques étrangères

Le mai-maisme privilégie des relations au niveau local et national mais ne s'est pas ouvert aux organisations politico-idéologiques extérieures. Ceci peut être justifié par la valorisation des principes ésotériques, l'insuffisance des moyens matériels et financiers, le manque des cadres engagés. Seul l'ancien mouvement de résistance Mai-Mai Padiri a prétendu avoir entretenu des relations avec le parti socialiste belge spécialement dans le cadre d'ouverture en attendant la coopération idéologique et matérielle.

- La manipulation et la récupération politique

politiques menées tantôt par le Pouvoir légal tantôt par la société civile tantôt par le mouvement rebelle du R.C.D., tantôt des communautés tribales. La manipulation a consisté à influencer le « mai-maisme » à travers les mouvements de résistance pour servir les intérêts idéologiques, politiques ou matériels des autres forces politiques et communautés. En effet, deux sujets d'enquête qui ont oeuvré au sein du Bureau de coordination de la société civile ont reconnu qu'il a existé des liens directs entre les mouvements de résistance et la société civile mais, précisent-ils, dans le but de les organiser et de les soutenir matériellement à travers des bienfaiteurs. Huit sur quatorze mouvements de résistance nous ont déclaré qu'ils ont des relations avec des structures ecclésiastiques catholique et protestante locales ainsi qu'avec certaines personnalités du monde des affaires dans le cadre de l'assistance matérielle. Les deux anciens mouvements de résistance ( Mai-mai de Bunyakiri et Mai-mai de Fizi) et six actuels mouvements ont déclaré avoir entretenu des bonnes relations avec le Gouvernement et l'Armée nationale pour plusieurs motifs : offensive contre la rébellion du R.C.D., traque de la mutinerie de Mutebusi, combat contre les F.D.L.R., etc. Avec les communautés rurales, le mai-maisme a été utilisé pour alimenter les conflits dans les luttes ouvertes à Fizi et Uvira, en particulier.

Quel que soit l'objectif, l'infiltration du mai-maisme par des influences extérieures, le fragilise et son autonomie de pensée et d'action est fortement réduite.

La récupération politique est la conséquence de la manipulation. Les deux ont contribué à la transfiguration politique des mouvements de résistance, et partant, à l'affaiblissement du « maimaisme ». Deux processus ont été déclenchés à ce sujet : la création des partis politiques à partir du « mai-maisme » et l'intégration des troupes dans l'armée nationale. La première étape (transition instituée par l'Accord Global et Inclusif) a vu naître quelques formations politiques à tendance « mai-maiste », à savoir les patriotes résistants Mai-Mai

(P.R.M.), le mouvement Mai-Mai (MMM), le PANAM ainsi que l'intégration des combattants dans l'armée et la démobilisation des autres. Les partis politiques créés ont participé aux élections de 2006. Cependant, à la suite d'un manque de suivi et d'encadrement des structures de base par les leaders mai-mai qui ont occupé des fonctions élevées pendant la transition, il y a eu la désagrégation des bases existantes et la désintégration des acteurs individuels. La seconde étape (après les élections) est celle en cours, et qui oblige les mouvements de résistance à la reconversion politique et à l'intégration dans l'armée nationale. A ce stage, leurs formations politiques ne sont pas encore constituées officiellement et l'intégration dans l'armée se trouve à l'étape du regroupement et de la formation dans des centres.

4.1.3. Que reste-t-il du mai-maisme ?

Ce paragraphe, au titre interrogatif, n'annonce pas la fin du « mai-maisme ». Il ouvre une réflexion sur l'existence de ce système d'idées en dehors des mouvements de résistance appelées à disparaître en réponse aux dynamiques politiques nationales.

Au regard des recherches empiriques, il y a lieu de soutenir que le « mai-maisme » reste présent dans les communautés rurales surtout dont il provient. La mémoire collective dans les milieux ruraux au Sud-Kivu le considère comme une source d'idées protectrices des communautés. Toutes les personnes ressources interrogées en milieu rural (les bami, les notables) regrettent la reconversion des mouvements de résistance. Les mécanismes nationaux mis en place pour cela sont suspectés d'être à la solde d'un courant extérieur pour la balkanisation du pays voire l'expropriation des terres ancestrales. Dès lors, il nous semble que la militarisation des communautés rurales et le maintien des valeurs symboliques qui fondent le mai-maisme pourraient le pérenniser.

132
4.2. Rôle contradictoire des mouvements de résistance dans la

construction de la culture politique démocratique

Tels qu'analysés plus haut, les mouvements de résistance ont progressivement intériorisé des ambitions politiques. Leur participation aux processus politiques pendant la transition, aux élections et après ces dernières le prouve suffisamment. Le rôle effectivement joué dans ces processus recèle des contradictions que la présence section se propose d'analyser.

4.2.1. Participation politique ou sociétés contre l'Etat

Participation politique

Point n'est besoin de revenir sur l'analyse politiste qui se dégage des actions des mouvements de résistance comme un mode de participation politiques dans l'espace politique et social national. Les faits suivants justifient cette perspective théorique et empirique : la participation aux négociations politiques de Sun City qui ont débouché sur l'Accord Global et Inclusif en décembre 2001 ; la participation dans les institutions politiques et d'appui à la démocratie de la transition issue de l'Accord sus-évoqué ; la démobilisation de certains éléments soit volontairement soit pour cause d'invalidité ou d'âge (mineurs) ; la création des partis politiques à tendance mai-maiste ; la participation au processus électoral de 2005-2006.

Par ailleurs, les mouvements de résistance à travers leur idéologie ont justifié leur action essentiellement par la défense du territoire national menacé et envahi par les pays voisins qui exécuteraient l'agenda de balkanisation de la R.D.C. pour des fins inavouées. Cette vision soutenue par la logique de la guerre a produit un impact réel notamment dans l'encadrement idéologique des populations et la lutte

armée contre la progression militaire des forces rebelles soupçonnés d'être à la solde de l'étranger.

Sociétés contre l'Etat et refus de la modernité

- Société contre l'Etat

Le concept de « société contre l'Etat » est utilisé par Pierre Clastres dans une étude d'anthropologie politique sur les sociétés amérindienne et indienne. Il démontre la résistance desdits sociétés à l'événement de l'Etat comme mode d'organisation du pouvoir moderne. Il note à ce sujet ce qui suit :

« Mais, jusque dans l'expérience extrême du prophétisme (...), ce que nous montrent les sauvages, c'est l'effort permanent pour empêcher les chefs d'être de chefs, c'est le refus de l'unification, c'est le travail de conjuration de l'un, de l'Etat. L'histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l'histoire de la lutte des classes. L'histoire des peuples sans histoire, c'est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l'histoire de leur lutte contre l'Etat » (91).

Tout en regrettant l'archaïsme conceptuel choisi par Pierre Clastres en utilisant des concepts désuets de l'anthropologie sociale et culturelle car teintés d'ethnocentrisme (sociétés primitive, société sans histoire, société sans Etat), il y a lieu de trouver un élargissement épistémologique du concept « société contre l'Etat » dans le cadre de la présente étude.

Les sociétés rurales ont connu l'évènement de l'Etat depuis l'époque coloniale. L'Etat colonial a fonctionné à côté des structures sociales, politiques et économiques traditionnelles. L'indépendance n'a pas bouleversé l'ordre politique traditionnel car le pouvoir coutumier a été

91 P. CLASTRES, Société contre l'Etat, Paris, Editions de Minuit, 1974, p.186.

maintenu. Comme pendant la colonisation, les sociétés rurales ont gardé leurs structures. À cet effet, la vie en communauté est restée organisée par les coutumes et traditions, donnant une place prépondérante aux autorités coutumières, à la famille. Dans ces conditions, la position de l'Administration a été dans la pratique, fragilisée au point de jouer fondamentalement deux rôles : un rôle représentatif de l'Etat au village et un rôle de prélèvement des impôts sur les activités agricoles.

Cette position marginale de l'Etat devant les structures politiques et sociales paysannes fonctionnelles et dominantes a été renforcée par le dysfonctionnement de l'Etat qui, en toute évidence, n' a pas assuré ses fonctions essentiels vis-à-vis des communautés rurales. L'autoprise en charge rurale a influencé le développement des mouvements de résistance dans le but de se protéger contre la menace extérieure ou des communautés voisines.

Dans cette perspective, les communautés rurales du SudKivu se comportent en sociétés contre l'Etat dans la mesure où elles cherchent à entretenir les M.R comme structure permanente de sécurisation communautaire et non l'armée nationale d'une part et n'assimilent pas l'ordre politique et administratif institué par l'Etat en valorisant les coutumes et traditions locales.

- Refus de la modernité

La modernité est fondamentalement définie par rapport au triomphe de la raison dans la conception et la production de la société. Dans la révisitation que fait Alain Touraine sur le concept de la modernité, il retient cette signification tout en la critiquant et en l'élargissant tel qu'on peut le lire dans les considérations suivantes :

« si la modernité ne peut pas être définie seulement
par la rationalisation et si, inversement, une vison de la
modernité comme flux incessant de changement fait

trop bon marché de la logique du pouvoir et de la résistance des identifiés culturelles, ne doivent-il pas clair que la modernité se définit précisément par cette séparation croissante du monde objectif, créé par la raison en accord avec les lois de la nature, et du monde de la subjectivité, qui est d'abord de l'individualisme, ou plus précisément celui d'un appel à la liberté personnelle ? La modernité a rompu le monde sacré, qui était à la fois naturel et devin, transparent à la raison et crée. Elle ne l'a pas remplacé par celui de la raison et de la sécularisation, en revoyant les fins dernières dans un monde que l'homme ne pourrait plus atteindre ; elle a imposé la séparation d'un sujet descendu du ciel sur terres, humanisé, et du monde des objets, manipulés par les techniques. Elle a remplacé par l'unité d'un monde créé par la volonté divine, la raison ou l'histoire, par la dualité de la rationalisation et de la subjectivisation » (92).

Selon lui, deux principes fondent la société moderne : l'action rationnelle et la reconnaissance des droits universels à tous les individus (93).

A travers les mouvements de résistance et le « maimaisme », il s'observe un rejet de la modernité. Cette dernière est un système de pensées dont la démocratie, les droits de l'homme, la morale, l'Etat font partie des idéaux. En effet, le « mai-maisme » voit dans le pouvoir traditionnel, les coutumes une valeur transcendantale qu'il faut protéger contre la démocratie et l'Etat. Les droits de l'homme ne trouvent une signification que dans la société culturellement définie. La religion occidentale est totalement abandonnée dans le mai-maisme en faisant recours à la religion africaine, à la cosmogonie noire. Pourtant, depuis d'un siècle, les religions occidentales s'efforcent de conquérir la sphère religieuse des sociétés rurales dans la Province du Sud-Kivu. Le

christianisme dominant dans cette partie du pays, n'est il pas une religion de façade pour s'intégrer à l'ordre national et international et non une identité religieuse impliquant des terminismes de pensées et d'action.

Cependant, si la modernité semble être rejetée comme idéaux, il ne l'est pas pour autant de ses produits issus de la technique ou de la technologie. Ainsi, les mouvements de résistance utilisent les armes à feu, les moyens de communication (téléphone, internet, radio et télévision, ...). C'est un usage de la modernité par nécessité.

4.2.2. Citoyenneté en question

- Regard théorique

La citoyenneté suppose l'appartenance à une identité

nationale et le respect des droits et devoirs reconnus par la société. En

accord avec Fred constant (94), nous pouvons retenir les attributs suivants

à la citoyenneté : idéal, manifestation de l'identité nationale, ensemble de

droits et d'obligations, participation active à la vie de la cité, ensemble de

facilités morales. Il retient également trois dimensions de la citoyenneté à

savoir : les dimensions statutaire, affective et identitaire.

S'agissant de la dimension identitaire, il précise ce qui suit :

« Loin d'être un simple rouage fonctionnel, la citoyenneté « marche au symbolique ». Elle est partie de la « chanson de geste » de l'Etat républicain. Elle tient au sentiment d'appartenance à une collectivité politique qui utilise réélabore les liens primordiaux préexistants à l'Etat en les transférant à son profit. Elle est cette formule magique qui dissimile la cruauté des rapports sociaux et l'inégalité des conditions par une projection des individus, indépendamment de leur localisation dans la structure sociale et la division du travail, dans la communauté nationale dont le caractère

94 F. CONSTANT, La Citoyenneté, Paris, Edition Montchrestien, 1998, pp.26-33.

abstrait n'a d'égale que l'égalité parfaite de ses membres » (95).

Dans le même ordre d'idées, Alain Touraine ajoute :

« Historiquement, le sujet moderne s'est incarné d'abord dans l'idée de citoyenneté, qui a imposé le respect des droits politiques universels par - delà toutes les appartenances communautés. Une expression importante de cette séparation de la citoyenneté et des communautés est la laïcité, qui sépare l'Etat des Eglises » (96).

Cette conception théorique est confortable au phénomène social total qu'est le « mai-maisme »ou le mouvement de résistance. Des contradictions s'en dégagent dans la manifestation.

- Regard empirique

Dans l'analyse précédente, il a été démontré que le déploiement idéologique des mouvements de résistance se limite aux entités géographiques et culturelles tribales, et qu'en conséquence il y a absence d'une rupture entre l'indenté tribale et l'identité nationale.

Par rapport à la citoyenneté, cette contradiction entre le tribal et le national fait émerger l'identité tribale ou locale au détriment de l'identité nationale facteur de la cohésion sociale et de l'efficacité de l'Etat. Egalement, les droits et devoirs définis par les traditions et coutumes prennent une emprise sur les lois nationales et la morale en les fragilisant et en instituant une culture de la violence. De ce fait, le « mai-maisme » peut être une source de désintégration sociale des masses rurales. N'est pas le refus d'un ordre moderniste qui ne reconnait pas leurs schèmes de pensée et leurs expériences en tant que sociétés particulières. Dès lors, les lois sont bafouées notamment en ce qui concerne les droits humains,

les libertés fondamentales et devoirs du citoyen tels que définis par le texte fondamental du pays.

4.2.3. Historicité par la violence

Au terminus de cette analyse, il parait complet d'interroger les faits sur la possibilité de construire une historicité par le « maimaisme » qui maintient la culture de la violence dans les processus de lutte et négociation qui s'imposent à toute société dans un continuum construction - destruction - reconstruction. D'emblée, la thèse d'une historicité par la culture de la violence n'est pas soutenable en ce qui concerne la modernisation (97) du Sud-Kivu en particulier et de la R.D. Congo en général. Cependant, l'hypothèse de construire un système d'idéaux à partir du « mai-maisme » sur lesquels peut être fondée l'historicité de la Nation congolaise est théoriquement riche et défendable tant qu'il transparait dans cette idéologie des valeurs telle que la nation, la patrie, l'identité culturelle, etc. Faudra-t-il alors identifier ces processus sociaux qui freinent son affirmation « modernisée », et qui rendent désintégré et inopérant le « mai-maisme ». «Au banc des accusés » se trouvent l'éthnicisme et les conflits communautaires qui germent dans sa philosophie. Bien sûr, en tant que mouvements sociaux, les mouvements de résistance ne peuvent s'empêcher d'une dimension conflictuelle ou de la violence comme l'a démontré Alain Touraine en affirmant ce qui suit :

« La crise des institutions touche encore plus l'Etat que les relations de travail, et la globalisation affaiblit ou détruit la capacité de nombreux pays, surtout parmi les plus pauvres, de se doter d'un Etat. C'est la violence qui remplace l'espace du traitement institutionnel des conflits. (...) L'Afrique centrale, de la région des Lacs jusqu'à la République Démocratique du Congo et

97 Le sens de la modernisation est emprunté à Alain Touraine pour qui, la modernisation combine la modernité avec des champs culturels et sociaux différents les unes des autres. Aucune société n'a le doit d'identifier sa modernisation à la modernité. (A. TOURAINE, 2005, p.384).

récemment la Côte d'Ivoire, est marquée par cette violence, de même que partout où l'Etat est détruit ou affaiblit. La violence règne aussi dans les zones rurales où les conflits ethniques ou régionaux ne sont plus contenus par la puissance étatique (...) » (98).

CONCLUSION

Le mai-maisme s'est depuis un temps défini comme un système de pensée plutôt qu'une organisation occasionnelle des communautés pour se défendre. Il a des forces et limites. Ces dernières entraves son intégration et son émergence. Ce qui lui confère un statut marginal et l'empêche d'impulser une culture politique véritablement démocratique.

98 A. TOURAINE, Penser autrement, Paris, Fayard, 19....., p. 227.

CONCLUSION GENERALE

Au terme de ce travail, il importe de souligner qu'il s'inscrit dans le champ épistémologique de la sociologie politique et de l'anthropologie politique. Il est consacré à l'étude des fondements des idéologies des mouvements de résistance et leurs actions protestataires en tant que phénomène social total. Pour dégager en aval, le rapport entre le mouvement de résistance et la culture politique dans un processus interactionniste, nous avons manipulé, en amont, les catégories analytiques suivantes : fondements idéologiques, actions protestataires, culture politique et actions protestataires ou revendicatrices.

Le choix du Sud-Kivu comme champ d'étude tient au fait qu'il est un système social autonome et intégré au système national. Le phénomène de mouvement de résistance s'y manifeste à l'instar des provinces du Nord-Kivu et du Maniema. Dans les 3 provinces du Kivu ancien, il est évident que la production du phénomène mai-mai n'a pas été identique. Dans son article cité par F.D. Amuri Misako, A. Mwaka Bwenge précise que :

« Le phénomène Mayi-Mayi reste enraciné dans les contradictions locales au Kivu, en Afrique des Grands Lacs, et dans le nouvel ordre mondial qu'il serait biaisé de n'y voir qu'une réalité récurrente ne s'enracinant que dans les problèmes fonciers et identitaires caractéristiques de province du Nord-Kivu et, dans une certaine mesure, du Sud-Kivu (...) » (99).

Le constant sur l'existence réelle des mouvements de résistance au Sud-Kivu a alerté notre esprit scientifique. Ainsi, nous avons

99 A. MWAKA BWENGE, « Les milices mai-mayi à l'Est de la République Démocratique du Congo : dynamique d'une gouvernementalité en situation de crise » in Revue africaine de sociologie 7, 2003, p. 86 cité par F.D. AMURI MISEKA, Op.cit, p.8.

cherché à répondre à un questionnement sur les fondements de leurs idéologies et la nature des actions revendicatrices d'une côté, ainsi que sur le rôle du système d'idées dans la construction d'une culture politique démocratique. C'est donc, la recherche du pourquoi de la persistance des idéologies de résistance dans un processus de démocratisation.

Partant de ce questionnement, nous avons formulé les hypothèses dans les termes ci-dessous:

Les mouvements de résistance au Sud-kivu tirent leurs origines dans les rebellions historiques connues dans le Kivu.

Les idées contestataires qui ont présidé à la formation-déformationreformation des mouvements de résistance au Sud-Kivu sont justifiables du contexte de guerre et de l'inefficacité des pouvoirs publics à résorber les tensions sociales et à assurer l'intérêt général. Cette crise conjoncturelle a permis de légitimer les idées protestataires dont la manifestation sous forme de mouvement de résistance est une expression collective du refus de l'ordre politique établi.

L'idéologie des mouvements de résistance a pour soubassement l'effondrement de l'Etat, l'exclusion dans le système politique national des communautés rurales et l'éclosion des survivances révolutionnaires. Les actions menées sont de nature violente.

Le choix de la violence attribue aux mouvements de résistance un rôle freinateur pour la construction d'une culture démocratique qui se veut pacifiste et légaliste.

Après l'analyse des faits, il se dégage que la résurgence des mouvements de résistance au Sud-Kivu est essentiellement liée au contexte de crise politique en RD Congo, se trouvant dans le prolongement des rebellions existantes au début de l'indépendance de la R.D. Congo. Né dans un contexte nouveau caractérisé par la présence du mouvement rebelle du R.C.D. avec ses alliées, le Rwanda et l'Ouganda, les mouvements de résistance ont été des acteurs dans les conflits violents et dans le processus de négociation politique conduisant à leur

transfiguration. Par ailleurs, ils sont nés également de la cristallisation des conflits identitaires et fonciers entre les communautés. En dehors de ce socle de violence, les mouvements de résistance trouvent leur émergence dans une prise de conscience des communautés rurales en imposant leur participation dans le système national longtemps dominé et géré par le milieu urbain. D'une manière générale, il s'observe une rupture avec les anciennes rébellions quant à leur permanence dans les milieux ruraux à l'exception des mouvements de résistance de Fizi. Toutefois, il y a lieu de relever la contagion dans certaines représentations comme les rites superstitieux. Ces derniers ont joué un rôle psychologique certain sur l'engagement des combattants, en même temps qu'ils ont servi d'élément identitaire aux groupes armés qui les pratiquent.

Les moyens mis en oeuvre ont plus valorisé les ressources humaines et symboliques en négligeant les ressources matérielles et financières perçues comme hasardées et contingentées. Ceci explique en partie l'occupation des espaces tribaux ou claniques.

En tant que mouvement social au sens tourainien, les mouvements de résistance, loin d'être des forces négatives, sont des acteurs au processus historique, et sont porteurs des projets propres avec des logiques protestataires, parentales, nationales ou ethniques. Les projets tirent leur source dans le système d'idées véhiculé sous forme d'une idéologie, laquelle a des fondements à la fois matériels et immatériels. En effet, les fondements des mouvements de résistance présentent trois axes à savoir : philosophico-psychologique, historicopolitique et anthropo-sociologique. La recherche empirique démontre que l'axe philosophico-anthropologique retient des variables plus favorables liées aux aspects ontologiques (lien mythique entre l'homme et la terre ainsi que le souci de la protection du territoire) et aux aspirations naturelles de l'homme (la liberté, la justice, les valeurs culturelles). Toutefois, l'influence des bases historico-politiques comme l'effondrement de l'Etat, l'éclosion des survivances révolutionnaires et la recherche du

pouvoir ou celles anthropo-sociologiques comme l'isolement des sociétés rurales, la superstition et la conception traditionnaliste de l'Etat ne sont négligeables. Il y a lieu de remarquer que les bases de l'idéologie des mouvements de résistance sont plus immatérielles que matérielles. Cependant, les variations constatées dans les pratiques et systèmes de pensées rejettent le principe de l'immuabilité des essences de leurs idées mais elles confirment le relativisme de leurs bases idéologiques100.

Les actions protestataires ne sont pas que violentes mais aussi la mise en place d'un système de gestion des entités contrôlées. La violence s'est manifestée par les combats engagés, les viols et extorsion, les tueries et massacres, etc. Quant à l'administration des entités, les mouvements de résistance ont, dans certaines entités, exercé les attributs de l'Etat en exerçant de l'autorité sur des populations. Cependant, leur pouvoir était en confit avec le pouvoir coutumier et celui des autorités légalement établies. Dès lors, ces actes sont contradictoires avec les discours et les représentations exprimées en termes de salut, de protection ou de revendication de la liberté et de la justice.

Entant que système d'idées, le «mai-maisme » est une idéologie qui dans sa matérialisation aligne des forces et faiblesses. Plutôt que de parler de son caractère spontané, il faut voir sa permanence latente ou manifeste selon les circonstances. Il se présente comme recours idéologique des sociétés rurales pour se défendre ou mener une protestation ou une revendication. Certes, la diffusion de ce système de pensée est trop faible à cause de son caractère ésotérique, de l'insuffisance des moyens matériels et financiers et des qualités intellectuelles limitées de ses acteurs101. C'est pourquoi, le « maimaisme » reste mal connu.

100 La généralisation faite par Karl Mannheim sur les courants d'études en sociologie de la connaissance exclue l'immuabilité des essences des idées et soutient leur relativisme.

101 L'étude de la diffusion des connaissances en sociologie a été menée par Florian Znaniecki en s'inspirant des hypothèses émises par Georges Herbet Mead sur la communication. ( Lire à ce sujet, F. ZNANIECKI, The social role of the man of knowledge, New York, Colombia University Press, 1940.)

Devant les processus de consolidation de l'unité nationale dans un Etat pluraliste, les mouvements de résistance apparait comme une idéologie désintégrée. En valorisant l'ethnie ou la tribu, le maimaisme privilégie la culture politique paroissiale, et empiète sur la citoyenneté. L'identité nationale est remise en cause au profit d'une identité tribale ou clanique. Les droits et devoirs du citoyen sont systématiquement violés dans un cycle de violence récurrente.

Il semble se dégager des considérations précédentes que les idéologies de résistance persistent suite à la désintégration du système politique nationale mais aussi à leur permanence dans les schèmes culturels des communautés ethniques ou tribales. Elles relèvent d'une réalité structurelle des sociétés concernées, et sont utilisées par ces dernières comme moyen et stratégies pour une participation politique. Autrement dit le « mai-maisme » n'est pas un élément isolé mais plutôt une idéologie insérée dans la culture globale des sociétés qui y recourent. Il est effectivement encré dans les schèmes mentaux des sociétés rurales étudiées. Leur rapport conflictuel avec la société globale a, dans une certaine mesure, influencé la circulation de l'élite politique et militaire.

Cette étude, pour en finir à ce stade, est aboutie aux résultats susceptibles d'ouvrir aux recherches ultérieures sous forme d'hypothèses sur le mouvement de résistance. De ce fait, elle reste perfectible. Parmi les perspectives possibles de recherche, nous pouvons indiquer l'étude du rapport entre le mai-maisme et le développement politique dans le but d'élaborer un modèle théorique d'explication de la construction de la paix en zone post-conflit. Comme étude appliquée, il nous sera important de circonscrire sémantiquement et épistémologiquement le concept de zone post-conflit en tant que typeidéal pour le rendre scientifiquement opérationnel et expliquer davantage le mai-maisme comme système de pensée.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE 0

CHAPITRE PREMIER : CONSIDERATIONS GENERALES, THEORIQUES ET

METHODOLOGIQUES 15

Introduction 15

1.1. Le Sud-Kivu :un espace géographique, politique et multiculturel 15

1.1.1. Le Sud-Kivu comme espace géographique 16

1.1.2. Le Sud-Kivu comme espace politique 18

1.1.3. Le Sud-Kivu comme espace multiculturel () 19

Le Sud-Kivu est formé des populations appartenant à plusieurs communautés ethniques. L'ethnographie du Sud-Kivu retient une diversité de groupes ethniques notamment : 19

1.2. Démarche de la recherche 21

1.2.1. Sujet d'étude et mode de raisonnement 22

1.2.2. Cadre théorico-conceptuel 25

1.2.2.1. Construction théorique 25

1.2.2.2. Conceptualisation de l'étude 36

1.2.2.3. Culture politique 38

1.2.2.3. Fondement idéologique 40

1.2.2.4. Actions protestataires 41

1.2.2. Aspects méthodologiques de l'étude 44

1.2.3.1. Phases de la recherche 44

1.2.3.2. Techniques d'investigation utilisées 47

1.2.3.3. La méthode d'analyse 51
CHAPITRE DEUXIEME : SOCIOGENESE, PHYSIONOMIE ET DISTRIBUTION

GEOGRAPHIQUE DES MOUVEMENTS DE RESISTANCE AU SUD-KIVU. 54

INTRODUCTION 54

2.1 Héritage historique 55

2.2.1. Sociogénèse, physionomie et Leadership des 59

mouvements de résistance. 59

2.2.1.1. Les mouvements de résidence à tendance nationaliste

hérités des rebellions. 59

2.2.1.2. Mouvements de résistance nés du contexte de guerre 61

2.2.1.3 Mouvements de résistance nés de l'opportunisme politique.

70

2.2.1.4. Mouvement de résistance de défense locale. 71

2.2.1.5. Mouvements de résistance à tendance ethniciste 72

2.2.2. Structuration et occupation géopolitique des mouvements de

résistance au Sud-Kivu. 72

2.2.2.1 Structuration 72

2.2.2.2. Occupation géopolitique 83

CHAPITRE TROISIEME : FONDEMENTS IDEOLOGIQUES ET ACTIONS

PROTESTATAIRES DES MOUVEMENTS DE RESISTANCE 88

INTRODUCTION 88

3.1. FONDEMENTS IDEOLOGIQUES DES MOUVEMENTS DE

RESISTANCE 88

3.1.1. Axe philosophico-psychologique 88

3.1.2. Axe politico-historique 93

3.1.3. Axe anthropo-sociologique 100

3.1.4. Les bases communautaires des mouvements de 106

résistance au Sud-Kivu 106

3.2. ACTIONS PROTESTATAIRES ET REVENDICATRICES DES

MOUVEMENTS DE RESISTANCE 109
3.2.1. Opérations militaires et actes de violation des droits de

l'homme 109

3.2.3. Refus de participer au processus d'intégration dans l'armée

nationale 116

CONCLUSION 118

CHAPITRE QUATRIEME : CULTURE POLITIQUE DANS L'IDEOLOGIE DES

MOUVEMENTS DE RESISTANCE 119

INTRODUCTION 119

4.1. DEFINIR LE « MAI-MAISME » COMME IDEOLOGIE 119

4.1.1. Particularité et orientation idéologique du « mai-maisme » 121

4.1.2. Forces et faiblesses du « mai-maisme » 125

4.1.3. Que reste-t-il du mai-maisme ? 131

4.2. Rôle contradictoire des mouvements de résistance dans la

construction de la culture politique démocratique 132

4.2.1. Participation politique ou sociétés contre l'Etat 132

4.2.2. Citoyenneté en question 136

4.2.3. Historicité par la violence 138

CONCLUSION GENERALE 140

BIBLIOGRAPHIE 145

$ 1 1 ( ; ( 6 II1E7

TABLE DES MATIERES 151






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle