Conclusion
Au début de ce travail, nous avons parlé de la
notion de « rencontre de territoires » comme grille d'analyse qui
nous permettrait de mieux illustrer l'idée de confrontation culturelle
qui s'articule dans le cadre de tout accord de coopération
décentralisée. Nous avons articulé nos réflexions
sur ce que nous paraît être le Talon d'Achille de la
coopération décentralisée. Nous l'avons gardé comme
angle d'approche pour aborder les éléments essentiels et pour
traiter les pratiques et les difficultés que rencontre la
coopération décentralisée à Porto-Novo.
Notre questionnement principal, sur lequel nous avons
développé ce travail, était le suivant : En s'appuyant sur
la notion de rencontre de territoires comme angle d'approche, le Service de
coopération décentralisée de la Mairie de Porto-Novo
est-il doté des dispositifs opérationnels appropriés pour
la gestion des projets de coopération décentralisée ?
Quels sont les enjeux en termes d'altérité qui se posent dans le
cadre de la coopération décentralisée Nord-Sud ?
Notre hypothèse était la suivante : La Mairie de
Porto-Novo a une capacité de gestion en constante évolution par
rapport aux nécessités de la gestion locale. Toutefois, les
dispositifs opérationnels destinés à la gestion de projets
de coopération décentralisée sont insuffisants car ils
manquent des moyens humains, techniques et financiers. Cette première
hypothèse comporte une sous hypothèse : les dispositifs
opérationnels destinés à la gestion de projets de
coopération décentralisée de la Mairie de Porto-Novo sont
insuffisants à l'égard des standards de gestion et des
méthodologies de travail établis par les partenaires du Nord.
Cette hypothèse et cette sous-hypothèse ont pu
être confirmées, cependant nos conclusions ne sont pas
catégoriques, elles sont au contraire très nuancées.
En commerçant par la sous-hypothèse, la question
est de savoir selon quel critère et sur quelle référence
nous basons-nous pour estimer la capacité de gestion de la Mairie de
Porto-Novo ? D'un côté, selon les standards et les
méthodologies de travail du Nord, et en se servant de ces
critères, la conclusion serait qu'en effet les dispositifs de gestion de
la Mairie de Porto-Novo se trouvent en-dessous de leurs besoins de gestion pour
gérer simultanément l'ensemble de projets dans le cadre de ces
partenariats.
Etude comparative sur les pratiques de coopération
décentralisée de la ville de Porto-Novo Page 85/101
Au niveau des moyens humains, il nous apparaît que la
capacité de travail du Service de coopération
décentralisée n'est pas suffisante pour gérer le volume de
projets, d'autant plus que ses cadres ne disposent pas de ligne
téléphonique ou d'Internet dans leur lieu de travail.
Au niveau technique, nous avons vu que les outils de gestion,
tel que la GCP, ne sont pas employés. La ville de Porto-Novo n'a pas
aménagé de stratégie de coopération
décentralisée et ne dispose pas de techniciens pour
déployer une capacité d'expertise sur des domaines tels que la
santé, l'aménagement du territoire, l'environnement, etc. La
Mairie ne dispose pas non plus d'un système d'accompagnement des
collectivités aussi complet que celui de la France.
Nous avons vu dans la partie 2 du chapitre V que les
dispositifs d'évaluation répondent à un système
d'organisation basé sur la rationalisation des procédés,
sur l'approche technocratique et sur la planification par objectifs, en
privilégiant une approche gestionnaire ajustée à des
facteurs quantifiables. Il s'agit d'une projection d'un système de
pensée et d'une certaine configuration idéologique dont la
pertinence n'est pas universelle.
Enfin, les enjeux en termes d'altérité qui se
posent dans le cadre de la coopération décentralisée
Nord-Sud ne sont pas dissociables des éléments que nous venons de
citer. Ils sont liés à la prédominance de l'ethnocentrisme
qui se situe quasiment sur tous les aspects d'un partenariat Nord-Sud.
Toutefois, tous ces éléments que nous venons de voir
obéissent à un constat et s'inscrivent dans la tendance
idéologique civilisationnelle qui a marqué l'époque
contemporaine et qui veut que le développement socio-économique
des sociétés humaines obéit à une logique de chemin
d'évolution unilinéaire qui positionne le partenaire du Sud dans
une étape en dessous de celle du Nord et qu'en conséquence
celui-ci possède la clef et la recette à portée
universelle du développement économique ; il ne resterait plus
qu'à appliquer cette recette avec une approche et une démarche
technocratique. Cette idéologie est prédominante tant dans le Sud
que dans le Nord.
Nous sommes profondément convaincus que le défi
ultime de la coopération décentralisée est de s'affranchir
de ce modèle. L'hégémonie de ce système de
pensée est devenue un véritable filtre cognitif conditionnant
notre rapport au monde ainsi que nos relations interculturelles.
Etude comparative sur les pratiques de coopération
décentralisée de la ville de Porto-Novo Page 86/101
« La coopération décentralisée
ne doit pas être un nouvel outil d'affaiblissement de pays du Sud, ils ne
doivent pas devenir des écoutant dociles de la politique des
collectivités territoriales du Nord, car il existe un risque de
neo-colonislisme, elle doit être à l' origine de
l'émergence d'un projet global de société internationale
qui privilégiera les identités et les cultures des peuples en
construisant des solidarités nationales transversales
»24... « ...et nouvelles »,
rajouterions-nous.
24 Fweley Diangitukwa « Migration
internationales, codéveloppement et coopération
décentralisée », Ed L'Harmattan, 2008, Pag. 114
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