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Le conseil de sécurité et la crise ivoirienne

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par Sonia Christelle MANTORO
Université du Sahel - Master Relations Internationales 2012
  

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Paragraphe I : Une légitimation à travers la résolution 1464 (S/RES/1464 (2003)

Rappelons-le, la France était intervenue militairement en Côte d'ivoire, le 22 septembre 2002 pour assurer la sécurité de ses ressortissants43(*), au même moment la CEDEAO avait décidé d'envoyer une force dénommée ECOFORCE pour assurer le respect de l'Accord de cessez-le-feu44(*). Cette force qui a eu du retard à se déployer par manque de moyens financiers, a été devancée par la force Licorne45(*). L'emploi du dispositif français pour l'accomplissement de cette mission s'explique par la nécessité d'exécuter immédiatement la mission initialement attribuée aux forces ouest-africaines, dont le déploiement sur le terrain a enregistré un important retard46(*) et qui ont finalement pu être déployées en mi-janvier 2003.

Au lendemain de la signature des Accords de Marcoussis, la France avait opté, au-delà de la protection prioritaire de ses ressortissants, pour une logique d'interposition47(*) favorisant l'application desdits Accords. Sachant que sa position est vivement critiquée, la France a eu gain de cause auprès du Conseil de sécurité, qui vote la résolution1464 (S/RES/1464(2003) le 4 février 2003 autorisant le déploiement des forces Licorne et de la CEDEAO. Il le confirme dans le paragraphe 9 de ladite résolution « .... autorise les Etats membres participant à la force de la CEDEAO en vertu du Chapitre VIII, de même que les forces françaises qui les soutiennent, à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la liberté de circulation de leurs personnels et pour assurer, sans préjudice des responsabilités du gouvernement de réconciliation nationale, la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques à l'intérieur de leurs zones d'opérations et en fonction de leurs moyens,... ».

Ainsi, en se fondant sur le Chapitre VII de la charte, la résolution 1464 vient changer les objectifs des deux forces en leur donnant d'autres orientations c'est-à-dire assurer le respect des dispositions des Accords de Marcoussis. Cette résolution a suscité à Abidjan, des manifestations anti-françaises hostiles aux Accords de Marcoussis. Ce qui a fait dire au politologue Bernard DOZA : « Arrachés aux forceps à une classe politique mise sous pression pendant dix jours, hors de la Côte d'Ivoire et dans un huis clos contrôlé par la France, les Accords de Marcoussis ont plutôt été considérés par ce peuple ivoirien en lutte contre l'étranger comme un acte de recolonisation avalisé par le protectorat défini dans la résolution 1464 du Conseil de Sécurité de l'ONU »48(*). En outre, pour confirmer la légitimation et montrer son appui sans réserve, le Conseil de sécurité a prorogé le mandat des forces françaises et ouest africaines dans ses résolutions 1498 (2003)49(*) et 1527(2004)50(*).

Cette légitimation dont le Conseil de sécurité est l'artisan n'est pas propre au cas ivoirien. C'est le cas aussi en ex Yougoslavie où le Conseil de sécurité a légitimé à posteriori l'intervention de l'OTAN. En effet, les tergiversations de la Yougoslavie et les nouveaux massacres de civils par les Serbes et aussi l'échec des négociations conduisirent finalement l'OTAN à recourir, le 24 mars 1999, à la force contre la Yougoslavie, sans avoir préalablement obtenu l'autorisation du Conseil de sécurité, mais qui a fini par autoriser dans sa résolution 124451(*) du 10 juin 1999 le « déploiement au Kosovo, sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies (ONU), de présences internationales civile et de sécurité dotées du matériel et du personnel appropriés, en tant que de besoin, et accueille avec satisfaction l'accord de la République fédérale de Yougoslavie relatif à ces présences.... ».

Cette stratégie de légitimation ou de légalisation à posteriori d'un conflit engagé à l'initiative soit d'une coalition d'Etat ou sous régionale peut être certes critiquable mais pragmatique d'un point de vue réaliste. En effet, pour éviter de voir sa crédibilité mise en doute aux yeux du monde, le Conseil de sécurité se doit de réagir pour ne pas donner l'impression d'un organe au service des grandes puissances. Et le cas ivoirien rentre dans cette problématique générale de résolution de conflit de légitimation d'une intervention.

Par ailleurs, même si l'autorisation du Conseil de sécurité a été fustigée par les ivoiriens, cette légitimation pourrait trouver justification dans l'article 53 de la Charte.

Paragraphe II : Une légitimation s'inscrivant dans le cadre de l'article 53 de la Charte des Nations Unies

Le paragraphe 1 de l'article 53 prévoit que « Le Conseil de sécurité utilise, s'il y a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l'application des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité...,». En effet, par cette disposition, le Conseil de sécurité permet la délégation du pouvoir d'appliquer les mesures prises sous son autorité, lesdites organisations se trouvant habilitées à exercer la responsabilité fonctionnelle instituée par leur traité constitutif52(*). Le but de l'Article 53 est de faire participer les organismes régionaux aux mesures coercitives53(*) que le Conseil de sécurité pourrait prendre afin de résoudre certains différends.

Mais les accords régionaux doivent être compatibles aux buts et principes de l'ONU. Alors deux faits peuvent être distingués par cette disposition. Le Conseil de sécurité peut soit inviter les organisations régionales à appliquer des mesures qu'il a lui-même décidées54(*), tout en les utilisant purement et simplement afin d'assurer l'efficacité de sa propre décision ; le déploiement de l'ECOFORCE en est l'illustration55(*). Le Conseil peut soit autoriser les organisations régionales à appliquer les mesures prévues par leur accord ou traité constitutif56(*) c'est-à-dire les mandater pour agir à sa place et sou son autorité. On pourrait dire que ces deux cas traduisent l'ambition du Conseil de sécurité à décentraliser ses responsabilités.

Ce qui fait dire à Nathalie THOME qu' « on se trouve dans un système de décentralisation, celles-ci étant à la fois habilitées et supervisées par celui-là et, en quelque sorte de déconcentration internationale au niveau de l'exécution proprement dites de mesures ». Ainsi, en se basant sur l'article 53, le Conseil de sécurité par sa résolution 1973 du 17 mars 2011 «Autorise les États Membres qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet et agissent à titre national ou dans le cadre d'organismes ou d'accords régionaux.... ». En d'autres termes, cette résolution légalise l'intervention de l'OTAN en Libye.

Mais parfois les organisations mandatées outrepassent le mandat qui leur a été assigné par le Conseil de sécurité ne respectant pas ainsi, les décisions de celui-ci. C'est le cas de l'OTAN en Libye, rappelons-le, elle avait reçu mandat du Conseil pour créer une zone d'exclusion aérienne dans le but de protéger la population libyenne contre les exactions du camp Kadhafi mais au lieu de cela, elle a plutôt contribuée à renverser Kadhafi.

Partant du fait que l'article 53 permet au Conseil de sécurité de mandater les organismes régionaux à appliquer des mesures coercitives57(*) pour assurer la paix et la sécurité régionales et même si l'article 52 ne définit pas clairement les accords régionaux ou organismes régionaux, nous sommes tentés de dire que la résolution 1464 (2003) se heurte aux dispositions de l'article 53 en question. En effet, en légitimant le déploiement de la force Licorne, le Conseil de sécurité déroge les dispositions de l'article 53, en ce sens que la France étant un Etat ne peut bénéficier de cette autorisation car n'étant pas un accord régional ou organisation régionale. Pourtant le Conseil même réfute toute intervention unilatérale dans un Etat remettant ainsi en cause l'article 2 paragraphes 1 et 4 de la Charte des Nations Unies. En effet, la Charte en donnant exclusivement le droit d'intervenir au Conseil de sécurité, elle exclut les Etats d'action individuelle58(*). Mais le Conseil n'est pas à son premier acte en ce qui concerne la légitimation de déploiement de forces unilatérales ; on se souvient encore de l'Opération Turquoise59(*) au Rwanda en 1994 autorisée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 929 du 22 juin 1994.

Le Conseil de sécurité a ainsi réagit par rapport à la guerre en Irak qui, rappelons-le, a constitué un désaveu cinglant du Conseil et qui a interdit tout envahissement comme opération de résolution de conflits. Le Conseil, pour ne pas donner l'impression d'un organe inerte a pris la résolution 1483 du 22 mai 2003 légalisant ainsi le fait accompli américain. Le 22 mai 2003, la diplomatie américaine a obtenu la revanche qu'elle recherchait au Conseil de sécurité60(*). En effet, deux mois à peine après avoir déclenché la guerre sans autorisation du Conseil de sécurité, les États-Unis sont parvenus à amener le Conseil à donner une certaine légitimité à leur guerre, puisque l'instance onusienne a été amenée à leur confier dans la résolution 1483 la reconstruction de l'Irak qu'ils ont détruit, l'exploitation des ressources pétrolières qu'ils voulaient contrôler et l'organisation en coopération avec l'ONU d'un processus politique devant amener à des élections et à la formation d'un gouvernement démocratique. La résolution 1483 ne fait en réalité qu'entériner la prise de contrôle de l'Irak par la « puissance occupante » dénommée désormais « l'Autorité » au lieu de placer l'Irak sous une administration internationale, à l'instar de ce qui s'est passé avec succès au Timor oriental ou au Kosovo, ou, pourquoi pas, sous tutelle de l'ONU61(*).

Malgré les bonnes intentions affichées par le Conseil de sécurité en apportant son soutien à l'UA et à la CEDEAO dans le cadre du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, les actions menées par ces organisations régionales se sont heurtées à beaucoup d'obstacles. Ses obstacles sont entre autres liés au manque de moyens financiers, humains, logistiques et aussi au refus du camp Gbagbo de collaborer réellement avec ces organisations. A côté de cela, le rôle joué par la France dans la résolution de la crise ivoirienne, non seulement défrayera la chronique dans l'opinion publique ivoirienne et africaine, mais ne suffira pas à mettre un terme à la crise. C'est ainsi que les autorités ivoiriennes ont fini par souhaiter que l'ONU à travers son Conseil de sécurité s'implique davantage dans la résolution de la crise qui secoue le pays.

CHAPITRE II : UNE INTERVENTION SOLLICITEE PAR LE GOURVERNEMENT IVOIRIEN

Depuis le début de la crise ivoirienne, le Conseil de sécurité a préféré privilégier les initiatives des organisations régionales tout en collaborant avec celles-ci en vue d'un règlement pacifique. Mais cette option s'est révélé un échec.

Après l'échec de la CEDEAO et en raison de la position très controversée de la France dans le conflit, le gouvernement ivoirien a demandé au Conseil d'intervenir directement. Pour Abidjan, seule une intervention beaucoup plus active de l'ONU pouvait sortir la Côte d'Ivoire de l'impasse dans laquelle elle se trouvait62(*). Il faut en effet dire que dès le début de la crise, la Côte d'Ivoire a manifesté un vif désir de solliciter les Nations unies à travers son conseil de sécurité. Selon le « Rapport d'une mission d'urgence sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire » (S/2003/90), « Tous les ivoiriens se tournent vers l'ONU dont ils attendent qu'elle joue un rôle central dans le processus de paix. Par ailleurs, l'Organisation des Nations unies est perçue par la société civile et les parties au conflit comme la seule organisation pouvant rétablir la paix »63(*).On comprend clairement que la présence des Nations unies en Côte d'Ivoire était à la fois nécessaire et souhaitée par les autorités ivoiriennes64(*).

Pour répondre à la demande des autorités ivoiriennes, le Conseil de sécurité a d'abord déployé une mission restreinte (Section I) pour la renforcer par la suite (Section II).

SECTION I : LE DEPLOIEMENT D'UNE MISSION DE PAIX : LA MINUCI (Mission des Nations Unies en Côte d'ivoire)

Au début de la crise, les Etats membres du Conseil de sécurité à l'exception de la France avaient manifesté leur opposition quant à la mise en place d'une force onusienne en Côte d'Ivoire. Mais, à la suite de la demande de la CEDEAO et du Président ivoirien et aussi sous l'initiative de la France, le Conseil de sécurité a fini par adopter la résolution 1479 (2003) du 13 mai 2003 créant ainsi la MINUCI.

Ainsi, il convient d'étudier dans la présente partie, le fondement juridique de la mission (Paragraphe I) et le mandat qui lui est assigné (Paragraphe II).

* 43 Cette intervention des forces françaises fut critiquée tant au niveau du gouvernement ivoirien qu'au sein de la population.

* 44 Communément appelé Accord de Lomé, signé le 30 0ctobre 2002.

* 45A la demande de la CEDEAO, les troupes françaises acceptèrent de veiller à l'instauration effective du cessez-le-feu et à la surveillance de la ligne de démarcation établie entre les belligérants, dans l'attente que la force d'interposition ouest-africaine prenne effectivement position.

* 46 GRAMIZZI C., DAMIAN M., « la crise ivoirienne : de la tentative de coup d'Etat au gouvernement de réconciliation nationale », Rapport du GRIP, 2003/2, p.21.

* 47 SADA H., op. Cit. , P.329.

* 48Naissance d'un nationalisme ivoirien, le Monde diplomatique, n° d'avril 2003 in www.lemonde-diplomatique.fr, consulté le 02 Avril 2012.

* 49 Dans le paragraphe 1 de la résolution «Décide de renouveler pour une période de six mois l'autorisation donnée aux États Membres participant à la force de la CEDEAO, de même qu'aux forces françaises qui les soutiennent ».

* 50Dans le paragraphe 2 de la résolution le Conseil de sécurité « Décide de renouveler jusqu'au 27 février 2004 l'autorisation accordée aux États Membres participant aux forces de la CEDEAO conjointement avec les forces françaises qui les soutiennent; ».

* 51Cette résolution a abouti à la création de la KFOR, une force multinationale sous le contrôle de l' OTAN et mandatée par l' ONU. Elle a été vivement critiquée par la majorité des serbes, la jugeant dramatique car elle met le Kosovo sous tutelle internationale.

* 52THOME N., Op. Cit., p.213.

* 53 Analyse de l'article 53 de la Charte des Nations Unies, in http://untreaty.un.org/cod/repertory/art53/french/rep_supp5_vol2-art53_f.pdf , consulté le 03 avril 2012.

* 54THOME N., op. cit., p.214.

* 55 Cette force qui devrait être déployée pour assurer le respect de l'Accord du cessez-le-feu de Lomé s'est finalement mise sur le terrain pour assurer le respect des Accords de Marcoussis conformément à l'autorisation du Conseil de sécurité dans sa résolution 1464 (2003).

* 56THOME N., op. Cit. , PP.213-214.

* 57 Ces mesures peuvent être l'emploi de la force ou des sanctions d'ordre diplomatique, économique, financier et militaire.

* 58 TSAGARIS K., Le Droit d'ingérence humanitaire, mémoire de DEA Droit international et communautaire, université de Lille, septembre 2001, P.50

* 59Cette opération française a donné lieu à de vives controverses à travers le monde.

* 60BEN ACHOUR R., « l'ONU et Irak II »Actualité et Droit international, Novembre 2003, in http://www.ridi.org/adi. Consulté le 19 avril 2012.

* 61Ibid.

* 62KONADJE J.J., L'intervention de l'ONU dans la résolution du conflit interétatique ivoirien, Thèse, Science Politique, Toulouse, 2010, P.167.

* 63Rapport d'une mission d'urgence de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, (S/2003/90) du 24 janvier 2003, PP. 27-28.

* 64 KONADJE J.J., « L'ONU et la crise ivoirienne .....Op. Cit.in http://www.grotius.fr/onu-et-la-crise-post-electorale-ivoirienne-dans-les-meandres-dune-intervention-sur-fond-de-contestation-2/ consulté le 19 février 2012.

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