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Mouvements de résistance et culture politique au Sud-Kivu. Mise en évidence des fondements idéologiques et des actions revendicatrices.

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par Philippe KAGANDA MULUME-ODERHWA
Université officielle de Bukavu - Diplôme d'études supérieures en sociologie politique 2009
  

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CONCLUSION

Le mai-maisme s'est depuis un temps défini comme un système de pensée plutôt qu'une organisation occasionnelle des communautés pour se défendre. Il a des forces et limites. Ces dernières entraves son intégration et son émergence. Ce qui lui confère un statut marginal et l'empêche d'impulser une culture politique véritablement démocratique.

98 A. TOURAINE, Penser autrement, Paris, Fayard, 19....., p. 227.

CONCLUSION GENERALE

Au terme de ce travail, il importe de souligner qu'il s'inscrit dans le champ épistémologique de la sociologie politique et de l'anthropologie politique. Il est consacré à l'étude des fondements des idéologies des mouvements de résistance et leurs actions protestataires en tant que phénomène social total. Pour dégager en aval, le rapport entre le mouvement de résistance et la culture politique dans un processus interactionniste, nous avons manipulé, en amont, les catégories analytiques suivantes : fondements idéologiques, actions protestataires, culture politique et actions protestataires ou revendicatrices.

Le choix du Sud-Kivu comme champ d'étude tient au fait qu'il est un système social autonome et intégré au système national. Le phénomène de mouvement de résistance s'y manifeste à l'instar des provinces du Nord-Kivu et du Maniema. Dans les 3 provinces du Kivu ancien, il est évident que la production du phénomène mai-mai n'a pas été identique. Dans son article cité par F.D. Amuri Misako, A. Mwaka Bwenge précise que :

« Le phénomène Mayi-Mayi reste enraciné dans les contradictions locales au Kivu, en Afrique des Grands Lacs, et dans le nouvel ordre mondial qu'il serait biaisé de n'y voir qu'une réalité récurrente ne s'enracinant que dans les problèmes fonciers et identitaires caractéristiques de province du Nord-Kivu et, dans une certaine mesure, du Sud-Kivu (...) » (99).

Le constant sur l'existence réelle des mouvements de résistance au Sud-Kivu a alerté notre esprit scientifique. Ainsi, nous avons

99 A. MWAKA BWENGE, « Les milices mai-mayi à l'Est de la République Démocratique du Congo : dynamique d'une gouvernementalité en situation de crise » in Revue africaine de sociologie 7, 2003, p. 86 cité par F.D. AMURI MISEKA, Op.cit, p.8.

cherché à répondre à un questionnement sur les fondements de leurs idéologies et la nature des actions revendicatrices d'une côté, ainsi que sur le rôle du système d'idées dans la construction d'une culture politique démocratique. C'est donc, la recherche du pourquoi de la persistance des idéologies de résistance dans un processus de démocratisation.

Partant de ce questionnement, nous avons formulé les hypothèses dans les termes ci-dessous:

Les mouvements de résistance au Sud-kivu tirent leurs origines dans les rebellions historiques connues dans le Kivu.

Les idées contestataires qui ont présidé à la formation-déformationreformation des mouvements de résistance au Sud-Kivu sont justifiables du contexte de guerre et de l'inefficacité des pouvoirs publics à résorber les tensions sociales et à assurer l'intérêt général. Cette crise conjoncturelle a permis de légitimer les idées protestataires dont la manifestation sous forme de mouvement de résistance est une expression collective du refus de l'ordre politique établi.

L'idéologie des mouvements de résistance a pour soubassement l'effondrement de l'Etat, l'exclusion dans le système politique national des communautés rurales et l'éclosion des survivances révolutionnaires. Les actions menées sont de nature violente.

Le choix de la violence attribue aux mouvements de résistance un rôle freinateur pour la construction d'une culture démocratique qui se veut pacifiste et légaliste.

Après l'analyse des faits, il se dégage que la résurgence des mouvements de résistance au Sud-Kivu est essentiellement liée au contexte de crise politique en RD Congo, se trouvant dans le prolongement des rebellions existantes au début de l'indépendance de la R.D. Congo. Né dans un contexte nouveau caractérisé par la présence du mouvement rebelle du R.C.D. avec ses alliées, le Rwanda et l'Ouganda, les mouvements de résistance ont été des acteurs dans les conflits violents et dans le processus de négociation politique conduisant à leur

transfiguration. Par ailleurs, ils sont nés également de la cristallisation des conflits identitaires et fonciers entre les communautés. En dehors de ce socle de violence, les mouvements de résistance trouvent leur émergence dans une prise de conscience des communautés rurales en imposant leur participation dans le système national longtemps dominé et géré par le milieu urbain. D'une manière générale, il s'observe une rupture avec les anciennes rébellions quant à leur permanence dans les milieux ruraux à l'exception des mouvements de résistance de Fizi. Toutefois, il y a lieu de relever la contagion dans certaines représentations comme les rites superstitieux. Ces derniers ont joué un rôle psychologique certain sur l'engagement des combattants, en même temps qu'ils ont servi d'élément identitaire aux groupes armés qui les pratiquent.

Les moyens mis en oeuvre ont plus valorisé les ressources humaines et symboliques en négligeant les ressources matérielles et financières perçues comme hasardées et contingentées. Ceci explique en partie l'occupation des espaces tribaux ou claniques.

En tant que mouvement social au sens tourainien, les mouvements de résistance, loin d'être des forces négatives, sont des acteurs au processus historique, et sont porteurs des projets propres avec des logiques protestataires, parentales, nationales ou ethniques. Les projets tirent leur source dans le système d'idées véhiculé sous forme d'une idéologie, laquelle a des fondements à la fois matériels et immatériels. En effet, les fondements des mouvements de résistance présentent trois axes à savoir : philosophico-psychologique, historicopolitique et anthropo-sociologique. La recherche empirique démontre que l'axe philosophico-anthropologique retient des variables plus favorables liées aux aspects ontologiques (lien mythique entre l'homme et la terre ainsi que le souci de la protection du territoire) et aux aspirations naturelles de l'homme (la liberté, la justice, les valeurs culturelles). Toutefois, l'influence des bases historico-politiques comme l'effondrement de l'Etat, l'éclosion des survivances révolutionnaires et la recherche du

pouvoir ou celles anthropo-sociologiques comme l'isolement des sociétés rurales, la superstition et la conception traditionnaliste de l'Etat ne sont négligeables. Il y a lieu de remarquer que les bases de l'idéologie des mouvements de résistance sont plus immatérielles que matérielles. Cependant, les variations constatées dans les pratiques et systèmes de pensées rejettent le principe de l'immuabilité des essences de leurs idées mais elles confirment le relativisme de leurs bases idéologiques100.

Les actions protestataires ne sont pas que violentes mais aussi la mise en place d'un système de gestion des entités contrôlées. La violence s'est manifestée par les combats engagés, les viols et extorsion, les tueries et massacres, etc. Quant à l'administration des entités, les mouvements de résistance ont, dans certaines entités, exercé les attributs de l'Etat en exerçant de l'autorité sur des populations. Cependant, leur pouvoir était en confit avec le pouvoir coutumier et celui des autorités légalement établies. Dès lors, ces actes sont contradictoires avec les discours et les représentations exprimées en termes de salut, de protection ou de revendication de la liberté et de la justice.

Entant que système d'idées, le «mai-maisme » est une idéologie qui dans sa matérialisation aligne des forces et faiblesses. Plutôt que de parler de son caractère spontané, il faut voir sa permanence latente ou manifeste selon les circonstances. Il se présente comme recours idéologique des sociétés rurales pour se défendre ou mener une protestation ou une revendication. Certes, la diffusion de ce système de pensée est trop faible à cause de son caractère ésotérique, de l'insuffisance des moyens matériels et financiers et des qualités intellectuelles limitées de ses acteurs101. C'est pourquoi, le « maimaisme » reste mal connu.

100 La généralisation faite par Karl Mannheim sur les courants d'études en sociologie de la connaissance exclue l'immuabilité des essences des idées et soutient leur relativisme.

101 L'étude de la diffusion des connaissances en sociologie a été menée par Florian Znaniecki en s'inspirant des hypothèses émises par Georges Herbet Mead sur la communication. ( Lire à ce sujet, F. ZNANIECKI, The social role of the man of knowledge, New York, Colombia University Press, 1940.)

Devant les processus de consolidation de l'unité nationale dans un Etat pluraliste, les mouvements de résistance apparait comme une idéologie désintégrée. En valorisant l'ethnie ou la tribu, le maimaisme privilégie la culture politique paroissiale, et empiète sur la citoyenneté. L'identité nationale est remise en cause au profit d'une identité tribale ou clanique. Les droits et devoirs du citoyen sont systématiquement violés dans un cycle de violence récurrente.

Il semble se dégager des considérations précédentes que les idéologies de résistance persistent suite à la désintégration du système politique nationale mais aussi à leur permanence dans les schèmes culturels des communautés ethniques ou tribales. Elles relèvent d'une réalité structurelle des sociétés concernées, et sont utilisées par ces dernières comme moyen et stratégies pour une participation politique. Autrement dit le « mai-maisme » n'est pas un élément isolé mais plutôt une idéologie insérée dans la culture globale des sociétés qui y recourent. Il est effectivement encré dans les schèmes mentaux des sociétés rurales étudiées. Leur rapport conflictuel avec la société globale a, dans une certaine mesure, influencé la circulation de l'élite politique et militaire.

Cette étude, pour en finir à ce stade, est aboutie aux résultats susceptibles d'ouvrir aux recherches ultérieures sous forme d'hypothèses sur le mouvement de résistance. De ce fait, elle reste perfectible. Parmi les perspectives possibles de recherche, nous pouvons indiquer l'étude du rapport entre le mai-maisme et le développement politique dans le but d'élaborer un modèle théorique d'explication de la construction de la paix en zone post-conflit. Comme étude appliquée, il nous sera important de circonscrire sémantiquement et épistémologiquement le concept de zone post-conflit en tant que typeidéal pour le rendre scientifiquement opérationnel et expliquer davantage le mai-maisme comme système de pensée.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault