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Mouvements de résistance et culture politique au Sud-Kivu. Mise en évidence des fondements idéologiques et des actions revendicatrices.

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par Philippe KAGANDA MULUME-ODERHWA
Université officielle de Bukavu - Diplôme d'études supérieures en sociologie politique 2009
  

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3.1.3. Axe anthropo-sociologique

Cet axe retient les bases idéologiques liées à la persistance de la conception traditionaliste de l'Etat, à l'isolement des sociétés rurales, à la valorisation de la superstition.

La conception traditionaliste de l'Etat

L'Etat traditionnel possède des caractéristiques parmi lesquelles nous pouvons mentionner les suivantes telles que présentées par Georges Balandier : une large place à l'empirisme ; il se crée à partir d'unités politiques préexistantes ; la diffusion ; la segmentation territoriale ; la relation avec le sacré (79).

Les mouvements de résistance réfèrent leur organisation politique, conception de l'Etat aux structures politiques traditionnelles et aux valeurs véhiculées par l'Etat traditionnel. Certes, il se remarque dans les mouvements de résistance une ambivalence organisationnelle, résultante de la confusion entre le moderne et le traditionnel dans les structures politiques. La territorialité limitée à la sphère culturelle, les dynamiques lignagères faisant prévaloir le critère de parenté pour la distribution des fonctions, la place prépondérante des moyens magicoreligieux pour justifier et exercer la commande du groupe des principes bureaucratiques laissent transparaître une vision traditionaliste de l'Etat au sein des mouvements de résistance.

79 G. BALANDIER, L'anthropologie politique, Paris, P.U.F., 1967, p.176.

Par contre, suite à la nécessité de l'intégration dans le système militaire national, les mouvements de résistance ont conformé progressivement leurs structures militaires à l'organisation moderne de l'armée. Ainsi, ils ont copié le modèle de la hiérarchisation et terminologie utilisée dans l'armée régulière sans en respecter les principes.

La superstition

Tous les mouvements de résistance sur lesquels notre travail porte reconnaissent recourir aux pratiques superstitieuses ou magico-religieuses. Tous les sujets interrogés, c'est-à-dire les acteurs directs (chefs de groupe, ex-mai-mai), les acteurs indirects (chefs coutumiers et notables ruraux) soutiennent de manière quasi évidente l'inexistence des mouvements de résistance sans les pratiques superstitieuses ou magico-religieuses. Ils expriment admirablement le rôle protecteur desdites pratiques comme on peut le lire à travers les déclarations ci-dessous d'un ex-mai-mai, actuellement colonel de FARDC, rencontré à Bukavu :

« Les effets étaient réels sur la protection des combattants, même de leurs armes. Les balles tombaient d'elles-mêmes. Mon histoire est riche : on m'avait pris le 25/9/1999 à Buholo 4. J'était entouré par 20 militaires qui ont tous tiré sur moi mais sans succès ».

Un vieillard ex- mai -mai rencontré à Sange a également déclaré ceci : « On en peut pas combattre sans les fétiches et Dieu.

Sans la force de nos fétiches, les rwandais nous auraient déjà exterminé. A l'heure où nous parlons, je suis protégé. Vous, les enfants de la ville, vous ne connaissez pas la force de nos herbes. As-tu déjà vu une personne disparaître comme du vent ? »

Il se dégage nettement que les pratiques superstitieuses jouent un rôle idéologique considérable dans les mouvements de résistance Elles impliquent le sacré, les rites, les acteurs, les interdits.

- Le sacré

Le principe du sacré s'observe dans les pratiques magicosuperstitieuses des mouvements de résistance au Sud-Kivu. Les représentations produisent la croyance aux forces surnaturelles protectrices pour lesquelles il faut observer le respect absolu. Ces pratiques expriment également une croyance en un Dieu unique. Les objets de cette croyance sont un Dieu suprême et les esprits des ancêtres à travers les "forces" contenues dans certaines espèces végétales. Tous les chefs des mouvements de résistance interrogés reconnaissent le caractère absolu, sacré de leurs pratiques magico-superstitieuses ainsi que la relation entre celles-ci et la nature. Les éléments de la nature cités sont certaines parties des espèces végétales (racines, écorces, feuilles) et l'eau. Leurs forces respectives seraient dépendantes de la prière et des sacrifices.

- Les rites

Ce sont des gestes exécutés et les formes prononcés par les adhérents dans le but de provoquer ou d'influencer les forces surnaturelles. N'ayant pas été au lieu de déroulement des rites, nous ne pouvons les décrire systématiquement. Néanmoins, des informations recueillies auprès des chefs des mouvements de résistance, ex combattants des mouvements de résistance et autorités coutumières, nous pouvons déduire quatre types de rites à savoir : le rite de « purification » des produits exécutés par le seul magicien dit « docteur » ; le rite d'initiation pour les nouvelles recrues ; le rite avant le combat ; le rite après le combat. Selon tous les sujets d'enquête susindiqués, le portions magiques (l'eau, la bouillie, le cendre, les herbes, ...) peuvent être utilisées pendant le combat en vue du renforcement de la

protection sans faire objet d'un rituel. Il se pratique le rituel de l'eau, le rituel de la bouillie ou le rituel de tatouage. L'expérimentation ou test de vérification se ferait sur les animaux, objets, arbres, etc. Le rituel se déroulerait en exécutant des chants de circonstance, des gestes et états stéréotypes (courber la tête, ne pas porter les habits, etc.).

- Les interdits

Les pratiques magico-superstitieuses des mouvements de résistance connaissent des interdits. Selon les idéaux des mouvements de résistance, les éléments des forces combattantes mortes pendant les affrontements armées sont censé avoir violé les interdits. Ces derniers sont des principes éthiques que tous les membres doivent observer. Nous avons relevé quelques interdits tels qu'ils ressortent de recherches empiriques :

Tableau n°9 : Quelques interdits dans les mouvements

de résistance

Interdits

Groupes concernés

Ne pas manger la viande de chèvre

Mai-Mai Bunyakiri

Ne pas coucher avec une femme

Tous

Ne pas manger les entrailles ou la peau des animaux.

Mai-Mai Bunyakiri

Ne pas dormir à son domicile

Raiya mutomboki

Ne pas saluer les gens après le rite

Raiya mutomboki

Ne pas manger tout autre aliment à l'exception du sombe

Raiya mutomboki

Ne pas manger la nourriture

préparée par une femme

Raiya mutomboki

Ne pas voler

Tous

Ne pas violer

Tous

- Les acteurs

Les acteurs concernés par ce système magico-superstitieux sont principalement les personnes directement engagés dans les activités militaires. Les cadres administratifs ou agents d'appoint ne sont pas concernés par les cérémonies magico-superstitieuses. Les rites sont souvent conduits par le grand magicien dit « docteur ». Le chef de groupe subit des rituels particuliers qui lui confèrent des forces prépondérantes sur les autres.

En somme, les mécanismes magico-superstitieux ont eu un impact psychologique, philosophique, historique et théologique au sein des mouvements de résistance. Ils ont pu maintenir l'unité des groupes et garantir la détermination pour une lutte commune.

L'isolement des sociétés rurales (80)

La désintégration de l'Etat congolais à cause des facteurs structurels (mauvaise gouvernance, l'affaiblissement du système économique) et conjoncturels (les guerres) n'a pas épargné les sociétés rurales. Celles-ci ont été isolées, c'est-à-dire non impliquées dans la participation de la construction de l'Etat. Leurs relations avec les sociétés urbaines (centres décisionnels) sont caractérisées par l'exploitation et la domination. Vu sous cet angle, les mouvements de résistance se sont présentés comme une stratégie, un moyen des sociétés rurales de revendiquer leur participation à la vie nationale. Ils ont été pour les groupes sociaux (communautés, familles) et les individus du monde rural un moyen d'affirmation de soi au niveau national, provincial ou local. Cependant, la présence des mouvements de résistance a bouleversé la

80 L'isolement des sociétés rurales n'évoque pas la rupture des liens entre la société globale et le monde rural. C'est plutôt une faible participation sinon des rapports d'exploitation des sociétés rurales par l'Etat moderne trop urbanise.

stratification sociale en imposant deux types d'autorités avec des logiques ou rationalités différentes. La première, traditionnelle est permanente, coutumière, et incarne l'unité culturelle du groupe ; la seconde est militaire, éphémère avec des qualités particulières.

L'affirmation communautaire ou individuelle a été

remarquée par l'élévation de certains membres des sociétés rurales aux statuts supérieurs dans la hiérarchie sociale nationale au sein des institutions positives, de l'armée et de la police nationales. Cette situation a provoqué des appositions internes au sein des mouvements de résistance, des confits au sein des groupes, et a incité les autres communautés rurales à encourager la création de leurs propres mouvements de résistance. Le mouvement de résistance Mai Mai de Bunyakiri a connu des divisions internes lorsque les combattants venus de Kabare, Nghweshe, Shabunda, Mwenga ont pris conscience des privilèges accordés aux Batembo qui risquaient de devenir un grande force dans les zones rurales de combat. Avec la complicité des autorités coutumières et des faiseurs d'opinions urbains sont nés Simba mai-mai à Kabare, Mudundu 40 à Walungu, Mai-mai Shikito à Mwenga, etc. La même situation s'est produite dans les hauts plateaux où les Bafuliro et Bavira ont créé leurs propres mouvements de résistance après scission au sein des groupes mai-mai de Fizi.

L'hypothèse de l'isolement des masses rurales comme fondement des idées directrices de mouvements de résistance semble être justifiée par le fait de l'isolement politique, l'isolement économique, l'isolement social et culturel que nombreuses études ont démontré. S'agissant de l'isolement politique en particulier, de nombreuses recherches tentent de démontrer que les mouvements de résistance sont un mode de participation politique choisi par les sociétés rurales. A titre illustratif, nous citons certaines hypothèses émises par Fraternel Divin Amuri Misako dans un passage de de conclusion :

« (...) le déclin de l'Etat a déjà été constaté par les masses rurales dont la prise en charge est demeuré pendant longtemps difficile à réaliser. D'où l'appropriation de la violence pour susciter la (re) définition de ou nouvelles politiques en vue de garantir l'autonomie maternelle de ces entités subordonnées et isolées » (81).

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon