PREMiERE pARTiE : PRoBLEMATiQuE ET METHoDoLoGiE
CHAPiTRE 1 : PRoBLEMATiQuE ET oBjECTiFs DE
RECHERCHE
1.1 Problématique
Pour faire face à la croissance démographique,
l'agriculture africaine doit relever un grand défi dans les vingt-cinq
prochaines années; elle doit tripler son rendement et quintupler la
productivité du travail (FAO, 1995). Cela implique des changements
radicaux dans les systèmes agraires et les modes d'exploitation du
milieu.
Jusqu'à une époque récente, les faibles
densités des populations dans les pays d'Afrique de l'ouest autorisaient
des modes d'exploitation du milieu consommateurs d'espaces et basés sur
la défriche-brûlis (Losh, 1996). Dans un tel contexte, seules les
terres hautes, faciles à cultiver, étaient mises en valeur. A
quelques exceptions près, les bas-fonds, les terres inondables et les
zones marécageuses étaient peu ou pas cultivées. Ainsi, il
était pratiqué une agriculture de type pluvial basée sur
les apports en eau des différentes saisons de pluie bien que la plupart
des pays de cette zone d'Afrique soient irrigués. Cependant, dans de
nombreux pays du monde, l'agriculture irriguée est pratiquée pour
améliorer le rendement. Au Bénin, les terres irriguées
font 1% des terres cultivées (FAO, 2004). L'eau étant un facteur
de production important, ce chiffre montre que son utilisation dans
l'agriculture béninoise reste très faible bien que le pays
dispose des ressources en eau de surface et souterraines énormes.
Les aménagements hydro agricoles sont
considérés aujourd'hui dans beaucoup de pays africains comme l'un
des moyens efficaces de valorisation des potentialités agricoles
locales. Cela contribue à la mobilisation des ressources et favorise le
développement local. En effet, l'exploitation des
périmètres irrigués et des bas-fonds mobilise beaucoup de
main d'Suvre (producteurs, artisans, commerçants d'intrants, ouvriers,
divers agents de prestation de service, etc.,) et contribue ainsi à
l'amélioration des conditions de vie de tous ceux qui sont
impliqués dans cette exploitation (Chakravorty, 2000). De plus, le
même auteur montre que cette exploitation constitue une source
potentielle de revenu pour l'Etat et les autorités locales.
Le secteur agricole revêt une importance
particulière pour l'économie béninoise. Il a
employé en 2002 entre 70 et 80 % des personnes actives et
contribué à 39 % au Produit Intérieur Brut (PIB) (PNUD,
2003). De ce fait, le développement de l'économie
béninoise est étroitement lié à sa capacité
à produire et à promouvoir le secteur agricole.
A partir de 1969, dans sa volonté de développer
et de doter le pays d'un secteur agricole moderne et compétitif, le
gouvernement béninois a mis en exécution beaucoup de
projets d'aménagements ruraux et a créé des
sociétés rizicoles dont la mission était de promouvoir
la
culture du riz (Ahoyo, 1996). L'histoire montre que les
aménagements hydro-agricoles initiés n'ont pas connu de grands
succès à cause de la faible implication initiale des populations
ayant droit. Le périmètre rizicole de Malanville fait partie des
aménagements hydro-agricoles mis en place par le gouvernement
béninois pour promouvoir essentiellement la production
céréalière, notamment celle du riz. Au Nord-Bénin,
plus de 20.000 producteurs des communes de Karimama et de Malanville ont
bénéficié au cours de la même période des
installations de systèmes d'irrigation et des formations de renforcement
de capacité pour la maîtrise de l'eau en production agricole (DGR,
2005). L'objectif était d'accroître les emblavures de riz et de
maïs afin de permettre aux producteurs d'améliorer leurs rendements
et leurs revenus.
Selon Houndékon (1996), il existe deux (02)
systèmes de production rizicole dans le Nord Bénin : le
système de production du riz pluvial de plateau et le système de
production du riz irrigué de bas-fond. L'auteur a aussi montré
que le rendement obtenu au niveau du système de production du riz
irrigué est significativement plus élevé que celui du
second système de production. Il explique à partir de ces
résultats que le système de production du riz irrigué est
celui qui apportait le revenu net le plus élevé. Il
précise par la suite que ce système demeure le meilleur
système de production lorsqu'on considère les deux (02) niveaux
de comparaison (technique et économique).
Danhounsi (2007) mesurant l'efficacité
économique des exploitants dans la gestion du périmètre
rizicole irrigué de Malanville montre que la quantité de riz
produite sur ce périmètre pourrait satisfaire les besoins en
consommation de riz de 162 % environ de la population de Malanville. Il
poursuit et explique que le surplus peut être exporté vers
d'autres communes ou vers d'autres pays. Il précise que ce potentiel de
production pourrait bien s'améliorer si tous les paysans pratiquaient en
plus grande partie le système irrigué. Ces résultats
confirment ceux de Houndékon (1996) et démontrent
l'efficacité du système de production du riz irrigué.
Cependant, plusieurs types d'irrigation sont utilisés par les
producteurs selon les potentialités agronomiques des terres et les
moyens financiers disponibles. L'adoption du riz irrigué (maîtrise
parfaite de l'eau) dans la commune de Malanville constitue une grande
opportunité économique pour les paysans. Cela contribuerait
à assurer leur subsistance alimentaire et permettre à l'Etat de
réduire les coûts d'importation de nombreuses denrées
alimentaires dont le riz. Les deux (02) auteurs cités plus haut,
s'accordent sur le fait que les rendements de riz issus des deux (02)
systèmes présentent des différences. Ils les expliquent
par les itinéraires techniques employés, conséquence de la
différence entre les systèmes de production.
Existe-t-il une corrélation entre les rendements
obtenus et les types d'irrigation mis en place dans la commune ? Le
système d'irrigation peut-il seul expliquer les différences entre
les niveaux de productivité de la terre ?
La pratique totale du système de production
irrigué, pour être durable, devrait être associée
à des programmes visant à promouvoir et à
développer des modes d'exploitation et de gestion sans danger pour la
santé des exploitants. En effet, bien que ces milieux constituent de
meilleures terres susceptibles d'accroître les revenus et le niveau de
vie grâce aux possibilités d'intensification et de diversification
des cultures, l'impact sanitaire de l'exploitation est non négligeable.
Les zones humides sont des lieux malsains et répulsifs (Delville et
Boucher, 1996). L'exploitation des bas-fonds est suspectée d'aggraver
l'endémicité de plusieurs maladies transmissibles par les
vecteurs en Afrique de l'Ouest (ADRAO, 2000).
Généralement, les principales maladies à
transmission vectorielle liées à la présenc e des
aménagements hydro-agricoles sont le paludisme, la bilharziose et les
dermatoses (FAO, 2002). Le développement de l'irrigation s'est
parfois accompagné, dans le passé, d'effets négatifs sur
l'état de santé des communautés locales. Agbossou et
al. (1998) montrent qu'au Bénin, les maladies comme le paludisme,
les infections gastro-entériques, la bilharziose, les dermatoses, pour
ne citer que celles-là, sévissent au niveau des
aménagements hydroagricoles. Brou et Beltrando, (2001) démontrent
qu'en Côte d'Ivoire, certaines maladies comme l'ulcère de Burili,
sont également mises en évidence près des
aménagements hydroagricoles. Tant du point de vue hydrologique que
pédologique, un bas-fond aménagé est un milieu fortement
anthropisé dont les fonctionnements biologique et physico-chimique sont
profondément transformés (Delville et Boucher, 1996).
Ces problèmes proviennent essentiellement des
changements apportés aux écosystèmes, qui créent
des conditions propices à la propagation des maladies à
transmission vectorielle. Les conséquences sanitaires de la mise en
Suvre d'aménagements hydro-agricoles de grande ampleur sont
désormais évidentes (Handschumacher et al. 1996).
Quels sont les déterminants du niveau du risque
sanitaire liés au travail rizicole en zone humide dans la commune de
Malanville ? Y a-t-il un avantage comparatif à utiliser un
système de production rizicole?
Au cours de nos investigations, nous tenterons d'apporter des
approches de solutions à ces diverses questions de recherche.
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