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Le "mouvement du 20 février" au Maroc, une étude de cas de la coordination locale de Rabat

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par Romain Chapouly
Institut d'études politiques de Lyon - Master 2 2011
  

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4) N, l'indépendant laïc

N est un jeune militant de l'AMDH et a fait parti du tout premier cercle qui pendant la première quinzaine du mois de février a organisé les préparatifs à la mobilisation du mouvement du 20 février. C'est au sein de l'école de journalisme de Rabat (l'ISIC) que N a donné à son intérêt pour les questions de société la dimension d'un engagement, d'abord au sein de la société des étudiants de l'école, puis par l'intermédiaire d'amis, au sein de l'AMDH. Il n'est affilié à aucun parti, et considère l'AMDH comme une structure qui est sur le terrain et qui a fait ses preuves, peu importe les accusations de récupération politique qui pèsent sur elle.

Concernant sa vision de la composition des militants du 20 février, N a conscience que les militants dits « indépendants » qu'on présente souvent comme le fer de lance de la mobilisation, ne sont en fait qu'une minorité. Il n'y a pas vraiment de profils types et tranchés, chacun vient avec des bagages militants plus ou moins rodés, plus ou moins politisés. Souvent ils combinent des expériences diverses, des adhésions idéologiques plus syncrétiques que fermement positionnées, et en tout cas non encore définies. N rappelle qu'on a fait couler beaucoup d'encre sur la question d'une soi-disant nouvelle jeunesse indignée et décidé à s'engager dans le sillage des révolutions arabes. N attendait aussi cette venue, avec l'idée qu'une politisation allait se diffuser et provoquer l'arrivée de jeunes politiquement vierge. Mais, reconnaît-il, force est de constater que cette nouvelle jeunesse venue par l'inspiration du contexte du printemps arabe ne dépasse pas une dizaine d'individus sur la coordination de Rabat. Plongés dans le vaste bouillon de la mobilisation, ne sachant très bien se situer dans ce collectif, la plupart n'a pas accroché et n'a pas réussi à suivre le rythme. N pense que la politisation portera ses fruits sur le long terme, les gens ne peuvent pas se transformer immédiatement, il faut du temps pour modifier les comportements. Mais une chose est sûre ajoute-t-il, les gens ne sont pas indifférents vis-à-vis du mouvement du 20 février. Cependant le passage à la mobilisation n'est pas donné à tout le monde.

Selon N, ce qui caractérise la mentalité des jeunes févriéristes, c'est une adhésion à des principes sans compromis possible. Pour lui l'ancienne génération de militants est suspecte par rapport à la question du pouvoir, on ne sait jamais s'ils défendent des valeurs ou s'ils le font pour acquérir du pouvoir, quitte à se compromettre soi-même et

le collectif. C'est pour cela que, bien que largement épaulé par eux, le mouvement a essayé de se construire en dehors de leur présence et prend les décisions à venir entre jeunes. Pour N, l'ancienne génération, celle des années 60 et 70, avait une fascination pour l'idéologie et le pouvoir, bien sûr il y avait des revendications de type démocratique, mais on a l'impression qu'elles servaient de prétextes, que l'essentiel était ailleurs, dans une sorte de fascination pour une humanité réinventée, et dont le salut viendrait d'un renversement du pouvoir politique.

Pour N, l'essentiel du compromis doit se faire dans l'élaboration d'une cohérence interne, d'une satisfaction optimale du collectif dans la stratégie à suivre. C'est à l'intérieur du mouvement que la culture du compromis et du dialogue doit trouver à se réaliser, mais en dehors il s'agit de faire bloc, de constituer une unité imperturbable. On ne peut plus jouer les hypocrites, faire des sourires à ses alliés du moment, et derrière cela cultiver les petites combines pour s'accaparer tout le gâteau.

Les militants de partis sont suspectés d'être encore dans cette logique de combine, ils sont soupçonnés de toujours avancer masqués, d'être toujours susceptibles d'enlever brutalement leurs billes du jeu afin de faire pression et faire pencher la balance de leur côté. Cette vielle habitude de la politique partisane n'a pas épargné la jeune génération des militants politiques. D'où les contentieux qui apparaissent dans les coordinations, pas simplement celle de Rabat, où les forces militantes partisanes sont soupçonnées de se servir du mouvement comme une arrière-cour pour se refaire. Alors que la plupart des indépendants souhaitent provoquer une rupture avec les méthodes partisanes, et faire porter le mouvement sur une scène inédite, qui amalgame le social, l'économique et le politique, dans une configuration tout autre.

Un des thèmes primordiaux de la gauche n'est pas assumé, selon N, par les partis qui se réclament pourtant d'une vision alternative au Maroc. La laïcité n'est en effet pas à l'ordre du jour dans les agendas de la gauche, exception faite du parti Annahj Addimocrati. Quoique ce dernier laisse également flotter un flou dans sa manière quelque peu contradictoire de revendiquer un Etat laïc et d'être en même temps le principal allié - dans un contexte certes conjoncturel - du parti islamiste al-Adl walIhssan. Il est vrai que cette proximité se situe sur le terrain de l'action protestataire (une même volonté de radicalité les unit) en excluant toutes connivences idéologiques. Mais

jusqu'à quel point un ennemi commun peut-il faire tenir une union ? Se demande N. Toujours est-il qu'il attend que les partis de gauche assument le projet d'une Etat laïc. Le mouvement social est là pour les forcer à se positionner, pour leur donner l'occasion de se saisir du problème, mais le compromis qui maintient actuellement le mouvement du 20 février repose trop sur un non-dit au sujet du positionnement qu'il faut avoir sur la question de la laïcité. En conséquence le mouvement du 20 février ne fait pas avancer cette question là, il reste dans l'indétermination, mais c'est pour mieux faire avancer d'autres stratégies, comme celle d'agrandir les effectifs manifestants et les coordinations locales, une stratégie de l'adhésion massive qui suppose qu'on mette de côté des objets de dissension, mais qui réapparaîtront un jour ou l'autre. N est persuadé que les défenseurs d'un projet laïc pour le Maroc ne doivent pas pour autant mettre leur idéal entre parenthèse, mais savoir jouer intelligemment sur la mise en agenda de cette question. Par exemple lorsque al-Adl wal-Ihssan a fait un communiqué défendant le projet d'un « Etat civil », plutôt que de se contenter de ce communiqué et nourrir des fantasmes à son endroit, il aurait fallu saisir cette question de l'Etat civil et pousser le parti islamiste à clarifier sa position et à dire ce qu'il entend exactement derrière cette appellation d'Etat civil. N ajoute que le mouvement du 20 février, même s'il occupe actuellement l'espace de la contestation, n'a pas pour autant le monopole de la proposition politique sur la scène contestataire. S'il est empêché de se positionner sur la question de la laïcité, ce n'est pas le cas des partis, qui ne sont pas contraints par le même type d'alliance. De sorte qu'il ne coûterait rien selon N, au PSU par exemple d'appuyer cette question de la laïcité. Electoralement les partis à la gauche de l'USFP n'ont rien à perdre avec ce positionnement.

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