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La production littéraire tchadienne écrite d'expression française : essai d'analyse sociologique.

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par Robert MAMADI
Université de Ngaoundéré - Master ès Letrres 2010
  

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3.3 La démocratie et l'éducation à la citoyenneté

La démocratie, cette notion qui est un « régime politique que l'Aristocrate Clisthène établie pour la première fois durablement en 508 avant Jésus Christ dans l'État-cité grecque d'Athènes» (Dumn, 1993: 77) est d'une récente acquisition en Afrique. Elle signifie selon Michalon, une identification totale entre le gouvernant et les gouvernés. Puisque les citoyens choisissent parmi eux leurs gouvernants, contrairement à la dictature où il est question de « la volonté unilatérale d'un homme, d'un groupe d'hommes» (Michalon, 1984 : 44). La démocratie comme « organisation de la concurrence pacifique en vue de l'exercice du pouvoir » (Aron et al., 1997: 36) a vu le jour au Tchad, le 1er décembre 1990, avec l'arrivée au pouvoir d'Idriss Déby : « je ne vous apporte ni or, ni argent, mais la liberté, » (Masra et Béral, 2008 : 77-78) dira-t-il dans son premier discours à la nation. La démocratie est souvent utilisée à la place de la liberté car les principes qu'elle véhicule sont relatifs à la liberté. Nous faisons dans cette partie l'état des lieux de la citoyenneté dans cette nouvelle « forme de vie politique qui donne la plus grande liberté du plus grand nombre, qui protège et reconnait la plus grande diversité possible» (Tourain, 1994 : 25). Celle-ci est indispensable pour l'écriture. Dans ce régime, il faut reconnaître le rôle non négligeable de la liberté que peuvent avoir les citoyens de lire, d'écrire et de parler. Le citoyen étant « titulaire d'une parcelle de la souveraineté nationale » (Constant, 2000 : 27), il bénéficie de l'exercice des droits politiques et des valeurs citoyennes. Fred Constant définit la citoyenneté comme étant une sous-partie de la nationalité (laquelle désigne pour Guillien le « lien juridique qui rattache une personne physique à un État particulier » (Guillien et Vincent, 1988 : 333). Bana Barka reconnaît si bien l'importance de la liberté d'expression : « L'institution de la liberté d'expression aura pour conséquence directe l'atténuation, voire la disparition dans certains secteurs, de la censure gouvernementale» (Bana, 2000 : 59).

Après plusieurs années de combat, de déstabilisation des institutions familiales, sociales et publiques, la valeur citoyenne de l'amour du pays est prêchée par les politiciens, les musiciens et les enseignants pour orienter les Tchadiens vers l'unité et le civisme, l'altérité, etc. la littérature est le lieu de culture citoyenne par excellence. Les écrivains prônent l'unité, le mariage Nord-Sud et Chrétien-Musulman. Il est vrai que les Tchadiens vivent une crise de citoyenneté aigüe qui transparait dans leur comportement et leur mode de vie. Cependant, des efforts sont déployés pour la vulgarisation des valeurs citoyennes tant du côté de l'État que de la société civile. Vu que la démocratie est une pratique récente qui laisse progressivement de places aux champs littéraire et culturel, nous n'évoquons dans ce travail

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que la présence des institutions publiques et parapubliques oeuvrant pour la mise en place d'un processus qui va être utile pour l'institutionnalisation de la littérature. Il reste à savoir que la démocratisation ne doit pas seulement s'appliquer aux institutions, mais aussi aux pratiques de la gestion quotidienne de la société, de la communication et de la culture comme l'envisage N'Gangbet : « l'authenticité de la démocratie en Afrique doit résider dans la reconnaissance indiscutable et effective des droits de l'Homme et surtout à la renonciation à toute différence basée sur la race, l'ethnie, la religion, la culture, le sexe et la langue» (Kosnaye, 1993 : 178)

Depuis 2004 est créé le ministère chargé du contrôle de l'État et de la moralisation de la vie publique. Ce ministère cultive chez les Tchadiens les sentiments de défense de l'intérêt public et de protection des biens publics, sensibilise sur de valeurs citoyennes et donne une piste d'inspiration aux écrivains. Les leaders religieux participent également dans cette tâche de la formation des citoyens tchadiens. Le ministère a, grâce au concours du CNC, réalisé un ouvrage d'instruction civique pour le cours élémentaire. Ce manuel développe le sens de l'intérêt général, le respect de la loi, l'amour de la patrie. On y trouve les règles de la vie démocratiques et leurs fondements. De concert, les organisations de la société civile (associations, syndicats, organisations, etc.) oeuvrent pour l'éducation citoyenne. Les associations de droits de l'Homme ont vulgarisé des textes sur les droits et les devoirs du citoyen. Elles assistent les justiciables et accordent une attention particulière aux couches vulnérables: femmes et enfants. C'est le cas de CELIAF, ATPDH, AFJT, APLFT, etc. Les syndicats forment les employeurs et les salariés sur leurs droits et obligations. Une fois l'éducation de base reçue dans la cellule familiale et scolaire, une idée sur la valeur citoyenne obtenue, le citoyen peut bénéficier aisément de l'exercice des droits politiques. La violence, les comportements déviants et les clivages seront atténués et l'effort de la littérature pour la cohésion sociale, la solidarité nationale sera un acquis. Le balisage de cette notion de citoyen dans un État de droit n'a pas pris en compte les manquements existants : vols, viol, pillages, détournements, injustice, etc. Nous estimons que la jeune démocratie tchadienne, une fois rendue dynamique, les écrivains produiront de textes. C'est pour cette raison que la démocratie est un atout pour la production littéraire et la paix qui conditionne la consommation du livre.

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Nous avons démontré dans ce chapitre que les conflits armés, l'analphabétisme et la corruption sont des facteurs qui ont freinés l'épanouissement de la littérature. Selon le RGPH de 1993, les mamelles de l'économie nationale, l'agriculture et l'élevage sont pratiqués en zones rurales où l'analphabétisme est à plus de 80%. Cela n'est pas de nature à favoriser la création et la diffusion des oeuvres littéraires.

Le Tchad compte plusieurs ethnies qui s'affrontent et se rejettent mais toutes préfèrent garder leurs histoires, leurs exploits et leurs idéologies par la transmission de bouche à oreille. Et de toutes les façons, les langues nationales, comme le démontre Elsa Schifano (2003), restent toujours orales, puis qu'elles ne sont rarement enseignées à l'école.

Le résultat qui nous satisfait est l'amélioration de la situation socio-économique et culturelle du pays. La guerre, à en croire les hommes politiques et militaires, est maîtrisable par un processus national de paix et de réconciliation. Depuis 2000, le gouvernement a fait de la scolarisation gratuite et de la lutte contre la corruption ses priorités. Hélas, « les auteurs ont par conséquent eux-mêmes un rapport éminemment oral avec leur langues nationale et sont des analphabètes dans leur propre langue » (Schifano, 2003 : 56). Le boom pétrolier a permis un flux de production littéraire dans des instances locales, ce qui veut dire que les membres de ces multiples ethnies tchadiennes ont vu la nécessité de se faire connaître par le livre. D'ailleurs, le processus de démocratisation favorise la mise sur pied des instances politiques, économiques et culturelles favorables à l'écriture et à l'éducation citoyenne. Le contexte de production étant connu, il reste à étudier tout ce qui a conditionné la production littéraire.

Cette première partie a dressé un tableau favorable à la réalisation des activités littéraires malgré quelques insuffisances qui pourront être revues et corrigées par les acteurs du champ littéraire. D'une situation politique stable avant les indépendances, le Tchad est arrivé à l'ère de la démocratie, laissant derrière lui un passé instable fait de troubles politico-militaires défavorables à l'institution d'une littérature nationale.

S'agissant des domaines socioéconomique et culturel, l'étude a démontré que de la situation de crises sociales, économiques et culturelles de départ, le Tchad tend vers une amélioration. Nous avons découvert ce qui a freiné l'épanouissement de la littérature tchadienne d'expression française écrite : instabilité politique, crises sociales, économiques et culturelles. Ce résultat nous permet de rechercher dans la deuxième partie, les éléments propulseurs de cette littérature.

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DEUXIÈME PARTIE : CONDITIONS DE PRODUCTION DE LA LITTÉRATURE TCHADIENNE ÉCRITE D'EXPRESSION FRANÇAISE

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Plusieurs facteurs conditionnent la littérature nationale : la production de l'ancien colonisateur avec pour ancrage référentiel le pays, les événements littéraires, historiques et associatifs, la formation des écrivains et leurs distinctions, etc.

Salaka parle de la littérature nationale en termes de centre et de périphérie. Cela se justifie par les conditions de production de la littérature. L'émergence est toujours conditionnée par la dépendance des périphéries au centre, la capitale du pays concerné ou celle du pays de l'ancien colonisateur. Elle est aussi conditionnée par le discours de celui-ci. Il y a un lien entre l'histoire d'une nation et la constitution de son champ littéraire. C'est la dépendance originelle de la littérature à l'égard de la nation-mère qui explique cet état de chose. Le nationalisme africain a, selon lui, développé progressivement une volonté et une fierté d'appartenir à un pays :

En effet, le renforcement de l'indépendance de chaque pays africain s'est accompagné d'une volonté d'affirmation sur le sur le plan culturel; la littérature a un rôle à y jouer comme facteur d'identification et participe à ce que nous avons appelé « lutte patriote » des Africains » (Salaka, 2003 : 4).

Il ajoute qu'« il n'est pas étonnant que cette évolution politique va (sic) avoir des conséquences durables sur l'histoire littérature du pays» (Salaka, 2003 : 61).

Pour le cas tchadien, il y a d'une part, les facteurs littéraires et historiques (les écrits des Blancs ayant séjourné au pays, les événements festifs, associatifs et honorifiques) qui ont été des atouts et d'autre part, les facteurs linguistiques (diversité, bilinguisme mythique, difficulté d'intercommunication), religieux (conflits entre les religions révélées : le Christianisme et l'Islam) et culturels (la difficulté d'asseoir une culture et une littérature nationales avec les diversités culturelles concurrentes) qui apparaissent comme des obstacles à surmonter pour la richesse de la littérature nationale.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984