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La radiodiffusion au Cameroun de 1941 à  1990

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par Louis Marie ENAMA ATEBA
Université de Yaoundé I (Cameroun) - Master II en Histoire des Relations Internationales 2011
  

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    INTRODUCTION GÉNÉRALE

    I-CONTEXTE

    En 1884, l'Allemagne prend possession du Cameroun. En 1914, la Première Guerre mondiale se déclenche. Cette dernière commence aussitôt au Cameroun, et se solde par la défaite de l'Allemagne, face aux Franco-Britanniques. En 1916, la France et l'Angleterre se partagent le Cameroun. La S.D.N., dans sa mission de maintien de la paix mondiale, confie la gestion du Cameroun à la France et à l'Angleterre. Jusqu'en 1946, la France et l'Angleterre oeuvrent au Cameroun en tant que « pays mandataires »1(*). L'avènement de la Deuxième Guerre mondiale vient discréditer l'efficacité de la S.D.N., d'où la naissance de O.N.U. Aussitôt, le Cameroun est « un territoire sous tutelle de l'O.N.U.»2(*), et sa gestion reste entre les mains de la France et de l'Angleterre. L'Accord de Tutelle, dans son article 10, dispose : « L'autorité chargée de l'administration garantira aux habitants du territoire la liberté de parole, de presse, de pétition et de réunion ».  Selon l'Accord de Tutelle, un poste de radiodiffusion avec haut-parleur public doit émettre à Douala pour permettre de tenir le public au courant de tous les événements susceptibles de l'intéresser, de l'éclairer.

    I.1. LES DÉBUTS DE LA RADIODIFFUSION AU CAMEROUN : UNE EXPÉRIENCE DIFFICILE

    La première station de radiodiffusion à émettre au Cameroun fut installée à Douala, au plus fort de la Deuxième Guerre mondiale. La mission avouée de Radio-Douala était de « diffuser les bulletins d'information et les communiqués de guerre de la France libre ». Le premier émetteur utilisé était un temcographe de 150 watts, sur lequel avait été installé un modulateur. Les informations et communiqués de guerre étaient accompagnés de commentaires et lus tous les soirs à Radio-Douala. La guerre tirant à sa fin, Radio-Douala cessa d'émettre en 1944. En 1946, l'administration coloniale entreprit la réhabilitation de Radio-Douala. Recours fut alors fait au service de radioélectricité qui établit des programmes complets devant y être diffusés. Progressivement, Radio-Douala intéressait une bonne frange de l'auditoire et des autorités publiques. En 1948, un budget spécial fut alloué à Radio-Douala, qui devint alors un service reconnu et indépendant. En 1950, l'audience de Radio-Douala commença à s'améliorer, avec l'installation en son sein d'un émetteur L.M.T. De ce fait, Radio-Douala passa sous le giron de la SO.RA.FOM.

    La suspension des crédits à Radio-Douala par l'A.T.CAM. en 1952 provoqua une fois de plus son insuccès ; Radio-Douala devant fonctionner désormais sur financements propres.

    I.2. LA DISSÉMINATION DE LA RADIODIFFUSION AU CAMEROUN

    Dès 1955, la rébellion de l'U.P.C. sévissait au Cameroun. La SO.RA.FOM. décida alors d'assurer un soutien certain à Radio-Douala. De nouveaux équipements furent rendus disponibles, sur financements du F.I.D.E.S.3(*) La création de Radio-Garoua en 1958 marqua le début de la régionalisation de la radiodiffusion3(*) au Cameroun. La naissance de Radio-Garoua était liée à deux motivations majeures. En effet, l'émetteur de Radio-Yaoundé, vue sa faible puissance, ne pouvait assurer la diffusion sur toute l'étendue du territoire national. Depuis sa création en 1955, Radio-Yaoundé disposait d'un émetteur de 4 kW en ondes courtes. Radio-Garoua avait pour dessein la diffusion d'émissions au sein de la région septentrionale du Cameroun. Radio-Garoua connut des débuts difficiles, à l'instar des autres stations de radiodiffusion camerounaises de l'époque coloniale. Des efforts furent consentis dans l'immédiat, dans le sens d'améliorer son taux d'audience dans le septentrion, en vue de l'adaptation de la station au traditionalisme des populations fortement islamisées de la région.

    Le gouvernement avait prévu le renforcement du potentiel technique des stations de radiodiffusion camerounaises, notamment la puissance des émetteurs. Des stations nouvelles furent alors créées, respectivement à Buea, Bertoua et Bafoussam. L'indépendance du Cameroun sous tutelle française en 1960 et sa réunification avec l'ancien Cameroun sous tutelle britannique en octobre 1961 donnèrent une configuration nouvelle au paysage radiophonique camerounais. Il était alors question de nationaliser la radiodiffusion du Cameroun et de l'adapter à la nouvelle donne : l'aspect souverain de l'État camerounais, et le bilinguisme prôné par le président Ahmadou Ahidjo.

    II-CHOIX DES BORNES CHRONOLOGIQUES

    II .1. 1941 : date de l'ouverture de la radio au Cameroun

    En 1939, se déclencha la Deuxième Guerre mondiale. Au début de la guerre, les Français et les Anglais avaient connu des défaites cuisantes. L'une des solutions à la situation des Alliés avaient été la création des radios coloniales. Ces radios leurs permettaient en effet d'être en contact permanent et rapide avec leurs administrations coloniales, en leur communiquant des informations en rapport avec la guerre. D'où la création par la France de Radio-Douala, qui fut alors la première station à émettre au Cameroun. À l'aide de Radio-Douala, les Français pouvaient garantir une meilleure coordination de l'activité coloniale, et assurer la mobilisation des indigènes à leurs côtés, face à la redoutable Allemagne. Voilà pourquoi Radio-Douala avait été considérée comme « un enfant de la guerre ».

    II.2. 1990, ANNÉE DE L'EXPÉRIMENTATION DE LA DÉMOCRATIE AU CAMEROUN

    En 1989, il survint la rupture de l'Empire soviétique. Dès lors, le monde s'unipolarisa, avec pour idéologie dominante, le capitalisme américain. Le président français d'alors, François Mitterrand, partenaire des Etats-Unis, incita les pays africains, dans son discours prononcé à la Baule, à adopter la démocratie comme système politique. Un mouvement de contestation se développa en Afrique, et renversa la majorité des dictatures. Des lois sur les libertés d'expression et de communication y furent adoptées. Au Cameroun, l'article 1 des dispositions générales de la loi sur la liberté de communication sociale, promulgué en 1990, garantissait la liberté de presse. Aussi assista-t-on à une situation nouvelle, dans le paysage médiatique en général, et la configuration de la radio nationale en particulier. L'objectif majeur de la mise en oeuvre des lois sur les libertés de communication était d'assurer une objectivité certaine de l'information.

    III-PRÉSENTATION DU SUJET

    Notre sujet est intitulé « La radiodiffusion au Cameroun de 1941 à 1990 ». Au terme de la conférence franco-africaine de Brazzaville de 1944, le Général de Gaulle et ses partisans avaient émis l'idée de « favoriser les progrès politiques, économique et social des pays colonisés jusqu'au moment où ils seraient à même de participer à la gestion de leurs propres affaires »4(*). Mais les administrations coloniales françaises avaient organisé de violentes répressions contre les nationalistes, déterminés à se libérer de l'autorité métropolitaine. Au Cameroun, le gouvernement colonial avait combattu avec acharnement les forces de l'U.P.C. Cela conduisit en 1958 à l'assassinat du leader, Ruben Um Nyobè. Au lendemain de l'indépendance, Ahidjo fut élu Président de la République. La réunification du Cameroun sous tutelle anglaise avec l'ancien Cameroun sous tutelle française en 1961 rendit la radio commune aux deux entités socio-culturelles. En 1962, Ahidjo prit une ordonnance qui consacra la mise en oeuvre de la loi contre la subversion. Ce qui lui permit d'avoir un contrôle strict sur la radiodiffusion du Cameroun. Jusqu'en 1990, la radio nationale était demeurée un médium d'État, et ne pouvait, par conséquent, diffuser des émissions à caractère subversif.

    La nouvelle configuration politique qui prit corps, avec l'avènement du multipartisme, modifia considérablement les programmes du P.N. de la C.R.T.V. De 1961 à 1990, la radio nationale du Cameroun s'est voulue un médium destiné à promouvoir le rayonnement de l'État , et à favoriser le bien-être de ses populations, en les tenant informées de l'actualité, et en proposant des émissions susceptibles de moraliser les comportements. Selon le président Ahmadou Ahidjo, la radio se devait de renseigner les populations camerounaises sur les efforts que déployait le gouvernement pour atteindre le but qu'il s'était assigné : la formation de la nation camerounaise5(*). L'étude de la radio nationale concerne aussi ses stations locales.

    IV-MOTIVATIONS DU CHOIX DU SUJET

    Notre passion pour des questions liées à la radiodiffusion résulte de notre entrée dans le cycle supérieur. En tant qu'étudiant en Histoire, nous nous sommes adonné au questionnement sur les mobiles ayant suscité la configuration de la radio nationale. En adoptant l'Histoire des Relations Internationales comme spécialisation, nous avons découvert que la présence coloniale française et britannique a été pour beaucoup dans l'avènement des mutations qui ont entaché l'univers des médias au Cameroun depuis le Deuxième Guerre mondiale. L'objectivité scientifique nous amène à reconnaître que les études supérieures ont canalisé nos opinions en la matière. En guise de précision, nous notons quelques questions que nous nous posions, concernant la radiodiffusion : pourquoi le P.N. de la C.R.T.V. intéresse-t-il peu de Camerounais ? Qu'est-ce qui explique la tendance des radios privées à s'insurger contre les systèmes politiques en place ? Qu'est-ce qui justifie la préférence des intellectuels camerounais pour les radios étrangères ? Ces questions nous ont conduit à aborder le présent travail sous un angle historique.

    V-OBJECTIFS DU TRAVAIL

    Ce travail a pour but de lever un pan de voile sur l'incidence de la radiodiffusion du Cameroun sur ses structures politiques, économiques et socio-culturelles. Il vise à forger l'opinion sur le rôle joué par la radiodiffusion dans le positionnement international du Cameroun. À travers ce travail, nous ambitionnons de présenter les rapports entre la radio nationale et les pouvoirs publics du Cameroun. L'influence des radios étrangères sur les programmes de la radio nationale sera également la préoccupation de ce travail, de même que les mutations qui y ont eu lieu. Le but de ce travail est aussi de faire connaître l'attitude des populations camerounaises à l'égard de la radio nationale au lendemain de l'indépendance du pays.

    Nous envisageons également de faire connaître les mécanismes qui ont suscité l'augmentation du taux d'écoute de la radiodiffusion de la nation, et sa place dans la vie quotidienne des Camerounais. Nous examinerons les approximations relatives à la mainmise des pouvoirs publics sur la radio d'État, ainsi que ses limites liées à la ligne éditoriale, qui contraste avec les missions classiques de la radiodiffusion qui sont d'éduquer, d'informer et de divertir. Nous démontrerons que la vulgarisation de la notion de « liberté » n'a pas suffisamment modifié l'esprit de la radio nationale. Nous projetons de surcroît de dégager le cadre juridique qui régit la radio nationale, et les avancées qu'elle a connues de l'indépendance du pays à l'adoption de la démocratie. Nous entendons dégager le niveau d'application de la déontologie au sein de la radio nationale, faire un bilan objectif sur la radio d'État, et montrer qu'elle a contribué à pérenniser la domination occidentale sur le Cameroun. Les disparités entre les grilles des programmes en français et ceux diffusés en langue anglaise seront aussi abordées dans ce travail. Nous ne pouvons faire l'économie du rôle que la radio jouera dans la promotion de la paix6(*).

    Le présent travail est destiné à donner à voir l'évolution de la radiodiffusion du Cameroun entre 1941 et 1990. Il est question de mener une analyse objective sur les circonstances qui ont conduit à la création du P.N. de radiodiffusion camerounaise. Nous nous proposons de démontrer que l'indépendance du Cameroun oriental impliquait l'indépendance de sa radiodiffusion, et que sa réunification avec sa contrée occidentale avait suscité la naissance d'un poste national commun aux deux régions, répondant ainsi de façon directe à l'idéal d'unité prôné par le président Ahmadou Ahidjo. Il est important de souligner que l'E.S.I.J.Y., née au début des années 1970, et qui formait des cadres de la radio nationale, posait, une fois de plus, le problème de la marginalisation des populations anglophones du pays, car elle dispensait une formation exclusivement francophone. D'où le caractère douteux de l'aspect national de la radiodiffusion au Cameroun après l'indépendance ; ses émissions atteignant approximativement la cible (les populations de toute l'étendue du territoire).

    Nous nous sommes donné pour devoir de démontrer que les insuccès de nombre de projets de développement du Cameroun résultaient en partie des défaillances de la radio nationale, quant à sa mission éducative et pédagogique, vis-à-vis des populations. Notre travail s'articulera aussi autour de la dynamique de la radio d'État, liée à l'accession au pouvoir du président Paul Biya en 1982, et à l'avènement de la télévision nationale en 1985. Nous mentionnerons l'incidence du multipartisme politique, au début des années 1990, sur la radio nationale ; les recherches menées jusque-là tendant à faire penser à l'augmentation du temps d'antenne consacré à la politique.

    VI-PROBLÉMATIQUE DU TRAVAIL

    En 1941, la radio naît au Cameroun, sous la bannière de la France. En 1960, le Cameroun sous tutelle française accède à l'indépendance. En 1961, c'est au tour du Cameroun sous tutelle britannique d'obtenir sa libération de l'autorité coloniale. Puis, s'en suit la réunification des deux Cameroun. Le Cameroun, en tant qu'État, aspire à concrétiser sa souveraineté. Il est d'entrée de jeu question pour le pouvoir en place d'internaliser les institutions du pays : c'est le processus d'affirmation de l'identité internationale du jeune État du Cameroun. La réunification entre l'ex-Cameroun sous tutelle française et le Cameroun sous tutelle britannique est loin de rendre efficace la gestion de la radiodiffusion. Quelles sont les mutations ayant marqué la radio coloniale au Cameroun ? Comment se présente la radio nationale du Cameroun entre 1961 et 1990 ? En quoi la loi de 1962 contre la subversion a-t-elle influencé la radio d'État du Cameroun ? Comment s'est-elle arrimée au contexte d'unification du pays ? Quels ont été les effets de la crise économique des années 1980 sur le fonctionnement de la radio nationale ? Quel fut son impact socio-culturel ? Quels étaient ses rapports avec le gouvernement ? Quelles sont ses caractéristiques relatives à l'avènement de la télévision nationale au milieu des années 1980 ? Qu'est-ce qui a marqué ses idéaux après la « démocratisation » du pays en 1990 ?

    VII-HYPOTHÈSES DE RECHERCHE

    Notre thème a suscité en nous quelques réflexions préalables. De prime abord, nous nous sommes interrogé sur le contexte dans lequel s'inscrit la radiodiffusion du Cameroun en 1941. Nous nous sommes interrogé sur la place de la radiodiffusion dans le processus de décolonisation du Cameroun. Par la suite, nous nous sommes questionné sur les effets de l'indépendance du Cameroun sous tutelle française en 1960 sur la radio nationale. En plus, nous nous sommes appesanti sur la question de la réunification des deux Cameroun en 1961 et, à ce propos, nous nous sommes posé la question de savoir s'il n'avait pas été envisagé la mise sur pieds au sein de la nation d'un système de radiodiffusion susceptible de répondre aux attentes de ses populations anglophones et francophones. L'attention a été portée sur le rôle de la radio nationale du Cameroun au lendemain de son indépendance. Nous avons par la suite eu l'idée de mentionner le lien qui existe entre la radio et la situation de sous-développement qu'avait connu le Cameroun après l'indépendance.

    Les problèmes de la radiodiffusion du Cameroun ont également attiré notre attention, ainsi que les mutations qu'elle a subies avec l'avènement de l'État unitaire en 1972. La nouvelle configuration du P.N. de radiodiffusion du Cameroun, résultat de la naissance, au milieu des années 1980, de la télévision nationale, et son jumelage avec celle-ci en 1988, font partie des idées que nous avons eues lorsque nous nous engagions à produire ce travail. La libéralisation du secteur de l'audiovisuel en 1990 et ses effets sur le P.N. de la C.R.T.V. ont suscité en nous une interrogation pertinente : la radio nationale était-elle à même d'accomplir ses missions essentielles qui étaient d'éduquer, d'informer et de divertir les Camerounais ? L'écoute systématique des radios étrangères, la R.F.I. et la B.B.C. en l'occurrence, en dépit de la mauvaise qualité du son liée à leur absence de la F.M., était une preuve du refus des Camerounais instruits d'écouter le P.N. de radiodiffusion du Cameroun. La préférence des Camerounais pour des radios étrangères laisse penser que la radio nationale ne satisfaisait pas suffisamment ses auditeurs7(*).

    Une opinion tend à faire penser que la radio nationale s'investit depuis l'indépendance du Cameroun dans l'apologie des systèmes politiques en place. Notre ambition concernant ce point de vue est de présenter les rapports entre la radio publique et les régimes politiques qui se sont succédés au Cameroun jusqu'en 1990, le pays existant en tant qu'État depuis 1957, date de la mise en place de ses premières institutions politiques8(*). Il ne serait pas superflu de relever la place de la radio publique dans le rayonnement du Cameroun à l'étranger. Cela est certainement une raison plausible de la décision des pouvoirs publics d'adopter la loi sur la censure administrative concernant les émissions diffusées à la radio nationale. Ce qui empêchait la diffusion à la radio nationale d'informations dites contre-gouvernementales, même lorsqu'elles étaient crédibles. Le but de cette décision était de donner au Cameroun l'image d'un pays où la « bonne gouvernance »9(*) était de mise.

    VIII-REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

    Nous reconnaissons que très peu de sources écrites traitent spécifiquement de l'histoire de la radio nationale du Cameroun. La plupart des documents écrits abordent la question de la radio publique sous l'angle du journalisme.

    Ainsi, Valentin Ngah Ndongo10(*) fait état de la situation des médias au Cameroun en 1993. Il édifie à suffisance sur les régimes de presse, les entraves à la liberté de presse, les types de médias, et les professionnels des médias.

    Francis Bebey11(*) ressort les limites des radios d'Afrique subsaharienne et leur situation jusqu'en 1962. Cependant, il renseigne de façon brève sur les événements ayant marqué la radiodiffusion au Cameroun entre 1941 et 1962.

    Michel Tjadé Eonè12(*) éclaire l'opinion sur l'attitude des auditeurs de la radio nationale en 1986, et la forme d'écoute. Il insiste sur le phénomène d' « écoute collective » qui résulte de la situation de pauvreté financière et matérielle des auditeurs Camerounais. Il mentionne les attentes des gouvernants et des gouvernés camerounais vis-à-vis de la radio publique, et donne le contenu des programmes de ladite radio. Par ailleurs, il compare la radio d'État du Cameroun aux radios étrangères (Africa n°1, la R.F.I. et la V.O.A). Mais les travaux de Tjadé Eonè se limitent à l'année 1986 et ses données correspondent exclusivement à cette courte période. Ce qui ne donne pas une idée claire de la dynamique de la radio nationale sur une période digne d'une analyse historique

    Albert Mbida13(*) analyse l'attitude des auditeurs camerounais vis-à-vis de la qualité et du contenu des émissions produites par la radio camerounaise en 1973. Il se limite à l'année 1973, et donne à voir une séquence de l'histoire de la radiodiffusion au Cameroun.

    André jean Tudesq14(*) mène une brève étude descriptive de la radiodiffusion en Afrique, et présente celle-ci comme une chasse-gardée des systèmes politiques. Mais ici, aucune allusion profonde n'est faite du Cameroun, espace géographique sur lequel s'étend notre travail.

    Jean-Pierre Biyitti bi Essam15(*) met à jour l'histoire brève de la radiodiffusion en Afrique, ainsi que la problématique de sa régionalisation au Cameroun. Mais le travail porte sur l'année 1984, et fait ainsi fi du rôle de la télévision nationale dans les mutations observées au sein du P.N.

    Zachary Nkwo Tokolo16(*) ressort l'importance de la radiodiffusion au sein de la région anglophone du Cameroun. Il y présente les problèmes de la radio en zone d'expression anglaise. Mais une étude comparative entre ladite station et les stations locales des autres régions du pays généraliserait ou particulariserait les problèmes de la radio nationale.

    Rose Ikelle17(*) démontre la place qu'occupe la radio nationale dans l'éducation des masses, et n'hésite pas à faire mention de ses avantages en termes de coût, de commodités et d'efficacité. Cependant, les travaux de Rose Ikelle analysent l'une des missions fondamentales de la radio nationale, à savoir l'éducation des masses. Ce qui nous appelle à introduire dans notre mémoire les autres fonctions de la radio nationale du Cameroun et la dynamique à laquelle elle a obéi entre 1941 et 1990.

    Marie-Esther Ngo Bila18(*) donne des informations pertinentes sur le contexte de création de la radiodiffusion au sein du pays, l'importance du rôle qu'elle avait joué dans sa décolonisation, ses caractéristiques, deux ans après l'indépendance. D'où la nécessité pour nous d'étendre cette étude jusqu'à 1990, la deuxième borne chronologique de notre thème.

    IX-MÉTHODOLOGIE

    Notre travail se veut historique. Il résulte d'une enquête rigoureuse, axée sur la consultation des sources écrites et orales. À ce propos, nous avons consulté des écoles de pensée diverses. La première école est historique. En plus, nous avons fait recours à la vision socialiste, car la radiodiffusion est rattachée à la société orientée selon les idéaux des dirigeants du cadre géopolitique au sein duquel elle s'intègre. Parce que destinée à l'éducation des masses, la radiodiffusion se rapporte au socialisme. Les idées capitalistes qui dominent le monde actuel font partie des supports scientifiques sur lesquelles s'appuie ce travail, dans la mesure où, dès 1990, le Cameroun, dans le contexte de la « démocratisation », avait consacré la vulgarisation, en son sein, de l'idéologie libérale. L'éducation des masses populaires, ainsi que le divertissement des auditeurs incombant à la radiodiffusion, sont présentés ici comme un principe relevant de la pédagogie et de l'enseignement, car la radio contribue à l'instruction des peuples.

    Les médias constituent le « quatrième pouvoir », pensent les spécialistes de la question. De ce fait, les médias contribuent à la construction de l'opinion politique, et influencent les modes de gestion des États. D'où le rapprochement de ce travail avec la pensée politiste qui se rapporte notamment à l'étude des institutions politiques et à leur portée socio-économique. Les difficultés auxquelles est confrontée la radio, à savoir les déficits de financements et le traitement subjectif des idées et des informations, lient ce travail à la pensée économiste et au système de management des entreprises. L'attitude des populations camerounaises vis-à-vis de la radio nationale (leur désenchantement) est certainement liée à leurs origines, à leur environnement, et à leur histoire, qui les rendent réfractaires à l'écoute systématique des émissions à caractère purement instructif (débats et informations). Ce travail est ainsi relatif à l'anthropologie qui traite notamment de l'Homme et de sa culture. Parce que se rapportant à l'une des institutions de presse, à savoir la radio, ce travail à trait au journalisme et la communication.

    Pour pouvoir produire ce travail, nous avons eu recours aux historiens et aux spécialistes des médias. Nous avons fait recours au Pr. Léonard Israël Sah qui, en tant qu'historien des médias, nous a encouragé à réaliser ce travail, en soulignant qu'il s'inscrit dans la continuité de l'approche développée par Marie Ester Ngo Bila, dont le mémoire de Maîtrise porte sur la radiodiffusion au Cameroun entre 1941 et 1962. Par la suite, nous avons fait recours au Pr. Albert Mbida, enseignant à l'E.S.S.T.I.C. Le Pr. Albert Mbida nous a instruit de commencer l'étude de la radiodiffusion à l'époque coloniale. Par ailleurs, nous avons abordé le Pr. Michel Tjiadé Eonè, spécialiste des questions de la radiodiffusion. Ce dernier a approuvé et affirmé l'originalité du thème, et s'est porté garant de mettre à notre disposition les documents dont il disposait.

    Au terme des consultations réalisées auprès des spécialistes des médias, nous nous sommes rendu dans des centres de documentation, en vue de la recherche des données écrites sur le thème. De prime abord, nous nous sommes rendu aux Archives nationales, où nous avons pu avoir une documentation intéressante sur la naissance et l'évolution de la radiodiffusion au Cameroun entre 1941 et 1960. Par la suite, nous avons consulté la bibliothèque de la maison de la radio nationale qui nous a fourni une littérature édifiante sur la question de la radiodiffusion au Cameroun depuis l'indépendance et la réunification.

    Nous avons également consulté la bibliothèque de l'E.S.S.T.I.C. Ici, nous avons eu droit à une riche documentation concernant la radiodiffusion au Cameroun, plus particulièrement des essais, des thèses de doctorat, des mémoires de licence en journalisme et des rapports d'enquêtes. La bibliothèque de l'Université de Yaoundé I nous a fourni des ouvrages traitant de la période coloniale au Cameroun. Elle nous a ainsi donné des outils essentiels permettant une meilleure compréhension de l'évolution de la radiodiffusion, ses sources de financement, sa mission fondamentale qui était de conforter l'autorité coloniale sur le Cameroun.

    Le travail de terrain a consisté aux interviews auprès des spécialistes des médias et de la radiodiffusion, des journalistes de radio, de télévision et de presse écrite, tant publiques que privées, ainsi que des personnes neutres. L'objectif, au cours de cette phase du travail, était d'obtenir une version synthétisée et objective des caractéristiques de la radio nationale de 1941 à 1990.

    X-DIFFICULTÉS

    Ce travail a connu dans ses débuts des difficultés liées à notre immaturité en matière de recherche. En effet, bien que passionné par le thème, nous avons été confronté au problème de consultation des sources. Le thème se rapportant à la radiodiffusion, les documents y relatifs étaient indisponibles dans des centres de documentation spécialisés sur l'Histoire. De ce fait, nous avons consulté des bibliothèques axées sur la communication et le journalisme (l'E.S.S.T.I.C., la C.R.T.V.). Ce qui n'a pas été chose aisée, dans la mesure où nous ne fréquentions pas assez ces milieux, dès notre entrée dans le supérieur. La deuxième difficulté à laquelle nous avons fait face était liée à l'indisponibilité de nos informateurs-clés. Ces derniers sont en effet des cadres à la C.R.T.V. ou au MIN.COM. Certainement, leurs occupations permanentes ne leur ont pas permis de nous recevoir dans les délais impartis. Cela nous a contraint à des pertes de temps.

    Au cours de nos recherches, nous avons fait face au refus quasi catégorique de certains informateurs importants de nous accorder des entretiens, certainement en raison de leur souci de protéger leur statut social et de se positionner davantage au niveau professionnel, car notre thème qui s'avère sensible. Il s'agit notamment de certains cadres de la C.R.T.V. et du MIN.COM., sensés avoir un maîtrise approfondie du fonctionnement de la radio nationale et de ses impacts au lendemain de l'indépendance. À la phase finale de ce travail, nous avons été confronté aux ruptures intempestives d'électricité qui suscitaient l'endommagement de nos dispositifs électroniques. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui expliquent le retard avec lequel nous l'avons soumis à l'appréciation de nos encadreurs.

    XI-PLAN

    Pour rédiger ce travail, nous avons opté pour une approche à la fois chronologique et thématique. Ainsi, nous présentons respectivement : la radiodiffusion au Cameroun avant les indépendances ; l'apport de la radiodiffusion du Cameroun indépendant ; le rayonnement international de cette radio, ses difficultés et ses défis.

    CHAPITRE I

    LA RADIODIFFUSION AU CAMEROUN AVANT LES INDÉPENDANCES (1941-1959)

    L'idée de la création d'une radio au Cameroun était portée par le lobby colonial, influencé par la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi, en 1941, la France mit sur pied un poste en ondes courtes à Douala, pour répondre aux nécessités d'information et de propagande dans l'effort de guerre. Mais dès 1946, le Cameroun, en tant que territoire sous tutelle de l'O.N.U., disposait d'une station de radio, ayant vocation à le conduire à l'indépendance et à la réunification, conformément aux revendications des nationalistes de l'U.P.C.

    I- NAISSANCE ET ÉVOLUTION DE LA RADIODIFFUSION DU

    CAMEROUN

    La mise en place d'une radio au Cameroun était la manifestation de l'ambition de la France d'asseoir sa domination sur le pays, et d'en faire une chasse-gardée, d'autant plus que le contexte international, caractérisé par la Deuxième Guerre mondiale, s'y prêtait.

    I.1. LA NÉCESSITÉ D'UN POSTE ÉMETTEUR AU CAMEROUN

    En 1919, La Conférence de paix de Versailles, créant la S.D.N., fait du Cameroun, un territoire sous mandat. La S.D.N. reçoit pour mission de favoriser l'évolution du Cameroun. Elle adopte comme pays mandataires la France et l'Angleterre. Vu son échec dans sa mission de maintien de la paix mondiale, la S.D.N. est remplacée par l'O.N.U. Le Cameroun devient alors un territoire sous tutelle de l'O.N.U. Ainsi, il a un statut particulier, par rapport aux autres possessions territoriales. Aussi était-il nécessaire pour le Cameroun d'avoir un poste de radiodiffusion propre.

    I.1.1. La justification : l'inexistence au Cameroun d'un système de radiodiffusion propre

    En Afrique, les premières stations de radiodiffusion ont fait leur apparition vers les années 1940. La première station de radio à émettre au Cameroun fut Radio-Douala, en 1941. Son importance pour les puissances administrantes, la France et l'Angleterre, n'était plus à démontrer.

    De 1941 à 1943, un poste en ondes courtes, installé à Douala, répondait aux nécessités d'information et de propagande dans l'effort de guerre de la France libre. Le Cameroun ne disposait jusqu'en 1947 d'aucun moyen de radiodiffusion propre. Léonard Israël Sah le souligne avec pertinence, en ces termes : « la radio avait été introduite au Cameroun par la colonisation française au début des années 1940. L'objectif de la France était, dans ce projet, de répondre à ses nécessités de guerre, car elle était en proie à des attaques militaires des Nazi »19(*). Les populations camerounaises écoutaient le poste émetteur de Radio-Brazzaville ou les postes locaux du Nigéria britannique. Le Cameroun ne comptait d'ailleurs en 1947 qu'un millier de récepteurs, majoritairement européens. Cette situation parut anormale en 1947.

    Placé sous la tutelle de l'O.N.U., le Cameroun pouvait s'affirmer au niveau international. La nécessité de cette affirmation internationale avait conduit à la création d'un poste de radiodiffusion conforme au statut du pays. Dans cet esprit, dès 1947, le gouvernement local avait décidé de créer, au Cameroun, une station de radiodiffusion, au moment où le MIN.F.O.M. se proposait d'y installer, à délai bref, un émetteur d'un kW en ondes courtes. Le statut particulier de ce pays avait suscité l'établissement d'un régime nouveau devant concrétiser son association à la France métropolitaine. Le gouvernement local avait alors envisagé une société anonyme, dont les actions devaient être réparties entre le territoire du Cameroun et la France libre. Les actions attribuées à la France devaient être gérées par une société d'État, à savoir la SO.FI.RAD., et devaient représenter des apports en matériels. Le Conseil d'Administration devait comprendre des représentants français et africains du Cameroun, et des représentants de la France (SO.FI.RAD. et MIN.F.O.M.). Le Haut-Commissaire devait avoir des pouvoirs de contrôle sur le poste, le Département en conservant la surveillance technique. Dans ce projet, la société devait recevoir du Cameroun la concession exclusive de la radiodiffusion au sein du territoire. Ses dépenses d'exploitation devaient être couvertes par une dette radiophonique complétée par une subvention locale. Pour permettre la constitution de la société, le matériel issu du MIN.F.O.M. devait être concédé à la SO.FI.RAD., par contrat entre celle-ci et l'État. Ce projet est resté lettre morte. En juillet 1947, le Haut-Commissaire chargea une commission d'examiner les conditions dans lesquelles pourrait être immédiatement organisé « un service d'émissions radiophoniques susceptibles d'intéresser et de toucher les masses africaines.»20(*)

    Après la Première Guerre mondiale, et la Conférence de paix de Versailles, tenue le 28 juin 1919, la S.D.N. place le Cameroun sous mandat français et britannique. Les puissances mandataires ont des obligations multiples : faire disparaître l'esclavage et, en particulier la traite ; ne procéder au travail forcé que pour des ouvrages publics essentiels ; exercer un contrôle rigoureux sur le trafic des armes et des munitions de guerre, ainsi que sur les spiritueux et des boissons alcooliques ; limiter le service militaire des autochtones aux seuls besoins intérieurs du territoire; garantir la liberté de conscience et de culte ; tenir compte des coutumes indigènes dans les transferts des propriétés foncières. En décembre 1946, le Cameroun reçoit un statut de tutelle qui le place en dehors de la République française et oblige celle-ci d'en accélérer le progrès politique.

    I.1.2. La propagande dans l'effort de guerre aux côtés de la France et de l'Angleterre

    Au début de la Deuxième Guerre mondiale, la France est affaiblie. Le gouvernement de la France libre mobilise son empire colonial. Le 18 juin 1940, le Général de Gaulle lance un appel à l'effort de guerre à la B.B.C. En plus, pour la France, il est question de rompre le mouvement germanophile qui se profile dans les anciens territoires allemands.

    Suite aux défaites répétées de la France, face à l'ennemi nazi, le Général de Gaulle fait appel à son empire colonial. L'Empire colonial anglais, tout comme celui français, répond favorablement à l'appel du Général de Gaulle. Par le truchement de la radio, les messages relatifs à la guerre parviennent aux administrateurs coloniaux. Quelques indigènes instruits et quelques ressortissants européens, disposant d'un poste récepteur, peuvent accéder aux informations de la métropole, avant leur transmission, en tant que de besoin, au reste de la population. Ainsi, les soldats camerounais sont embauchés, pour participer à la guerre, aux côtés des Alliés. Des provisions sont prévues, à la demande du gouvernement métropolitain, pour alimenter les soldats en guerre.

    En bref, la radiodiffusion du Cameroun, en tant que moyen de transmission rapide des informations de guerre, avait servi à la mobilisation des indigènes, au travers du profond travail de sensibilisation mené par l'administration coloniale, dans le sens du renforcement de la force anti-nazie.

    Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne vaincue se voit retirer toutes ses possessions territoriales. Elle est sommée de payer de lourdes réparations, car accusée d'incitation à la guerre. Ces décisions sont prises durant la conférence de paix de Versailles de 1919, en l'absence de l'Allemagne. Ainsi, un esprit de rancoeur s'installe chez les Allemands. La crise économique mondiale de 1929 accentue cette rancoeur allemande, dans la mesure où elle facilite l'accès au pouvoir du radical Hitler, qui promet aux Allemands le renversement de la tendance. L'Allemagne entame un processus de regermanisation de ses anciens territoires. Elle encourage des regroupements des Camerounais autour de l'idéal de réunification, car le pays, après l'implantation des Français et des Anglais, avait été divisé : ce fut le mouvement germanophile, celui des personnes d'origine locale ou non, souhaitant le retour au « Kamerun » allemand. Mais la France entend préserver les acquis afin de consolider sa puissance. L'un de ses défis majeurs est alors de compromettre toute idée de regermanisation du Cameroun. Moyen de communication orale moderne, le plus accessible aux indigènes, la radio devait permettre à la France de combattre le retour au Cameroun allemand.

    I.2. ORGANISATION ET PORTÉE COLONIALE DE LA RADIODIFFUSION DE LA F.O.M.

    Radio-Douala, à l'instar des autres postes coloniaux français d'Afrique, relevait d'une vaste organisation, connue sous le nom du R.T.R.F. Cette organisation couvrait l'A.O.F., l'A.E.F., le Cameroun, Madagascar. Il existait trois catégories de stations : les stations nationales, les stations régionales, les stations locales.

    I.2.1. Un relais de la radiodiffusion française

    La radiodiffusion du Cameroun avait été créée pour servir les intérêts de la France. Pour ce faire, la France avait mis sur pied un dispositif juridique, et avait placé la radiodiffusion camerounaise sous tutelle de la SO.RA.FOM.

    Le réseau territorial de radiodiffusion était très centralisé au Cameroun. Il relevait d'une vaste organisation, directement placée sous le contrôle du gouvernement français, en vertu des dispositions règlementaires de l'époque. En effet, aux termes du décret du 6 février 1947, les questions relatives à la radiodiffusion faisaient partie des attributions du Président du Conseil des Ministres français. Le décret du 6 juillet 1953 portait délégation d'attributions au Secrétaire d'État français à la Présidence du Conseil, chargé de l'Information. En ce qui concerne le réseau territorial, le décret du Président du Conseil des Ministres, portant organisation de la radiodiffusion de la F.O.M., disposait, dans son article premier :

    Dans chaque territoire ou groupe de territoires est institué un service de la radiodiffusion placé sous l'autorité du Chef de Territoire et organisé par lui par arrêté pris conformément aux directives du Ministre de la France d'Outre-Mer et soumis à son approbation21(*).

    D'autres dispositions de ce texte règlementaire portaient aussi bien sur le statut du personnel que sur le mode de financement des stations de radiodiffusion coloniales. L'exploitation du réseau de stations territoriales était assurée par un personnel relevant du MIN.F.O.M. L'article 4 du même décret précise, dans son alinéa 3 : « Les chefs de services et de stations du réseau territorial sont nommés par arrêté du Ministre de la France d'Outre-Mer, après avis du Secrétaire d'État à la Présidence du Conseil chargé de l'information ». Les autres agents étaient nommés ou affectés, après consultation du Chef du territoire22(*). Les financements étaient obtenus grâce aux crédits inscrits au budget du territoire, au budget annexe ou spécial, institué dans les conditions fixées par le décret de 1972.

    Les questions relatives à l'organisation, à l'équipement, et à l'exploitation des stations du réseau colonial de radiodiffusion, incombaient au S.R.F.O.M. En 1956, ce service dépendait de la SO.RA.FOM. Instituée par arrêté du 18 janvier 1956 du MIN.F.O.M., la SO.RA.FOM. avait pour but de « faciliter l'amélioration et le développement de la radiodiffusion dans les territoires d'Outre-Mer, en réalisant l'équipement du Réseau et éventuellement le fonctionnement ». La SO.RA.FOM. avait ainsi concrétisé ses activités dans les domaines des programmes, de la formation professionnelle, et de l'équipement. Ces activités furent poursuivies par l'O.CO.RA. qui l'avait remplacé le 14 avril 1962. En 1969, la D.A.E.C. se substitua à l'O.CO.RA. Par l'adoption et la mise en oeuvre d'un système de centralisation de la radiodiffusion au Cameroun, la France visait, non pas l'épanouissement des populations locales, mais le renforcement de ses méthodes coloniales, destinées à pérenniser son pouvoir.

    I.2.2. La radiodiffusion : un moyen de promotion de la colonisation française au Cameroun

    Pour perpétuer ses activités coloniales au Cameroun, la France se devait de vaincre l'ennemi allemand, durant la Deuxième Guerre mondiale. D'où la création d'un organisme de radiodiffusion au Cameroun. Ainsi, une fois la guerre achevée, Radio-Douala ferma, mais à titre provisoire.

    En introduisant la radiodiffusion au Cameroun, l'administration coloniale française n'envisageait pas d'informer les masses ou les populations locales ; Radio-Douala n'avait ni une dimension régionale, ni une audience nationale. Son but était de donner aux populations des informations sur la guerre23(*). Par la suite, Radio-Douala devait servir de moyen de propagande anti-nazie. Elle avait ainsi incité les populations du Cameroun français à prendre fait et cause pour la France libre. La fin des hostilités suscita la reconversion civile des services de la radiodiffusion du Cameroun, un an après sa brève interruption. Par ailleurs, Radio-Douala devait appartenir à un réseau territorial centralisé, dirigé par le gouvernement de la F.O.M., qui relevait du Secrétariat d'État à la Présidence du Conseil des Ministres français, chargé de l'information.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, la radiodiffusion jouait un rôle important au Cameroun. Le Cameroun était ainsi devenu un enjeu pour Vichy et les partisans du Général de Gaulle. La radio était alors le premier moyen de résistance en France. Au Cameroun, la radio a été introduite à Douala, en 1941, pour diffuser les communiqués de la France libre. Les émissions furent interrompues en 1944, en raison de la fin de la guerre en France. Elles ne purent reprendre qu'en 1946. L'auditoire camerounais s'intéressait davantage à la radio, en sorte que, en 1948, il fut réalisé une première inscription de celle-ci au budget du territoire. De ce fait, Radio-Douala était devenue un service reconnu et indépendant. En 1949, elle fut équipée d'un émetteur L.M.T. d'un kW. Cet émetteur fut installé en 1950, et augmenta l'audience de la station. En 1956, Radio-Douala passa sous la gestion de la SO.RA.FOM. 

    II- L'ÉVOLUTION DE LA RADIODIFFUSION AU CAMEROUN

    Animée par l'ambition d'avoir le monopole sur l'ensemble du territoire, et d'accomplir la mission que lui avait assignée l'O.N.U., à savoir favoriser l'indépendance du pays, la France avait décidé de créer des stations de radio provinciales, respectivement à Yaoundé et à Garoua.

    II.1. RADIO-DOUALA, RADIO-YAOUNDÉ, RADIO-GAROUA

    Nous rappelons que la première station de radio à émettre depuis le territoire du Cameroun vit le jour au plus fort de la Deuxième Guerre mondiale. Jacqueline Gras affirme à ce propos : « C'est en effet en 1941 que les autorités françaises, alors tutrices du Cameroun oriental, estimant qu'il était intéressant de rediffuser les bulletins d'informations et communiqués de guerre de la France libre, firent appel au service radioélectrique du Cameroun, indépendant des postes et télécommunications ». Radio-Douala, « enfant de guerre »24(*), fut ainsi créée.

    II.1.1. Radio-Douala

    A l'instar des autres stations de radiodiffusion coloniales, Radio-Douala se caractérisait par une intense activité et un système de gestion destinés à satisfaire les besoins de la métropole.

    En août 1947, la station radioélectrique de Douala-New-Bell commença la diffusion d'émissions radiophoniques. Elle utilisait alors un émetteur du type Temco - 250 W, auquel avait été adjoint un étage supplémentaire, construit sur place. Depuis la mise en place de l'émetteur, le poste de Radio-Douala était imprécis. Organisé et fonctionnant grâce au service radioélectrique, installé dans ses locaux, et contrôlé, techniquement, par ce service, le poste a été temporairement rattaché à la D.A.C.S., en vue de l'organisation des programmes. Mais il dépendait du service de l'information. Malgré l'imprécision de son statut, le poste continuait d'exister. Cette existence était reconnue et approuvée par les organismes internationaux, comme nous pouvons le lire dans le rapport de la délégation des territoires français d'Outre-Mer, sur la conférence internationale de radiodiffusion à hautes fréquences, réunie à Mexico, du 22 octobre 1948 au 10 avril 1949 :

    Le Cameroun, qui disposera d'un émetteur d'un kW, a obtenu l'allocation d'une fréquence de 6 Mc / sec toute la journée de 6h à 9h, 11h 30 à 15h, 17h 30 à 24h locale et d'une fréquence de 9Mc / sec de 11h 30 à 15h, fréquences qui permettront la diffusion d'un programme local dans un rayon de 600 à 1000 kms autour de l'émetteur25(*).

    Les programmes de la radio coloniale du Cameroun étaient réalisés en fonction des horaires précis et des langues dominantes des différentes régions sur lesquelles s'étendait sa diffusion. Radio-Douala émettait tous les jours, durant 2 h 45 min, de 18 h 30 min à 21 h 15 min, au niveau local. Chaque dimanche, le poste diffusait une émission supplémentaire d'une durée de 2 h, de 11 h à 13 h. Au total, le poste diffusait 21 h 15 min, chaque semaine. Les projets en étude assuraient au poste de Radio-Douala 5 h d'émissions par jour, de 18 h à 23 h. Une émission supplémentaire devait être diffusée pendant 4 h, le dimanche, de 10 h à 14 h. En perspective, Radio-Douala devait diffuser 39 h par semaine.

    L'équipement du Cameroun devait répondre aux exigences du « Trusteeship », tel qu'il est défini dans l'article 76 de la Charte des Nations-Unies qui, parmi les fins essentielles du régime de tutelle, énonce la nécessité de « favoriser le progrès politique, économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi que le développement de leur instruction »26(*). De tous les moyens d'information et de diffusion des idées, de l'instruction et de la culture chez les masses, la radiodiffusion était l'organe le plus efficace du monde moderne, notamment dans les territoires d'Outre-Mer, où les communications terrestres ne permettaient encore qu'une diffusion incomplète de la presse et des livres27(*). D'où les dispositions prises par le gouverneur Soucadeaux, qui affirme :

    Je voudrais faire de l'antenne de Radio-Douala un véritable poste camerounais. Parallèlement, nous cherchons à donner à l'écoute une audience beaucoup plus large, en installant des diffuseurs publics et en mettant à la disposition de l'élément africain de petits récepteurs à prix modiques28(*).

    À sa naissance, le poste de radiodiffusion de Douala dépendait de deux services locaux. Du point de vue technique, il dépendait du service radioélectrique, rattaché à la D.P.T.C., qui assurait l'entretien du matériel, le fonctionnement de l'émetteur, et abritait, dans les locaux de la station radio de Douala-New-Bell, un émetteur et un studio étroit. Du point de vue de l'administration du poste, de la confection de ses programmes et du contrôle général de ses émissions, Radio-Douala dépendait du service de l'information, rattaché directement à la D.C.H. Mais ce service n'était installé qu'à Yaoundé et ne pouvait exercer qu'un contrôle approximatif sur les émissions de Radio-Douala, d'autant plus que le faible rayon de ses émetteurs ne permettait pas une meilleure audition de ses émissions à Yaoundé. Le contrôle était en effet exercé par l'administrateur-maire de Douala, délégué du Haut-Commissaire de cette ville. Pendant longtemps, la proximité de Radio-Brazzaville et la diffusion de ses émissions sur tout le Cameroun avaient donné au poste de radiodiffusion du pays un intérêt local. D'après les autorités, son importance ne devait exiger une organisation autonome, ni dans le domaine technique, ni dans celui des émissions et de l'Administration. Sous réserve du recrutement d'un personnel spécialisé et de la construction des bâtiments adaptés, le poste de radiodiffusion du Cameroun dépendait du service radioélectrique, pour ce qui était de l'entretien du matériel et du fonctionnement de l'émetteur.

    II.1.2. Radio-Yaoundé

    L'importance de Radio-Yaoundé s'expliquait par le fait que Yaoundé était le siège des institutions politiques de la France au Cameroun et abritait ainsi un nombre important de Français. Voilà pourquoi l'administration coloniale avait élargi la portée de ses émissions, en améliorant la qualité de son émetteur et en intensifiant son activité.

    En 1954, le Cameroun sous tutelle française est frappé de plein fouet par les manifestations nationalistes de l'U.P.C. Ainsi, en 1955, la gestion de la station de Radio-Douala, de même que les programmes de développement d'une radiodiffusion camerounaise, sont confiés à la SO.RA.FOM. À Yaoundé, la SO.RA.FOM. installe deux émetteurs, respectivement celui d'un kW en ondes moyennes, et celui de 4 kW en ondes courtes.

    Animée par l'ambition de préserver les intérêts de la France, l'administration coloniale avait décidé de coordonner l'information de la radiodiffusion au Cameroun. Mais cette coordination était impossible, tant que la radiodiffusion était installée à Douala. Il convenait donc d'en prévoir la transmission à Yaoundé, dans des délais brefs. La fusion effective entre la radio et l'information aidant, il avait été créé un poste émetteur, en contact direct avec le Haut-Commissaire, et les organes du gouvernement. Le gouvernement assurait le contrôle des émissions et la réalisation des programmes plus complets. L'installation du poste de radiodiffusion à Yaoundé permit de couvrir les diverses régions du Cameroun29(*), avec un émetteur d'un kW.

    II.1.3. Radio-Garoua

    La création de Radio-Garoua devait assurer le rayonnement de la radiodiffusion camerounaise à travers le Nord du pays, en se conformant au traditionalisme de son auditoire, attaché à l'Islam, et aux systèmes des lamidats30(*).

    Radio-Garoua était considérée comme une radio régionale. La mission des radios régionales était de rapprocher les populations de la radio coloniale, et leur inculquer des savoir-faire dans leurs activités respectives. Les émissions de Radio-Garoua étaient ainsi destinées à donner aux autochtones des conseils d'hygiène, de santé, et sur l'économie pratique. Elles s'adressaient notamment aux agriculteurs et aux éleveurs. Le but majeur étant de soutenir le développement économique. Il avait été prévu la diffusion des conseils agricoles en fulfulde ou foulani, et en haoussa. Radio-Garoua était de ce fait utilisée comme palliatif de l'insuffisance des services d'encadrement31(*). La radio devait donner à la population paysanne des informations brèves et rapides appelées « microprogrammes », afin d'assurer une amélioration quantitative et qualitative de leur productivité agricole. Elle était également destinée à amorcer la structuration des groupements coopératifs. L'une des caractéristiques fondamentales de Radio-Garoua était son rôle dans la démocratisation de la communication par une large participation des hommes et des femmes de la localité à ses différentes utilisations. Cette démocratisation se manifestait aussi par la forme que devait prendre la radio. Par exemple, la radio diffusait des émissions éducatives et intégrait des valeurs et du savoir-faire locaux, pour maximiser l'auditoire.

    Dans le souci de confirmer la radio comme moyen de consolidation de l'efficacité du système tutélaire, l'administration coloniale avait manifesté le désir d'en assurer le contrôle. Ainsi, Radio-Garoua n'avait pas de personnalité juridique propre, tout comme les autres stations de radio provinciales du pays, avec lesquelles elles constituaient la R.D.C. Sa gestion était directement assurée par le gouvernement national32(*). Cet hégémonisme du gouvernement sur Radio-Garoua avait été justifié plus tard par la thèse selon laquelle les médias étaient appelés à participer à l'émergence des états-nations, mais aussi à jouer un rôle de premier plan dans leur consolidation33(*). À sa création, Radio-Garoua était unique à la région du Nord-Cameroun34(*).

    II.2. LA RADIODIFFUSION COMME FACTEUR DE DÉCOLONISATION DU CAMEROUN

    En tant que moyen de transmission de la pensée colonialiste française, la radiodiffusion du Cameroun avait contribué au renforcement du nationalisme indigène, et favorisé l'indépendance du pays.

    II.2.1. La conception de la métropole

     

    La Constitution française de 1946 avait fait du Cameroun un territoire associé à L'Union Française. L'Union Française était en effet une communauté de peuples et de civilisations. Le premier objectif de la radiodiffusion était donc de permettre aux territoires d'Outre-Mer d'avoir une exacte connaissance de l'opinion et de la vie métropolitaine dans ses multiples aspects, et vice-versa. En plus, la radiodiffusion de l'Union Française était vouée à développer dans chacun de ses territoires, que ce soit dans la métropole ou dans l'Outre-Mer, l'esprit communautaire. La radio de l'Union Française se devait donc de la faire connaitre à l'étranger et de favoriser l'éclosion et le perfectionnement des civilisations et des cultures locales. Pour atteindre ces buts, la radiodiffusion s'était donnée pour rôle  d'informer par des émissions politiques, économiques et sociales, d'éduquer dans le respect des cultures et des particularismes locaux, de distraire par des programmes artistiques inspirés du génie français et des folklores autochtones. Sur ce point, la France avait trouvé important de donner aux populations autochtones les moyens techniques de réception (l'organisation de l'écoute collective par exemple). Il était aussi question d'inculquer à l'indigène l'habitude d'écouter. La radiodiffusion permettait de satisfaire les auditeurs issus de la métropole et les autochtones. Dans l'esprit de la France, les masses autochtones regroupaient non seulement les classes « évoluées », mais aussi les populations des villages de brousse. Pour l'administration coloniale française, les auteurs des émissions culturelles devaient être proches des indigènes. Voilà pourquoi les émissions en langues vernaculaires étaient la principale préoccupation de la radiodiffusion de l'Union Française ; le but étant de « créer une communauté cohérente de peuples de civilisations différentes».

    Les émissions culturelles en langues autochtones n'excluaient pas des émissions de même nature en français, celles-ci complétant celles-là, éduquant les populations évoluées du territoire. Le gouvernement français estimait que les conseils radiophoniques sur l'hygiène de l'habitat ou du corps étaient plus efficaces que ceux qui leur étaient proposés par d'autres procédés. Des cours de langue française en langues indigènes y étaient alors prévus, de même que des causeries sur l'hygiène, la puériculture, la technologie agricole, l'orientation professionnelle, le syndicalisme, la coopération, et des émissions à caractère artistique, musical et folklorique intéressant les indigènes. Comme l'affirme Daniel Abwa, la France n'avait jamais envisagé son départ du Cameroun35(*). Voilà pourquoi elle avait mis sur pied des institutions qui avaient vocation à pérenniser sa mainmise sur le Cameroun ; ce dernier étant considéré comme un territoire stratégique, particulièrement riche en ressources naturelles.

    La concrétisation des missions assignées par la France à la radiodiffusion du Cameroun avait favorisé l'éclosion d'une véritable pensée nationaliste locale.

    II.2.2. Un facilitateur de l'éclosion de la pensée nationaliste locale

    Nous avons mentionné plus haut que la radiodiffusion du Cameroun avait été créée pour asseoir la domination française sur le pays. Aussi, l'administration coloniale française avait-elle mis sur pied des mesures destinées à compromettre le nationalisme camerounais. C'est ainsi que l'U.P.C., créée le 10 avril 1948 par Ruben Um Nyobe et ses acolytes, s'était vue refuser tout accès à la radiodiffusion du Cameroun, car, pensaient les autorités coloniales, elle était susceptible de révolter l'opinion local. Bien plus, seuls les Français pouvaient exercer au sein de la radiodiffusion camerounaise, compte tenu du fait que très peu de nationaux étaient lettrés36(*), et les intellectuels locaux étaient animés par le souci de restaurer la souveraineté du pays37(*), position que ne partageait pas l'administration coloniale. Les sévices infligés aux Camerounais en quête de souveraineté internationale, doublés des manipulations orchestrées par la radiodiffusion, avaient conduit les dirigeants de l'U.P.C. à amplifier leurs revendications et à sensibiliser davantage l'opinion sur la nécessité d'une prise de conscience générale du caractère immoral de la colonisation38(*). Soulignons que la radiodiffusion du Cameroun donnait des informations et diffusait des émissions allant dans le sens de la politique française, et se rendait ainsi peu fiable aux yeux des révolutionnaires camerounais. D'où l'importance accordée aux radios étrangères, dont l'écoute était d'ailleurs proscrite : Radio-Pékin ; Radio-Moscou39(*). Par le canal de ces radios étrangères, les partisans de la rupture avec le système colonial obtenaient des informations venant de leurs partenaires étrangers, et des instructions concernant les stratégies à adopter pour venir à bout de leurs « maîtres ». Par la voie de la radio, les révolutionnaires camerounais se renseignaient des politiques françaises et pro-françaises, et harmonisaient ainsi leurs méthodes de revendication40(*).

    En accomplissant ses missions éducatives et agricoles, la radiodiffusion avait contribué à l'épanouissement des populations camerounaises. L'éducation par la radio avait permis à une frange de Camerounais de s'abreuver à la pensée occidentale, qui prônait la liberté des personnes et s'insurgeait contre l'exploitation de l'Homme par l'Homme, projet dans lequel s'était investie la colonisation. L'éducation avait aussi enseigné aux Camerounais les règles d'hygiène et l'harmonie sociale, le respect de l'autre et l'ardeur au travail, des valeurs qui conduisaient à l'autonomisation des personnes et à l'amélioration de leur condition par elles-mêmes. La formation aux techniques agricoles avait permis, bien que de façon limitée, d'accroitre les rendements, et d'assurer une alimentation décente aux indigènes. Elle avait également intéressé nombre de Camerounais aux métiers liés à l'agriculture. Ce qui permit aux indigènes d'obtenir des bénéfices consistants à cette période, et de s'approvisionner, sans difficultés, en quelques commodités essentielles41(*).

    La radiodiffusion avait donc favorisé les progrès des indigènes. L'indépendance du Cameroun sous tutelle française en 1960 avait suscité la nationalisation de sa radiodiffusion. Dès lors, les pouvoirs publics devaient faire de la radio un facteur du développement politique, économique et socio-culturel de la nation.

    CHAPITRE II

    L'APPORT DE LA RADIODIFFUSION APRÈS LES INDÉPENDANCES (1960-1990)

    Le Cameroun francophone, indépendant dès le 1er janvier1960, se devait de nationaliser sa radiodiffusion, de rompre ses liens directs avec la France, ancienne métropole coloniale, de renforcer et consolider sa souveraineté, qui n'était encore que théorique. De ce fait, la radio nationale était destinée à asseoir l'unité et le développement économique et social du pays, conformément aux idéaux du Président de la République Amadou Ahidjo.

    I-LA RADIODIFFUSION COMME MOYEN DE CONSOLIDATION DE LA SOUVERAINETÉ NATIONALE

    Les programmes de la radio nationale du Cameroun étaient destinés à renforcer sa souveraineté politique, économique, sociale et culturelle. Ladite souveraineté était la concrétisation de l'indépendance théorique accordée au pays en 1960, et était conditionnée par son unification totale et sa croissance économique.

    I.1. Les prévisions gouvernementales

    Au lendemain de l'indépendance, le Cameroun fait face à des défis multiples. Le premier défi des pouvoirs publics est la lutte contre la misère et le sous-développement42(*). Les mass-médias, et plus singulièrement la radio, avaient un rôle nouveau. Il est communément admis que « celui qui détient l'information détient la clé du pouvoir » et que « ce qui est vrai pour le pouvoir l'est aussi pour le développement ». Après l'indépendance et de la réunification, le gouvernement camerounais avait attribué pour mission à la radio nationale de renforcer et consolider la souveraineté de l'État. Ce d'autant plus que la radio était le moyen d'information le plus accessible à la population, ainsi que le confirme Mankiewicz :

    La radiodiffusion est, sinon, le plus accessible des moyens d'information. Grâce à la diversité de leurs modèles, dont beaucoup sont portatifs, les postes de radio permettent l'audition des programmes dans toutes sortes de conditions, chez soi, dans un lieu public, pendant des heures de loisir, le travail ou en voyage, l'écoute individuelle ou collective43(*).

    I.1.1. L'actualisation de la culture politique des auditeurs

    Au terme d'une étude sur les relations entre l'information et le pouvoir, B. Lempen aboutit à la conclusion suivante : les moyens d'information doivent encourager chez l'individu un comportement de confiance dans les autorités. Selon Lempen, l'action de l'information ne peut être confiée qu'à des organismes à qui l'État a explicitement attribué une mission de service public. L'État est en effet un gage de sécurité, un garant de la protection. Il assure le bien-être de ses citoyens, et leur donne accès aux commodités essentielles, capitales pour la stabilité physique, matérielle et financière. L'État est le meilleur employeur, car il éloigne de la précarité professionnelle. Les médias, par une intense activité de propagande et de vulgarisation de l'action publique, ont le devoir d'informer la population de la gestion de la chose publique. Parce que d'accès facile, la radio contribue considérablement à cet important projet de société. L'efficacité de l'administration est fonction du niveau d'adhésion des masses. Car le gouvernement agit en vue de l'amélioration de la condition des administrés. Relais par excellence de l'information issue des services étatiques, la radio doit tendre à intéresser le peuple dans sa majorité au sens de la nation. Par sa mission d'éducation et de formation, la radio apprend à la population les fondements de la citoyenneté et de l'éthique sociale. La stabilité de l'État en dépend. Toute forme d'organisation sociale résulte du consentement du peuple. En effet, ses dirigeants sont l'expression de ses choix. Ils officient en ses lieux et places. Le peuple doit ainsi respect et soumission à ses représentants. C'est la raison pour laquelle la radio nationale excluait de ses programmes des intervenants se refusant à collaborer avec le régime. Voilà pourquoi le gouvernement avait fait de Radio-Cameroun un médium national.

    Après l'indépendance, la radio devait promouvoir la politique du gouvernement. Cela tenait compte des enjeux politiques et géostratégiques d'alors, à savoir consolider l'indépendance du Cameroun, en lui assurant un développement avéré, dans le respect de la règlementation internationale. La radio nationale se devait ainsi de promouvoir l'image du Cameroun à l'étranger. Pour ce faire, elle devait informer les auditeurs nationaux et internationaux des projets structurants du gouvernement et des moyens nécessaires pour leur réalisation. Elle devait également promouvoir l'image du Cameroun à l'extérieur, en vue d'attirer les investissements étrangers, et d'assurer l'aide au développement destinée aux pays pauvres. La radio était ainsi considérée comme un tremplin ; elle était le moyen de communication le plus efficace de cette période ; elle était d'accès facile et rayonnait sur un périmètre large.

    Afin de concrétiser la nationalisation de la radiodiffusion, les pouvoirs publics camerounais avaient interdit les critiques à l'égard du Gouvernement, en adoptant des méthodes de censure rigoureuses et des lois contre la subversion. Ainsi, la radio nationale avait été implantée à Yaoundé, siège des institutions politiques du Cameroun ; les radios locales en servant de relais. Les journalistes de la radio nationale étaient alors tenus d'éviter les critiques, au risque de se voir condamnés par les autorités compétentes. Les émissions à caractère satirique étaient quasi inexistantes, et l'intervention directe à la radio était sélective. Les programmes de la radio prévoyaient des émissions en français et en anglais. Cela était la matérialisation du bilinguisme camerounais. En effet, en 1961, le Cameroun francophone s'était réunifié avec le Cameroun anglophone. L'E.S.I.J.Y. née au début des années 1970 avait vocation à former des journalistes devant être employés dans des structures nationales. Ceux spécialisés dans le journalisme radiophonique étaient recrutés au sein de la radio nationale. L'admission à l'E.S.I.J.Y. respectait les principes de quotas, ce qui permettait une représentativité effective de toutes les régions au sein de l'institution. Les recrutements à la radio nationale tenaient compte des mêmes principes44(*).

    I.1.2. La promotion de la stabilité économique du pays

    Le rôle de l'information à but formatif avait été défini au Cameroun en mars 1969 par le président Ahidjo, lors du congrès de l'U.N.C. à Garoua. Ahidjo affirma en effet :

    L'information doit revêtir les formes d'une véritable éducation populaire; les objectifs à atteindre étant d'une part d'avoir peu à peu à mener les esprits à une juste compréhension des problèmes du monde moderne et aux joies d'une authentique culture nationale, d'autre part à développer chez nos compatriotes une conscience aussi claire que possible du rôle que chacun peut et doit jouer dans la construction de la nation45(*).

    D'après Ahidjo, l'information devait permettre aux Camerounais de prendre conscience de leur citoyenneté, d'éveiller et d'enrichir leurs facultés de discernement et de jugement, de favoriser l'évolution de la collectivité, d'aider à former une opinion publique camerounaise éclairée, et ouverte aux cultures extérieures. L'information officielle du Cameroun se devait donc de « combler le fossé entre les responsables à tous les échelons et l'exécution des programmes de développement économique et social ». La place de la radio y était importante46(*).

    La radiodiffusion, après l'indépendance, était le moyen d'information le plus développé et le plus sollicité au Cameroun. Cela tenait au fait que très peu de Camerounais avaient la culture de la lecture, et ceux qui s'intéressaient à la presse écrite ne disposaient pas de moyens financiers conséquents pour s'en procurer47(*). En plus, la radiodiffusion avait inclus dans sa grille des programmes des émissions en langues nationales qui parvenaient à un auditoire consistant, car peu d'indigènes étaient lettrés à cette époque48(*). La radiodiffusion était donc consacrée à la promotion du progrès économique et social du Cameroun, en fonction des plans nationaux de développement. Elle était le reflet de l'écho de la nation, « pour tous ceux qui exprimaient sa vitalité et sa richesse ». Elle traduisait une manière de vivre, une pensée commune, un art collectif des Camerounais49(*).

    La radiodiffusion camerounaise ne devait perturber l'ordre public ou compromettre l'expression de la volonté nationale. Elle devait fournir aux Camerounais les moyens de « vivre le temps de leurs loisirs », à travers les sports et les spectacles. Elle devait assurer la distraction destinée notamment à l'enrichissement culturel. La radiodiffusion du Cameroun devait donc, après l'indépendance, créer un climat favorable au progrès national, et développer des connaissances spécialisées. Elle devait « donner le goût du changement, créer un climat nécessaire à la construction de la nation ». En rappelant aux Camerounais les objectifs nationaux et les succès de l'État, elle pouvait contribuer à intégrer les minorités disparates, les communautés isolées, les groupes repliés sur eux-mêmes, les Pygmées entre autres. De ce fait, les pouvoirs publics camerounais donnaient un privilège soutenu à radio. En effet, la radiodiffusion représentait un instrument de persuasion et de formation de la conscience nationale. Elle stimulait la participation des citoyens à un même destin, et jouait un rôle capital dans la consolidation du régime de démocratie gouvernementale, inspiré et animé par la doctrine et l'action de l'U.N.C50(*). La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, proclamée le 10 décembre 1948, par l'Assemblée générale des Nations Unies, stipulait : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion, d'expression ».51(*) Ce droit comprenait la liberté de recevoir et de communiquer les informations. Il existait une législation qui régissait l'usage des moyens d'information. L'information était donc un droit de l'Homme. D'où la nécessité de développer au Cameroun un système de radiodiffusion.

    Après l'indépendance, les pouvoirs publics camerounais avaient adopté le principe du « développement autocentré », dépendant des idéaux et des besoins nationaux. L'économie du Cameroun était alors basée sur les activités rurales. Le développement était étroitement lié aux activités rurales. Le développement rural était basé sur l'agriculture, activité dominante en Afrique. Il concernait aussi l'artisanat, les petites et moyennes entreprises, et les complexes agro-industriels, installés en dehors des centres urbains. Le développement rural nécessitait des programmes d'action en faveur de la santé publique. Il existait des régions fertiles qui étaient peu peuplées ou désertes, du fait des maladies qui les rendaient insalubres. Le développement rural concernait aussi la construction des infrastructures de déserte, des routes susceptibles de sortir les campagnes de leur isolement, des programmes d'électrification, d'adduction d'eau, la construction des moyens de stockage et de commercialisation des récoltes, la constitution du réseau nécessaire à la distribution des crédits.

    La radio était aussi la voie d'expression de la publicité. Son rôle était de séduire le public afin de vendre ses espaces aux annonceurs. La publicité informait, en stimulant la consommation et la concurrence.

    I.1.3. La contribution à la préservation de l'équilibre social

    Pour préserver l'harmonie au sein de la nation, le gouvernement camerounais s'était employé à éduquer et à former les masses. Cette éducation et cette formation pouvaient être en partie l'oeuvre de la radio. La radio pouvait aussi divertir les Camerounais, les mobiliser en toute confiance autour des objectifs nationaux. Le rôle de formation de la radio prenait une importance capitale dans les pays en voie de développement où toute transformation collective des mentalités et des attitudes était conditionnée par l'action des moyens d'information. La radiodiffusion transmettait des sons et véhiculait des contenus destinés à un public dense. L'éducation était en effet l'action par laquelle des connaissances étaient transmises. Elle pouvait être formelle au cas où elle se pratiquait dans le cadre institutionnel de l'école. Elle pouvait aussi être informelle. Dans ce cas, l'éducation avait un sens large52(*). Ignacy Waniewigz l'exprime de façon claire, en ces termes : 

    L'éducation a toujours pour objectif fondamental de libérer l'homme des entraves de l'ignorance et de la frustration, de promouvoir sa quête de vérité et de liberté, et de fournir aux individus doués la possibilité d'employer plus pleinement leurs aptitudes53(*).

    L'éducation était ainsi fondamentale, en raison de sa fonction sociale. Elle permettait à l'Homme de connaître son environnement et de s'y adapter, en utilisant de façon maximale ses potentialités. Après l'indépendance, le gouvernement camerounais décida d'alphabétiser considérablement le pays. Moyen d'information le plus utilisé, la radio pouvait informer chaqu'acteur de la société des nouvelles techniques agricoles et des règles d'hygiène. L'information avait donc vocation à « encourager les populations à aller à l'école, à consulter des experts »54(*). Par l'éducation des masses populaires, la radio visait la formation au civisme, la formation intellectuelle. Elle devait contribuer par des programmes appropriés à l'élévation de la conscience nationale des citoyens, de leur sens de responsabilité et du devoir envers eux-mêmes, leurs familles, et envers la nation. De ce fait, elle devait permettre l'accroissement des connaissances des citoyens afin d'en faire des agents actifs du développement. Dans le monde en effet, la diffusion des cultures déterminait les rapports de force entre les nations. L'action de la radio nationale devait alors aider le Cameroun à conquérir son identité. La radio nationale devait alors contribuer à bâtir la personnalité camerounaise. À cet effet, le message de la radiodiffusion du Cameroun devait être tiré des origines et des profondeurs de la culture locale. Le message de la radio nationale devait tendre vers les objectifs suivants: la mobilisation des hommes pour la construction nationale; la préparation des citoyens au changement qui devait accompagner le développement; le renforcement de l'unité nationale.

    Après l'indépendance du Cameroun, une large majorité de la population nationale était analphabète. En 1973, Albert Mbida l'avait souligné en ces termes: « Tout le monde ne sait pas lire au Cameroun »55(*). Pourtant, les citoyens camerounais avaient droit à l'information, aux conseils. Au Cameroun en effet, peu de personnes connaissaient les règles d'hygiène, les précautions susceptibles de garantir une productivité agricole consistante. Des milliers d'habitants vivaient dans des villages reculés et difficiles d'accès. Il revenait ainsi à la radio de donner aux Camerounais des informations du pays, fussent-ils éloignés des centres urbains. Il était de la compétence de la radio d'apprendre à ces personnes des méthodes de travail des plantations de café et de cacao. La radio se devait de leur apprendre à protéger la faune, leur inculquer la nécessité de payer l'impôt, et leur communiquer les attentes des responsables politiques vis-à-vis d'eux. Le rôle de la radio camerounaise consistait aussi en la diffusion des idées, en la propagande. Il consistait en outre en l'éducation civique et politique. En plus, la radio devait servir de moyen de lutte pour la réalisation des programmes économiques, et pour l'amélioration de la production. Elle avait également pour fonctions la stimulation de l'action du parti unique, la vulgarisation des lois et des instructions gouvernementales, l'incitation à l'application des mesures prises par les autorités. La mission d'information de la radio nationale avait été définie par le Président de la République Ahmadou Ahidjo, au lendemain de l'indépendance du Cameroun sous tutelle française. En effet, selon Ahidjo, la radio nationale avait vocation à mettre les citoyens au courant de ce qui se passait et se faisait tant au Cameroun que dans le monde. L'objectif était d'intensifier les liens de solidarité entre le peuple camerounais et les autres peuples du monde. Il s'agissait de mettre à la disposition de chaque citoyen une relation objective de l'événement, d'ouvrir les esprits à une juste compréhension des questions nationales et internationales.

    Dans ce cas, la mission de la radio nationale consistait à édifier le Camerounais nouveau, doté d'une capacité de discernement avérée, et prêt à jouer efficacement son rôle d'agent actif d'accélération du processus de progrès. Ceci dans la mesure où un citoyen bien informé était nécessairement plus conscient des grands enjeux de développement national, plus responsable dans les attitudes, et plus apte à assumer ses engagements vis-à-vis de la nation. L'accomplissement de cette mission informative n'était possible que si la radio faisait montre d'un traitement qualitatif de l'information. Les progrès du pays en matière de démocratie en dépendaient, comme l'affirmait le Président de la République, Paul Biya : « le degré de maturité d'une démocratie se mesure à la qualité des informations dispensées par sa radio »56(*). Rappelons qu'après son indépendance et sa réunification, le Cameroun aspirait au plein exercice de sa souveraineté nouvellement acquise. Celle-ci était fonction du niveau d'instruction du peuple, car ce dernier ne pouvait jouir de sa souveraineté que s'il était bien informé.

    L'éducation par la voie de la radio était loin d'être formelle. Elle était plutôt un tremplin, un moyen par lequel l'individu le moins instruit accédait à des connaissances susceptibles de l'édifier, afin qu'il eut des reflexes primaires d'un homme civilisé. En raison de ses contraintes en matière de gestion du temps, la radio ne pouvait assurer un rôle d'éducation fondamental. À travers des interventions des spécialistes, elle conseillait, stimulait l'envie d'ascension sociale, taisait les comportements déviants, et encourageait l'excellence. Il existait des institutions dont la vocation était d'éduquer les citoyens, de leurs inculquer des valeurs morales qui fondaient la vie en société. L'école classique pouvait dont s'investir à resocialiser les personnes égarées. Cela nécessitait un travail de fond, ne pouvant être accompli au bout de quelques minutes ou de quelques heures d'émissions sur les ondes de la radio. Voilà pourquoi Daniel Anicet Noah conçoit que la radio est un moyen d'éducation libre:

    La radio n'est pas un instrument d'éducation de contrainte. L'éducation d'apprentissage a lieu dans les des milieux de contrainte. La radio est plutôt un instrument de liberté. À la radio, il existe un carré noir. Si l'auditeur n'y est pas éloigné, il va s'y intéresser. Si on l'en rapproche, il aura accès au message véhiculé. Il peut alors accéder au message, tout comme cela peut s'avérer impossible. Or l'éducation, en tant qu'institution, dispose des moyens et des facultés de contraindre ses acteurs à se soumette57(*).

    Au Cameroun, il était indispensable que par des discussions s'élaborent des compromis afin de résoudre des problèmes majeurs. Un consensus minimal s'imposait, conditionnait l'harmonie recherchée par le gouvernement. Le forum des débats était animé par la radio. La radio reliait les individus aux groupes, contribuait à la coopération.

    Il était prouvé que la population camerounaise était majoritairement rurale et « illettrée »58(*). Il existait une différence notoire dans les taux d'alphabétisation des campagnes et des villes. La colonisation s'étant employée à déconstruire le typiquement camerounais, il était question, après l'indépendance, de réhabiliter les valeurs culturelles locales. Pour concrétiser le développement du Cameroun, il convenait de lui fournir une matière culturelle lui permettant d'avoir la claire vision à suivre. La culture africaine était liée à la langue. En effet, la langue d'un peuple ou d'une communauté reflétait ses valeurs, ses traditions, ses coutumes, sa façon de concevoir le monde qui l'entourait, et sa relation avec lui-même. La radio était l'un des principaux véhicules de l'information. Seuls quelques lettrés camerounais pouvaient accéder à l'information, car diffusée en français ou en anglais. Jusqu'à l'époque post-coloniale, très peu d'émissions radiophoniques étaient diffusées en langues locales. Les populations se considéraient alors comme des exclues de la chose moderne. Leurs doléances se résumaient en ces termes: « les politiciens, les journalistes, avec ces idées de Blancs, parlent la même langue. Et nous ?»59(*) 

    D'une génération à la suivante, l'héritage du groupe était transmis. Il s'agissait des visions du passé, du présent, de l'avenir. Chaque individu avait besoin qu'on lui inculque ce qui se faisait, ce qui ne se faisait pas, ce qui se pensait, ce qui ne se pensait pas. Ainsi, pour l'Homme ordinaire, il n'existait pas de sujet dont la radio ne parlait pas. La radio donnait des rapports rapides sur des événements se produisant dans l'environnement immédiat. Son rôle était de diffuser l'information, après l'avoir sélectionnée.

    À la radio, les émissions de divertissement était destinées à évader, afin de faire prendre conscience aux auditeurs (citoyens camerounais) du patrimoine culturel national. Aussi la radio devait-elle être récréative grâce à des émissions culturelles attrayantes. En accordant le repos et la détente, elle devait contribuer à l'enrichissement spirituel et moral de l'auditeur. La mission de divertissement ou de distraction, selon A. Ahidjo, ne consistait nullement en la vulgarité ; la radio avait vocation à animer les populations camerounaises, à leur fournir des programmes adaptés aux nécessités de développement, à leur expliquer les actions de l'État, à susciter leur participation active à la construction nationale.

    Les missions assignées à la radio nationale du Cameroun avaient incité à sa régionalisation, l'objectif ultime étant la diffusion de ses émissions sur toute l'étendue du territoire.

    I.2. Un événement inédit : la régionalisation de la radio

    En 1962, Radio-Buea fut créée. Radio-Buea était en effet la troisième station provinciale de la radio camerounaise. Par la suite, le processus de dissémination de la radiodiffusion s'arrêta au Cameroun. Il reprit en 1978. L'ambition avouée de Monsieur Ahidjo, alors Président de la République, était de « réaliser un conglomérat de tribus, une nation une et indivisible ». À son avis, la radio nationale du Cameroun devait être le socle sur lequel devait se bâtir l'unité nationale.

    I.2.1. Les raisons de la dissémination

    Le processus de dissémination de la radiodiffusion au Cameroun avait repris avec la création de Radio-Bertoua en 1978, et de Radio-Bafoussam en 1980. La dissémination de la radiodiffusion du Cameroun était liée aux contextes politiques, économiques et sociaux.

    La dissémination de la radiodiffusion du Cameroun était liée à la superficie du pays, qui s'évaluait à 475 000 km² environ. En plus, le Cameroun présentait un relief accidenté, qui limitait les possibilités de transmission de l'information par les ondes. En effet, dans certaines régions du Cameroun, les reliefs étaient constitués de hautes terres et de basses terres. Les hautes terres étaient rencontrées à l'Ouest et au Nord, et les basses terres dans la côte et le plateau sud-camerounais. Les basses terres représentaient des zones d'ombre de la radio, car les ondes étaient bloquées au niveau des zones de hauts reliefs, en raison de la faiblesse des émetteurs. Bien plus, le Cameroun se caractérisait par sa diversité économique, sociale et culturelle. Les événements et considérations politiques à forte incidence culturelle, à savoir la réunification, en octobre 1961, du Cameroun francophone, avec le Cameroun anglophone, et son unification, le 20 mai 1972, font aussi partie des mobiles de dissémination de la radio nationale. En effet, dans le contexte de la réunification, le Cameroun devint un État fédéral. Dès lors, il y existait deux États fédérés : l'État fédéré du Cameroun francophone et l'État fédéré du Cameroun occidental. Suite à son unification, le Cameroun devint un État unitaire. La radio nationale devait alors se conformer à ces réalités.

    La dissémination de la radio nationale était un motif de satisfaction des besoins du public. Sa nécessité avait été définie en ces termes, dans les 3e et 4e plans quinquennaux de développement, lors de l'inauguration de la station de Bamenda: à l'élaboration du 3e plan, l'objectif qui avait été de doter chaque province d'une station de radiodiffusion, compte tenu des besoins spécifiques en informations, devait se poursuivre au cours du 4e plan, par la construction de la station du Nord-Ouest». La régionalisation de la radiodiffusion au Cameroun s'inscrivait dans un débat culturel qui datait de l'époque coloniale. Dans un État en quête de modernité, à l'instar du Cameroun, il urgeait d'informer les citoyens. Au cas contraire, le gouvernement risquerait de promulguer des lois, de signer des décrets et des arrêtés inutiles. Une double information législative, l'une à l'usage du public moyen, et l'autre juridique et technique, à l'usage des spécialistes, était nécessaire.

    I.2.2. Des étapes difficiles

    Le Cameroun avait connu une radio émergente pendant les années 1950. Cela était le reflet d'une vie politique démocratique, impulsée par plusieurs courants de pensée et des partis politiques.

    Dès l'indépendance, le gouvernement camerounais s'était attelé à promouvoir la paix et la stabilité du pays. En effet, le Cameroun avait été le théâtre de la guerre civile à partir de 1954. La

    tendance radicale de l'U.P.C. de Félix Moumié et Um Nyobè avait alors pris le « maquis »60(*). Ce « maquis » ne s'estompa qu'en 1971, avec la fusillade en public d'Ernest Ouandié, le dernier porte-étendard de l'U.P.C. Le pouvoir politique, installé à Yaoundé en 1958, s'est employé à contrôler le Cameroun, contrasté culturellement pour plusieurs raisons: le clivage entre le Nord, musulman et animiste, peu scolarisé et faisant bloc avec quelques élites, et le Sud, chrétien et animiste, plus scolarisé, et davantage pourvu en infrastructures. À ce clivage, s'ajoutait l'opposition entre la communauté francophone et celle anglophone. La tâche prioritaire du pouvoir politique était de consolider l'unité nationale, et de s'imposer pour durer. Aussi fut-il amené à livrer une vive bataille contre les autres formations politiques, et les médias par lesquels s'exprimaient ces dernières. Les courants politiques, dans le contexte du jeune État du Cameroun d'alors, étaient formés sur des bases tribales et régionales. Combattant l'autre formation politique, le parti dominant s'insurgeait contre le tribalisme et le régionalisme. Inaugurant la maison de la radio en janvier 1965, Ahmadou Ahidjo, alors Président de la République, avait déclaré:

    Notre information ne peut se permettre de refléter les clans et les intérêts, les factions et les chapelles. Il y a des pays où la radio joue un rôle considérable dans les affaires de la nation. Puisse-t-elle être ainsi chez nous, tournant le dos à la subversion et au mensonge, mais orientée vers le bien et le salut public61(*).

    Lors de la cérémonie d'inauguration de l'émetteur de 30 kW de Nkomo (Yaoundé), le 17 mai 1962, le Président Ahidjo résumait le rôle de l'information sur « la promotion de la prise de conscience nationale et le développement de la communauté ». L'inauguration du nouveau centre d'émission à Buea en 1967 était également une occasion pour Ahidjo de renforcer l'unité nationale. Cette insistance sur l'unité et le consensus était une marque du refus du régionalisme. C'est ainsi que 16 années se sont écoulées, de l'inauguration de Radio-Buea en 1962 à celle de Radio-Bertoua en 1978. Ensuite, l'existence éventuelle d'une presse libre était considérée comme dangereuse pour l'unité nationale. Il était aussi question de « susciter l'enthousiasme et l'adhésion des masses, pour ce qui était des tâches politiques, économiques et sociales, de fournir au peuple des moyens de détente instructifs ». Dans les années qui ont suivi l'indépendance, la régionalisation de la radio n'était pas à l'ordre du jour.

    La radiodiffusion du Cameroun avait produit des effets non négligeables au niveau local et international. Ces effets se sont traduits par la promotion de la politique du gouvernement, et le renforcement du patriotisme de ses citoyens.

    II- LES EFFETS DE LA RADIODIFFUSION DU CAMEROUN

    La radiodiffusion du Cameroun avait rendu crédibles les idéaux du gouvernement local, à l'échelle nationale et internationale. Il convient de reconnaître l'importance du rôle qu'elle avait joué dans le maintien de la paix et la promotion de la stabilité sociale du pays.

    II.1. La promotion de la politique du gouvernement

    Après l'indépendance et la réunification, la majorité de Camerounais était politiquement inculte. La préoccupation du gouvernement était la consolidation de la souveraineté du pays. Il était question de valoriser l'image du Cameroun à l'intérieur et à l'extérieur. De ce fait, le rôle de la radio consistait à communiquer sur l'action des pouvoirs publics.

    II.1.1. La place des supports linguistiques des émissions

    La station nationale était la plus représentative, parce qu'elle offrait des programmes à audience large. Les langues utilisées ici étaient le français et l'anglais, le P.N. étant un médium d'État. Les programmes étaient fixés suivant des critères de formes, de contenus et les publics, et étaient conformes à la formule définie par Jean Cazeneuve, qui affirme: « La classification comporte une part d'arbitraire, quel que soit le système adopté, car beaucoup d'émissions peuvent appartenir à plusieurs genres à la fois ».

    Parmi les deux langues officielles du Cameroun, le français était la plus usitée. Cela était relatif au fait que le Cameroun était majoritairement francophone. La radio nationale avait alors une audience beaucoup plus francophone. En plus, les journalistes camerounais étaient majoritairement francophones. En effet, le gouvernement français, plus que le gouvernement britannique, avait opté pour l'octroi des bourses d'études aux étudiants camerounais, en matière de journalisme et de techniques de transmission de l'information, afin de garantir un meilleur fonctionnement de la radio nationale, ainsi que l'affirme si bien Roger Owona : « Avant la création de l'E.S.I.J.Y., c'est la France qui assurait en priorité la formation des professionnels de l'audiovisuel »62(*). Un concours était ainsi lancé pour le recrutement des élèves journalistes d'Afrique francophone dans des écoles françaises. Ce concours avait notamment consacré l'admission avec brio de deux étudiants camerounais, devenus aujourd'hui des hauts cadres de l'administration nationale : Jacques Fame Ndongo et Léonard Israël Sah63(*). Ce dernier, au terme de ses études en France, avait été admis comme réalisateur à la radio nationale, et y avait officié comme directeur général en 197864(*). Les programmes en français occupaient alors l'essentiel de l'espace de la radio nationale, au détriment des programmes en anglais, qui y avaient été intégrés de manière progressive, avec la prise de conscience de la nécessité, pour la radio, d'atteindre au maximum sa cible, et de taire les velléités de sécession dans sa partie anglophone65(*).

    L'importance de l'anglais dans la diffusion des programmes de la radiodiffusion du Cameroun résidait dans le fait qu'il existait une multiplicité de langues nationales, et les autorités lésinaient sur les moyens d'assurer une diffusion large. Ainsi, il a été décidé que les programmes fussent diffusés en langues anglaise à Radio-Buea, l'unique radio régionale du Cameroun anglophone après la réunification. Mais il n'existait pas de techniques efficaces par lesquelles pouvaient être diffusés les programmes en ces langues. Il n'existait non plus de journalistes spécialisés dans la diffusion d'émissions en langues locales. Ainsi, en dépit de la maîtrise approximative de l'anglais chez les auditeurs potentiels, les autorités de l'information avaient opté pour la diffusion des programmes en langue anglaise à Radio-Buea. Par après, afin de permettre l'accès à l'information à un public large, il fut intégré, à Radio-Buea, des programmes en langues nationales, notamment des programmes en « pidgin ».

    II.1.2. La place des programmes

    Dans le but d'asseoir l'efficacité de la radio, il avait été établi, au sein de la station centrale, et des stations régionales, des programmes tenant compte des enjeux majeurs.

    La radiodiffusion du Cameroun présentait 16 genres d'émissions. Il convient de les décrire, afin d'en dégager la portée. Il existait trois types d'informations à Radio-Cameroun : les informations d'actualité, les informations de renseignement, et les discours. L'actualité était issue des sources informationnelles et des agences télégraphiques, et renseignait sur des problèmes politiques, économiques et sociaux, d'intérêt national et international. Elle était diffusée sous forme de journaux parlés, de flashs ou de magazines. Les renseignements regroupaient les avis et les communiqués, destinés à instruire sur la vie sociale. Les communiqués étaient rédigés dans un style personnalisé. Les discours étaient notamment ceux du Président de la République, et étaient diffusés intégralement, en direct ou en différé. Leur diffusion était suivie d'analyses de journalistes, et durait parfois longtemps, en raison de leur caractère exceptionnel. Les émissions de variété regroupaient notamment la musique, les chansons et les jeux radiophoniques. Le but des émissions de variété était de divertir. Elles faisaient la part belle à la musique populaire camerounaise, africaine ou internationale. Elles excluaient les chorales religieuses et la musique classique. Les émissions musicales portaient sur la présentation de nouveaux disques camerounais et étrangers, la présentation de genres musicaux particuliers, à l'exemple du Jazz et des chorales religieuses nationales. Elles portaient aussi sur la critique d'oeuvres musicales.

    Les émissions de culture concouraient à la transmission des connaissances dans le domaine de la science et de la technique. Elles concernaient aussi les programmes destinés à transmettre le patrimoine culturel, à forger le goût du public par des séries consacrées à l'histoire du Cameroun, ses arts, sa littérature, son tourisme, sa géographie, ses médias, etc. Les émissions socio-éducatives préoccupaient les pouvoirs publics. Les émissions éducatives étaient, d'après Roger Clausse, celles conçues et réalisées à des fins didactiques66(*). Les émissions socio-éducatives étaient conçues sous forme de micro-programmes. Il s'agissait des messages qui se distinguaient par leur contenu persuasif, leur durée très courte, et leur diffusion répétée. Ces émissions étaient de véritables leçons sur divers aspects de la vie individuelle et collective, conçues dans le but d'inculquer aux destinataires des attitudes susceptibles de faire d'eux des citoyens responsables. Le contenu de ces émissions était lié à la protection de la santé, à l'organisation de la production, à l'amélioration du cadre de vie, et à l'expansion de la modernité. Les émissions consacrées à la jeunesse étaient définies en fonction des préférences du public-cible. Elles se distinguaient par leurs contenus composites, incluant la musique, les contes, les devinettes, les jeux, la vie scolaire. Les émissions féminines étaient aussi fonction du public-cible (les femmes). Elles visaient à promouvoir l'amélioration de la condition de la femme camerounaise, et à rendre celle-ci consciente de son rôle et de sa place dans la vie nationale. Dès l'indépendance du Cameroun sous tutelle française, sa réunification avec sa partie occidentale, les émissions de propagande à la radio nationale étaient destinées à la promotion du parti unique, d'abord l'U.N.C. et, par après, le R.D.P.C. La radio était alors destinée à informer les militants des activités et des décisions du parti unique, à expliquer sa doctrine, et à valoriser ses programmes politiques. L'une des obligations de la radio nationale du Cameroun était d'ouvrir périodiquement ses antennes aux forces armées. L'émission « Honneur et fidélité », diffusée chaque samedi, de 14 h 00 à 14 h 40, permettait aux composantes de la défense nationale, de « se reconnaître dans un corps restreint ». Elle était produite et réalisée par le B.P.M.D.

    Les émissions sportives étaient constituées de magazines d'informations, de réflexion ou de retransmission, en direct ou en différé, à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Il s'agissait, par exemple, des émissions « Vive le Sport », « Sports et Rythmes », et « Antenne Olympique ». Les émissions documentaires concernaient l'information, l'analyse. Le documentaire portrait sur un événement ou une question d'actualité particulière, qui préoccupait l'opinion publique nationale. Mais le documentaire, à la radiodiffusion camerounaise, ne relevait pas du quotidien. Il pouvait être réalisé à l'occasion d'événements exceptionnels, à l'exemple des sommets ordinaires et extraordinaires de l'O.U.A., des congrès ordinaires et extraordinaires du parti unique, des comices agro-pastoraux, des visites de Chefs d'États, des rentrées scolaires, des rétrospectives annuelles. Les émissions de fiction tenaient lieu de récits romanesques, et étaient présentées sous forme de feuilletons, de séries, de dramatiques, de théâtres radiophoniques. Les autres émissions de fiction étaient constituées d'oeuvres de dramaturges camerounais, enregistrées lors de représentations publiques sur différents lieux de culture. Les émissions religieuses comprenaient tous les programmes comportant un message religieux et spirituel. Y étaient aussi inclus, des programmes d'informations religieuses et des retransmissions d'offices religieux. Les mots d'ordre du parti unique étaient faits de discours du Chef de l'État67(*). Par l'extrême brièveté du message (45 minutes au maximum), et par sa diffusion réitérée, précédant chaque édition du journal, ce programme suscitait une prise de conscience des idéaux nationaux, tels que le développement comme exigence première, l'édification d'un sentiment d'appartenance à une même nation, un sentiment débarrassé de tout esprit de sectarisme, de tribalisme ou de régionalisme. Les émissions de publicité concernaient les spots publicitaires, notamment les publicités commerciales, conçues par la C. P. E., chargée de la production des annonces, et de la perception des recettes. Les divers étaient présentés au sein de la radio nationale du Cameroun lors des changements de fréquences, avec des musiques d'accompagnement.

    La classification des émissions de la radio nationale du Cameroun avait obéi à des critères relatifs à ses principales missions qu'étaient : l'information, l'éducation, la distraction et la promotion culturelle. La double mission informative et éducative occupait une place de choix dans les discours officiels. Les informations représentaient 35 % des émissions produites à la radio nationale. Les émissions éducatives y occupaient un espace réduit. Le divertissement préoccupait moins les pouvoirs publics. Cependant, il occupait l'essentiel des programmes diffusés, avec près de 49 % du temps d'antenne hebdomadaire. Mais les responsables des programmes et les autorités gouvernementales tenaient à parvenir à un nouvel équilibre « en faveur des émissions culturelles et éducatives au détriment de la musique »68(*). Par la promotion et l'utilisation des langues nationales, la collecte et la diffusion des cultures locales, les stations provinciales servaient à la revalorisation et à la promotion des richesses culturelles, à l'échelle provinciale et locale, en les rendant accessibles à un public large. En effet, la production d'émissions dépendait des particularités linguistiques et culturelles des régions concernées, dans le but de « mener une action éducative en direction des populations rurales, et faciliter une intégration nationale harmonieuse »69(*). En 1986, les stations de radiodiffusion provinciales camerounaises utilisaient une quarantaine de langues nationales. Les efforts déployés par le gouvernement, dans le sens de familiariser les Camerounais à la pratique du bilinguisme, étaient vains. Le français et l'anglais sont demeurés des langues étrangères. Peu de Camerounais s'exprimaient convenablement en ces langues. D'où l'utilisation récurrente des langues nationales.

    Les stations provinciales avaient une mission spécifique de promotion culturelle. Par l'utilisation des langues nationales et par un travail profond de collecte et de diffusion des cultures locales, les stations provinciales avaient vocation à aider à la revalorisation et à la promotion des richesses culturelles à l'échelle locales et régionale, en les faisant connaître à un public large. Elle s'employaient à produire des émissions ayant trait aux particularités linguistiques et culturelles des régions concernées, dans le but de mener une action éducative en direction des populations rurales, et faciliter une intégration nationale harmonieuse. Ainsi, entre 1961 et 1990, les stations de radio provinciales du Cameroun diffusaient deux principaux types de programmes : les programmes en langues officielles et les programmes en langues nationales. Radio-Buea diffusait des programmes en français, en anglais, en dialectes.

    La programmation des émissions de Radio-Buea respectait un ordre relevant d'un planning hebdomadaire. Ainsi, l'émission « Variety Show » était bihebdomadaire. Elle portait sur des sujets relatifs à la vie des citoyens ordinaires. Parmi ces sujets, il y avait ceux concernant les autorités administratives, les problèmes de développement, la corruption. Ce programme avait suscité des sanctions administratives contre Radio-Buea. En effet, il s'investissait dans la subversion, traitaient des thèmes sensibles70(*). « Listener's Viewpoint » était assimilable à un forum : les auditeurs pouvaient y exprimer leurs points de vue. Des journalistes constitués en panel y donnaient leurs opinions. Le programme servait ainsi de voie d'échanges interactifs entre les auditeurs et ses promoteurs. En raison de leurs opinions de pertinence « approximative », certains auditeurs voyaient la durée de leurs interventions écourtée71(*). Le programme « Meet the patient » s'adressait aux malades hospitalisés dans les provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Les patients avaient la possibilité, au cours de ce programme, d'envoyer des messages à leurs connaissances, en langue anglaise, française, ou en langues vernaculaires. L'émission « Radio Titbits » avait pour objet des communiqués d'intérêt général. Elle avait lieu deux fois par jour, et consistait en des annonces sur les opportunités d'emploi, les résultats des examens, les avis de décès, et les nominations des cadres administratifs.

    L'importance des programmes sportifs était liée à l'intérêt accordée par les pouvoirs publics au football, à la boxe, etc. Il avait été créé cinq éditions d'émissions sportives par semaine, dont trois en français, et deux en anglais. L'objectif de ce programme était de promouvoir les traditions de la région anglophone du Cameroun. Cela était d'une importance capitale, dans la mesure où l'un des défis du gouvernement camerounais, depuis l'indépendance, était d'intéresser les citoyens à la valorisation systématique de leurs us et coutumes. C'est d'ailleurs la raison qui explique le jumelage du MIN.CULT. au MIN.COM.72(*) Les programmes musicaux de Radio-Buea étaient les suivants: « Variety Music »; « Listeners »; « Request »; « Teledisc »; « Our Musical Album ». Ils occupaient un espace large, car intéressant beaucoup d'auditeurs.

    Les programmes en langue française occupaient un espace radiophonique de 28 heures par semaine à Radio-Buea. Ils étaient constitués d'émissions d'informations, de reportages, de communiqués d'intérêt local. Les informations nationales étaient diffusées à la station de radiodiffusion nationale de Yaoundé, et relayées à Radio-Buea. Les programmes étaient produits localement ou à la R.F.I. La politique des programmes de la radiodiffusion du Cameroun était favorable aux émissions locales. Mais les programmes en langue française s'inspiraient des productions internationales. Il existait deux programmes d'importance capitale, diffusés en langue française à Radio-Buea: « Télé disc » et « Spécial Jeunes ». Ces programmes transmis par téléphone avaient connu des succès notoires. Ils admettaient la participation des citoyens d'expression française et anglaise, et boostaient le bilinguisme prôné par le Président Amadou Ahidjo. Le programme « Spécial Jeunes » était destiné aux jeunes.

    Les programmes en langues vernaculaires de Radio-Buea présentaient des informations, des annonces spéciales, des questions éducatives. Ils étaient diffusés de lundi à vendredi. Un exemple de programme diffusé ici, c'était l'émission « Good Evening Cameroon », présentée tous les samedis, dans la nuit. Ledit programme était diffusé en 25 langues vernaculaires. Cela caractérisait toutes les stations provinciales du Cameroun. Une sélection préalable des langues des provinces du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun était menée. Seules 4 des langues retenues était utilisées dans la diffusion des programmes en langues vernaculaires au sein de la station. La principale source d'information pour ces programmes était la station elle-même. Les informations disponibles en langue anglaise étaient traduites par chaque artiste, en langue vernaculaire. Ces informations avaient une portée locale ou nationale. Pour être habilités à traduire les informations de la langue anglaise en langues vernaculaires, les candidats devaient avoir au minimum le C.A.P. Les programmes de la radiodiffusion du Cameroun étaient conformes à des objectifs que lui avaient assignés les gouvernants, à savoir former, éduquer, informer et divertir les citoyens, avec pour finalité ultime, la consolidation de l'indépendance et le développement du pays. L'élaboration et la diffusion des programmes de la radio respectaient un ordonnancement juridique mis en place par le gouvernement, considérant, comme délits, certains actes liés à la publication des informations : la diffamation, la publication des secrets militaires, etc.

     

    La forme et le contenu des programmes de la radio nationale du Cameroun libre tenaient compte de l'audience et de l'auditoire. Les publics-cibles étaient définis en fonction de l'âge, du sexe, de l'activité socio-professionnelle, et de la langue d'écoute. L'âge conduisait à la production d'émissions pour les jeunes, les personnes âgées, les enfants. Le sexe permettait de définir les émissions pour les femmes ou les hommes. L'activité socio-professionnelle entrainait, par exemple, la programmation d'émissions pour les agriculteurs ou pour les forces armées. La langue d'écoute impliquait la production d'émissions en français, en anglais, en Basaa, en Béti, en Douala, etc. Les programmes étaient spécifiés selon les stations (station nationale ou les stations provinciales).

    Les émissions diffusées au sein de la radio nationale visaient le renforcement de l'esprit patriotique et le nationalisme camerounais. Ainsi, le Gouvernement y avait mis sur pied des programmes susceptibles de répondre aux attentes des auditeurs.

    II.2. La consolidation du patriotisme

    En tant que médium d'État, la radio nationale entendait cultiver l'esprit patriotique chez les Camerounais. Pour ce faire, elle s'employait à intéresser l'auditoire à ses émissions. Cela tenait compte des attentes des citoyens. L'impact de l'institution y était aussi pour beaucoup.

    II.2.1. Les attentes des auditeurs

    D'une manière globale, les auditeurs de la radio nationale souhaitaient l'amélioration de leurs conditions de vie. Les attentes des auditeurs vis-à-vis de la radiodiffusion étaient fonction des besoins de ceux-ci.

    Il existait : les auditeurs dépendants, les auditeurs occasionnels, les auditeurs indifférents. Les auditeurs dépendants étaient ceux qui avaient perdu la liberté de s'abstenir de la radio. Par le contact de la radio, ils acquéraient un automatisme de comportement, qui faisait des récepteurs leurs « compagnon de vie ». Les auditeurs dépendants étaient « analphabètes », et ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour l'achat de la presse. Ils ne s'informaient et ne se divertissaient que par la radio. Les auditeurs dépendants de la radio menaient des activités compatibles avec l'écoute permanente (les conducteurs de taxi entre autres). Il ne s'agissait pas des personnes vivant dans l'isolement, dans une situation de captivité, ou de semi-captivité (les ménagères, les malades hospitalisés, les prisonniers). L'écoute de la radio devenait, pour eux, « un loisir passif qui compensait une situation mal vécue »73(*).

    Les auditeurs occasionnels étaient un peu moins fanatiques de la radio. Ils étaient sélectifs dans le choix des stations. Ils étaient, pour la plupart, des cadres, des fonctionnaires ou des étudiants. Parfois, ils privilégiaient la lecture des journaux, lorsqu'ils voulaient s'informer, et le cinéma, lorsqu'ils voulaient se divertir. Ils qualifiaient de médiocres les programmes musicaux, et préféraient le libre choix que leur permettaient la chaîne stéréo et la radio-cassette.

    Les auditeurs indifférents étaient les moins attachés à la radio. Ils entretenaient avec la radio une réelle aversion, à cause de la médiocrité de ses programmes, ou en raison des valeurs qu'elle représentait, et qu'ils détestaient.

    Depuis l'indépendance, les auditeurs de la radio nationale s'adonnent à la recherche d'un lien affectif, de l'élévation de l'esprit et de la sensation. La recherche d'un lien affectif est liée aux besoins de socialisation et de projection. Il s'agit du désir de rapprochement à d'autres individus. Selon Jean Stoetzel, cela renvoie au besoin de reliance sociale74(*). À son avis, les abstentionnistes de l'information sont fatalement des abstentionnistes de la vie sociale, tant la consommation régulière de l'information est un indice de participation sociale et politique. En tant que moyen d'information de masses, la radio favorise l'insertion des individus dans leurs groupes. Elle aide le citoyen à participer « au présent des mondes »75(*), et à régler ses problèmes quotidiens. L'auditeur est mis au courant des événements nationaux et mondiaux, et des décisions prises au nom de la communauté. Il se sent proche des autres citadins, et s'enquiert du sort des populations villageoises.

    Le besoin de projection se manifeste par le lien affectif que l'auditeur établit avec le journaliste ou l'animateur qu'il écoute. Il souhaite réussir les mêmes exploits que cette « vedette des ondes » qu'il magnifie. Même sans l'avoir rencontrée, il suit ses qualités avec curiosité et admiration. Il s'intéresse beaucoup plus à la forme qu'au fond du message véhiculé. Il se projette alors sur le présentateur, qui fait preuve d'une bonne élocution76(*).

    La recherche de l'élévation de l'esprit se manifeste sous quatre formes : le désir d'accéder à des connaissances ; le désir de renforcer son statut ; le refus de s'identifier à des « analphabètes » ; le besoin de justification intellectuelle. Les connaissances sont d'ordre général ou pratique. D'une part, ce désir est partagé par des personnes qui espèrent apprendre par la radio, bien que non scolarisées. D'autre part, il est partagé par des lettrés, qui entendent s'améliorer par la radio. Le statut personnel de l'auditeur s'exprime dans son entourage. Cela concerne des auditeurs qui transmettent des informations tirées de la radio. Ainsi, l'auditeur éprouve le besoin de pratiquer une écoute éclectique, en suivant plusieurs stations de radio. Le refus de s'identifier à des analphabètes est l'apanage des personnes qui critiquent des émissions jugées médiocres et sans apport intellectuel. Les animateurs de ces émissions s'expriment dans un langage approximatif et maîtrisent peu les sujets qu'ils abordent. En réaction à cela, l'auditeur recherche des émissions d'un niveau élevé, dans des stations les plus représentatives, ou s'abstient d'écouter la radio. Il s'adonne alors à d'autres moyens de diffusion d'idées. L'écoute de plusieurs stations de radiodiffusion est, pour certains, la matérialisation du désir de différenciation et d'appartenance culturelle. Pour certains, la culture des élites et des privilégiés est « la vraie culture », et les radios étrangères, ses seuls supports. Aussi, certains auditeurs écoutent-ils la R.F.I. ou la V.O.A., par snobisme. Cette référence à l'étranger est un moyen d'évasion permanente chez les intellectuels camerounais, ou prétendus tels, animés par un complexe d'infériorité culturelle. L'intelligentsia n'apprécie que ce qui tend à valoriser la culture nationale.

    La recherche de la sensation consiste pour les auditeurs à écouter notamment la musique. Pour L. Barbedette, A. Adelmann et G. Robert, elle correspond au besoin de se délasser, de se décontracter, de s'exciter, de se libérer du stress77(*). La musique est fortement concurrencée par le disque et la cassette, qui permettent à l'usager de choisir ses titres. Pour certains auditeurs, l'écoute de la radio est basée sur les bruits. Voilà pourquoi Guy Robert affirme : « Ce qui prime en radio, c'est le document sonore, sa coloration humaine, son pouvoir de suggestion, l'émotion qui s'en dégage »78(*). Dans ce cas, l'auditeur s'intéresse peu au contenu des programmes. L'important pour lui est de s'assurer une coloration humaine. Dans son enquête réalisée en 1981, Michel Tjadé Eonè avait relevé la position d'une ménagère qui considérait la radio comme un moyen d'accompagnement, en soulignant: « Ma petite radio, pensait-elle, c'est comme une amie fidèle et bien aimée. Elle me suit partout, même au champ. En la promenant avec moi, j'ai l'impression d'être en contact avec les personnes que je ne vois pas, même si parfois, je ne suis pas ce qu'on y dit »79(*). Cela suppose que ce qui importait à la radio était, non pas l'information véhiculée ou le message transmis, mais la qualité du son qu'elle présentait. La radio jouait alors un rôle de défoulement et de divertissement. L'auditeur pouvait écouter la radio en vaquant à ses occupations habituelles. Il n'avait ni l'objectif de s'instruire, ni l'envie d'édification intellectuelle. Pour lui, l'important était la présence, auprès de lui, d'un outil de communication, lui donnant l'impression d'accompagnement physique. Les auditeurs de cette catégorie étaient en général des non intellectuels. À défaut de disposer d'une radio-cassette, pouvant diffuser permanemment de la musique, ils se contentaient de l'élément sonore qui leur était proposé, quel qu'en fut le contenu. Dans certains cas, l'auditeur ne comprenait ni français, ni anglais, mais écoutait des programmes diffusés en ces langues. C'est l'une des raisons pour lesquelles les auditeurs parfois déconnectés de l'instruction s'adonnaient à l'écoute de la R.F.I. ou de la B.B.C. Pour eux, l'importance de la radio se réduisait à la qualité de son son. Un observateur neutre de la scène médiatique avait alors confié:

    La radio, avant tout, c'était l'écoute. Quand il n'y avait pas une bonne écoute, la radio n'était pas suivie. L'auditeur le plus banal ne cherchait pas l'information, mais sa qualité sonore. R. F. I. ayant l'une des meilleures qualités sonores de l'époque au sein de notre environnement médiatique, il était évident que les auditeurs, même analphabètes, se mettent à son écoute80(*).

    En résumé, les auditeurs camerounais trouvaient en la radio nationale un moyen d'épanouissement. Les responsables de ladite radio avaient alors opté pour la diffusion d'émissions susceptibles de répondre aux attentes des citoyens.

    II.2.2. Les motifs de satisfaction des auditeurs de la radio nationale

    Comme nous l'avons mentionné plus haut, la majorité des auditeurs écoutait la radio, non pas en tant qu'outil d'élévation intellectuelle, ou d'édification sociale, mais en tant que moyen de loisir, d'évasion. Une minorité d'auditeurs s'adonnait à l'écoute des émissions instructives et d'informations.

    Les auditeurs de la radio nationale du Cameroun s'adonnaient avec passion à l'écoute des émissions musicales. Ces auditeurs appartenaient à la catégorie de ceux qualifiés de « dépendants ». Ils appréhendaient la radio comme un moyen de divertissement, au contact duquel ils s'évadaient. D'où le succès d'un des disques ayant pour titre « À votre Choix »81(*). D'après Tjadé Eonè, près de 49% du temps d'antenne hebdomadaire de la radio nationale était consacré à sa fonction récréative. Des émissions de fiction et de sport y étaient aussi diffusées. La musique diffusée à la radio nationale était essentiellement traditionnelle. D'après les musicologues, il existait cinq grandes traditions musicales, représentant les foyers culturels nationaux: la musique populaire communautaire ; la musique des cours de chefferies traditionnelles des lamidats et des sultanats; le « Hilung-ba-Nganda »; le « Mvet »; la musique des Pygmée; les chorales religieuses. Ces courants de la musique traditionnelle correspondaient aux styles et aux genres divers, conformes aux spécificités linguistiques, sociales et anthropologiques de chaque région du pays. En effet, comme le soulignait Barrate Eno Belinga, et Chantal Nourrit, dans leur « Discographie sur le Cameroun », en dépit d'une longue histoire marquée par les brassages culturels, à chaque groupe ethnique du Cameroun, correspondait un type musique particulier. La musique diffusée à la radio n'était pas gratuite. Elle ne relevait non plus de « l'art pour l'art ». Elle portait des messages instructifs et des significations non moins intéressantes. Les auditeurs camerounais qui l'écoutaient cherchaient, non seulement la sensation de bien-être, mais aussi le plaisir des sons. Ils recherchaient aussi des conseils et des souvenirs. Car s'inspirant des civilisations de l'oralité, la musique enrichissait et entretenait la mémoire collective, qui allait aux générations présentes et futures. La radio nationale contribuait ainsi à la valorisation des traditions musicales, grâce à l'oeuvre de collecte, de conservation et de diffusion de ses stations provinciales. Elle remplissait, par là, l'une de ses missions, dont le succès inspirait satisfaction et encouragements chez les auditeurs.

    Les informations de renseignement constituaient un motif de satisfaction des auditeurs de la radio nationale. En effet, l'écoute de la radio était plus intense entre 12 heures et 14 heures. C'était une période de la journée au cours de laquelle était diffusée l'émission quotidienne « Cameroon Magazine », le programme le plus suivi de la radio nationale. Son contenu répondait au besoin de reliance sociale du Camerounais. L'information de renseignement satisfaisait à suffisance le besoin de socialisation des Camerounais. Car elle était faite de communiqués, annonçant les décès, les résultats des concours administratifs, les pertes d'enfants et d'effets personnels. Il s'agissait des messages interpelant le citoyen dans son vécu quotidien. Grâce à ce magazine réalisé en multiplex82(*), la radio rendait des services pratiques aux auditeurs nationaux et internationaux. La liaison était ainsi établie entre la radio mère et les stations provinciales. Cela permettait aux auditeurs, où qu'ils se trouvaient, d'être imprégnés des réalités qui avaient cours autour d'eux, et dans des localités éloignées. À titre d'exemple, certains Camerounais logeaient sur des montagnes, étaient éloignés des centres urbains et du monde. Dans les villes, il existait des quartiers enclavés, à cause de l'absence des artères de communication, de l'indisponibilité des moyens de transport en commun, et du manque de moyens de communication rapides, notamment le téléphone et le télex. La radio nationale parvenait, en servant de palliatif à ces handicaps, à rapprocher les Camerounais.

    Par ailleurs, la radio nationale faisait figure d'un relais de la diffusion tambourinée. Et comme telle, elle s'incorporait dans un système de communication traditionnel, basé sur le tambour dit d'appel83(*). Le tambour d'appel était ainsi un précurseur des techniques modernes de transmission de l'information. Par analogie au téléphone et au télégraphe, le tambour était appelé « téléphone-tambour »84(*), ou « téléphone-télégraphe »85(*). Si la datation de l'invention du tambour est une entreprise difficile, son antériorité par rapport aux techniques modernes de transmission de l'information est évidente. Bernard Voyenne le confirmait, lorsqu'il soutenait:

    Parmi tous les modes ancestraux de communication, le tam-tam africain est celui qui préfigure le mieux la radio, parce que les messages qu'il transmet se propagent simultanément dans plusieurs directions86(*).

    En effet, le tambour, pensait J.P. Nana Mvogo, présentait des analogies frappantes avec la radiodiffusion87(*). Tout en mettant en oeuvre une technologie avancée, la radiodiffusion se fondait, comme le tambour, sur le principe de la propagation des ondes. Cependant, le tambour émettait de simples ondes sonores, de faible portée88(*). Celles-ci étaient transformées en impulsions électriques propagées par les ondes hertziennes, pouvant être transportées au-delà des océans. Le tambour était l'instrument le plus utilisé dans la communication interactive. Le mode de communication dont il était le support mettait en rapport deux intervenants. Les deux intervenants communiquaient par tambour interposé et faisaient appel à un code d'usage. L'élément le plus important de ce code était le « ndan-nku ». Il s'agissait d'un mot inspiré d'un proverbe, ou d'un dicton de la sagesse populaire89(*). Le tambour était devenu un instrument de musique. Dans la société traditionnelle, sa fonction première était d'assurer une information permanente, à l'intention des populations villageoises. Ses transmissions n'avaient pas de périodicité fixe; elles avaient de véritables éditions de nouvelles locales. Le tambour était en effet destiné à renseigner sur la vie individuelle et collective, en s'intéressant à l'exceptionnel, par rapport au quotidien. Il était aussi destiné à convoquer les habitants des villages et des contrées voisines à des cérémonies d'importance capitale. D'où l'appellation « tambour d'appel ». Par exemple, le tambour d'appel invitait les populations à assister un malade en agonie, convoquait au deuil ou à une séance de palabre, invitait au mariage ou au partage d'un gibier exceptionnel. Avec l'avènement du colonialisme, les missionnaires s'en servaient pour convier les chrétiens au culte.

    Comme le message tambouriné, les communiqués permettaient aux publics de tous bords de participer à la production d'émissions radiophoniques. Il existait cependant une différence notoire entre les communiqués officiels et les communiqués de l'information-service. Les communiqués officiels émanaient des services gouvernementaux et concernaient les décisions officielles. Les communiqués de l'information-service étaient des messages brefs et personnels. Les communiqués de l'information-service faisaient l'objet de plusieurs rubriques spécialisées, à l'instar des avis de recherche, de naissance et de décès. Ils portaient la mention « Affaires vous concernant ». La diffusion des avis de décès était courante à la radio nationale du Cameroun. Les avis de décès étaient appréciés par les Camerounais. Ils étaient denses, car leur diffusion était gratuite. Mais ils étaient réfutés par les Européens vivant au sein du pays, parce que ceux-ci ne s'y sentaient pas concernés90(*).

    La responsabilité et la tâche de la radiodiffusion du Cameroun s'avéraient difficiles, car le Cameroun était encore un État jeune, et avait des défis importants à relever, dans tous les secteurs de la vie nationale. Une enquête réalisée par Albert Mbida avait révélé ces propos d'un auditeur de la radio publique camerounaise : « Je me plais souvent à écouter les conseils qu'elle prodigue ; ils sont très précieux: des conseils d'hygiène et de morale »91(*). Pour les auditeurs, la radio informait de l'actualité politique et économique. Les campagnes radiophoniques contre certaines maladies et certains fléaux conduisaient les auditeurs à prendre des précautions nécessaires. Leur éducation sanitaire était d'une grande utilité. La radio inculquait aux auditeurs la nécessité de payer l'impôt, d'assister aux réunions du parti unique. La radio leur prodiguait des conseils liés à la gestion du foyer conjugal, à la stigmatisation des comportements déviants de certains hommes et de certaines femmes. Les messages diffusés en langues vernaculaires retenaient l'attention des auditeurs. La plupart des conseils étaient mis en pratique. La loi de 1972 disposait:

    Le service de l'animation et de la diffusion culturelle sur l'ensemble du territoire national s'emploiera par l'organisation ou l'encouragement des spectacles de tous genres et la diffusion d'oeuvres artistiques et littéraires, à l'encouragement à la créativité dans les domaines artistiques, littéraires et audio-visuels; l'éducation populaire et scolaire en matière artistique, notamment par la production, en liaison avec le Ministère de l'Éducation Nationale, des documents artistiques et culturels92(*).

    La radio nationale se devait ainsi de vulgariser la civilisation, l'art et la culture nationaux. « Histoire du Cameroun », une émission coproduite par Dandjouma Aoudou, et Jean-Baptiste Obama, était, d'après des personnes interrogées par Albert Mbida, un moyen de booster leur connaissance de l'histoire du Cameroun. Elle leur a ainsi permis d'avoir des idées précises sur des faits mal reproduits dans certains manuels. Par cette émission, les auditeurs avaient acquis des connaissances sur l'histoire des Bamoum, des Douala, sur le personnage de Charles Atangana Ntsama. Les auditeurs avait ainsi déduit qu'elle était plus intéressante que l'Histoire de la France ou d'Angleterre. C'était une émission qui, dans une certaine mesure, remplaçait un livre, parce que diffusant des faits et des dates. Hormis les émissions culturelles, il existait, à la radio nationale, des magazines culturels, qu'étaient : « Eh bien quoi de neuf », « Voir et connaître », (magazines de spectacle, de culture et des arts). Ils se proposaient de donner des informations sur les programmes de divers spectacles, s'attachaient à des analyses de films, des présentations de livres. Ces magazines permettaient aux auditeurs de connaître des films projetés au cinéma.

    Peu d'auditeurs suivaient entièrement des émissions. En effet, les Camerounais n'avaient pas encore la culture de l'écoute de la radio. Pour solliciter instamment l'attention de l'auditeur, il fallait lui présenter un programme « l'obligeant à entrer de plain pied dans la ruse ». Les jeux radiophoniques, dotés des prix de toutes sortes, visaient ce but. Ils se proposaient aussi d'améliorer les connaissances des auditeurs, dans les domaines divers: le sport, la littérature, la politique, la science, l'histoire, la géographie, etc. Radio-Cameroun en avait pris conscience et voulait, par ces jeux, consolider son prestige. De telles émissions permettaient à l'auditeur de s'y sentir concerné et d'y participer directement. Les personnes interrogées par Albert Mbida avaient déclaré que ces émissions avaient accru leurs connaissances dans les domaines politiques, scientifiques, religieux, sportifs, littéraires, géographiques et économiques. Les émissions « Inter-ville », « Toutes les villes jouent », « Le jeu de mille francs », étaient produites par Radio-Yaoundé. Les financements respectifs de ces productions étaient assurés par La Loterie nationale, le G.C.A.C. Les participants étaient satisfaits des prix remportés et des connaissances acquises. Ces productions renvoyaient à la réflexion et à la recherche dans les documents. Le caractère historique de ces émissions pouvait aussi être révélé. Un auditeur avait ainsi déclaré: « Il est très intéressant d'entendre les gens se casser la figure sur certaines questions; ça fait rigoler un peu quand quelqu'un passe complètement à côté de la question ». De multiples détails sur la vie quotidienne des Camerounais nécessitaient le recours à la radio. Les promenades du week-end dépendaient ainsi des prévisions météorologiques, de l'état des routes, des heures de départ et d'arrivée des trains et des avions. Le Cameroun présentant un taux de chômage élevé. Chaqu'avis d'emploi à la radio était écouté avec attention. « Cameroun Magazine », émission informative et musicale, jouait pleinement ce rôle. L'émission permettait de découvrir le pays, de découvrir les qualités de la musique nationale, et son originalité. Elle remplaçait le message tambouriné et combinait l'information et le divertissement93(*). Les émissions locales avaient un auditoire consistant. La musique camerounaise était privilégiée par rapport à la musique européenne. La préférence pour la musique camerounaise se manifestait chez les ruraux, les commerçants, les ouvriers et les employés. À ce propos, un auditeur déclara:

    Je ne vois pas la raison d'être de la musique étrangère sur nos antennes, il faut que les Camerounais écoutent et apprécient leur musique. À étendre la musique anglo-saxonne sur Radio-Cameroun, on a envie de fermer son poste94(*).

    En tant qu'institution, l'église était un organisme public. Le Cameroun était un État laïc, mais restait diplomatiquement lié au Vatican. De ce fait, l'église était soumise à la loi de la publicité. Ses activités, parfois règlementées par l'État, étaient contrôlées par ses membres. L'église demandait à ses fidèles une participation responsable à ses activités, et particulièrement à son apostolat. Radio-Cameroun assistait l'église dans l'accomplissement de sa mission d'information et d'enseignement de ses fidèles. Les émissions religieuses avaient trait à l'information sur les activités de l'Église, à l'échelle nationale et internationale, et à l'enseignement à la foi. Un auditeur avait ainsi déclaré:

    Non seulement ces émissions nous enseignent la fois, mais aussi elles nous renseignent sur les faits qui nous intéressent; elles essayent, tant bien que mal, de nous donner l'image la plus exacte de la vie de l'Église95(*).

    L'Église s'exprimait pour se faire comprendre. Elle n'y parvenait, au lendemain de l'indépendance, que par la radio. Grâce à radio, l'Église transmettait à toutes les couches de la population, des informations et des renseignements utiles.

    De 1960 à 1990, la radio nationale du Cameroun diffusait des émissions audio. Seuls des messages non visibles pouvaient y être véhiculés. Ces programmes excluaient alors des publications obscènes, à l'exemple des pornographies. Ce que défend Raphael Tah, lorsqu'il déclare : « Grâce à la radio nationale, les citoyens, et les jeunes en particulier, pouvaient s'informer, se former, en marge des perversités véhiculées par la télévision »96(*). La diffusion intense de la publicité portait préjudice à la presse écrite, en en diminuait les rentrées financières. Cette concurrence conduisait à la faillite de certains journaux, et limitait ainsi le pluralisme médiatique97(*).

    Les objectifs de la radiodiffusion du Cameroun ne pouvaient être atteints, estimaient les pouvoirs publics, certains États et organismes non gouvernementaux, sans le soutien international, dans la perspective d'assurer le rayonnement de l'institution à l'échelle mondiale. Cela passait sans doute aucun par l'édification des principales populations cibles : les Camerounais. La radio voilait alors des informations de nature à provoquer le désordre social. Ainsi, il a été possible de compromettre l'aboutissement du coup d'État de juin 1984.

    II.2.3. Un moyen de compromission du coup d'État de 1984: l'importance du rôle joué par Gabriel Ebili

    Le 04 novembre 1982, le président Ahmadou Ahidjo démissionne du pouvoir, dans un discours diffusé par la radio nationale du Cameroun. Il passe le témoin à son successeur dit constitutionnel, Paul Biya. Le nouveau président Paul Biya prête serment le 06 novembre 1982. Un an et 05 mois plut tard, survient au sein du pays un « putsch » orchestré par l'armée nationale. Les acteurs du putsch annonce notamment la suspension des télécommunications. Cela signifiait que même la radio nationale qui avait servi à la retransmission du discours des radicaux devait être fermée, « jusqu'à nouvel ordre ». La tentative de coup d'État échouera, grâce à la contribution exceptionnelle de Gabriel Ebili, technicien de Radio-Cameroun. Avant le 06 avril 1984, Gabriel Ebili est contacté par des hommes qui lui demandent de coopérer. Selon ces hommes, Ebili se devait de céder, au risque de faire l'objet des représailles. Ebili ne savait ni le jour, ni l'heure de l'opération. Il était alors âgé de 27 ans. Quelques jours avant le coup d'État, il prit le soin de mettre sa famille à l'abri, en l'envoyant à Lolodorf à Bibondi, son village natal. Ayant pris peur, il se garda d'informer sa hiérarchie. Aux premières heures de la matinée du 06 avril 1984, des tirs d'obus retentissaient à Yaoundé, capitale du pays. Comme à l'accoutumée, Gabriel Ebili se rendit à son lieu de service au petit matin. Sans anicroche, il atteignit l'enceinte de Radio-Cameroun. Mais lorsqu'il franchissait le portail, il réalisa que la radio était envahie par les militaires armés. L'un d'eux lui administra une sévère bastonnade. Traîné de force par les mutins, Gabriel Ebili mit les émetteurs en marche. Il se garda discrètement de mettre le C.D.M. en marche. Les mutins se montrèrent de plus en plus menaçants, et le conduisirent au studio. Chemin faisant, Ebili rencontra ses collègues Hyppolite Nkengué et Jean Vincent Tchiénéhom, croupissant dans la torture. Les mutins récupérèrent la bande et ordonnèrent Ebili de faire passer leur discours à l'antenne. Ebili s'y était soumis. Voici un extrait du message des fomenteurs du putsch :

    L'armée camerounaise vient de libérer le peuple camerounais de la bande à Biya, de leur tyrannie, de leur escroquerie, et de leur rapine incalculable. Oui, l'armée a décidé de mette fin à la politique criminelle de cet individu contre l'unité nationale de notre cher pays. En effet, le Cameroun vient de vivre au cours de ces quinze derniers mois qu'a duré le régime Biya les heures les plus noires de son histoire. Son unité mise en péril, la paix interne troublée, sa prospérité économique compromise, la réputation nationale ternie...Dès maintenant, le Conseil militaire supérieur est amené à prendre un certain nombre de décisions au regard de la sécurité nationale. Et le Conseil militaire supérieur demande au peuple camerounais de le comprendre. En premier lieu, les liaisons aériennes, terrestres, maritimes et les télécommunications sont suspendues jusqu'à nouvel ordre. Le couvre-feu est institué sur l'ensemble du territoire national de 19 heures à 5 heures ...Par ailleurs, la Constitution est suspendue, l'Assemblée nationale est dissoute, le Gouvernement est démis ; tous les partis politiques sont suspendus ; tous les gouverneurs de provinces sont relevés et, enfin sur le plan militaire, les officiers supérieurs exerçant le commandement d'unités opérationnelles sont déchargés de leurs fonctions. L'officier subalterne le plus ancien dans le grade le plus élevé prend le commandement98(*).

    Les mutins étaient convaincus du passage effectif de leur message sur l'ensemble du réseau national. Or par les manoeuvres secrètes de Gabriel Ebili, le discours des mutins n'avait été écouté qu'à Yaoundé. Jusqu'à 16 heures, l'entrée de la radio était encore envahie par les mutins. C'est alors qu'arriva le colonel Samobo pierre et ses troupes restée fidèles au régime. Gabriel Ebili lui fit état de la situation. Ebili et Samobo furent rejoints par le capitaine Ivo. Les mutins étaient dispersés. Dès lors, Ebili restaura les branchements des émetteurs, et diffusa le discours du Président de la République qui stipulait que la situation est redevenue à la normale, et que la radio ne pourrait reprendre son fonctionnement que le dimanche. Le 29 septembre 1984, Gabriel Ebili, Alexandre Kokoh, directeur de la radio, et Francis Achu Samba, ingénieur des télécommunications, recevaient la médaille de la vaillance de l'ordre national, pour avoir « sauvé les institutions du pays ».

    Les événements ci-dessus font état de la place de la radio nationale dans la communication politique à l'époque. Ils démontrent à suffisance l'importance de son rôle dans la définition des stratégies des acteurs du putsch. Ils laissent entrevoir le rôle important qu'elle avait joué dans l'échec du coup d'État. Selon les stratèges des questions militaires, les mutins auraient réussi leur coup si leur message avait été diffusé sur l'ensemble du territoire99(*).

    En tant vecteur de développement, la radio devait avoir pour cible de ces activités les populations locales. Ses émissions devaient tenir compte des enjeux sociaux et des situations des auditeurs potentiels. La radio allait ainsi devenir un moyen de promotion du bien-être de ces derniers.

    II.3. La radiodiffusion et les populations nationales

    Le défaut d'information des populations était susceptible de compromettre l'efficacité des services sociaux. Il n'était pas possible d'entreprendre des actions de développement dans une communauté sans la participation active des populations concernées. Les hommes n'acceptaient de modifier leurs attitudes que s'ils étaient convaincus que le changement proposé leur était bénéfique. Pour mieux se faire comprendre par les populations, les animateurs de radio leur envoyaient des messages simples, claires, adaptés à leurs besoins et à leur niveau d'instruction. Afin de susciter la participation active des populations concernées, le service de santé travaillait en étroite collaboration avec les services de promotion humaine. La radio était un moyen d'action, de propagande éducative, en direction de toutes les couches sociales. Elle accompagnait l'homme partout. Elle réalisait ainsi les missions éducatives et sociales. Surtout, elle réussissait à convaincre. Tous les services publics étaient représentés. Ici, la radio jouait le rôle de « coordonnatrice ».

    II.3.1. L'éducation par la radio

    La radio permettait aux citoyens d'élargir leurs horizons intellectuels. Elle leur permettait de connaître de façon rapide les phénomènes qui survenaient à des endroits plus ou moins éloignés. Le Cameroun étant un pays en développement, sa radio ouvrait les populations aux civilisations étrangères et les amenait à voir leur vie sous un jour nouveau.

    À cette période, les élus et les autorités locales avaient mis sur pied un ensemble de moyens permettant une écoute collective de la radio et des programmes à visée éducative. Dans des villes et des grandes agglomérations, ce procédé fut un échec, car les populations utilisaient des postes à piles exigeant des recharges fréquentes. Les campagnes étant reculées, elles ne bénéficiaient pas de l'information éducative. Par ailleurs, toute la population citadine n'était pas concernée par ces programmes, en raison des différentes activités de ses membres. La plupart du temps, les auditeurs étaient des chômeurs et non des ouvriers occupés par leur travail et soumis à des horaires rigides. Artisans et commerçants échappaient aussi au circuit, parce qu'ils ne pouvaient abandonner leurs activités pour s'intéresser à des programmes radiodiffusés. C'était également le cas des mères qui ne consentaient pas à abandonner leurs foyers pour aller suivre des émissions à des endroits distants de leurs domiciles. En raison du poids de l'âge, les personnes vieilles ne s'intéressaient pas à ce type de programme. Par après, les transistors étaient répandus sur presque toute l'étendue du territoire. Leur diffusion croissante avait modifié la vie sociale. Chaqu'information était perçue en fonction de sa résonnance théâtrale. Les faits perdaient leur importance, à cause de la personne qui les décrivait.

    Au lendemain de l'installation de la radiodiffusion, et par l'intermédiaire de celle-ci, les autorités avaient fait appel à la conscience des parents, leur demandant de laisser les enfants aller à l'école. Mais cela n'avait pas rencontré l'adhésion des parents. En effet, les parents refusaient d'envoyer les enfants à l'école, car ces derniers constituaient pour eux une main d'oeuvre prépondérante pour les travaux des champs. Grâce à l'action de la radiodiffusion, les parents prirent conscience de l'importance de l'école. L'éducation par l'antenne contribua à motiver les parents à envoyer les enfants à l'école. Ainsi, des programmes furent lancés dans le sens d'asseoir l'éducation des enfants. En 1966, Georges Friedman mit sur pied le programmes « The school on air », c'est-à-dire « Une école par l'antenne ». Dans ce programme, Friedman présentait un ensemble de circuits par lesquels les élèves pouvaient acquérir des connaissances en dehors de l'école classique. Il proposa alors la radio comme l'une des voies les plus indiquées100(*).

    De 1956 à 1958, Chicot et Mayer réalisèrent une expérience d'éducation radiophonique, au travers des programmes suivants : « Articulation d'une leçon-type » ; « Organisation d'une campagne et conclusion générales de l'expérience »; « Une brève introduction en langue du pays ». Les thèmes originaux étaient exposés de façon plaisante. Les champs folkloriques laissaient aux maîtres et aux élèves le temps de se préparer. Les leçons étaient diffusées en français. Chaque leçon comprenait le calcul, le langage, la dictée, les conseils aux maîtres. Chaque phrase prononcée à la radio était suivies de quatre coups de timbre régulièrement espacés, laissant aux maîtres un délai de quinze secondes pour exécuter les consignes données par le poste entre chaque partie de la leçon. La musique permettait aux élèves de se détendre et aux maîtres de vérifier que les exercices écrits et commandés donnaient la possibilité de formuler des phrases avec des mots déjà connus. La campagne radiophonique mettait en valeur les points suivants : la nécessité de faire précéder toute méthode d'alphabétisation radiophonique d'une phase de motivation; la nécessité d'une participation effective des autorités administratives et académiques. En 1958, Radio-Garoua, sous l'égide de Radio-Cameroun, diffusait une émission enfantine réalisée en collaboration avec une école pilote dont le directeur appliquait la méthode Freinet101(*). Les enfants écrivaient des textes et fabriquaient des instruments de musique nécessaires à l'émission. L'émission comportait des histoires, des conseils et des contes dans lesquels se mêlaient récits, dialogues et chansons. Le tout était conçu exclusivement par les enfants eux-mêmes, qui faisaient des bruitages, interprétaient des chansons des musiques. Ils se servaient alors des instruments traditionnels familiers. Dès 1971, la radio avait pour rôle de motiver par des slogans, des informations, des entretiens et des conseils. Cela était fait au moyen d'un programme que suivaient 3000 adultes appartenant à 120 clubs radiophoniques102(*). Il existait deux projets-pilotes sur l'emploi de la radiodiffusion dans l'alphabétisation. À l'ex-Cameroun sous tutelle anglaise (région de Buea), une émission radiophonique d'enseignement du français parlé intitulé « African Dialogue » était diffusée. Concernant l'ancien Cameroun sous tutelle française, il avait été proposé et adopté l'émission « Learn your English ».

    II.3.2. L'encadrement des ruraux

    Comme la plupart des pays africains, le Cameroun traversait dans son ensemble une crise des plus déstabilisatrices. Cette crise était un véritable frein au développement. Elle était beaucoup plus persistante dans les campagnes que dans les villes. Elle était marquée notamment par le conflit entre jeunes et adultes à propos du progrès, et le manque de formation mentale et intellectuelle chez les ruraux. René Leduc évaluait l'ampleur de cette crise et en proposait quelques pistes de réflexion, en ces termes:

    Il va de soit qu'un homme non formé, pris à l'état brut, en quelque sorte, sans autre ressource que sa force physique, ne peut être considéré comme un agent économique. L'acquisition des connaissances peut être considérée comme un véritable perfectionnement du capital, c'est-à-dire comme un investissement103(*).

    La radio était susceptible d'y apporter des solutions dans l'immédiat.

    Dans son ensemble, le Cameroun était confronté à un déséquilibre social et économique dont l'origine tenait pour une large part au malentendu séparant les jeunes et les adultes. En effet, les anciens s'appuyaient sur des structures sociales et économiques qui ne répondaient presque plus ni aux nécessités matérielles, ni aux impératifs sociaux de la vie moderne. Ces structures s'effritaient et se dégradaient104(*). Les jeunes ressentaient confusément le caractère dépassé des idéaux d'antan et s'employaient à s'y soustraire. Mais il était évident que la formation des jeunes à des fins politiques, économique et sociales leurs permettait d'être utiles à leurs villages et de devenir des promoteurs du progrès lorsqu'ils étaient mis en condition de discuter de façon constructive des problèmes locaux. Ils pouvaient ainsi être écoutés et entendus partout, car la mobilisation générale y était nécessaire104(*). Il avait alors été décidé la mise sur pied d'une voie de réconciliation. Seule la radio pouvait assurer cette réconciliation.

    L'une des tâches urgentes entreprises au Cameroun pour promouvoir le progrès avait consisté en l'initiation des agriculteurs aux méthodes de savoir-faire qui pouvaient leur permettre de mettre en pratique les procédés d'exploitation. À cette fin, le gouvernement avait mis à leur disposition un service de vulgarisation agricole. Celui-ci assurait entre le chercheur et l'agriculteur les avantages de l'énergie électrique, des machines modernes, un meilleur encadrement alimentaire et sanitaire des animaux et des végétaux, l'accès aux crédits, la gestion rationnelle des exploitations. La radio était chargée de répondre à cette mission complexe. En outre, il était demandé aux agriculteurs de prendre conscience de leur condition, de prendre en main leur destin. L'encadrement des agriculteurs devait répondre aux besoins économiques du pays. Il était en effet question de mobiliser les personnes en vue d'une amélioration substantielle de leurs modes de vie.

    L'action de la radio nationale du Cameroun avait vocation à lui assurer un meilleur rayonnement international, susceptible de traduire sa souveraineté effective. Au delà des limites de ce rayonnement international, la radiodiffusion du Cameroun se devait de relever des défis importants.

    CHAPITRE III

    RAYONNEMENT INTERNATIONAL, DIFFICULÉS ET DÉFIS DE LA

    RADIODIFFUSION AU CAMEROUN

    Dans le monde moderne, les institutions aspirent à un meilleur rayonnement international qui ferait d'elles des références. C'est l'exemple des radiodiffusions publiques dont le rôle fondamental est de promouvoir les politiques gouvernementales. Pour garantir son évolution et son perfectionnement, la radiodiffusion du Cameroun entretenait des relations avec les médias étrangers. Dans son fonctionnement, elle faisait face à des difficultés non négligeables.

    I- LA RADIODIFFUSION DU CAMEROUN DANS

    L'UNIVERS MÉDIATIQUE INTERNATIONAL

    En dépit de l'indépendance et de la réunification du pays, la radiodiffusion du Cameroun ne pouvait échapper à l'influence des médias internationaux. Elle a ainsi intégré le système de l'information mondial. Ce système est alors apparu comme le socle de son évolution.

    I.1. La radio nationale et la coopération internationale

    Après l'indépendance et la réunification du pays, la radiodiffusion s'est affirmée comme un cadre de coopération important entre le Cameroun et le monde extérieur. La coopération radiophonique s'exprimait par le truchement de l'A.CA.P. et des accords de soutien signés avec les anciennes puissances coloniales.

    I.1.1. La coopération par l'intermédiaire de l'A.CA.P.

    L'importance du rôle de l'A.CA.P. se traduisait par les missions que lui avaient assignées les pouvoirs publics, et son déploiement. Principale sources d'informations des organismes de presse nationaux, l'A.CA.P. s'est avérée indispensable à l'évolution de la radiodiffusion camerounaise.

    L'A.CA.P. était un établissement public, doté de la personnalité civile, et géré selon les règles commerciales. Elle avait pour missions: la recherche d'informations complètes et objectives; la distribution des services d'informations mondiales; la mise à disposition des informations nationales et internationales; l'entretien des services de dépêches portant sur la vie politique.

    L'activité de l'A.CA.P. consistait à recueillir, à élaborer et à diffuser des informations, dans les meilleures conditions. L'A.CA.P. était libre. Elle avait le monopole de distribution des informations, et faisait ainsi office de « puissance politique »105(*). Cela était de nature à influencer le gouvernement, car l'opinion publique était sensible. Voilà pourquoi le gouvernement contrôlait systématique ses sources d'informations. D'où l'adoption au Cameroun de la loi n°66/LF/9 du 10 juin 1966106(*). En tant que structure étatique, l'A.CA.P. collectait des informations nationales et internationales crédibles, et en assurait la distribution aux organes de presse. Elle jouissait d'un monopole certain sur toute l'étendue de la République fédérale. Toute reproduction ou exploitation de ses services était subordonnée à un accord préalable107(*).

    I.1.2. La coopération avec les anciennes puissances impérialistes

    Après l'indépendance et la réunification, le Cameroun connaissait des déficits d'équipements. Les pouvoirs publics étaient préoccupés par des questions relatives à la souveraineté de la nation et au progrès économique. D'où l'acceptation du gouvernement de nouer des partenariats avec les anciennes puissances impérialistes. Dans le domaine de la radiodiffusion, le Cameroun avait noué des rapports avec la France et l'Allemagne.

    La coopération de la France avec le Cameroun s'inscrivait dans la continuité des rapports dominant/dominés, qu'elle entretenait avec celui-ci, lors de la période coloniale, ainsi que l'exprime P. Cadenat : « La coopération de la France avec [le Cameroun] se définit par son caractère postcolonial, car elle repose sur les liens de colonisation antérieurs, et par son caractère inégal »108(*). Par la mise en oeuvre des accords signés avec le Cameroun nouvellement indépendant, la France s'était donnée pour devoir d'améliorer qualitativement et quantitativement la diffusion d'émissions de la radio nationale. Ainsi, le gouvernement français avait décidé, par l'intermédiaire des services spécialisés, de :

    Fournir tous programmes, documents sonores et visuels, ouvrage, disques, à la République fédérale du Cameroun, qui [feraient] en sorte d'assurer sur l'ensemble de son réseau la meilleure diffusion possible dans le cadre des programmes de sa radiodiffusion nationale109(*).

    Par ailleurs, la fourniture de programmes devait s'accompagner de l'utilisation des méthodes appropriées en vue de leur diffusion sans anicroches. Voilà pourquoi la France avait convenu de poursuivre la coopération en matière de formation, entamée durant la période coloniale. Un nombre important de journalistes était alors formé en France. Revenus au pays, ils étaient affectés à des postes de direction, le besoin en spécialistes locaux, maîtrisant les préoccupations des auditeurs, se faisant ressentir. C'est l'exemple d'André Nganguè, considéré comme l'un des journalistes de la première heure du Cameroun. En 1950, André Nganguè obtient une bourse pour étudier à l'École de journalisme de Paris. Rentré de France, il est recruté à la SO.RA.FOM., puis à l'O.CO.RA. Avec l'indépendance, il intègre la radiodiffusion nationale du Cameroun. D'abord Chef de station de Radio-Douala, il est nommé Délégué provincial de l'information et de la culture du Littoral et de l'Ouest. C'est également l'exemple de Léonard Sah qui, formé en France, avait officié comme Directeur de Radio-Cameroun entre 1977 et 1978.

    La coopération radiophonique entre la France et le Cameroun avait un volet culturel, qui se traduisait par l'ambition de la métropole d'asseoir sa domination par l'expansion de sa langue, au moyen de l'aide bilatérale au développement. Georges Pompidou, ancien Premier ministre français, en donna une idée claire, lorsqu'il déclara à l'Assemblée Nationale : « Pour nous, Français, c'est une sorte de besoin que de maintenir la langue française; il y a là une raison fondamentale pour maintenir l'aide bilatérale »110(*). Pour le gouvernement français, la coopération radiophonique se voulait bénéfique aux deux parties, et devait s'orienter vers la promotion de la langue et la culture métropolitaine, pense Yvon Bourges, Secrétaire d'État aux affaires étrangères, chargé de la coopération devant l'Assemblée:

    Le premier objectif de notre département est de favoriser la pénétration de la langue et de la culture françaises. La coopération n'est pas une entreprise intéressée au sens égoïste du terme, mais il ne peut s'agir ni de gaspillage, ni de prodigalité111(*).

    La coopération radiophonique allemande se voulait pratique. Elle était orientée vers le secteur agricole. Cela tenait au fait que le Cameroun post-colonial était essentiellement agricole. L'agriculture avait trouvé un terrain d'expression au Cameroun, car le pays présentait un climat tropical au Nord, et un climat de type équatorial au sud. Ces deux grands ensembles climatiques chauds étaient propices au développement de l'agriculture. En plus, les populations vivaient des produits agricoles. Ceux-ci étaient utiles pour leur alimentation. Bien plus, l'Allemagne entendait promouvoir la pratique d'une agriculture intensive, dont la production devait être destinée à l'exportation en direction du pays d'Hitler. C'est la raison pour laquelle le gouvernement allemand avait axé sa coopération radiophonique sur la satisfaction des besoins des populations du milieu rural. Pour ce faire, le gouvernement allemand avait opté pour la diffusion d'émissions en langues locales. C'est l'idée qu'exprime André Jean Tudesq, lorsqu'il affirme:

    La coopération radiophonique allemande [portait] surtout sur les masses paysannes par le biais de la radio rurale favorisant l'utilisation des langues locales et attachant peu d'importance à la diffusion de sa culture112(*).

    I.2. La radio nationale et le système mondial

    La radio nationale du Cameroun subissait l'influence des sources d'informations externes. Elle était une voie d'exportation culturelle, et recevait l'aide des radios occidentales.

    I.2.1. Le rôle des sources d'informations internes

    Le système de diffusion d'informations de la radio nationale du Cameroun était constitué des sources, qui l'alimentaient. La radiodiffusion du Cameroun tirait ses informations des agences d'informations mondiales et internationales.

    Radio-Cameroun tirait l'essentiel de ses informations africaines et internationales des agences mondiales113(*). Au Cameroun, la réception et la distribution d'informations incombaient à l'État. Ainsi, les informations étaient gérées par la SO.PE.CAM. En effet, aux termes de la loi n°77/17 du 6 décembre 1977, la SO.PE.CAM. était compétente pour assurer au Cameroun l'exclusivité d'un service constant d'informations mondiales par convention ou alliance avec les agences étrangères. Le même article disposait dans son alinéa 2 : « Sauf autorisation donnée par décret, nul n'a le droit de détenir des installations radioélectriques ou autres ayant pour but la captation, notamment au moyen de baies de réception, d'émissions de nouvelles d'agences étrangères en vue de leur utilisation large ou restreinte ». La SO.PE.CAM. avait souscrit des abonnements auprès de trois des cinq grandes agences internationales: l'A.F.P., pour des services en français et en anglais; Reuter, pour des services économiques; T.A.S.S. Fondée par le gouvernement soviétique en 1925, l'agence T.A.S.S. était publique. Elle était le porte-parole de l'Union soviétique, et assurait la construction du communisme à l'intérieur du pays, et son rayonnement à l'extérieur114(*). En revanche, les quatre grandes agences de l'Occident prétendaient être impartiales, dans le cadre de la concurrence contre la T.A.S.S. La concurrence s'appliquait à l'information et aux autres domaines de la vie économique et sociale. Henri Pigeat, directeur général de l'A.F.P., avait proclamé la neutralité de celle-ci, en ces termes : « Les obligations qui lui incombent sont l'exactitude et l'objectivité de l'information, l'indépendance à l'égard de toute influence »115(*). Mais l'impartialité et l'objectivité des informations fournies par des agences de presse occidentales avaient été mises en cause, en raison des conquêtes politiques et territoriales qui avaient présidé à leur expansion et à leur essor. En effet, l'expansion et l'émergence du télégraphe sans fil s'étaient produites dans les pays développés au XIXe siècle. De ce fait, les puissances occidentales étaient entrées dans leur deuxième ère impériale.

    La dépendance de la radiodiffusion du Cameroun vis-à-vis des agences occidentales d'information expliquait les insuffisances quantitatives et qualitatives de la page étrangère de son journal. Sur le plan quantitatif, les agences d'information occidentales s'intéressaient très peu à l'actualité du Tiers-Monde. Sur le plan qualitatif, il se posait le problème de l'image des pays du Tiers-Monde en général, caractérisée par des turbulences socio-politiques (guerres civiles, coups-d'États, etc.). En plus, les dépêches de ces agences avaient quelques fois un caractère ethnocentrique et idéologique. En effet, ces dépêches passaient directement des téléscripteurs à l'antenne. Ce qui contraignait les Camerounais à se plier à une vision du monde autre que la leur. Par conséquent, la radio accentuait l'extraversion de la nation, d'autant plus qu'elle perpétuait la domination de la France, par le biais de la coopération, qui entretenait l'exportation de sa culture en direction du pays.

    La coopération culturelle était le deuxième type d'alliance signée entre la radio nationale et les sources d'informations étrangères. Établie à Paris le 5 mai 1963, la convention radiophonique entre la France et le Cameroun découlait de l'accord de coopération culturelle de 1960, actualisé le 21 février 1974116(*). L'élaboration des programmes était de la compétence du gouvernement. L'accord de coopération de 1974 avait confié à l'O.CO.RA. les prestations sur la formation du personnel, l'envoi des programmes, l'approvisionnement en matériel. Cette coopération entre l'ancienne puissance tutrice et le Cameroun découlait des liens historiques établis par le pacte colonial.

    La coopération culturelle, comme la colonisation, donnait à la France l'occasion d'accomplir sa « mission civilisatrice » envers le Cameroun. Son besoin de rayonnement pouvait être assouvi à travers ses liens avec le pays. Convaincue d'être investie d'une mission à leur égard, elle s'estimait susceptible de leur apporter un mode d'expression et une méthode de pensée117(*). Le désir de rayonnement de la France avait été affirmé par les théoriciens de la coopération et le gouvernement de la métropole. C'est l'idée qui se dégage du rapport de Jeanneney, en ces termes : « La France désire, plus que toute autre nation, diffuser au loin sa langue et sa culture »118(*). Les accords de coopération culturelle entre la France et le Cameroun nouvellement indépendant avaient été influencés par cette volonté de l'ancienne métropole d'assurer à sa culture et à sa langue une diffusion large, face au rayonnement international de l'anglais. Les médias français, et plus singulièrement la radio nationale, étaient des instruments de cette politique d'expansion culturelle. Selon la loi française du 7 août 1974, la radio participait à la diffusion de la culture métropolitaine dans le monde. Elle veillait à la qualité et à l'illustration de la langue française119(*). R.F.I. était l'un des organismes d'exécution de la coopération franco-africaine dans le domaine de la radiodiffusion120(*). Elle avait pour domaine d'action la fourniture des programmes. Au sein de ses services, il avait été prévu une section chargée de la production d'émissions de coopération, et une autre compétente pour assurer la formation des cadres.

    Les actions de coopération de R.F.I. en matière de programmes se traduisaient par des prestations gratuites, réalisées à Paris, et envoyées à la radio nationale. La coopération radiophonique était fondée sur l'aide à la production, à la création, et à la mise en valeur du patrimoine culturel du pays. L'aide à la production consistait en la mise à la disposition de la radiodiffusion du Cameroun des éléments écrits et sonores ne pouvant être obtenus localement. C'est ainsi que le monitoring servait de véritable agence de son, proposant des synthèses d'actualité, établies sur la base des dépêches d'agences, ou de correspondances réalisées à partir du Cameroun. Au Cameroun, sept stations et une école de journalisme bénéficiaient des prestations de R.F.I. : le P.N.; Radio-Centre-Sud; Radio-Bafoussam; Radio-Bertoua; Radio-Douala; Radio-Buea; Radio-Garoua; l'E.S.S.T.I. Par la suite, R .F.I. avait entrepris la réduction de la fourniture gratuite des programmes, au bénéfice des coproducteurs. C'est ainsi que l'émission « Mémoire d'un continent » était coproduite avec la radio nationale ; R.F .I. servant alors de lien technique.

    Les programmes de coopération avaient pour support exclusif la langue française. Il n'a été envisagé la production en langues camerounaises. Mais dans son article 3, la convention de coopération entre la France et le Cameroun disposait : « Les parties contractantes s'engagent à mettre leurs radiodiffusions au service d'une meilleure connaissance mutuelle des deux pays et du rayonnement de leur culture commune ».

    Afin que la radio nationale puisse jouer son rôle, et que son fonctionnement harmonieux soit garanti, les pouvoirs publics camerounais s'étaient pliés à l'influence des radios occidentales.

    I.2.2. Le rôle des radios étrangères

    Parmi les médias parallèles qui avaient des liens étroits avec la radio nationale du Cameroun, il y avait les radios étrangères. Ces radios avaient un service international s'occupant des programmes conçus à l'intention des publics étrangers. Leurs activités relevaient d'une double mission : faire entendre au sein des pays étrangers desservis la voix des puissances dont elles véhiculaient l'idéologie et la culture; maintenir pour les ressortissants expatriés de ces puissances « le nécessaire lien radiophonique».

    R.F.I. était une entreprise autonome. Dès le 1er janvier 1983, elle était une filiale de la radio nationale française. Mais elle était une création ancienne : elle avait hérité du poste colonial du maréchal Lyautey. Elle se voulait promotrice de la politique étrangère de la France. En effet, elle était destinée à « porter haut et fort la voix de la France dans le monde », et à informer ses expatriés du fonctionnement de la nation. Ses programmes étaient diffusés par la télévision française, à partir d'émetteurs situés en Hexagone. Depuis 1975, R.F.I. disposait d'une antenne appelée « Chaîne Sud » financée par le ministère français des relations extérieures, et tourné vers l'Afrique. Pour atteindre ses cibles africaines, elle utilisait des émetteurs installés en France à Issoudun et à Allouis. R.F.I. n'émettait qu'en Français vers l'Afrique.

    Dans le centre de la France, R.F.I. disposait de 20 émetteurs, dont 8 de 500 kW. 19 émetteurs assuraient 261 heures de diffusion quotidienne, dont 180 heures vers l'Afrique et vers l'Océan Indien. Certaines émissions de coopération étaient intégrées dans les programmes de Radio-Cameroun: « Anthologie du mystère »; « Mémoire d'un continent »; le « Concours théâtral interafricain ». Le but de cette coopération était de contribuer à la collecte des ressources culturelles camerounaises, et à la valorisation de l'usage de la langue et de la culture française au Cameroun121(*). L'influence de R.F.I. était le résultat d'une écoute directe, rendue possible par la puissance de ses ondes. Il était ainsi plus facile pour les auditeurs camerounais de capter directement la R.F.I., et de recevoir un autre type de message. Car la radio nationale diffusait sur un périmètre réduit, et présentait une qualité sonore médiocre. R.F.I. diffusait en effet toutes les nouvelles importantes sur le pays. Ces nouvelles parvenaient à la rédaction de R.F.I., par le biais des agences mondiales d'informations, dont elle recevait les dépêches, ou par l'intermédiaire de quelques correspondants occasionnels, ou des journalistes de la rédaction de la radio nationale122(*). Ces informations glanées dans des conditions aussi incertaines, à partir du Cameroun, étaient diffusées sur l'ensemble du réseau international. R.F.I., qui jouissait d'une autonomie certaine, avait alors la possibilité d'informer l'auditoire camerounais des événements divers, sur lesquels la radio nationale faisait parfois le silence.

    La B.B.C. diffusait des programmes en langue anglo-saxonne. La qualité d'écoute de la B.B.C. lui permettait de ravir la vedette à la radio nationale du Cameroun. L'écoute de la B.B.C. constituait un moyen de différenciation et d'appartenance culturelle chez les citadins camerounais, déterminés à affirmer leur position au sein de l'élite intellectuelle. L'enjeu de cette attitude était de se démarquer des personnes incarnant la médiocrité, dont la radio nationale serait l'un des vecteurs.

    La préférence de certains auditeurs camerounais pour des radios occidentales était liée à leur envie d'évasion permanente, et à l'exotisme qui tendait à tenir pour idéal ce qui était étranger, réprouvant ce qui était local.

    I.3. La bataille médiatique autour du putsch du 06 avril 1984

    Le mardi, 17 avril 1984, La Gazette, journal de presse écrite, hebdomadaire national, paraissant à Douala, annonce, dans un numéro spécial : « Yaoundé a vécu les 6, 7 et 8 avril 1984, le week-end le plus long de son histoire. Heureusement, l'armée, sous le commandement du Général Pierre Semengue, était là pour barrer la voie aux factieux de la Garde Républicaine ». La Garde Républicaine est mise en cause. Elle est accusée de vouloir renverser le gouvernement dit légal du Président Paul Biya. En effet, depuis 1983, le climat politique est teinté de violence verbale entre le nouveau Président de la République, Paul Biya, et son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo. Le journal La Gazette parle des « solides complicités à tous les niveaux »123(*). Les télécommunications (radio, téléphone, fax), l'énergie électrique et les aéroports sont les premières cibles des insurgés. Les 06 et 07 avril 1984, les stations de radio nationales interrompent leurs programmes. Elles diffusent exclusivement de la musique. Les stations étrangères quant à elles y vont chacune de son interprétation.

    I.3.1. Le déploiement des stations de radio nationales

    Entre 7 h et 8 h, il règne un silence total à R.C. La situation reste inchangée jusqu'à 13 h.

    Elle inquiète plus d'un Camerounais. Le P.N. de radio du pays ne diffuse alors que de la musique

    militaire. À Radio-Douala, il est diffusé de la musique camerounaise variée. Radio Bafoussam en

    fait de même. L'émission est animée par un speaker, en langue anglaise. À 15 h, il entend prendre

    en relais le journal parlé du P.N., mais en vain ; la station ayant été prise en otage par les putschistes. La station de Douala ferme à 16 h, avec l'hymne national. La rumeur gagne le pays. Le discours des mutins présenté plus haut est diffusé à la chaîne nationale. Par après, les programmes reprennent à Radio-Douala. Y sont diffusés : des émissions en langues nationales, de la musique africaine variée, un documentaire sur l'histoire africaine. Plusieurs fois, le speaker lit ce communiqué : « Le Préfet du Wouri convoque pour 10 h 30 min précises, à son bureau, les personnalités suivantes : les Sous-préfets de Douala I, II, III, et IV ; Le Délégué du gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Douala ; les Députés ; les présidents des sections de l'U.N.C., de l'O.F.U.N.C., de la J.U.N.C., leurs vice-présidents, leurs secrétaires départementaux et le président de l'U.N.T.C. » À la suite de cette diffusion, le Gouverneur de la province du Littoral fait parvenir un démenti à la radio, démenti réitéré plusieurs fois en français et en anglais. « Le Gouverneur indique aux populations que la situation est calme, leur demande de vaquer à leurs occupations habituelles et de redoubler de vigilance. » Le samedi, 7 avril à 20 h 00, le Président de la République, Paul Biya, confirme, à la radio nationale, que le calme règne sur l'étendue du territoire, en ces termes :

    ...Le Cameroun vient une fois de plus de traverser une période délicate de son histoire. Hier en effet, le 06 avril, vers 3 h du matin, des éléments de la Garde Républicaine ont entrepris la réalisation d'un coup d'État, concrétisé par la coupure des liaisons téléphoniques et l'occupation des points stratégiques ou sensibles de Yaoundé, Palais de l'Unité, Immeuble de la Radio, Aéroport, etc., avec pour finalité la mainmise par la violence sur le pouvoir politique. Des unités régulières de notre armée nationale demeurées fidèles aux institutions et qui avaient reçu des ordres pour enrayer le coup de force, conduisirent le combat avec méthode et détermination et aboutirent en fin de matinée de ce jour (07 avril), à une victoire complète...C'est le lieu pour moi de rendre un vibrant hommage à ces unités de notre armée pour leur engagement et leur attachement à la légalité républicaine. Enfin, je demande à toutes les Camerounaises, à tous les Camerounais, et à tous ceux qui résident dans notre pays, de garder leur calme et de poursuivre leurs activités de développement économique et social de la nation...124(*)

    Le mardi, 10 avril 1984, le Président Biya adresse par la radio d'État un message d'assurance au peuple camerounais, question de l'inviter à la reprise effective des activités, sans crainte d'attaque, ni peur d'être mis en mal :

    ...Samedi dernier, 07 avril, j'annonçais à la Nation qu'un coup d'État militaire, perpétré par des éléments de la Garde Républicaine et tendant à renverser les institutions légales et démocratiques établies, avait été conjuré par les unités des Forces armées nationales demeurées loyales. La situation, caractérisée par le calme sur l'ensemble du territoire national et la reprise des activités, est redevenue normale. L'opinion publique a été informée de la nature, du déroulement et des conséquences de ces événements par la presse nationale. Maintenant que la victoire est définitivement acquise et devenue irréversible, j'entends rendre à nouveau un hommage mérité aux éléments des Forces armées nationales, qui, exécutant avec méthode et détermination les ordres reçus, ont préservé les institutions et la légalité républicaines...Face à la gravité et à l'ampleur de cette tentative, j'ai décidé, avec plus de détermination et de fermeté que jamais, de prendre un certain nombre de mesures tendant à préserver, mieux que par le passé, la sécurité, la paix et l'unité nationales. Ainsi, en dehors des mesures d'ordre militaire, administratifs et politique, et au terme d'une enquête dont les conclusions sont attendues, les responsables du coup d'État seront sans délais traduits devant le Tribunal Militaire, afin d'être jugés et punis conformément à nos lois et à l'extrême gravité de leur forfait...125(*)

    I.3.2. Le déploiement des radios étrangères : l'exemple de quelques radios de référence françaises

    Dans son flash d'informations du 06 avril 1984, la R.F.I., la station de radio française, annonce :

    Il règne au Cameroun la grande incertitude. Des combats très violents auraient eu lieu autour du Palais présidentiel et aux abords de l'aéroport de Yaoundé. Les putschistes, dirigés par un colonel de la Garde Républicaine, ont proclamé la destitution du Président Biya dans un canal différent de celui de la radio nationale. Dans l'après-midi, les forces loyales au Président Biya ont repris la radio. Les combats ont déjà fait de nombreuses victimes civiles et militaires.

    À 20 h 15, la R.F.I. affirme :

    La radio (P.N.) indique que la station nationale de Radio Cameroun à Yaoundé à repris ses émissions à 18 h 40. Elle diffuse exclusivement de la musique variée. Le présentateur reprend les circonstances dans lesquelles se déroule la mutinerie. Une déclaration du Ministre des Forces Armées est attendue. Personne ne l'entendra. Dans son commentaire, Bernard Nageotte assimile les troubles à un « affrontement entre le Sud et le Nord », deux communautés qui se sont toujours méfiées sur l'échiquier camerounais.

    Le samedi, 07 avril 1984, entre 6 h et 6 h 30, la R.F.I affirme être sans nouvelles précises sur le Cameroun, les communications étant coupées. Le présentateur affirme :

    D'une part, hier soir, Radio Cameroun a diffusé des variétés africaines entrecoupées de messages. L'un de ceux-ci, probablement diffusé par les forces loyalistes, fidèles au Président Biya, demandait aux populations de Yaoundé de rester chez elles afin de permettre le nettoyage des poches de résistance des forces rebelles...Ceux-ci ont cru que le soulèvement se produirait comme ils l'ont prévu : facilement. Mais mal leur en a pris. Il semble que les combats se sont déroulés jusque plus tard dans la nuit.

    R.F.I. constate que la situation reste confuse au Cameroun et que les forces loyalistes semblent avoir maté l'insurrection. Tout au long de ses bulletins de 07h à 15 h, la chaîne confirmera toujours que les combats continuent. Le dimanche, 08 avril 1984, R.F.I. annonce : « La tentative de coup d'État a été matée ». Entre-temps, l'ancien Président de la République, Ahmadou Ahidjo, parti en exil en France, avant la tentative de putsch, est interrogé par les journalistes de Radio Monte Carlo. Il répond : « J'ai été insulté et calomnié par les Camerounais ; ils n'ont qu'à se débrouiller tous seuls. Si ce sont mes partisans, ils auront le dessus... » Le dimanche, 08 avril 1984, à 13 h 30, Africa n°1 indique : « Les hommes du Général Semengue ont pris le dessus. » La radio diffuse aussi une grande partie du message du Président Biya. À 13 h 45, R.F.I. confirme qu'au Cameroun, tout est rentré dans l'ordre, que la mutinerie de la Garde Républicaine est bannie.

    II- DIFFICULTÉS ET DÉFIS D'UNE RADIO NATIONALE AU CAMEROUN

    A l'instar des autres institutions étatiques du Cameroun post-colonial, la radiodiffusion se caractérisait par son inefficacité. Cela résultait des rapports entre le Cameroun et les nations étrangères, des insuffisances matérielles et financières, des défaillances humaines.

    II.1. Les difficultés de la radio nationale

    De 1960 à 1990, la radio nationale du Cameroun avait connu des difficultés non négligeables. Celles-ci avaient trait à l'influence des faits politiques et sociaux, au déficit des équipements techniques adéquats, à la qualification approximative de ses ressources humaines.

    II.1.1. L'influence des faits politiques et sociaux

    Les émissions de la radio publique camerounaise étaient le reflet des tendances du gouvernement. Cela entraînait le mécontentement de ses auditeurs, qui s'adonnaient alors à l'écoute des radios étrangères.

    Au lendemain de l'indépendance du pays, les Camerounais, dans leur majorité, étaient des non lettrés126(*). Le gouvernement avait alors considéré la radiodiffusion comme le moyen d'information le plus adéquat. En plus, les revenus des populations ne leurs permettaient pas d'avoir accès à la presse écrite. Le gouvernement camerounais avait placé la radio sous sa protection, car « il n'était point question de préparer l'anarchie dans le pays en laissant le premier citoyen venu aller dire ce qu'il pense au micro ». La radio était ainsi devenue non pas une institution véritablement publique, mais un instrument du pouvoir. Cela s'illustre clairement dans les propos d'un agent du P.N., qui asserte :

    La radio nationale n'était pas une radio de l'État, mais une radio du gouvernement. Car l'État regroupait, entre autres, les opposants politiques, les partisans du socialisme soviétique, stigmatisés par le capitalisme occidental et le régime post-colonial qui lui était favorable. Les dirigeants de la nation livraient alors une lutte acharnée contre la satire, d'autant plus qu'ils étaient en quête des moyens de maintien au pouvoir127(*).

    En s'octroyant ce monopole protecteur sur la radio, le gouvernement la privait de l'autonomie nécessaire pour garantir l'objectivité de ses informations. Les services nationaux de radiodiffusion étaient alors contraints d'être « des porte-paroles du gouvernement dans la lutte contre les oppositions éventuelles ». Ainsi, tout irait sans mal, pensent les dirigeants, si l'on était certain d'avoir des gouvernements éternels. Cependant, les services radiophoniques ne pouvaient subsister par leurs propres ressources financières. Les redevances payées de manière irrégulière ne garantissaient pas l'autonomie financière de la radiodiffusion. Même si la radio nationale obtenait, par la publicité, des fonds nécessaires à son fonctionnement, elle ferait faillite, faute de subventions. Ce qui limitait l'indépendance de la radio vis-à-vis du gouvernement.

    La radio nationale du Cameroun diffusait des communiqués relatifs au fonctionnement de la République. En effet, les communiqués officiels représentaient l'essentiel des contenus rédactionnels diffusés quotidiennement à la radio. Ils provenaient des institutions de l'État. Ils résumaient les activités des instances de décision, qui surévaluaient les succès et minoraient les échecs. Les communiqués en provenance de la Présidence de la République présentaient les actes du Chef de l'État. Rédigés au secrétariat général de la Présidence de la République, ils étaient déposés à l'antenne, pour diffusion, sans réécriture. L'importance de la place réservée aux communiqués officiels à la radio signifiait la négligence des priorités d'alors (l'analphabétisme, le chômage, etc.). La radio nationale devenait ainsi « un deuxième journal officiel ». Les informations relatives aux actes du gouvernement déplaisaient au public, lorsqu'elles faisaient abstraction des faits d'actualité connus. Parfois, la radio publique accumulait des démentis d'informations annoncées par les médias étrangers. Lesdites informations étaient fondées sur le culte de la personnalité. Elles étaient jugées ennuyeuses. Explicatives et lentes, elles prenaient du recul par rapport aux faits d'actualité, parce qu'elles étaient censurées conjointement par les autorités politiques et les journalistes responsables. Elles étaient destinées à la propagande officielle. Au sein de la radio nationale, les leaders politiques du Cameroun étaient célébrés, leurs talents ventés. Ils bénéficiaient des éloges spéciaux et béatifiantes. La radio faisait fi de leurs défaillances, et mettait l'accent sur leurs succès. Il n'existait pas d'opposition politique légitime. Entre 1960 et 1990, la radio faisait la part belle à des élites gouvernementales. Puisque la radio était le moyen de diffusion d'informations le plus accessible, notamment en raison de son faible coût, le message parfois biaisé du gouvernement parvenait au maximum d'auditeurs. Cela était la matérialisation d'une oeuvre de désinformation poussée, dirigée contre les auditeurs. Les paroles qui composaient le générique de son journal en étaient une parfaite illustration :

    Ahidjo, nous, camarades de l'U.N.C., en avant pour ta tache de conciliateur, par la volonté de Dieu et la confiance de la nation, jamais jamais tu ne failliras. Va de l'avant, Ahidjo, nous soutenons ton action de paix et de sécurité128(*).

    Certaines émissions de la radio nationale du Cameroun n'intéressaient pas les auditeurs. Pour ce qui était des émissions agricoles, les commentaires étaient multiples et négatifs. En effet, ces émissions étaient jugées mal élaborées. Elles étaient présentées par des ingénieurs agronomes. Les producteurs étaient coupés de la réalité du terrain, et élaboraient des théories non applicables dans des plantations camerounaises. Ces émissions divulguaient des informations déjà annoncées aux journaux parlés et qui, de ce fait, n'intéressaient plus l'auditoire auquel elles s'adressaient129(*). Le contenu des émissions était inadapté aux besoins de formation technique, aux problèmes de la brousse. Les émissions étaient conçues en fonction des problèmes des villes (les discours des ministres, les réunions). En plus, la forme de ces émissions était peu attrayante. Les émissions étaient produites en français soutenu, inaccessible aux populations des campagnes; les populations rurales camerounaises étant encore analphabètes à cette période, en raison de la lenteur des progrès de l'instruction. Un auditeur l'exprima clairement en ces termes : « Les émissions agricoles intéressent les paysans, mais il n'existe pas de responsables qui les leur expliquent ».

    La radio était un instrument politique. Le rôle de la radio nationale du Cameroun ne se limitait pas à la diffusion d'idées. Il s'étendait aussi à l'éducation politique et civique. La radio devait servir de moyen de lutte pour la réalisation des plans quinquennaux, et pour l'accroissement de la productivité. Mais la radio avait été consacrée à stimuler l'action du parti unique, à vulgariser et à propager les idées fausses, les lois et les instructions gouvernementales parmi le public, et à l'inciter à mettre en pratique des mesures prises par les autorités130(*). Il était assez difficile de faire la part entre l'information diffusée à la radio et la propagande politique. L'impact politique des émissions dépendait de l'idée que se faisaient les auditeurs de la situation socio-économique réelle du pays. Les émissions politiques principales étaient diffusées sous deux titres différents: « U.N.C. Information », qui donnait des nouvelles des sections et des sous-sections de toutes les régions du pays; « Union-Vérité-Démocratie », qui propageait les idées-forces de la politique du parti. L'émission apparaissait comme un doublon du journal parlé. Certains affirmaient que l'émission, loin de vulgariser des idées-forces, ressemblait à un sermon. Au cours d'une édition de « Cameroun-Midi », il avait été annoncé par un présentateur: « le Président de la République vient de signer un décret portant organisation du service civique national de participation au développement ». Très peu de personnes pouvaient comprendre exactement le contenu de cet arrêté. Au Cameroun, les juristes de métier prenaient des lois, des arrêtés, des décrets, des décisions, sans en donner des explications amples. Ce qui entraînait, chez les auditeurs de la radio nationale, une méconnaissance de l'esprit des textes régissant le fonctionnement du pays. Il avait été relevé des détails non négligeables sur certains jeux radiophoniques. En effet, l'usage du téléphone relevait d'un luxe pour les Camerounais, car très peu en disposaient. Certains auditeurs étaient ainsi condamnés à ne pas exercer de communication téléphonique avec les présentateurs de ces émissions. En plus, le standard de Radio-Cameroun ne pouvait recevoir qu'un nombre d'appels limité. Seules des personnes financièrement aisées pouvaient y participer. Bien que l'émission « Le jeu de mille francs » ne nécessitait pas l'usage du téléphone, et que tout auditeur pouvait y envoyer des questions ou des réponses, elle avait un caractère urgent. En effet, elle était diffusée à la deuxième chaîne de radio, qui ne pouvait être captée que par des auditeurs de Yaoundé. De plus, la présentation de cette émission était jugée fantaisiste, ennuyeuse. La lecture des questions était hésitante, parfois hachée et rapide. En outre, le présentateur faisait de la morale aux auditeurs, employant des expressions déplaisantes à leur égard. Le décret 72/425 du 28 août 1972 précise, dans son article 23, alinéa 5 : « Le service d'action civique et éducative est chargé du contrôle, de l'exploitation de la publicité dans l'ensemble du réseau ». Il n'était pas exceptionnel qu'une chanson appréciée des auditeurs soit interrompue par un flash publicitaire. En outre, certaines publicités diffusées à Radio-Cameroun étaient dangereuses. Les publicités des boissons alcooliques étaient nocives à la société: elles encourageaient l'alcoolisme, dont le Ministère de la santé présentait des effets néfastes sur l'organisme humain. Même le cigare faisait l'objet de publicité à Radio-Cameroun.

    Il existait des inégalités sociales, qui se manifestaient, notamment, par l'incapacité de la majorité de Camerounais d'acheter un récepteur radio. L'acquisition d'un appareil de télégraphie sans fil n'était pas à la portée de la bourse du commun des citoyens. Les personnes résidant dans des centres urbains écoutaient la radio, contrairement aux habitants des régions rurales, dont la majorité ne disposait pas d'un poste récepteur131(*). La plupart des auditeurs se trouvant dans des villes, décision avait été prise en leur faveur, au grand dam des auditeurs de la brousse. En plus, il n'existait qu'un seul émetteur pour toutes les régions recevant les programmes de la radio nationale. La tendance à « faire de la radio qui ressemble à de la radio » se manifestait. Les auditeurs n'étaient pas disposés à écouter des conseils d'hygiène. Dès lors, la radio s'éloignait des personnes les plus nécessiteuses.

    Le plus souvent, les semi-analphabètes étaient lésés. Ils regroupaient des personnes qui, après avoir appris à lire et à écrire, avaient interrompu leurs études. Les émissions destinées aux élites intellectuelles dépassaient leur capacité de compréhension. Celles s'adressant aux illettrés leur étaient accessibles. Des auditeurs intellectuellement aguerris doutaient de la formation acquise par les journalistes. D'aucuns les qualifiaient d'analphabètes. Ils déniaient à la radio la capacité de transmission des connaissances. Interrogé par M. Tjadé Eonè, un enseignant déclara, en 1981, concernant les journalistes : « ils ont tendance à confondre culture et football ». Par ailleurs, la radio nationale du Cameroun faisait face à l'influence des rumeurs. L'influence des rumeurs était d'autant plus grande au Cameroun qu'elle s'inscrivait dans un contexte socio-culturel dominé par l'oralité. La rumeur avait un impact public qui défiait celui de la radio nationale. Cette influence de la rumeur pouvait s'expliquer par la relation très étroite qui existait entre la rumeur et l'information officielle, l'une divulguant ce que cachait l'autre. En effet, la radio nationale diffusait des informations essentiellement pro-gouvernementales. Les informations qui tendaient à remettre en question l'efficacité de l'action de l'État étaient censurées par la rédaction de l'institution. Un tel contexte de déficit d'informations donnait libre-cours à la propagation de la rumeur. La densité des messages et leur degré de crédibilité étaient le résultat de la quantité d'informations reçues par la radio, le canal officiel.

    Les recherches menées par les spécialistes des sciences sociales laissent penser que la transmission d'une rumeur reflète les tensions intérieures ressenties par l'individu qui la communique. Celui-ci y projette ses propres élans émotionnels, ses angoisses, ses fantasmes. La rumeur est en effet « une affirmation générale, présentée comme vraie, sans qu'il existe de données concrètes attestant de son exactitude »132(*). Les élans émotionnels finissent par altérer le fait original.

    Après l'indépendance, les problèmes de développement du Cameroun étaient énormes. La radio nationale, l'unique institution de diffusion de l'information électronique, se voulait un moyen de consolidation des acquis du Cameroun, et de concrétisation de ses enjeux politiques, économiques et sociaux. Cela supposait que la radio ne devait pas se réduire à être un simple outil de divertissement des auditeurs. Elle devait contribuer à leur instruction. Cependant, très peu d'auditeurs s'intéressaient à l'activité intellectuelle. Un observateur neutre du fonctionnement des institutions du Cameroun l'énonce clairement en ces termes: « les Camerounais n'écoutaient pas véritablement la radio. Ce qui les intéressait, c'était le sensationnel. L'auditeur le plus banal cherchait, non pas l'information, mais sa qualité sonore»133(*). Les émissions de divertissement étaient contrebalancées par l'influence du roman, accessible exclusivement aux lettrés. En effet, les auditeurs jugeaient plus digestes les actions d'évasion. Or, la radio produisait uniquement des éléments sonores. Voilà pourquoi Thierry Mbarga avait pensé que la radio ne divertissait pas assez. Elle diffusait certes la musique, mais en journée. Dans la soirée, les personnes lettrées se plaisaient à lire des romans134(*).

    La radio nationale était confrontée à l'insuffisance qualitative et quantitative de son personnel. Les insuffisances en matière de qualification étaient liées au manque de cadres spécialisés. Cela avait conduit les autorités à y engager des personnes non formées. Il existait des centres de formation professionnelle dans les anciennes métropoles, et plus tard au sein du pays, mais les candidats n'y étaient pas admis objectivement. Considération était prise du contexte politique des pays dont étaient issus les candidats, des rôles que ceux-ci avaient joué dans des mouvements plus ou moins subversifs. Parfois, les recommandations d'une personnalité permettaient à certains candidats de braver le concours d'entrée au centre de formation professionnelle. Une telle situation ne permettait pas la formation des cadres talentueux et compétents. En outre, certains candidats étaient recrutés comme cadres à la radio nationale, en raison de leurs capacités oratoires. Pourtant, pour exercer un métier aussi délicat que les autres, il est nécessaire d'acquérir un background consistant. Cela rejoint la pensée de Michel Tjade Eonè, qui affirme:

    Certes, la radio est un art, et pour exercer ce métier artistique, il peut suffire d'avoir certains dons qui ne tiennent pas forcément compte du degré de l'instruction amassée dans les écoles au cours des ans. Mais les qualités des professionnels de la radio doivent comporter, outre ces dons, un certain niveau intellectuel qui puisse élever l'animateur de programmes de son stade de meneur de jeu et excellent bavard à celui de véritable spécialiste connaissant non seulement la technique de son métier, mais aussi les réactions, les goûts et surtout les besoins de l'auditoire auquel il s'adresse135(*).

    Au début des années 1970, naquit l'E.S.I.J.Y. Y étaient formés, entres autres, des cadres habilités à exercer au sein de la radio nationale. Les enseignements dispensés au sein de cette école n'étaient pas adaptés aux réalités nationales136(*). Mais les techniciens et les animateurs de programmes, qui étaient des cadres moyens de la radiodiffusion, étaient formés en Europe, rarement en Amérique. De plus en plus, les États-Unis accordaient des bourses de formation radiophonique à des ressortissants du Cameroun. Mais les principaux centres de formation se trouvaient en Angleterre et en France.

    Outre la formation sur place et les stages en Grande-Bretagne, le Cameroun demandait à la B.B.C. le soutien des moniteurs itinérants. Ces moniteurs étaient des experts en matière de radiodiffusion. Ils assuraient l'enseignement des cours de radiodiffusion aux Camerounais. Le personnel de la radio nationale était complété par des agents recrutés sur place, mais non formés au préalable. Les anciens élèves du studio-école de la R.F.O.M., après un temps de service au sein de la radio nationale, suivaient des cours de perfectionnement, devenaient des cadres supérieurs de la radio. Mais les Camerounais recrutés au studio-école, ayant une culture générale limitée par rapport aux Français, étaient voués à n'occuper que des postes secondaires à la radio nationale, station dont la direction était confiée à des anciens élèves instruis. Cela créait des malentendus entre les membres du personnel de la station.

    Les agents chargés de la production des programmes en langues camerounaises n'avaient pour seule compétence que celles qu'ils devaient à leur appartenance naturelle à l'ethnie locutrice de l'idiome choisi. Cette appartenance ethnique constituait le seul critère de leur recrutement. En effet, ils étaient pour la plupart incompétents en matière de production des programmes de qualité dans leurs langues maternelles. D'ailleurs, ils ne les maîtrisaient qu'approximativement. Ainsi, les émissions en langues nationale faisaient parfois de la figuration dans la grille des programmes de la radio publique.

    Le niveau de formation de certains journalistes laissait à désirer. Il n'était pas exceptionnel de rencontrer à la radio nationale des journalistes ayant un niveau d'étude inférieur à celui du Baccalauréat. L'inexistence de recyclages continus les rendait incompétents et improductifs. Les meilleurs journalistes de la radio avaient été sollicités par les services de la télévision dès 1985. Cela a porté un coup fatal à la radio qui accusait ainsi un déficit criant de ressources humaines qualifiées et compétents. Médium d'État, la radio nationale ne pouvait diffuser une information contre-gouvernementale avant l'avènement de la démocratie en 1990. Ses journalistes ne pouvaient alors réaliser un traitement objectif de l'information, conforme à la déontologie universelle. Or, la première qualité d'un journaliste, pense Joseph Pullitzer, c'est son indépendance. Les journalistes camerounais étaient emprisonnés dans une logique qui consistait à relayer les messages du régime au public. De ce fait, il ne pouvait avoir de journalistes suffisamment dévoués dans un contexte marqué par la médiocrité de l'action politique. Le phénomène des détournements des fonds courant dans toutes les administrations était réel au sein de la radio nationale. Ainsi, peu d'annonces et communiqués passées à la radio nationale et payés entre 5 000 et 10 000 FCFA étaient enregistrés dans le carnet des recettes de l'institution. Il arrivait parfois qu'avec la complicité du responsable des droits d'auteur ou de certains responsables du service commercial, il ne soit enregistré que la moitié du nombre total de diffusion d'un élément publicitaire.

    Dans sa thèse de doctorat du 3è cycle, Michel Tjadé Eone asserte : « la collecte de l'information, au sens où nous l'entendons, peut se faire par une agence d'information, et par le reportage qui implique la présence de journalistes à divers lieux des événements ». Selon Éonè, cette collecte peut recourir à d'autres procédés tels que l'écoute d'autres radios, la lecture de journaux qui permettraient aux journalistes de la rédaction de rassembler suffisamment d'éléments que l'on s'emploiera ensuite à mettre en forme rédactionnelle selon les critères de sélection et de traitement de l'information mis en place. La collecte de l'information au Cameroun incombait à la SO.PE.CAM. Aux termes du contrat du 1er juillet 1963, la radiodiffusion du Cameroun dépendait de l'A.N.P., dans l'accès à l'information internationale et nationale. Mais il existait, au Cameroun, plusieurs agences nationales d'information, depuis la loi du 18 juillet 1977, portant dissolution de l'A.CA.P. Dès lors, les activités de l'A.CA.P. avaient été confiées à la SO.PE.CAM., qui était placée sous la tutelle du MIN.I.CULT. La collecte de l'information nationale à l'intérieur du pays s'avérait difficile, à cause du manque de continuité, accentué par la dissolution en 1977 de l'A.CA.P., qui en avait jeté les bases. À cela s'ajoutait le caractère étatique de la radio nationale.

    L'audience de la radio nationale avait commencé à s'affaiblir avec l'avènement de la télévision au Cameroun en 1985. Les personnes disposant d'un poste et qui recevaient le signal de la télévision nationale affichaient alors un désenchantement certain dans l'écoute de la radio. Elles estimaient que la radio nationale diffusait des mêmes informations que la télévision d'État. Les informations télévisées semblaient être crédibles pour elles, car en dehors du son, elles laissaient apparaître des images. Les intellectuels s'intéressaient particulièrement à la presse écrite. Selon eux, l'information la plus plausible était fournie par la presse écrite. Comme l'affirmait une pensée européenne, les paroles s'envolent, les écrits restent. Une information diffusée à la radio pouvait être quelque peu oubliée. Cela dépendait de son importance et de son impact socio-économique. Une information publiée à la presse écrite était indélébile. Cette influence de la presse écrite sur la radio était davantage expliquée par des approximations relatives à la préservation des archives sonores au Cameroun. Les archives ayant trait aux informations dites subversives ne pouvaient échapper aux censures qui entrainaient leur destruction, parce que dites non fondées. Au cours de notre enquête, il nous a été donné de constater que beaucoup d'informations dites subversives ou tendant à remettre en cause le système en place n'étaient pas disponibles à la maison de la radio. En milieu rural, les populations avaient fait montre de beaucoup de confiance en la télévision, parce qu'intéressées par les images. Cette préférence pour la télévision par rapport à la radio est allée crescendo, en fonction des niveaux de baisse des coûts des postes qui variaient selon les années. Car disposer d'un poste téléviseur pour des couches sociales financièrement dépourvues comme les populations rurales relevait d'un luxe à cette période. Ainsi, il n'était pas exceptionnel de voir les personnes parcourir des dizaines de kilomètres pour pouvoir visionner, surtout quand était prévu un match de football impliquant l'équipe nationale du Cameroun. De plus en plus, la radio devenait un moyen de divertissement des populations villageoises. L'influence de la presse écrite n'était pas marquée dans les milieux ruraux, en raison de l'enclavement. En effet, le mauvais état des routes dans le pays, et de l'ensemble des infrastructures de communication, surtout en zone anglophone, constituait un handicap pour l'évolution de la commercialisation des journaux. En l'absence d'un vol quotidien reliant le Sud et le Nord, ces régions ne pouvaient être pourvues en journaux écrits que 24 h après la publication. En saison pluvieuse, Akwaya et Mundemba dans le Sud-Ouest étaient privés de journaux des semaines durant, après distribution à Limbé.

    Selon une enquête menée par Marcomer, R.F.I. était la radio la plus suivie au sein de la ville de Douala. L'audience des radios étrangères au Cameroun était forte, et les scores atteints à Douala et à Yaoundé étaient significatifs. En effet, R.F.I. avait réalisé les meilleurs scores dans ces deux villes, soit 41 %, suivie de la V.O.A. (40%), la B.B.C. (16%), la D.W. (15%)137(*). R.F.I. entretenait avec le Cameroun des relations relevant des accords de coopération culturelle, conclus après l'indépendance. Les informations dites de coopération recouvraient les programmes culturels (des émissions culturelles, des émissions de contact et de variétés culturelles, des archives historiques); des émissions de service ou de monitoring; des duplexes; ainsi qu'une abondante production écrite et sonore. Certaines de ces émissions de coopération étaient intégrées dans des programmes de Radio-Cameroun, à l'exemple d' « Anthologie du mystère » ; « Mémoire d'un continent ». L'objectif de cette coopération radiophonique était de « contribuer à la collecte des ressources culturelles camerounaises et à la valorisation de l'usage du français et de la culture française au Cameroun ».

    R.F.I. avait connu une audience forte au Cameroun, grâce à l'installation au Gabon d'une de ses stations commerciales, sur ondes tropicales, et de quatre émetteurs en ondes courtes, de 500 kW chacun. Cette réalisation de la France au Cameroun donna à R.F.I. l'occasion « d'agresser plus sévèrement la radio nationale à partir du sol camerounais ». Africa N°1 émettait durant 18 heures par jour en français. Elle était aussi écoutée au Cameroun. Ses ondes courtes étaient utilisées par R.F.I. Elle servait ainsi de relais, durant six heures par jour. Cela représentait une présence culturelle étrangère jugée dangereuse pour le Cameroun, car elle était de nature à « éclipser le rayonnement de la radio nationale »138(*).

    Une enquête menée par Michel Tjade Eonè révèle des observations des plus intéressantes sur l'influence des radios étrangères au Cameroun après l'indépendance. La une des éditions de journaux variait d'une station à l'autre. Durant la semaine du 14 au 30 mars 1983, la R.D.C. s'est intéressée à la politique intérieure. Africa N°1 et R.F.I. se sont intéressées à une information à dominante africaine. La V.O.A. a privilégié les problèmes mondiaux les plus préoccupants. À chaque station correspondait une perception assez originale de l'actualité, en harmonie avec sa préoccupation particulière. Les thèmes d'actualité traités à la une par ces trois radios étrangères changeaient d'un jour à l'autre, d'une édition à l'autre. En six jours, la V.O.A. et la R.F.I. ont traité six thèmes différents chacune. Africa N°1 a changé cinq fois de sujets en sept jours. À l'inverse, l'information de la R.D.C. était plus figée et plus monotone. En sept jours, seuls trois sujets ont été traités à la une : le sport, la réunion du Comité central de l'U.N.C., la visite du Chef de l'État à l'Ouest du pays. Ce dernier sujet est revenu à la une pendant six jours successifs. Cela était l'indicateur d'une information essentiellement institutionnelle. Le clivage entre la R.D.C. et les radios étrangères se creusait davantage sur leurs capacités respectives à recourir aux témoignages des correspondants permanents. Le traitement de l'actualité africaine et internationale par les radios étrangères s'est enrichi tout au long de la semaine du 14 au 20 mars 1983. Les correspondants d'Africa N°1 ont effectué 20 témoignages. Ceux de la V.O.A. en ont effectué 20. Les correspondants de la R.F.I. ont réalisé 11 témoignages. Ces trois stations ont réussi à rapporter de vive voix des faits vécus à travers le monde. Ceci par le biais de correspondants permanents. Les auditeurs avaient tendance à minimiser la portée des faits qui se produisaient loin d'eux, parce qu'ils les ressentaient mal, faute de preuves et d'intérêt. L'aptitude à fournir des preuves sur la véracité des informations concernant notamment la politique étrangère faisait défaut à la R.D.C. Durant la semaine considérée par Michel Tjade Éonè, ses informations internationales et africaines n'ont reposé sur aucun témoignage, sur aucune analyse de spécialiste. La R.D.C. présentait un manque criant d'émissions de vulgarisation. Par exemple, les auditeurs avait relevé l'absence d'analyse sur les retombées des dévaluations successives du franc français sur les économies africaines. La dernières de ces dévaluations avait eu lieu à Bruxelles en Belgique le 22 mars 1983. Le traitement, la présentation et la diffusion de cet événement a connu des sorts différents dans les rédactions de la R.D.C., de la R.F.I. et d'Africa N°1. Expédié en 30 secondes en fin de journal à la R.D.C., qui ne lui avait consacré qu'un titre lacunaire, il occupait la une d'Africa N°1 qui lui avait consacré quatre dossiers explicatifs en 23 minutes. R.F.I. avait consacré 12 minutes au même événement et développé deux dossiers. L'importance accordée à cette évaluation par les rédactions de ces deux radios étrangères se mesurait par l'étendue des dossiers et par la pertinence des questions posées qui tourmentaient les auditeurs africains: Que signifie la dévaluation ? En quoi intéresse-t-elle les économies africaines et que peut-elle changer dans la vie de tous les jours ? Pourquoi les dirigeants africains ne sont-ils pas consultés ? Les questions posées, le recours à des témoins et à des spécialistes pour élucider des aspects d'une actualité parfois complexe et dense, attestaient du professionnalisme des unes en même temps qu'ils montraient la carence des autres. Ils constituaient l'illustration des deux manières de réagir aux fait d'actualité: un journalisme de vulgarisation et de témoignages doté de moyens de son ambition; un journalisme institutionnel et de transmission qui, volontairement ou non, s'en tient au discours officiel et à des dépêches d'agences.

    L'audience des radios étrangères était insuffisante, parce qu'elle se limitait aux centres urbains, sans grande incidence sur la périphérie rurale. La conquête de ces marchés ne pouvait connaître du succès qu'au cas où il était élaboré des programmes originaux et des journaux parlés de qualité meilleure, fonction des contraintes politico-institutionnelles.

    Le Cameroun connaissait un foisonnement réel des langues et dialectes. Leur utilisation à la radio posait des problèmes de choix. À défaut d'un cadre de référence juridiquement établi, seule prévalait la volonté des hommes placés à des positions de pouvoir et de conception des politiques nationales de communication. Leurs choix étaient déterminés beaucoup plus par des desseins particuliers que par l'intérêt général. Ainsi, il était difficile de savoir avec précision le nombre exact de langues nationales utilisées par la radio. Les changements et les choix successifs opérés par les divers décideurs complexifiaient davantage la situation. D'une station à l'autre, le nombre de langues nationales pouvait varier. Des substitutions et des permutations pouvaient être opérées sans véritables mobiles objectifs. L'ensemble des stations provinciales s'en tenait à une moyenne de quatre langues chacune. Mais la station de Buea présentait une pléthore d'émissions en langues locales, soit une trentaine pour seulement 9 heures de programmes par semaine. Il en résultait une anarchie, qui entrainait la diffusion des programmes médiocres.

    II.1.2. Les difficultés relatives à la conjoncture économique

    Après l'indépendance et la réunification, le Cameroun devait s'autogérer. Il se devait de financer le fonctionnement de ses institutions. Même les institutions dites autonomes étaient contraintes de recourir au soutien financier de l'État. Ainsi, l'État s'occupait de la rémunération du personnel de la radio publique. Ce qui rendait la radio nationale dépendante du gouvernement. Cela représentait un frein au traitement objectif des informations diffusées.

    La radiodiffusion du Cameroun était régie par le droit public. Elle était de la responsabilité de l'État. L'État avait ainsi le monopole sur elle. L'aspect étatique de la radio apparaissait dans trois domaines : le statut de son personnel, son mode de financement, la tutelle exercée sur elle par les pouvoirs publics. La radio nationale, en tant que médium d'État, fonctionnait sur financements publics. Le prélèvement d'une redevance sur la détention d'un récepteur de radio avait été instauré par l'administration coloniale. Il avait été rendu obligatoire par le décret du Premier ministre camerounais, sous le gouvernement de la Loi-Cadre de Gaston Déferre138(*). Ce décret stipulait dans son article 3 que « toutes ventes de postes récepteurs devaient être signalées aux S.P.T., afin de permettre le recouvrement de la redevance d'usage ». Les renseignements sur les titulaires des postes-récepteurs parvenaient à la S.D.E.T., par le biais des maisons de commerce locales. À partir de cette information, le détenteur était répertorié dans un fichier, et soumis au paiement d'une redevance, dont le taux annuel par récepteur était de 1 500 F.C.F.A. Les redevances prélevées au Cameroun étaient reversées au trésor public, et faisaient partie du budget général de l'État.

    Par ailleurs, Radio-Cameroun diffusait sur toute l'étendue de son réseau des spots de publicité commerciale en langues officielles et en langues nationales. Les recettes de publicité étaient plus consistantes que celles de la redevance, et s'accroissaient au fil des ans. Les activités publicitaires s'exerçant sur l'étendue du territoire national étaient les suivantes: l'affichage, l'étude des marchés, la radio, le cinéma, les articles et les matériels, le tourisme, les agences de voyage, etc. Elles relevaient du monopole de la C.P.E. Cette dernière en percevait les recettes et les mettait à la disposition du trésor public.

    Les recettes de publicité de redevance ne contribuaient pas directement au financement de Radio-Cameroun. L'État constituait l'unique source de financement de celle-ci. Raison pour laquelle ses charges faisaient l'objet d'une inscription budgétaire. Celle-ci faisait partie de l'enveloppe budgétaire globale du ministère qui en assurait la tutelle. La radiodiffusion du Cameroun n'avait pas de personnalité juridique propre. Elle était une direction de l'administration centrale, placée sous la tutelle du MIN.I.CULT.

    L'intégration des personnels de la radio à la fonction publique nationale, et le pouvoir de tutelle exercé sur elle par le gouvernement de la république, étaient des indices observables d'une volonté de contrôle étatique sur l'institution.

    Le 30 décembre 1962, la convention relative au maintien de la propriété de la France sur la radiodiffusion du Cameroun fut abrogée139(*). Elle avait été remplacée par une nouvelle convention de coopération, signée le 5 mai 1963. Aux termes de ladite convention, la radiodiffusion du Cameroun était entièrement prise en charge par le gouvernement du pays, tant en se qui concernait le matériel, que son personnel. Dans son article 2 en effet, la Convention stipulait :

    Les biens meubles et les matériels acquis sur le budget de la République française et le F.I.D.E.S. qui étaient utilisés par l'O.CO.RA. (ex-SO.RA.FOM.) pour les émissions de la radiodiffusion du Cameroun sont dévolus en pleine propriété à la République fédérale du Cameroun140(*).

    Dès lors, le statut du personnel de la radio nationale devait connaitre une mutation certaine. Dans ce sens, le Président de la République, Ahmadou Ahidjo, annonça, le 23 juillet 1963 : « Un statut du personnel de la radiodiffusion doit voir le jour prochainement. Il permettra aux divers agents spécialisés une intégration à la fonction publique camerounaise »141(*). Par après, les journalistes de la radio nationale, de même que les autres personnels des secteurs techniques et administratifs, avaient été admis comme fonctionnaires, émargeant au budget de l'État, dans les diverses catégories : catégories A, B, C, D, agents contractuels ou décisionnaires. Fort de ce principe, les recrutements des personnels à la radio nationale se faisaient parfois par affinité. Des personnes occupant des postes de responsabilité avaient le privilège de recruter leurs proches. Par sentimentalisme, elles sollicitaient des ressortissants de leurs familles, notamment leurs amants ou leurs frères et soeurs. Ceci sans tenir compte de la qualification et de la compétence. Ces employés, compétents ou pas, faisaient carrière dans la fonction publique nationale. Ils intégraient sans mérite le fichier solde de l'État. Certains exerçaient comme journalistes avec le C.E.P.E. ou le B.E.P.C. D'autres y étaient admis comme techniciens, sans diplôme. Ils gravissaient des échelons, et présentaient des défaillances avérées. Lesdites défaillances ne leurs valaient ni sanctions, ni licenciements. Il était exceptionnel de ne pas rencontrer de cadre issu des familles des dirigeants au sein la structure. Lorsqu'un cadre était promu à la radio nationale, il était considéré comme « le sauveur » de sa famille. Il était comme tenu par l'obligation de « donner du travail aux siens ». S'il ne s'y employait pas, il était traité de « méchant » ou de « rébarbatif » par ses proches142(*). Devenus ses collaborateurs, ses proches n'excellaient pas toujours à leurs postes, même lorsqu'ils étaient qualifiés et compétents. Cela était lié au fait qu'ils étaient cajolés par le patron, qui n'était rien d'autre que leur congénère. Ainsi, ils n'étaient pas tenus par l'obligation de résultat, condition de renforcement de l'efficacité de l'entreprise. Dans ce contexte, certains reportages de la radio nationale étaient mal ficelés et relataient des faits mensongers, à cause des mauvaises prestations des auteurs ou des réalisateurs. En dépit de ses insuccès, la radio nationale connaissait très peu de mutations à sa direction143(*).

    L'efficacité de la radio dépendait en partie de la diffusion libre de ses émissions. Car les informations et les idées véhiculées par la radio n'étaient utiles que si elles étaient objectives. Il allait de soit que la déontologie ne pouvait se développer à la radio que si celle-ci était libre. Cinq obstacles majeurs empêchaient la liberté de communication par la radio nationale. Le plus ancien était technologique. Le second était politique. En effet, le déploiement de la radio était freiné par les tribunaux et le pouvoir. L'État censurait et orientait l'information. La troisième menace était économique: l'utilisation de la radio dans le but de faire des profits. La troisième entrave était relative au conservatisme des professionnels. Leurs notions et usages étaient surannés. La dernière menace émanait des traditions, notamment le statut des femmes musulmanes, la loyauté envers la tribu, le respect des anciens. En clair, cette menace émanait du public.

    Le poste national disposait de deux émetteurs Thomson de 100 kW en ondes courtes et interchangeables. L'un desservait le poste national proprement dit, et l'autre, la chaîne internationale. Le poste national disposait également d'un émetteur Thomson en ondes moyennes, couplé aux 100 kW en ondes courtes, d'un émetteur d'1 kW en ondes moyennes. L'émetteur de la chaîne internationale connaissait régulièrement des pannes techniques liées aux déficits de pièces de rechange. Il était courant que ledit émetteur fût dépecé pour assurer le dépannage de l'émetteur de 100 kW de la station provinciale du Nord, ou du poste national lui-même. En 1981, un véhicule était affecté à la S.D.P. et un autre à la S.D.N. Chaque sous-direction devait prendre en charge le transport de son personnel, pour des reportages et des services de nuit. Cela donnait lieu à une répartition d'un véhicule pour 28 cadres de production et assimilés au sein de la S.D.N. Bien que les effectifs du personnel aient augmenté, les véhicules disponibles étaient insuffisants. Il existait un déséquilibre remarquable entre les potentialités techniques disponibles des studios et les moyens logistiques dont disposaient les hommes de la radio nationale. Les cars étaient insuffisamment mis en valeur et allaient exceptionnellement en mission.

    Les coupures d'émissions plus ou moins prolongées, des nouvelles peu travaillées, des programmes sans impact consistant, une animation parfois « brouillonne », déplaisaient aux auditeurs. Dès 1985, la télévision faisait grande concurrence à la radio. La plupart des cadres compétents de la radio avaient été sollicités pour officier à la télévision nationale. Il s'agissait notamment de Charles Ndongo, Barbara Nkono, Adamu Musa, Denise Epote. D'où l'affaiblissement de l'efficacité de la radio.

    Au regard de ses difficultés, la radio publique camerounaise avait des défis importants à relever.

    II.2. Les défis de la radio nationale du Cameroun

    La radio nationale ne répondait pas suffisamment aux attentes des Camerounais. Elle n'offrait pas des programmes d'éveil. Les contenus des programmes étaient dominés par la musique, et ne contribuaient pas ainsi à l'élévation de l'esprit des citoyens; l'un des défis majeurs de l'État camerounais, à cette période, caractérisé par l'analphabétisme des populations, étant de cultiver un esprit responsable, la réflexion sur des problèmes relatifs à l'environnement et aux conditions de vie des populations. D'après les résultats de l'enquête menée en 1972 par Albert Mbida, les auditeurs, pour la plupart, priorisaient les informations.

    II.2.1. La professionnalisation des ressources humaines et la répartition rationnelle des rôles

    La professionnalisation des ressources humaines de la radio nationale était un cheval de bataille des autorités. En effet, la radio constituait un pole important du développement. La professionnalisation des ressources humaines de la radio passait par la formation de base en matière de techniques de transmission de l'information et de recyclage continu, d'autant plus que les sciences de la communication évoluaient sans cesse.

    Au cours des réunions organisées par l'U.N.E.S.C.O. à Moshi au Tanganyika en 1961 sur le développement de la radiodiffusion éducative et scolaire, et à Paris sur le développement de l'information en Afrique, la formation du personnel de radiodiffusion a fait l'objet de nombreuses discussions entre les spécialistes. Pour certains d'entre eux, cette formation devait être dispensée exclusivement en Afrique: il n'était pas question d'entraîner à Paris ou à Londres des Africains qui devaient exercer leur métier dans un milieu et pour un auditoire totalement différent de celui des pays où ils l'ont appris. D'autres experts pensaient qu'il n'était pas encore possible de dispenser une formation d'un niveau suffisamment élevé en Afrique. Ils soutenaient que le fait de sortir de leur pays d'origine constituait déjà, pour les futurs hommes de radio, une expérience qui pouvait s'avérer utile, par la suite, dans leur vie professionnelle. Ils ajoutèrent que la formation dans un centre européen unique pouvait favoriser le contact entre Africains différents144(*). Mais, en Afrique, la radiodiffusion avait besoin d'animateurs nombreux, issus des groupes ethniques divers. La formation des animateurs en Europe avait déjà permis à la radio de faire ses premiers pas en Afrique. La formation des animateurs et des techniciens pouvait se poursuivre en Europe ou en Amérique, en attendant la création des centres régionaux ou nationaux. Dans des centres de formation régionaux, les enseignements devaient tenir compte des réalités africaines. Ainsi, les hommes de radio formés dans des écoles camerounaises pouvaient adapter au pays l'expérience acquise sur place. Certains Camerounais obtenaient des bourses tunisiennes consacrées à la formation des cadres en radio.

    Par ailleurs, la radio nationale utilisait deux langues officielles héritées de la colonisation: le français et l'anglais. Le français ravissait la vedette à l'anglais, car il occupait l'essentiel des programmes. Ce qui constituait un handicap pour la communauté anglophone, le bilinguisme n'y étant encore qu'embryonnaire. Ainsi, le message radiophonique n'atteignait véritablement toutes ses cibles. Ajouté à cela, l'analphabétisme, l'une des principales difficultés sociales du pays. Voilà pourquoi la station centrale de la radio nationale drainait peu d'auditeurs; la majorité d'entre eux s'adonnant à l'écoute des stations provinciales dont certains programmes étaient diffusés en langues nationales. Le Cameroun présentait une multiplicité d'ethnies et de cultures. Au sein des ethnies, il existait des tribus et des clans, mais les parlers étaient différents. C'est l'exemple des Mbouda et des Dschang de l'Ouest-Cameroun, qui ne pouvaient communiquer verbalement, en raison de leurs différences dialectales. C'est également l'exemple des Yambassa du Centre. Certaines populations utilisant ces langues ne comprenaient et ne parlaient des dialectes adoptés comme langues des émissions des stations régionales. Il s'agit notamment des Banen des Baka du Centre. Elles se sentaient ainsi lésées du système de radiodiffusion nationale. Or la radio d'État devait concourir à l'épanouissement de ses hommes. Bien plus, les personnes en charge d'animer les émissions en langues nationales dans des stations régionales n'avaient pas la qualification professionnelle appropriée en la matière. D'où les défaillances observées dans leurs méthodes de travail: l'adoption d'un accent non conforme, la conception d'émissions banales, sinon comment expliquer qu'elles soient supprimées des programmes à une époque donnée? En outre, l'influence des langues officielles héritées de la colonisation contribuait à désintéresser une frange des populations élitistes de leurs langues maternelles. Cela accentuait le système d'acculturation mis en place par l'impérialisme européen et consolidait la domination occidentale au Cameroun. Il était donc plus que jamais nécessaire de créer des centres de formation en journalisme sur les canons du traitement de l'information en langues nationales, dans un contexte caractérisé par l'illettrisme, l'inculture et l'acculturation. Car l'E.S.S.T.I. et les structures de formation privées ne dispensaient jusque-là que des enseignements en français et en anglais.

    La spécialisation de la radio est restée un pari original. Beaucoup d'émissions devaient être orientées vers la thématisation. En effet, le Cameroun faisait face à une crise des mentalités réelle. Le besoin de conscientisation des populations était évident. Ainsi, un accent particulier devait être mis sur des émissions de divertissement où sportives. La radio se devait de multiplier des émissions relatives à l'agriculture, et de les adapter aux préférences des auditeurs. L'idée ne saurait être de remettre en question l'importance des émissions que nous avons présentées plus haut. Nous estimons simplement que la conception et la diffusion d'émissions devaient tenir compte des priorités d'alors qu'étaient, par exemple, la nécessité d'asseoir l'autosuffisance alimentaire, de développer l'économie, de rendre concrète notre indépendance. Ainsi, la régionalisation de la radio devait s'accompagner de sa scientifisation poussée, prenant en compte les réalités locales. Elle allait intéresser les publics dans des domaines particuliers de la vie. Cela supposait qu'une frange d'auditeurs éprouvait le besoin de se cultiver dans des secteurs précis, ou de se familiariser avec des notions spécifiques. Les responsables de la radio devaient renouveler les programmes, se donner des moyens financiers et matériels appropriés, et trouver des équipes professionnelles imaginatives et réactives. Ce déploiement allait permettre au médium de service public de répondre à sa mission de défense et de promotion du patrimoine du pays.

    L'un des défis majeurs de la radiodiffusion au Cameroun de 1961 à 1990 étaient d'asseoir son efficacité. Cela passait par la spécialisation accrue de ses cadres. Par exemple, il devait avoir des spécialistes qualifiés en matière de montage des programmes, de reportage sur le terrain, ceux ayant pour fonction la présentation du journal, et ceux compétents pour traiter spécifiquement des questions relatives au conflit israélo-arabe. Les cadres et les animateurs de la radio nationale devaient être soumis à la formation continue, en vue de s'enquérir des nouveaux canons du métier, et d'adapter le traitement de l'information radiophonique à l'origine socio-culturelle des auditoires. La prise de conscience devait donner aux responsables des services radiophoniques camerounais de réfléchir à des faiblesses de leur corps de métier: les insuffisances matérielles, le déficit de cadres spécialisés, notamment sur les émissions éducatives, le manque de coopération avec des services administratifs spécialisés, susceptibles de garantir l'efficacité à la radio. La prise de conscience pouvait également mettre la radio à l'abri de l'influence du gouvernement, ou des puissances étrangères. La radiodiffusion camerounaise avait grand besoin d'animateurs nombreux, issus des groupes ethniques divers susceptibles de séduire l'auditoire. Ces groupes ethniques devaient connaître l'auditoire dans ses détails. Il était utile de créer des centres de formation d'animateurs et de techniciens au Cameroun. Les personnels formés devaient être perfectionnés.

    La redistribution des rôles dans des diverses techniques de l'information s'avérait nécessaire. Cela devait tenir compte des possibilités spécifiques de chacune de ces techniques, dans un esprit de coopération avec la télévision, et non de compétition. Il était impératif de repenser de nouvelles méthodes de réflexion et leur assigner des missions spécifiques.

    II.2.2. La promotion de l'objectivité et des impacts positifs de l'information

    Toute information a la spécificité d'être objective. Une information destinée à la promotion d'un individu ou d'un groupe de personnes n'en est pas une. Elle doit être vraie et crédible. Elle exclut tout mensonge et toute forme de manipulation et de propagande, au risque de devenir un fait biaisé, falsifié. Le journaliste, chercheur et transmetteur de l'information, est ainsi considéré comme l'un des socles de l'évolution, un promoteur de la modernité, et un catalyseur de la démocratie, ainsi que le démontre Hervé Bourges, enseignant de journalisme: « Un journaliste doit être un agent du développement. Il doit être un vecteur de la démocratisation, un vecteur du progrès ».

    Après l'indépendance nationale, les pouvoirs publics camerounais orientaient l'information à leur guise: la préoccupation majeure de l'État était d'asseoir son autorité, dans un contexte politique marqué par la multiplicité d'ethnies, et l'existence de deux communautés culturelles historiques, à savoir la communauté francophone et la communauté anglophone. Pourtant, aux termes des résolutions des Nations Unies et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, l'information était un droit fondamental du citoyen. Elle était une garantie de la liberté. Selon l'économiste français Alfred Sauvy, l'avènement d'une démocratie triomphante pouvait être rendu possible si les citoyens disposaient d'une information complète et objective. À son avis, être libre, c'était être informé. Jacques Robert en donna une précision plus intelligible, quand il conclut : « Le droit à l'information est la consécration d'un devoir de liberté »145(*). La radio publique camerounaise avait donc pour obligation absolue de travailler en tant qu'institution de promotion du droit à une information vraie et crédible.

    L'objectivité contribuait à « déconcerter le public égaré dans une information luxuriante ». En effet, l'information était communiquée après jugement des faits, avec neutralité dans le style, qui contrastait avec des chroniques et des commentaires d'actualité. Car, comme l'affirme Charles Ateba Eyené, Communicateur, « un homme des médias est neutre ». La vérité d'une information dépend de l'idée même qu'on se fait de celle-ci. L'informateur considère que l'important est la vérité de l'information qu'il diffuse. Il emploie parfois des procédés bien connus: il isole, grossit, personnalise et dramatise, avec le risque de plonger dans le saugrenu, le sensationnel. Ce que confirme Hilaire Kamga, enseignant de droit, lorsqu'il déclare: « La plupart des hommes de médias au Cameroun, du fait de la précarité, sont, depuis des lustres, entre les mains des hommes politiques ».

    Par ailleurs, les discours occupaient des espaces importants au sein de la radio nationale. Ce qui déplaisait aux auditeurs, dont l'un avait déclaré: « Une allocution diffusée trois fois et intégralement nous lasse ». Et le même auditeur de poursuivre : « Il faudrait résumer les discours, et ne diffuser que des extraits importants »146(*). Pour les auditeurs, il importait de rappeler certains événements, en les rendant plus vrais. Il était aussi nécessaire de changer le style de présentation, la monotonie étant « le pire ennemi de l'expression radiophonique ». En outre, une propagande trop appuyée de communiqués et de discours risquait « de se tuer elle-même ».

    Le droit du public à l'information n'était guère totalement acquis, même dans les pays démocratiquement avancés. Au Cameroun, ce droit était une « nouvelle conquête », car la lutte pour le développement ne devait exclure personne. Cette « nouvelle conquête » devait s'appuyer sur la participation libre et positive des citoyens à la construction du pays, dans tous les domaines de la vie nationale. Cela supposait la démocratisation de l'information, une mise à disposition complète de celle-ci au peuple. Dans ce cas, le traitement de l'information devait suivre un processus par lequel l'individu deviendrait un partenaire actif, et non un simple objet de la communication147(*). D'après l'enquête menée par Tjadé Eonè en 1981, les auditeurs de la radio nationale revendiquaient une participation accrue au fonctionnement de la société, aussi bien au niveau de la réflexion que de l'action. Ils refusaient le rôle passif de « communicateurs silencieux », des orientations prises pour eux et sans eux. La radio, pour eux, devait servir de courroie de transmission « de haut en bas, et de bas en haut ». Ils étaient favorables à l'ouverture de l'antenne aux publics divers, demandaient à être associés aux programmes qui leur étaient destinés. Une information diffusée dans ce contexte était compatible avec les fondements de la société camerounaise, où les règles de la communication orale étaient par définition basées sur le dialogue selon l'esprit de la palabre africaine qui exclut toute transmission à sens unique.

    Le renforcement de l'objectivité de l'information nécessitait la prise en compte de l'opinion des auditeurs, car c'est à eux qu'était destiné le message radiophonique. Il importait donc, compte tenu de leurs comportements, d'interroger leurs réactions et leurs attentes, leur conception du rôle social de la radio.

    Le consensus tenait à la recherche constante de la paix sociale. Ici, l'individu occupait une place importante. Chaque membre du groupe était consulté sur les questions débattues148(*). Pour les auditeurs, une réelle communication correspondait au niveau d'évolution atteint par le Cameroun. Cette mutation était susceptible de traduire dans les faits « l'intention démocratique » qui s'est manifestée au sein du pays149(*). L'adoption des principes favorables à la vertu et à la libre expression des opinions était propre à améliorer la représentation sociale150(*), l'une des missions dévolues à la radio.

    Il importait pour la radio nationale du Cameroun d'intégrer l'approche genre dans la conception de ces politiques. Le personnel devait comprendre aussi bien les personnes de sexe masculin que celles de sexe féminin. Certes, dans les bureaux administratifs, les femmes tenaient les postes de secrétaires. Mais leur travail à la radio se limitait à ce niveau. Elles n'avaient pas accès aux studios. Il serait pourtant vain de penser que la radio n'avait pas besoin d'elles. Les femmes étaient sans doute plus habiles à parler d'une manière convaincante aux autres femmes que les hommes. Ayant les mêmes problèmes, les mêmes préoccupations que leurs auditrices, elles étaient susceptibles de leur donner des réponses qu'elles attendaient. Il est vrai que dans beaucoup de domaines, l'évolution de la femme camerounaise n'a pas suivi celle de son mari. En ce qui concerne la formation professionnelle dans le domaine de la radio, l'écart entre les personnes des deux sexes était remarquable.

    La rumeur était susceptible de prendre une envergure plus importante que la communication médiatisée. Ainsi, des indiscrétions échappaient et véhiculaient des courants de pensées, d'attitudes, l'étonnement, l'admiration ou la joie, la panique ou la haine. Les sources de la rumeur relevaient des situations inhabituelles et des insolites. Son mode de transmission était oral et impliquait une proximité physique de l'émetteur par rapport au récepteur, avec des relais multiples, « sous forme de guides d'opinions ». Le mode de transmission de la rumeur, très aléatoire, finissait par en altérer le fond. Mais la rumeur ne traduisait pas moins l'existence réelle d'une situation, en vertu même de l'adage africain, selon lequel « il n'y a pas de fumée sans feu ».

    Au-delà des désinformations multiples, la rumeur ou « radio-trottoir » puisait à la bonne source. Selon Albert Mbida, au lendemain de l'indépendance du Cameroun, un nombre important d'auditeurs consentait à des dépenses d'argent, pour satisfaire leurs besoins d'information. Le désir d'informations traduisait l'envie de connaître des faits nouveaux, même si cette connaissance n'avait pas d'incidence directe sur la vie individuelle et collective. Les auditeurs de la radio voulaient en fait une information complète. Le besoin d'explications s'avérait donc crucial. Aussi certains citoyens suggéraient-ils que des spécialistes fussent invités à Radio-Cameroun pour expliquer dans les détails des événements de portée nationale et internationale.

    L'efficacité des ressources humaines de la radio nationale du Cameroun était fonction de la formation reçue et de leur spécialisation. Cela devait passer par l'amélioration de la qualité des équipements techniques disponibles. Entre 1960 et 1990, la radio nationale du Cameroun avait connu des difficultés relatives aux équipements techniques faibles et de mauvaise qualité. Mais les gouvernements qui se sont succédés au sein du pays ont mis un point d'honneur à l'amélioration des équipements techniques de ladite radio. Ils ont eu à contracter des dettes colossales, afin d'équiper la radio nationale et les radios provinciales. Ces améliorations de l'équipement technique se faisaient en même temps que s'opéraient des transformations administratives ou statutaires. Si autrefois la solution de l'émetteur d' 1 kW en ondes moyennes, pour la capitale et ses environs, et de l'émetteur de 4 kW en ondes courtes, pour l'ensemble du pays, avait triomphé, après l'indépendance, le pays voulait avoir « une radio susceptible de lui parler vraiment, de parler au reste du monde »151(*). Tout cela explique l'achat et l'installation de matériels puissants.

    Il avait été constaté, chez les auditeurs camerounais, une préférence nette pour l'écoute des radios étrangères. Cela était lié à la qualité des programmes diffusés par ces radios, et à l'exotisme exacerbé de ces auditeurs, tenant pour idéal ce qui était étranger. Ces radios disposaient des services internationaux diffusant des programmes conçus à l'intention des publics étrangers. Leurs activités avaient un double objectif: faire entendre, à l'intérieur des pays étrangers, la voix des puissances dont elles véhiculaient l'idéologie et la culture; maintenir le lien radiophonique nécessaire.

    Nous avons souligné plus haut que la coopération de la France avec le Cameroun, dans le domaine de la radiodiffusion, utilisait exclusivement le français comme langue de communication. Il était nécessaire de créer des conditions d'une coopération véritable, en marge de toute domination d'un partenaire sur l'autre. Cette coopération devait être fondée sur des principes d'égalité et de réciprocité. Car les dons d'émissions créaient, chez les producteurs de R.C., un sentiment d'assistés, qui limitait leur capacité d'enquête. Elle les rendait incapables et inconscients de ce que F. Ballet considère comme « la plus dangereuse des colonisations, celle des esprits »152(*). Au vu des difficultés qu'elle rencontrait, dans sa coopération avec l'Occident, R.C. avait l'obligation de solliciter l'aide des pays du Sud, notamment ceux de l'U.R.T.N.A.

    En tant que moyen de communication des masses, la radio nationale est apparue comme le médium le plus démocratique. Elle s'est avérée une voie de construction de la culture démocratique. En effet, la radio nationale devait accompagner l'État dans le fonctionnement libre de ses trois pouvoirs (le Législatif, l'Exécutif et le Judiciaire). Elle devait ainsi jouer un rôle d'intermédiaire entre le peuple et l'État, en créant un esprit d'ensemble, dans la mesure où il y existait un partage d'informations. La démocratie étant aussi le fait d'écouter, d'échanger des idées avec les autres, la radio d'État devait ouvrir un champ de dialogue à distance. Par la radio publique, l'État et le gouvernement se devaient de donner au peuple des explications sur leurs feuilles de route. Ainsi, les sessions de l'Assemblée nationale étaient diffusées en directe de la radio nationale. Leurs succès et leurs échecs devaient être connus au grand jour par le canal de ladite radio. Instrument de la citoyenneté, la radio nationale devait devenir un moyen d'expression libre de l'opinion publique, permettre l'émergence des débats porteurs, garantir une meilleure transparence du pouvoir et démystifier l'État. Ainsi, elle devait diffuser sans manipulation les résultats des élections présidentielles, et contribuer par son large champ d'écoute à la consolidation de la démocratie. Elle devait être un instrument privilégié de la formation d'une conscience nationale et un important outil d'endoctrinement. Caractérisé par l'absence dans certaines zones des voies de communication, l'existence d'ethnies multiples ayant des difficultés de communication entre elles, la présence des populations étrangères les unes aux autres, le Cameroun devait saisir l'opportunité qu'offrait sa radio pour assurer la transmission d'idées gouvernementales sur toute l'étendue du territoire, en se dotant d'émetteurs plus puissants et en en accentuant la régionalisation. Aussi, la radio devait-elle se montrer efficace en donnant une information utile, vraie, vérifiée et vérifiable, conformément à ce que pensait Wihiard Johnson, lorsqu'il disait:

    Au moment où les pays du Tiers-Monde revendiquent à corps et à cri l'établissement d'un nouvel ordre mondial de l'information, il est tout aussi impératif de s'entourer de dispositifs internes permettant la circulation de l'information, parce qu'il est déplorable de constater que même dans la poignée de régimes politiques qui dans le discours se portent garants de la liberté de presse, des barrières permanentes s'élèvent érigées par des acteurs de la vie politique, simplement parce que ces derniers sont incapables de maîtriser l'information. Une politique d'information oubliant de prendre en compte les aspirations du peuple ne peut prétendre oeuvrer au service de ce peuple153(*).

    Par ailleurs, la radio était l'institution d'accès à l'information la moins coûteuse. De ce fait, la radio nationale devait introduire dans sa grille des programmes des émissions en toutes les langues régionales, de manière à informer toutes les couches de la société du fonctionnement de l'État, mais en les mettant en marge de tout appel au trouble et au désordre. Par la promotion de la démocratie, la radio nationale serait à même de protéger les personnes, les biens et l'État.

    De surcroît, la radio permettait l'accès à des informations relatives à l'actualité de l'époque post-coloniale. Elle était le moyen de communication le plus accessible à toutes les couches sociales, parce qu'émettant sur un rayon large. En plus, avoir un poste de radiodiffusion était peu coûteux, par rapport aux autres supports médiatiques. Il existait des postes portables, miniaturisés et facilement transportables. Ainsi, les élections municipales et législatives pouvaient être suivies de bout en bout par tous les citoyens qui s'y intéressaient, en dépit de leurs occupations. Moyen de communication le plus adapté à tous les milieux (zones enclavées, zones urbaines, zones rurales), la radio véhiculait l'information avec promptitude. Mais la nature des informations véhiculées était susceptible d'influer négativement sur les mentalités des auditeurs. Des informations masquées ou biaisées donnaient à l'auditeur une fausse idée de l'action des pouvoir publics. Elles semaient le doute sur la fiabilité des institutions publiques. Des émissions liées à la politique suscitaient des révoltes et des comportements immoraux au sein de la société. Diffusant quelques fois des informations incertaines, la radio était devenue une source de désinformation. Les informations diffusées conduisaient parfois aux troubles mentaux et traumatisaient des personnes sensibles. Tel était le cas des informations de la page nécrologique et les résultats aux examens et concours lus à la radio. La radio diffusait aussi des informations qui incitaient des personnes à la haine envers les autres et accentuaient le tribalisme. C'était l'exemple des informations concernant des projets de construction des infrastructures qui suscitaient des révoltes des ressortissants de certaines régions (Nord-Cameron; Est- Cameroun) se considérant comme lésés par le gouvernement, par rapport à d'autres considérés comme privilégiés (Centre; Littoral). Quelques fois, la radio hantait et manipulait les consciences. Elle était utilisée pour discréditer des personnes jugées subversives. Le manque de professionnalisme de certains cadres rendait inefficace l'action de la radio. Remédier à ces problèmes ferait de la radiodiffusion un facteur déterminant du progrès de la nation.

    L'une des missions fondamentales de la radio était le changement positif des mentalités des peuples. L'éducation n'était pas réservée à la seule école. Elle pouvait aussi être promue par la radio. L'école était considérée comme le foyer éducatif et des transformations sociales, de la croissance économique. Elle était aussi considérée comme un cadre de valorisation humaine, une étape du processus permanent de formation. La radio devait servir de canal à cette entreprise d'information, d'éducation et de formation. À ce propos, André Célarie écrit ce qui suit :

    Il est certain que la radiodiffusion doit prendre une part importante à cette tâche dans les pays à traditions orales où elle établit le contact permanent entre tous les individus, où elle apporte le témoignage du progrès du groupe évolué et favorise son rayonnement154(*).

    La radiodiffusion était l'animatrice de la culture. Elle devait conduire au modernisme. Elle devait apprendre à la population le bien-fondé de son être et l'encourager à sauvegarder son patrimoine culturel. Mais l'éducation par la radio était un facteur de complémentarité. La radiodiffusion pouvait triompher dans cette mission importante assignée aux mass-médias, car elle était pratique. Elle triomphait du facteur de distance. L'école radiophonique était l'élément moteur de la culture populaire. Les auditeurs ayant reçu une éducation certaine par la radio pouvaient devenir des interprètes dans les villages. Pour chaque type de sujet, il existait des auditeurs qui se chargeaient de recueillir des informations et de les diffuser ensuite dans des cercles qu'ils fréquentaient. Ils devenaient alors des chefs de file de l'opinion à l'intérieur des groupes. Ils étaient écoutés religieusement et étaient de l'avis général des sources dignes de confiance155(*). La priorité devait être donnée à deux secteurs : la formation élémentaire et l'éducation sociale. Ces programmes sociaux étaient destinés à familiariser l'Homme avec la technique. Le contenu de ces programmes devait tenir compte des aspirations des personnes et des priorités, ainsi que le disait Paolo Freire : « Pour qu'il y ait communication efficace, il faut que l'éducateur et l'Homme politique soient capables de comprendre les conditions structurelles dans lesquelles la pensée et le langage du peuple prennent une forme dialectique ».

    Le processus de décentralisation de la radiodiffusion avait commencé au Cameroun avec sa régionalisation, quelques années avant l'indépendance. La régionalisation avait pour but d'étendre la diffusion d'émissions à travers le territoire national. Car l'émetteur de la radio gouvernementale ne pouvait permettre une diffusion large au Cameroun. D'où la multiplication des radios régionales à travers le pays. Mais il convient de relever que la décentralisation de la radio, par le truchement de la régionalisation, ne suffisait pas à parachever sa portée au Cameroun. En effet, au sein de chaque région, il existait des différences, du point de vue des préférences des auditeurs, de leurs occupations quotidiennes. Ainsi, l'Est et le Sud du pays ne bénéficiaient pas des services radiophoniques concourant à y promouvoir l'agriculture156(*). Le Centre et le Littoral du Cameroun, spécialisés notamment dans l'administration et le commerce, ne bénéficiaient pas de la diffusion d'émissions susceptibles de promouvoir le développement de ces activités. Il aurait donc été nécessaire d'intégrer, dans les programmes des radios régionales, des émissions conformes aux réalités de chaque localité, et, pour ce faire, de créer des radios municipales.

    L'État disposant des moyens pour la radio devait donner à celle-ci un essor certain. Voulant se présenter aux autres États, le Cameroun devait se faire connaître. De ce fait, il devait trouver un auditoire consistant à l'extérieur. Ainsi, il devait équiper sa radio en matériel de diffusion puissant, pour mieux faire entendre sa voix au niveau international. Il importait aussi d'améliorer la qualité des émissions. Mais tous les pays voulant diffuser leurs émissions le plus loin possible se servaient du spectre des autres fréquences. Ce qui risquait de détériorer le réseau radiophonique, avec des effets parasitaires nuisibles venant de l'extérieur. Or les auditeurs moyens ne voulaient pas simplement accepter une émission difficile à écouter, quel que fut l'intérêt de son contenu. Et les services radiophoniques faisant usage des bandes à haute fréquences souffraient d'interférences dues aux émissions internationales à longue distance. Il était donc utile d'utiliser des ondes tropicales pour la diffusion d'émissions métropolitaines. Il était en outre nécessaire d'installer la modulation des fréquences dans des régions relativement peuplées.

    La radio nationale s'est voulue une entreprise parapublique. Et comme tel, ses financements étaient fournis aussi bien par l'État que par elle-même. En tant qu'entreprise, la radio nationale constituait un gisement important d'emplois. Y officiaient: les journalistes, les techniciens spécialisés, les animateurs, les photographes, les filmographes, les agents d'entretien, les administrateurs, les consultants, les juristes, les secrétaires, les conducteurs de véhicules, les informaticiens. Des équipes similaires étaient affectées au niveau des stations régionales ou provinciales. Vu le caractère sélectif des recrutements, il était impossible que toutes les personnes formées y soient admises. La crise économique des années 1980 aidant, la structure et l'État n'affectaient plus de financements conséquents susceptibles de supporter la masse salariale qui allait crescendo. Les personnels officiant au sein de la structure n'avaient de cesse de se plaindre de la modicité des salaires. Il était à déplorer les cumuls des fonctions des cadres. Par exemple, il n'était pas exclu que le Directeur général exerce en même tant comme Président du conseil d'administration. Cela était lié au fait que les dirigeants entendaient limiter les charges de l'entreprise, car un cadre cumulant deux ou trois fonctions était rémunéré à un taux « supportable ». Ainsi, la nécessité de créer des emplois productifs en termes de richesses et de rendements était réelle. La régionalisation accentuée de la radio, sa municipalisation et sa départementalisation génèreraient davantage d'emplois et contribueraient de façon significative à la résorption du chômage. Le renforcement de son efficacité par sa nationalisation poussée au moyen de l'utilisation accentuée des langues locales augmenterait le nombre de recrues au sein de la structure. Par ricochet, cela nécessiterait la formation d'enseignants spécialisés et leurs recrutements dans des structures d'encadrement. Des emplois serraient accordés aux personnes en charge de la conception des documents appropriés.

    Le système de cumul des fonctions à des postes clés s'avérait impropre au renforcement de l'efficacité de la radio nationale. De ce fait, au lieu que le Directeur général de la C.R.T.V. exerce en même temps comme Président du conseil d'administration de l'institution, il aurait été nécessaire que le poste revienne à une personne libre. Elle donnerait certainement le meilleur d'elle-même. La modernisation des équipements améliorerait la qualité du son et du traitement de l'information. La mise à disposition des appareils sophistiqués rendrait possible la diffusion en directe d'émissions dans des zones d'ombres. Des séminaires de recyclages réguliers boosteraient la qualité des prestations et arrimeraient la radio nationale aux normes de diffusion internationales. Des méthodes de contrôle rigoureux inciteraient le personnel à l'ardeur au travail et à rechercher l`excellence dans leur déploiement. La confection des programmes devraient tenir compte du fait que la radio d'État est un medium national, et non une propriété des gouvernants. Si la nation regroupe toutes les personnes ayant la même histoire, les mêmes langues et partageant le sentiment de vivre ensemble, les émissions diffusées sur les antennes de la radio d'État ne devraient mettre exclusivement l'accent sur les actes des dirigeants, à l'instar des discours officiels ou des commentaires autour de ces discours; elles devraient porter sur le Cameroun dans son ensemble, et contribuer ainsi à son progrès, à son rayonnement international.

    CONCLUSION GÉNÉRALE

    La radiodiffusion avait été introduite au Cameroun par la colonisation française et britannique. Elle était alors destinée à satisfaire les intérêts de la colonisation franco-anglaise. Dans le Cameroun sous tutelle française, la radiodiffusion était une ramification de la radio-télévision métropolitaine. Dans le Cameroun sous tutelle anglaise, la radiodiffusion était rattachée aux services du Nigéria. D'une manière indirecte, la radiodiffusion a été un facteur déterminant de décolonisation du Cameroun, par sa mission d'éducation, de divertissement et d'instruction des masses. En mettant à la disposition des Camerounais des connaissances nécessaires à leur édification, la radiodiffusion a suscité une prise de conscience des effets néfastes de la colonisation. L'écoute des radios étrangères, véhiculant des messages anticoloniaux (Radio-Pékin et Radio-Moscou), à vocation socialiste, avait concouru à raffermir le combat contre le colonialisme.

    L'indépendance du Cameroun sous tutelle française, en 1960, et celle du Cameroun sous tutelle anglaise, en 1961, avait conduit le pays à la nationalisation poussée de la radiodiffusion. Dès lors, la gestion des services de la radio nationale incombait à un personnel camerounais. Cela était une nécessité, dans la mesure où le Cameroun, en tant qu'État, se devait d'affirmer sa souveraineté, et de se libérer de la domination occidentale. La radio nationale du Cameroun éprouvait des déficits de cadres formés. Les cadres disponibles étaient inadaptés aux réalités locales, car formés dans des écoles occidentales. La radiodiffusion du Cameroun manquait de financements conséquents. De ce fait, les services de la radio se contentaient des équipements incorrects, datant de l'époque coloniale, et parfois en état de détérioration avancée. La radio nationale était sous le contrôle du gouvernement. Ainsi, elle était vouée à conforter la politique de celui-ci.

    La radiodiffusion, vue la faible puissance de ses émetteurs, ne pouvait assurer la diffusion d'émissions sur toute l'étendue du territoire national. Le gouvernement camerounais s'était ainsi investi dans la création des stations de radio provinciales, en vue d'atteindre au maximum sa cible (les populations camerounaises). Pour ce faire, les dirigeants de l'institution avaient taché d'intégrer dans la grille des programmes, des émissions en langues locales, celles en rapport avec les préoccupations des auditeurs (les pratiques agricoles locales, les coutumes, etc.).

    Par la suite, il né au Cameroun une certaine élite intellectuelle, qui tenait pour vraies et crédibles, des informations diffusées de l'étranger. Ce fut ce qu'il était convenu d'appeler « exotisme radiophonique ». Ladite élite s'adonnait à l'écoute des radios étrangères, dont les plus courues étaient la R.F.I., la B.B.C., la V.O.A. Ce qui portait un coup fatal à la radio nationale, qui ne bénéficiait plus alors de l'écoute massive des intellectuels ayant entre autres missions d'éclairer l'opinion nationale sur des questions engageant l'avenir du pays.

    Les programmes de la radiodiffusion nationale étaient calqués sur le model occidental. Ses journalistes et ses animateurs étaient formés en Europe ou en Amérique. La pratique des connaissances acquises en Occident par des cadres de la radio ne tenait pas compte des préoccupations de l'auditoire national. Cela signifiait que la radio nationale, par le truchement de ses acteurs, reproduisait les modèles occidentaux ou pro-occidentaux. Elle contribuait ainsi à conforter l'influence des puissances occidentales au Cameroun, en dépit de l'indépendance. À cela s'ajoute les accointances entre la radio nationale et les pouvoirs publics. En effet, d'après le président Ahmadou Ahidjo, le Cameroun, en raison de sa posture de jeune État, se devait d'asseoir son système politique et socio-culturel, en tenant compte du contexte local. La radiodiffusion nationale était un moyen d'accomplissement de ces idéaux, ce d'autant plus que l'analphabétisme y était réel. La radio avait alors cette mission, à la fois lourde et noble, d'assumer un important rôle d'éducation et d'instruction, car médium de masse, et le plus accessible, quand nous analysons en profondeur l'épineuse question du faible pouvoir d'achat des Camerounais à cette période157(*). En tant que médium d'État, la radio nationale devait promouvoir la politique des pouvoirs publics de l'époque. Que l'action de ceux-ci eut été efficace ou inefficace, la radio nationale avait le devoir de défendre les intérêts de l'État camerounais. Ainsi, les défaillances des plus inadmissibles en république étaient systématiquement voilées, au profit de leurs auteurs, et au grand dam de la masse d'auditeurs camerounais, à qui ladite radio était pourtant destinée. La radio nationale était également marquée par la mauvaise gestion de ses ressources financières et humaines, conjuguée à leur déficit et aux recrutements des personnels pas toujours efficaces et compétents. D'où les défaillances observées au sein de la radio nationale, du point de vue de la qualité des émissions diffusées. Les cadres de la radio nationale faisaient montre d'inertie. La diffusion d'émissions était laxiste. Voilà pourquoi les programmes de la radio nationale déplaisaient aux auditeurs. Les problèmes de la radio nationale du Cameroun l'avaient empêchée d'accomplir ses missions. Formés à l'école coloniale, les gouvernants de la république avaient entretenu au sein de la radio nationale des attitudes destinées à les promouvoir. Après l'indépendance, le Cameroun avait signé avec la France des accords de coopération radiophoniques. À travers ces accords, la France entendait aider le Cameroun à consolider sa politique radiophonique, en mettant à sa disposition une aide technique et matérielle variable. Mais la France avait pour objectif, dans ce mécanisme d'aide, de perpétuer son rayonnement culturel et scientifique, par la promotion de sa langue et de ses idées.

    L'avènement de la télévision nationale, en 1985, avait concouru à la diminution de l'audience de la radio nationale, mais pas de manière significative. La crise économique ayant affecté le Cameroun dans les années 1980, il n'était pas évident, pour des personnes à revenus insuffisants (les plus nombreuses), de se procurer d'un poste-récepteur. Ainsi, il était courant de rencontrer, au sein des communautés, des personnes s'adonnant à « l'écoute collective », faute de disposer d'un poste-récepteur à usage individuel.

    En 1989, l'Empire soviétique chute. La France entend seconder les États-Unis dans l'oeuvre d'expansion de l'idéologie libérale et de démocratie en Afrique. Le Cameroun, comme les autres États d'Afrique francophone, n'échappe pas à cette poussée démocratique occidentale. C'est ainsi que la liberté de communication sociale y devient une réalité institutionnelle. La libéralisation du secteur de l'audiovisuel, qui intervint en 1990, annonçait une ère nouvelle pour la radio nationale. Aux informations pro-gouvernementales allaient, 10 années après, s'opposer des informations contre-gouvernementales, levant ainsi la loi contre la subversion. De ce fait, la radio nationale se devait d'intéresser le maximum de personnes à ses émissions, au niveau national et international.

    SOURCES

    I-OUVRAGES

    I.1. OUVRAGES GÉNÉRAUX

    Ateba Eyene, C., Le Général Pierre Semengue, Toute une vie dans les Armées, Yaoundé, CLE, 2002.

    Abwa, D., Commissaires et Hauts-Commissaires français au Cameroun (1916-1960), Yaoundé, Presses de l'Université Catholique d'Afrique centrale, 1998.

    Ajayi, J.F.A., et Crowder, M., Atlas historique de l'Afrique, Paris, Les Éditions du Jaguar, 1988.

    Amadou, K., Les soleils des indépendances, Paris, Seuil, 1970.

    Bernstein, S., La décolonisation et ses problèmes, Paris, A. Collin, 1969.

    Collins, R.O., African History, Texts and Readings, New York, Random House, 1971.

    Caplow, T., L'Enquête Sociologique, Paris, Armand Collin, 1970.

    Chevry Gabriel R., Pratique des Enquêtes Statistiques, Paris, PUF, 1962.

    Coquery-Vidrovitch, C. et Moniot, H., L'Afrique noire de 1800 à nos jours, Paris, P.U.F., Nouvelle Clio, 1992.

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    Curtin, Ph. et al., African History, London, Longman, 1978.

    Delaveau, B. et al., Décolonisation et problèmes de l'Afrique indépendante, Paris, EDICEF, 1983.

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    Imbert, J., Le Cameroun, Paris, Presses Universitaires de France, 1982.

    Kaké, I.B. et Mbokolo, E., Histoire Générale de l'Afrique, Paris, A.B.C., 1977.

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    Oliver, R., The African Experience, London, Pimlico, 1991.

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    UNESCO, Histoire générale de l'Afrique, Paris, Unesco, 1980.

    I.2. OUVRAGES SPÉCIALISÉS

    Balle, F. et Padioleau, J.G., Sociologie de l'Information : textes fondamentaux, Paris, Collection Sciences Humaines et Sociales, Larousse Université, 1973.

    Bandolo, H., La Radiodiffusion du Cameroun : problèmes d'efficacité fonctionnelle, Paris, Institut Français de Presse ,1977.

    Bebey, F., La radiodiffusion en Afrique noire, Paris, éd. St Paul, 1963.

    Cazeneuve, J., Sociologie de la Radio-Télévision, Paris, Que-sais-je ? 5è éd. PUF, 1980.

    Celarié, A., Les Moyens d'Information au Cameroun : Recherche préalable à l'établissement d'une campagne éducative par la radiodiffusion, T1, Paris, Office de Coopération Radiophonique, 1965.

    Defleur, M., Theories of Mass Communication, New York, INC, David McKay Co 1966.

    Ellul, J., Propagandes, Paris, Ed. Armand Collin, 1980.

    Huth, A., La radiodiffusion, puissance mondiale, Paris, Gallimard, 1937.

    Katz, E. W., Broadcasting in the Third World: Promise and performance, USA, Harvard University Press, 1977.

    Meril, J. C., The imperative of Freedom: A Philosophy of Journalistic Autonomy, New York, Hasting House, 1974.

    Miquel, P., Histoire de la radio et de la télévision, Paris, Edition Richelieu, 1973.

    Moosman, A., Histoire des émissions Internationales de Radio-France (1931-1975), Paris, Radio-France Internationale, 1981.

    Ngah Ndongo V., Les médias au Cameroun, Paris, L'HARMATTAN, 1993.

    Oto, J. D., L'Information d'État du Cameroun, Mémoire, Paris, IFP, 1965.

    Robert Guy, La production radiophonique, Paris, Les Dossiers Multiples, 1980.

    Schranm, W., L'Information et le développement national : Le rôle de l'Information dans les pays en voie de développement, Paris, Ed., Nouveaux Horizons, 1973.

    Stoetzel, J., Les fonctions de la presse à côté de l'information ; Sociologie de l'information, Paris, Larousse, 1973.

    TJadé Eonè, Michel, Radios, Publics et Pouvoir au Cameroun, Utilisations officielles et besoins sociaux, Paris, L'Harmattan, 1986.

    Tudesq, A. J., Les médias en Afrique, Paris, Ellipse, 1999.

    Voyenne, B., La presse dans la société contemporaine, Paris, A. Colin, 1962.

    Yebeka, Yves Roger, La radiodiffusion au Congo : Radio-AEF, L'expérience d'une fédération radiophonique (1956-1960), Paris, IFP, 1979.

    II-MÉMOIRES ET THÈSES

    II.1. MÉMOIRES

    Effa Essomba, « Les Premiers pas de la Télévision Camerounaise, Mémoire de Diplôme de Journaliste », ESSTI, Yaoundé, 1987.

    Etoundi Bibegele, Michel, « Information et Éducation en Milieu Rural : Exemple du Centre-Sud », Mémoire de Licence en Sciences et Techniques de l'Information, Yaoundé, ESSTI, 1973.

    Ikelle, Rose, « Les Émissions Éducatives de Radio-Cameroun : Quels Problèmes et quel Impact? Le cas du Poste National », Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Université de Yaoundé, Septembre 1985.

    Kanna, E., « Audience de la Télévision et Changements Socio-Culturels en milieu rural : Le cas de Messondo », Mémoire de Diplôme de Journalisme, ESSTI, Yaoundé, 1989.

    Kulakon, A., « Development Communication and the Agency for International Development (1962-1982) », Thèse de Doctorat, Université de Washington D. C., 1983.

    Massaga, Paul, Bernard, « Radio-Cameroun : Un fonctionnement difficile : L'Exemple du Poste National », Mémoire de Journalisme, ESIJY, Yaoundé, 1980.

    Mbendé, J., « La Publicité et le Financement de la Radio-Télévision au Cameroun », Mémoire de Diplôme de Journaliste Spécialiste, ESSTI, décembre 1989.

    Mbida, Albert, « Radio-Cameroun et son auditoire : La rupture », Mémoire du Diplôme Supérieur de Journalisme, ESIJY, octobre 1973.

    Ngo Mbila, Marie-Esther, « La Radiodiffusion au Cameroun entre 1941 et 1962 : Approche Historique », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, 1986.

    Nka, J. M., « La Longue Gestation de la Télévision Camerounaise, Mémoire de journalisme », ESSTI, Yaoundé, 1986.

    Nkwo Tokolo, Zachary, « Broadcasting in English Speaking Cameroon, A General Survey », Mémoire de Diplôme Supérieur de Journalisme, ESIJY, Yaoundé, Octobre 1975.

    Tjade Eonè, Michel, « La Grille des Programmes Offerts », Mémoire de DEA en Sciences de l'Information, Paris, Institut Français de Presse, 1981.

    Tjadé Eonè, Michel, « Le Radio-Journal du Cameroun : La Page Nationale malade du Vide de son Contenu », Mémoire IFP, Paris, Institut Français de Presse, 1982.

    II.2. THÈSES

    Biyitti bi Essam, Jean Pierre, « Une Radio Régionale Africaine et son Public : Analyse d'un Divorce », Thèse du Doctorat de 3è Cycle en Sciences de l'Information et de la Communication, Université de Paris 7, juin 1984.

    Chindji, P. P., « L'Utilisation des Productions Audiovisuelles Étrangères par des Organismes de Télévision d'Afrique Française », Thèse de Doctorat en Sciences de l'Information, Régime de 1984, Université de Paris II, 1986.

    Djuidjeu, M., « Mass-média et Développement : Les élèves de Yaoundé face à la Vidéocassette », Thèse de Doctorat de 3ème cycle en Sociologie, Université de Yaoundé, 1987.

    Ndembiyembé, P. C., « Le Régime Juridique des Médias au Cameroun (presse écrite et radio de 1960 à 1982) », Thèse de Doctorat de 3ème cycle en Sciences de l'Information, Université de Paris II, 1984.

    Shafik Said, « L'Encadrement Juridique de l'Information dans le Contexte Africain », Thèse de Doctorat en Droit, Université de Paris II, 1983.

    III-ARTICLES DE REVUES ET DE JOURNAUX

    Éducation 2000, « Audiovisuel, Communication », Pédagogie, Ma Radio, n°75006, Paris 3, Rue de l'Abbaye, 1979, pp.9-11.

    Fondation Friedrich Herbert Stiffung, African Media Barometer-Cameroon, Édition 2008, p.12.

    Guide du Producteur TV, « TV Mode d'Emploi 90 », Édition Dixit, Paris, avril 1990, p.4.

    Titi Nwel, P., « Mutations sociales et vie communautaire », in Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Vol.1, n°1, Université de Yaoundé, janvier 1985, p.22.

    Bekombo, M., « Messages radiophoniques et auditoires africains », Radio-Télé-Tribune (OCORA), n°2, novembre 1965, p.11.

    Bemba, Sylvain, Radio-AEF, « 2000 heures sous les ondes, un bilan prometteur », France Outre-Mer, n°344, juillet 1958, pp.5-9.

    Chindji-Kouleu, Ferdinand, « Radiodiffusion du Cameroun et culture nationale », Fréquence-Sud, n°3, ESSTI, 1982, p.20.

    Ngangué, André, « L'éducation populaire par la radio en Afrique et Madagascar », Radio-Télé-Tribune, n°7, avril 1966, pp.3-6.

    Schaeffer, Pierre, « Le projet d'une radio Outre-Mer », France Outre-Mer, mai 1953, p.27-28.

    La Gazette, n°500, 17 avril 1984, p.2.

    IV-RAPPORTS

    Bureau d'Etudes de la Direction de la radiodiffusion, Rapport d'enquête sur l'audience de la radio à Yaoundé, 1983, p.15.

    Direction générale de la CRTV, Rapport sur la nouvelle grille des programmes, avril 1989, pp.5-7.

    Eva-Maria, Hans K., Eschborn, Rapport d'évaluation de l'état d'avancement du projet et des besoins en personnels de la future télévision en République Unie du Cameroun, 1983, pp.12-19.

    Mendo Ze, Gervais, Rapport sur l'état des dettes de la CRTV, 31 mars 1989, p.8.

    Tchiénéhom, J.V., Rapport à Monsieur le Ministre de l'Information et de la Culture, 1979-1980, pp.23-29.

    V-SOURCES ORALES

    Noms et Prénoms

    Âges

    Statuts sociaux

    Dates et

    lieux d'entretiens

    1

    Binéli François

    61 ans

    Consultant en Économie

    13 janvier 2010 à Yaoundé

    2

    Bodo Justin

    70 ans

    Producteur de cacao

    02 novembre 2009 à Okola

    3

    Boyomo Charles

    63 ans

    Communicateur

    10 août 2010 à Yaoundé

    4

    Ebodé Innocent

    40 ans

    Journaliste

    7 février 2010 à Yaoundé

    5

    Enama Louis-Marie

    66 ans

    Vérificateur

    02 Février 2010 à Yaoundé

    6

    Eroumé Joseph

    61 ans

    Enseignant d'ENIEG

    5 mai 2010 à Yaoundé

    7

    Essomba Symphorien

    62 ans

    Patriarche

    26 aout 2010 à du fo

    6 janvier 2010 à Yaoundé

    8

    Ewodo André

    66 ans

    Technicien de radio

    25 décembre 2010 à Yaoundé

    9

    Ibrahim

    29 ans

    Journaliste

    24 mai 2007 à Yaoundé

    10

    Mbah Onana Labatut

    60 ans

    Enseignant de Langue française (E.N.S.)

    17 avril 4011 à Yaoundé

    12

    Mbarga Thierry

    33 ans

    Enseignant de Géographie

    27 août 2010 à Yaoundé

    13

    Njawé Pius

    53 ans

    Journaliste

    12 février 2010 à Yaoundé

    17

    Noah Anicet Daniel

    58 ans

    Enseignant de radio (E.S.S.T.I.C.)

    31 août 2010 à Yaoundé

    19

    Onana Belibi Franck Longin

    La trentaine révolue

    Animateur social

    06 janvier 2010 à Yaoundé

    20

    Ondoa Ondoa Augustin

    71 ans

    Enseignant retraité

    26 janvier 2010 à Yaoundé

    21

    Onguéné Cyriaque

    44 ans

    Pasteur pentecôtiste

    25 mai 2010 à Yaoundé

    22

    Tah Raphael

    62 ans

    Homme politique

    15 janvier 2010 à Yaoundé

    23

    Tsala Tsala Célestin Christian

    39 ans

    Enseignant d'Histoire (Université de Yaoundé I)

    16 juin 2009 à Yaoundé

    24

    Zogo Guy

    43 ans

    Enseignant d'Histoire

    25 juillet 2009 à Yaoundé

    VI-SOURCES WEB

    Abé Claude, « Espace public et recomposition de la pratique politique au Cameroun », article disponible à l'adresse

    http://www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol13n1-2/abc.rtf, consulté le 29 octobre 2010.

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    Le Quid, Atlas économique mondial 2007, Nouvel Observateur, « Cameroun », disponible à l'adresse http://www.Studentsoftheworld.info/ infopays /comm_fr.php ? CODEPAYS=CAM, consulté le 04 janvier 2009.

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    Wikimedia Cosmos, « Le Cameroun », article disponible sur le site http://fr.wikipedia.orgCamerounmw-head, consulté le 06 novembre 2010.

    Ambassade de France au Cameroun, « Paysage médiatique camerounais », document disponible sur le site http://www.ambafrancecm.org/france_Cameroun/spip.php?ubrique 3, consulté le 28 avril 2010.

    Groupe Cameroon Online, « Communication : une réflexion sur la gestion des fréquences de radiodiffusion », article disponible sur le site http://www.twmicronics.com/index2.php?cible=70, consulté le 16 mai 2009.

    Agence Internationale de la Francophonie, « République du Cameroun », document disponible sur le site http://www.tlfq.ulaval-ca/axl/francophonieacc-htm, consulté le 12 décembre 2008.

    Azedcom Medias, « Le Cameroun, la fin d'une génération », document disponible sur le site http://www.icicemeac.com/index.php ? Option=com_contenté&view=front page&Itemid=24, consulté le 24 octobre 2010.

    ANNEXES

    ANNEXE I : LES ORIGINES DE LA RADIODIFFUSION

    Les origines de la radiodiffusion semblent contemporaines à celles des télécommunications par ondes. Le terme radio était connu auparavant sous le nom la T.S.F. En 1987, l'Allemand Heinrich Hertz découvrit les ondes. À celles-ci, il léga son nom (ondes hertziennes). Ses travaux permirent à l'Italien Gugliemo Marconi d'inventer la radio. En exploitant les théories émises jusque -là, Marconi réalisa en 1895 les premières transmissions sans fil à distance, par signaux hertziens. Grâce à l'invention du radio-conducteur, par le Français Edouard Branly, les transmissions sur de longues distances furent rendues possibles.

    Dès l'année 1920, la radio prit un essor remarquable aux États-Unis, et devint un moyen effectif de diffusion collective. En effet, le 02 novembre 1920, la station de la Pittsburgh, appartenant à la Westinghouse Electric and Manufacturing Company, assura un reportage sur l'élection présidentielle américaine du candidat républicain Warren G. Harding. Ainsi, la radiodiffusion apparut comme un moyen d'information politique. En juillet 1921, la diffusion, par la station de R.C.A., à Honeken , du combat de boxe, opposant Dempsey à Carpentier, marqua l'intervention de la radio dans la retransmission des activités sportives158(*). Deux ans après les États-Unis, l'Europe exploita la radiodiffusion pour le grand public. En 1922, le speaker français Marcel Laporte présenta les premières informations transmises par la radio, à partir de la Tour Eiffel. La B.B.C., quant à elle, inaugura, la même année, son propre journal parlé.

    ANNEXE II : PRINCIPALES LANGUES NATIONALES UTILISÉES SUR LES ANTENNES DE RADIO-CAMEROUN POUR LA PUBLICITÉ

    STATION DE DOUALA

    Douala

    Ewondo

    Basaa

    Bamiléké

    STATION DE YAOUNDÉ

    Ewondo

    Basa'a

    Bafia

    Bamiléké

    STATION DE BAFOUSSAM

    Bafoussam

    Dschang

    Bafang

    Bamoun

    Mboh

    STATION DE BERTOUA

    Maka

    STATION DE GAROUA

    Haoussa

    Arabe Choa

    Toupouri

    Fulfulde

    STATION DE BAMENDA

    Mungaka

    Ngemba

    STATION DE BUEA

    Bakoueri

    Banwa

    Bakossi

    ANNEXE III : RÉSEAU NATIONAL DE RADIODIFFUSION

    PUISSANCES O.C. ET FRÉQUENCES DES ÉMETTEURS

    CHAÎNES

    PUISSANCES O.C. ET FRÉQUENCES DES ÉMETTEURS

    FRÉQUENCES

    JOURS

    NUITS

    8h 30 - 17 h 30

    17 h 30 - 8 h 30

    POSTE NATIONAL

    100

    6060 (49 m)

    4850 (60 m)

    CHAÎNE INTERNATIONALE

    100

    9745 (31 m)

    9745 (31 m)

    RADIO CENTRE-SUD

    30

    7290 (41 m)

    4972,5 (60 m)

     
     
     
     

    RADIO-GAROUA

    100

    7240 (41 m)

    5010 (60 m)

    RADIO-BERTOUA

    20

    7165 (41 m)

    4750 (60 m)

    RADIO-BUEA

    2 x 4

    6005 (49 m)

    3970 (75 m)

    RADIO- BAFOUSSAM

    20

    5940 (49 m)

    3395 (90 m)

    RADIO-DOUALA

    100

    7150 (41 m)

    4795 (60 m)

    RADIO-BAMENDA

    0

    -

    -

    Source 159(*)

    ANNEXE IV : PROGRAMMES PERMANENTS DES ÉMISSIONS DIFFUSÉES EN FRANÇAIS PAR RADIO-BRAZZAVILLE EN 1954

    LUNDI

    La vie à Paris

    7 h

    La parade des sports

    12 h 30 13 h 19 h 30

    Les à-côtés de l'actualité

    2 h 15

    Politique interne ou étrangère

    19 h 30

    Le ¼ h des Nations-Unies

    11 h 30 0 h 45

    L'Université des ondes

    18 h 35 0 h 15

    MARDI

    La mode et les boutiques

    2 h 15 7 h

    Chronique de France

    12 h 30 18 h 22 h 15

    Politique intérieure et étrangère

    19 h 30

    Union Française

    12 h

     

    Les Français à l'Étranger

    7 h 20 17 h 15

    MERCREDI

    Paris cinéma

    2 h 15 7 h

    Un fait dans la semaine

    12 h 30 18 h 22 h 15

    Chronique de France

    2 h 15

    Politique intérieure ou étrangère

    19 h 30

    Union Française

    1 h 30

    Les Français à l'Étranger

    1 h 15

    Aux 4 vents

    12 h 23 h

    L'Université des ondes

    18 h 30 0 h 15

    JEUDI

    Chronique des livres

    2 h 15 7 h

    La vie en France

    12 h 30 18 h 22 h 15

    Un fait dans la semaine

    2 h 15

    Politique intérieure

    ou étrangère

    19 h 30

    VENDREDI

    Actualité scientifique et médicale

    2 h 15 7 h

    la vie à l'Étranger

    12 h 30 22 h 15

    Politique intérieure et étrangère

    19 h 30

    La mer et l'Outre-Mer

    21 h 15

    L'Université des ondes

    18 h 35 0 h 15

    Parole de France

    11 h 30 17 h 15 23 h

    SAMEDI

    Vedette et chansons

    2 h 15 7 h

    Week-end sportif

    12 h 30 18 h

    Actualité parlementaire

    21 h 30 22 h 15

    Politique intérieure et étrangère

    19 h 30

    La vie à l'étranger

    2 h 15

    Mer et Outre-Mer

    1 h 30

    DIMANCHE

    La vie intellectuelle

    21 h 15 7 h

    Les à-côtés de l'actualité

    12 h 15 18 h 22 h 15

    Revue de presse économique

    19 h 30

    ANNEXE V : PROGRAMME PERMANENT DES PRINCIPALES ÉMISSIONS DE RADIO-A.E.F. MIS AU POINT LORSQUE LA SO.RA.FOM. PRIT EN CHARGE SON FONCTIONNEMENT EN 1957

    18 h

    Début des émissions

    18 h - 18 h 30

    concert des disques demandés

    18 h 30

    Je sais tout

    18 h 50

    la vie de l'A.E.F.

    19 h

    Africain, quel est ton métier

    19 h 15

    Chroniques sportives

    19 h 20

    Émissions religieuses

    19 h 30

    Journal parlé en français

    19 h 45

    Nouvelles africaines

    20 h

    Actualité magazine

    20 h 15

    La frontière éthérée

    21 h 30

    Fin des émissions

    Pour des préoccupations éventuelles, bien vouloir contacter l'auteur du document au numéro de téléphone suivant :(+237) 99 00 78 97

    * 1 Puissances administrantes chargées d'assurer la gestion des territoires sous mandat de la S.D.N. née en 1919.

    * 2 Une possession de L'O.N. U. dont la gestion était confiée à une ou plusieurs puissances.

    * 1 Ensemble des ressources financières mobilisées à l'initiative de l'Assemblée Nationale Française dès 1946 pour assurer le développement économique et social des colonies.

    * 3 J.P. Biyitti bi Essam, « Une Radio Régionale Africaine et son Public, Analyse d'un Divorce », Thèse de Doctorat de 3è cycle en Sciences de l'Information et de la Communication, Université de Paris 7, 7 juin 1984, p.30.

    Le terme « régionalisation » pourrait avoir pour synonyme « provincialisation ».

    * 4 Charles de Gaulle, « Discours et messages (1940-1946) », Paris, Levrault, 1946, p.p.9-11

    * 5 Ahidjo Ahmadou, Anthologie des discours, 1957-1979, Dakar, Nouvelles éditions africaines, 1980, p.185.

    * 6 La notion de paix est en effet complexe. La paix renvoie ipso facto à l'absence de guerre. Mais il existe des guerres idéologiques qui relèvent des guerres non violentes et des conflits armés relatifs aux guerres violentes. Si le Cameroun s'est impliqué de manière directe dans la guerre froide, et a connu plusieurs fois des mouvements de revendication, notamment les « villes mortes » de 1991, et que les témoins de première génération de cette période affirment un certain dégoût contre le système en place à cause de sa rigidité exceptionnelle, il est possible d'affirmer sans risque de se tromper que le pays n'a pas été totalement un pays de paix entre 1961 et 1990, même s' il est évident que la durée et l'ampleur des affrontements qui y ont eu cours n'ont été qu'éphémères.

    * 7 La radio nationale étant un médium d'État, elle est destinée à promouvoir la politique du Gouvernement. Les radios privée quant à elles donnent un son de cloche autre que la radio du pouvoir et permettent ainsi d'asseoir l'objectivité de l'information.

    * 8 C'est en effet à cette date qu'ont été adoptés l'hymne national, la devise et le drapeau. C'est aussi à cette date que le Cameroun a eu son premier premier ministre, André Marie Mbida.

    * 9 La bonne gouvernance est entendue comme la gestion en toute transparence et dans l'efficacité des affaires publiques, dans le respect des normes démocratiques. Le principe est né de la crise économique mondiale des années 1980, et avait été imposé par les institutions financières internationales (F.M.I., B.M.) comme condition de l'aide au développement des pays pauvres.

    * 10 V. Ngah Ndongo, Les médias au Cameroun, Paris, L'HARMATTAN, 1993, pp. 10-25.

    * 11 F. Bebey, La radiodiffusion en Afrique noire, Paris, Issy-les-Moulineaux (Seine), Avenue de Verdun, 1963, pp.69-163.

    * 12 M. Tjade Eonè, Radios, Publics et pouvoir au Cameroun, utilisations officielles et besoins sociaux, Paris, L'HARMATTAN, 1986, pp. 111-247.

    * 13 A. Mbida, « Radio-Cameroun et son auditoire : la rupture », Enquête réalisée en vue de l'obtention du D.S.J., Yaoundé, E.S.I.J.Y., octobre 1973, pp. 23-60.

    * 14 A. J. Tudesq, Les médias en Afrique, Paris, Ellipses, 1999, pp. 5-6.

    * 15 J.P. Biyiti bi Essam, « Une radio régionale africaine et son public », Thèse de doctorat de 3è cycle en Sciences de l'information et de la communication, Université de Paris 7, Juin 1984, pp.6-18.

    * 16 Z. Nkwo Tokolo, «Broadcasting in English-Speaking Cameroon, a general survey», Mémoire de Licence en Journalisme, Yaoundé, ESIJY, 1975, pp. 21-48.

    * 17 R. Ikelle, « Les émissions éducatives de Radio-Cameroun : quels problèmes et quel impact ? Le cas du Poste national », Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Yaoundé, Université de Yaoundé, Septembre 1985, pp. 4-5.

    * 18 M. E. Ngo Mbila, « La radiodiffusion au Cameroun entre 1941 et 1990 : approche historique », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Yaoundé, Université de Yaoundé, 1986, pp. 11-46.

    * 19 Léonard Israël Sah, 58 ans, enseignant d'Histoire, Université de Yaoundé I, Yaoundé, 19 avril 2009.

    * 20 ANY, 1.AC.623, Radio-Stations, équipement de la station radio de Maroua, Garoua, Ngaoundéré, Batouri et Yaoundé, 1947, pp.13-15.

    * 21 Décret du 14 septembre 1954 du Président du Conseil des Ministres français, Archives Nationales de la République du Cameroun.

    * 22 Ibid.

    * 23 Michel Tjadé Eonè, « L'Audience de la radio au Cameroun, Les publics de Douala : attitude, comportements et opinions », Thèse de Doctorat de 3è cycle en Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication, vol.1, juin 1984, p. 481.

    * 24 M. Delettre, Ancien Directeur de Radio-Douala, in J.P. Biyiti Bi Essam, « Une Radio Régionale Africaine et son Public, Analyse d'un Divorce », Thèse de Doctorat de 3è cycle en Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication, Université de Paris 7, 1984, p. 8.

    * 25 ANY, 3.AC1465, relations entre la radiodiffusion française avec les territoires d'Outre-Mer, 1948-1953, pp.4-7.

    * 26Accord de Tutelle, in Daniel Abwa, Commissaires et Hauts-Commissaires français au Cameroun (1916-1960), Yaoundé, Presses de l'Université Catholique d'Afrique Centrale, 1998, p.15-16.

    * 27 Les Camerounais, à l'instar des populations africaines en général, s'étaient longtemps accoutumés à la transmission d'informations et d'idées par l'oralité, et la radiodiffusion semblait être le moyen de communication le plus adapté à ce contexte à l'époque coloniale.

    * 28 Soucadeaux, Gouverneur du Cameroun, Déclaration devant l'A.R.CAM., in A. Kwa Mbanga, La Radiodiffusion dans le Processus de Développement, Bry-sur-Marne, I.N.A., Polycopié, 1980, p.40.

    * 29 A N Y., 1.AC. 7548, Radiodiffusion de Commandement, Extension, 1955, p.3-6.

    * 30 Nom donné à l'organisation politique et sociale des peuples du Nord-Cameroun, organisation axée sur un pouvoir et une autorité absolus du Chef sur ses sujets.

    * 31 Programme des radios régionales au Cameroun.

    * 32 Le premier gouvernement camerounais avait été formé avant la fin du système de tutelle, suite à la mise en oeuvre de la Loi-Cadre de Gaston Défferre en 1957, donnant au pays une autonomie interne et la possibilité de créer ses institutions politiques.

    * 33 Deni, B., P., et Lecomte, Sociologie du Politique, Tome II, Grenoble, P.U.G. 1999, p. 106.

    * 34 Francis A., Fogue Kuate, « La situation de la Radiodiffusion de service public dans la partie septentrionale du Cameroun avant l'inauguration de l'émetteur de la B.B.C. à Garoua », in Le Messager, n° 2633, 16 juin 2008, p. 9.

    * 35 D. Abwa, Commissaires et Hauts-commissaires Français au Cameroun, Yaoundé, Presses de l'Université Catholique d'Afrique Centrale, 1998, p. 51.

    * 36 Ondoa Ondoa Augustin, 71 ans, Enseignant retraité, Yaoundé, 26 janvier 2010.

    * 37 Ayant acquis des notions de liberté dans les écoles européennes, les intellectuels camerounais aspiraient à libérer le pays de la domination coloniale.

    * 38 Entretien avec Augustin Ondoa Ondoa, 71 ans, Enseignant retraité, Yaoundé, 26 janvier 2010.

    * 39 Eroumé Joseph, 61 ans, Professeur d'ENIEG du Cameroun, Yaoundé, 05 janvier 2010.

    * 40 Ondoa Ondoa Augustin,...05 janvier 2010.

    * 41 Document de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (A.C.C.T.), Vers une radio rurale locale africaine , Paris, n° 2818, 1993, p.16.

    * 42 Le sous-développement est entendu comme le déséquilibre entre la croissance trop faible des ressources et la croissance trop rapide de la population. Un pays est dit sous-développé lorsqu'il ne parvient à subvenir aux besoins fondamentaux de ses hommes. Il se caractérise alors par la misère et la pauvreté généralisées.

    * 43 Mankiewicz, La Radio-Télévision au Service de l'éducation des adultes : les Leçons de l'expérience mondiale, Paris, UNESCO, 1972, p.33.

    * 44 La population du Cameroun, au lendemain de son indépendance, était majoritairement analphabète. Il existait des régions mieux lotis en équipement éducatifs que d'autres. Ce qui entrainait une alphabétisation poussée de certaines d'entre elles (la région du Centre par exemple) au détriment des autres (la région du Nord par exemple). Cela entrainait des risques qu'il n'y ait à des postes de responsabilité que des ressortissants des régions les plus avancées en matière d'alphabétisation. D'où l'adoption par le Président Ahidjo du système d' « équilibre régional » qui tendait à assurer une meilleure représentativité de toutes les régions, et à taire les idées de révolte, ce d'autant plus que la politique du Gouvernement consistait à cette période en la recherche de l'unité du pays .

    * 45 Ahmadou Ahidjo, Anthologie des discours politiques, T. 2, Paris, Les nouvelles éditions Africaines, 1980, p. 918.

    * 46 M. Tjadé Eonè, Radio, publics et pouvoir au, p.132.

    * 47 Journal de portée nationale, dont la dénomination avait cédé place à la « Cameroon-Tribune ».

    * 48 Augustin Ondoa Ondoa, 71 ans, Enseignant retraité, Yaoundé, 26 janvier 2010.

    * 49 M. Tjadé Eonè, Radio, publics et pouvoir au, p. 133.

    * 50 Discours prononcé par Ahmadou Ahidjo, lors de l'inauguration des nouvelles installations de Radio-Cameroun à Yaoundé, le 3 janvier 1980.

    * 51 Assemblée Générale des Nations-Unies,  Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, in A. Mbida, Radio-Cameroun et son auditoire : la rupture, Mémoire de D.S.J., Yaoundé, Université de Yaoundé, Octobre 1973, p. 28.

    * 52 IKELLE Rose, « Les émissions éducatives de Radio-Cameroun : quels problèmes et quel impact? Le cas du poste national », Mémoire de Maîtrise en Sociologie, septembre 1995, p.4.

    * 53 I. Waniewics, La Radio-Télévision au service de l'éducation des Adultes : les leçons de l'expérience mondiale, Paris, UNESCO, 1972, p. 11.

    * 54 M. Tjadé Eonè, Radio, publics et, p. 50.

    * 55 A.Mbida, « Radio-Cameroun et son Auditoire : la rupture », Mémoire de Licence en Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication, E.S.I.J.Y., Yaoundé, octobre 1973, p.4.

    * 56 P. Biya, discours de politique générale, congrès de l'UNC, Bamenda, 1985.

    * 57 Entretien avec Daniel Anicet Noah, 58ans, Enseignant de journalisme à l'E.S.S.T.I.C., et consultant international, Yaoundé, 15 octobre 2010.

    * 58 Entretien avec Raphael Tah, 62 ans, Cadre au Comité Central du R.D.P.C., Yaoundé, 5 janvier 2O1O.

    * 59 Agence de coopération culturelle et technique, « Vers une radio rurale africaine », n°2818, Paris, 1993, p.19.

    * 60 Terme utilisé par les Français pour désigner les ténors de l'U.P.C. évoluant dans la « clandestinité », après son interdiction en 1955.

    * 61 Amadou Ahidjo, in l'A.P.F., « Bulletin d'Afrique », n°5795, 1er octobre 1965, p.7.

    * 62 Roger Owona, « La Radio au Cameroun : 40 ans d'Histoire », Cameroon Tribune, n°4064, Yaoundé, SO.PE.CAM., 28 janvier 1988, p. 8.

    * 63 Entretien avec Léonard Israël Sah, 63 ans Conseiller technique au Ministère de la communication, Maître des Conférences au Département d'Histoire de l'Université de Yaoundé I, et Historien des médias, Yaoundé, le 16 avril 2008.

    * 64 Roger Owona, Ibid.

    * 65 Les populations de la région anglophone se sentaient lésées par le Gouvernement. Certes, le Cameroun après la réunification, avait adopté un système fédéral, avec deux États fédérés, à savoir l'État fédéré du Cameroun francophone, et l'`Etat fédéré du Cameroun anglophone, et un État fédéral, il reste réel que les institutions de l'État fédéral étaient gérées, pour la plupart, par les Camerounais francophones, et l'essentiel des ressources allaient à ceux-ci.

    * 66 R. Clausse, in J. Cazeneuve,  Émissions, 1972, pp. 190-192.

    * 67 Un exemple de mot d'ordre du Parti : « Les plus égoïstes parmi nous doivent au moins avoir la conscience aigüe que personne dans ce pays ne peut se baser sur une seule tribu ou un groupe ethnique pour réaliser quoi que ce soit de durable, d'efficace et de stable ». Le mot d'ordre est de P. Biya, Président de la République et Président national du Parti, lors de ses visites officielles dans les anciennes provinces du Nord et du Centre-Sud, Garoua et Yaoundé, le 04 mai et 11 juin 1983.

    * 68 Albert Mbida, « Radio-Cameroun et son auditoire, La rupture », Mémoire de D.S.J., E.S.I.J., Yaoundé, octobre 1973, p.7.

    * 69 Amadou Ahidjo, Anthologie des, p.922.

    * 70 Zachary Nkwo Tokolo, «Broadcasting in English Speaking Cameroon, A General Survey», Mémoire de License en Journalisme, E.S.I.J.Y., Yaoundé, 1975, p. 26.

    * 71 Zachary Nkwo Tokolo, ibid.

    * 72 Zachary Nkwo Tokolo,» Broadcasting in...», p. 27.

    * 73 M. Tjadé Eonè, Radio, publics et pouvoirs au, p. 132.

    * 74 J. Stoetzel, Les fonctions de la presse à coté de l'information, in F. Balle, Médias et société, Paris, Montchrestien, 1984, p.561.

    * 75 E. Morin, L'esprit du temps, Paris, vol. 1, 1976, p. 248.

    * 76 Ibid.

    * 77 L. Barbedette et al. , in « La radio et les jeunes », R.F.I., Les dossiers de multiplex, 1979, p. 112.

    * 78 G. Robert, La production radiophonique, Paris, R.F.I., 1980, p.204.

    * 79 M. Tjadé Eonè, Radios, publics et, p. 141.

    * 80 Entretien avec Longin Franc Onana Belibi, Animateur social, la trentaine révolue, Yaoundé, 26 août 2010.

    * 81 Le disque des auditeurs était diffusé avec succès aussi bien dans les tranches d'antenne en langue anglaise que dans celles en langues nationales.

    * 82 Voir vocabulaire.

    * 83 Il s'agissait du tam-tam, néologisme utilisé par les colons européens, et représentant une simple reproduction du bruit d'un instrument de musique africain, appelé « Mbè » en langue basaa, façonné à l'aide d'un tronc d'arbre au coeur évidé, dont l'une des extrémités est recouverte d'une peau tannée.

    * 84 C.D. Ilunga, in « Tambour-téléphone en Afrique centrale », La voix du Congolais, n°134, mai 1957, pp. 339-340.

    * 85 P.M.A. Omarhi, in « T.S.F. indigène au Maniema », La voix du Congolais, n°123, juin 1956, pp.408-409.

    * 86 B. Voyenne, in La Presse dans la société contemporaine, Paris, A. Colin, 1962, p.40.

    * 87 J.P. Nana Mvogo, « Le tam-tam, quatrième médium de la forêt africaine », Mémoire de Diplôme de l'É.S.J. de Lille, 1979, p.27.

    * 88 La portée du message tambouriné était estimée à une vingtaine de kilomètres par les griots. Cependant, elle pouvait atteindre 50 kilomètres, lorsque l'instrument était de bonne qualité, c'est-à-dire taillé dans du bois de référence, installé sur un tertre, et lorsque la transmission avait lieu le soir, après l'orage de l'après-midi. La transmission pouvait avoir une potée encore plus grande, lorsqu'elle servait de relais de village à village.

    * 89 Le terme « ndan » était utilisé dans certaines langues bantoues du Sud-Cameroun, notamment le Bassa et le Beti. Il signifiait « devise ». Le terme « nku » quant à lui désignait le support de la communication, c'est-à-dire le tambour d'appel.

    * 90 Lire l'échantillon de l'enquête réalisée en avril 1983 par Tjadé Eonè.

    * 91 Ibid.

    * 92 Article 34 du décret n°72/425 du 28 août 1972, portant organisation du MIN.I.C.

    * 93 Michel Tjadé Eonè, Radio, publics et pouvoirs au, p.88.

    * 94 Enquête menée en 1983 par M.Tjade Éonè.

    * 95 Ibid.

    * 96 Entretien avec Raphaël Tah, Cadre au Comité Central du R.D.P.C., 62ans, Yaoundé, 15 janvier 2010.

    * 97 Le Cameroun avait un régime de parti unique et il n'existait pas de radio d'opposition. Très peu de Camerounais s'intéressaient à la presse écrite, en raison de son coût élevé, et du fait de la non-accoutumance à la lecture. Cependant, il existait une catégorie de personnes qui lisaient la presse. Il s'agissait principalement des intellectuels et fonctionnaires disposant de moyens financiers et conscients de la place de la lecture dans l'édification mentale et intellectuelle de l'individu, ainsi que dans le succès de leurs activités professionnelles.

    * 98 I. A. Ngounou, « Cameroun : Coup d'État manqué du 06 avril 1984, rappel des faits », consulté sur www.journal.com/article.plip?aid=8555, le 27 juillet 2011.

    * 99 C. Ateba Eyene, Lettre au Président de la République, consultée sur http// www.Camer.be/index1.Php?art=18977&rub=6:1, le 17 juillet 2011.

    * 100 Georges Friedman, « Vingt ans d'indépendance, le succès du paysan », Le Monde, 03 avril 1980, pp. 11-15.

    * 101Célestin Freinet est né en 1896 et décédé en 1966. Il fut l'un des promoteurs d'une pédagogie active qui faisait appel à la motivation, l'expression, la socialisation, le tâtonnement expérimental. Après avoir rencontré des résistances, cette méthode était appliquée dans des milliers d'écoles de France et d'autres pays.

    * 102 Dieudonné Tauzzis Atangana, « Contribution à l'étude des effets éducatifs et sociaux de la radiodiffusion au Cameroun », Thèse de doctorat de 3ème cycle, 1988, p.198.

    * 103 René Leduc, in D. Tauzzis Atangana, « Contribution à l'étude des effets éducatifs et sociaux de la radiodiffusion au Cameroun », Thèse de doctorat de 3è cycle en Sciences de l'information et de la communication, Paris, 1988, p. 203.

    * 2En tant que moyen d'information populaire, la radio avait une lourde responsabilité. Elle pouvait démontrer que certaines structures anciennes étaient à préserver.

    * 104 Dieudonné Tazzin Atangana, « Contribution à l'étude des effets éducatifs et... », p.209.

    * 105 Henri Konnang, « La liberté de presse au Cameroun », Mémoire de licence en Droit, université fédérale du Cameroun, Yaoundé, année universitaire 1971 /1972, p. 36.

    * 106 Cette loi abroge l'ordonnance n°60/5 du 20 janvier 1960 portant création d'une agence camerounaise de presse.

    * 107 Ibid.

    * 108 P. Cadenat, La France et les Tiers-Monde, Vingt ans de coopération bilatérale, Paris, La documentation française, Notes et études documentaires, 1983, p. 57.

    * 109 Article 3 al.2 de la Convention de coopération radiophonique entre le Cameroun et la France, pp. 648-649.

    * 110 Georges Pompidou, Premier ministre français, Discours à l'Assemblée Nationale Française, Journal Officiel du 10 juin 1964, p. 1785.

    * 111 Yvon Bourges, Secrétaire d'État aux affaires étrangères, chargé de la coopération devant l'Assemblée, Discours prononcé le 25 octobre 1967, in Edmond Jouve, Relations Internationales du Tiers-Monde, Paris, Berger-Levrault, 1976, p.318.

    * 112 A. J. Tudesq, La radio en Afrique noire, Paris, Pédone, 1983, pp. 131-132.

    * 113 Cinq grandes agences dominaient le marché mondial de la collecte et de la vente des informations à l'échelle internationale. L'une était soviétique, et était appelée « Agence T.A.S.S. » Les quatre autres appartenaient à l'Occident : deux américaines, respectivement « Associated Press » et « United Press International » ; une britannique, à savoir « Reuter », et l'autre française, appelée « Agence France Presse », la plus ancienne.

    * 114 H. Pigeat, « La situation juridique internationale des agences de presse », in Colloque de Strasbourg, La circulation des informations et le droit international, Paris, Armand Pedore, 1978, pp. 295-319.

    * 115Henri Pigeat, « La situation ... », pp. 295-319.

    * 116En ce qui concerne les clauses de cet accord définissant le cadre théorique d'échanges de programmes entre les deux pays, voir le volume 1 de la thèse de Michel Tjadé Eonè, p.396. Lire aussi le texte intégral de la Convention de coopération radiophonique figurant dans les annexes du volume 2 de thèse du même auteur, p. 647.

    * 117 Patrick Cadenat, «La France et le Tiers-Monde, Vingt ans de coopération bilatérale », La documentation française, n°4701-4702, 14 janvier 1983.

    * 118 Rapport Jeanneney, « La politique de coopération avec les pays en voie de développement », Paris, la documentation française, 1964, p. 62.

    * 119 Loi française du 7 août 1974, « Le régime de la Radio-Télévision Française », in F. Balle, « Étude de radio-télévision, R. T. B. F. », n° 27, Statut, mai 1980, p. 164.

    * 120 Les autres organes spécialisés dans la gestion de la coopération franco-africaine étaient : le F.A.C., compétent pour gérer les financements des équipements et la fourniture de bourses de formation; T.D.F., en charge des installations des émetteurs et de la fourniture des pièces détachées; l'I.N.C.A., chargée de la formation des personnels.

    * 121 Cf. Archives de Radio-France Internationale.

    * 122 R.F.I. n'ayant aucun correspondant permanent au Cameroun, elle pouvait s'approvisionner en informations locales, seulement par la collaboration volontaire et sporadique des journalistes de la radio nationale. L'envoie d'éléments de reportage par ces correspondants occasionnels se faisait à la demande de R.F.I. qui prenait en charge tous les frais techniques (circuit P.T.T., location des cabines), ainsi qu'une pige symbolique pour le correspondant.

    * 123 La Gazette n°500 du 17 avril 1984, p.2.

    * 124Paul Biya, in Charles Ateba Eyene, Le Général Pierre Semengue, Toute une vie dans les armées, Yaoundé, CLE, 2002, pp.124-125.

    * 125 Paul Biya, in Charles Ateba Eyene, Le Général Pierre Semengue..., pp.127-129.

    * 126 Entretien avec Augustin Ondoa Ondoa, Enseignant retraité, 71 ans, Yaoundé, 11 janvier 2010.

    * 127 Entretien avec André Ewodo, 66 ans, membre de l'équipe de la console technique de la radio nationale, Okola, 25 décembre 2010.

    * 128 Les paroles de ce générique avaient été composées par Marie Archangelo, artiste-musicien camerounais.

    * 129Albert Mbida, « L'audience de..., » p. 32.

    * 130 Michel TJadé Eonè, Radio, publics et, p.61.

    * 131 Entretien avec Louis-Marie Enama, Ancien Vérificateur, 66 ans, Okola, 2 janvier 2010.

    * 132 Allport et Postman, « The Basic Psychology of Rumor », Traduction française, in Levy, Textes fondamentaux de psychologie sociale, Paris, Dunod, 1968, p.16.

    * 133 Longin Franck Onana Belibi, La trentaine révolue, Observateur neutre du fonctionnement des institutions du Cameroun, Yaoundé, 26 août 2010.

    * 134 Thierry Mbarga, 33 ans, Enseignant d'histoire et géographie, Yaoundé, 27 aout 2010.

    * 135 M. Tjadé Eonè, Radio, publics et, p.63.

    * 136 Les enseignements dispensés à l'ESIJY étaient conformes aux canons occidentaux. L'accent, le style et la forme du papier journalistique, tels qu'enseignés à l'ESIJY, respectaient les normes françaises. Ce qui n'était pas du goût des auditeurs de la radio nationale qui souhaitaient qu'on leur propose des émissions à la camerounaise. Et les sujets traités lors des cours magistraux étaient relatifs à l'actualité internationale, n'abordant que quelques aspects de l'actualité nationale. Ainsi, les diplômés de l'ESIJY, recrutés comme cadres à Radio-Cameroun, étaient détournés des objectifs de développement national assignés à ladite radio.

    * 137 Enquête menée en 1983 par M. Tjade Éonè.

    * 1 Radio-Africa n°1 avait en effet été mise en service le 7 février 1981, lors de l'inauguration des émetteurs de Moyabi. Les studios avaient été installés à Brazzaville, au Congo.

    * 138 Ladite loi avait consacré le régime de l'autonomie interne au Cameroun. Cela supposait que les autorités camerounaises pouvaient prendre des décisions d'utilité publique, sans nécessairement se référer à la métropole (la France).

    * 139 Convention n°2205 du 27 juillet 1960.

    * 140 Convention de Coopération dans le domaine de la radiodiffusion entre la France et le Cameroun, publiée dans le Journal Officiel de la République française du 12 mai 1965, p.15.

    * 141 Ahmadou Ahidjo, in « Anthologie des Discours », Discours d'inauguration de l'émetteur de 30 kW O.C. de Garoua, 23 juillet 1963, p.304.

    * 142 Entretien avec Louis-Marie Enama, 66 ans, Vérificateur, Okola, 02 février 2010.

    * 143 J.P. Biyiti Bi Essam, « Une radio régionale africaine et ... », p.63.

    * 144 F. Bebey, La Radiodiffusion en Afrique Noire, Afrique-Monde, Paris, St. Paul, 1963, p. 162.

    * 145 Robert Jean, Libertés publiques, Paris, Ed. Montchrestien, 1977, p. 469.

    * 146 Confer Archives sonores de la C.R.T.V.

    * 147 Mac Bride, « Voix Multiples », Rapport sur la communication aujourd'hui et demain, Paris, U.N.E.S.C.O., Nouvelles éditions africaines, 1980, p.207.

    * 148 Lire Benoît Ngom, Les Droits de l'Homme et l'Afrique, Éd. Silex, 1984, pp. 21-26.

    * 149 Charly Gabriel Mbock, L'intention démocratique, Yaoundé, SO.P.E.CAM., 1985, pp.8-9.

    * 150 Déclaration de Yaoundé, in « Rapport final de la conférence intergouvernementale sur les politiques de la communication en Afrique », Paris, U.N.E.S.C.O., décembre 1980, p.28.

    * 151 Michel Tjadé Eonè, Radio, publics et, p.163.

    * 152 F. Ballet, « Communication sur la position du Tiers-Monde », Colloque de Strasbourg consacré à la circulation des informations et le droit international, Paris, A. Pedone, 1978, pp. 55-64.

    * 153 Wihiard Johnson, Camerounologue à l'Institut de technologie de Cambridge aux États-Unis d'Amérique, ESSTI Forum du 02 fevrier 1985, p.19.

    * 154 André Célarie, « Radiodiffusion au service du développement », Les cahiers africains, p.10.

    * 155 Lasks Mana Rio, « La pratique de la grande information », U.N.E.S.C.O., Études et documents d'information, 1972, p.28.

    * 156Ces deux régions étaient essentiellement agricoles. Le développement de l'agriculture ici était favorisé par l'existence d'un climat de type équatorial, caractérisé par des précipitations abondantes, des températures un peu moins élevées, et par des sols humifères.

    * 157 Justin Bodo, 70 ans, producteur de cacao, Okola, 02 novembre 2008. Selon lui, un poste récepteur coûtait relativement cher, soit au minimum 4000 fcfa. Les conditions de vie n'étaient certes pas des plus rudes, mais disposer de suffisamment d'argent liquide relevait d'un luxe.

    * 158 Pierre Albert et André Jean Tudesq, Histoire de la radio-télévision, Paris, P.U.F., collection « Que-sais-je ? », n°1904, pp.14-15.

    * 159 Archives de Radio-Cameroun (1982).






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