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Mouvements de résistance et culture politique au Sud-Kivu. Mise en évidence des fondements idéologiques et des actions revendicatrices.

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par Philippe KAGANDA MULUME-ODERHWA
Université officielle de Bukavu - Diplôme d'études supérieures en sociologie politique 2009
  

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4.1.2. Forces et faiblesses du « mai-maisme »

A l'instar d'autres idéologies, le « mai-maisme » aligne des forces et faiblesses. Ces dernières ne lui enlèvent pas sa nature idéologique.

Forces

Nous retenons comme forces de l'idéologie mai-mai les catégories suivantes : la mise en valeur du contexte de crise, la manipulation des symboles et valeurs traditionnelles, le rôle hégémonique.

- La mise en valeur du contexte de crise

Le << mai-maisme » a pris un essor considérable pendant la période de crise profonde au sein de l'Etat congolais. C'est effectivement au moment de la présence des troupes étrangères sur le sol congolais en appui aux différentes rebellions que le mai-maisme s'est confirmé comme une vision contraire à l'impérialisme, à la domination civilisatrice au 20e siècle finissant et au pillage des richesses nationales. L'influence psychologique du << mai-maisme » lui a permis de canaliser les opinions tant en milieu rural qu'en milieu urbain. En plus, ce contexte d'instabilité a légitimé le mai-maisme comme << stratégie sécuritaire » et la << violence protestataire ou révolutionnaire »90 utilisée comme moyen d'action.

- Le rôle hégémonique substitutif

Les situations conjoncturelles liées aux guerres, notamment l'occupation des vastes étendues du territoire national par des mouvements rebelles et leurs alliées, et par conséquent la partition de facto du pays, n'a pas permis à l'Etat congolais d'exercer sa fonction

90 J. NIMUBONA, « La résolution des conflits au Burundi : Processus, acteurs, enjeux et incertitudes » in Afrique des Grands- lacs. Sécurité et paix durable, Butare, Ed. de l'Université Nationale du Rwanda, 2004 p. 149

idéologique. Le vide créé par ce fait a permis au "mai-maisme" de substituer à l'Etat dans son rôle hégémonique. Les populations sous administration des rebellions ont développé un mythe sur le "mai-maisme" considéré à ce moment comme le seul recours idéologique pour protéger le territoire national. Dans les zones rurales, l'adhésion et le soutien au mai-maisme ont été réels tandis que dans la ville de Bukavu ceux-ci n'ont été que virtuels. Toutefois, les enquêtes démontrent que les mouvements de résistance ont bénéficié des appuis divers de la société civile sous diverses formes (vivres, habits, argent, médicaments, conseils).

- La manipulation des symboles et valeurs traditionnelles.

La symbolique « nation » placée au centre des idées des mouvements de résistance a valu à leur idéologie un droit de cité sur le plan national et local. Quant aux valeurs traditionnelles, leur congruence avec les schèmes culturels des populations locales (rurales et urbaines) a renforcé la confiance et mobilisé les soutiens en termes d'adhésion ou d'appuis matériels.

- Le choix de la lutte armée comme moyen d'action.

Le « mai-maisme » a réellement rempli sa fonction praticosociale en adoptant la voie de l'arme pour barrer la route à l'occupation du territoire qui se pratiquait par la même voie. Cette expression praxéologique a rapporté au « maimaisme » plus de considération que les idéologies exclusivement théoriques dominantes dans les milieux urbains.

Les faiblesses

Les faiblesses du « mai-maisme » sont entre autres une structuration désarticulée, les conflits internes, l'insuffisance des ressources financière et matérielles, la prédominance des croyances magico-superstitieuses, la confusion entre le local et le national,

l'insuffisance des cadres instruits, l'absence des relations avec l'extérieur, l'ouverture à la manipulation et à la récupération politiques.

- Une structuration désarticulée

Les organisations qui incarnent le "mai-maisme" ont opéré sans une coordination d'ensemble. Elles étaient éparpillées et parfois isolées. Toutefois, il faut souligner que les opérations militaires contre le RCD étaient coordonnées dans une structure appelée Opération Sud-Sud (O.P.S.S) regroupant toutes les forces dites résistantes de l'Est appelée d'abord secteur opérationnel Est (SOE) puis SOSE (Secteur Opérationnel Sud-Est). Cette coordination, n'a pas fait longtemps suite aux malentendus entre mouvements de résistance, lesquels étaient fondamentalement liés aux conflits d'intérêts.

Par ailleurs, il convient de relever le caractère contingent des objectifs qui ont variés selon les circonstances : lutter contre les agresseurs rwandais, protéger l'unité du pays, protéger les populations civiles et autochtones contre toute menace, protéger les communautés et leurs terres contre les velléités des communautés voisines, etc.

- L'insuffisance des ressources financières et matérielles

L'insuffisance des moyens financiers et matériels est un aspect limitatif du « mai-maisme » surtout dans sa dimension axiologique et de diffusion. En effet, la diffusion d'un système de pensées est fonction des moyens mis en oeuvre. Le mai-maisme est resté une idéologie trop localiste faute des capacités d'expansion sur d'autres horizons. Point n'est besoin de démonter de nouveau que les mouvements de résistance ont manqué les moyens matériels et financiers pour réussir leur but. Cette faiblisse est bel et bien reconnu par tous les 14 chefs des mouvements de résistance interrogés à cette fin.

- La prédominance des croyances magico-superstitieuses

Le « mai-maisme » met l'accent sur le culte de la magie et de la superstition. Des telles pratiques cherchent à poursuivre des buts pratiques en utilisant des moyens métaphysiques dont la logique de l'action est difficile à démontrer. La négligence des entrainements militaires au profit des rituels magico-superstitieux a des effets négatifs sur la qualité des éléments des troupes. Les pertes en vies humaines lors des combats ont fait fuir certains combattants rescapés. 7/76 ex combattants ont estimé que « les fétiches » sont une tromperie car nombreux de leurs compagnons mouraient au front malgré le rituel d'invulnérabilité.

- Confusion entre le local et le national

Comme démontré plus haut, les mouvements de résistance ont oeuvré dans les limites culturelles de leurs communautés et non sur les frontières nationales. Ce qui rend le "mai-maisme" une idéologie localiste et non nationaliste dans la pratique. Cela est d'autant défendable car on ne peut affirmer que la multiplicité non coordonnée signifie une vision nationale. C'est plutôt, nous semble-t-il, une division du travail non conventionnelle consacrant une configuration localiste du "mai-maisme".

- L'insuffisance des cadres instruits

Le mai-maisme n'est pas l'émanation des cercles d'érudition mais plutôt des ruraux caractérisés par un faible niveau d'instruction. Les recherches empiriques font état d'un niveau moyen d'instruction de 3e secondaire pour les chefs de mouvements de résistance et de 4e primaire par les combattants. Ce niveau d'instruction situe les responsables à une immaturité intellectuelle criante et à l'illettrisme ne pouvant pas leur permettre de concevoir et d'appliquer une structuration fonctionnelle et efficace. A cet effet, il y a lieu d'établir une corrélation entre le faible

niveau d'instruction constaté ainsi que la prédominance des pratiques superstitieuses et la structuration désarticulée.

Jusqu'en 2008, à l'occasion de la conférence de Goma, tous les mouvements de résistance opérationnels n'avaient pas encore intégré la branche politique. La contrainte d'en avoir leur imposée par les organisateurs les a conduits à constituer des branches politiques formées en général par des cadres universitaires. Le clientélisme et la précipitation, l'influence de la parenté et surtout l'opportunisme ont caractérisé le choix desdits cadres politiques à cause des promesses des postes politiques et administratifs ainsi que les avantages financiers liés à la participation à cette conférence. Les branches politiques ont joué un rôle représentatif dans la conférence et au sein du programme Amani sans faire preuve d'un impact idéologique dans de leurs mouvements de résistance respectifs.

- L'absence des relations avec des formatons politicoidéologiques étrangères

Le mai-maisme privilégie des relations au niveau local et national mais ne s'est pas ouvert aux organisations politico-idéologiques extérieures. Ceci peut être justifié par la valorisation des principes ésotériques, l'insuffisance des moyens matériels et financiers, le manque des cadres engagés. Seul l'ancien mouvement de résistance Mai-Mai Padiri a prétendu avoir entretenu des relations avec le parti socialiste belge spécialement dans le cadre d'ouverture en attendant la coopération idéologique et matérielle.

- La manipulation et la récupération politique

politiques menées tantôt par le Pouvoir légal tantôt par la société civile tantôt par le mouvement rebelle du R.C.D., tantôt des communautés tribales. La manipulation a consisté à influencer le « mai-maisme » à travers les mouvements de résistance pour servir les intérêts idéologiques, politiques ou matériels des autres forces politiques et communautés. En effet, deux sujets d'enquête qui ont oeuvré au sein du Bureau de coordination de la société civile ont reconnu qu'il a existé des liens directs entre les mouvements de résistance et la société civile mais, précisent-ils, dans le but de les organiser et de les soutenir matériellement à travers des bienfaiteurs. Huit sur quatorze mouvements de résistance nous ont déclaré qu'ils ont des relations avec des structures ecclésiastiques catholique et protestante locales ainsi qu'avec certaines personnalités du monde des affaires dans le cadre de l'assistance matérielle. Les deux anciens mouvements de résistance ( Mai-mai de Bunyakiri et Mai-mai de Fizi) et six actuels mouvements ont déclaré avoir entretenu des bonnes relations avec le Gouvernement et l'Armée nationale pour plusieurs motifs : offensive contre la rébellion du R.C.D., traque de la mutinerie de Mutebusi, combat contre les F.D.L.R., etc. Avec les communautés rurales, le mai-maisme a été utilisé pour alimenter les conflits dans les luttes ouvertes à Fizi et Uvira, en particulier.

Quel que soit l'objectif, l'infiltration du mai-maisme par des influences extérieures, le fragilise et son autonomie de pensée et d'action est fortement réduite.

La récupération politique est la conséquence de la manipulation. Les deux ont contribué à la transfiguration politique des mouvements de résistance, et partant, à l'affaiblissement du « maimaisme ». Deux processus ont été déclenchés à ce sujet : la création des partis politiques à partir du « mai-maisme » et l'intégration des troupes dans l'armée nationale. La première étape (transition instituée par l'Accord Global et Inclusif) a vu naître quelques formations politiques à tendance « mai-maiste », à savoir les patriotes résistants Mai-Mai

(P.R.M.), le mouvement Mai-Mai (MMM), le PANAM ainsi que l'intégration des combattants dans l'armée et la démobilisation des autres. Les partis politiques créés ont participé aux élections de 2006. Cependant, à la suite d'un manque de suivi et d'encadrement des structures de base par les leaders mai-mai qui ont occupé des fonctions élevées pendant la transition, il y a eu la désagrégation des bases existantes et la désintégration des acteurs individuels. La seconde étape (après les élections) est celle en cours, et qui oblige les mouvements de résistance à la reconversion politique et à l'intégration dans l'armée nationale. A ce stage, leurs formations politiques ne sont pas encore constituées officiellement et l'intégration dans l'armée se trouve à l'étape du regroupement et de la formation dans des centres.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote