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Le projet géostratégique des Etats-unis d'Amérique dans le golfe de Guinée: analyse de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013

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par François Xavier NOAH EDZIMBI
Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master II en Sciences politiques 2014
  

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SECTION I : L'EXPRESSION DE LA MANOEUVRE AMERICAINE DANS SES

RELATIONS BILATERALES AVEC LE CAMEROUN

Afin de mieux dérouler son projet géostratégique au Cameroun, les États-Unis font appel à la fois aux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux. Ceux-ci utilisent différents moyens, structurant la politique étrangère américaine202, pour arriver à leurs fins dans cet État du Golfe de Guinée. Il s'agit des procédés politico-diplomatiques, socio-économiques et militaires. Ainsi, pour une meilleure compréhension et une lisibilité de notre travail, nous présenterons en premier les moyens politico-diplomatiques (paragraphe 1) et par la suite ceux socio-économiques et militaires (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : les moyens politico-diplomatiques utilisés par les

États-Unis

a- Le pilier politique : usage géopolitique de principes démocratiques et du droit international

Les États-Unis font usage de procédés tant officiels qu'officieux203 au Cameroun. Parmi ceux-ci, les programmes d'aide économique et sociale de même que des équipes d'observation de scrutins électoraux sont usités. L'invitation de délégations comme l'attribution de récompenses aux personnes ou organismes camerounais, s'étant distingué par

202 Nzeugang, « Les Etats-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.46. Pour Susan B. Epstein, Nina M. SERAFINO et Francis T. MIKO-2007-la démocratie en termes d'essence de la politique étrangère des États-Unis, est la pierre angulaire, l'élément structurant de la politique étrangère et partant africaine des États-Unis.

203L. DIAMOND, « An American Foreign Policy for Democracy » in Policy Report, july 1991.

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des activités en faveur de la démocratie et du respect des droits et libertés fondamentaux204, participent aussi à une politique de charme déployée par les États-Unis205.

Cette manière d'agir provient de l'histoire vécue par les États-Unis qui durent batailler avec la puissance colonisatrice anglaise pour accéder à l'indépendance. Ils trouvèrent nécessaire et indispensable d'établir la démocratie dans laquelle les individus, plus précisément les citoyens, ont le pouvoir de décider par le moyen des élections compétitives et par la préservation des droits et libertés du citoyen. Pour les États-Unis, la démocratie libérale, encore appelée démocratie de marché, se particularise par une large participation-plus ou moins directe-des citoyens à la vie publique. Les libertés politiques comme celles de la presse, l'association de conscience et d'expression sont garanties par un système politique représentatif c'est-à-dire par une Constitution et un Congrès où siègent les représentants élus de la nation. Pour eux, les libertés économiques côtoient les libertés politiques, l'État protège l'initiative individuelle, la propriété privée et l'égalité des citoyens206.

Ce principe d'égalité ne s'oppose évidemment pas aux inégalités économiques où les plus riches côtoient les plus démunis. Ces principes sont utilisés par les Américains au Cameroun en vue de promouvoir un État démocratique. Ils se réfèrent aux propos du président de la République Paul BIYA dont l'ambition est de léguer à ses compatriotes, notamment aux jeunes générations, une Nation démocratique, forte, unie, pacifique et prospère. Les États-Unis offrent ainsi, pour la promotion de cet État démocratique, des aides en formes d'assistance, de prise en charge et d'observation de scrutins électoraux au Cameroun. Tel a été le cas des élections présidentielles de 2011 où l'ancien ambassadeur américain, Robert P. JACKSON, s'est félicité de l'aide américaine pour les programmes d'inscription sur les listes électorales207.

Du côté de l'attribution de récompenses, l'exemple de reconnaissance par les États-Unis à un individu pour son engagement, en ce qui est de lutte contre les atteintes à la démocratie, est Henriette EBONGO EKWE, journaliste, femme politique et militante pour les droits de l'Homme. Elle est la première africaine à avoir reçu l'IWCA208, prix du Courage Féminin décerné par le département d'État américain et reçue des mains d'Hilary CLINTON

204 Ibid.

205 Ibid., p.105.

206 A. TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, 1961.

207 Cameroon Tribune no 9732/5934- 37e année, du mardi 30 novembre 2010, p.5.

208 International Women of Courage Awards ou Prix Internationaux pour Femmes engagées.

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en présence de la première dame américaine, Michelle OBAMA209. Selon Robert JACKSON ancien ambassadeur des États-Unis au Cameroun, elle a été choisie en raison de son courage exceptionnel, son engagement et son leadership dans la promotion de la démocratie, de la transparence, des Droits de l'Homme et de l'État de droit au Cameroun. Elle a été, à la demande d'Hilary CLINTON, auteure du discours d'acceptation des lauréats210. L'attachement des États-Unis au Cameroun, pour la promotion d'un État fort, s'exprime aussi par des programmes d'aide en matière de santé. Selon Robert JACKSON, le gouvernement américain va continuer de soutenir le Ministère de la Santé et les différents centres médicaux camerounais spécialement dans la lutte contre le choléra et le VIH/Sida. Cette aide se situait au-dessus des 14 millions de dollars (environ 7 milliards de FCFA) en 2010. Aussi le gouvernement américain cherche-t-il d'autres moyens qui permettront de renforcer le partenariat entre le Cameroun et les États-Unis211.

Moins visible, la dimension propagandiste figure parmi des moyens usités par les États-Unis pour promouvoir la démocratie au Cameroun. La promotion de la démocratie apparaît dans les discours d'officiels américains que ce soit aux États-Unis ou lors de leurs tournées camerounaises. Ceux-ci condamnent les violations de droits de l'Homme, dénoncent les insuffisances observées en matière de démocratie ou encouragent le pays à s'engager sur ce chemin. Les États-Unis promeuvent l'égalité de genre, les droits de la femme, la liberté d'expression et de religion. C'est le cas de la lettre du président américain Barack OBAMA à son homologue Camerounais, son excellence Paul BIYA, à l'occasion de la fête nationale de la République du Cameroun du 20 mai 2012, dans laquelle le président OBAMA le félicitait pour les relations amicales et de coopérations pacifiques consolidées par les avancées considérables en termes de respect de principes de démocratie212.

Cette entente entre les deux États s'affirme à travers les condoléances du chef de l'État camerounais à son homologue américain, Barak Hussein OBAMA, après le double attentat survenu au cours du marathon de Boston, le mardi 16 avril 2013, provoquant des pertes en vie humaines (03 morts), de nombreux blessés (140 blessés) et des pertes matérielles213. Ces évènements lui ont permis de réaffirmer sa détermination à ne ménager aucun effort pour que le Cameroun demeure une terre d'hospitalité, de tolérance, de stabilité

209 Jeune Afrique Économique édition africaine no 384 d'août et septembre 2011, p.368.

210 Ibid.

211 Cameroon Tribune no 9732/5934- 37e année, du mardi 30 novembre 2010, p.5.

212 Hot News, Hebdomadaire Bilingue- 2e année no 065 du mardi 22 mai 2012, p.3.

213 Cameroon Tribune, no 10328/6529, p2.

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et de paix214, assurant les investisseurs américains de la sauvegarde et de la préservation des principes démocratiques contre des fléaux tels que le terrorisme ou les prises d'otages.

La promotion d'un État démocratique au Cameroun, par les États-Unis, ne souffre d'aucune contestation. Toutefois, si pour les Camerounais les relations de coopération avec les Américains se limitent à un élan humaniste, tel n'est point le cas chez les Américains. Pour eux en effet, la coopération est utilisée dans une géométrie variable. Elle sert les intérêts des deux parties et n'est pas une faveur qu'un pays concède à un autre215. Ainsi, la dialectique des intelligences216 qui prévaut dans les relations entre États nous commande une démarche ponctuée de réserve. La coopération des États-Unis avec le Cameroun n'a pour seul objectif que l'exécution de leurs entreprises géopolitiques. Elle leur permet, en effet, de mettre en oeuvre une stratégie de « shaping », consistant à façonner l'environnement camerounais afin de parvenir à leurs objectifs217, par la diffusion des normes, des valeurs et des standards américains218.

Les États-Unis ont prévu la participation des populations camerounaises pour la mise en oeuvre de cette stratégie. Le processus débute par une assimilation de l'opinion nationale, nommée allié silencieux, par des moyens médiatiques américains qui diffusent des programmes scrupuleusement choisis219. Ces programmes, définis comme diplomatie publique par des stratèges américains220, permettent aux États-Unis de présenter et d'expliquer leur culture aux populations camerounaises. Les rapports publiés annuellement, par le gouvernement américain et certains organismes privés, font aussi parties de cette stratégie. Ils exposent l'État camerounais aux critiques de l'opinion publique et de la communauté internationale sur des sujets comme le respect de la démocratie.

Ces rapports visent l'assimilation des populations camerounaises afin qu'elles se soulèvent et réclament des reformes profitables aux États-Unis221. Ces arguments sus cités peuvent être confirmés par les propos de l'ancien ambassadeur américain, Frances COOK, qui, en période de fortes tensions politiques entre 1991 et 1992, apporta son soutien à l'opposition radicale. Ses critiques sur la gestion de l'État et le respect des droits de l'Homme

214 Cameroon Tribune, no 10327/6528, p.5.

215 Henry Kissinger, « La nouvelle puissance américaine », Paris, Fayard 2003, p.63.

216 H. COUTAU-BEGARIE, Traité de stratégie, Paris. Economia, 1999, p.70.

217 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », pp.129-130.

218 NGHERMANI, « Les Etats-Unis et l'Europe en Afrique subsaharienne, rivaux ou partenaires ? », 10 mars 2006.

219 Ibid.

220 Ibid.

221 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », pp.129-130.

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par le régime politique camerounais en place à cette période ont, d'une certaine manière, poussées les populations du Nord-Ouest Cameroun, favorables à la culture américaine à s'opposer au régime. La répercussion des rapports d'ONG, qu'elles soient américaines ou ayant des financements américains, est aussi décelable. La condamnation, par certaines ONG, des carences démocratiques, des violations des droits et libertés fondamentaux de minorités sexuelles camerounaises constituent également un stratagème. Le rapport d'Amnesty International, publié le mercredi 23 janvier 2012, sur l'égalité des droits de l'Homme au Cameroun en est un exemple. Ce rapport dénonce les conditions d'incarcération, les procès politiques et surtout la pénalisation des rapports entre des personnes de même sexe222.

Malgré ces condamnations, les relations entre les régimes Camerounais et Américains sont toutefois cordiales. En effet, pour les États-Unis, la démocratie est considérée comme un véritable instrument de politique étrangère, au service de la paix et de la sécurité de même que de la conquête des marchés et du pétrole. Les régimes occidentaux ont une conception des droits de l'Homme à géométrie variable. Ils jugent la politique des autres États, dits non-démocratiques, à l'aune de leurs intérêts223. Ainsi, du moment où le régime politique en place au Cameroun sauvegarde les intérêts américains, il peut gouverner sans être inquiété.

Cette collaboration américano-camerounaise est aussi perceptible au niveau diplomatique.

b- Les moyens diplomatiques de l'offensive américaine au Cameroun

Pour mener une politique camerounaise susceptible de lui garantir un fort ancrage et un maximum de succès, les États-Unis font usage du soft et du hard power que des auteurs tels que Joseph NYE et ARMITTAGE224 qualifient de smart power225. Pour eux, à la différence de MACHIAVEL qui pensait qu'il est plus sûr d'être craint qu'aimé, les tenants américains du smart power pensent qu'il est plus sage et intelligent aujourd'hui d'être craint et aimé à la fois226. Dans son ambition de renforcer des liens de solidarité avec le Cameroun, les États-Unis d'Amérique pratiquent une diplomatie à géométrie variable. Elle est, en effet,

222 Cameroon Tribune, no 10267/6468, p.2.

223 Tchetchoua Tchokonté, « Enjeux et jeux pétroliers en Afrique... », pp.49.

224 Joseph NYE et R. ARMITTAGE, « How America can become a smarter power », in Smarter, more secure America, published by the Center for strategic and international studies, commission on smart power, Washington DC, 2007, pp.6-13.

225 Ibid.

226 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.72.

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parfois sévère sur les avancées démocratiques ou parfois détendue, amicale et fructueuse en termes de coopération. Les relations diplomatiques entre les deux États sont caractérisées par des visites de responsables gouvernementaux, des relations amicales entre autorités politiques des deux pays de même que des représentations diplomatiques de choix. Le poids de la représentation diplomatique américaine au Cameroun tient à la nouvelle orientation donnée à la stratégie de sécurité nationale américaine par l'ancien Président George W. BUSH, en Septembre 2002.

Celle-ci consistait à quadriller les régions africaines riches en ressources stratégiques. A partir de cette orientation, les États-Unis ont inauguré en février 2006 leur nouvelle chancellerie au Cameroun. Des autorités politiques des deux pays, le président Paul Biya pour le Cameroun et le secrétaire d'État américain aux Affaires africaines, Jendayi E. FRAZER, ont assisté à l'inauguration de cette ambassade. La nouvelle chancellerie, l'une des plus grandes en Afrique subsaharienne, reflète le niveau d'excellence des relations américano-camerounaises, d'après le communiqué de presse du jeudi 16 février 2006. Elle est la preuve d'un engagement clair et ferme des Américains au Cameroun227. L'Ambassadeur en exercice à cette époque, Niels MARQUARDT, soulignait ainsi que les États-Unis ont l'intention d'être au Cameroun pour toujours228.

La nouvelle ambassade américaine est surtout l'expression d'une préservation, par les États-Unis, de leurs intérêts stratégiques vis-à-vis des menaces sécuritaires enregistrées au Cameroun et dans le Golfe de Guinée en général. Selon le général James Clapper, directeur du renseignement national américain : « Toute la zone sahélienne et même au-delà, jusqu'à la RD Congo en passant par la Centrafrique, forme un immense incubateur pour les groupes rebelles, extrémistes et terroristes en 2014229 ». Le général conseille ainsi Washington de mobiliser d'importants moyens financiers et matériels pour protéger leurs intérêts dans cette région de l'Afrique.

Le Cameroun, pays partageant des frontières communes avec le Tchad, le Nigeria et la Centrafrique où se concentrent certaines activités terroristes et des prises d'otages, n'échappe pas à cette stratégie. Par ailleurs, entre le mois de février 2004 et août 2006, on

227 Citation tirée du communiqué de presse publié le jeudi 16 février 2006 sur www.french.cameroon.usembassy.gov

228 Citation tirée du discours prononcé par l'ambassadeur des États-Unis lors de l'inauguration de la nouvelle chancellerie sur www.french.cameroon.usembassy.gov

229 Jeune Afrique, no 2769 du 2 au 8 février 2014, p.6.

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peut dénombrer près d'une dizaine de visites de hauts responsables américains au Cameroun. Il s'agit entre autres de sénateurs, de diplomates, d'officiers supérieurs de l'armée voire des conseillers à la sécurité de l'ancien Président George BUSH. On peut aussi mentionner celle du secrétaire d'État aux Affaires africaines, Jendayi E. FRAZER, en Février 2005, qui prit l'engagement de renforcer les relations entre les deux États au niveau militaire. De celle de monsieur Johnnie CARSON, sous-secrétaire d'État américain aux affaires africaines, émissaire spécial du président OBAMA auprès du président Paul BIYA230.

Ou encore celle de monsieur Carter F. HAM, général d'armée, commandant des forces américaines en Afrique reçu par le président Paul BIYA231, sans oublier celles de potentiels investisseurs et hommes d'affaires. Bien qu'elles montrent l'intérêt des États-Unis à accompagner le Cameroun dans ses projets de développement et de démocratisation, ces visites ont pour but de permettre un accès aux marchés camerounais et d'influencer l'appareil politique et administratif. L'existence de relations amicales, entre différents responsables politiques camerounais et américains, de même que le rôle indéniable qu'ont joué d'anciens ambassadeurs américains, vient renforcer cette idée.

Deux anciens ambassadeurs américains, Niels MARQUARDT et Janet GARVEY, qui se succédèrent à Yaoundé entre 2006 et 2010 (période couverte par les câbles WIKILEAKS), ont eu de rapports étroits avec de responsables politiques camerounais qui se confiaient à eux et leur faisaient part de leurs ambitions politiques. Il s'agit de l'ancien ministre de la Justice, vice-premier ministre, Amadou ALI, et de l'ancien ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation, aujourd'hui aux arrêts, Marafa HAMIDOU YAYA. D'après un câble du site WIKILEAKS, datant de début 2007, l'ancien ministre de la Justice aurait confié à l'ancien ambassadeur Niels MARQUARDT, selon une dépêche confidentielle rédigée par ce dernier au gouvernement américain, qu'il apparaissait en bonne place dans la liste des « successeurs possibles du président Biya232 ».

Avant de confier quelques années par la suite, à la veille des élections présidentielles de 2011, toujours selon un câble diplomatique de mars 2009, que le Nord soutient Paul Biya, mais ne soutiendra ni un autre Béti ni un Bamiléké233. Marafa HAMIDOU YAYA, quant à

230 Cameroon Tribune, no 9875/6076, p.2.

231 Ibid., no 10065/6266, p.2.

232 Jeune Afrique, no 2644 du 11 au 17 septembre 2011, p.29.

233 Ibid.

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lui, confiera à Janet GARVEY, d'après un câble diplomatique de 2007, qu'il a des ambitions présidentielles234. Il lui dira par la suite, selon un câble diplomatique publié par le site WIKILEAKS en février 2010, qu'il peut se retrouver en prison235. Ces relations particulières permettent aux américains d'avoir une mainmise sur l'appareil gouvernemental et de se donner la possibilité d'anticiper sur les décisions de responsables politiques camerounais. La lutte contre la corruption par l'engagement de l'ancien ambassadeur, R. Niels MARQUARDT, auprès du chef d'État camerounais a été remarqué.

À la sortie d'une audience que lui avait accordée le Président de la République le 24 février 2006, il déclarait : « J'ai dit au chef de l'État qu'il peut compter sur le soutien moral et matériel des États-Unis dans ce sens »236. Ce soutien sera poursuivi avec l'ancien ambassadeur Janet Elisabeth GARVEY ou encore de Robert P. JACKSON qui, rendu en fin de séjour au Cameroun, s'est félicité des relations cordiales entre les deux États, et a réaffirmé l'engagement de son pays d'accompagner le Cameroun dans son développement avant de soutenir que le Cameroun a fait une grande avancée démocratique237. Les visites des différents membres du gouvernement renforcent les relations entre ces deux États.

Ces visites trouvent leur point d'orgue avec des rencontres entre les chefs d'États des deux pays. La plus importante a eu lieu après les attentats du 11 septembre 2001 lors du passage du Cameroun à la présidence tournante du conseil de sécurité de l'ONU. Au cours de cette rencontre, il y a eu un tête-à-tête entre Georges BUSH et Paul BIYA. L'appui aux institutions démocratiques Camerounaises est un des axes de la diplomatie américaine.

La stratégie des États-Unis pour promouvoir la démocratie et les droits de l'homme est focalisée sur le renforcement des institutions nécessaires à la stabilité démocratique. Cela s'effectue par la transparence et la liberté dans les processus électoraux mais également à travers une presse plurielle et professionnelle238. Ces relations diplomatiques montrent l'engagement américain auprès des responsables politiques camerounais. Elles sont un reflet du projet géostratégique des États-Unis pour le Cameroun. Selon Henry KISSINGER, citant André KAPSI, d'un côté, Bill CLINTON, ancien président américain, était très préoccupé par les droits de l'Homme. De l'autre, il voulait des succès politiques. Aussi, quand les deux

234 Ibid., no 2670 du 11 au 17 mars 2012.

235 Ibid.

236 N. AMAYENA, « Lutte contre la corruption : soutien total des Etats-Unis », Cameroon Tribune, 17 février 2006.

237 Cameroon Tribune, no 10440/6641 du lundi 07 octobre 2013, p.4.

238 Voir sur le site internet www.french.cameroon.usembassy.gov

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objectifs étaient en conflit, il choisissait la politique239. Lorsqu'on se réfère à ces propos, il apparait que la diplomatie américaine au Cameroun n'a pour objectif que la projection de puissance et l'accroissement de l'influence américaine. Pour ce faire, renforcer les liens qui existent entre les deux pays, au détriment de l'ancienne puissance tutrice, est une nécessité. En effet, au sortir de la colonisation, à la fin des années 1950, la France a obtenu du jeune État camerounais des accords de coopération stratégiques qui lui assurent une influence sur ses ex-colonies240. La division idéologique du monde a favorisé cette stratégie française puisque les Super grands ne traitaient généralement avec leurs partenaires africains que par alliés interposés241.

Mais depuis la fin de la guerre froide, au début des années 1990, on assiste à un redéploiement spectaculaire des grandes puissances en Afrique. Cette période marque le repositionnement de la France inquiète du déploiement des autres puissances dont les États-Unis242. A en croire Clara PULIDO ESCANDELL, la France serait en perte d'influence, déclassée au profit des États-Unis dans son pré-carré243 d'Afrique Centrale. Elle serait réduite à une phase essentiellement défensive244 et, d'après un ambassadeur américain, n'est plus capable de s'imposer en Afrique. D'ailleurs, en 2002, les États-Unis ont déclaré le Golfe de Guinée zone d'intérêt vital pour leur sécurité nationale245. L'on ressent une préoccupation française face à la présence américaine au Cameroun qui menace ses intérêts246.

Yves Alexandre CHOUALA247, quant à lui, soutient que la coopération avec le Cameroun permettrait aux États-Unis d'utiliser ce pays comme contre balancier de l'influence Française dans la sous-région. C'est dire la valeur du Cameroun dans le jeu d'influence des États-Unis dans la sous-région. Cette manière de procéder des États-Unis se ressent aussi dans les cadres socio-économiques et militaires.

239 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique après le 11 septembre 2001... », p.149.

240 A. FOGUE T. : « Histoire diplomatique, extraversion étatique et conflits politiques en Afrique noire. Approche stratégique des conflits politiques africains et analyse des enjeux autour de la sécurité en Afrique noire », Thèse de Doctorat, 2002.

241 M. S. AICARDI, La politique Africaine des Etats-Unis, 3e Edition, Paris, Nouveaux horizons, 1989, p.139. ; J. V. NTUDA E., « La politique étrangère des Etats Africains : rupture et continuité d'une diplomatie contestée », in Revue juridique et politique, no 2, 2003, pp.131-154.

242 Voir ESCANDELL, 1997.

243 Un pré-carré est une zone d'influence politico-économique et culturelle, composée d'un ou de plusieurs pays, et généralement acquise à une puissance étrangère.

244 ESCANDELL, Op. Cit.

245 De LESTRANGE, ZELINKO et PAILLARD, Géopolitique du pétrole, un nouveau Marché, de nouveaux risques, de nouveaux Mondes, Paris, Techniq, 2005, p.159.

246 J. F. THOMSON, « L'Afrique occupe une place de premier plan dans la nouvelle stratégie de sécurité nationale » in Foreign Policy, Vol. 7, no 4, 2002, p.30.

247 Y. A. CHOUALA, « La crise diplomatique de Mars 2004 entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale : fondements, enjeux et perspectives », in Polis, 2005.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius