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Mouvements de résistance et culture politique au Sud-Kivu. Mise en évidence des fondements idéologiques et des actions revendicatrices.

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par Philippe KAGANDA MULUME-ODERHWA
Université officielle de Bukavu - Diplôme d'études supérieures en sociologie politique 2009
  

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4.2. Rôle contradictoire des mouvements de résistance dans la

construction de la culture politique démocratique

Tels qu'analysés plus haut, les mouvements de résistance ont progressivement intériorisé des ambitions politiques. Leur participation aux processus politiques pendant la transition, aux élections et après ces dernières le prouve suffisamment. Le rôle effectivement joué dans ces processus recèle des contradictions que la présence section se propose d'analyser.

4.2.1. Participation politique ou sociétés contre l'Etat

Participation politique

Point n'est besoin de revenir sur l'analyse politiste qui se dégage des actions des mouvements de résistance comme un mode de participation politiques dans l'espace politique et social national. Les faits suivants justifient cette perspective théorique et empirique : la participation aux négociations politiques de Sun City qui ont débouché sur l'Accord Global et Inclusif en décembre 2001 ; la participation dans les institutions politiques et d'appui à la démocratie de la transition issue de l'Accord sus-évoqué ; la démobilisation de certains éléments soit volontairement soit pour cause d'invalidité ou d'âge (mineurs) ; la création des partis politiques à tendance mai-maiste ; la participation au processus électoral de 2005-2006.

Par ailleurs, les mouvements de résistance à travers leur idéologie ont justifié leur action essentiellement par la défense du territoire national menacé et envahi par les pays voisins qui exécuteraient l'agenda de balkanisation de la R.D.C. pour des fins inavouées. Cette vision soutenue par la logique de la guerre a produit un impact réel notamment dans l'encadrement idéologique des populations et la lutte

armée contre la progression militaire des forces rebelles soupçonnés d'être à la solde de l'étranger.

Sociétés contre l'Etat et refus de la modernité

- Société contre l'Etat

Le concept de « société contre l'Etat » est utilisé par Pierre Clastres dans une étude d'anthropologie politique sur les sociétés amérindienne et indienne. Il démontre la résistance desdits sociétés à l'événement de l'Etat comme mode d'organisation du pouvoir moderne. Il note à ce sujet ce qui suit :

« Mais, jusque dans l'expérience extrême du prophétisme (...), ce que nous montrent les sauvages, c'est l'effort permanent pour empêcher les chefs d'être de chefs, c'est le refus de l'unification, c'est le travail de conjuration de l'un, de l'Etat. L'histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l'histoire de la lutte des classes. L'histoire des peuples sans histoire, c'est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l'histoire de leur lutte contre l'Etat » (91).

Tout en regrettant l'archaïsme conceptuel choisi par Pierre Clastres en utilisant des concepts désuets de l'anthropologie sociale et culturelle car teintés d'ethnocentrisme (sociétés primitive, société sans histoire, société sans Etat), il y a lieu de trouver un élargissement épistémologique du concept « société contre l'Etat » dans le cadre de la présente étude.

Les sociétés rurales ont connu l'évènement de l'Etat depuis l'époque coloniale. L'Etat colonial a fonctionné à côté des structures sociales, politiques et économiques traditionnelles. L'indépendance n'a pas bouleversé l'ordre politique traditionnel car le pouvoir coutumier a été

91 P. CLASTRES, Société contre l'Etat, Paris, Editions de Minuit, 1974, p.186.

maintenu. Comme pendant la colonisation, les sociétés rurales ont gardé leurs structures. À cet effet, la vie en communauté est restée organisée par les coutumes et traditions, donnant une place prépondérante aux autorités coutumières, à la famille. Dans ces conditions, la position de l'Administration a été dans la pratique, fragilisée au point de jouer fondamentalement deux rôles : un rôle représentatif de l'Etat au village et un rôle de prélèvement des impôts sur les activités agricoles.

Cette position marginale de l'Etat devant les structures politiques et sociales paysannes fonctionnelles et dominantes a été renforcée par le dysfonctionnement de l'Etat qui, en toute évidence, n' a pas assuré ses fonctions essentiels vis-à-vis des communautés rurales. L'autoprise en charge rurale a influencé le développement des mouvements de résistance dans le but de se protéger contre la menace extérieure ou des communautés voisines.

Dans cette perspective, les communautés rurales du SudKivu se comportent en sociétés contre l'Etat dans la mesure où elles cherchent à entretenir les M.R comme structure permanente de sécurisation communautaire et non l'armée nationale d'une part et n'assimilent pas l'ordre politique et administratif institué par l'Etat en valorisant les coutumes et traditions locales.

- Refus de la modernité

La modernité est fondamentalement définie par rapport au triomphe de la raison dans la conception et la production de la société. Dans la révisitation que fait Alain Touraine sur le concept de la modernité, il retient cette signification tout en la critiquant et en l'élargissant tel qu'on peut le lire dans les considérations suivantes :

« si la modernité ne peut pas être définie seulement
par la rationalisation et si, inversement, une vison de la
modernité comme flux incessant de changement fait

trop bon marché de la logique du pouvoir et de la résistance des identifiés culturelles, ne doivent-il pas clair que la modernité se définit précisément par cette séparation croissante du monde objectif, créé par la raison en accord avec les lois de la nature, et du monde de la subjectivité, qui est d'abord de l'individualisme, ou plus précisément celui d'un appel à la liberté personnelle ? La modernité a rompu le monde sacré, qui était à la fois naturel et devin, transparent à la raison et crée. Elle ne l'a pas remplacé par celui de la raison et de la sécularisation, en revoyant les fins dernières dans un monde que l'homme ne pourrait plus atteindre ; elle a imposé la séparation d'un sujet descendu du ciel sur terres, humanisé, et du monde des objets, manipulés par les techniques. Elle a remplacé par l'unité d'un monde créé par la volonté divine, la raison ou l'histoire, par la dualité de la rationalisation et de la subjectivisation » (92).

Selon lui, deux principes fondent la société moderne : l'action rationnelle et la reconnaissance des droits universels à tous les individus (93).

A travers les mouvements de résistance et le « maimaisme », il s'observe un rejet de la modernité. Cette dernière est un système de pensées dont la démocratie, les droits de l'homme, la morale, l'Etat font partie des idéaux. En effet, le « mai-maisme » voit dans le pouvoir traditionnel, les coutumes une valeur transcendantale qu'il faut protéger contre la démocratie et l'Etat. Les droits de l'homme ne trouvent une signification que dans la société culturellement définie. La religion occidentale est totalement abandonnée dans le mai-maisme en faisant recours à la religion africaine, à la cosmogonie noire. Pourtant, depuis d'un siècle, les religions occidentales s'efforcent de conquérir la sphère religieuse des sociétés rurales dans la Province du Sud-Kivu. Le

christianisme dominant dans cette partie du pays, n'est il pas une religion de façade pour s'intégrer à l'ordre national et international et non une identité religieuse impliquant des terminismes de pensées et d'action.

Cependant, si la modernité semble être rejetée comme idéaux, il ne l'est pas pour autant de ses produits issus de la technique ou de la technologie. Ainsi, les mouvements de résistance utilisent les armes à feu, les moyens de communication (téléphone, internet, radio et télévision, ...). C'est un usage de la modernité par nécessité.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"